Archiver pour novembre 2020
Posté le 28 novembre 2020 - par dbclosc
L’enfer et le peak de Dante
Il y a 15 ans, à quelques jours d’un déplacement au Vélodrome et de la « réception » de Manchester United au Stade de France, le LOSC se déplace à Geoffroy-Guichard pour son entrée en lice en Coupe de la Ligue.
Avec une équipe nettement remaniée, le LOSC décroche la première de ses trois victoires obtenues dans le Chaudron cette saison-là. Parmi les deux buteurs, l’un est Brésilien : Dante.
Il a souvent été reproché à Claude Puel de ne pas jouer les Coupes nationales à fond. Mais en ce mois d’octobre, faire souffler les titulaires habituels dès que possible est indispensable face à un calendrier plutôt lourd. Après moins de trois moins de compétition, les Lillois ont déjà joué 15 matchs toutes compétitions confondues. C’est moins que la saison précédente (20 matchs), quand ils avaient dû batailler contre les Biélorusses de Minsk, les Croates de Belupo, les Portugais de Leiria et les Irlandais de Shelbourne pour enfin rejoindre la phase de groupes de la Coupe UEFA. Mais les matchs sont plus relevés. Car, outre les matchs de Ligue 1, il n’est pas ici question de Coupe Intertoto ou de tour préliminaire de C3, mais de Ligue des Champions. Le premier match s’est soldé par une défaite cruelle à Benfica dans les arrêts de jeu (1-0). Les deuxième et troisième match (0-0 contre Villareal et à Old Trafford) ont permis de se rassurer. Mais Lille ne marque pas, ce qui compromet nécessairement les chances de victoire et plus que probablement les chances de qualification.
Alors après une victoire contre le Nantes de Mickaël « lobé » Landreau, Mauro « c’est vrai qu’il a joué à Lille » Cetto et Serge « encore plus long le nez » Le Dizet, le LOSC se replace au classement, passant 5e, et peut fixer ses priorités : le déplacement au Vélodrome peut permettre de mettre à distance un concurrent direct à l’Europe. De plus, certes stérile en Coupe d’Europe et dernier de son groupe, la première place n’est qu’à trois points et est occupée par le prochain adversaire en Ligue des Champions. Aussitôt dit, aussitôt fait (ça n’a pas de sens de le mettre ici, mais ça sonne bien) : la Coupe de la Ligue permettra de donner du temps de jeu à ceux qui en manquent.
Arrivé du Brésil en janvier 2004, Dante obtient rapidement du temps de jeu malgré une acclimatation difficile. Il neige en effet durant toute sa première semaine d’entraînement. Formé dans l’axe, ses prestations sont convaincantes et les résultats de l’équipe s’améliorent avec, entre autres auxquels il participe, une victoire à Louis-II, une victoire contre Auxerre (alors 5e au classement) et une autre restée dans la légende 3-0 sur le terrain d’Ajaccio. Mais il est aussi de la série du printemps, quand l’équipe retombe dans certains travers de début de saison. Dante perd alors sa place de titulaire et réapparaît tardivement (le 16 octobre, contre Bastia). Suivent alors deux titularisations début novembre : le 7 à Istres, lors du premier match officiel de Yohan Cabaye ; le 10 contre Lyon, en Coupe de la Ligue, avec une victoire de prestige après prolongations.
A cette époque, pour ne pas dévaloriser la Coupe de la Ligue, le règlement indique qu’une majorité des joueurs alignés doit avoir fait une apparition lors des cinq derniers matchs officiels de Ligue 1. Il se disait que Puel donnait ainsi du temps de jeu à certains en L1 dans le seul but de les aligner en Coupe.
La particularité de ces récentes apparitions est son nouveau poste : il est arrière gauche, Puel étant échaudé par certaines prises de risque dans l’axe. Ce match contre Lyon sera pourtant son dernier avant celui à Saint-Etienne, 11 mois et 16 jours plus tard. En cause, une pubalgie mal diagnostiquée. Il gardera de cette période une pointe d’amertume : l’équipe s’est mise à tourner en son absence, et la 2e place en fin de saison 2004/2005 a été obtenue sans lui. Avec un nombre de titulaires potentiels resserré, Dante a laissé passer sa chance et doit se contenter des miettes.
Ce 26 octobre 2005, les cadres (Sylva, Tafforeau, Chalmé, Makoun, Bodmer, Acimovic, Odemwingie) sont absents du 11 titulaire, tout comme Dernis, Moussilou ou Kader Keita, réguliers entrants. Seul Vitakic est reconduit, si on compare avec la dernière feuille de match de Ligue des Champions. En pointe, Fauvergue est aligné après un mois de septembre encourageant (4 apparitions, 2 titularisations, un but au Parc des Princes, une passe décisive), soutenu par Aboucherouane, Gygax et Mirallas. Au milieu, Cabaye est la plaque tournante. Derrière, Malicki prend place dans les buts, accompagné de Dante, Vitakic, Plestan, Franquart (1e titularisation) et Lichtsteiner.
Dante, sur corner, ouvre le score au quart d’heure de jeu. Il est imité quelques minutes plus tard par Peter Franquart. Le LOSC se qualifie pour le tour suivant.
Le passage de Dante au LOSC se termine là, ou presque. Une dernière apparition en Ligue 1 face à Bordeaux en décembre, puis une titularisation et une qualification en Coupe de France…à Saint-Etienne. Sans hésitation, mais reconnaissant envers Puel (« Il m’a aidé à gérer mes impulsions, à être agressif ou calme quand il le fallait »), Dante traverse la frontière toute proche pour ravir les supporters de Charleroi (janvier-décembre 2006), puis ceux du Standard (janvier 2007-2009), avec qui il passe proche d’un exploit en tour préliminaire de Ligue des Champions : Dante rate en effet un penalty au match aller (0-0), avant de lâcher son marquage sur Kuyt à la 118’ du match retour (défaite 1-0). Les clubs de Bundesliga sont convaincus et Dante en découvrira trois (Gladbach, le Bayern et Wolfsburg entre 2009 et 2016). Son peak lui permettra d’intégrer la Seleçao et de disputer la Coupe du Monde à domicile, en 2014. En l’absence de Thiago Silva, il est titularisé lors du carnage en demi-finale (défaite 1-7). Il s’agit de sa dernière apparition avec le maillot brésilien.
Posté le 26 novembre 2020 - par dbclosc
Eul main d’Diu
Version locale de la « main de Dieu » : le LOSC aussi marque de la main.
« Un peu avec la tête de Maradona et un peu avec la main de Dieu » : voilà ce qu’a répondu Diego Maradona quand on lui a demandé, à l’issue du match Argentine/Angleterre du Mondial 1986, comment il avait marqué son premier but. Échappant à la vigilance de l’arbitre, Maradona avait ainsi usé de tout son vice et/ou de tout son génie pour marquer un but inoubliable.
S’inspirant des meilleurs, le LOSC n’est pas en reste. En effet, c’est peu connu mais ce miracle a connu plusieurs déclinaisons au sein de notre club favori de la capitale des Flandres : c’est « eul main d’Diu », parfois connue sous l’appellation « Vindious, y est d’dins ».
On peut en effet estimer que, depuis la remontée du club en 2000, le LOSC a inscrit 3 buts de la main. Alors certes, ils n’ont pas le caractère volontaire du fameux geste de Diego, et ils laissent dans la mémoire collective une empreinte moindre, justement parce qu’ils relèvent plus ou moins de l’accident et sont particulièrement moches. Mais bon, c’est but quand même.
On aurait pu ajouter ces buts aux actions surprenantes durant lesquelles il y a eu des failles dans le complot : les arbitres ont en effet considéré que ces buts de la main étaient parfaitement valables. De nos jours, avec la VAR, on peut supposer qu’ils pourraient être refusés.
Voici donc les 3 buts en question.
Hector Tapia, Lille/Marseille, 5 octobre 2002
Corner pour Lille. Centre de Brunel au deuxième poteau pour Abidal qui, cherchant le but, ne le trouve pas et remise involontairement dans l’axe où se trouve El Goleador, qui passe à côté du ballon. Célestini est le premier et, fort généreusement, frappe en force sur notre Chilien qui, cherchant à se protéger, fait un remarquable geste du bassin qui amortit la balle et l’oriente sur son bras gauche, qui conclut.
Suite à ce coup de vice, Hector Tapia prit le surnom de « Bernard Tapia ».
Rafael Schmitz, Nantes/Lille, 14 mai 2005
Corner de Dernis : aux 6 mètres, Rafaël effleure le ballon du crâne, juste suffisamment pour le dévier sur son avant-bras, et le LOSC reprend l’avantage. Landreau, lui, a tout vu, mais le but est bel et bien accordé. Ce match a par ailleurs été marqué par le but-fantôme de Nicolas Savinaud, et décidément on a bien rigolé.
Le but à 1’10 :
Rio Mavuba, Lille/Guingamp, 18 octobre 2014
Mavuba décale sur Origi côté droit, qui fixe et centre vers Frey. Talonnade du Suisse vers cap’tain Rio qui contrôle et tente un pointu dégueulasse contré par un arrière. Fortuitement, le ballon rebondit alors sur le coude droit de Rio, frappe le sol et finit tranquillement dans les filets. L’action est sublimée par le geste du gardien qui tente une manchette arrière plus efficace pour chasser les guêpes que pour arrêter une balle. Ce but, qui confirme l’adage « un but de Mavuba, non seulement c’est rare, mais en plus c’est moche », est 17e de notre top-buts à la con.
En hommage à Maradona, Mavuba se fait dès lors appeler « Maravuba ».
Posté le 24 novembre 2020 - par dbclosc
1919 : Milan, une si longue attente
En septembre 1919, après plus de 5 ans sans match officiel, l’Olympique Lillois, champion de France 1914, est en pleine préparation de la saison 1919/1920. Encore tout auréolé de son aura acquise avant-guerre, l’OL organise une série de rencontres amicales contre de prestigieux adversaires. Parmi eux, le Milan FC.
Après sa création en 1902, L’Olympique Lillois (OL) monte progressivement en puissance à partir de 1906 sous l’impulsion de son président André Billy, raflant quelques titres régionaux et obtenant des succès de prestige lors de rencontres amicales contre des clubs Belges et parisiens. L’année 1914 apparaît comme l’aboutissement du travail des années précédentes : c’est le triomphe du football lillois d’avant-guerre. L’Olympique Lillois (désormais dirigé par Henri Jooris), après avoir remporté le championnat du Nord, puis le championnat de France USFSA (fédération à laquelle le championnat du Nord est rattaché), remporte le Trophée de France, qui met aux prises les vainqueurs des 4 fédérations. Ce 26 avril 1914, Lille est au sommet, et rien ne semblait devoir résister à la domination lilloise sur le football français : « il est à craindre que le trophée national ne revienne de sitôt à Paris », écrit l’Auto au lendemain du triomphe de l’OL, une crainte « parisienne » qui sonne comme la promesse d’un avenir radieux pour le football nordiste. Et au-delà des succès de l’OL, l’équipe du Nord, à travers ses « Lions de Flandres », a largement triomphé de la sélection parisienne en janvier 1914 ; durant ce même mois, l’équipe de France s’est pour la première fois déplacée hors de Paris : au stade de l’avenue de Dunkerque, la France a battu la Belgique 4-3. Le football nordiste, représenté par Henri Jooris, est au faîte de sa gloire nationale.
26 avril 1914 : l’équipe lilloise vainqueur du Trophée de France
Mais la guerre met un coup d’arrêt à cette domination durable annoncée. Dès le mois d’août 1914, les jeunes hommes, parmi lesquels bon nombre de footballeurs, sont mobilisés, et les compétitions sont arrêtées. Sur les différents champs de bataille, de nombreux footballeurs trouvent la mort, parmi lesquels les Lillois Alphonse Six, redoutable avant-centre Belge, le gardien Elie Carpentier, ou le milieu Jacques Mollet ; d’autres, comme le défenseur Jean Degouve, ont été amputés et sont donc désormais inaptes au football.
Durant la période de conflit, dans le Nord (constamment occupé), on note seulement l’organisation du « challenge Deffrennes » en 1917, avec notamment le RC Roubaix, et ce même RC Roubaix parvient à organiser un tournoi à Pâques 1917. Du côté maritime, à Boulogne, le « challenge de l’Entente cordiale » permet de voir triompher durant 4 ans des équipes composées de militaires britanniques. Alors que d’autres régions françaises sont parvenues à faire revenir le football dès 1916, ce n’est qu’après la Libération du Nord en octobre 1918 que l’Olympique Lillois retrouve les terrains. L’OL n’a ainsi pas pu participer (de même que les clubs d’Alsace-lorraine) à la nouvelle « coupe Charles Simon » dite « coupe de France », dont la première édition en 1917/1918 a vu la victoire de Pantin. En raison de la libération tardive de la région, les nordistes n’y sont pas davantage présents en 1918/1919, et le championnat du Nord n’a pas non plus repris. Les principales équipes nordistes (OL, Roubaix, Tourcoing) organisent quelques rencontres amicales contre les garnisons militaires britanniques encore présentes.
Mais cette fois, la reprise est proche ! Le football français est en cours d’unification, avec la création de la Fédération Française de Football Association en avril 1919, et la nouvelle Ligue du Nord s’est réunie pour la première fois en juillet. Le 9 août, un éditorial de la Vie Sportive du Nord et du Pas-de-Calais se réjouit du retour imminent des compétitions : « comme les dimanches nous semblent vides et ennuyeux sans notre régal hebdomadaire : la bonne partie de football disputée avec un acharnement courtois par des équipes de presque égale force! Que d’heures émouvantes vécues autour des divers terrains de la région ! Quand les revivrons-nous ? Bientôt, mes amis ! Bientôt, mes amies ! (…) L’impatience de retourner aux matchs de football est d’autant plus vive que la saison prochaine s’annonce particulièrement brillante. Tous nos grands clubs de Lille, Roubaix, Tourcoing, Boulogne, Calais et Dunkerque se préparent avec fièvre. Des équipes plus formidables les unes que les autres sont constituées. Des Parisiens, des Belges, et des Anglais viennent les renforcer ». Bien entendu, l’ombre des disparus plane : « Hélas ! Il y a des trous à boucher : nous ne reverrons plus les Dujardin, Carpentier, Deffrennes. Matisse, Denis, Six, Mollet, Morin, Chassaing, François Dussart, et tant d’autres dont les noms m’échappent, morts au terrain d’honneur. Les glorieux mutilés (sic) tels que Moigneu et Degouve devront rester sur la touche ».
Le football nordiste d’après-guerre tente donc de se reconstruire, et fait même du lourd tribut qu’il a payé un argument pour souligner son rôle social, ce à quoi Henri Jooris, notamment, s’emploiera, en cherchant à obtenir des réparation pour les veuves des sportifs, et en arguant de la contribution du football nordiste à la victoire de 1918. Sur le terrain, les inconnues restent nombreuses : l’OL parviendra-t-il à maintenir son rang ? Comment remplacer les joueurs disparus ? Le football nordiste a-t-il pris un retard difficilement rattrapable sur les autres régions qui ont repris le football plus précocement ? Comment se comporteront les Lions de Flandres ?
L’OL remet son titre en jeu
« À tout seigneur, tout honneur », la Vie Sportive débute sa « revue des clubs » le 16 août par la présentation de l’OL, « champion de France en titre » : en effet, les quelques compétitions organisées durant le conflit, y compris la nouvelle coupe de France, censée remplacer le « Trophée de France », sont des compétitions dites « de guerre » : elles ne sauraient donc ravir à l’OL son titre acquis avant-guerre dans des circonstances « régulières ». Même si les formats ont changé, l’OL remet donc officiellement son titre en jeu en cette saison 1919/1920. Quelques nouveautés en cette rentrée : d’abord, l’OL a absorbé le Club Lillois ; dès lors, selon l’hebdomadaire sportif régional, « l’Olympique Lillois prenait déjà les allures d’un grand club avant la guerre. Sa fusion avec le club lillois lui permet maintenant d’avoir quelques prétentions (…) D’abord, il prétend rester champion de France » ; ensuite, le terrain de l’avenue de Dunkerque est officieusement rebaptisé « terrain d’honneur », tandis que le terrain du Club Lillois, à la Laiterie (aujourd’hui stade Guy-Lefort à Lambersart), accueillera les équipes de jeunes de l’OL ; enfin, au niveau de l’effectif, Chandelier, Jonvel, Graveline, Montagne, H. Vignoli, Douchet et Lebrun sont toujours là. Loir, qui était déjà au club, est intégré à l’équipe première, tandis que des jeunes tels que Courquin, Betrencourt, Marcel Vignoli, Delneste, Duponchelle sont appelés à avoir un rôle grandissant dans l’équipe première. Eloy, lui, s’estime trop âgé et arrête le foot : il s’installe en tant que médecin à Anor. Le club a par ailleurs recruté le Britannique Buzza (dont l’amateurisme marron fera tomber Henri Jooris dans les années 1920), Duvilier, Favart. Même si « jamais l’issue de la lutte n’a paru moins certaine », sur le papier, cet OL a fière allure : « vous concevrez que l’OL peut défendre son titre dans la coupe de France et en tout cas représenter honorablement le Nord dans toutes les compétitions ».
En l’occurrence, ces compétitions sont les suivantes : le championnat du Nord, bien entendu ; la coupe de France ; et quelques rencontres amicales interligues et internationales. Les matches amicaux d’avant-saison vont bien refléter cette diversité d’oppositions.
D’ici la reprise du championnat, le 12 octobre 1919 contre Roubaix, 6 rencontres sont prévues car « ce serait mal connaître les dirigeants de l’Olympique Lillois que de croire qu’ils vont s’endormir sur leurs lauriers. Ils travaillent en silence à l‘élaboration d’un magnifique calendrier » (La Vie Sportive, 5 septembre) : le 7 septembre contre la base anglaise de Calais, une équipe de militaires écossais ; le 14 septembre contre le Daring de Bruxelles, champion de Belgique ; le 18 septembre contre le Milan FC ; le 21 septembre à Paris contre le Cercle Athlétique ; le 28 septembre contre la base anglaise de Dunkerque, une équipe de militaires anglais ; et enfin le 5 octobre contre le Club Athlétique de la Société Générale de Paris, vainqueur de la coupe de France 1919. Ce dernier match sera finalement remplacé par un match au Havre, champion de guerre 1918, le championnat parisien reprenant finalement le même jour que la date initialement fixée pour le match contre Lille.
Milan, le Tourcoing de Lombardie
Après deux défaites initiales (victoires de la base anglaise de Calais 3-1 et du Daring 2-0), l’OL reçoit une troisième équipe : le Milan FC. Le club italien vient de changer de nom : il s’appelait jusqu’alors le Milan Football and Cricket Club, puis se transformera en Milan Associazione Sportiva (1936) avant de prendre son nom actuel Associazione Calcio Milano en 1939. La Vie sportive se réjouit de la venue des Italiens : « pour la première fois, nous verrons dans le Nord une grande équipe d’Italie ». À cette époque, comme en France, le championnat d’Italie est amateur et n’est pas unifié. Lors du dernier championnat, interrompu en 1915, le Milan, champion de Lombardie centrale et d’Emilie, était en train de disputer la finale du tournoi principal, équivalent italien du Trophée de France, avec Le Torino, l’Inter Milan et le Genoa. En outre, le Milan a participé à la Coppa Federale en 1915, qui concernait les villes italiennes « non directement touchées par la guerre », tournoi que Milan a remporté. Avec ces données et le palmarès italien des années 1910, on peut raisonnablement estimer que le Milan FC, s’il n’a pas le prestige de l’Inter, du Genoa ou de Pro Vercelli, est en déclin (après des titres en 1901, 1906 et 1907) mais constitue encore en effet une des meilleures équipes italiennes. C’est en quelque sorte l’US Tourcoing d’Italie. Mais les mêmes questions que pour l’OL se posent : quel est désormais le niveau du Milan après ces années d’inactivité ? Les Italiens reviennent d’une tournée en Belgique où ils ne se sont inclinés que d’un but contre l’Union Saint-Gilloise, ce qui semble là aussi situer une bonne équipe.
Le match OL/FC Milan, comme tous les matches de préparation de Lille à domicile, est joué au profit « du monument à édifier aux athlètes lilllois morts pour la France ». Symbole de l’union des pays vainqueurs de la guerre – et raison toute pratique au moment où les effectifs ne sont pas constitués -, les Milanais alignent dans leur équipe Louis Van Hege, qui vient de resigner à l’Union Saint-Gilloise après 9 ans au Milan1. Contre les Ecossais, les Lillois comptaient dans leur rang le capitaine Bell, avant-centre de Woolwich Arsenal. Pour ce match contre Milan, l’OL aura le concours du Roubaisien Raymond Dubly présenté comme « notre petit prodige nordiste » (La Vie Sportive, 29 août)
Les Italiens ont été accueillis en mairie où la bienvenue a été lancée à « nos amis latins ». Signe de la domination du football belge et britannique à l’époque, le match contre le Milan ne suscite pas autant d’enthousiasme et de couverture dans la presse régionale que les confrontations contre le Daring ou les militaires. On trouve cependant un bref compte-rendu du match dans le quotidien national L’Auto. Voici la composition de l’OL :
Lebrun ; Duvillier, Leclercq ; Montagne, Duponchelle, Douchet ; Dubly, Chandelier, H Vignoli, Delnest, Petit.
Contre une « équipe italienne de première force », « les joueurs [lillois] se montrèrent surtout vifs et très adroits sur la balle » (La Vie Sportive, 19 septembre). À la pause, l’OL mène 2-0, grâce à des buts de Maurice Douchet, reprenant un corner de Dubly, puis de ce même Dubly : « comme toujours notre phénomène fut très brillant ». En seconde période, les Lillois reculent progressivement : « dans les dernières 20 minutes, la défense lilloise, très à l’ouvrage, faiblit » (L’Auto, 20 septembre) et finit par encaisser un but de la tête sur corner. À l’issue d’une « superbe partie » (L’Auto), l’OL bat Milan 2-1. Le Grand Echo du Nord de la France souligne que « en dépit du score, les Milanais ont assurément été à la hauteur de l’équipe que nous leur opposions (…) on peut seulement leur reprocher un manque de « finish » devant les buts. Sans cela, ils eussent marqué à plusieurs reprises surtout à la fin ». La Vie Sportive concède qu ‘« un match nul aurait plus fidèlement rendu la physionomie de la partie ». Le Grand Echo fait enfin part d’une action qui nous paraît bien mystérieuse sans explication supplémentaire, mais ça a l’air très gentil : « soulignons en outre un beau geste de la part [des Italiens] : ils n’ont pas voulu profiter d’un pénalty dans la première mi-temps ».
L’équipe de l’Olympique Lillois le 1er février 1920 à Paris pour son 8e de finale de coupe de France contre l’Olympique de Paris (2-1)
Alors, où en est l’OL ?
Cette première victoire en match de préparation, la première depuis tant d’années dans un contexte « normal » semble convaincante : le Grand Echo souligne que « le onze lillois fut homogène » ; la Vie Sportive note que « l’Olympique Lillois se met progressivement en forme et a opposé une belle résistance », et l’Auto prédit que Lille « s’annonce redoutable cette saison ». Cette victoire prend d’autant plus de valeur après que les Italiens, 3 jours plus tard, battent l’Association Sportive Française à Paris (1-0). La suite des matches amicaux de l’OL laisse une impression incertaine : si le nul obtenu contre le CA Paris (1-1) fait « excellente impression » pour le Grand Echo, si Lille bat facilement les Britanniques de Dunkerque (4-0) puis obtient le nul face au Havre (1-1), se plaçant ainsi dans les meilleures conditions avant le début du championnat, l’équipe ne semble pas avoir l’éclat qu’elle s’était construit avant-guerre : « les champions de France ont à présent une défense capable de sauvegarder le trophée. On ne saurait en dire autant de la ligne d’attaque » (La Vie Sportive)
Et en effet, même si l’OL cartonne pour la reprise du championnat contre Roubaix (victoire 6-2 ; « un score très flatteur qu’ils doivent à la faiblesse du goalkeeper roubaisien Messien, lequel aurait dû parer 3 des buts rentrés contre son équipe », Le Grand Echo, 14 septembre), le club termine deuxième et ne parvient donc pas à conserver son titre nordiste, en dépit de deux victoires contre le champion du Nord (US Tourcoing). Sur le plan national, la période marque également le déclin du football nordiste en général : la coupe de France, qui permet désormais d’évaluer les rapports de force nationaux, sourit peu aux Nordistes : Roubaix et Boulogne sont éliminés en 16e, et l’OL, dernier survivant, en quart.
Dans le Nord, en football aussi, l’heure est à la reconstruction.
L’équipe de l’Olympique Lillois le 7 mars 1920 à Paris pour son quart de finale de coupe de France contre Cannes (1-2)
Note :
1 Ce retour en Belgique est un soulagement pour Louis Van Hege. En effet, ses compatriotes cesseront désormais de lui faire la blague :
_ « Alors, t’habites à Milan ?
_Oui !
_Eh bien, bon anniversaire ! »
Posté le 4 novembre 2020 - par dbclosc
Milan/Lille 2006 : l’atout San Siro
La troisième participation du LOSC à la Ligue des Champions permet enfin de passer l’obstacle des poules : pour la première fois de son histoire, le club nordiste atteint les huitièmes de finale de la compétition à la faveur d’une victoire à Milan qui, du haut de son prestige, était certainement le meilleur adversaire à prendre à ce moment-là pour se qualifier.
Au printemps 2006, le LOSC termine 3e du championnat, se qualifiant ainsi pour le troisième tour préliminaire de la Ligue des Champions. Après avoir sorti les Macédoniens de Skopje au cours de l’été (3-0 ; 1-0), voilà les Dogues dans la plus prestigieuse des compétitions européennes pour la troisième fois de leur histoire, et pour la deuxième année consécutive. Le tirage au sort de la poule se fait au retour de Macédoine : ce sera le groupe H, avec le Milan AC, l’AEK Athènes et le RSC Anderlecht. La plupart des observateurs s’accordent pour considérer que l’ogre du groupe est le Milan AC ; mais à part ce redoutable adversaire, le LOSC a toutes ses chances : « hormis le Milan AC, intouchable sur le papier, Lille a hérité, avec l’AEK Athènes et Anderlecht, d’un groupe H ouvert qui pourrait l’amener en huitièmes de finale » (La Voix du Nord, 25 août 2006). Déjà vainqueur de la compétition à 6 reprises, Milan passe en effet pour un adversaire injouable, et Lille serait donc bien inspiré de prendre des points contre ses adversaires grec et belge ; on se rappelle en effet que lors de la première campagne (2001/2002), la défaite au Pirée (1-2) avait pesé lourd, tandis qu’en 2005/2006, l’incapacité à battre Villareal ou Lisbonne (et à marquer des buts…) avait anéanti tout espoir de passer. Il avait fallu compter sur la défaillance de Manchester (4e du groupe) pour poursuivre en Europa League. Cette année, difficile d’imaginer que Milan laissera la première place ! Claude Puel rappelle que « les Italiens ont une autre culture tactique que les Anglais, ils sont beaucoup plus costauds et habitués à affronter un collectif et des blocs. Milan devrait logiquement se qualifier. Mais à part cette grosse affiche, c’est un groupe homogène où les trois autres clubs peuvent disputer la deuxième place ». Profitons donc plutôt de Milan pour jouer un match de gala et gagner en expérience ; Nicolas Plestan en est tout esbaudi : « c‘est le plus grand club du monde. C’est vraiment fabuleux ».
Objectif 8es
L’AEK a terminé deuxième de son championnat ; comme la plupart des clubs grecs, a priori ça joue comme des quiches à l’extérieur et c’est injouable à la maison où règne une grosse ambiance ; quant aux Belges, champion de Jupiler League, la VDN rappelle à juste titre que « le lustre du champion de Belgique se conjugue surtout au passé ». Le LOSC, fort de son expérience de l’an passé, semble davantage rodé pour cette nouvelle campagne. Grégory Tafforeau souligne qu’« on sait un peu plus où on va. On est forcément plus ambitieux. Notre équipe a davantage d’arguments offensifs, on a les moyens de passer ». Claude Puel est encore plus clair : l’équipe a des repères, et les ambitions sont de sortir de la poule : « le challenge, c’est de confirmer, et ça veut dire passer ».
S’il reste donc difficile de prédire l’issue de la poule, on peut tout de même trouver quelques éléments objectifs qui font du LOSC le favori pour la deuxième place, à moins que l’AEK ou le RSCA ne révèlent un talent inattendu : « les matches diront si on a une chance de se qualifier. La saison dernière, après le tirage, on avait dit que notre groupe était le plus faible. À la fin, il s’est avéré le plus costaud » avance prudemment le coach. Ou que l’éternel problème du stade ne pénalise un LOSC en manque de repères : après le stade de France en 2005/2006, le LOSC jouera cette fois à Bollaert, comme en 2001/2002, ce qui satisfait plutôt le capitaine Tafforeau, qui y avait d’ailleurs marqué, contre Le Pirée : « à Bollaert, le public a beaucoup plus l’impression de participer qu’au Stade de France. Les ambiances ressemblent beaucoup plus aux gens du Nord. On sait qu’on y sera beaucoup plus soutenus ».
Une campagne moyenne
La phase de poules commence de manière fort correcte, avec un nul à Anderlecht, soit le minimum qu’on espérait obtenir, puis un nul contre Milan, soit le maximum qu’on espérait obtenir. Comme attendu, le LOSC s’impose ensuite contre les Grecs à Bollaert, sur la fin (3-1). Le LOSC compte 5 points en 3 matches et peut presque régler l’affaire en se déplaçant à Athènes ; malheureusement, le LOSC tombe (0-1) là où il s’était imposé en UEFA 2 ans avant (2-1). Cependant, une victoire contre les Belges placerait de nouveau les Lillois en position très favorable : mais même après avoir mené 2 fois, ils concèdent le nul (2-2) pendant que les Grecs battaient les Milanais (1-0). Avant la dernière journée du groupe, la situation n’est pas désespérée mais « les Lillois ont fortement compromis la qualification en huitièmes de finale » note la VDN (22 novembre) : les Lillois sont désormais 3e du groupe.
Milan AC |
10 |
+6 |
AEK Athènes |
7 |
+1 |
LOSC |
6 |
-3 |
Anderlecht |
3 |
-4 |
Milan est déjà qualifié et assuré de la première place du groupe. Derrière, tout reste possible et le LOSC peut aussi bien finir 2e, 3e, ou 4e…
Le LOSC terminera 4e s’il perd à Milan et qu’Anderlecht gagne ;
Le LOSC terminera 3e s’il fait le même résultat à Milan qu’Athènes à Anderlecht ; mais cette hypothèse ne vaut que pour une victoire ou nul. Si c’est défaite pour les deux, Lille est 4e.
Le LOSC terminera 2e s’il gagne à Milan et qu’Athènes ne gagne pas ; ou s’il fait match nul et qu’Athènes perd.
Au lendemain du nul contre Anderlecht, la VDN n’envisage même pas d’aller gagner à San Siro puisque n’est évoquée qu’une seule possibilité : « il faudra être capable de ramener un point de San Siro, le 6 décembre, devant un AC Milan déjà qualifié, et compter sur un résultat d’Anderlecht devant Athènes » (22 novembre). La campagne qui avait si bien débuté semble devoir se terminer comme les deux précédentes : par une élimination précoce.
En passant par la Lorraine
En attendant de se plonger pleinement dans ce match à Milan, retour au championnat, où Lille navigue entre les 2e et 4e places, loin derrière le leader lyonnais. Après Anderlecht, le LOSC fait nul contre l’ASM (1-1), et doit se rendre à Nancy 3 jours avant d’affronter Milan : le match est diffusé le dimanche soir sur Canal +. Bien que lorraine, l’équipe nancéienne n’est pour le coup pas une quiche : elle joue même l’Europa League et vient de battre Feyenoord 3-0. L’ASNL est invaincue à domicile depuis le début de saison, et n’y a perdu que 2 points, contre Rennes. Autant dire que Nancy, 6e, est un gros morceau. Conscients du danger qui guette (avoir la tête à Milan), les Lillois assurent qu’ils seront « à 100% sur ce match ». Kevin Mirallas dit que « le coach a bien insisté pour qu’on ne pense qu’à Nancy, et nous savons, de toute façon, que le meilleur moyen de préparer Milan, c’est de gagner en championnat, ça nous permettrait d’arriver en Italie en confiance ».
Le déplacement à Nancy permet de souligner le travail fait par le LOSC au niveau national depuis quelques saisons : la presse nordiste souligne en effet que Nancy ressemble à Lille (un groupe jeune, beaucoup d’éléments formés au club, des moyens limités), et Claude Puel abonde : « nous sommes des précurseurs, et pas seulement par rapport à Nancy. Lyon est un modèle inaccessible pour beaucoup. Notre parcours, en revanche, a montré qu’une équipe pouvait avoir des ambitions quels que soient ses structures et son budget. Je crois que nous avons donné des idées à beaucoup de monde ».
Le LOSC est privé de Audel, Dumont et Franquart, tandis que Bastos et Vitakic ne sont pas retenu dans le groupe. Puel part avec une ambitieuse attaque Robail/Fauvergue/Youla et laisse Keita, Odemwingie, Chalmé et Cabaye sur le banc. Après que le président de Nancy a présenté au public ses excuses aux commerçants de la ville après le passage des « barbares hollandais » dans la semaine, le match commence.
Le LOSC domine la première période mais ne marque pas. Et comme Nancy non plus, ça fait 0-0 à la pause. En seconde période, le LOSC passe d’abord un sale quart d’heure, au cours duquel Nancy marque suite à une frappe déviée par Plestan (52e). Après avoir fait le dos rond, les Dogues repartent vers l’avant et égalisent grâce à un bon pressing de Youla qui sert Bodmer (1-1, 63e). Quelques minutes plus tard, Tafforeau sort sur blessure (68e) ; sur le coup-franc, Mathieu Debuchy marque un but « beau » et « con » à la foiiiiiis (1-2, 69e)
Nancy domine à nouveau, se crée quelques occasions, et à un quart d’heure du terme, nouvelle tuile : Tony Sylva se blesse, fracture de l’annulaire de la main gauche. Greg Malicki le remplace. En fin de match, Youla ajoute un troisième but, son premier avec le LOSC : « ça fait super plaisir, maintenant mon objectif est d’essayer de marquer, pourquoi pas, à chaque match ». Bon. Le LOSC s’impose 3-1, et Keita et Odemwingie sont restés sur le banc. Même si les blessures n’ont pas permis à Claude Puel d’effectuer les changements qu’il aurait souhaité et que Sylva sera absent plusieurs semaines, c’est une satisfaction côté lillois : en mettant fin à l’invincibilité nancéienne à la maison, le LOSC a fait forte impression. Le groupe reste à Nancy jusqu’au lendemain avant de s’envoler pour Milan.
Milan/LOSC : deuxième !
Si l’histoire européenne du LOSC est encore modeste, cette affiche constitue le deuxième « remake » continental des Dogues puisqu’après avoir déjà joué Manchester en 2001 puis en 2005, le LOSC s’apprête à se rendre à San Siro pour y affronter le Milan AC pour la deuxième fois. La première fois, c’était en 1951, pour la coupe Latine, une sorte d’ancêtre de la Ligue des Champions. Bien que non-champion, le LOSC y avait participé, profitant du retrait de Nice, qui dans le même temps avait préféré disputer la Copa Rio au Brésil. À Turin, Lille avait d’abord battu le Sporting Portugal (1-1 ; 6-4), avant de s’incliner lourdement en finale contre Milan (0-5), mais avec 250 minutes dans les jambes et un jour de récupération en moins, un complot dont on a parlé ici.
Avantage Lille ?
Le LOSC atterrit à Milan mardi 5 décembre. Au-delà du terrain, le LOSC pourrait profiter d’un contexte qui lui est plutôt favorable : les supporters italiens se désintéressent du match : bien que bradées à 1€ pour les abonnés, les places ne partiront pas toutes, et les Dogues n’auront pas à redouter une ambiance milannaise qui, même dans un stade plein, est rarement hostile. Ainsi, Gérard Houiller, battu à Milan avec Lyon quelques mois avant, souligne : « ce n’est pas le pire des stades que je connaisse en matière d’accueil. Il serait même assez agréable. J’ai connu des ambiances plus difficiles; à Bucarest et à Athènes (Olympiakos) notamment. Mon sentiment est que Milan a un bon public, pas agressif, pas vindicatif et que là-bas, on se sent bien. Je ne sais pas comment il sera, ce soir, en raison des derniers résultats du Milan. Mais, « a priori », il ne faut pas se faire une montagne de San Siro » (VDN, 6 décembre).
Les Milanais sont en outre privés de Dida, Cafu, Nesta, Costacurta, Serginho, Favalli, Gattuso, tous blessés, tandis que Kaka et Ambrosini reviennent juste de l’infirmerie.
De plus, Milan, déjà qualifié, a probablement la tête ailleurs : « on peut être tenté aussi d’imaginer qu’à partir du moment où leur qualification est acquise, les Milanais seront enclins à ne pas jouer avec la même rage, ni la même inspiration que s’il s’agissait d’un match couperet » (VDN, 6 décembre). Après le match Lille/Anderlecht, l’entraîneur Belge, Franky Vercauteren, avait fait part de sa déception à l’égard de la performance milanaise à Athènes (les Italiens venaient de perdre face à l’AEK Athènes) : « je suis sûr que ce soir , Milan l’a joué « tranquille » et je ne me fais pas d’illusions pour le dernier soir… ».
On peut aussi souligner que le Milan AC est probablement encore perturbé par l’affaire de corruption des arbitres qui lui a valu de démarrer la saison avec huit points de pénalité. Bref, le Milan AC a vu son image quelque peu ternie.
Enfin, depuis son retour en coupe d’Europe en 2001, le LOSC a toujours gagné en Italie (à Parme puis à Florence).
Bon, on essaie de se rassurer, et la Voix du Nord souligne d’ailleurs le jour du match que Lille est « face à son Everest ». Mais tout de même, un Everest qui ne semble pas au sommet. Dès lors, ne vaut-il pas mieux jouer la qualif à Milan plutôt qu’à Athènes ?
Le gros titre en haut n’est pas lié au football (sauf en cas de victoire)
Comment jouer ?
L’un des arguments exposés précédemment est toutefois réversible : un match sans enjeu, avec quelques joueurs habituellement remplaçants, peut tout aussi bien être une source de motivation pour qui veut gagner une place de titulaire : « rien ne dit que les joueurs [de Milan] n’auront pas en eux le souci et la fierté de balayer de leur esprit une série de matchs sans saveur » (VDN, 6 décembre). Lille, quoi qu’il en soit, doit ramener au moins un point ; la tentation est forte de jouer « à l’italienne » et de tenter le 0-0… Scénario impensable pour Claude Puel : s’il veut basculer en huitièmes de finale, le LOSC devra le faire avec panache, c’est-à-dire qu’il devra se donner les moyens d’y arriver, en espérant par ailleurs qu’Anderlecht fasse le travail. Puel demande donc à ses joueurs de développer leur jeu, sans miser sur une quelconque prévision hasardeuse : « on n’a pas encore la maturité pour jouer le nul. Nous allons donc faire comme d’habitude mais avec l’ambition de s’imposer, même si c’est à Milan. Le LOSC a un an de plus en Ligue des champions et le contenu de nos matchs n’a plus rien à voir avec celui de la saison dernière. On est plus présents, plus entreprenants. Quant à Milan, je ne m’attends pas à une baisse de régime de sa part dans ce contexte-là ». Gégé Houiller considère également que le LOSC doit avant tout miser sur ses atouts : « si j’avais un conseil à donner à Claude, je lui dirais de n’avoir aucune crainte et surtout aucun complexe. On a tendance, en France, à créer des « monstres » imaginaires. Personnellement, j’avais été surpris et déçu par le contenu des papiers de la presse lyonnaise avant notre match. Ça m’avait même choqué de voir à quel point on décelait des menaces, à mes yeux, disproportionnées (…) Quand je vois la prestation de Lille à Nancy, je me dis que Puel et ses hommes auraient tort de se sentir gênés ».
Devant 27 000 spectateurs dont environ un millier de supporters lillois, le LOSC évolue… en jaune. En début de saison, le nouvel équipementier avait d’abord proposé un maillot rose « pour les matches de gala », avant de se rabattre sur « un jaune plus neutre » mais tout aussi moche. Avec un peu d’imagination, on peut y voir une référence aux Flandres. Voici la composition lilloise :
« Chapeau ! »
Le début de match laisse peu de doute quant aux intentions des Lillois, qui jouent et pressent haut. Dès les premières minutes, Keita est proche de chiper un ballon à la défense milanaise : « non seulement le LOSC était bien calé dans ses responsabilités, mais encore jouait-il sur des bases ne laissant planer aucune ambiguïté quant à la consistance de ses aspirations. Un football direct, frais et même percutant » (VDN, 7 décembre). Logiquement, les Nordistes ouvrent le score après une lourde frappe de Bodmer mal repoussée par Kalac, qu’Odemwingie propulse au fond (0-1, 8e).
Lille maîtrise le match, même si Malicki s’emploie sur un coup-franc de Pirlo (22e) : Odemwingie (23e), Keita (24e) et Cabaye (30e) rappellent la cohérence du plan lillois. Dès la reprise de la seconde période, Odemwingie, lancé par Makoun, n’obtient pas le pénalty qui aurait légitimement dû être sifflé. Kalac détourne ensuite en corner un tir lointain de Debuchy (53e). Les entrées de Kaka et de Seedorf donnent davantage la possession aux italiens, qui tapent la barre par Inzaghi (60e). Mais Lille ne tremble pas et marque logiquement un deuxième but, à la suite d’un une-deux entre Bodmer et Keita (0-2, 67e).
Juste avant le deuxième but lillois, Anderlecht a marqué un deuxième but contre Athènes (2-0). Tout semble aller pour le mieux, et Lille déroule, manquant de marquer un troisième but par Bodmer, puis par Cabaye, qui trouve la transversale (73e).
Problème : à Bruxelles, Athènes a égalisé en 6 minutes (buts aux 75e et 81e). Les 10 dernières minutes, tranquilles sur le terrain à Milan, semblent interminables si l’on regarde ce qui se passe en Belgique, mais plus rien n’est marqué. En gagnant à Milan pendant qu’Athènes ne gagnait pas, le LOSC est en 8e de finale de Ligue des Champions ! Qui plus est, le nul des Grecs rend la victoire lilloise d’autant plus belle : si Lille passe, c’est bien pare qu’il a gagné, et non parce que les autres ont défailli.
La Voix du Nord salue des Lillois « plus mûrs dans le jeu et surtout plus efficaces », qui ont joué avec « une envie, un calme et un sang-froid remarquables » ; « un match de haute volée » ; « Chapeau ! ». C’est le premier succès d’un club français à San Siro (rappelons qu’entre autres Lens y a perdu en 2002). Seule ombre au tableau : Keita, averti, manquera le 8e de finale aller.
La reconnaissance
Même si le LOSC était déjà parvenu à réaliser quelques performances qu’on peut qualifier d’exploits (la victoire à Parme, la seule campagne 2001/2002, le parcours européen en 2004/2005, la victoire contre Manchester en 2005), il manquait toutefois au club une performance un soir om il serait attendu. Or, cette fois, avec la pression du résultat et chez un grand d’Europe, Lille n’a pas tremblé et il est difficile de soutenir que cette victoire est un accident : elle est l’illustration concrète que le club a franchi un cap, en faisant mieux que la saison précédente. Sans les minimiser, il ne suffit donc pas de quelques « coups » pour avoir une reconnaissance extérieure : il faut inscrire les performances dans la durée et savoir répondre présent quand on est attendu. La Voix du Nord se réjouit que « Lille existe enfin » ; pour La Croix, « Lille entre chez les grands » ; « Les Lillois se sont imposés là où aucun club de l’Hexagone ne l’avait emporté, ni l’OM de Jean Pierre Papin, ni le PSG de George Weah, ni l’OL de Jean-Michel Aulas » qui, contrairement à ce que laisse penser la construction de la phrase, n’était pas sur le terrain (Libération) ; même la presse italienne souligne une « victoire historique mais logique de Lille » (Gazetta dello Sport). Finalement, il n’y a que du côté de Lens que çà bougonne : l’entraîneur Francis Gillot signale : « je n’ai pas vu le match car j’étais en observation sur un autre stade, mais j’ai lu ce matin dans les journaux que Lille était devenu un grand d’Europe. Il paraît qu’ils ont fait un bon match. Félicitations à eux ». Bon, apparemment il garde quelque rancoeur du 4-0 pris en août.
Pour la Voix du Nord, faire partie des 16 meilleures équipes européennes, « c’est toute l’histoire contemporaine du club nordiste qui vient de basculer ». Cette nouveau statut interpelle encore (« on est un peu la curiosité », souligne Puel), mais constitue la maturation logique de la politique sportive du club, même si l’entraîneur considère que quelques étapes ont été grillées : « il est évident que, sportivement, on est en avance par rapport aux structures du club mais on ne pouvait décemment pas programmer tout ce que l’on a fait depuis trois ans. Suivre une telle progression en passant d’un budget de 19 à 35M€, frais de formation compris, c’est exceptionnel ! (…) J’espère que ce ne sera qu’un épisode car on a l’ambition de grandir encore, de passer ce cap-là, d’être reconnu… Je ne sais vraiment pas jusqu’où on peut aller. Ce qui fait notre force, c’est la cohésion et l’état d’esprit. Si les joueurs ont beaucoup progressé, on sait aussi que nous ne sommes pas encore au niveau de nos futurs adversaires potentiels sur le plan individuel. Milan n’est donc pas un aboutissement. C’était un objectif. On l’a atteint mais la route est encore longue. Il va falloir notamment gérer le regain de notoriété dont nous bénéficions, faire en sorte qu’il n’y ait pas d’effets négatifs ».
Lille savoure donc d’être « un grand ». En février, la confrontation contre Manchester saura rappeler qu’il manque encore quelques détails pour pouvoir rivaliser loyalement avec un géant. Et quelques mois plus tard, le Milan AC gagnera la compétition.