Archiver pour décembre 2020
Posté le 23 décembre 2020 - par dbclosc
Petite Histoire des « matchs de Noël » du LOSC (1964-2019)
Ce soir, le LOSC disputera à Montpellier le « match de Noël », appellation non-officielle du dernier match de l’année ayant lieu avant les fêtes de fin d’année. Complot oblige, cela fait maintenant depuis 2012 que les Dogues n’ont plus remporté ce match. A l’époque, Lille s’était imposé par 4 buts à 1 contre … Montpellier ! Le tout avec Geoffrey « un Barthez dans chaque orteil » Jourden dans les buts héraultais. De bon augure pour ce soir ?
Pour cet article, nous avons recensé l’ensemble des « matchs de Noël », terme qui désigne le match de première division qui précède immédiatement Noël, depuis celui de 1964 jusqu’à celui de l’année dernière, soit un total de 51 rencontre sur la période. Lille en a remportés 17, perdu 12, et fait 22 matchs nuls.
Le 22 décembre 1974, le Lillois Christian Coste tente de déborder le Parisien Mustapha Dahleb
Au-delà de cette statistique générale, on peut relever un ensemble de traits marquants de ces « matchs de Noël » disputés par le LOSC depuis le milieu des années 1960, qu’il s’agisse de certains matchs en particulier ou de certaines séries.
25 années de suite sans perdre le « match de Noël »
Statistique qui n’est pas la moins étonnante, le LOSC est resté 25 ans de suite (et 4 jours) sans connaître de défaite lors du « match de Noël », entre le 17 décembre 1989, et une défaite à Bordeaux (3-1), et le 21 décembre 2014, quand l’OM s’impose au Vélodrome (2-1). Sur la période, le LOSC dispute 20 matchs pour 11 victoires et 9 matchs nuls.
Si la statistique est étonnante, c’est que cette période d’invincibilité lors des « matchs de Noël » débute lors d’une période qui est loin d’être la plus glorieuse pour le club : entre les saisons 1990/1991 et 2013/2014, les Dogues ont remporté 38 % de leurs rencontres et perdu 29 % d’entre elles. Avec une telle probabilité de défaite, les Lillois auraient dû perdre près de 6 matchs.
Au cours de cette série, c’est d’abord la solidité défensive qui explique cette performance. Lille ne marque en effet que 10 buts sur les 11 premiers matchs de cette série, mais ils n’en encaisse que 3 ! C’est ensuite l’attaque qui prend le relais : sur les 9 matchs qui suivent, le LOSC reste invaincu malgré 11 buts encaissés grâce à 25 buts marqués. D’une période à l’autre, la moyenne de buts par match lors des matchs d’avant Noël passe de 1,2 à 4.
Le LOSC reste sur une série de 7 matchs d’avant Noël sans victoire
Si le club lillois a connu une très longue série d’invincibilité sur ces matchs d’avant Noël, il reste, comme nous l’avons indiqué en introduction, sur une longue période sans victoire : la large victoire contre Montpellier (4-1), alors champion en titre, le 22 décembre 2012, reste la dernière en date pour les Nordistes lors d’un match d’avant Noël. Depuis cette date, ils n’ont remporté aucun de leurs sept duels de fin d’année, alors, qu’ils gagnent 43 % de l’ensemble de leurs matchs de L1 sur les saisons concernées.
Et encore les Lillois n’ont-ils jamais réellement été en position d’espérer emporter l’un de ces matchs, si ce n’est peut-être celui disputé le 22 décembre 2013 au Parc des Princes (2-2), Marko Basa échouant de peu à inscrire de la tête le but victorieux en fin de match. A part ça, le bilan aurait pu être pire, Lille n’arrachant par exemple qu’en toute fin de match le nul à Toulouse puis contre Rennes (en 2015 et 2016) et à peine plus tôt contre Nice (en 2017). S’ensuit une défaite à domicile contre Toulouse (!) puis une autre, à l’extérieur cette fois, à Monaco (5-1), match sur lequel nous revenons plus loin.
Terminons cette partie relative à cette série de matchs sans succès par une note positive et une anecdote croustillante : lors du match à Paris, c’est Mavuba qui inscrit le premier but lillois, ce qui ne manque pas de saveur pour qui connaît la destinée habituelle des frappes de Rio.
Le scénario de merde d’avant Noël : Lille-Nice 4-4, le 21 décembre 2011
On a déjà parlé de ce match dans un article portant sur les « scénarios de merde », ces matchs que le LOSC aurait dû gagner et pour lesquels il y échoue en définitive. Pour ce match d’avant Noël, le club lillois est champion en titre et 3ème au classement, à deux points du leader. Nice, pour sa part est alors en situation de relégable et 17ème en titre.
Ce 21 décembre 2011, le LOSC mène à deux reprises et se fait rattraper à chaque fois, Dja Djedje y allant même du seul doublé de sa carrière (L1 et L2 confondues) pour donner l’avantage aux Azuréens juste avant la mi-temps (2-3). Naturellement, Hazard égalise (76è) avant que Balmont ne donne la victoire aux Dogues (86è, 4-3) … sauf que ça ne se passe pas comme ça. Après plus de 3 minutes de temps additionnel, la défense cafouille et François Clerc marque le but le plus moche de sa carrière (et Dieu sait que ses rares buts sont moches), permettant aux Aiglons d’égaliser.
Le 16 décembre 2005, Lille réalise l’exploit à Gerland
Ce jour-là, c’est un LOSC qui peine à confirmer sa belle deuxième place acquise la saison précédente et alors 8ème au classement qui se déplace sur le terrain du leader lyonnais qui reste sur 26 matchs sans défaite dans l’élite française. Selon la légende, à la demande d’un supporter lillois lui demandant une victoire lors de ce match, Sainte-Rita, patronne des causes désespérées, aurait répondu « oulah, j’veux bien en parler au boss, mais je vous cache pas que ça va être compliqué».
Jean II Makoun imitant Jacques Chirac pour essayer de déconcentrer Sydney Govou le 16 décembre 2005. Avec succès: Lille s’impose 3 buts à 1 à Gerland
Pourtant, ce 16 décembre, Papa Noël (c’est sans doute à lui que Sainte-Rita faisait référence) décida de faire un beau cadeau aux Lillois. Dominateurs, ceux-ci ouvrent rapidement la marque par Peter Odemwingie (8è). En deuxième mi-temps, Debuchy double la mise (62è, 0-2), et si Govou redonne espoir aux siens (69è, 1-2), l’espoir sera de courte durée puisque Stéphane Dumont fait à nouveau le break dans la minute suivante (70è, 1-3). Le LOSC s’impose avant Noël et finira 3ème au classement.
21 décembre 2019, le cadeau de Noël à des Monégasques en souffrance
Le 17 décembre 2019, le LOSC se déplace au Stade-Louis-II de Monaco en coupe de la Ligue pour une victoire tranquille (3-0). Quatre jours plus tard, rebelote ou presque : même adversaire, même stade, mais avec une issue quelques peu différente.
Le match commence pourtant bien puisque c’est Victor Osimhen qui ouvre le score pour Lille (13è). Moins de 10 minutes plus tard, Benjamin André, qui trouve que c’est trop facile, relance Monaco en offrant une magnifique contre-attaque à ses adversaires du jour pour l’égalisation de Gelson Martins (23è). Baldé donne ensuite l’avantage aux siens (29è) puis, en seconde période, les Monégasques se mettent à l’abri grâce à un doublé de Ben Yedder (53è, 66è). Côte monégasque, Subasic se fait expulser. Mais étant donné qu’il était sur le banc, ça ne change pas grand-chose pour nous. Dans le temps additionnel, Glik donnera au succès monégasque des allures de correction en ajoutant un cinquième et dernier but (5-1). Une belle demontada.
Posté le 20 décembre 2020 - par dbclosc
Santini ouvre l’ère des vaches maigres
Cet article constitue le troisième d’une série de trois consacrée au tumultueux changement d’entraîneur de l’intersaison 1989.
Le premier est ici : Comment Gérard Houllier n’a pas signé à Lille
Le deuxième est là : À la recherche du coach perdu
Résumé des épisodes précédents : début mai 1989, le LOSC se met d’accord avec Gérard Houllier pour remplacer Georges Heylens, coach depuis 1984. Sûrs de leur fait, les dirigeants du club prient Heylens de s’en aller et font fuiter la nouvelle dans la presse. Mais Houllier est engagé avec la fédération, qui s’oppose à son départ. Houllier renonce. La queue entre les jambes, la direction du LOSC apparaît divisée et sans orientation claire. Un temps pressenti pour reprendre son poste, Heylens refuse et s’engage avec le Berschoot. Nous sommes à quelques jours de la reprise de la saison 1989/1990, et le LOSC n’a pas d’entraîneur.
Début juin 1989, les rumeurs vont bon train du côté du LOSC. Deux noms semblent se détacher : celui de Jacques Santini, qui a joué à Saint-Etienne avec Bernard Gardon, et qui est libre après avoir entraîné Toulouse durant 4 années ; et celui de Gérard Gili, l’entraîneur de Marseille. C’est ce dernier qui, à un moment, semble tenir la corde, mais il ne donnerait sa réponse qu’après la finale de coupe de France qu’il doit jouer le 11 juin. En l’occurrence, si l’OM la remportait, il y a fort à parier que Gili serait reconduit par Tapie. Le LOSC se retrouverait le bec encore dans l’eau à une semaine de la reprise. Mais la VDN des 4 et 5 juin relate qu’Henri Michel a été aperçu à Lille « en compagnie de l’une des têtes pensantes loscistes ». Alors… ? Finalement, il n’en est plus question après, tandis que Gili va plutôt vers une prolongation à Marseille. Alors, Santini ? « Santini ou un autre… Il est grand temps de mettre fin à ce feuilleton, dont on savait au départ qu’il ne serait pas très bon » constate, dépitée, la VDN ( 6 juin). Et on apprend même le lendemain qu’on envisage l’éventualité de reprendre sans entraîneur : auquel cas, c’est Georges Honoré, le nouveau préparateur physique, qui prendrait en charge le groupe.
3615 LOSC à la rescousse
On reste ensuite une semaine sans nouvelles officielles. Les supporters et les journalistes ont alors, pour se rabattre, le site « 3615 LOSC » : le LOSC est en effet un des rares club qui dispose d’un « service télématique », c’est-à-dire un serveur minitel, lancé au début de l’année civile. Et on y trouve une rubrique Questions/Réponses qui permet un autre rapport aux supporters et à la transparence au sein du club. En ces temps troublés, la VDN rebaptise d’ailleurs le site « 3615 Glasnost », en référence à la politique dite de « transparence » en URSS depuis 1986. Selon la VDN, les questions posées reflètent une grande inquiétude quant au choix de l’entraîneur, aux contours de l’effectif, et à l’état de santé du club. On trouve quelques rigolos qui, sous les pseudos « Filip », « Dédé de l’Oise », « Pelé » « et d’autres peu recommandables » suggèrent de confier à Bernard Gardon le poste de « entraîneur-président-directeur sportif-recruteur et, éventuellement, kiné ». Du côté du LOSC, on s’efforce de répondre poliment, aussi bien aux questions sérieuses que farfelues. Mais on sent aussi parfois poindre une grande lassitude, en témoigne cet échange :
Question : « selon moi, vous allez vendre quelques joueurs encore côtés pour éponger votre déficit et racheter des joueurs moyens pas trop chers, en espérant un classement entre la 12e et la 20e place »
Réponse : « franchement, l’idée est dans l’air. Aujourd’hui, nous espérons aller dans le sens d’un maintien du groupe… amélioré ».
« L’interloscuteur », comme l’appelle la VDN, est fatigué. Et en l’occurrence, il s’agit de Patrick Robert qui, dans un de ses ouvrages1, évoque cet épisode : « côté positif : j’ai eu raison de faire le forcing pour lancer ce moyen de communication qui met le supporter en prise directe avec « son » club. Côté négatif : je dois arriver au bureau tôt le matin et en repartir tard le soir pour répondre tranquillement aux interlocuteurs inquiets, anxieux, furieux, corrects ou injurieux… Je réponds à tous et je mets un point d’honneur à répondre vite. Il en va de la crédibilité du service et du club, mais aussi ce dialogue est terriblement révélateur et prenant. Je quitte souvent le bureau, tard, fatigué, et découragé. « À quoi bon essayer d’expliquer et de justifier ? » m’arrive-t-il de penser quand un sentiment de mauvaise foi transparait sur l’écran ou quand une injure m’atteint… Mais aujourd’hui, cette période demeure un souvenir particulièrement riche et précieux dans un coin de ma mémoire » (p. 234).
Les caisses sont vides
Dans le même ouvrage, Patrick Robert écrit que « sur le plan des moyens, c’est aussi le flou le plus complet, voire l’impossibilité totale de débourser le moindre franc (…) L’équilibre des départs et des arrivées n’est pas de nature à améliorer sensiblement les finances loscistes ». Du côté des joueurs, seules deux recrues ont été confirmées pour le moment : Jean-Claude Nadon et Frédéric Lafond. Il faut tirer la sonnette d’alarme : « le 12, le directeur général est pensif et soucieux : « cette fois-ci, c’est sérieux dit-il. Je ne sais plus quoi faire : impossible de boucler la paie du mois de mai ! La mairie reste immobile. Il y a un blocage au crédit municipal. Que faire ? » ». In extremis, Claude Ghidalia, en discussion pour le renouvellement de la régie publicitaire décroche son téléphone et parvient à trouver un chèque d’1,5 MF. Ouf ! Le LOSC est sauvé… jusqu’à quand ?
Santini débarque
Une bonne nouvelle arrive en fin le 13 : le LOSC a trouvé un entraîneur : ce sera Jacques Santini.
Jacques Santini est un nom surtout associé à Saint-Etienne : milieu offensif arrivé au centre de formation de l’ASSE à 17 ans, il y a été pro à 20 ans. En pleine ascension, il s’arrache le ligament des genoux en septembre 1973, ce qui l’éloigne des terrains pendant de longs mois. À son retour, il peine dans un premier temps à retrouver une place de titulaire et joue surtout en D3. Il demande alors à être transféré, et lors de l’intersaison 1974, il est même annoncé par la VDN comme étant prêté à Lille.
Finalement, le prêt ne se fait pas ; Santini reste à l’ASSE et regagne une place de titulaire. Il est l’auteur d’un des fameux poteaux contre le Bayern en 1976 (de la tête, 39e). Par la suite, il devient même capitaine des Verts après le retrait de Jean-Michel Larqué. En 1981, il file à Montpellier, qui débute en D1, après avoir été de nouveau en contact avancés avec le LOSC d’Arnaud Dos Santos. Embêté par des problèmes récurrents aux genoux, il met un terme à sa carrière professionnelle en 1983 et devient entraîneur-joueur à Lisieux (D3) pendant deux saisons.
Il prend ensuite la direction de Toulouse en tant qu’entraîneur à part entière, en D1, en 1985. Son bilan y est mitigé. Le 19 juin, la VDN rappelle qu’« à ses débuts, il participa aux heures glorieuses du TFC avec la participation de ce dernier à deux coupes d’Europe » grâce à une 4e (1986) puis une 3e (1987) place. Le TFC élimine notamment le Naples de Diego Maradona (0-1 ; 1-0 ; 4-3 tab). Mais, par la suite, les deux dernières saisons de Santini ont été marquées par un recul au classement et, semble-t-il, des tensions avec certains de ses joueurs (Tarantini, Stopyra, Marcico) ; « aujourd’hui, les brillants résultats de ses débuts sont oubliés, tout un chacun mettant en exergue la saison réalisée en demi-teinte, Jacques Santini n’a été ni plus ni moins – et le phénomène est général dans les sports collectifs – que la tête de Turc qui a focalisé les résultat contradictoires et les malheurs du club » : cette phrase n’est pas très claire mais on croit comprendre que ça s’est moins bien passé et que, dans ces cas-là, quelle que soit la complexité des causes de performances en berne, l’entraîneur cristallise les mécontentements sur sa personne.
La mairie serre la vis
L’entraîneur signe un contrat de 3 ans le 13 juin et est officiellement présenté au cours d’une conférence de presse le 14. Son organisation est assez révélatrice de la reprise en main plus ou moins officielle du club par la mairie : Paul Besson, l’adjoint aux sports, est présent, aux côtés de Bernard Gardon, de Jacques Amyot et, bien entendu, de Jacques Santini.
Paul Besson, Jacques Amyot, Jacques Santini, Bernard Gardon
Selon la VDN, le LOSC s’engage désormais sur « la voie abrupte » : « le LOSC n’a pas ses aises sur le plan financier. Les chiffres, qui circulent sous le manteau, ne laissent planer aucun doute à ce sujet. Doucement mais sûrement, la situation a empiré (on parle de plusieurs milliards de centimes) ». Face à cette situation, la mairie ne souhaite pas mettre la main au portefeuille à chaque fois : le LOSC, oui, mais pas à n’importe quel prix. Le quotidien régional fait part de cette tendance récente où le politique met son nez dans le football, avec réussite quand les subventions sont à la hauteur (Strasbourg, Mulhouse, Montpellier) ou au risque de la relégation sportive quand la collectivité municipale se désengage (Sète, Lorient) : « d’aides annuelles en subventions exceptionnelles, de garanties d’emprunts en avantages matériels, les municipalités et les collectivités territoriales sont souvent devenues maîtresses du jeu. Et elles misent l’argent public avec plus ou moins d’entrain. Or, à Lille, le moins a désormais pris le pas sur le plus ! ».
Au cours de la conférence de presse, Paul Besson lance quelques phrases bien senties (« je ne suis ni Tapie, ni Bez. Simplement un homme de dossiers et de chiffres qui aime ce qui est équilibré ») qui donnent un éclairage suffisamment précis sur ce que sera la politique du LOSC dans les années à venir. Celle-ci tient en quelques mots : rigueur, économie, travail. Ceux qui attendaient des Dogues conquérants lancés à l’assaut de l’Europe devront encore patienter : « demain, on ne rasera plus gratis et il faudra se satisfaire d’objectifs à long terme, en s’appuyant sur des jeunes à défaut de vedettes hors de prix » (VDN, 15 juin). Commencé il y a un mois dans l’enthousiasme de la venue d’un « grand nom », cet intersaison se poursuit avec un atterrissage brutal et une reprise en main du club par la ville : « la situation financière catastrophique a été le catalyseur de cette mise sous surveillance déguisée ». S’appuyant sur des chiffres dont on ne sait pas comment ils ont été produits, Paul Besson avance que les Lillois ne représenteraient que 15 ou 16% des entrées à Grimonprez ; d’où un appel aux autres collectivités (communauté urbaine, département, région) pour aider le club que la mairie, seule, ne peut plus soutenir : « le LOSC est l’affaire de tous. Il coûte cher et il est grand temps que chacun ouvre son porte-monnaie » conclut l’adjoint aux sports.
Santini ambitieux
Dans ce qui peut sembler comme allant à rebours de cette austérité annoncée, Jacques Santini se montre assez ambitieux en évoquant une place « entre 5e et 8e » pour les deux prochaines saisons. Voici l’entretien complet accordé à la VDN, publié le 15 juin :
Comment jugez-vous l’effectif mis à votre disposition ?
Je dirais qu’il offre les sécurités nécessaires pour ne pas se précipiter. J’ai accepté de travailler sur un plan de 3 ans et la base qui m’est offerte me permet de voir venir. Il y aura forcément des améliorations à apporter, mais pressons-nous doucement.
Quel objectif vous fixez-vous ?
Il est difficile de se prononcer car la nouvelle politique prend en compte le moyen terme. Il importe, avant tout, de construire du solide, de renforcer les fondations de l’équipe. Cela dit, j’aimerais éviter les grosses cassures dans les résultats. Une fourchette comprise entre la 5e et la 8e place me semble une base intéressante pendant 1 ou 2 ans. Cela permettra aux jeunes de s’aguerrir, avant de passer à l’étape supérieure.
À quels grands principes obéissez-vous ?
En priorité, je fais confiance l’homme au-delà du joueur. Au travers des choix de l’entraîneur, il doit toujours retrouver la ligne tracée en commun. Je crois à l’honnêteté. À Toulouse, personne n’a jamais pu me soupçonner d’avoir dit blanc et fait noir.
Parlons de Toulouse justement. Avez-vous une revanche à prendre ?
Même si certains, en qui j’avais confiance, m’ont tourné le dos, je n’ai pas de compte personnel à régler. Mon seul véritable regret est d’avoir quitté le Téfécé sans avoir vu la progression des jeunes en qui je croyais.
Vous êtes donc un entraîneur qui a l’oeil un peu partout dans un club ?
Je m’intéresse à un maximum d’équipes. Un club, c’est une entité et pas seulement un groupe professionnel. Je sais déjà que les cadets du LOSC vont disputer, samedi, la finale du championnat de France. Eh bien sachez que les cadets toulousains la jouaient aussi lorsque je suis arrivé dans la cité des Violettes.
Êtes-vous quelqu’un de ferme ou d’arrangeant, de gai ou de torturé ?
De torturé, sûrement pas, même si d’aucuns le pensent. J’ai une idée précise de mon travail, de la politique à mettre en œuvre et j’essaie de m’y tenir, voilà tout.
Croyez-vous que le discours d’un entraîneur s’use vite ?
Beaucoup plus qu’à l’époque où j’étais joueur. Il faut essayer de ne pas se tromper dans le rapport avec les hommes. De ne pas prêter le flanc à des divergences ensuite insurmontables. Mais il est évident qu’au bout du compte, c’est toujours l’entraîneur qui prend les responsabilités. Et qu’il ne le fait pas forcément dans la facilité.
Êtes-vous préoccupé par votre image de marque ?
Oui et non. Qui dit football dit impact publicitaire, sponsoring, retombées : on ne peut l’ignorer. Il est donc utile de se forger une image puisqu’on appartient au produit. Mais je reste persuadé que le plus important est de ne pas changer au gré des événements. Vis-à-vis des gens avec qui l’on travaille, il ne doit y avoir qu’un profil.
Vous classez-vous dans la liste des entraîneurs prudents ?
Si pour remplacer Filip Desmet, dont on annonce le départ, je réclame un stoppeur, vous pourrez dire que je suis prudent…
De nouvelles secousses
Le groupe reprend le 19 juin. Et Jacques Santini doit avoir l’impression d’arriver en terrain miné : l’été est successivement marqué par le forfait de l’OM en dernière minute au tournoi du Stadium Nord, par le coup de pression de Bernard Tapie pour récupérer Pelé, par la bouderie de Vandenbergh, qui souhaite quitter le LOSC. Mi-juillet, répondant à la VDN qui lui demande s’il est « assailli de problèmes », Jacques Santini déclare : « ce n’est pas une situation facile, c’est vrai. Mais je suis là pour travailler. Dès lors, il ne faut pas baisser les bras (…) Je dis simplement que c’est dommage. Erwin Vandenbergh et Abedi Pelé sont deux éléments sur qui je comptais au départ pour respecter le plan de travail défini par la direction du club et la mairie de Lille. Or, aujourd’hui, le premier est là sans être là. Quant au second, il a plein de choses en tête qui doivent lui compliquer l’existence ». Quelques jours après, pas mécontent d’avoir gagné son bras de fer avec Tapie et retrouvant un peu de sérénité, Jacques Amyot revient avec un peu de recul sur ce drôle d’épisode.
Quel bilan tirez-vous de l’expérience belge ces dernières années ?
Je suis désolé qu’elle se termine comme cela. Je regrette, aussi, que le club n’ait pas parlé d’une seule voix dans l’affaire Heylens car la décision avait été prise à l’unanimité, quelques jours après Mulhouse. Cela dit, la Belgique est une bonne formule pour une région frontalière
La deuxième voix, c’est celle de Jacques Dewailly ?
Il n’y a pas deux directions au LOSC. M. Dewailly est le président directeur général et je suis le directeur général. Je sais jusqu’où je peux aller. J’avais dit clairement qu’il n’était pas question de renouveler le contrat Heylens pour 3 ans. Jacques Dewailly a, ensuite, adopté une attitude plus en retrait. C’est peut-être dû à une mauvaise information.
Vous voulez dire que sur un problème aussi important qu’un changement d’entraîneur, le président est mal informé ?
Inutile de faire rebondir le problème ! Je sais simplement qu’il nous faut, nous aussi, balayer devant notre porte.
Bon… Une éclaircie : les cadets sont champions de France, et le club entrevoit dès lors l’espoir de s’appuyer à court terme sur un réservoir de jeunes formés au club, ce qui peut être affiché comme étant une politique officielle, mais qui correspond surtout aux réalités économiques du moment : « la ville nous garantit un certain nombre d’emprunts et elle serait fortement endetté seulement si le LOSC stoppait son activité. Nous espérons éteindre cette dette par la nouvelle politique mise en place » rappelle Amyot.
Juste avant la reprise du championnat, Paul Besson monte de nouveau au créneau, comme un ultime rappel qu’il faudra se serrer la ceinture : « un total de 8 millions de francs est versé à l’ensemble des clubs sportifs de la ville ; environ 3 vont au LOSC. Il faut y ajouter l’entretien des installations de Grimonprez-Jooris qui est entièrement à notre charge. Ce n’est pas extraordinaire mais nous ne pouvons pas aller plus loin. Pour les prêts, nous sommes engagés à 50% depuis 1986.
Le LOSC est à un certain niveau. Si l’on veut qu’il grimpe quelques échelons, il faut que d’autres nous aident. La région et le département mais aussi les entreprises privées, car Lille est au carrefour de l’Europe. À nous de soigner les retombées et d’améliorer la communication.
Nous nous sommes donné 3 ans pour réussir. C’est peut être long pour les supporters mais cela correspond à 1992 ».
Un refrain bien connu, qu’on entendra bien au-delà de 1992.
Note :
Posté le 19 décembre 2020 - par dbclosc
À la recherche du coach perdu
Cet article constitue le deuxième d’une série de trois consacrée au tumultueux changement d’entraîneur de l’intersaison 1989.
Le premier est ici : Comment Gérard Houllier n’a pas signé à Lille
Le troisième est ici : Santini ouvre l’ère des vaches maigres
Résumons l’épisode précédent : en mai 1989, le LOSC est persuadé de pouvoir attirer Gérard Houllier, alors entraîneur adjoint des Bleus. Sûrs de leur coup, les dirigeants lillois font savoir à leur entraîneur actuel, Georges Heylens, en poste depuis 5 ans, que son contrat n’est pas renouvelé. Alors qu’un accord avait été trouvé avec Houllier, son employeur, la fédération française de football, oppose un veto catégorique. La direction du LOSC fulmine : contre Houllier, et contre elle-même et sa précipitation ? En attendant, le club n’a plus d’entraîneur.
Le week-end des 13 et 14 mai a donc confirmé ce qui se pressentait à mesure que les heures passaient : la FFF ne lâche pas Houllier qui, prudent et ne souhaitant pas insulter l’avenir et ses relations avec la fédé, renonce à venir à Lille. Sur le terrain, le soir même du renoncement de Houllier, les Dogues ont joué et ont partagé les points avec Strasbourg (1-1, but lillois de Roger Boli). Mais bien évidemment, les regards étaient surtout tournés vers Georges Helyens, dont le nom a été scandé à plusieurs reprises par le public lillois avant et après le match. Peu avant le coup d’envoi, il confiait à la VDN : « la pilule commence à passer, doucement, même si je n’ai rien oublié. J’ai appris le renoncement de Gérard Houllier. Je suis malheureux pour le club. Quant au reste, je ne tiens pas à m’épancher ». Le 15 mai, la Voix des Sports lance un « avis de recherche » pour trouver un coach, et indique que la recherche pourrait aller « jusqu’en Belgique ». Sous-entendu : aux yeux des dirigeants lillois, Heylens pourrait très bien succéder à Heylens.
C’est donc un nouveau rebondissement : le retour en grâce de Georges Heylens, « crucifié le mercredi et ressuscité trois jours plus tard ». La tendance est la proposition d’un nouveau contrat à l’entraîneur belge, qui doit rencontrer sa direction mardi 16 mai. Il devrait donc poser ses conditions, mais nul doute que cet épisode foireux « risque de passer aux yeux de beaucoup pour un replâtrage sans réelle garantie. Ce come-back est-il envisageable si les hommes qui ont poussé l’entraîneur belge vers la sortie restent en place ? ». Après avoir été invité à partir par ses dirigeants quand ces derniers pensaient avoir trouvé mieux, on imagine mal la même équipe repartir main dans la main sans qu’au moins une tête ne tombe. Heylens avait dit qu’il savait d’où étaient partis les coups : le principal visé est probablement Bernard Gardon, le directeur sportif du club.
Et la mairie là-dedans ? Paul Besson, nouvel adjoint aux sports depuis les élections de mars, est passé dans le vestiaire lillois après LOSC/Strasbourg. Il a qualifié la question de l’entraîneur d’« épiphénomène » (ce qui laisse penser que ça ne le regarde pas), tout en rappelant que Georges Heylens figurait sur la liste de soutien à Pierre Mauroy aux municipales (ce qui laisse penser que ça le regarde et qu’on pourrait très bien renvoyer l’ascenseur). La VDN résume la situation par une devinette en référence à un célèbre slogan : « quelle différence y-a-t-il entre le LOSC et les galeries Lafayette ? Aucune depuis deux semaines, puisqu’il se passe sans arrêt quelque chose au sein du club lillois » (16 mai).
Bernard Gardon, Georges Heylens, Jacques Amyot
Heylens tient la corde
Pas grand chose ne filtre de la (des ?) rencontre(s) entre l’entraîneur et son président. Le 17 mai, la VDN évoque des négociations « particulièrement serrées » ; le même jour, le LOSC communique : « le président de la SAEM, Jacques Dewailly, a eu un entretien positif pour le club avec Georges Heylens. La décision qui sera prise tiendra compte, principalement, de deux éléments : la stabilité du LOSC, l’amélioration de ses ambitions ». Cela ne nous dit pas grand chose, mais selon la VDN du 18 mai, « le principe du maintien de l’entraîneur belge semble donc acquis, même si la décision définitive n’interviendra que dans quelques jours », probablement après que Jacques Dewailly aura consulté les autres membres de la SAEM, et la mairie. Si l’épisode semble touche à sa fin, il risque tout de même de laisser de traces : « l’affaire de l’ancien, quasiment futur entraîneur, a fissuré la maison losciste. Il va falloir replâtrer le plus rapidement possible, recoller les morceaux qui peuvent encore être assemblés. Si « l’entretien positif » aboutit à une prolongation du contrat de Georges Heylens, comme tout le laisse croire, l’entraîneur belge sera l’homme de la remise en ordre. Il a eu le loisir de compter ses amis, d’inventorier ceux qui ne lui étaient pas, ou plus, favorables. Un joueur sous contrat se trouve, par exemple, dans sa ligne de mire ». La VDN est sévère à l’égard d’un « feuilleton qui oscille entre le pitoyable et le risible » et qui ébranle tout le club en donnant le sentiment qu’il n’y a pas de pilote dans l’avion : « les forts donnent l’impression de s’affaiblir, de vaciller, les menacés se rebiffent, regimbent, et le LOSC vit une de ses plus sérieuses crises internes après un parcours sportif qui est pourtant le meilleur de la décennie ».
La mairie toujours présente
En attendant la confirmation du retour de Heylens, le football s’invite au conseil municipal de la ville de Lille jeudi 18 mai. L’opposition municipale de droite (RPR) menée par Jacques Donnay se dit « excédée » par « les tergiversations sur le choix de l’entraîneur » et se prétend le relais de supporters « inquiets » et de joueurs « perplexes » ; mais au-delà de l’épisode actuel, Jacques Donnay conteste le soutien de la ville au club. En effet, la ville va garantir pour moitié un emprunt que la SAEM va contracter pour « disposer des fonds nécessaires au renforcement de la structure de son équipe professionnelle » : Donnay dénonce « l’anarchie et la désinvolture dans les dépassements de budget qui règnent au LOSC où tout est occulté. On ne sait rien, sinon que cette année encore, il y aura du déficit et qu’il faudra le combler. C’est la fuite en avant permanente. Nous ne pouvons plus nous le permettre ». Une scène et un débat assez réguliers dans la vie politique lilloise depuis plusieurs années, comme ça avait par exemple été le cas en 1977, où l’opposition, alors menée par Norbert Ségard, faisait bien comprendre que les contribuables lillois finançaient une équipe médiocre qui n’attirait personne. Le maire de Lille, Pierre Mauroy, réafirme son soutien qu’il justifie par sa croyance en un avenir européen du LOSC : « quoi, vous ne voulez pas contribuer – par une garantie d’emprunt, ce n’est pas une subvention – à faire entrer un jour le LOSC dans le cercle magique européen ? Il y a beaucoup de désordre ailleurs dans le football professionnel, il y en a un peu moins chez nous. C’est là toute la question. Nous nous en voulons. Le LOSC continuera sa carrière parce que nous l’aiderons » (VDN, 19 mai).
Heylens s’en va : la « chienlit » au LOSC
Le vendredi 19 mai au matin, Georges Heylens annonce à Jacques Dewailly qu’il quitte le club. Alors que la tendance des derniers jours tendait vers un maintien du Belge, il semble que ce dernier n’ait pas obtenu satisfaction, et en l’occurrence on peut imaginer qu’il n’a pas pu obtenir la tête de Bernard Gardon. Le LOSC officialise la nouvelle par un vague communiqué évoquant la « stabilité » et « l’ambition » du club, ce que la VDN, décidément très en verve, qualifie d’ « habituelle guimauve ». Le quotidien voit dans cette période un nouveau symptôme d’une instabilité qui empêche le LOSC de jouer les premiers rôles et d’en être réduit à faire de la figuration en D1. Tout est alors remis en question : la politique sportive, la compétence des dirigeants, le modèle économique : « plus de 15 jours pour en arriver à cette farce, née dans la mesquinerie et achevée dans le ridicule (…) Au-delà des querelles de personnes, cette crise a mis en lumière les carences chroniques du LOSC. Et l’on comprend mieux pourquoi celui-ci va de déception amère en échec cuisant depuis un quart de siècle : pourquoi il figure avec Cannes, Toulon, le Matra et Caen parmi les cinq orphelins de coupe d’Europe en division 1. Pour bâtir une grande équipe, il ne faut pas seulement de bons joueurs et un entraîneur de premier plan. Il est aussi indispensable de s’appuyer sur des dirigeants dignes de ce nom, des gens capables de faire des choix et de s’y tenir (…) Cette crise aura également cerné les limites de la société d’économie mixte. Un nom pompeux et rien d’autre. La cohabitation entre le pouvoir politique et le pouvoir économique peut être pernicieuse. On ne sait plus qui fait quoi, on ne distingue plus les intérêts des uns et des autres… Bref, c’est la chienlit (…) Nonobstant la médiocrité des hommes, nous persistons à croire en l’avenir du LOSC » (VDN, 20 mai). Sur le terrain, le 20 mai, pour la 37e journée, le LOSC s’incline sur le terrain du Racing Club de France (0-1).
Pierre Mauroy aimerait une direction au LOSC
Caricature de Honoré Bonnet dans la Voix du Nord. Au-dessus, le titre de l’article consacré à la situation du club.
Le LOSC entre alors dans une période d’autant plus floue que la direction, se retrouvant sans entraîneur, semble abasourdie et est aux abonnés absents. La VDN rapporte un Jacques Dewailly trop pris par ses occupations professionnelles et un Jacques Amyot qui « vit dans sa bulle », tandis qu’on n’a pas de nouvelles de Bernard Gardon. Il faut attendre quelques jours pour avoir le sentiment que le trio reprend la main, avec le retour des rumeurs pour trouver un successeur à Georges Heylens : on évoque Daniel Jeandupeux et, de façon plus chaude, le Néerlandais Henk Houwaart, champion avec le FC Bruges en 1988, mais qui a l’inconvénient de ne pas parler français – du moins, c’est un inconvénient quand on veut travailler en France. Ses bons résultats lors de la saison écoulée n’ont toutefois pas empêché les dirigeants brugeois d’aller chercher Georges Leekens. Houwaart semble intéressé par le LOSC, au point qu’il ralentit des négociations pourtant bien entamées avec Courtrai.
Georges Heylens, de son côté, ne change rien au programme : entre le match au Racing (le 20 mai) et la dernière journée de championnat (contre Laval, le 31 mai), le groupe part faire un stage… au Niger. Et juste avant de prendre l’avion, Heylens s’engage avec le Berschoot. En voilà un qui n’aura pas tergiversé.
Au Niger, où il fait 46° degrés dans la journée, le LOSC joue 3 matches amicaux (mais en soirée : la VDN nous rassure en disant qu’il n’y fait plus « que » 36°) : contre la sélection nationale des Espoirs (5-1), contre la sélection nationale A (2-2), puis contre le club portugais du Boavista Porto (1-2). Georges Heylens en profite pour saluer un football nigérien en progrès en exportant ses plus beaux clichés coloniaux : « un football nigérien en plein renouveau, lequel, sous la férule d’un entraîneur allemand, pratique désormais un jeu basé sur la rigueur, la discipline, et où le mot engagement prend toute sa signification »
Bouquet final pour Heylens
Pendant le séjour au Niger, en coulisses, le nom de Jacques Santini a fuité, tandis qu’on n’entend plus parler de la piste Houwaart. Amyot et Dewailly auraient même prévu de rencontrer l’ancien stéphanois, à Roissy, le lundi 5 juin.
Le groupe lillois, lui, est de retour dans le Nord juste avant le dernier match de la saison contre Laval. « J’aimerais que l’équipe termine sur une bonne note » espère Heylens. Il ne va pas être déçu : les Dogues écrasent des Lavallois déjà relégués 8-0.
La VDN rapporte que, lors de sa causerie d’avant-match, Georges Heylens en a appelé au professionnalisme de ses joueurs (sous entendu : ne faites pas comme vos dirigeants) : « on a tendance à vous oublier ces derniers temps. Comportez-vous en hommes et en gentlemen ! ». Le LOSC termine 7e, son meilleur classement depuis 1979 : « j’espérais secrètement que les garçons soient consciencieux jusqu’à la fin de la saison. C’est ce qui est arrivé et ce match a plu au public. Je crois qu’ils se sont fait plaisir pour eux-mêmes, mais aussi un petit peu pour moi. C’est avec beaucoup de regrets que je quitte le club, mais cela fait partie du jeu ». De l’avis général, le stage au Niger a été une réussite en ce sens qu’il aurait montré l’attachement de la grande majorité des joueurs à leur entraîneur. Pelé déclare : « c’était la fête à tout le monde. On a fait cela pour Georges. Dommage qu’il s’en aille. Personnellement, je regrette son départ car il me faisait beaucoup confiance. C’est un entraîneur qui voit immédiatement les qualités des joueurs. À Lille, on n’a pas de supers joueurs mais il tirait toujours le maximum de nous et apportait ce petit plus qui fait la différence ».
La reprise de l’entraînement pour la saison 1989/1990 est fixée au 19 juin. Et le LOSC n’a toujours pas d’entraîneur. Ses joueurs partent en vacances dans l’incertitude, ainsi que le déplorent Victor Da Silva : « on voulait bien terminer pour notre entraîneur et pour le public. Mais ce qui est un peu dommage, c’est qu’on part en vacances dans le flou », ou Alain Fiard : « dommage qu’on nous laisse dans l’inconnu. Où est le respect des joueurs ? ».
De retour au stade Grimonprez-Jooris en 2000, où il a participé à la « fête de la remontée » organisée par le club, Georges Heylens est revenu sur cette malheureuse fin avec le LOSC : « j’ai connu deux grands clubs, Seraing, où par deux fois nous avons fait un parcours extraordinaire, et Lille. Si je suis parti, c’est uniquement parce que je ne m’entendais pas avec Bernard Gardon. J’ai vécu 5 bonnes années ici mais ce n’était plus possible ».
La quête d’un entraîneur se poursuit.
Posté le 18 décembre 2020 - par dbclosc
Comment Gérard Houllier n’a pas signé au LOSC
Début mai 1989, Georges Heylens est gentiment prié de plier bagage car Gérard Houllier va devenir l’entraîneur du LOSC. Mais les circonstances en ont décidé autrement, et ce qui s’avérait initialement comme une bonne pioche du club se transforme en passe d’armes par presse interposée où on s’invective à coups de « raison d’Etat », de « parole donnée » et de « dégonflé ». Mi-mai, le LOSC, sérieusement ébranlé, n’a plus d’entraîneur : un coup de maître.
Cet article constitue le premier d’une série de trois consacrée au tumultueux changement d’entraîneur de l’intersaison 1989.
Le deuxième est ici : A la recherche du coach perdu
Le troisième est là : Santini ouvre l’ère des vaches maigres
Nature des faits : complot contre le LOSC
Objectif du complot : décrédibiliser le LOSC en accentuant son instabilité chronique
Principaux acteurs : Jacques Amyot (directeur général du LOSC), Bernard Gardon (directeur sportif du LOSC), Jacques Dewailly (président de la SAEM), Gérard Houllier (entraineur national adjoint), Georges Heylens (entraîneur du LOSC), Jean Fournet-Fayard (président de la FFF), Roger Bambuck (secrétaire d’Etat aux sports)
Conséquence du complot : y a plus de coach, et les dirigeants passent pour des gros nazes.
Nous sommes le 6 mai 1989. Pour la 35e journée de championnat, le LOSC s’est imposé à Nice 1-0 (but de Pelé). Septièmes à 3 journées de la fin, les Dogues sont bien partis pour réaliser leur meilleur classement de la décennie 1980. Pourtant, en coulisses, le sort de l’entraîneur, le Belge Georges Heylens, est scellé : l’élimination de la coupe de France en 1/8e par Mulhouse (0-0 ; 2-3) n’est pas passée chez les dirigeants, qui souhaitent dès lors le remplacer. Et dans la semaine, la presse régionale évoque ce qui semble quasi-acté : Georges Heylens va être remplacé par Gérard Houllier. La Voix du Nord (VDN) du 10 mai relate ainsi que Jacques Dewailly devait rencontrer son coach la veille mais, finalement, arguant d’un « agenda chargé », l’entrevue a été repoussée de 24 heures. Il a toutefois eu le temps de déclarer : « nous trouverons une solution négociée avec Georges Heylens ». Sans illusion, Georges Heylens souhaite que « les choses se passent correctement ». Si la mise à l’écart de l’entraîneur est d’ores et déjà annoncée, c’est probablement que les dirigeants du LOSC, sûrs de leur coup, ont assuré leurs arrières et lui ont déjà trouvé un successeur.
Une conférence de presse est annoncée dans l’après-midi, au cours de laquelle est attendue la confirmation de la rumeur Houllier. L’intéressé, pour le moment ne nie pas « avoir eu des contacts » avec le LOSC mais « se refuse à en dire davantage » pour le moment. À ce stade, on peut faire deux hypothèses : ou Gérard Houllier attend des garanties ; ou il s’apprête à refuser l’offre du LOSC. Quoi qu’il en soit, « un certain flou règne autour de Grimonprez-Jooris » d’après la VDN, qui fait déjà état de l’agacement de certains joueurs, pas contents d’être mis à l’écart. L’un d’eux, « indisposé par le manque d’informations officielles », confie à la VDN : « ne sommes-nous pas concernés au premier chef ? ». Seule certitude pour le moment : un nouveau préparateur physique, Georges Honoré, rejoint le LOSC.
Heylens/Houllier, deuxième
Ancienne gloire du football belge (67 sélections chez les Diables Rouges), et particulièrement d’Anderlecht, où il fut titulaire durant 15 saisons avant de devoir mettre un terme prématuré à sa carrière, à cause d’une blessure, à 32 ans, Georges Heylens est l’entraîneur du LOSC depuis 1984. Son arrivée dans le Nord avait déjà fait intervenir, indirectement, Gérard Houllier. En 1984, les dirigeants lillois hésitent : Roger Deschodt aimerait que Jean Parisseaux soit promu n°1 ; Patrick Doussot et Charly Samoy, de leur côté, penchent plutôt pour l’entraîneur de Lausanne, le Hongrois Peter Pazmandy. Mieux : ils ont noué contact avec celui qui a été désigné « entraîneur belge de l’année », Georges Heylens, de Seraing. Et c’est finalement cette piste qui est la plus fructueuse, le LOSC profitant des déboires financiers du club belge, qui ne peut retenir son coach. Le 24 juin 1984, Heylens, pourtant sollicité par le PSG, est lillois pour… un an. Car, en théorie, Houllier doit débarquer à Lille en 1985. C’est Georges Heylens lui-même qui revient sur cet épisode dans Sport foot en juillet 2013 : « nous nous sommes donné rendez-vous au restaurant de l’aéroport de Lille. Samoy avait apporté le contrat, il me l’a mis sous le nez et m’a dit : « si tu veux, tu peux entraîner le LOSC pendant un an. Pour la suite, nous avons un accord avec Gérard Houllier. J’ai accepté, même si je savais que ce ne serait pas facile parce que, hormis quatre joueurs, toute l’équipe était partie. Je devais me débrouiller avec des jeunes du centre de formation! J’ai sauvé les meubles et nous nous sommes sauvés à trois matches de la fin du championnat. L’équipe était beaucoup trop jeune ». Alors, fin de l’histoire entre le LOSC et Heylens ? Non. Heylens poursuit : « à la fin de la saison, Houllier, qui était à Lens, m’a téléphoné pour me dire qu’il allait au PSG et que je pouvais prendre sa place à Lille. J’en ai parlé à la direction et, cinq minutes plus tard, on me proposait un nouveau contrat d’un an. Avec quelques renforts, nous avons terminé la saison au milieu du classement et je pensais avoir rempli mon contrat. Je suis donc parti l’esprit tranquille au Mexique, pour la Coupe du Monde 1986 ». Georges Heylens est en effet consultant pour la RTBF durant la coupe du monde. Donc cette fois, fin de l’histoire entre Heylens et le LOSC ? Non. Heylens toujours : « à peine arrivé, j’ai reçu un coup de fil de Lille : je devais rentrer immédiatement parce qu’on allait me faire une nouvelle proposition. Je me suis dit qu’ils auraient pu y penser un peu plus tôt mais je suis quand même rentré. La proposition, c’était un contrat de trois ans avec l’assurance de pouvoir compter sur Erwin Vandenbergh, qui venait d’Anderlecht, et Filip Desmet, de Waregem ! ». Et Heylens de rempiler pour 3 ans à Lille.
Résumons donc : arrivé initialement en 1984 pour un an avant son remplacement prévu par Houllier en 1985, Heylens reste finalement à Lille 5 ans, Houllier ayant eu en 1985 un autre engagement (le PSG). Sous la houlette de son entraîneur belge, le LOSC a connu des fortunes diverses, alternant le médiocre (surtout la première partie de la première saison) et le correct, profitant notamment des performances des spectaculaires Mobati, Pelé, Vandenbergh, Desmet ou Périlleux, et signant un des rares moments de liesse collective dans ces années 1980, en coupe de France contre Bordeaux. Après le PSG, Gérard Houllier, de son côté, a été nommé fin 1988 adjoint du sélectionneur des Bleus, Michel Platini. Lors de l’intersaison 1989, les destins des deux hommes vont de nouveau se croiser. Ou presque.
Le LOSC vers un « nouveau cap »
Le 11 mai 1989, l’information est en Une de la VDN : Georges Heylens est officiellement écarté du club, tandis que la situation avec Houllier semble toujours en pourparlers.
De fait, l’entraîneur belge, en fin de contrat, a accepté de se retirer sur la pointe des pieds à l’issue de la saison, dans 3 semaines. Sans provoquer de vagues, sans cracher dans la soupe non plus. L’annonce est officialisée dans un communiqué hautement diplomatique qui évoque que l’avenir du club « passe par un nouveau cap nécessitant un changement profond des structures techniques ». La VDN (via Eric Leduc) propose une interview que nous reproduisons in extenso :
Au nom de quoi êtes-vous sacrifié ?
Je ne sais pas si c’est le mot juste. Il s’agit plutôt d’un contrat qui n’est pas reconduit après une longue vie commune. Disons que les dirigeants voulaient un changement. Ils craignaient que je fasse l’année de trop. Peut-être aussi que mes idées ne concordaient plus avec les leurs.
Votre discours était usé alors ?
Non, franchement, je ne le crois pas. On a certes évoqué des problèmes relationnels avec certains joueurs, mais cela fait partie du quotidien. Un entraîneur ne peut pas être en parfaite harmonie avec 20 joueurs. Il y a ceux qui sont en ballottage, ceux qui restent sur la touche. Les relations s’en ressentent, mais c’est le cas chaque année. Surtout lorsqu’on approche de la période de nettoyage !
À quel moment avez-vous ressenti qu’il y avait déchirure ?
Le lundi qui a suivi l’élimination en coupe de France contre Mulhouse. J’ai compris que la rupture était proche, mais je savais bien avant que ma proposition pour trois nouvelles années n’aboutirait pas.
Croyez-vous que votre engagement avec le Standard de Liège, l’an passé, a pesé dans la balance ?
Absolument pas. À l’époque, nous avions complètement vidé l’abcès et cet épisode n’est plus jamais entré en ligne de compte.
Que pensez-vous de la méthode qui a conduit à la séparation ?
J’aurais préféré que les choses se fassent plus vite. Je regrette que ce qui s’est passé aujourd’hui n’ait pas eu lieu il y a une quinzaine de jours. Mais les employeurs ne sont pas tenus d’agir selon les souhaits d’un employé. Dans toute entreprise, c’est comme ça.
Avez-vous l’impression de servir de bouc-émissaire ?
Je ne veux pas voir les choses de cette façon. Le LOSC a l’ambition de franchir un palier et je ne veux pas être un frein à son évolution. Il faut savoir se retirer.
Ressentez-vous beaucoup d’amertume ?
Bien sûr, je ne suis pas heureux de partir. Je laisse des amis, des joueurs, une entité et une tâche qui me plaisaient. Le plus difficile est, sans doute, de se retirer sans avoir pu aller au bout de ce qui a été entrepris, mais c’est la règle et je l’accepte. Il faut savoir avaler des choses qu’on a envie de dire. Sinon, on se tue soi-même.
Avez-vous une impression de gâchis ?
Sur un plan personnel, je dirai oui en pensant non. Mais, une fois de plus, mes patrons n’ont pas à tenir compte de ce que je ressens.
Vous considérez vous comme trahi, berné ?
Ni l’un, ni l’autre. Je suis conscient de ce qui s’est réellement passé à tous les niveaux. Non, je ne suis pas dupe.
Quel sentiment général vous laissent ces 5 années loscistes ?
Je ne regrette rien. Je crois avoir accompli ce pour quoi on était venu me chercher. Dans un endroit qui me plaisait et avec des conditions de travail plutôt favorables. Mon bagage s’est enrichi.
Comment envisagez-vous votre avenir ?
Je vais planter ma tente ailleurs et voilà tout. Je ne pense pas que j’aurai à en passer par une année sabbatique. Je vais étudier certaines propositions que j’avais écartées en attendant d’être fixé sur mon sort. Et puis le téléphone sonnera, soyez-en sûr…
Fataliste, Heylens s’en remet donc aux choix de ses « employeurs », en se gardant bien de mettre en cause telle ou telle personne, mais on comprend bien qu’il y a manifestement de l’eau dans le gaz avec au moins un membre de l’équipe dirigeante.
Le LOSC peut donc désormais officialiser ce qui est un secret de Polichinelle : Gérard Houllier va débarquer.
Gérard où y est ?
Mais le débarquement et son lieu tardent à se dessiner. Il paraît que Houllier aurait souhaité une rencontre « en terrain neutre ». Mais où ? En tout cas, pas à Saint-André, chez le président Dewailly. Les journalistes de la VDN ne sont pas avares d’efforts pour arracher le scoop : Pierre Diéval relate ainsi dans le journal du 11 mai sa quête d’information. Il circule dans la métropole lilloise à la recherche de la R21 de Bernard Gardon et de la « R25 V6 Turbo » de Jacques Amyot. Et voici venir la R25 : « R25 contre R5 de presse… Le match qui s’engage bientôt sur l’autoroute A1, direction Lille, via l’échangeur de Lesquin, est déséquilibré. De fait, en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, la piste Amyot-Houiller s’évapore dans le flux de la circulation. Plus de poisson-pilote. Plus de scoop. Aïe ! Commence la galère. Pas spécialement réjouissante. Un impératif. Trouver le fameux terrain neutre réclamé par l’entraîneur de l’équipe de France ». Qui a dit que le journalisme d’investigation avait disparu ?
Tintin chez les Ch’tis : Objectif nul
Trouvaille aux alentours de 20h dans le Vieux-Lille : la fameuse R25 ! Ses occupants se sont probablement réfugiés dans un restaurant, mais l’article s’arrête sans que nous n’ayons eu le fin mot de l’histoire. Passionnant.
La grand’roue tourne
En fait, on commence à sentir le vent tourner, et il apporte une très mauvaise odeur. Alors que, le mercredi 10 mai, un dirigeant du LOSC confiait encore à la VDN « le dossier est ficelé », et que le jeudi 11, Amyot prétendait que les discussions avaient franchi « un pas important », la situation paraît bien moins claire en cette fin de semaine. Le journal du vendredi 12 mai nous apprend que « la fédération renâcle », et elle « regimbe » même, l’occasion de découvrir un joli verbe. Son président, Jean Fournet-Fayard, est surpris et mécontent de découvrir dans la presse que l’entraîneur adjoint des Bleus, nommé il y a 8 mois, semble négocier son arrivée dans un club : « Gérard Houllier, en plus d’un contrat à durée indéterminée, a un engagement moral. Il a une mission à accomplir. Je ne vois aucune raison pour qu’il ne la mène pas à son terme. Je m’étonne, de surcroît, d’être sans nouvelles des Lillois. J’attends qu’ils me donnent des éclaircissements ». Voilà bien une partie du problème : le LOSC tente d’attirer un entraîneur qui est par ailleurs engagé, et pas n’importe où, sans avoir contacté au préalable son employeur. Sûr de leur fait, s’appuyant sur, a priori, la volonté de Houllier de rejoindre le LOSC, les dirigeants nordistes ont viré dare-dare leur coach… « Est-ce donc un crime d’avoir contacté Gérard Houllier ? » demande naïvement Amyot ; « c’est un homme du Nord qui n’a jamais caché son désir d’y revenir. Il fallait en parler avec lui avant de se tourner vers les autorités fédérales, ce à quoi nous allons nous attacher prochainement. Mon but est de sortir notre région de l’anonymat footballistique, pas de me faire plaisir». Jouer sur la fibre régionaliste risque de ne pas peser pas grand chose face à la fédération et aux contrats en cours.
De son côté, Gérard Houllier ne dit pas grand chose : « Donnez moi 2-3 jours. Je ne peux rien dire pour le moment. J’ai des vues convergentes avec le LOSC, mais je ne suis pas complètement libre ». Mises bout à bout, les déclarations des uns et des autres semblent conduire à une évidence : le cœur de Gérard Houllier penche pour Lille où on est prêt à l’accueillir à bras ouverts, mais Jean Fournet-Fayard ne veut pas le laisser partir : « il craint, sans doute, un nouvel ébranlement de la maison tricolore, même si l’arrageois n’y vit que dans l’ombre de Michel Platini » ajoute la VDN, dont on sent bien qu’elle souhaite la venue de l’ex-entraîneur de Lens, quitte à minimiser son rôle et son influence au sein de la fédé. Le président de la FFF a-t-il les moyens de retenir Houllier ? Houllier a-t-il intérêt à quitter la fédé pour le LOSC ? 5 ans après avoir été contacté pour la première fois par le club lillois, Gégé viendra-t-il pour de bon ? Si non, il faudra changer son fusil d’épaule, mais on suppose que le LOSC a des idées : circulent les noms de Kasperczak, Santini, Suaudeau et Husson.
C’est non
Comme on le sentait venir, la journée du vendredi 12 a pris un virage décisif. La FFF s’oppose officiellement à la venue de Gérard Houllier au LOSC.
Et il semblerait que la décision vienne d’encore plus haut que la position de Fournet-Fayard : le secrétaire d’Etat aux sports, Roger Bambuck, serait intervenu personnellement pour s’opposer fermement au départ d’Houllier. Il faut dire qu’il vient de lancer un plan visant à lutter « contre le laxisme des autorités du football » ; or, selon la VDN, « le plan du secrétaire d’Etat ne pouvait être battu en brèche dès le lendemain de sa divulgation par le retrait de l’adjoint de Michel Platini ». Si l’on ajoute à cela le fait que, depuis la coupe du monde 1986, l’équipe nationale est dans un trou d’air, l’instabilité au niveau des Bleus ferait très mauvais genre. La tête de Fournet-Fayard est déjà mise à prix : pas la peine d’ajouter une nouvelle casserole. Pas du tout pour dramatiser la situation, la VDN évoque la « raison d’Etat » et représente un Houiller pris dans les filets, si ce n’est prisonnier, de la fédération !
Houllier a alors deux solutions: soit il se soumet à la volonté de la fédération, soit il opte pour l’épreuve de force en démissionnant. Mais selon la VDN, cette dernière option aboutirait à un procès où le LOSC risquerait d’être concerné pour « débauchage abusif » : « on voit mal comment Gérard Houllier prendrait le risque d’un tel conflit qui l’amènerait à commencer sa carrière lilloise en traînant le boulet d’un désavoeu fédéral. Il hypothèquerait son plan de carrière en coupant brutalement les ponts avec la rue d’Iéna, un an seulement après y être entré ».
« Gros-Jean comme devant »
Bref, ça sent le pâté pour les Lillois, où on pensait que Gérard Houllier n’aurait pas de difficultés majeures à recouvrer sa liberté, comme d’autres avant lui : « mais il faut croire que l’époque n’est plus aux arrangements, la fédération souhaitant réaffirmer une autorité tellement bafouée ces derniers temps ». Du coup, du côté du LOSC, on est dans une « position ennuyeuse, c’est le moins que l’on puisse dire », car même si des contacts sont noués avec d’autres, on misait sur la venue certaine de Houllier : « la séparation d’avec Georges Heylens n’avait-elle pas été liée à l’arrivée quasi certaine de l’ancien entraîneur du RC Lens ? ». L’impossible venue de Houllier ne peut dès lors faire passer le prochain entraîneur du LOSC que comme un choix par défaut. La VDN insiste sur la « légèreté » des dirigeants du LOSC, « un club se retrouvant Gros-Jean comme devant » : « on est, dès lors, obligé de s’interroger sur le rôle exact des uns et des autres dans cette affaire qui va entamer la crédibilité du comité directeur lillois ».
« Dégonflé ! »
Samedi 12 mai, par le biais d’un communiqué, Gérard Houllier annonce qu’il renonce à venir au LOSC.
On y lit : « j’étais d’accord sur tout ! La politique du club, le visage de l’équipe à venir. J’avais envie de faire passer certaines idées au cœur d’une région qui m’est chère ». Mais comme la VDN l’avait envisagé, venir à Lille hypothèquerait sa carrière : « j’avais envie de venir au LOSC. J’étais vraiment content. Mais je ne peux pas torpiller mon avenir. D’un côté, il y a une aspiration régionaliste avec tout cela comporte de liens affectifs. De l’autre, une action nationale qui s’inscrit dans un vaste programme de renouveau du football français. Un véritable dilemme. Je comprends la déception et la tristesse des dirigeants nordistes. Mais je ne perds pas espoir de prendre les choses en main, un jour ou l’autre ». Au sein de la fédération, ses responsabilités devraient être étendues : il va passer DTN.
La VDN résume bien la recette du sentiment général : « une cuillerée de précipitation, une pincée de naïveté, un zeste d’ignorance, un nuage de susceptibilité et la pâte vous reste sur l’estomac. Pour longtemps (…) Aujourd’hui, le LOSC n’a plus d’entraîneur et doit se rabattre sur l’ANPE (…) On a fait tomber une tête. Peut-être n’était-ce pas la bonne ? ». Voilà qu’on réclame des têtes !Premiers visés : Jacques Amyot et Bernard Gardon. Ils contre-attaquent : « vous m’accusez de légèreté, déclare Amyot, mais comment peut-on qualifier l’attitude d’un homme qui est d’accord sur tout, puis qui fait machine arrière sans crier gare ? Il y a des années que Gérard Houllier exprime son désir de venir travailler à Lille. J’irais à genoux, m’a t-il confié. Nous avions trouvé un terrain d’entente tant sportif que financier. Mercredi soir, nous sabrions le champagne pour fêter le mariage… ». Sentant le vent tourner, Amyot s’était même rendu au Parc des Princes vendredi soir, quitte à se taper PSG/Laval : « je lui ai fixé rendez-vous pour une explication les yeux dans les yeux. Mais je le cherche encore. C’est un dégonflé ». Gardon ajoute une couche : « des pratiques comme celles-là, je n’en avais jamais vues. Des gens comme lui déshonorent la profession. Après une telle conduite, on ne peut qu’être soulagé. Nous avons réalisé l’affaire du siècle en perdant Houllier ». Le lundi 15 mai, dans la Voix des Sports (VDS), Amyot poursuit : « Gérard Houllier a préféré la sécurité de l’emploi. À la fédération, la paie tombe jusqu’à 65 ans. Moi, j’ai commencé comme manœuvre. Je dispose, aujourd’hui, de 1 000 employés. Je sais ce que représente la gestion des hommes mais aussi ce que vaut la parole donnée. J’ai simplement eu la faiblesse d’y croire ». « Emouvant » commente ironiquement l’hebdomadaire sportif.
On trouve également dans la VDS la réponse de Houllier aux propos des Lillois la veille dans la VDN. A priori, toute collaboration dans un futur proche entre tous ces hommes est compromise :
« J’imaginais que la réaction des responsables du club lillois serait celle de la déception, voire du dépit. Je ne m’attendais pas à de la bassesse, à des attaques qui n’honorent pas leurs auteurs.
J’ai de l’estime pour Jacques Amyot. J’en ai un peu moins pour Bernard Gardon. Mon choix a été dicté par les circonstances. À défaut de le comprendre, ils auraient pu le respecter.
Cela dit, j’ajouterai deux choses :
Primo, je n’ai pas de leçon à recevoir de Bernard Gardon. Moi-même, je me garde bien de le juger au travers de ses expériences antécédentes, malheureuses.
Secundo, je n’ai pas attendu d’être confronté à un choix devenu impossible pour faire preuve de courage. Ceux qui m’ont suivi à Noeux, à Lens puis au PSG, que j’ai repris en zone rouge, peuvent en témoigner.
En conclusion, j’ajouterai qu’un jeune homme ou une jeune fille éconduit pense toujours que, finalement, le parti n’en valait pas la peine »
Le LOSC n’a plus d’entraîneur. Amyot va désormais revoir la liste des successeurs possibles à Georges Heylens. Mardi 16, une première audition a lieu : celle de… Georges Heylens.
Posté le 12 décembre 2020 - par dbclosc
Saint-Marin : ode douce
33.607. C’est à peu près le nombre d’habitants de Cambrai. C’est très exactement celui de la République de Saint-Marin, micro-état enclavé dans le nord de l’Italie sur le Mont Titano, non loin de Rimini. La « Sérénissime » est également réputée pour être la plus ancienne république du monde, sa constitution datant de 1600. Elle se distingue aussi pour avoir, selon certains, « la pire sélection du Monde » en football, appréciation que l’on retrouve dans la plupart des articles qui portent sur la sélection saint-marinaise.
Pour défendre leurs couleurs nationales à l’extérieur, la plupart des joueurs de Saint-Marin, amateurs, doivent prendre sur leurs congés pour effectuer le déplacement. Devant déjà faire avec des contraintes plus lourdes que la plupart des pays européens, Saint-Marin doit parfois se dispenser de certains de ses internationaux faute que le calendrier international soit compatible avec leurs contraintes familiales et professionnelles, devant encore puiser plus loin dans son maigre réservoir de joueurs. Malgré tout, cela n’empêche pas la majorité de ceux qui commentent la sélection nationale de se satisfaire de les regarder avec condescendance en moquant la faiblesse de leurs résultats, le tout le cul bien vissé dans le canapé.
Franchement, qu’est-ce qui est plus la honte : qu’une équipe composée d’employés et d’ouvriers perde 5-0 contre la Russie ou perdre son temps à consacrer une vidéo pour se foutre de leur gueule ?
Certes, la sélection saint-marinaise est sans doute la moins performante d’Europe, comme semble le confirmer sa dernière place dans le groupe 2 de la Ligue des Nations D. En réalité, ces résultats ne traduisent aucune « nullité » de la part des Saint-Marinais : les performances de la sélection sont ainsi le produit de la faiblesse de son réservoir de joueurs lui-même directement lié à sa population 14 fois plus réduite qu’à Malte, 19 fois par rapport au Luxembourg, ou encore 89 fois moindre qu’en Lituanie, sélections qui ne sont pourtant qu’à peine plus brillantes que celles de Saint-Marin.
Seul Gibraltar, avec 32.247 habitants a une population plus réduite en Europe parmi les nations européennes ayant une sélection reconnue par l’UEFA. Et encore Gibraltar bénéficie-t-il d’un avantage par rapport à Saint-Marin en tant que territoire britannique, ce qui facilite la « naturalisation » des joueurs non-natifs du territoire : c’est ainsi que les Gibraltariens peuvent compter dans leurs rangs des joueurs comme Scott Wiseman (129 matchs en championship) sans pour autant être natif de Gibraltar. Et comme si cela n’était pas assez compliqué comme ça, Saint-Marin s’est toujours refusé à adopter une stratégie de facilitation des « naturalisations sportives » alors qu’elle pourrait sans doute attirer nombre de joueurs italiens évoluant dans les clubs d’Emilie-Romagne ou des Marches.
A quand les nouveaux Bonini et Selva ?
La plus grande star du football saint-marinais reste à ce jour Massimo Bonini, ancien milieu de terrain de la Juventus dans les années 1980 avec laquelle il remporte trois scudetti (1982,1984 et 1986), une coupe d’Italie (1983), une coupe des champions (1985) et une coupe des coupes (1984). La sélection saint-marinaise n’a fait cependant que trop tardivement ses débuts pour en profiter pleinement : Bonini a 31 ans quand il dispute sa première sélection (en 1990).
Marco Macina fût la seconde vedette du football saint-marinais et le deuxième Titan (le surnom des Saint-Marinais) à avoir joué dans l’élite italienne. Il y débute avec Bologne à 17 ans (le 22 novembre 1981 contre la Juventus) pour ce qui reste le seul match de l’histoire de la Serie A au cours duquel deux joueurs saint-marinais furent présents concomitamment. Il est ensuite titulaire à Parme, en Serie B, où il brille et est reperé par le Milan AC qui le fait signer à l’été 1985. Il ne s’y imposera pas et sera prêté en Serie C à la Reggiana puis à Ancône où il connaîtra une grave blessure qui mettra fin à sa carrière à moins de 24 ans.
S’il s’agit là des deux meilleurs joueurs de l’histoire du football saint-marinais, ils n’ont pour autant pas été les joueurs les plus marquants de la sélection, Bonini et ses 19 sélections et encore davantage Macina et ses 2 capes font en effet pâle figure en comparaison des 8 buts en 73 sélections d’Andy Selva.
Avec 8 buts, Andy Selva est bien sûr le meilleur buteur de l’histoire de la sélection. Il est aussi le seul à avoir inscrit plus d’une unité sous le maillot de la Nazionale et demeure peut-être le seul joueur au monde à pouvoir affirmer avoir inscrit quatre fois plus de buts que le deuxième meilleur buteur de l’histoire de son pays. Il a fait de la Belgique sa victime favorite avec 3 buts inscrits contre les Diables Rouges (dont deux à Geert De Vlieger). Il est en outre un redoutable tireur de coup-francs puisqu’il a inscrit la moitié de ses buts en sélection de cette manière.
Andy Selva face au belge Eric Vanderhaeghe
Crédit photo: Walfoot.be
Autre particularité de Selva ? Sans doute celui du nombre de buts inscrits en sélection – en tout cas en Europe – en étant issu d’un club de niveau inférieur à la deuxième division nationale : il marque ainsi 3 buts alors qu’il appartient à un club de C2 (4ème division) et 4 autres quand il joue en C1 (3ème division), son dernier but étant inscrit lors de sa seule saison en Serie B (avec Sassuolo). S’il est une star à Saint-Marin, Selva n’a jamais été qu’un joueur des divisions inférieures en Italie, pendant longtemps des plus basses division nationales. Il totalise 61 buts en Serie D et 66 en Serie C au cours de sa carrière.
La Sérénissime en attente de sa « génération dorée »
A plusieurs moments de son histoire, la sélection saint-marinaise a pu espérer disposer d’une « génération dorée », si ce n’est capable de lutter au niveau international, au moins de s’appuyer sur un noyau de joueurs de niveau professionnel. Quand Bonini et Macina furent à leur sommet, dans les années 1980, la sélection nationale n’existait malheureusement pas encore. Vingt ans plus tard, vers la fin des années 2000, la sélection semble pouvoir nourrir certains espoirs avec l’émergence d’une génération de joueurs pouvant ambitionner de jouer au niveau professionnel : fin 2009, Saint-Marin compte quatre joueurs nés entre 1986 et 1989 titulaires au niveau Serie D, Aldo Simoncini, Maicol Berretti, Matteo Vitaioli et Mirko Palazzi, auxquels on peut ajouter Manuel Marani (né en 1984) qui fait une saison solide avec Russi, également en Serie D, Giovanni Bonini (le fils de Massimo), né en 1986, et Alex Della Valle (1990) qui a joué quelques rencontres de Serie D la saison précédente.
Pourtant, de cette « génération dorée », seul le défenseur Mirko Palazzi s’ancrera durablement au niveau national, disputant 102 matchs au niveau Serie C (Serie C2 pour l’essentiel) et 76 au niveau Serie D (où il joue actuellement avec la Marignanese). Le gardien Aldo Simoncini a, certes, tutoyé le haut niveau, quand il signe comme troisième gardien à Cesena, en Serie A, en janvier 2011. L’expérience sera de courte durée puisqu’il est prêté un an plus tard à Valenzana (Serie C2) où il n’est que doublure pendant le mois (!) où il y reste avant de rejoindre Libertas dans le championnat saint-marinais qu’il ne quittera que pour le voisin de Tre Fiori en 2018. Après trois saisons en Serie D et autant de prêts de son club de San Marino Calcio, Maicol Berretti rejoindra également le championnat saint-marinais et le club de Pennarossa en 2010. Il joue actuellement à Libertas, toujours dans le championnat saint-marinais. Assez peu d’ailleurs, puisqu’il y est remplaçant.
La photo qu’on trouve depuis quelques années sur la page wikipedia de Matteo Vitaioli. Sauf que ça n’est pas Matteo Vitaioli.
Mais c’est sans doute Matteo Vitaioli, 31 ans, qui constitue la meilleure illustration des difficultés rencontrées par les joueurs saint-marinais pour passer le cap du professionnalisme. Grand espoir, il dispute son premier match avec l’équipe première du San Marino Calcio (en Serie C1) la veille de ses 16 ans et il les a à peine atteint quand il inscrit son premier (et seul) but avec son club formateur, à chaque fois lors de matchs de coupe. Cette saison-là, il est le deuxième plus jeune joueur à disputer un match de coupe après Mario Balotelli. Il est ensuite prêté successivement à deux clubs de Serie D, Castellarano puis le Real Montecchio. Il n’a encore que 19 ans quand il revient au San Marino Calcio après une saison convaincante avec Montecchio (30 matchs, 6 buts), mais il ne parviendra jamais à s’imposer à un niveau plus élevé : il ne jouera ainsi que 19 rencontres de Serie C lors de ses trois saisons dans son club formateur entre 2009 et 2012 (pour un total de 23 matchs de championnat en comptant la période 2005-2007). A partir de ce moment, Vitaioli ne jouera plus qu’en Eccellenza (première division régionale) ou en Promozione (deuxième niveau régional), loin des attentes que pouvait nourrir un joueur au talent précoce et déjà titulaire au niveau Serie D avant sa majorité. Il joue désormais au Tropical Coriano (Eccellenza) depuis 2014, club avec lequel il a inscrit 74 buts.
Là, par contre, c’est vraiment Matteo Vitaioli
Les trois autres nommés ne feront pas mieux. Après sa bonne saison 2009/2010 avec Russi en Serie D (33 matchs, 5 buts), Manuel Marani ne jouera plus jamais au niveau national italien. Bonini a disparu encore plus rapidement des radars puisqu’il se contente du championnat saint-marinais depuis 2009. Alex Della Valle ne l’a rejoint qu’en janvier 2011 après 6 mois passé à Rimini (Serie D) sans jouer le moindre match. En janvier, cela fera alors 10 ans qu’il joue pour Faetano.
Et si cette fois c’était la bonne ?
Sur le papier, la nouvelle génération est, au moins en nombre, moins prometteuse. Alors qu’il y a 10 ans, Saint-Marin pouvait revendiquer 5 joueurs titulaires dans les divisions nationales italiennes (Simoncini, Marani, Berretti, Vitaioli et Selva), seul Filippo Berardi pouvait le revendiquer sur la saison 2019/2020. En y regardant de plus près, la nouvelle génération n’est peut-être pas si mauvaise et reste prometteuse.
Parmi ses têtes de proue, on trouve le gardien Elia Benedettini, même si sa dernière année rend difficile d’imaginer la tournure que prendra sa carrière. Elia est le neveu de Luigi Benedettini, ancien gardien de la sélection dans les années 90 et cousin de Simone, sa doublure en sélection. Il s’est d’abord fait remarquer pour ses belles performances avec les U21 de Saint-Marin n’encaissant que 30 buts en 13 sélections et réalisant 3 « clean sheets » (entre 2013 et 2016) ce qui constitue des performances inédites pour un gardien d’une sélection nationale saint-marinaise. En parallèle, il passe deux saisons comme titulaire dans les buts de la Pianese en Serie D italienne où il est repéré par Novare (Serie B) et où il signe à l’été 2016. D’abord numéro 3, il devient la doublure du Suisse David Da Costa en janvier 2017, statut qu’il garde jusqu’à une rupture des ligaments croisés en septembre 2019 qui le laisse sur le flanc pendant plus d’une année.
Entre temps, Benedettini a disputé 5 matchs de Serie B, 6 de Serie C (Novare a été relégué à l’été 2018) et 5 matchs de coupe d’Italie dont un huitième de finale à Rome contre la Lazio (perdu 4-1). Il était déjà titulaire lors des trois tours précédents, et notamment lors de la qualification aux tirs aux buts contre Brescia qui allait terminer en tête du championnat de Serie B (2-2, 5 tab à 4). Il est pourtant actuellement sans club, un mois après avoir résilié son contrat avec Novare. Sur une pente ascendante jusqu’à sa blessure, l’avenir professionnel d’Elia semble désormais en suspend. Cela n’a pas empêché Franco Varrella, le sélectionneur italien de Saint-Marin, de le titulariser contre Gibraltar le 14 novembre (0-0).
A 20 ans, Nicola Nanni, l’avant-centre, est le dexuième grand espoir du football saint-marinais. Sous contrat avec Crotone (15 matchs débutés sur le banc en Serie B), il a été prêté en Serie C à Monopoli (la saison dernière), puis à Cesena (cette saison), pour 16 matchs disputés, dont 2 comme titulaire. Où le mènera la suite de sa carrière ? Difficile à dire, tant sa trajectoire peut aussi bien correspondre à celle d’une future terreur de Serie B qu’à celle de joueurs plafonnant au niveau Serie D.
Mais la « star » de l’équipe nationale et sa valeur la plus sûre est Filippo Berardi, 23 ans, seul joueur de la sélection à être titulaire dans un club professionnel, en l’occurrence à la Vibonese (Serie C) avec laquelle il a disputé 20 matchs de championnat pour 2 buts inscrits et 6 passes décisives lors de la saison tronquée 2019/2020. Il est le dernier joueur sain-marinais à avoir inscrit un but pour la sélection nationale, le 16 novembre 2019, lors d’un match contre le Kazakhstan (1-3) dans le cadre des éliminatoires de l’Euro. Il mettait alors fin à une série de 16 matchs de suite sans inscrire le moindre but pour la Sérrenisime.
Il débute en Serie C2 avec Rimini à moins de 17 ans puis réalise sa première saison comme titulaire en Serie D la saison suivante, toujours avec Rimini. Il poursuit ensuite sa formation (et sa progression) au Torino où il marque 14 buts en 50 matchs avec la Primavera en deux saisons. Il rejoint ensuite trois clubs de Serie C, la Juve Stabia, Monopoli, puis la Vibonese où il est désormais titulaire. Avec plus de 60 matchs à ce niveau, sa trajectoire, constamment ascendante depuis ses débuts de carrière, donnent certaines garanties quant à sa capacité à s’inscrire durablement au haut niveau. Certes, il ne s’agit pas d’un pedigree à même de susciter l’envie de le recruter au LOSC, mais suffisant pour en faire une exception à l’échelle de Saint-Marin.
La question des performances futures de la Sérenissime tiendra également à sa capacité à trouver les remplaçants de ses joueurs les plus âgés. C’est particulièrement la défense qui est concernée puisqu’elle compte parmi les titulaires de la dernière Ligue des Nations Mirko Palazzi (33 ans), Dante Rossi (33 ans) et Davide Simoncini (34 ans). Filippo Fabbri (18 ans), 2 apparitions sur le banc de Cesena cette saison, et Alberto Tomassini (18 ans), titulaire au Tropical Coriano jusqu’à ce que le championnat d’Eccellenza soit suspendu pour cause de covid, pourraient être ceux-là.
La dynamique positive de la Serenessima freinée par la crise sanitaire …
Si souvent moquée, la sélection saint-marinaise a cependant enregistré des résultats qui, depuis un an, laissent entrevoir certains progrès. Certes, elle a terminé dernière de son groupe de Ligue des Nations composé de Gibraltar et du Liechtenstein, mais les résultats sont clairement décevants au regard de la physionomie des matchs et elle vient d’enchaîner deux 0-0 de suite, « série » sans précédent dans l’histoire de St-Marin en compétition. Si la Serenessima débute par une défaite à Gibraltar (0-1) et contre le Liechtestein (0-2), elle fait jeu égal à chaque fois avec ses adversaires. Contre le Liechtenstein, elle concède un 0-0 qui associe la joie d’un premier point pris après 40 défaites de suite et la déception de ne pas l’avoir emporté après un match largement dominé.
Le 14 novembre, pour son dernier match de groupe, contre Gibraltar, Saint-Marin a également obtenu le match nul tout en ayant disputé presque la totalité de la seconde mi-temps à 10 contre 11 après l’expulsion de Davide Simoncini (49è). Si la Serenessima n’a pas dominé, elle n’a jamais été en danger majeur comme l’illustre le fait qu’elle n’a concédé aucun tir cadré. Si, entre ces deux matchs, la sélection a bien connu la défaite (0-3) contre la Lettonie, le résultat demeure encourageant si l’on tient qu’elle a disputé ce match sans Elia Benedettini (de retour de blessure), Palazzi (cas contact), Berardi (touché par la covid) et Nanni (retenu par son club).
Au-delà de ces résultats positifs, on peut toutefois se demander dans quelle mesure les petites nations qui s’appuient un fort contingent de joueurs amateurs ne subiront pas plus lourdement que les autres les effets de la crise sanitaire. Les championnats amateurs ont en effet interrompu leurs compétitions, ce qui fait que l’essentiel des joueurs de la sélection pourrait subir un déficit de rythme. Ainsi, depuis le mois de mars, les championnats régionaux italiens n’ont connu que … 3 journées de championnat ! Sur la même période, la sélection a en revanche disputé 6 rencontres.
… et les embûches administrativo-financiaro-sportives ?
Le football saint-marinais n’a cependant pas attendu le coronavirus pour connaître la crise. Historiquement, la sélection nationale s’est ainsi appuyée sur le club de San Marino Calcio (ex AC San Marino), principale club de la République qui accède pour la première fois de son histoire au championnat national italien (en Serie D) en 1987. Depuis cette date, et sauf en 1992/1993 et 1996/1997, le club saint-marinais a toujours joué au niveau national, montant parfois jusqu’au niveau Serie C1 (de 2005 à 2007 puis de 2012 à 2014). Nombre de joueurs de la sélection saint-marinaine sont passés par San Marino Calcio, ce qui leur permettait de se confronter chaque week-end à des équipes de niveau national. Ainsi, en 1993/1994, cinq joueurs de la Nazionale jouent au San Marino Calcio. En 2018/2019, ce sont encore quatre internationaux saint-marinais qui portent les couleurs du club (Simone Benedettini, D’Addario, Grandoni et Michele Cevoli).
Or, en 2019, face aux difficultés financières du club, la décision est prise d’une fusion avec Cattolica 1923, club de niveau Promozione. Sur le papier, la solution pourrait permettre à San Marino de mettre fin à ses problèmes financiers et à Cattolica d’accéder à la Serie D. En 2019/2020, Cattolica Calcio San Marino connaît donc la première saison de son histoire. Cela sera aussi sa dernière.
Ainsi, la fusion s’est faite entre deux entités aux identités fortes, et les deux clubs d’origine n’ont jamais réussi à s’entendre sur la nature de leur accord. Au printemps 2020, le groupe des Ultras de Cattolica 1923 a ainsi clairement réaffirmé son exigence que le club soit bien baptisé Cattolica Calcio et non San Marino Football comme il en est question (1). Les Saint-Marinais s’y opposent, considérant qu’ils ne peuvent abandonner leurs couleurs bleu ciel (le club a adopté les couleurs sang et or de Cattolica en 2019/2020) et renoncer à une appellation mentionnant Saint-Marin. A ces difficultés propres aux identités de chacun des deux clubs s’ajoutent vraisemblablement des difficultés administratives, le club annonçant alors en juillet renoncer « face à la bureaucratie infranchissable de règles sportives qui ne permettent pas seulement le changement de nom, mais aussi la cession ou l’attribution du titre à une société italienne ». En 2020/2021, aucun club de Saint-Marin n’est donc engagé dans des compétitions italiennes (2).
Pour la première fois de son existence, la sélection saint-marinaise doit alors fonctionner sans le soutien de son grand club.
(1) Le 13 juillet, les Ultras de Cattolica 1923 déclaraient dans un communiqué officiel : « Nous sommes prêts à suivre seulement une équipe qui porte le nom de Cattolica et qui porte les couleurs de Cattolica, quelle que soit la catégorie. Nous ne soutenons pas Saint-Marin ! »
(2) De son côté, Cattolica1923 a finalement fusionné un mois plus tard avec la Marignanese, championne d’Eccellenza la saison précédente et promue en Serie D. Comme on pouvait s’y attendre, les Ultras de Cattolica n’ont pas mieux accueilli cette fusion que celle avec le club saint-marinais et ont déclaré dans un communiqué officiel qu’ils ne supporteraient pas le tout nouveau Marignanese Cattolica 1923.
Posté le 2 décembre 2020 - par dbclosc
1932, le Sparta à Lille : les Tchèques aboient
En novembre 1932, l’Olympique Lillois, en tête du premier championnat de France professionnel de l’histoire, s’offre une parenthèse amicale en recevant au stade Victor-Boucquey le champion de Tchécoslovaquie : le Sparta Prague, qui offre une exhibition digne de ce qui est considéré à l’époque comme le meilleur football d’Europe.
Nous sommes le 20 novembre 1932 : alors que la France découvre avec émoi le nationalisme breton, qui revendique en ce dimanche l’attentat contre le train du chef du gouvernement, Edouard Herriot, l’Olympique Lillois (OL) joue aussi les séparatistes en se détachant en tête de sa poule du championnat grâce à une nouvelle victoire, cette fois à Hyères (1-0, but du Britannique William Barret). C’est la huitième victoire consécutive pour les Dogues qui, après une défaite inaugurale contre Marseille à domicile (1-2), n’ont fait que gagner. Avec 16 points en 9 matches, l’OL termine donc les matches aller avec une avance confortable sur ses poursuivants. Le championnat fait désormais une pause de 3 semaines et on voit bien que les Lillois, à l’approche de l’hiver, ne risquent pas de se retrouver comme certains Tchèques : sans provisions.
Cette saison 1932/1933 marque la première édition d’un championnat de football professionnel en France. L’idée, qui était en débat depuis plusieurs années, se concrétise lors d’un vote du conseil national de la Fédération Française de Football le 17 janvier 1931. À la surprise générale, le Sporting Club de Fives (SCF) s’y engage, débauchant même quelques vedettes de l’OL… ce qui incite dès lors les dirigeants de l’OL, dans la précipitation au cours de l’été 1932, à s’y engager aussi ! Ce premier championnat est divisé en deux poules, dont les vainqueurs doivent s’affronter en fin de saison pour désigner le champion : l’OL se retrouve dans la poule A et le SCF dans la poule B.
Un OL flandrio-anglo-hongrois
Bien évidemment, la satisfaction est de mise du côté lillois. Le président Gabriel Caullet, qui a succédé depuis quelques mois à Henri Jooris (qui reste président d’honneur et garde probablement une grande influence) se félicite dans Le Grand Echo du Nord de la France de l’adaptation de l’OL aux exigences du championnat professionnel : « c’est là évidemment le résultat d’un travail patient, d’une observation continuelle, d’une bonne volonté collective qui enchante le comité de l’OL. Nous avons cultivé la camaraderie et c’est ce qui nous a permis d’obtenir, de nous joueurs, ce « fondu », cette sympathie réciproque, cette réconfortante atmosphère d’intimité qui n’est pas autre chose qu’une autre forme de l’esprit de club le plus pur » (26 novembre). Pour le président, la force de l’OL est d« avoir gardé l’ossature de l’ancienne équipe et avoir eu beaucoup de chance en complétant cette ossature ». En l’occurrence, on le disait plus haut, une partie de l’ossature (Berry, Cheuva, et le gardien Vandeputte) est parti chez le voisin fivois. Pour la remplacer « nous avons fait un cocktail : un peu du jeu anglais d’attaque en pointe par les trois hommes du centre, une once de jeu hongrois pour éclairer les phases confuses et gagner un peu de terrain, le tout imprégné de la manière rude et forte chère aux Flandriens, dont les qualités de cran et de vitesse ne demandent qu’à être utilisées ». Pour ce qui est des Britanniques, Caullet parle des milieux Jock McGowan et William Barrett (ce dernier est à Lille depuis 1930), et l’attaquant Bert Lutterloch. Les Hongrois évoqués sont les dénommés Zoltan Varga et Zoltan Opata. Dans les buts, l’OL est allé chercher un gardien à Bully-les-Mines : Robert Défossé, qui ne tardera pas à être sélectionné en Bleu. Avec, en plus, Urbain Decottignies et Georges Winckelmans devant, l’OL, sous la houlette de son entraîneur Belge Robert De Veen, présente un beau visage. Mais « le championnat n’est pas terminé. Nous ne sommes pas au bout de nos peines et de nos soucis. La forme est capricieuse » tempère le président.
Le Grand Echo, 26 novembre 1932
L’OL garde ainsi ses influences historiques (du côté des Britanniques et de la Belgique) tout en allant puiser en Europe centrale, dans un football en pleine émergence et qui s’est d’ailleurs en partie construit contre le jeu direct et réputé rétif à l’intellectualisme tel qu’on le trouvait outre-Manche. L’ouvrage La Pyramide inversée revient en détail sur la manière dont, dans l’entre-deux-guerre, à Vienne, Budapest ou Prague, un public « artistique et bohème » s’est pris de passion pour les discussions autour de football, élevé au même rang que le théâtre, la littérature ou la politique.
Trêve internationale
8 victoires, 1 défaite, le « plus grand nombre de points dans les deux poules », un goal-average « incomparable », une défense « hors pair » (7 buts encaissés) : le Grand Echo ne trouve que des qualités à l’OL. Elles risquent de ne pas être de trop pour affronter le Sparta Prague.
La plupart des clubs de l’élite mettent en effet à profit la trêve pour organiser des matches internationaux. Pendant que, au stade Virnot récemment réaménagé, le SCF recevra Nuremberg, l’Olympique Lillois, au stade Victor-Boucquey (baptisé ainsi depuis 1930) va se frotter au champion de Tchécoslovaquie 1932, qui est enfin parvenu à détrôner son rival, le Slavia Prague, champion depuis 1929. Le Sparta, encore en tête de son championnat 1932/1933, est actuellement en tournée : le 23 novembre, quelques jours avant de jouer à Lille, il s’est incliné au stade du Heysel contre l’équipe nationale de Belgique (1-4) devant 15 000 personnes. L’Auto (24 novembre) relève qu’à Bruxelles, « les Tchèques furent pris souvent de vitesse, mais ils ripostèrent vaillamment par de petites passes à terre très précises ». Ce Belgique/Sparta est l’un des premiers matches de l’histoire joués en nocturne : les Tchèques se sont d’ailleurs plaints de ne pas s’être adaptés à la lumière artificielle. Il n’y aura pas ce souci pour le match prévu à Lille le 27 novembre, en plein après-midi (14h15).
« Il n’est bruit, dans la ville, que de la sensationnelle venue du Sparta, la fameuse équipe tchèque » souligne le Grand Echo, qui évoque la « valeur remarquable » du Sparta « ce grand club tchèque à la réputation mondiale », qui « compte des succès sur les meilleures équipes du continent » et « qui peut être classé dans les 4 ou 5 meilleures équipes du continent ». Est dès lors attendu un « spectacle de toute beauté », au cours duquel les Dogues vont avoir fort à faire : « en termes familiers, on peut se demander, sans exagérer, si les Dogues se feront vraiment « avaler » et à quelle « sauce » ils seront accommodés (…) Que fera l’Olympique Lillois contre une si redoutable formation ? Nous sommes persuadés qu’il fera mieux que se défendre (…) devant une formation où brille Raymond Braine d’un éclat particulier ».
Raymond Braine, un Diable Rouge-marron
Raymond Braine, c’est l’avant-centre du Sparta. Il est probablement le joueur belge le plus doué de son époque mais n’a pourtant pas revêtu la vareuse des Diables Rouges depuis 1929. Il est en effet suspendu par sa fédération pour « fait de professionnalisme ». Dans un football belge encore totalement amateur (et officiellement, ce sera le cas jusqu’en 1974, hormis quelques exceptions « semi-professionnelles » après la seconde guerre mondiale), la Belgique, comme la France à la même époque, traque l’« amateurisme marron », à savoir ces footballeurs officiellement amateurs mais qui, d’une manière ou d’une autre, tirent tout de même un revenu de leur activité sportive. En France, les années 1920 ont vu nombre de « scandales » éclater pour cette raison, et notamment à Lille en 1924, quand on se rend compte qu’Henri Jooris rémunère certains de ses joueurs. Disons que le président de l’OL a plutôt eu le malheur de s’être fait prendre. Le cas de Raymond Braine est assez particulier et illustre l’inflexibilité de la fédé belge : son tort est d’avoir ouvert un café à Anvers et d’avoir un chiffre d’affaire potentiellement élevé en raison de sa célébrité acquise grâce au football… « Un subterfuge » pour la fédération qui y voit une utilisation lucrative du football amateur : suspendu, Raymond Braine quitte alors la Belgique et signe en Tchécoslovaquie en 1929. Il manquera les coupes du monde 1930 et 1934 avant d’être de nouveau sélectionné à partir de 1935. C’est donc dans de curieuses circonstances symptomatiques des problématiques footballistiques de l’époque qu’il affronte sa propre sélection nationale, avant de se rendre à Lille.
Les Tchèques nous matent
Devant une « très nombreuse assistance » (l’Auto) estimée à « 5 à 6 000 personnes » (La Croix du Nord) et sur un terrain « gras et glissant », voici les équipes alignées :
OL : Robert Desfossé ; Jean Théry, Jules Vandooren ; Georges Beaucourt, John MacGowan, Georges Meuris ; Georges Winckelmans, Zoltan Varga, Zoltan Opata, Bert Lutterlock, Urbain Decottignies.
William Barrett et Fernand Amand complètent le groupe.
Sparta : Ledina ; Josef Ctyroky, Jaroslav Burgr (cap) ; Josef Kostalek, Jan Knobloch-Madelon, Erich Srbek ; Frantisek Pelcner, Josef Silny, Raymond Braine, Oldrich Nejedly, Karel Sokolar.
Après un début du match « un peu lent et comme craintif de la part des Lillois, le jeu s’équilibra et atteignit immédiatement une classe élevée » selon l’Auto (28 novembre). Dès la 19e minute, les visiteurs ouvrent la marque par Nejedly. Mais les Lillois reviennent rapidement grâce à Decottignies « à la suite d’une mêlée devant le but tchèque » (1-1, 25e). « La rencontre est équilibrée, les phases de jeu splendides soulèvent continuellement les applaudissements d’un public enchanté » ; à la pause, les équipes se quittent sur le score de 1-1. À la reprise, l’OL prend l’avantage par son Hongrois Varga : « les Dogues descendent et forcent Ledina à s’employer. Une fois, deux fois, le gardien tchèque renvoie, mais Varga reprenant la balle en dernier la loge dans les filets » (2-1, 50e). Alors « le match redouble d’intensité si possible et les attaques se succèdent à une cadence accélérée ». Les Tchèques arrachent l’égalisation sur un corner repris par Nejedly, qui signe un doublé (2-2, 64e). Le match tourne alors en faveur du Sparta : « pendant la dernière demi-heure de jeu, les demis lillois faiblissent un peu et comme le Sparta redouble d’ardeur, les visiteurs prennent un léger ascendant » qui se traduit par un nouveau but de Nejedly (2-3, 80e). Enfin, six minutes plus tard, « une succession de passes entre les attaquants tchèques fournit la balle à Pelcner qui marque un quatrième but » (2-4, 86e)
Match l’intran, 29 novembre 1932. Une petite erreur de légende sur le score.
Pour l’Auto, ce fut une « partie magnifique » et « la défaite de l’OL a été subie dans des conditions qui lui font honneur car l’exhibition de Sparta fut digne de la réputation de ce grand club ». La Croix du Nord abonde dans ce sens en rappelant que « les Tchèques sont certainement nos maîtres en football et la passe est faite à l’homme démarqué sans qu’elle soit annoncée comme chez nous par certains demis servant leurs avants » (28 novembre). Le journal a toutefois un reproche à faire au Sparta : « nous regrettons, néanmoins, certains truquages qui ne sont pas à leur honneur. En effet, le demi droit et l’arrière droit surtout, écartaient l’adversaire attaquant avec les coudes ou même avec le bras écarté du corps, sous l’oeil de l’arbitre impassible. À part cette légère critique, nous avons assisté, à certains moments, à de superbes phases de jeu de la part des deux équipes ». Du côté du Sparta, « l’équipe forme un tout parfait : la défense s’avéra excellente, principalement le gardien, qui réceptionna des bottés dans toutes les positions, dans le haut des buts aussi bien que dans ses plongeons. Les demis servirent à merveille une attaque vive et précise, surtout lorsqu’ils pratiquaient par leurs ailiers qui furent, par leurs centres, les organisateurs de la victoire ». Et, du côté des Dogues lillois, « la défense se montra très sûre ; Défossé fut battu chaque fois de très près et par des reprises de demi-volée ; Vandooren fut le briseur d’attaques habituel, bien secondé par Théry qui se place bien ; Mac Govan, en défense, fut le roi du terrain, mais moins précis dans ses passes aux avants ; Beaucourt fut aussi bon en défense qu’en attaque et marqua bien l’ailier droit, excellent dribbleur ; Meuris, courageux comme d’habitude ; Decottignies, Lutterlock formèrent une excellente aile droite ; Winckelmans, à l’extrême gauche, centra souventes fois trop tard ; Varga et Opata ne furent pas dans la course, sans doute en raison du terrain lourd qui les handicapa sérieusement ».
Les Tchèques aboient, les Dogues passent
Dans la soirée, après le match, une réception est organisée dans les salons de l’hôtel Bellevue : « une simple mais très cordiale manifestation destinée à fêter les splendides résultats acquis par l’OL au cours des matches aller du championnat professionnel » (Le Grand Echo, 29 novembre). Dans une ambiance conviviale, le comité du club, les joueurs et leur famille, et Henri Jooris président d’honneur, célèbrent le virage réussi vers le monde du football professionnel : « au moment des toasts, M. Caullet félicita les vaillants équipiers et leur entraîneur des résultats remarquables (…) Il souligna le redressement aussi profond que spontané qui permet aux Dogues lillois de sortir de difficultés sportives sans précédent. Il fit appel au remarquable esprit de camaraderie qui anime tous les joueurs du club et demanda au Dogues de « serrer les crocs » pour se préparer au dur choc des rencontres futures ». Et en effet, l’OL se rendra très prochainement à Marseille et s’inclinera dans des conditions rocambolesques, dont on a parlé ici. Ce faux pas n’empêche pas les Dogues de ravir le premier titre de champion professionnel au printemps 1933. Le Sparta laisse quant à lui son éternel rival du Slavia lui repasser devant jusqu’en 1936.
L’Olympique Lillois 1932/1933, premier champion de France de football professionnel
Debout : Défossé, M. Hochart (membre du comité), Meuris, Vandooren, Beaucourt, McGowan, Théry
Accroupis : Decottignies, Lutterloch, Barrett, Varga, Winckelmans