Archiver pour janvier 2021
Posté le 30 janvier 2021 - par dbclosc
Jubilé Plancque : Cantona relègue les frangins au second plan
En mai 1997, les frères Plancque organisent leur jubilé au stade Grimonprez-Jooris : un beau moment en perspective pour célébrer deux joueurs qui ont marqué le LOSC. Parmi les invités, Eric Cantona qui, une semaine avant la fête, annonce brutalement sa retraite sportive. Sa venue à Lille fait alors prendre une autre dimension à l’événement.
« Au départ, l’idée, c’était de faire un match sympa, au stade Guy-Lefort à Lambersart, devant 300 ou 400 personnes. Et puis, petit à petit, on nous a convaincus qu’il était possible de faire mieux ». Pascal Plancque ne cache pas son excitation et sa fierté à l’approche de la grande fête organisée le 25 mai 1997 au stade-Grimonprez-Jooris : lui et son frère Stéphane organisent en effet leur jubilé. Si les frères Plancque n’ont pas remporté de titre avec les Dogues, ils occupent une bonne place dans l’histoire du club. Au sein d’un LOSC à la recherche de sa gloire passée et sur courant alternatif durant ces années-là, celles et ceux qui ont vu jouer Stéphane (l’aîné) et Pascal (le cadet) se rappellent notamment l’efficacité du premier et la technique du second. Dans les années 1980, ils étaient beaucoup plus que des relais entre défense et attaque : ils représentaient l’espoir de voir le LOSC, proche de ses racines, s’appuyer sur des jeunes garçons du cru. Quelques années auparavant, Le club, à l’initiative notamment de José Arribas et de Charly Samoy, avait lancé une grande politique formatrice. Les frères Plancque, et bien d’autres, en étaient le fruit.
D’abord formés à l’Iris Club de Lambersart, les frères Plancque arrivent au LOSC comme Cadets (surtout Pascal, puisqu’il était le plus jeune). Leur père, Claude, qui a joué au LOSC au niveau amateur, raconte que « Stéphane n’aimait pas trop l’école, il n’a eu très vite que le football en tête. Pascal, lui, était plus tenté par les études. Mais il s’est vite aperçu qu’il était difficile de faire les deux. Ce fut le foot… ». Stéphane débute en équipe première lors d’un match de coupe de France contre Hautmont en 1978 : il vient alors de fêter ses 17 ans et inscrit déjà un doublé ; il apparaît pour la première fois en D1 en août 1978, et il signe ensuite son premier contrat professionnel en 1981. Quant à Pascal, il apparaît encore plus jeune en équipe première lors de l’été 1980, à l’occasion du tournoi de la communauté urbaine de Lille (contre Hambourg) ; il apparaît en D1 au mois d’août puis signe son contrat professionnel en 1983. On a déjà évoqué brièvement leur parcours à Lille, la difficulté de situer précisément leur positionnement sur le terrain et leur « fraternelle concurrence ». On a aussi évoqué la triste fin des frangins au LOSC, dans des circonstances qui restent floues. Mais qu’ils aient été loués ou critiqués, les frères Plancque ont laissé des souvenirs précis : ceux de leurs performances sur le terrain, et ceux, parfois, de leur extravagance en dehors, comme cette fois où Stéphane, pour sa première convocation dans le groupe pro pour un match amical, s’est pointé devant le coach avec une épingle à nourrice dans le nez. « C’était n’importe quoi » commente-t-il quelques années après. On confirme !
Au moment de les célébrer, l’heure est à la rigolade et à la fête entre copains, ce qui correspond bien à l’image qu’ils ont laissée. Et d’ailleurs, on ne relèvera chez eux aucun regret sur leurs carrières, dont on considère parfois qu’elles auraient pu aller plus haut. Interrogés par la Voix du Nord, deux entraîneurs qui les ont bien connus, laissent pointer un brin d’amertume, tout en soulignant leurs qualités. Ainsi, Georges Heylens dit qu’« ils me laissent une impression d’inachevé. Il s’agissait de deux éléments de grande valeur, mais je n’ai pas su tirer le maximum de ces deux garçons-là. Je reste persuadé que Pascal est passé à côté de la « montre en or », il aurait pu faire aussi bien que son frère qui a réalisé une belle carrière. Ils étaient complémentaires, l’un était fait de courage, d’abnégation, de vélocité, et l’autre était plus technique. Ils avaient un caractère entier et se montraient d’excellents équipiers qui savaient être boute-en-train ». Quant à Jean Parisseaux, il rappelle que les frères sont « deux garçons qui ont marqué la formation du LOSC. Stéphane est rapidement passé du stade « jeunes » au groupe professionnel. Pascal était encore étudiant et n’hésitait pas à venir s’entraîner après les cours. Ils ont fait une carrière honnête mais on pouvait espérer mieux ».
Pascal confirme : « nous étions les enfants terribles du LOSC. Je manquais de maturité, c’est évident. Disons que j’avais une hygiène de vie pas vraiment compatible… ». À l’heure des souvenirs, Charly Samoy les taquine : « Mes cheveux blancs ? Je vous les dois pour moitié… ». L’ancien gardien de but du LOSC rappelle, avec le sourire, que « c’étaient deux sales gamins. Mais ils incarnaient l’état d’esprit qu’il y avait au club à cette époque-là. Ils avaient la hargne, la rage, la colère, le sens de la révolte. Oui, il y avait un peu de tout cela chez eux. Et puis c’étaient des gamins sympas… Des lutteurs, jamais battus, qui allaient au bout d’eux-mêmes. Ils étaient différents, mais aussi difficiles à gérer l’un que l’autre ! De temps en temps, il aurait fallu un martinet… ». C’est avec regret qu’il les a vus partir simultanément, en 1987 : « nous voulions bâtir le LOSC autour d’eux. Mais on ne pouvait plus les retenir ».
Michel Castelain, les frères Plancque et Jules Bigot en amont de Lille/Le Havre en mai 1997 pour faire la promotion du jubilé
Place désormais aux célébrations ! Aux commandes de l’événement, on trouve Michel Castelain et David Plessis, qui se chargent de trouver quelques sponsors et d’activer leur carnet d’adresses. Le public aura de quoi exercer sa nostalgie en voyant œuvre d’anciens Dogues qui ont déjà confirmé leur présence. Parmi eux : Jean-François Domergue, Roberto Cabral, Pierre Pleimelding, Félix Lacuseta, Bernard Lama, Jean-Pierre Meudic, Cyriaque Didaux, Slavo Muslin ou Joël Henry. Ceux-là feront partie de l’équipe des « ch’tis », coachée par Charly Samoy. Voilà qui apportera un peu de joie à Grimonprez-Jooris, qui s’apprête à voir son LOSC descendre en deuxième division après 19 ans au sein de l’élite. La relégation est officialisée le 17 mai, après un match nul contre Le Havre. C’est l’issue presque inéluctable de plusieurs saisons sans relief d’un club tellement loin de son lustre d’antan, dans ce stade qui n’a vu aucune grande performance mais auquel on reste profondément attaché : « vous ne pouvez pas savoir comme ça me fait plaisir. Grimonprez, c’est vraiment quelque chose. Ici ça sent la frite et le football du Nord. J’ai toujours eu envie de rejouer à Grimonprez. Ça va être énorme pour moi… ça va être une joie immense » s’enthousiasme Stéphane. « Mon aventure au LOSC, je la revois dans sa globalité. Pas seulement à travers moi et mon frère. Très sincèrement, je ne me voyais pas organiser ce jubilé ailleurs qu’à Lille. Ma famille est là-bas, mes amis aussi. Et il y a les émotions de mon adolescence… Que M. Lecomte ait souscrit à notre idée, d’emblée, m’a fait plaisir. Le président lillois, je l’ai connu, naguère, grâce à la musique. On jouait dans le même groupe. Lui faisait du clavier et, moi, de la batterie ! Mais depuis, c’était bonjour, bonsoir ». Pascal complète : « Stéphane et moi, on fonctionne à l’affectif. Sincèrement, le LOSC, c’est beaucoup plus que notre premier club pro. Ce jubilé, ce n’est rien d’autre qu’une fête. Qui va nous permettre de faire plaisir à plein de gens ».
De l’autre côté, il y aura la « sélection des copains », entraînée par Roger Lemerre, et composée de joueurs croisés par l’un ou l’autre des frangins. On y trouvera, entre autres, Gaëtan Huard, Jean-Luc Dogon, Bernard Ferrer, William Prunier, Didier Six, Jean-Christophe Thouvenel ou Frédérik Viseux (que Pascal a connu à Pau). Et, dans chaque équipe se trouvera une star : chez les « Ch’tis », Jean Pierre Papin et, chez les « copains », Eric Cantona.
C’est Stéphane qui est allé chercher JPP. L’aîné, qui joue encore au niveau DH du côté de Arsac, en Gironde, a eu l’occasion de croiser celui qui est à l’époque le deuxième meilleur buteur de l’histoire des Bleus (30 buts, à égalité avec Fontaine) et est depuis un an l’avant-centre de Bordeaux : « je me suis rendu un jour à l’entraînement des Girondins et j’ai eu l’occasion de croiser Jean-Pierre. Ce n’était pas évident car nos précédentes rencontres avaient été plutôt chaudes. Lorsqu’il était à Marseille, prendre Papin au marquage, c’était un vrai combat. On n’était pas copains du tout ! Plusieurs fois, on a failli en venir aux mains, on se crachait dessus. Jean-Pierre fut le premier à venir me dire qu’on était vraiment cons à l’époque. Depuis, on est restés amis ».
Quant à Cantona, à ce moment 6e buteur de l’équipe de France (19 buts, à égalité avec Jean Baratte) c’est Pascal qui l’a connu à Auxerre lors de son arrivée en Bourgogne en 1987 : « je ne connaissais personne. Il a remarqué que j’étais un peu perdu. Lors du stage d’avant-saison, il est venu me voir, on a bu un coup ensemble et, à partir de là, il a toujours été aux petits soins. Je l’avais découvert par le biais d’une déclaration fracassante sur un entraîneur national. Jamais, jusque là, un joueur n’avait parlé comme ça. Il disait des choses que, moi, je n’arrivais pas à exprimer. Intérieurement, je me suis dit : « ce type ne se dégonfle pas. C’est un grand ! Il faut savoir prendre le personnage comme il est. On ne le changera pas, il aime la démesure, il est entier, il est unique ! Là où certains avancent en louvoyant, lui va tout droit. Et rien ne saurait l’écarter de son chemin ! ».
Les deux hommes deviennent rapidement amis : chaque année, Pascal se rend dans la maison familiale de Cantona dans les Hautes-Alpes. Le personnage, on le connait. C’est un garçon adorable, généreux, qui ne supporte pas l’injustice. On s’est vite trouvés des points communs, cela a collé tout de suite. On adorait Spreegsteen, le jazz, McEnroe. À l’époque, il débutait en équipe de France. De tous les joueurs que j’ai côtoyés, il est de loin le plus fort. Vandenbergh n’était pas très loin mais il n’avait pas la force de caractère d’Eric. Dès le premier entraînement, j’ai compris qu’il était au-dessus des autres. Sa venue à notre jubilé, c’est un cadeau. Je suis heureux comme un gosse. Je suis son pote mais je suis aussi un fan ! ».
Les principaux organisateurs, David Plessis et Michel Castelain, estiment le coût de l’événement à 150 000/200 000 francs. Deux tarifs sont proposés : 30 francs (secondes et premières) et 50 francs (partout ailleurs, y compris en présidentielles). L’objectif est aussi de récolter des fonds pour l’association « 9 de coeur » crééé quelques mois auparavant par la famille Papin pour venir en aide aux enfants atteints de lésions cérébrales (comme l’est leur fille Emily) et des fonds pour les enfants de Gaston Mobati, placés à la DDASS depuis le décès de leur père en 1995. Pour ce faire, à l’issue du match, une vente de maillots sera organisée lors d’une « soirée VIP » : seront notamment vendus les maillots de Dugarry (Milan AC), Lama (PSG), Cantona (celui du jubilé), et Zidane (Juventus). M. Behague arbitrera le match, et sera assisté de MM. Sergeant et Pétain ; qui ne devraient pas avoir beaucoup d’occupation.
À une semaine du jubilé, tout semble prêt ! Mais le dimanche 18 mai, une annonce va faire prendre au jubilé une autre dimension.
L’événement est suffisamment important pour qu’il se trouve en Une de la Voix des Sports le 19 mai et de la Voix du Nord le 20 mai : Eric Cantona arrête sa carrière ! Il l’a annoncé le 18 mai au cours d’une conférence de presse : « j’ai toujours prévu de m’arrêter en étant au sommet. Ici, à Manchester, j’ai atteint l’apogée et j’ai maintenant envie, après treize années chez les professionnels, ce qui est très long, de faire autre chose de ma vie. Durant ces quatre dernières années, j’ai joué mon meilleur football et je pars sans regret ». Cantona ne s’étend pas davantage sur ses motivations, laissant les journalistes présents sur leur faim. Entre deux hommages, toute la presse cherche à arracher au King une nouvelle déclaration, une explication, une justification. Mais il se tait, et le championnat anglais est terminé. Seule solution, se rendre à la seule manifestation publique à laquelle Cantona a déclaré se rendre : direction Grimonprez-Jooris, au jubilé des frères Plancque.
Au départ, ce devait être une simple fête entre copains autour des frères Plancque. Mais il a fallu qu’Eric Cantona annonce sa retraite une semaine plus tôt pour que la promesse de sa venue à Lille devienne aussitôt un événement de première importance. 65 accréditations – dont une trentaine pour des journalistes anglais – sont délivrées pour le jubilé. Des dizaines de supporters de ManU sont se sont annoncés. Il faut dire qu’on est désormais loin du joueur qui a quitté la France en 1991 : il était, certes, talentueux, mais on retenait autant son habileté technique que ses insultes contre Henri Michel, son départ de l’OM après avoir jeté son maillot ou son inoubliable tacle sur Michel Der Zakarian. Outre-Manche, même s’il a joué les karatékas vengeurs, ce qui lui a valu 8 mois de suspension, ses sacres avec Leeds (1992) et Manchester (titres en 1994 et 1997, doublés en 1993 et 1996) et ses innombrables prouesses l’ont élevé au rang de footballeur d’exception.
Au cours de la saison qui vient de s’écouler, Eric Cantona a été moins décisif. Sa silhouette s’était alourdie. Il avait fait de la Ligue des Champions son ultime objectif, mais l’élimination de Manchester par Dortmund en demi a fait s’envoler ce rêve. Son contrat expirait en 1998, et Fergusson n’était a priori pas chaud pour le prolonger. Et, puisque la coupe du monde se fera sans lui, il a pris les devants dans un ultime contre-pied, en donnant l’illusion de maîtriser un combat qui lui filait entre les doigts. Eric Cantona choisit donc de tirer sa révérence avant d’être renversé.
Au vu du flot de réactions que suscite cette retraite, de la cohue annoncée, on commence à douter de la venue de Canto à Lille. La VDN évoque une effervescence pas vue en France depuis le jubilé de Michel Platini en 1988 ! Dans la semaine qui précède le jubilé, les informations sont contradictoires : tantôt on évoque sa fidélité en amitié qui la fera venir quoi qu’il en coûte ; tantôt bruissent des rumeurs sur sa volonté de se protéger et donc de ne pas s’exposer en public. Quoi qu’il en soit, le jour du match, Cantona est espéré, en Une de la Voix du Nord.
Le premier gag de l’après-midi survient au moment où se présente Pascal Plancque à l’entrée du stade : il est refoulé par la sécurité. Après quelques explications, le malentendu est levé. Ce serait une vengeance froide de Samoy que ça ne nous étonnerait pas. Hormis quelques désistement (Vercruysse a prévenu dans l’après-midi qu’il n’avait « plus envie » de venir ; Marcel Dib, directeur sportif de l’OM, a préféré raser les murs après le 0-8 encaissé à Lyon la veille ; Stéphane Paille).
Et à 17h30 se pointe une Mercedes : « Ray-Ban et coupe de légionnaire, Sa Majesté Cantona en sort, flanquée de deux molosses patibulaires au regard d’acier » commente sobrement la Voix des Sports. Venu sans ses chaussures de foot, Canto a fait ouvrir deux magasins un dimanche pour trouver chaussure de son équipementier à son pied. De sa sortie de voiture à son entrée sur le terrain, il est protégé par « un dispositif de sécurité digne d’un ministre, mais risible dans le contexte d’un jubilé de football ». Si quelques enfants ont envahi le terrain à la fin de l’échauffement, la sécurité de Canto n’était pas vraiment en jeu.
Eric Cantona va donc fouler une pelouse française pour la première fois depuis octobre 1994 (France/Roumanie à Saint-Etienne). Et il n’a sans doute pas vu Grimonprez-Jooris depuis octobre 1989 (victoire de Lille contre Montpellier 1-0, but de Pelé). Au moment de l’annonce des compositions par Bernard Lernould (ancien de Fréquence Nord), speaker d’un soir, le nom de Cantona est ovationné. L’idole répond avec un salut à la romaine qui préfigure les plus belles prestations de Vahid sur son banc. À l’applaudimètre, Papin, Lama, Boli, et Six rencontrent un franc succès, de même que Jean-Marie Aubry et Fabien Leclercq, encore défaits la veille, cette fois à Metz, pour la dernière journée du championnat. Beau symbole : Christophe Dugarry, qui a fait le déplacement, s’installe en tribune, aux côtés des 10 000 spectateurs qui garnissent Grimonprez.
Le coup d’envoi est donné par Jules Bigot, et le public n’a d’yeux que pour Cantona, qui « a régalé le public de prouesses techniques ».
L’ambiance est excellente et l’équipe des Ch’tis s’impose 4-2. Et Cantona a marqué !
Le lendemain, la Voix des Sports fait sa Une sur celui qu’il n’est même pas nécessaire de nommer. Mais ceux qui espéraient une déclaration du jeune retraité peuvent attendre longtemps : les seules fois où on a vu Cantona parler, c’était aux enfants qui lui demandaient des autographes.
Charly Samoy est content : lui qui n’a pas pu sauver le LOSC de la descente en fin de saison donne son numéro à tous ses anciens en leur demandant d’avoir un œil sur les bons éléments de leur secteur pour les envoyer au LOSC. La cellule de détection bosse fort ! Mais, surtout, les frères Plancque sont aux anges : tout s’est bien passé. Pascal : « ce fut magnifique. Le temps était de la partie, tout comme nos potes. Depuis deux à trois jours, je plane totalement. J’ai du mal à réaliser. Je me suis régalé. Je m’arrêtais même de jouer pour regarder le public. J’en ai pris plein les yeux » ; Stéphane : « c’est un soulagement. Cela faisait quinze jours que nous préparions cela et 3 nuits que je ne dormais pas. Nous avons fait plaisir au public, c’est une réussite. Nous avons voulu que cela soit très simple, sans chichi. Les vrais amis étaient là ».
Sur le coup, c’est bien le « King » qui a créé l’événement de ce jubilé, en raison de l’annonce toute fraîche de sa retraite. Mais, bien entendu, sur le long terme, les frères Plancque conservent à Lille une aura toute particulière, et ne sont pas près de passer dans l’ombre. Comme dit le proverbe à propos des Plancque : « à Lille, c’est dans la lumière qu’on les cantonna ».
Posté le 27 janvier 2021 - par dbclosc
27 janvier 2001 : le promu lillois s’invite en tête du championnat
Le 27 janvier 2001, en battant Saint-Etienne 4-1 au stade Grimonprez-Jooris, les hommes d’Halilhodzic s’emparent de la première place du championnat de France. Les Dogues n’avaient pas été à pareille fête depuis près de 47 ans, l’année de leur dernier titre. À peine de retour dans l’élite après des années d’errance, le LOSC n’en finit pas d’étonner.
Il est aux alentours de 22h ce samedi 27 janvier 2001, et il faut presque se pincer pour y croire : avec les 3 nouveaux points qu’il vient d’acquérir, le LOSC passe devant Nantes, battu dans l’après-midi à Lyon (1-3), et est désormais en tête du championnat de France après 24 journées, à la faveur d’une meilleure différence de buts que celle des Canaris.
« Avant le match, après avoir pris connaissance de la défaite de Nantes, on savait qu’il y avait un truc à faire. Mais on se l’est juste dit une fois, histoire de ne pas se mettre de pression inutile » commente Grégory Wimbée. Le LOSC au sommet du football français, c’était déjà arrivé quelques mois auparavant, en août. Mais c’était après 3 journées : si l’événement était notable, il était en partie imputable aux aléas d’un début de saison et ne sanctionnait pas une performance de long terme, régulière, et donc significative. Cette fois, il ne reste que 10 journées avant la fin du championnat. Alors, certes, Lille avec 40 points en 24 matches et une moyenne de 1,66 points par match, n’est pas un leader hégémonique ; mais il n’est pas responsable des performances des autres et de ce championnat hyper serré (avec 7 points de moins, le LOSC serait 10e ; et avec 14 points de moins, il serait relégable). Leader moyen, le LOSC est un promu exceptionnel : une performance impensable pour un club qui, loin de son lustre d’antan, a singulièrement manqué de crédibilité depuis plusieurs années.
Il faut remonter à la saison 1953/1954 pour trouver un précédent. À la lutte toute la saison avec Bordeaux et Reims, le LOSC a pris la première place à 3 reprises au cours de la saison. D’abord, le 29 novembre 1953 après une victoire contre Toulouse à Henri-Jooris (1-0, but de Strappe) : les Lillois conservent cette place jusque début janvier ; ensuite, Lille repasse devant le 18 avril 1954, alors qu’il ne reste que trois matches, après avoir battu Bordeaux (1-0, but de Strappe) ; enfin, après une défaite à Toulouse, Lille, s’impose à Reims lors de l’avant-dernière journée, (3-0, doublé de Strappe et but de Douis) et coiffe quasiment sur le fil ses deux adversaires qui se neutralisent lors de la dernière journée (0-0) pendant que les Dogues assurent (3-0 contre Nancy, Vincent, Douis et Strappe). La règle est immuable : quand on est premier après la dernière journée, on est champion !
Le LOSC champion de France 1954
Bieganski, Ruminski, Lemaitre, Van Cappelen, Van Der Hart, Sommerlynck
Clauws, Douis, Strappe, Vincent, Lefèvre
Depuis sa gloire passée d’après-guerre, le LOSC a alterné descentes et montées, a même abandonné le professionnalisme en 1969, n’a pas spécialement brillé en coupe de France. Dans les années 1970 et 1980, le club s’est parfois enchanté du spectacle de l’équipe d’Arribas, de quelques victoires ponctuelles (Saint-Etienne en 1979, Bordeaux en coupe en 1985), ou de la qualité de certaines de ses individualités (Pleimelding, Bergeroo, Prieto, les Plancque, Pelé, Vandenbergh, Mobati, Périlleux…). Puis, à partir des années 1990, la situation financière du club n’a pas pu permettre d’espérer davantage que le maintien. En dépit de quelques satisfactions sorties du centre de formation (l’accent était mis sur la formation faute de mieux), le couperet tombe en 1997 : le LOSC retourne en D2.
Mais en coulisses, le club évolue : sous l’impulsion de son président Bernard Lecomte, la dette est résorbée en 1998 ; Lecomte assure ensuite la mutation du club vers une société entièrement privée. Il reste des incertitudes,mais ça bouge, et les fondations semblent (enfin) solides. La capacité du stade a été augmentée pour répondre aux demandes de la Ligue. Sur le terrain, il aura fallu s’y prendre à trois fois, mais le club retrouve la D1 en 2000. Les jeunes sont arrivés en finale de Gambardella en 2000. Grâce à un trio particulièrement efficace (Lecomte, Dréossi, Halihodzic), le LOSC a retrouvé un club sain, une équipe combative, et un public très attaché aux valeurs de travail et de solidarité que son entraîneur met en avant.
La saison 1999/2000, en D2, est à la fois le fruit du travail qu’Halilhodzic avait déjà mené dès son arrivée en septembre 1998, et aussi la base d’un cycle qui durera jusqu’au départ du coach au printemps 2002. Avec ses joueurs besogneux, attachés au club (Collot, Boutoille), sortis des limbes (Cygan, Landrin, Wimbée), formés au club (Cheyrou), récupérés en D2 (Peyrelade, Viseux, Ecker, Agasson, Bakari), ou inconnus à leur arrivée (Fahmi, D’Amico), le LOSC écrase le championnat de D2 sur le terrain, et forme un groupe uni à propos duquel quelques-uns de ses membres sont abondamment revenus avec nous (D’Amico, Wimbée, Collot, Boutoille).
Mais qu’en sera-t-il en Première division ? À peine renforcé (départs de Viseux et Tourenne, arrivées de Pichot, N’Diaye, Beck, Pignol et Sterjovski), le LOSC poursuit sur sa lancée. En dépit d’un petit coup de mou à la fin de l’été, les Dogues se reprennent en battant notamment Lens, et se positionnent régulièrement dans le haut du tableau, avec quelques jolis « coups » (victoires à Marseille, à Lyon, contre le PSG). À la trêve, et après une nouvelle victoire contre Bastia, le LOSC est deuxième !
La coupure va-t-elle stopper l’élan des Lillois ? On le craint. Et on a parfois l’impression que certains l’espèrent : ceux qui voudraient un championnat dominé par les prétendus « gros » (par exemple, le club qui a recruté Anderson pour 120MF en 1999 ou celui qui a acheté Anelka – qu’il a formé – pour 220 MF en 2000), et qui s’agacent de voir Lille, Troyes ou Sedan jouer à ce point les trouble-fête. On se dit que tout finira par rentrer « dans l’ordre » et que la hiérarchie, un temps bousculée, retrouvera ses prétendants « naturels ». De toute façon, du côté de Lille, où on ne vise que le maintien, on ne s’en offusquerait pas, et on se doute que la réussite qui touche le club depuis 18 mois finira par s’atténuer. Mais d’autres voient dans ce LOSC un salutaire rafraîchissement et reflet de valeurs trop souvent sous-estimées dans le sport de haut niveau.
Le début d’année 2001 semble donner raison aux contempteurs du LOSC : les Dogues débutent l’année par une élimination en coupe de la Ligue à Bordeaux (0-1). Rien d’infamant, même si Lille n’a pas montré grand chose. Lors de la reprise du championnat la semaine suivante, le LOSC s’incline à Troyes (1-2), en encaissant deux buts pour la troisième fois de la saison. Il n’y a pas le feu mais c’est bien dommage : en cas de victoire par 2 buts d’écart, le LOSC aurait pu virer en tête. « Un coup pour rien » titre la Voix des Sports : l’occasion ne se présentera peut-être pas de sitôt ! Puis, le 20 janvier, Lille entre en lice en coupe de France, et s’incline de nouveau, à Auxerre (0-1). Et cette fois, les Dogues n’ont rien montré. Trois défaites consécutives, ce n’était jamais arrivé depuis l’arrivée de Vahid. Murati et Beck, remplacés précocement, symbolisent le manque d’envie des Dogues. Et le lendemain, à l’entraînement, l’Albanais subit de nouveau le courroux de son coach : il est viré de l’entraînement. Halilhodzic l’a compris : la trêve de Noël a démobilisé ses joueurs, et il faut désormais réagir, sans quoi de grosses désillusions s’annoncent. Il monte au créneau : « à Auxerre, on n’a pas vu le vrai LOSC. J’ai fait passer un message très fort, sinon on court à la catastrophe ».
La catastrophe n’aura pas lieu : face à une équipe en difficulté et prise dans le tourbillon de « l’affaire des faux passeports », le LOSC réagit et marque 3 buts sur coups de pied arrêtés en première période : d’abord sur un corner de Cheyrou repris par Bakari ; puis sur un coup-franc de Collot, titulaire pour a première fois de la saison, repris de la tête par le même Bakari ; et sur un corner de Collot et avec une certaine réussite, Cygan dévie plus ou moins volontairement une reprise manquée de Boutoille. Ça sourit tellement qu’en seconde période, même D’Amico marque, son premier but à Grimonprez-Jooris. 4 buts marqués en D1, c’était arrivé en août à Strasbourg. Mais pour retrouver trace d’une telle performance des Dogues à domicile, on doit faire un saut en arrière de presque 10 ans : le 24 mai 1991, pour la dernière journée de championnat, le LOSC battait Metz 4-1 (Buisine, doublé de Frandsen, Brisson).
Un résumé du match :
Et voici les buts sur Fréquence Nord :
Dagui Bakari 18e :
Dagui Bakari 27e :
Pascal Cygan 36e :
Fernando D’Amico 64e :
« Le LOSC renoue avec l’histoire » titre la Voix des sports : « samedi soir, c’est bel et bien un parfum de fierté teintée de nostalgie qui planait sur Grimonprez ». « On croit rêver, et pourtant les Lillois l’ont fait » : 16 mois après s’être englués à la 17e place de D2, Lille est premier de D1. Tous les soucis des précédents jours sont effacés. Bruno Cheyrou, sur deux des quatre buts, souligne qu’« il y a du panache dans cette victoire. Ces trois points ont complètement balayé notre début d’année. De plus, nous marquons 4 buts. Nous pouvons nous appuyer dessus. Les grandes équipes décantent la situation sur les coups de pied arrêtés. Cela nous est rarement arrivé cette saison. Cela va nous donner encore plus de confiance. Nous allons pouvoir travailler sereinement cette semaine ». Vahid Halilhodzic, dont les paroles ont porté, salue l’état d’esprit : « une heure avant le match, ils étaient tous là dans les vestiaires pour s’encourager, l’effectif pro au complet, y compris les blessés ».
Également, l’entraîneur souligne que « quand ils jouent comme ça, ils peuvent faire très mal à n’importe quelle équipe. Je suis vraiment content pour ce groupe qui a beaucoup travaillé et beaucoup souffert ». De la même manière, Grégory Wimbée insiste sur le « beau spectacle » produit, et Djezon Boutoille sur la « qualité » du match. Pourtant, les commentaires de la presse, y compris la presse régionale, insistent assez peu sur le jeu et s’en remettent à des catégories toutes faites qui, si elles ne sont pas sans fondement (elles sont d’ailleurs martelés par Vahid), laissent parfois penser qu’il n’y aurait que ça. Ainsi, la Voix des Sports écrit : « la preuve qu’avec du cœur et un véritable esprit club, on peut faire des miracles. Où s’arrêtera donc ce nouveau LOSC ? ». Or, le LOSC, en plus de s’appuyer sur une défense toujours aussi solide (comme en 1954), a pu s’appuyer sur une attaque inventive, où Dagui Bakari a crevé l’écran (il est crédité d’un 8/10 dans la VDS), et au sein de laquelle Bruno Cheyrou, avec sa touche technique, a une influence grandissante. Bref, Lille, ça joue au foot, et ce serait bien de le souligner aussi ! Même si ça fait plaisir et que, là aussi, il y a du vrai, la vision romantique d’un LOSC qui ne doit ses résultats qu’à ses valeurs morales et qui rejoue toutes les semaines David contre Goliath, est parfois vexante. À la sortie du stade, Michel Hidalgo déclare par exemple : « le passionné de football que je suis ne peut qu’être ravi de voir le LOSC prendre ainsi la tête. Parce que ce club, cette équipe, donnent une image rafraichissante d’un monde professionnel qui a besoin de revenir à plus de sagesse. Les Lillois incarnent de vraies valeurs : la solidarité, la complémentarité, l’abnégation. Des vertus de haut standing trop souvent sacrifiées au clinquant ailleurs, notamment dans les clubs à gros budget ».
Le danger qui guette les Lillois est désormais un danger que l’on affronte volontiers, quand on sait d’où on vient : il ne faut pas s’enflammer. Là encore, Vahid rappelle les limites : « tout le monde ici me connait bien maintenant, et chacun sait que je resterai toujours modeste dans mes déclarations. Je serai toujours le dernier à m’enflammer. Un succès historique ? Oui, on peut le dire comme ça, car le club attendait depuis tellement longtemps de vivre de tels moments. Mais savourons-les d’abord comme une récompense de notre travail. Pour la suite, je préfère ne pas me prononcer même si je sais qu’on est capables de faire quelque chose… ». Le capitaine Boutoille, lui, préfère encore évoquer le maintien, du moins en public : « je préfère pour l’instant ne pas parler de nos ambitions car il manque encore deux ou trois points pour définitivement assurer le maintien ». Bruno Cheyrou modère aussi les éventuelles ardeurs, en rappelant, comme le fait Pascal Cygan dans la vidéo au-dessus, qu’un derby se profile : « nous aurons l’air ridicule si nous revenons avec un 3-0 de l’enfer de Bollaert. S’il y a un match qu’il ne faut pas perdre, c’est bien ce derby. Les Lensois auront encore plus à cœur de nous battre. Ils sont invaincus à domicile. C’est un challenge. Si on ne perd pas et s’ils restent invaincus, je signe tout de suite. Avec Djezon, nous avions beaucoup parlé d’aller à Lens avec la place de leader. Nous nous déplacerons au stade Bollaert avec une certaine humilité. Nous sommes suffisamment costauds et intelligents pour ne pas nous enflammer ».
« Certains peuvent dire que c’est une surprise de nous retrouver en tête. Je pense que l’on a ce qu’on mérite, en bien ou en mal » selon Pascal Cygan. La « surprise » durera jusque début avril, moment où le LOSC cède son fauteuil aux Nantais, futurs champions. Lille ne fera donc pas comme Bordeaux (1950), Saint-Etienne (1964) et Monaco (1978) : décrocher le titre l’année suivant sa promotion en D1. On en aurait presque des regrets, tant on a le sentiment qu’il y avait la place. Ce nouveau LOSC peut bien s’offrir ce luxe : la Ligue des Champions comme lot de consolation.
Posté le 20 janvier 2021 - par dbclosc
Lille-Liverpool 1979, à la Mersey des intempéries
Le mardi 6 novembre 1979, le stadium Nord, comme on l’appelait à l’époque, est le théâtre d’un match amical prestigieux. En face du LOSC, c’est Liverpool qui vient pour un match qui ne doit rien au hasard…
La saison précédente, Liverpool gagnait son 11ème titre de champion en remportant la « First Division » avec une avance confortable de 8 points sur Nottingham Forest. Mais cette saison 1978-1979 ne fut pas parfaite pour Liverpool qui fut éliminé dès le premier tour de la Coupe des clubs champions européens par… Nottingham Forest, qui poursuivit sa route en Coupe et gagnera la finale à Munich face à Malmö 1-0 sur un but de la tête de la légende Trevor FRANCIS. Coup dur pour Liverpool qui était le double tenant du titre de la Coupe d’Europe, et qui rêvait de remporter la Coupe pour la troisième fois consécutive.
La saison 1979-1980 était donc l’occasion pour les joueurs de Bob PAISLEY(aucun lien avec Grégory), de montrer qu’ils pouvaient refaire le doublé championnat/coupe d’Europe après celui de 1977. Le match aller du premier tour de Coupe d’Europe était loin d’être une promenade de santé face au Dinamo Tbilissi et une victoire 2-1. En revanche, le match retour fut une catastrophe avec une défaite 3-0 devant 90.000 personnes au stade Boris-Paichadze. Retour donc un an en arrière pour Liverpool avec une élimination précoce au 1er tour de coupe d’Europe.
Cette élimination est très problématique sportivement mais également financièrement. L’invitation du LOSC tombe donc à pic afin de garnir un peu les caisses liverpuldiennes. Liverpool réclame une somme fixe pour se déplacer, tandis que le LOSC souhaite reverser un pourcentage de la recette billetterie. La négociation aboutie sur une somme fixe mais un match au Stadium Nord, qui avait à l’époque une capacité plus grande que Grimonprez-Jooris. Le LOSC y voit l’occasion de faire le plein au niveau de la billetterie et la Communauté Urbaine de Lille de montrer au grand public le nouveau stade achevé en mai 1976.
L’affiche d’une belle affiche
En effet, rassuré par une belle saison précédente (promu, le LOSC a fini 6ème), cette saison 1979-1980 s’annonce radieuse ! Logique car l’effectif est de qualité : Bergeroo dans les buts, une défense avec notamment Denneulin, Dréossi et Marsiglia, un milieu composé entre autres de Metsu, Cabral et Simon et une ligne offensive très « sexy » avec Olarevic et Pleimelding. Et la saison commence plutôt bien avec 2 belles victoires face à Nancy (2-0) et Nîmes (4-0) et 0 but encaissé sur les 5 premiers matches. Les 5 prochains matches sont aussi rassurants pour les joueurs de José Arribas : 3 victoires, 1 nul et 1 défaite. Mais puisque le LOSC ne serait pas le LOSC sans faire les montagnes russes, la suite est moins glorieuse : sur les 5 matches suivants, le LOSC perd 3 fois à l’extérieur (à Metz, Lyon et Laval) et se contente de 2 nuls à domicile (Nantes et Marseille).
Arrive alors ce match de gala face à Liverpool, l’affiche est alléchante, on annonce un Stadium Nord rempli, les grands joueurs de Liverpool sont tous là (Ray Clemence, Phil Neal, Kenny Dalglish, Graeme Souness…), tous les ingrédients sont réunis pour sortir de la routine de la Division 1… Mais le LOSC ne serait pas le LOSC sans un soupçon de complot ! Les jours précédents la rencontre sont apocalyptiques au niveau de la météo et le jour du match n’est pas mieux. De ce fait, c’est seulement devant 4.000 personnes que le match se joue. Les dirigeants lillois se mordent les doigts d’avoir choisi le Stadium Nord pour ce match, en effet son architecture rend les matches sous la pluie particulièrement indigestes. Les joueurs de Liverpool vont ronronner en première période et malgré de beaux mouvements offensifs, c’est le LOSC qui se retrouve devant à la pause. Deux beaux buts de Cabral : le premier sur un un-deux parfait avec Pleimelding, le deuxième sur un délicieux jeu en triangle Simon-Pleimelding-Cabral. A la mi-temps, les mouches ont changé d’âne et c’est Liverpool qui va pousser pour essayer d’égaliser. C’est Fort-Alamo sur les cages de Bergeroo ! A la 62ème minute, Dalglish pénètre dans la surface et profite de la pluie pour plonger dans la surface suite à une petite charge de Dos Santos. Le pénalty est transformé par Terry McDermott qui prend Bergeroo à contre-pied. Les anglais vont alors user et abuser des ballons longs, du petit lait pour Denneulin, et sur un contre d’école, Pleimelding plantera le troisième but : Simon prend le ballon côté gauche dans le camp lillois à la suite d’une relance de Bergeroo, il rentre dans l’axe et décale à gauche sur Olarevic qui remet en une touche de balle à Cabral. L’argentin va alors la remettre en une touche à Simon qui lance en profondeur Metsu, qui accélère et centre pour la reprise en demi-volée du gauche de Pleimelding : un but magnifique !
L’un des 4000 billets de ce Lille-Liverpool
Le lendemain du match, le Liverpool Echo (le quotidien liverpuldien le plus lu) se fait écho du match et s’amuse qu’en « France la pluie tombe principalement à Lille ». Loin d’être inquiété par cette défaite anecdotique, le journaliste insiste sur le fait que « Liverpool avait pris les choses en main facilement et les 2 buts de Cabral étaient le résultat d’un relâchement de l’arrière garde ». Pas forcément à l’aise avec les feuilles de matches françaises, le quotidien écrivait enfin que le « troisième but était l’œuvre de Pelegnanding – aucun lien avec Pelé.»
Ci-dessous la preuve qu’on l’a pas inventé le « Pelegnanding – aucun lien avec Pelé » : ça pourrait être du DBC, mais c’est bien du Liverpool Echo
Cette belle victoire de prestige et la démonstration offensive face à l’une des meilleures défenses d’Angleterre – Liverpool ne concèdera que 30 buts en 42 matches en championnat – annoncent des lendemains qui chantent pour le LOSC. Malheureusement, malgré quelques belles victoires (notamment à Monaco, qui était alors leader du championnat), le LOSC finira 13ème (sur 20) plombé par une incroyable série de 5 défaites de suite au cœur de l’hiver : défaite à Lens 5-3 le 1er décembre, à domicile face à Saint-Etienne le 7 décembre, à Nîmes le 15 décembre, à domicile face à Valenciennes le 19 janvier, et à Angers le 26 janvier. La seule petite satisfaction de cette saison sera les 18 buts inscrits par Pleimelding qui lui permettent de finir 3ème meilleur buteur de Division 1 derrière Onnis et Kostedde mais surtout devant Platini, Rep, Stopyra ou encore Genghini.
Ce n’est que bien des années plus tard, 30 ans et 133 jours pour être précis, que les deux clubs se recroiseront : pour un 1/8 de finale aller de Ligue Europa, encore une fois remporté par le LOSC, devant cette fois-ci 18.000 personnes et … toujours au Stadium Lille Métropole !
Posté le 16 janvier 2021 - par dbclosc
Top 17 : Inoubliables coups-francs
Déjà, comment écrit-on « coup-franc » au pluriel ? Optons pour « coups-francs », même si tout le monde n’a pas l’air d’accord.
Qui dit « LOSC » et « Coup-franc » ne dit pas que « Giggs », ce lamentable personnage. Non, les Dogues aussi savent inscrire des coups-francs, et qui plus est de façon tout à fait régulière.
Cette sélection et son classement sont tout à fait subjectifs et sont surtout un prétexte pour se rappeler et revisionner quelques-uns des coups-francs lillois marquants de la période récente.
N° 17 : Antoine Sibierski à Lens, 6 février 1996
Qu’est-ce qui fait davantage plaisir qu’un but marqué par Lille contre Lens, à Lens ? Pas grand chose, à part une victoire 4-0 contre Lens, par exemple. C’est donc avec une joie non dissimulée que les supporters lillois ont accueilli le but d’Antoine Sibierski lors du derby de février 1996, dès la 5e minute. Et ce d’autant plus que les buts lillois sont rares à cette époque. C’est légèrement dévié par le mur, ça tape la barre, ça rentre, ça retape la barre, c’est rigolo. Après le but à Gueugnon en septembre 1995, c’est le deuxième et dernier but de Sibierski sur coup-franc avec les Dogues.
Ce soir là, le LOSC, 17e, ramène un excellent point de chez son voisin, 4e. Mais on tremblera jusqu’au bout.
N°16 : Yohan Cabaye contre Metz, 12 janvier 2008
Yohan Cabaye a inscrit 3 coups-francs avec le LOSC, sélectionnons-en deux : celui-ci, inscrit en dernière minute contre la lanterne rouge messine, permet d’éviter aux Grenats de remporter un deuxième succès dans la saison ; surtout, il lance une très belle deuxième partie de saison pour le LOSC, qui ne s’incline plus que deux fois et joue l’Europe jusqu’à la dernière journée, où les espoirs s’envolent chez ces fichus Lorientais.
N° 15 : Yohan Cabaye contre Bordeaux, 26 août 2006
Après un début fort satisfaisant (victoires à Rennes puis contre Lens) seulement terni par une courte défaite à Paris, le LOSC fait forte impression lors de la 4e journée 2006-2007 en battant Bordeaux 3-0. Le premier but est marqué par Yohan Cabaye, qui a reconnu après le match qu’il s’était accordé avec Michel Bastos… pour que ce soit le Brésilien qui frappe. On semble d’ailleurs entrevoir le désarroi de Bastos quand il voit son coéquipier frapper. Désarroi sans doute pas aussi grand que celui de Ramé qui, avec des murs comme ceux-là, a songé à raccrocher les crampons.
N°14 : Eden Hazard contre Liverpool, 11 mars 2010
Ce n’est pas le plus beau des coups-francs ; on peut même considérer que ce but n’a pas servi à grand chose tant la supériorité de l’adversaire était manifeste au match retour ; mais bon, on a battu Liverpool ! Avec une frappe qui traverse tout le monde et finit tranquillement dans le but, à l’instar des coups-francs similaires de Boufal contre Lyon et de Benzia contre Nice, dont on a parlé ici pour souligner leur forte ressemblance.
N°13 : Philippe Brunel contre Nice, 11 septembre 2004
En septembre 2004, le LOSC semble parti pour une nouvelle saison moyenne : avant de recevoir Nice, le LOSC a signé une victoire, un nul, et deux défaites. Mais ce match lance une série de 6 victoires consécutives, grâce à un but de dernière minute arqué par Philippe Brunel, grâce à une belle frappe du gauche et un gardien statique. Le LOSC terminera 2e et Philippe Brunel, auteur de 9 buts, signe sa saison la plus prolifique sous les couleurs lilloises.
N°12 : Jean-Louis Valois contre Le Mans, 19 septembre 1998
Le Vahid Time se manifeste dès le premier match d’Halilhodzic à la tête du LOSC. Le Bosniaque, arrivé 6 jours plus tôt en remplacement de Thierry Froger, nous habituera à des scénarios à suspens au cours desquels le LOSC fera la différence dans les dernières minutes. Contre Le Mans, Peyrelade permet aux Dogues de revenir à 2-3 à la 80e, avant que Valois, à la 90e, ne transforme directement un coup-franc excentré que personne ne touche : décidément, une spécialité lilloise.
N°11 : Mathieu Debuchy à Nancy, 3 décembre 2006
On avait placé ce coup-franc parmi les « buts à la con » marqués par le LOSC, en raison de la montée de la défense nancéienne, qui se voulait astucieuse mais qui se révèle désastreuse. Le club l’a fait concourir au titre de « but lillois du XXe siècle », et il est vrai que c’est pas mal tiré. Au-delà du regard qu’on porte sur lui, ce coup-franc est original et contribue à ramener 3 points de Nancy, quelques jours avant de se rendre à Milan.
N°10 : Christophe Landrin à Lens, 20 novembre 2004
Qu’est-ce qui fait davantage plaisir qu’un but marqué par Lille contre Lens, à Lens ? Ah, on a déjà posé la question (voir plus haut). Mais le plaisir est décuplé quand le coup-franc semble un peu foiré : il y a un côté humiliant pour l’adversaire. Comme ce jour où Christophe Landrin, excentré, frappe curieusement à ras de terre, comme s’il avait tapé à moitié le sol, et que le ballon file devant tout le monde, Dumont assurant la touche esthétique finale.
N°9 : Bruno Cheyrou contre Lorient, 4 août 2001
Bruno Cheyrou a inscrit 5 coups-francs directs avec le LOSC, dont deux lors de ses fameux doublés jumeaux, contre Créteil et à Paris. Celui contre Lorient, 4 jours avant de se déplacer à Parme, est le plus astucieux. N’Diaye fait mine de décaler pour Fahmi, mais finalement Bruno Cheyrou frappe directement alors que la balle n’est pas très bien placée pour son pied gauche. La course désespérée de Le Garrec vers son poteau est aussi ridicule qu’inutile : le LOSC égalise.
N°8 : Adil Rami contre Saint-Etienne, 10 décembre 2009
Ce match contre Saint-Etienne, tout comme ceux de la 11e journée de L1, aurait initialement dû se jouer le 28 octobre. Seulement, la participation de l’équipe de France aux barrages pour la coupe du monde 2010 a contraint la LFP à le décaler. Pas de chance pour les Verts : en ce mois de décembre, le LOSC est irrésistible et inscrit 4 buts par match. Après Valenciennes (4-0) et Lyon (4-3) et avant Monaco (4-0), Le Mans (3-0) et Nancy (4-0), ce sont donc les Stéphanois qui prennent le tarif du moment : 4-0. Et ça rigole tellement à cette période là que Rami frappe les coups-francs et les place juste sous la barre !
N°7 : Bruno Cheyrou contre Guingamp, 8 septembre 2001
Deuxième coup-franc de Bruno Cheyrou dans ce classement, et probablement le plus beau. En ce début de saison 2001/2002, le LOSC parvient à alterner victoires à domicile et nuls à l’extérieur jusque mi-octobre. Au cours de cette série, Guingamp tombe à Grimonprez-Jooris grâce à un coup-franc de Bruno Cheyrou. Alors que le ballon est plutôt placé pour un droitier, la feinte de Boutoille fait faire au gardien breton le petit pas sur sa droite qui le fait prendre un retard irrattrapable. Bruno Cheyrou enroule de l’autre côté et trouve la lucarne.
N°6 : Michel Bastos à Sochaux, 14 septembre 2008
Le début de la première saison avec Rudi Garcia a été un peu poussif (deux défaites et un nul), mais le LOSC s’est enfin imposé contre Bordeaux avant ce déplacement à Sochaux pour la 5e journée. Menés à la pause, les Dogues égalisent à la 63e grâce à une frappe surpuissante de Michel Bastos.
N°5 : Eden Hazard contre Bordeaux, 12 février 2012
Le LOSC a tendance à parfois montrer de sérieuses lacunes défensives au cours de cette saison 2011/2012. Après les 2 buts encaissés en en fin de match contre Moscou, après le nul contre Nice avant la trêve (4-4), le LOSC va faire encore mieux contre Bordeaux avec, cerise sur l’Hitoto, un doublé de Ludovic Obraniak, à peine transféré en Gironde. On a pourtant cru à la remontada : mené 1-4 en début de seconde période, le LOSC parvient à égaliser. La voie avait été tracée par Eden Hazard qui, d’une frappe flottante, avait permis aux Lillois de revenir à 2-4 à la 65e, avant le coup de poignard d’Obraniak, cet ex qui nous en veut.
N°4 : Michel Bastos à Lyon, 18 octobre 2008
Le début de la première saison avec Rudi Garcia a été un peu poussif (voir plus haut), mais le LOSC reste sur 3 victoires consécutives et s’est positionné à la 6e place, au moment de se rendre chez le leader et septuple champion lyonnais. Après une heure de jeu, le score est de 1-1. Le LOSC obtient un coup-franc à 35 mètres que Bastos frappe directement : la frappe flottante part très vite et trompe Lloris après un rebond. Lille prend l’avantage mais se fera rattraper (2-2).
N°3 : Ludovic Obraniak contre le PSG, 14 mai 2011
Première finale de coupe de France pour le LOSC depuis 1955, année de sa dernière victoire dans la compétition (la 5e au total). Tandis qu’en championnat, le LOSC est très bien parti pour accrocher le titre, les Dogues remportent la coupe grâce à un but en fin de match de Ludovic Obraniak, sur un coup-franc excentré, et à une excellente sortie de Grégory « laisse, ça sort ! » Coupet. Une victoire hélas passée au second plan dans la presse du lendemain en raison du complot de Dominique Strauss-Kahn.
N°2 : Yves Bissouma à Toulouse, 6 mai 2018
C’est LE but qu’on associe au maintien de 2018. 19e avant ce déplacement à Toulouse, qui est tout juste un peu mieux loti (17e), Lille vit une saison de merde. Une éclaircie : la semaine précédente, le LOSC a enfin renoué avec un succès qui le fuyait depuis 3 mois, en battant la lanterne rouge messine. Mais la situation reste critique, bien que pas désespérée : mais perdre à Toulouse, c’est quasiment s’assurer qu’un hypothétique maintien ne pourra plus passer que par les barrages. Le LOSC est mené 1-2 à la pause et semble renouveler les mêmes erreurs (ne pas tenir le score, prendre des buts sur coups de pied arrêtés, manque de cohésion). Mais c’est compter sans Mickaël « la science » Debève, entraîneur du TFC, qui décide de ne plus jouer et ne procède qu’à des changements défensifs. Résultat, Lille a tout le loisir de s’installer dans le camp toulousain, et obtient un coup-franc à la 78e, qui n’est frappé qu’à la 80e, exactement 126 secondes plus tard, tant les Toulousains temporisent lors d’un changement. Pour la peine, ils sont immédiatement sanctionnés : d’une trentaine de mètres, Yves Bissouma envoie une frappe rectiligne qui se défait facilement du non-mur et finit au fond. Merci à Alban Lafont, le gardien du TFC, qui parachève son œuvre avec une sortie manqué face à Pépé pour le 2-3.
N°1 : Johnny Ecker à Parme, 8 août 2001
Première participation à une coupe d’Europe « moderne » pour le LOSC après la 3e place obtenue par le club en 2000/2001, dans la foulée de sa remontée. En héritant de Parme, Lille a touché le gros lot, et on ne donne pas cher de la bande à Vahid. Pourtant, grâce à une tactique parfaitement établie, les Dogues ouvrent la marque dès la reprise par Salaheddine Landrin et Christophe Bassir. À l’approche du dernier quart d’heure, l’intensité retombe, et on croit alors se satisfaire de cet exceptionnel résultat, s’il peut être conservé. Lille obtient un coup-franc à là 80e minute, à 30 mètres, dans l’axe. Alors qu’on s’attend à ce que Bruno Cheyrou, qui vient d’entrer, joue tranquillement en retrait ou sur un côté, approche Johnny Ecker, qui raconte : « Non, laisse Bruno, c’est ma seule chance de signer en Italie la saison prochaine. Je lui ai dit ça en me marrant et il m’a dit « ok » ». Bonne idée, car on a à peine le temps de comprendre que Johnny Ecker a tiré que le ballon est déjà dans le but adverse. Le LOSC s’impose 2-0, souffrira au retour, mais se qualifiera.
Johnny soulignait à quel point cette période, et ce match en particulier, reste un mélange d’ingrédients difficiles à cerner, mais parmi lesquels on trouve une petite part d’irrationnel : 3 jours après Parme, Lille se rend à Bordeaux : « il y a un coup franc à 30 mètres placé pareil. J’ai senti que le public avait peur. Je l’ai pris, mais j’ai tué trois pigeons en frappant 25 mètres au-dessus. Je n’ai d’ailleurs plus jamais marqué ».
Le but sur Fréquence Nord :
Rappelons que Johnny Ecker avait déjà marqué un coup-franc avec le LOSC : c’était à Toulouse en mars 2001.
Bonus : le coup-franc oubliable de Anwar El Ghazi à Monaco, 4 avril 2017
On aurait pu le faire apparaître dans notre « Top » de manière tout à fait régulière, mais parce qu’il est un but totalement inutile marqué en dernière minute d’un match perdu, on peut presque considérer qu’il n’a pas existé. D’ailleurs, vous en souveniez-vous ? On parle du coup-franc, pas de El-Ghazi. A ce titre, ce coup-franc remplit tout à fait les critères du « beau but » que les supporters ne vont pourtant jamais citer : beau geste, mais pas assez de critères « environnementaux ».
Posté le 5 janvier 2021 - par dbclosc
Neném : sous l’épave est la plage
Rares sont ceux qui se rappellent son passage de quelques mois à Lille durant la saison 1998/1999. Et pourtant : avec – entre autres – 19 titres mondiaux, Neném est probablement le plus grand palmarès qui soit passé par le LOSC. Mais pas en football à 11.
Noël 1998 : le LOSC, qui a connu un début de saison catastrophique conduisant notamment à l’éviction de Thierry Froger après 6 journées, est revenu dans la course pour la montée en D1 sous la houlette de Vahid Halilhodzic (Halilhodzic a en effet une houlette). Même si l’équipe reste irrégulière et que son jeu n’emballe pas grand monde, elle est remontée à la 6e place, position occupée à la trêve hivernale. Le LOSC a même pointé son nez à la 4e place début décembre après une victoire à Caen. Il reste 15 matches, et la D1 n’est qu’à 4 points : une situation presque inespérée après l’immonde soirée beauvaisienne début septembre, où Lille pointait à la 17e place.
Tout est donc encore possible, mais pas dans les mêmes conditions. Sur le papier, Lille a un bel effectif, notamment offensivement, où l’attaque (avec Lobé, Pickeu, Valois, Boutoille, Renou et Peyrelade) pèse 64 buts sur la saison 97/98 (jusqu’au départ de Lobé en novembre). L’équipe compte quelques joueurs expérimentés (Koot, Senoussi, Hitoto, Collot, Tourenne), d’autres qui émergent (Br. Cheyrou, Noro, Camara) et il reste quelques gars du cru (Dindeleux, Leclercq, Landrin, Coulibaly, Hammadou, Sanz). Mais une somme de joueurs plus ou moins talentueux individuellement ne fait pas forcément une bonne équipe, et de plus l’effectif est déséquilibré, comme nous l’avait confié Grégory Wimbée : « on avait un effectif mal ficelé. Si tu regardes bien comment est l’effectif, tu te rends compte qu’il y a beaucoup de défenseurs centraux par exemple, et que t’as moins de milieux. Rééquilibrer l’équipe, c’est la première chose que Vahid a faite la saison d’après, mais déjà dès l’hiver ». Le LOSC, au-delà de l’implication et du niveau des siens, a donc un problème structurel, qui peut en partie expliquer qu’il ne soit que la 9e attaque et la 10e défense. L’effectif va donc être remodelé : certains joueurs sont progressivement écartés (Renou, Senoussi, Hitoto, Pickeu, Dindeleux), tandis que d’autres, futurs cadres, voient leur temps de jeu et/ou leurs responsabilités croître (Wimbée, Cheyrou, Landrin, Peyrelade, Collot, Boutoille) et qu’un dernier revient d’on ne sait où (Cygan). Et le club va recruter là où Coulibaly ne s’impose pas et là où Landrin n’est plus car il a reculé d’un cran : au poste de meneur de jeu. Si, en plus, ça pouvait amener un peu de spectacle…
Dans les années 1990, on connait la propension du LOSC à dénicher des « Doukisor », pour le meilleur et pour le pire. La saison précédente, le club était allé chercher à la même époque le Belge Stephan Van Der Heyden qui, bien que pas très rapide, avait apporté une réelle plus-value technique sur la deuxième partie de saison. Insuffisante toutefois pour accrocher la 3e place. Durant l’hiver 98/99, le club jette cette fois son dévolu (car le LOSC avait un dévolu) sur « Charles-Albert-Lisbonne-rourouleau de printemps chinois », moins inconnu sous le nom de « Carlos Alberto Lisboa Neném », encore moins inconnu sous le nom de « Neném Sassarico », et un peu connu par le seul surnom « Neném ». Doukisor ?
La carrière de Neném est jusque là honnête mais sans relief particulier. Comme bon nombre de footballeurs brésiliens, il espère un jour rejoindre l’Europe. En attendant, il évolue à Rio de Janeiro, en deuxième division. Il prend la direction de Lille en octobre 1998 où il effectue un essai de 10 jours. Le LOSC l’enrôle officiellement en janvier 1999, et Halilhodzic met en avant les qualités techniques du brésilien qui permettraient une meilleure « liaison défense/milieu/attaque », comme il l’explique dans ce document de Fréquence Nord, janvier 1999 :
Si on est optimiste, on peut supposer que les 10 jours d’essai du Brésilien ont convaincu de ses qualités et que, à ce titre, il constitue la recrue qui permettra à Lille de combler une partie de ses lacunes ; si on est moins optimiste, on peut rappeler que même si le LOSC, sous l’action du président Lecomte, a résorbé son déficit depuis juin 1998, ses finances ne permettent pas encore de folies et que la meilleure solution reste de trouver un joueur qui veut bien venir. Et puisqu’on en a un sous la main… On sait par ailleurs que si, en général, les joueurs mis à l’essai puis non retenus par la suite sont restés de grands inconnus, les « essais transformés » ne sont pas forcément gages de réussite non plus. Voilà en tout cas l’accomplissement d’un rêve pour Neném : rejoindre le pays des champions du monde de football. Voici les rares preuves du passage du Brésilien à Lille, lors de son arrivée, grâce à ces courts reportages de France 3 Nord et de M6 Lille :
Vahid Halilhodzic y réitère ses espoirs basés sur la « bonne technique » de Neném, parce qu’il est Brésilien, ceci étant la conséquence de cela. Avez-vous remarqué ? Vahid parle des joueurs étrangers comme de Gaulle parle des pays étrangers : chaque culture possèderait un système autonome de références et de normes, qui débouche sur une vision transhistorique des nations chez De Gaulle, des footballeurs chez Vahid, perçus comme des joueurs aux caractéristiques voire à une substance stables, immuables dans le temps. La Voix des Sports (8 février) nous apprend d’ailleurs que Vahid surnomme très vite Neném « Brazil », surnom que les joueurs ne tardent pas à adopter. On s’efforce de se convaincre qu’il n’y a rien de raciste là-dedans.
Neném (sur les feuilles de match, c’est « Lisboa ») entre en jeu pour la première fois le 30 janvier pour un match au Mans, sans pouvoir éviter la défaite. La semaine suivante, pour sa première titularisation et sa première à domicile, il se met brillamment en valeur : dans le match au sommet contre Troyes (2e), il délivre une superbe passe décisive de volée à Laurent Peyrelade qui inscrit le seul but du match à un quart d’heure du terme. Le vendredi précédent le match, Halilhodzic avait déclaré : « j’ai besoin de sa vitesse, mais il faut que je lui dise de jouer simplement, que je lui explique le replacement défensif, car il va vouloir montrer ce dont il est capable ». Avec cette victoire, le LOSC n’est qu’à 1 point du 3e, Gueugnon, et se prend à rêver de lendemains qui chantent, car les Dogues se sont découverts un artiste, et décisif qui plus est. L’adaptation semble se faire au mieux : une secrétaire du club, lusophone, assure la traduction des propos du petit prodige. Mais entre lui et Vahid, on parle le langage du football, c’est Vahid qui l’assure : « avec les mains et les pieds, on se comprend. Il me dit toujours « comprendé ! » » (toujours rien de raciste) « J’ai pas mal parlé avec lui poursuit Vahid. Je lui ai dit de ne pas trop s’enflammer. Il vient du Brésil, c’est un autre monde. Il faut le mettre dans le rythme, dans l’ambiance lilloise. Il manque de rythme, mais c’était son premier match depuis longtemps, et il veut parfois en faire trop. Je vais maintenant entrer dans la phase tactique, que je vais travailler avec lui ».
Mais la suite ne confirme pas ces belle promesses. Si Neném montre d’évidentes qualités techniques, il se perd souvent en grigris et en passements de jambes qui peuvent plaire à la galerie quand le score est de 4-0, mais qui dans l’immédiat n’apportent pas grand chose. Et s’il est de nouveau titulaire pour les deux matches suivants à domicile (contre le Red Star et Nice) et qu’il entre en jeu à Nîmes et à Gueugnon, il faut vite se rendre à l’évidence : il n’est pas ridicule, mais il manque de vitesse, de constance, et de physique. Et il n’est pas forcément le plus adroit devant le but. Le résumé du match à Nîmes illustre assez bien certaines des lacunes du joueur, qui manque un ballon en apparence facile (à 1’45 dans la vidéo ci-dessous) :
La réaction de l’entraîneur lillois à propos de son équipe ce soir-là pourrait facilement être transposée au cas Neném : « on s’est un peu enflammés… ». Le LOSC aura bien du mal à transformer ses rêves en réalités. La D1 s’éloigne. Et Neném s’éloigne des terrains : après le match contre Nice fin mars, où il sort à 0-0 (le LOSC ouvre le score 4 minutes après sa sortie et gagne 2-0), on ne le revoit plus.
Comme le dit le proverbe, « quand on Neném, on ne concompte pas », et d’ailleurs heureusement car les comptes sont vite faits : en tout et pour tout, Neném aura joué 8 matches avec le LOSC (dont 2 de coupe) pour 5 titularisations (1 seul match complet), 420 minutes jouées, 0 but, et 1 passe décisive. Mais contrairement à ce qu’indique sa page Wikipedia depuis des années et encore au moment de la publication de cet article (janvier 2021), il n’a jamais inscrit de but avec le LOSC, et sûrement pas grâce à une bicyclette.
Alors, Neném, une épave de plus échouée à Grimonprez-Jooris ? Avec ces statistiques faméliques, il est assez aisé de voir en Neném un des nombreux symboles d’un LOSC allant clopin-clopant, dont l’irrégularité chronique et les recrutements hasardeux le condamnent à ne pas grandir. Cette impression est accentuée par des rumeurs, relayées notamment sur sa page Wikipédia, prétendant que Neném aurait coûté pas moins de 25 MF au LOSC ! C’est là aussi complètement faux.
Un extrait de la page wikipedia de Neném
Il est dès lors aisé de se moquer, et le club lui-même ne s’en prive pas puis que dans un article évoquant les « Brés’Lilliens » du LOSC, Neném y est décrit comme « le plus doué… au beach soccer » dans une formulation dont on perçoit toute l’ironie (même si c’est tout à fait vrai). Et il est vrai que Neném est une star du football de plage : il est même qualifié dans son pays de « Romario du Beach soccer ». Cette autre facette du Brésilien mérite qu’on s’y arrête et qu’on apporte quelques précisions.
Les données sont rares mais on peut tout de même estimer que Neném pratique le football de plage depuis de nombreuses années, un sport qui, selon wikipedia, « s’apparente au football », en 5 contre 5, sur un terrain dont la taille constitue environ le tiers de la taille d’un terrain de football à 11. Il y gagne ses premières distinctions connues en 1994, à l’âge de 21 ans. Ce sport a indéniablement une institutionnalisation, une popularité et un prestige plus élevés au Brésil qu’en Europe, puisque le pays compte ses « stars » du beach soccer. Pendant tout un temps, les vedettes du football de plage ont été d’anciens professionnels : ainsi, le gardien de but Paulo Sergio ou le défenseur Junior (sélectionné 70 fois avec la Seleçao et buteur en coupe du monde en 1982) et, dans une moindre mesure, Zico, s’y sont investis après leur carrière professionnelle, dans une sorte de reconversion mi-professionnelle mi-récréative. Ce type de trajectoire rappelle à grands traits celle de quelques ex-footballeurs professionnels français tels que Jean-Marie Aubry, l’ancien gardien de but du LOSC (1995-1998) qui, après sa carrière professionnelle de gardien de but « à 11 », a trouvé dans le beach soccer de quoi prolonger sa passion entre 2004 et 2009, au moment où son niveau ne permet plus de poursuivre une carrière pro à 11. Jean-Marie Aubry a même été champion du monde en 2005.
La particularité de Neném est qu’il est, dès ses jeunes années, à la fois un footballeur « à 11 » et un footballeur « de plage ». Cela n’enlève pas grand chose à l’originalité de son profil, mais il faut bien souligner que ce n’est pas qu’un « footballeur de plage » – autrement dit un touriste – qui débarque à Lille en janvier 1999. Et quand bien même il n’aurait été « que » ça, les inconnues autour du niveau de ce sport au Brésil peuvent justifier qu’on tente le coup de le faire signer. En cela, le passage de Neném à Lille relève quasiment du coup de poker, aussi bien pour le club que pour le joueur, au moment où ce dernier se pose probablement bien des questions sur la véritable identité de « son » football.
Il entend la mer même sans mettre la main à l’oreille
Neném est ainsi une illustration très concrète de l’évolution du beach soccer de haut niveau qui, à mesure qu’il s’institutionnalise, devient de moins un moins un loisir et de plus en plus un sport, dont le niveau progresse, et dont la moyenne d’âge des participants a tendance à diminuer : certains footballeurs de plage font désormais carrière. L’une des consécrations pour le beach soccer est l’organisation de sa coupe du monde sous l’égide de la FIFA à partir de 2005
Quoi qu’il en soit, et c’est là aussi une particularité de Neném, il n’a jamais caché sa préférence pour le beach soccer ! À son arrivée à Lille, il compte déjà 4 coupes du monde, 2 championnats du monde, 5 Copa America, 1 titre de champion d’Amérique Latine, 1 Mercosul Cup ; en outre, en club, il compte déjà deux titres de champion du Brésil avec Rio de Janeiro.
Après son expérience lilloise, Neném retourne au Brésil et, durant quelques mois, alterne en D2 (Figueirense, CFZ Rio) et D1 (Cruzeiro) brésilienne (à 11) tout en continuant à cumuler les titres en beach soccer. Il semble que c’est au cours de l’année 2000 qu’il se consacre entièrement au football de plage, abandonnant dès lors le football à 11. De 2000 à 2009, il est LA star brésilienne du beach soccer : il remporte avec le Brésil 5 nouvelles coupes du monde (il en a donc gagné 9 au total, toutes avant leur organisation par la FIFA), 8 championnats du monde (10), 2 Copa America (7), 8 titres de champion d’Amérique Latine (9), 2 Mercosul Cup (3) ; il est en outre meilleur buteur des coupes du monde 2002 et 2003 et est élu meilleur joueur de la coupe du monde 2002 ; en club, il remporte un titre national avec Sao Paulo en 2002. Il fait une pige d’un au Japon en 2007-2008 où il remporte la Japan International Cup Champion, tout en ayant en charge l’équipe nationale. Il termine sa carrière en 2009 au Brésil, trop handicapé par des blessures aux genoux.
À l’arrivée, avec 337 buts marqués, Neném est le meilleur buteur de l’histoire de l’équipe brésilienne de beach soccer et, selon certaines sources, il est le 2e plus grand buteur de football au monde, toutes pratiques footballistiques confondues : il ne serait devancé que par un footballeur en salle du nom de Falcão.
Depuis l’arrêt de sa carrière, Neném a dirigé l’équipe nationale du Qatar. Il a profité de son réseau pour organiser des matches contre des équipes brésiliennes et, au-delà, pour promouvoir le beach soccer. Il déclarait ainsi en 2015, dans un article qui écrit de manière amusante que Neném est « un ancien joueur de beach soccer qui a également joué au football à 11 avec Lille en France » : « nous avons joué contre cinq équipes, toutes de grands noms avec de grands joueurs comme Jorginho, Daniel et d’autres joueurs de l’équipe nationale du Brésil. Ils ont appris la tactique et le mouvement de la technique brésilienne du beach soccer, et cela a été bénéfique. La chose la plus importante en y allant est la confiance que les joueurs engrangent (…) La route est longue et difficile mais nous avons les bons ingrédients et les gens investissent dans notre programme, qui a été développé au cours de nombreuses années d’expérience du beach soccer. Je sais que la responsabilité est énorme, mais le défi est passionnant, et l’équipe le prend tout aussi au sérieux ». Nénem n’est toutefois pas parvenu à qualifier le Qatar pour les coupes du monde 2013 et 2015.
Neném, février 2019
Si l’on en croit son profil facebook, Neném reste très investi dans le beach soccer, où son statut d’ « icône » – c’est ce qu’on lit dans la presse lusophone – lui permet de tenir un rôle d’ambassadeur de la discipline et de former de jeunes joueurs. Quant au football à 11, il n’en est fait aucune mention et, bien entendu, on n’y trouve pas de trace de son passage à Lille, qui doit être considéré comme une anomalie.
Qui veut faire un stage Neném ?
Ses 5 mois à Lille restent donc en partie un mystère : quelles motivations ont présidé à son recrutement ? Que savait-on de lui ? Envisageait-on que son niveau soit meilleur ? Que savait-on de son investissement, peut-être lié à un « plan de carrière » bien loin de nos préoccupations de supporters ? Etait-ce finalement une dernière tentative pour le joueur de tenter un coup dans le foot à 11 avant de définitivement bifurquer ? Autant de questions qui, finalement, se posent pour pas mal de joueurs passés sous nos couleurs. En cela, Neném est un joueur tout à fait normal. Avec, tout de même, 9 coupes du monde, 10 championnats du monde, et 337 buts marqués. De quoi inviter Romario pour ses 46 ans en 2018 (vidéo ci-dessous). Finalement, on peut solidement bâtir sur le sable.