Archiver pour janvier 2021
Posté le 16 janvier 2021 - par dbclosc
Top 17 : Inoubliables coups-francs
Déjà, comment écrit-on « coup-franc » au pluriel ? Optons pour « coups-francs », même si tout le monde n’a pas l’air d’accord.
Qui dit « LOSC » et « Coup-franc » ne dit pas que « Giggs », ce lamentable personnage. Non, les Dogues aussi savent inscrire des coups-francs, et qui plus est de façon tout à fait régulière.
Cette sélection et son classement sont tout à fait subjectifs et sont surtout un prétexte pour se rappeler et revisionner quelques-uns des coups-francs lillois marquants de la période récente.
N° 17 : Antoine Sibierski à Lens, 6 février 1996
Qu’est-ce qui fait davantage plaisir qu’un but marqué par Lille contre Lens, à Lens ? Pas grand chose, à part une victoire 4-0 contre Lens, par exemple. C’est donc avec une joie non dissimulée que les supporters lillois ont accueilli le but d’Antoine Sibierski lors du derby de février 1996, dès la 5e minute. Et ce d’autant plus que les buts lillois sont rares à cette époque. C’est légèrement dévié par le mur, ça tape la barre, ça rentre, ça retape la barre, c’est rigolo. Après le but à Gueugnon en septembre 1995, c’est le deuxième et dernier but de Sibierski sur coup-franc avec les Dogues.
Ce soir là, le LOSC, 17e, ramène un excellent point de chez son voisin, 4e. Mais on tremblera jusqu’au bout.
N°16 : Yohan Cabaye contre Metz, 12 janvier 2008
Yohan Cabaye a inscrit 3 coups-francs avec le LOSC, sélectionnons-en deux : celui-ci, inscrit en dernière minute contre la lanterne rouge messine, permet d’éviter aux Grenats de remporter un deuxième succès dans la saison ; surtout, il lance une très belle deuxième partie de saison pour le LOSC, qui ne s’incline plus que deux fois et joue l’Europe jusqu’à la dernière journée, où les espoirs s’envolent chez ces fichus Lorientais.
N° 15 : Yohan Cabaye contre Bordeaux, 26 août 2006
Après un début fort satisfaisant (victoires à Rennes puis contre Lens) seulement terni par une courte défaite à Paris, le LOSC fait forte impression lors de la 4e journée 2006-2007 en battant Bordeaux 3-0. Le premier but est marqué par Yohan Cabaye, qui a reconnu après le match qu’il s’était accordé avec Michel Bastos… pour que ce soit le Brésilien qui frappe. On semble d’ailleurs entrevoir le désarroi de Bastos quand il voit son coéquipier frapper. Désarroi sans doute pas aussi grand que celui de Ramé qui, avec des murs comme ceux-là, a songé à raccrocher les crampons.
N°14 : Eden Hazard contre Liverpool, 11 mars 2010
Ce n’est pas le plus beau des coups-francs ; on peut même considérer que ce but n’a pas servi à grand chose tant la supériorité de l’adversaire était manifeste au match retour ; mais bon, on a battu Liverpool ! Avec une frappe qui traverse tout le monde et finit tranquillement dans le but, à l’instar des coups-francs similaires de Boufal contre Lyon et de Benzia contre Nice, dont on a parlé ici pour souligner leur forte ressemblance.
N°13 : Philippe Brunel contre Nice, 11 septembre 2004
En septembre 2004, le LOSC semble parti pour une nouvelle saison moyenne : avant de recevoir Nice, le LOSC a signé une victoire, un nul, et deux défaites. Mais ce match lance une série de 6 victoires consécutives, grâce à un but de dernière minute arqué par Philippe Brunel, grâce à une belle frappe du gauche et un gardien statique. Le LOSC terminera 2e et Philippe Brunel, auteur de 9 buts, signe sa saison la plus prolifique sous les couleurs lilloises.
N°12 : Jean-Louis Valois contre Le Mans, 19 septembre 1998
Le Vahid Time se manifeste dès le premier match d’Halilhodzic à la tête du LOSC. Le Bosniaque, arrivé 6 jours plus tôt en remplacement de Thierry Froger, nous habituera à des scénarios à suspens au cours desquels le LOSC fera la différence dans les dernières minutes. Contre Le Mans, Peyrelade permet aux Dogues de revenir à 2-3 à la 80e, avant que Valois, à la 90e, ne transforme directement un coup-franc excentré que personne ne touche : décidément, une spécialité lilloise.
N°11 : Mathieu Debuchy à Nancy, 3 décembre 2006
On avait placé ce coup-franc parmi les « buts à la con » marqués par le LOSC, en raison de la montée de la défense nancéienne, qui se voulait astucieuse mais qui se révèle désastreuse. Le club l’a fait concourir au titre de « but lillois du XXe siècle », et il est vrai que c’est pas mal tiré. Au-delà du regard qu’on porte sur lui, ce coup-franc est original et contribue à ramener 3 points de Nancy, quelques jours avant de se rendre à Milan.
N°10 : Christophe Landrin à Lens, 20 novembre 2004
Qu’est-ce qui fait davantage plaisir qu’un but marqué par Lille contre Lens, à Lens ? Ah, on a déjà posé la question (voir plus haut). Mais le plaisir est décuplé quand le coup-franc semble un peu foiré : il y a un côté humiliant pour l’adversaire. Comme ce jour où Christophe Landrin, excentré, frappe curieusement à ras de terre, comme s’il avait tapé à moitié le sol, et que le ballon file devant tout le monde, Dumont assurant la touche esthétique finale.
N°9 : Bruno Cheyrou contre Lorient, 4 août 2001
Bruno Cheyrou a inscrit 5 coups-francs directs avec le LOSC, dont deux lors de ses fameux doublés jumeaux, contre Créteil et à Paris. Celui contre Lorient, 4 jours avant de se déplacer à Parme, est le plus astucieux. N’Diaye fait mine de décaler pour Fahmi, mais finalement Bruno Cheyrou frappe directement alors que la balle n’est pas très bien placée pour son pied gauche. La course désespérée de Le Garrec vers son poteau est aussi ridicule qu’inutile : le LOSC égalise.
N°8 : Adil Rami contre Saint-Etienne, 10 décembre 2009
Ce match contre Saint-Etienne, tout comme ceux de la 11e journée de L1, aurait initialement dû se jouer le 28 octobre. Seulement, la participation de l’équipe de France aux barrages pour la coupe du monde 2010 a contraint la LFP à le décaler. Pas de chance pour les Verts : en ce mois de décembre, le LOSC est irrésistible et inscrit 4 buts par match. Après Valenciennes (4-0) et Lyon (4-3) et avant Monaco (4-0), Le Mans (3-0) et Nancy (4-0), ce sont donc les Stéphanois qui prennent le tarif du moment : 4-0. Et ça rigole tellement à cette période là que Rami frappe les coups-francs et les place juste sous la barre !
N°7 : Bruno Cheyrou contre Guingamp, 8 septembre 2001
Deuxième coup-franc de Bruno Cheyrou dans ce classement, et probablement le plus beau. En ce début de saison 2001/2002, le LOSC parvient à alterner victoires à domicile et nuls à l’extérieur jusque mi-octobre. Au cours de cette série, Guingamp tombe à Grimonprez-Jooris grâce à un coup-franc de Bruno Cheyrou. Alors que le ballon est plutôt placé pour un droitier, la feinte de Boutoille fait faire au gardien breton le petit pas sur sa droite qui le fait prendre un retard irrattrapable. Bruno Cheyrou enroule de l’autre côté et trouve la lucarne.
N°6 : Michel Bastos à Sochaux, 14 septembre 2008
Le début de la première saison avec Rudi Garcia a été un peu poussif (deux défaites et un nul), mais le LOSC s’est enfin imposé contre Bordeaux avant ce déplacement à Sochaux pour la 5e journée. Menés à la pause, les Dogues égalisent à la 63e grâce à une frappe surpuissante de Michel Bastos.
N°5 : Eden Hazard contre Bordeaux, 12 février 2012
Le LOSC a tendance à parfois montrer de sérieuses lacunes défensives au cours de cette saison 2011/2012. Après les 2 buts encaissés en en fin de match contre Moscou, après le nul contre Nice avant la trêve (4-4), le LOSC va faire encore mieux contre Bordeaux avec, cerise sur l’Hitoto, un doublé de Ludovic Obraniak, à peine transféré en Gironde. On a pourtant cru à la remontada : mené 1-4 en début de seconde période, le LOSC parvient à égaliser. La voie avait été tracée par Eden Hazard qui, d’une frappe flottante, avait permis aux Lillois de revenir à 2-4 à la 65e, avant le coup de poignard d’Obraniak, cet ex qui nous en veut.
N°4 : Michel Bastos à Lyon, 18 octobre 2008
Le début de la première saison avec Rudi Garcia a été un peu poussif (voir plus haut), mais le LOSC reste sur 3 victoires consécutives et s’est positionné à la 6e place, au moment de se rendre chez le leader et septuple champion lyonnais. Après une heure de jeu, le score est de 1-1. Le LOSC obtient un coup-franc à 35 mètres que Bastos frappe directement : la frappe flottante part très vite et trompe Lloris après un rebond. Lille prend l’avantage mais se fera rattraper (2-2).
N°3 : Ludovic Obraniak contre le PSG, 14 mai 2011
Première finale de coupe de France pour le LOSC depuis 1955, année de sa dernière victoire dans la compétition (la 5e au total). Tandis qu’en championnat, le LOSC est très bien parti pour accrocher le titre, les Dogues remportent la coupe grâce à un but en fin de match de Ludovic Obraniak, sur un coup-franc excentré, et à une excellente sortie de Grégory « laisse, ça sort ! » Coupet. Une victoire hélas passée au second plan dans la presse du lendemain en raison du complot de Dominique Strauss-Kahn.
N°2 : Yves Bissouma à Toulouse, 6 mai 2018
C’est LE but qu’on associe au maintien de 2018. 19e avant ce déplacement à Toulouse, qui est tout juste un peu mieux loti (17e), Lille vit une saison de merde. Une éclaircie : la semaine précédente, le LOSC a enfin renoué avec un succès qui le fuyait depuis 3 mois, en battant la lanterne rouge messine. Mais la situation reste critique, bien que pas désespérée : mais perdre à Toulouse, c’est quasiment s’assurer qu’un hypothétique maintien ne pourra plus passer que par les barrages. Le LOSC est mené 1-2 à la pause et semble renouveler les mêmes erreurs (ne pas tenir le score, prendre des buts sur coups de pied arrêtés, manque de cohésion). Mais c’est compter sans Mickaël « la science » Debève, entraîneur du TFC, qui décide de ne plus jouer et ne procède qu’à des changements défensifs. Résultat, Lille a tout le loisir de s’installer dans le camp toulousain, et obtient un coup-franc à la 78e, qui n’est frappé qu’à la 80e, exactement 126 secondes plus tard, tant les Toulousains temporisent lors d’un changement. Pour la peine, ils sont immédiatement sanctionnés : d’une trentaine de mètres, Yves Bissouma envoie une frappe rectiligne qui se défait facilement du non-mur et finit au fond. Merci à Alban Lafont, le gardien du TFC, qui parachève son œuvre avec une sortie manqué face à Pépé pour le 2-3.
N°1 : Johnny Ecker à Parme, 8 août 2001
Première participation à une coupe d’Europe « moderne » pour le LOSC après la 3e place obtenue par le club en 2000/2001, dans la foulée de sa remontée. En héritant de Parme, Lille a touché le gros lot, et on ne donne pas cher de la bande à Vahid. Pourtant, grâce à une tactique parfaitement établie, les Dogues ouvrent la marque dès la reprise par Salaheddine Landrin et Christophe Bassir. À l’approche du dernier quart d’heure, l’intensité retombe, et on croit alors se satisfaire de cet exceptionnel résultat, s’il peut être conservé. Lille obtient un coup-franc à là 80e minute, à 30 mètres, dans l’axe. Alors qu’on s’attend à ce que Bruno Cheyrou, qui vient d’entrer, joue tranquillement en retrait ou sur un côté, approche Johnny Ecker, qui raconte : « Non, laisse Bruno, c’est ma seule chance de signer en Italie la saison prochaine. Je lui ai dit ça en me marrant et il m’a dit « ok » ». Bonne idée, car on a à peine le temps de comprendre que Johnny Ecker a tiré que le ballon est déjà dans le but adverse. Le LOSC s’impose 2-0, souffrira au retour, mais se qualifiera.
Johnny soulignait à quel point cette période, et ce match en particulier, reste un mélange d’ingrédients difficiles à cerner, mais parmi lesquels on trouve une petite part d’irrationnel : 3 jours après Parme, Lille se rend à Bordeaux : « il y a un coup franc à 30 mètres placé pareil. J’ai senti que le public avait peur. Je l’ai pris, mais j’ai tué trois pigeons en frappant 25 mètres au-dessus. Je n’ai d’ailleurs plus jamais marqué ».
Le but sur Fréquence Nord :
Rappelons que Johnny Ecker avait déjà marqué un coup-franc avec le LOSC : c’était à Toulouse en mars 2001.
Bonus : le coup-franc oubliable de Anwar El Ghazi à Monaco, 4 avril 2017
On aurait pu le faire apparaître dans notre « Top » de manière tout à fait régulière, mais parce qu’il est un but totalement inutile marqué en dernière minute d’un match perdu, on peut presque considérer qu’il n’a pas existé. D’ailleurs, vous en souveniez-vous ? On parle du coup-franc, pas de El-Ghazi. A ce titre, ce coup-franc remplit tout à fait les critères du « beau but » que les supporters ne vont pourtant jamais citer : beau geste, mais pas assez de critères « environnementaux ».
Posté le 5 janvier 2021 - par dbclosc
Neném : sous l’épave est la plage
Rares sont ceux qui se rappellent son passage de quelques mois à Lille durant la saison 1998/1999. Et pourtant : avec – entre autres – 19 titres mondiaux, Neném est probablement le plus grand palmarès qui soit passé par le LOSC. Mais pas en football à 11.
Noël 1999 : le LOSC, qui a connu un début de saison catastrophique conduisant notamment à l’éviction de Thierry Froger après 6 journées, est revenu dans la course pour la montée en D1 sous la houlette de Vahid Halilhodzic (Halilhodzic a en effet une houlette). Même si l’équipe reste irrégulière et que son jeu n’emballe pas grand monde, elle est remontée à la 6e place, position occupée à la trêve hivernale. Le LOSC a même pointé son nez à la 4e place début décembre après une victoire à Caen. Il reste 15 matches, et la D1 n’est qu’à 4 points : une situation presque inespérée après l’immonde soirée beauvaisienne début septembre, où Lille pointait à la 17e place.
Tout est donc encore possible, mais pas dans les mêmes conditions. Sur le papier, Lille a un bel effectif, notamment offensivement, où l’attaque (avec Lobé, Pickeu, Valois, Boutoille, Renou et Peyrelade) pèse 64 buts sur la saison 97/98 (jusqu’au départ de Lobé en novembre). L’équipe compte quelques joueurs expérimentés (Koot, Senoussi, Hitoto, Collot, Tourenne), d’autres qui émergent (Br. Cheyrou, Noro, Camara) et il reste quelques gars du cru (Dindeleux, Leclercq, Landrin, Coulibaly, Hammadou, Sanz). Mais une somme de joueurs plus ou moins talentueux individuellement ne fait pas forcément une bonne équipe, et de plus l’effectif est déséquilibré, comme nous l’avait confié Grégory Wimbée : « on avait un effectif mal ficelé. Si tu regardes bien comment est l’effectif, tu te rends compte qu’il y a beaucoup de défenseurs centraux par exemple, et que t’as moins de milieux. Rééquilibrer l’équipe, c’est la première chose que Vahid a faite la saison d’après, mais déjà dès l’hiver ». Le LOSC, au-delà de l’implication et du niveau des siens, a donc un problème structurel, qui peut en partie expliquer qu’il ne soit que la 9e attaque et la 10e défense. L’effectif va donc être remodelé : certains joueurs sont progressivement écartés (Renou, Senoussi, Hitoto, Pickeu, Dindeleux), tandis que d’autres, futurs cadres, voient leur temps de jeu et/ou leurs responsabilités croître (Wimbée, Cheyrou, Landrin, Peyrelade, Collot, Boutoille) et qu’un dernier revient d’on ne sait où (Cygan). Et le club va recruter là où Coulibaly ne s’impose pas et là où Landrin n’est plus car il a reculé d’un cran : au poste de meneur de jeu. Si, en plus, ça pouvait amener un peu de spectacle…
Dans les années 1990, on connait la propension du LOSC à dénicher des « Doukisor », pour le meilleur et pour le pire. La saison précédente, le club était allé chercher à la même époque le Belge Stephan Van Der Heyden qui, bien que pas très rapide, avait apporté une réelle plus-value technique sur la deuxième partie de saison. Insuffisante toutefois pour accrocher la 3e place. Durant l’hiver 98/99, le club jette cette fois son dévolu (car le LOSC avait un dévolu) sur « Charles-Albert-Lisbonne-rourouleau de printemps chinois », moins inconnu sous le nom de « Carlos Alberto Lisboa Neném », encore moins inconnu sous le nom de « Neném Sassarico », et un peu connu par le seul surnom « Neném ». Doukisor ?
La carrière de Neném est jusque là honnête mais sans relief particulier. Comme bon nombre de footballeurs brésiliens, il espère un jour rejoindre l’Europe. En attendant, il évolue à Rio de Janeiro, en deuxième division. Il prend la direction de Lille en octobre 1998 où il effectue un essai de 10 jours. Le LOSC l’enrôle officiellement en janvier 1999, et Halilhodzic met en avant les qualités techniques du brésilien qui permettraient une meilleure « liaison défense/milieu/attaque », comme il l’explique dans ce document de Fréquence Nord, janvier 1999 :
Si on est optimiste, on peut supposer que les 10 jours d’essai du Brésilien ont convaincu de ses qualités et que, à ce titre, il constitue la recrue qui permettra à Lille de combler une partie de ses lacunes ; si on est moins optimiste, on peut rappeler que même si le LOSC, sous l’action du président Lecomte, a résorbé son déficit depuis juin 1998, ses finances ne permettent pas encore de folies et que la meilleure solution reste de trouver un joueur qui veut bien venir. Et puisqu’on en a un sous la main… On sait par ailleurs que si, en général, les joueurs mis à l’essai puis non retenus par la suite sont restés de grands inconnus, les « essais transformés » ne sont pas forcément gages de réussite non plus. Voilà en tout cas l’accomplissement d’un rêve pour Neném : rejoindre le pays des champions du monde de football. Voici les rares preuves du passage du Brésilien à Lille, lors de son arrivée, grâce à ces courts reportages de France 3 Nord et de M6 Lille :
Vahid Halilhodzic y réitère ses espoirs basés sur la « bonne technique » de Neném, parce qu’il est Brésilien, ceci étant la conséquence de cela. Avez-vous remarqué ? Vahid parle des joueurs étrangers comme de Gaulle parle des pays étrangers : chaque culture possèderait un système autonome de références et de normes, qui débouche sur une vision transhistorique des nations chez De Gaulle, des footballeurs chez Vahid, perçus comme des joueurs aux caractéristiques voire à une substance stables, immuables dans le temps. La Voix des Sports (8 février) nous apprend d’ailleurs que Vahid surnomme très vite Neném « Brazil », surnom que les joueurs ne tardent pas à adopter. On s’efforce de se convaincre qu’il n’y a rien de raciste là-dedans.
Neném (sur les feuilles de match, c’est « Lisboa ») entre en jeu pour la première fois le 30 janvier pour un match au Mans, sans pouvoir éviter la défaite. La semaine suivante, pour sa première titularisation et sa première à domicile, il se met brillamment en valeur : dans le match au sommet contre Troyes (2e), il délivre une superbe passe décisive de volée à Laurent Peyrelade qui inscrit le seul but du match à un quart d’heure du terme. Le vendredi précédent le match, Halilhodzic avait déclaré : « j’ai besoin de sa vitesse, mais il faut que je lui dise de jouer simplement, que je lui explique le replacement défensif, car il va vouloir montrer ce dont il est capable ». Avec cette victoire, le LOSC n’est qu’à 1 point du 3e, Gueugnon, et se prend à rêver de lendemains qui chantent, car les Dogues se sont découverts un artiste, et décisif qui plus est. L’adaptation semble se faire au mieux : une secrétaire du club, lusophone, assure la traduction des propos du petit prodige. Mais entre lui et Vahid, on parle le langage du football, c’est Vahid qui l’assure : « avec les mains et les pieds, on se comprend. Il me dit toujours « comprendé ! » » (toujours rien de raciste) « J’ai pas mal parlé avec lui poursuit Vahid. Je lui ai dit de ne pas trop s’enflammer. Il vient du Brésil, c’est un autre monde. Il faut le mettre dans le rythme, dans l’ambiance lilloise. Il manque de rythme, mais c’était son premier match depuis longtemps, et il veut parfois en faire trop. Je vais maintenant entrer dans la phase tactique, que je vais travailler avec lui ».
Mais la suite ne confirme pas ces belle promesses. Si Neném montre d’évidentes qualités techniques, il se perd souvent en grigris et en passements de jambes qui peuvent plaire à la galerie quand le score est de 4-0, mais qui dans l’immédiat n’apportent pas grand chose. Et s’il est de nouveau titulaire pour les deux matches suivants à domicile (contre le Red Star et Nice) et qu’il entre en jeu à Nîmes et à Gueugnon, il faut vite se rendre à l’évidence : il n’est pas ridicule, mais il manque de vitesse, de constance, et de physique. Et il n’est pas forcément le plus adroit devant le but. Le résumé du match à Nîmes illustre assez bien certaines des lacunes du joueur, qui manque un ballon en apparence facile (à 1’45 dans la vidéo ci-dessous) :
La réaction de l’entraîneur lillois à propos de son équipe ce soir-là pourrait facilement être transposée au cas Neném : « on s’est un peu enflammés… ». Le LOSC aura bien du mal à transformer ses rêves en réalités. La D1 s’éloigne. Et Neném s’éloigne des terrains : après le match contre Nice fin mars, où il sort à 0-0 (le LOSC ouvre le score 4 minutes après sa sortie et gagne 2-0), on ne le revoit plus.
Comme le dit le proverbe, « quand on Neném, on ne concompte pas », et d’ailleurs heureusement car les comptes sont vite faits : en tout et pour tout, Neném aura joué 8 matches avec le LOSC (dont 2 de coupe) pour 5 titularisations (1 seul match complet), 420 minutes jouées, 0 but, et 1 passe décisive. Mais contrairement à ce qu’indique sa page Wikipedia depuis des années et encore au moment de la publication de cet article (janvier 2021), il n’a jamais inscrit de but avec le LOSC, et sûrement pas grâce à une bicyclette.
Alors, Neném, une épave de plus échouée à Grimonprez-Jooris ? Avec ces statistiques faméliques, il est assez aisé de voir en Neném un des nombreux symboles d’un LOSC allant clopin-clopant, dont l’irrégularité chronique et les recrutements hasardeux le condamnent à ne pas grandir. Cette impression est accentuée par des rumeurs, relayées notamment sur sa page Wikipédia, prétendant que Neném aurait coûté pas moins de 25 MF au LOSC ! C’est là aussi complètement faux.
Un extrait de la page wikipedia de Neném
Il est dès lors aisé de se moquer, et le club lui-même ne s’en prive pas puis que dans un article évoquant les « Brés’Lilliens » du LOSC, Neném y est décrit comme « le plus doué… au beach soccer » dans une formulation dont on perçoit toute l’ironie (même si c’est tout à fait vrai). Et il est vrai que Neném est une star du football de plage : il est même qualifié dans son pays de « Romario du Beach soccer ». Cette autre facette du Brésilien mérite qu’on s’y arrête et qu’on apporte quelques précisions.
Les données sont rares mais on peut tout de même estimer que Neném pratique le football de plage depuis de nombreuses années, un sport qui, selon wikipedia, « s’apparente au football », en 5 contre 5, sur un terrain dont la taille constitue environ le tiers de la taille d’un terrain de football à 11. Il y gagne ses premières distinctions connues en 1994, à l’âge de 21 ans. Ce sport a indéniablement une institutionnalisation, une popularité et un prestige plus élevés au Brésil qu’en Europe, puisque le pays compte ses « stars » du beach soccer. Pendant tout un temps, les vedettes du football de plage ont été d’anciens professionnels : ainsi, le gardien de but Paulo Sergio ou le défenseur Junior (sélectionné 70 fois avec la Seleçao et buteur en coupe du monde en 1982) et, dans une moindre mesure, Zico, s’y sont investis après leur carrière professionnelle, dans une sorte de reconversion mi-professionnelle mi-récréative. Ce type de trajectoire rappelle à grands traits celle de quelques ex-footballeurs professionnels français tels que Jean-Marie Aubry, l’ancien gardien de but du LOSC (1995-1998) qui, après sa carrière professionnelle de gardien de but « à 11 », a trouvé dans le beach soccer de quoi prolonger sa passion entre 2004 et 2009, au moment où son niveau ne permet plus de poursuivre une carrière pro à 11. Jean-Marie Aubry a même été champion du monde en 2005.
La particularité de Neném est qu’il est, dès ses jeunes années, à la fois un footballeur « à 11 » et un footballeur « de plage ». Cela n’enlève pas grand chose à l’originalité de son profil, mais il faut bien souligner que ce n’est pas qu’un « footballeur de plage » – autrement dit un touriste – qui débarque à Lille en janvier 1999. Et quand bien même il n’aurait été « que » ça, les inconnues autour du niveau de ce sport au Brésil peuvent justifier qu’on tente le coup de le faire signer. En cela, le passage de Neném à Lille relève quasiment du coup de poker, aussi bien pour le club que pour le joueur, au moment où ce dernier se pose probablement bien des questions sur la véritable identité de « son » football.
Il entend la mer même sans mettre la main à l’oreille
Neném est ainsi une illustration très concrète de l’évolution du beach soccer de haut niveau qui, à mesure qu’il s’institutionnalise, devient de moins un moins un loisir et de plus en plus un sport, dont le niveau progresse, et dont la moyenne d’âge des participants a tendance à diminuer : certains footballeurs de plage font désormais carrière. L’une des consécrations pour le beach soccer est l’organisation de sa coupe du monde sous l’égide de la FIFA à partir de 2005
Quoi qu’il en soit, et c’est là aussi une particularité de Neném, il n’a jamais caché sa préférence pour le beach soccer ! À son arrivée à Lille, il compte déjà 4 coupes du monde, 2 championnats du monde, 5 Copa America, 1 titre de champion d’Amérique Latine, 1 Mercosul Cup ; en outre, en club, il compte déjà deux titres de champion du Brésil avec Rio de Janeiro.
Après son expérience lilloise, Neném retourne au Brésil et, durant quelques mois, alterne en D2 (Figueirense, CFZ Rio) et D1 (Cruzeiro) brésilienne (à 11) tout en continuant à cumuler les titres en beach soccer. Il semble que c’est au cours de l’année 2000 qu’il se consacre entièrement au football de plage, abandonnant dès lors le football à 11. De 2000 à 2009, il est LA star brésilienne du beach soccer : il remporte avec le Brésil 5 nouvelles coupes du monde (il en a donc gagné 9 au total, toutes avant leur organisation par la FIFA), 8 championnats du monde (10), 2 Copa America (7), 8 titres de champion d’Amérique Latine (9), 2 Mercosul Cup (3) ; il est en outre meilleur buteur des coupes du monde 2002 et 2003 et est élu meilleur joueur de la coupe du monde 2002 ; en club, il remporte un titre national avec Sao Paulo en 2002. Il fait une pige d’un au Japon en 2007-2008 où il remporte la Japan International Cup Champion, tout en ayant en charge l’équipe nationale. Il termine sa carrière en 2009 au Brésil, trop handicapé par des blessures aux genoux.
À l’arrivée, avec 337 buts marqués, Neném est le meilleur buteur de l’histoire de l’équipe brésilienne de beach soccer et, selon certaines sources, il est le 2e plus grand buteur de football au monde, toutes pratiques footballistiques confondues : il ne serait devancé que par un footballeur en salle du nom de Falcão.
Depuis l’arrêt de sa carrière, Neném a dirigé l’équipe nationale du Qatar. Il a profité de son réseau pour organiser des matches contre des équipes brésiliennes et, au-delà, pour promouvoir le beach soccer. Il déclarait ainsi en 2015, dans un article qui écrit de manière amusante que Neném est « un ancien joueur de beach soccer qui a également joué au football à 11 avec Lille en France » : « nous avons joué contre cinq équipes, toutes de grands noms avec de grands joueurs comme Jorginho, Daniel et d’autres joueurs de l’équipe nationale du Brésil. Ils ont appris la tactique et le mouvement de la technique brésilienne du beach soccer, et cela a été bénéfique. La chose la plus importante en y allant est la confiance que les joueurs engrangent (…) La route est longue et difficile mais nous avons les bons ingrédients et les gens investissent dans notre programme, qui a été développé au cours de nombreuses années d’expérience du beach soccer. Je sais que la responsabilité est énorme, mais le défi est passionnant, et l’équipe le prend tout aussi au sérieux ». Nénem n’est toutefois pas parvenu à qualifier le Qatar pour les coupes du monde 2013 et 2015.
Neném, février 2019
Si l’on en croit son profil facebook, Neném reste très investi dans le beach soccer, où son statut d’ « icône » – c’est ce qu’on lit dans la presse lusophone – lui permet de tenir un rôle d’ambassadeur de la discipline et de former de jeunes joueurs. Quant au football à 11, il n’en est fait aucune mention et, bien entendu, on n’y trouve pas de trace de son passage à Lille, qui doit être considéré comme une anomalie.
Qui veut faire un stage Neném ?
Ses 5 mois à Lille restent donc en partie un mystère : quelles motivations ont présidé à son recrutement ? Que savait-on de lui ? Envisageait-on que son niveau soit meilleur ? Que savait-on de son investissement, peut-être lié à un « plan de carrière » bien loin de nos préoccupations de supporters ? Etait-ce finalement une dernière tentative pour le joueur de tenter un coup dans le foot à 11 avant de définitivement bifurquer ? Autant de questions qui, finalement, se posent pour pas mal de joueurs passés sous nos couleurs. En cela, Neném est un joueur tout à fait normal. Avec, tout de même, 9 coupes du monde, 10 championnats du monde, et 337 buts marqués. De quoi inviter Romario pour ses 46 ans en 2018 (vidéo ci-dessous). Finalement, on peut solidement bâtir sur le sable.