Posté le 27 janvier 2021 - par dbclosc
27 janvier 2001 : le promu lillois s’invite en tête du championnat
Le 27 janvier 2001, en battant Saint-Etienne 4-1 au stade Grimonprez-Jooris, les hommes d’Halilhodzic s’emparent de la première place du championnat de France. Les Dogues n’avaient pas été à pareille fête depuis près de 47 ans, l’année de leur dernier titre. À peine de retour dans l’élite après des années d’errance, le LOSC n’en finit pas d’étonner.
Il est aux alentours de 22h ce samedi 27 janvier 2001, et il faut presque se pincer pour y croire : avec les 3 nouveaux points qu’il vient d’acquérir, le LOSC passe devant Nantes, battu dans l’après-midi à Lyon (1-3), et est désormais en tête du championnat de France après 24 journées, à la faveur d’une meilleure différence de buts que celle des Canaris.
« Avant le match, après avoir pris connaissance de la défaite de Nantes, on savait qu’il y avait un truc à faire. Mais on se l’est juste dit une fois, histoire de ne pas se mettre de pression inutile » commente Grégory Wimbée. Le LOSC au sommet du football français, c’était déjà arrivé quelques mois auparavant, en août. Mais c’était après 3 journées : si l’événement était notable, il était en partie imputable aux aléas d’un début de saison et ne sanctionnait pas une performance de long terme, régulière, et donc significative. Cette fois, il ne reste que 10 journées avant la fin du championnat. Alors, certes, Lille avec 40 points en 24 matches et une moyenne de 1,66 points par match, n’est pas un leader hégémonique ; mais il n’est pas responsable des performances des autres et de ce championnat hyper serré (avec 7 points de moins, le LOSC serait 10e ; et avec 14 points de moins, il serait relégable). Leader moyen, le LOSC est un promu exceptionnel : une performance impensable pour un club qui, loin de son lustre d’antan, a singulièrement manqué de crédibilité depuis plusieurs années.
Il faut remonter à la saison 1953/1954 pour trouver un précédent. À la lutte toute la saison avec Bordeaux et Reims, le LOSC a pris la première place à 3 reprises au cours de la saison. D’abord, le 29 novembre 1953 après une victoire contre Toulouse à Henri-Jooris (1-0, but de Strappe) : les Lillois conservent cette place jusque début janvier ; ensuite, Lille repasse devant le 18 avril 1954, alors qu’il ne reste que trois matches, après avoir battu Bordeaux (1-0, but de Strappe) ; enfin, après une défaite à Toulouse, Lille, s’impose à Reims lors de l’avant-dernière journée, (3-0, doublé de Strappe et but de Douis) et coiffe quasiment sur le fil ses deux adversaires qui se neutralisent lors de la dernière journée (0-0) pendant que les Dogues assurent (3-0 contre Nancy, Vincent, Douis et Strappe). La règle est immuable : quand on est premier après la dernière journée, on est champion !
Le LOSC champion de France 1954
Bieganski, Ruminski, Lemaitre, Van Cappelen, Van Der Hart, Sommerlynck
Clauws, Douis, Strappe, Vincent, Lefèvre
Depuis sa gloire passée d’après-guerre, le LOSC a alterné descentes et montées, a même abandonné le professionnalisme en 1969, n’a pas spécialement brillé en coupe de France. Dans les années 1970 et 1980, le club s’est parfois enchanté du spectacle de l’équipe d’Arribas, de quelques victoires ponctuelles (Saint-Etienne en 1979, Bordeaux en coupe en 1985), ou de la qualité de certaines de ses individualités (Pleimelding, Bergeroo, Prieto, les Plancque, Pelé, Vandenbergh, Mobati, Périlleux…). Puis, à partir des années 1990, la situation financière du club n’a pas pu permettre d’espérer davantage que le maintien. En dépit de quelques satisfactions sorties du centre de formation (l’accent était mis sur la formation faute de mieux), le couperet tombe en 1997 : le LOSC retourne en D2.
Mais en coulisses, le club évolue : sous l’impulsion de son président Bernard Lecomte, la dette est résorbée en 1998 ; Lecomte assure ensuite la mutation du club vers une société entièrement privée. Il reste des incertitudes,mais ça bouge, et les fondations semblent (enfin) solides. La capacité du stade a été augmentée pour répondre aux demandes de la Ligue. Sur le terrain, il aura fallu s’y prendre à trois fois, mais le club retrouve la D1 en 2000. Les jeunes sont arrivés en finale de Gambardella en 2000. Grâce à un trio particulièrement efficace (Lecomte, Dréossi, Halihodzic), le LOSC a retrouvé un club sain, une équipe combative, et un public très attaché aux valeurs de travail et de solidarité que son entraîneur met en avant.
La saison 1999/2000, en D2, est à la fois le fruit du travail qu’Halilhodzic avait déjà mené dès son arrivée en septembre 1998, et aussi la base d’un cycle qui durera jusqu’au départ du coach au printemps 2002. Avec ses joueurs besogneux, attachés au club (Collot, Boutoille), sortis des limbes (Cygan, Landrin, Wimbée), formés au club (Cheyrou), récupérés en D2 (Peyrelade, Viseux, Ecker, Agasson, Bakari), ou inconnus à leur arrivée (Fahmi, D’Amico), le LOSC écrase le championnat de D2 sur le terrain, et forme un groupe uni à propos duquel quelques-uns de ses membres sont abondamment revenus avec nous (D’Amico, Wimbée, Collot, Boutoille).
Mais qu’en sera-t-il en Première division ? À peine renforcé (départs de Viseux et Tourenne, arrivées de Pichot, N’Diaye, Beck, Pignol et Sterjovski), le LOSC poursuit sur sa lancée. En dépit d’un petit coup de mou à la fin de l’été, les Dogues se reprennent en battant notamment Lens, et se positionnent régulièrement dans le haut du tableau, avec quelques jolis « coups » (victoires à Marseille, à Lyon, contre le PSG). À la trêve, et après une nouvelle victoire contre Bastia, le LOSC est deuxième !
La coupure va-t-elle stopper l’élan des Lillois ? On le craint. Et on a parfois l’impression que certains l’espèrent : ceux qui voudraient un championnat dominé par les prétendus « gros » (par exemple, le club qui a recruté Anderson pour 120MF en 1999 ou celui qui a acheté Anelka – qu’il a formé – pour 220 MF en 2000), et qui s’agacent de voir Lille, Troyes ou Sedan jouer à ce point les trouble-fête. On se dit que tout finira par rentrer « dans l’ordre » et que la hiérarchie, un temps bousculée, retrouvera ses prétendants « naturels ». De toute façon, du côté de Lille, où on ne vise que le maintien, on ne s’en offusquerait pas, et on se doute que la réussite qui touche le club depuis 18 mois finira par s’atténuer. Mais d’autres voient dans ce LOSC un salutaire rafraîchissement et reflet de valeurs trop souvent sous-estimées dans le sport de haut niveau.
Le début d’année 2001 semble donner raison aux contempteurs du LOSC : les Dogues débutent l’année par une élimination en coupe de la Ligue à Bordeaux (0-1). Rien d’infamant, même si Lille n’a pas montré grand chose. Lors de la reprise du championnat la semaine suivante, le LOSC s’incline à Troyes (1-2), en encaissant deux buts pour la troisième fois de la saison. Il n’y a pas le feu mais c’est bien dommage : en cas de victoire par 2 buts d’écart, le LOSC aurait pu virer en tête. « Un coup pour rien » titre la Voix des Sports : l’occasion ne se présentera peut-être pas de sitôt ! Puis, le 20 janvier, Lille entre en lice en coupe de France, et s’incline de nouveau, à Auxerre (0-1). Et cette fois, les Dogues n’ont rien montré. Trois défaites consécutives, ce n’était jamais arrivé depuis l’arrivée de Vahid. Murati et Beck, remplacés précocement, symbolisent le manque d’envie des Dogues. Et le lendemain, à l’entraînement, l’Albanais subit de nouveau le courroux de son coach : il est viré de l’entraînement. Halilhodzic l’a compris : la trêve de Noël a démobilisé ses joueurs, et il faut désormais réagir, sans quoi de grosses désillusions s’annoncent. Il monte au créneau : « à Auxerre, on n’a pas vu le vrai LOSC. J’ai fait passer un message très fort, sinon on court à la catastrophe ».
La catastrophe n’aura pas lieu : face à une équipe en difficulté et prise dans le tourbillon de « l’affaire des faux passeports », le LOSC réagit et marque 3 buts sur coups de pied arrêtés en première période : d’abord sur un corner de Cheyrou repris par Bakari ; puis sur un coup-franc de Collot, titulaire pour a première fois de la saison, repris de la tête par le même Bakari ; et sur un corner de Collot et avec une certaine réussite, Cygan dévie plus ou moins volontairement une reprise manquée de Boutoille. Ça sourit tellement qu’en seconde période, même D’Amico marque, son premier but à Grimonprez-Jooris. 4 buts marqués en D1, c’était arrivé en août à Strasbourg. Mais pour retrouver trace d’une telle performance des Dogues à domicile, on doit faire un saut en arrière de presque 10 ans : le 24 mai 1991, pour la dernière journée de championnat, le LOSC battait Metz 4-1 (Buisine, doublé de Frandsen, Brisson).
Un résumé du match :
Et voici les buts sur Fréquence Nord :
Dagui Bakari 18e :
Dagui Bakari 27e :
Pascal Cygan 36e :
Fernando D’Amico 64e :
« Le LOSC renoue avec l’histoire » titre la Voix des sports : « samedi soir, c’est bel et bien un parfum de fierté teintée de nostalgie qui planait sur Grimonprez ». « On croit rêver, et pourtant les Lillois l’ont fait » : 16 mois après s’être englués à la 17e place de D2, Lille est premier de D1. Tous les soucis des précédents jours sont effacés. Bruno Cheyrou, sur deux des quatre buts, souligne qu’« il y a du panache dans cette victoire. Ces trois points ont complètement balayé notre début d’année. De plus, nous marquons 4 buts. Nous pouvons nous appuyer dessus. Les grandes équipes décantent la situation sur les coups de pied arrêtés. Cela nous est rarement arrivé cette saison. Cela va nous donner encore plus de confiance. Nous allons pouvoir travailler sereinement cette semaine ». Vahid Halilhodzic, dont les paroles ont porté, salue l’état d’esprit : « une heure avant le match, ils étaient tous là dans les vestiaires pour s’encourager, l’effectif pro au complet, y compris les blessés ».
Également, l’entraîneur souligne que « quand ils jouent comme ça, ils peuvent faire très mal à n’importe quelle équipe. Je suis vraiment content pour ce groupe qui a beaucoup travaillé et beaucoup souffert ». De la même manière, Grégory Wimbée insiste sur le « beau spectacle » produit, et Djezon Boutoille sur la « qualité » du match. Pourtant, les commentaires de la presse, y compris la presse régionale, insistent assez peu sur le jeu et s’en remettent à des catégories toutes faites qui, si elles ne sont pas sans fondement (elles sont d’ailleurs martelés par Vahid), laissent parfois penser qu’il n’y aurait que ça. Ainsi, la Voix des Sports écrit : « la preuve qu’avec du cœur et un véritable esprit club, on peut faire des miracles. Où s’arrêtera donc ce nouveau LOSC ? ». Or, le LOSC, en plus de s’appuyer sur une défense toujours aussi solide (comme en 1954), a pu s’appuyer sur une attaque inventive, où Dagui Bakari a crevé l’écran (il est crédité d’un 8/10 dans la VDS), et au sein de laquelle Bruno Cheyrou, avec sa touche technique, a une influence grandissante. Bref, Lille, ça joue au foot, et ce serait bien de le souligner aussi ! Même si ça fait plaisir et que, là aussi, il y a du vrai, la vision romantique d’un LOSC qui ne doit ses résultats qu’à ses valeurs morales et qui rejoue toutes les semaines David contre Goliath, est parfois vexante. À la sortie du stade, Michel Hidalgo déclare par exemple : « le passionné de football que je suis ne peut qu’être ravi de voir le LOSC prendre ainsi la tête. Parce que ce club, cette équipe, donnent une image rafraichissante d’un monde professionnel qui a besoin de revenir à plus de sagesse. Les Lillois incarnent de vraies valeurs : la solidarité, la complémentarité, l’abnégation. Des vertus de haut standing trop souvent sacrifiées au clinquant ailleurs, notamment dans les clubs à gros budget ».
Le danger qui guette les Lillois est désormais un danger que l’on affronte volontiers, quand on sait d’où on vient : il ne faut pas s’enflammer. Là encore, Vahid rappelle les limites : « tout le monde ici me connait bien maintenant, et chacun sait que je resterai toujours modeste dans mes déclarations. Je serai toujours le dernier à m’enflammer. Un succès historique ? Oui, on peut le dire comme ça, car le club attendait depuis tellement longtemps de vivre de tels moments. Mais savourons-les d’abord comme une récompense de notre travail. Pour la suite, je préfère ne pas me prononcer même si je sais qu’on est capables de faire quelque chose… ». Le capitaine Boutoille, lui, préfère encore évoquer le maintien, du moins en public : « je préfère pour l’instant ne pas parler de nos ambitions car il manque encore deux ou trois points pour définitivement assurer le maintien ». Bruno Cheyrou modère aussi les éventuelles ardeurs, en rappelant, comme le fait Pascal Cygan dans la vidéo au-dessus, qu’un derby se profile : « nous aurons l’air ridicule si nous revenons avec un 3-0 de l’enfer de Bollaert. S’il y a un match qu’il ne faut pas perdre, c’est bien ce derby. Les Lensois auront encore plus à cœur de nous battre. Ils sont invaincus à domicile. C’est un challenge. Si on ne perd pas et s’ils restent invaincus, je signe tout de suite. Avec Djezon, nous avions beaucoup parlé d’aller à Lens avec la place de leader. Nous nous déplacerons au stade Bollaert avec une certaine humilité. Nous sommes suffisamment costauds et intelligents pour ne pas nous enflammer ».
« Certains peuvent dire que c’est une surprise de nous retrouver en tête. Je pense que l’on a ce qu’on mérite, en bien ou en mal » selon Pascal Cygan. La « surprise » durera jusque début avril, moment où le LOSC cède son fauteuil aux Nantais, futurs champions. Lille ne fera donc pas comme Bordeaux (1950), Saint-Etienne (1964) et Monaco (1978) : décrocher le titre l’année suivant sa promotion en D1. On en aurait presque des regrets, tant on a le sentiment qu’il y avait la place. Ce nouveau LOSC peut bien s’offrir ce luxe : la Ligue des Champions comme lot de consolation.
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ultras lillois a dit:
Merci pour cette article
allez Lille
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Bastien a dit:
Quels magnifiques et précieux souvenirs… J’adore les audios de fréquence Nord. Merci beaucoup.