Posté le 31 mars 2021 - par dbclosc
Un retour en D1 sans ambivalence
L’issue de la saison ne faisait guère de doute depuis un moment mais, le 31 mars 2000, en battant Valence 4-1, le LOSC rejoint officiellement la D1. Et loin de l’image du club claudiquant, boitillant, ou franchement sur le point de se casser la gueule des années 1990, le promu est en excellente santé. La victoire contre Valence signe donc un retour en D1 sans ambivalence.
Après deux échecs dans ses tentatives de remonter en première division, le LOSC repart lors de l’été 1999 pour une troisième saison consécutive en D2. Très rapidement, l’équipe trouve ses marques et le championnat ressemble à un cavalier seul pour le LOSC. On a parlé de cette saison dans cet article, et nos entretiens avec Fernando D’Amico, Grégory Wimbée, Patrick Collot ou Djezon Boutoille y sont également largement revenus. Intéressons-nous spécifiquement au match qui confirme officiellement la remontée du LOSC : Lille/Valence, le 31 mars 2000.
Deuxième fête à venir
Avant le précédent match à Grimonprez (contre Caen le 10 mars), Vahid Halilhodzic avait déclaré qu’en cas de victoire, la montée serait acquise. Ça n’aurait pas encore été vrai mathématiquement mais, sauf catastrophe, 3 points contre les Normands rendaient cette hypothèse tout à fait raisonnable. Et à vrai dire, cette hypothèse est crédible depuis des mois. Depuis la fin de l’été, quand Lille caracolait déjà en tête du championnat ; et, pourquoi pas, depuis la fin du championnat précédent, que le LOSC avait terminé en trombe (deuxième équipe sur les matches retour, derrière Sedan), même s’il avait échoué à la différence de buts.
Le LOSC a battu Caen (3-2) ; et, puisque le coach l’avait décrété et avait donc autorisé la fête – ou peut-être voulait-il subtilement que le public fête son président pour sa dernière -, le LOSC était en D1 et le public avait envahi la pelouse. Fêter une remontée alors que l’hiver n’est pas terminé, voilà qui est probablement inédit. Mais il est annoncé qu’il y aura une autre fête : après un nul à Cannes (2-2), il ne manque désormais que 2 points aux Dogues pour assurer mathématiquement leur retour dans l’élite (voire 1 seul si on considère que la différence de buts entre Lille et Ajaccio, 4e, – + 25 contre 0 – vaut 1 point). Autrement dit, une victoire face à Valence, et c’est réglé.
Motivés jusqu’au bout
Les Lillois ne risquent-ils pas de terminer la saison en roue libre, avec une telle avance, et donc de laisser filer leurs derniers matches ? Pour Frédérik Viseux, il en est hors de question : « il reste huit rencontres et nous allons les jouer à fond. C’est une question d’éthique vis-à-vis de nos adversaires ». Rappelons au passage que la saison précédente, Saint-Etienne, largement en tête, avait battu Lille lors de la 30e journée (3-2), et avait ensuite signé 4 défaites et 4 nuls sur les 8 dernières journées. Autrement dit, les Verts n’avaient pas franchement joué le jeu jusqu’au bout, et avaient même « offert » 3 points à Sedan (qui a terminé 2 points devant Lille). Évitons donc de renouveler ce lamentable exemple. Fred poursuit : « pour le match contre Valence, la motivation vient d’elle-même, car nous avons un petit sentiment de rachat après le match nul à Cannes. Nous nous devons de réagir. Pour les dirigeants, pour les supporters, pour nous-mêmes, ce serait très bien de faire la fête dès vendredi. Pour l’instant, entre les joueurs, rien n’est prévu. Nous improviserons. Ensuite, il restera ce titre de champion de D2. Sur une carte de visite, c’est autre chose qu’une simple montée avec Sochaux1. Nous avons à cœur de prouver que nous n’avons rien volé. Les retrouvailles avec le public se sont scellées en fin de saison dernière, lors de l’ultime match à domicile, contre Sedan. Cette année, il y a eu encore quelques ratés, comme lors de notre défaite contre Sochaux ou du match difficile contre Niort. Ce serait bien de réussir une vraie fête ensemble. ». Un joueur qui s’excuse presque pour un nul à l’extérieur et pour une laborieuse victoire à domicile : quelque chose a changé dans ce club.
Une formalité
Lors du match aller, drômois et nordistes se sont séparés sur un score nul (2-2). Pour cette 31e journée de championnat, 13 582 personnes ont pris place à Grimonprez-Jooris. Les Valentinois, que l’on percevait comme devant faire une saison tranquille dans cette D2, sont très mal en point : ils ont 19e, à 8 points de la place de premier non-relégable. Autant dire que, dans ces conditions, on se demande si la Drôme adhère à un boss (Denis Zanko, l’entraîneur).
Sur le terrain, le LOSC n’est pas du tout inquiété, et ouvre logiquement le score juste avant la pause par Bakari (43e), qui coupe au premier poteau un centre de Momo Camara, de nouveau prêté par Le Havre au mercato d’hiver.
La présence d’Alain Raguel en face n’y fait rien : le LOSC double la mise grâce à une affreuse sortie du gardien de Valence qui, pressé par Bakari, renvoie sur Boutoille, qui marque de loin mais dans le but vide (2-0, 61e).
Devant une faible opposition, Viseux s’amuse à droite et sert Boutoille : à l’angle de la surface, il envoie un extérieur du pied droit qui termine dans le filet opposé, quel beau but, quel homme (3-0 68e) !
Dans la minute suivante, un petit relâchement qui a dû gâcher la soirée d’Halilhodzic permet à Valence de marquer par Correia (3-1, 69e). « Et on s’en fout ! Et on s’en fout ! » chante le public lillois. Pour l’égayer davantage, Eric Assadourian entre en jeu et est encore, toujours, chaleureusement applaudi (75e). à quelques minutes du terme, l’envahissement du terrain se prépare : quelques dizaines, centaines (?) des supporters, notamment du côté des DVE, sont déjà sur le bord de la pelouse, prêts à bondir pour fêter leurs héros. C’est ce qu’ils finissent par faire, mais un peu prématurément : à la 90e, Jean-Louis Valois se trouve côté gauche et envoie une frappe en angle fermé qui termine dans la lucarne (4-1). C’en est trop pour les impatients qui se jettent sur le buteur et interrompent le match quelques minutes (car ce n’est pas fini). Tout revient vite dans l’ordre.
Un match interrompu pour envahissement festif, on n’avait pas vu ça à Lille depuis 1985 et un match de coupe contre Bordeaux. En revanche, un match interrompu pour envahissement « hostile », c’était 11 mois auparavant, contre Amiens : « tout va très vite dans le football ».
Y a de la joie
Cette fois, c’est bon ! Lille retrouve officiellement la première division. La pelouse de Grimonprez est envahie. Quelques joueurs sont portés en triomphe, puis toute l’équipe salue le public depuis le bas de la tribune « Officielle ». Halilhodzic et Dréossi terminent dans la piscine du vestiaire, qui n’avait pas dû servir de lieu de fête depuis un Lille-Lyon de 1996. Pour quelques 300 supporters, la fête se poursuit sur la Grand’Place, où on retrouve « Nicolas, de Marquette » , qui estime que, comme le LOSC est trop fort, la fête manque de spontanéité : « la saison a été tellement exceptionnelle que le suspense a été tué trop vite. Cette accession n’a été une surprise pour personne et du coup il n’y a pas l’euphorie qu’il y aurait pu y avoir si tout s’était joué le dernier soir ».
Il y a de la joie chez les Lillois. Que l’on regarde les propos rapportés par la Voix du Nord ou par le Magazine du LOSC de mars 2000, on souligne, outre les excellents résultats – un record à l’époque – le lien retrouvé entre le LOSC et son public : « on a gagné une grande bataille, on a nos supporters ! Auparavant on se moquait du club. C’était un éternel sujet de rigolade. Aujourd’hui, on le respecte. On retrouve du plaisir à son contact. Notre plus belle victoire est là » (Halilhodzic) ; « s’il ne fallait retenir que deux choses de cette saison, c’est d’abord que nous avons un groupe fantastique et ensuite que le club a réussi à se réconcilier avec son public » (Dréossi) ; « une vraie amitié nous unit » (Wimbée) ; « cette saison est fantastique » (Viseux).
Sur de bons rails
« Je souhaite de tout cœur bon vent au futur LOSC » déclare le désormais ex-président Lecomte. Sous la présidence Lecomte, il s’est fortement professionnalisé et a, semble-t-il, placé les bonnes personnes aux bons endroits. Outre Pierre Dréossi, citons :
Jean-Charles Canonne, président de l’association LOSC, qui définit et met en oeuvre la politique de pré-formation et de formation, la politique sociale ainsi que le partenariat avec les clubs de la métropole et de la région.
Philippe Lambert, préparateur physique ;
Jean-Michel Vandamme, responsable de la pré-formation et de la formation ;
Jean-Noël Dusé, entraîneur des moins de 17 ans et, avec son épouse, en charge du centre de formation ;
Rachid Chihab, entraineur des moins de 15 ans ;
Eric Guérit, entraîneur de la CFA ;
Michel Robillard, entraîneur de la PH ;
Jean Paul Delporte, chargé des relations avec les clubs partenaires.
Notons aussi que, cette saison-là, le LOSC atteint la finale de la coupe Gambardella, un an après en avoir été éliminé en demi-finale ; Maton et Delpierre sont sélectionnés équipe de France des moins de 18 ; Coque et Moussilou en moins de 17.
En outre, depuis quelques années, le LOSC s’est rendu visible, sous l’action notamment de Michèle Lecomte : on se rappelle les campagnes d’affichage en ville inaugurés dès la saison 1997/1998 avec le portrait de Jean-Marie Aubry, la mise en place d’une boutique à Euralille (jusque janvier 2000) avec la venue régulière de joueurs ; ou cette année, le retour d’un mensuel – de qualité – distribué gratuitement au stade, en plus de l’habituelle feuille de match. En D2, le LOSC a, à chaque saison, battu son record d’abonnés, pour arriver à 3 600 en cette saison 1999/2000.
Derrière Vahid
Sur le terrain de l’équipe première, le travail d’Halilhodzic est unanimement reconnu. Ce LOSC-ci a le luxe de pouvoir préparer la saison prochaine de façon très précoce. L’entraîneur dresse donc une feuille de route et prévoit quelques ajustements au niveau de l’effectif : « le cycle de la Division 2 se termine plus tôt que prévu. Il faut se préparer à en aborder un autre qui n’a rien à voir avec le précédent. Mis à part Sedan, qui évolue dans un contexte particulier -une petite ville et un petit stade – et dont on ne sait pas si la spirale de succès assez extraordinaire va durer, les deux autres promus de l’an dernier, Troyes et Saint-Etienne, sont à la peine. De même que Nancy, monté l’année précédente. Si l’on revient un peu plus loin en arrière, Lorient et Sochaux ne sont pas restés longtemps en D1. C’est pourquoi je dis que notre objectif, après la montée, sera d’abord le maintien (…) La D1, c’est plus ma spécialité. Pour ma part, en tant qu’entraîneur, je sais que l’équipe doit se renforcer. Dans toutes les lignes, il nous faut un apport d’expérience et de qualité technique. Je suis conscient que notre volume de jeu actuel est insuffisant pour la 1e division. Et il faut savoir que ceux qui peuvent nous donner un plus dans ce domaine coûtent cher. À mon sens, pour la saison prochaine, un groupe de 23 ou 24 joueurs professionnels est nécessaire, auquel il convient d’ajouter 3 gardiens. Dans cet effectif, chacun doit pouvoir apporter à tout moment sa contribution ».
Vahid en profite aussi pour mettre la pression aux nouveaux dirigeants : « je ne suis pas le Père Noël, ni le représentant d’une œuvre sociale. Quotidiennement, je dois faire des choix. Exigeant, je le suis. À ce niveau, l’improvisation se paie cash. Je l’ai dit aux nouveaux propriétaires. J’ai une vision sur 4 ans avec des étapes de transition visant à réinstaller le club en D1, à lui éviter les dégâts d’une nouvelle dégringolade ; puis à le faire évoluer. L’argent devra suivre. L’amélioration de nos installations aussi car le stade fait partie de nos ambitions. Jusqu’ici, rien de concret n’est vraiment conclu. Pour voir plus haut et avoir d’autres ambitions, il faudra attendre et prendre les moyens appropriés. On ne devient pas un grand club du jour au lendemain ».
Pendant que ça bosse en coulisses, les joueurs se réjouissent d’avoir encore 7 matches à jouer pour le plaisir. Et, pour ceux qui ont connu la D1 avant la descente, comme Pascal Cygan, la satisfaction est d’autant plus grande : « voilà, j’ai remis le club où je l’avais laissé en arrivant. C’est bien. Mais ce n’est pas un exploit… Le plus dur, ce sera la saison prochaine, et l’exploit, ce serait de se qualifier pour une coupe d’Europe ! ».
Un résumé de Lille/Valence, et bien plus :
1 Ce n’est pas une attaque gratuite contre Sochaux : Fred Viseux était l’arrière droit du FCSM en 97/98, l’année où les Doubistes ont fini troisièmes, un point devant Lille. Que de souvenirs !
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