Archiver pour avril 2021
Posté le 24 avril 2021 - par dbclosc
Gerland, 2001 : le complot se taille la part du Lyon
Lors du premiers tiers de saison 2001/2002, le LOSC allie parfaitement D1 et coupe d’Europe ; c’en est trop pour les forces du complot : le 4 novembre 2001, lors de la 13e journée, le LOSC chute pour la première fois en championnat à Lyon. Le match bascule juste avant la pause à l’aide de deux décisions arbitrales aux fâcheuses conséquences.
En battant Metz (2-0) à Grimonprez-Jooris lors de la 12e journée du championnat, le LOSC confirme qu’il faudra de nouveau compter avec lui lors de cette saison 2001/2002. Dans la continuité de la saison précédente à l’issue de laquelle le club, seulement promu, est parvenu à se qualifier pour le tour préliminaire de Ligue des Champions, Lille est de nouveau dans le haut du tableau, avec un statut qui n’est plus celui de trouble-fête, mais de candidat raisonnable à l’Europe.
Lille au top
En 12 matches, le LOSC compte 7 victoires et 5 nuls ; il a tout gagné à domicile (dont 3 fois au bout du temps additionnel) et ramène 1 point de chaque déplacement (hormis à Troyes ou, dans des circonstances heureuses, les Dogues en ont ramené 3). Les Dogues s’appuient sur ce qui était déjà leur point fort en 2000/2001 : une défense de fer, qui n’a jusqu’alors encaissé que 5 buts. L’attaque, quant à elle, est moins en vue (14 buts marqués, ce qui en fait la 8e du championnat), mais il faut dire qu’elle ne se manifeste qu’en seconde période : contre Metz (12e journée donc), c’est la première fois que le LOSC marquait en première période ! Grâce à ce beau parcours, les Lillois sont deuxièmes du championnat (ils ont été en tête au soir de la 10e journée), seulement devancés par leur voisin lensois.
Parallèlement, le LOSC a fait bonne figure en Ligue des Champions : après avoir éliminé Parme à la surprise générale (ici et là), il a terminé 3e d’une poule relevée, derrière la Corogne et Manchester, et devant Olympiakos. Ne perdant que 2 fois, et seulement par un seul but d’écart, Lille est donc reversé en coupe de l’UEFA, grâce à un nul dans la semaine contre Manchester (1-1). Depuis que cette édition de la Ligue des Champions a commencé (le 18 septembre pour Lille), Lille a marqué 17 points sur 21 possibles en championnat : c’est la meilleure performance d’un club français depuis la présente formule, qui date de 1994. Pour une première, c’est une belle réussite ! Pour Stéphane Pichot, « nous avons plutôt bien soutenu le rythme. Et nous avons presque toujours mieux terminé les matches que nos adversaires. Ces 8 matches de Ligue des Champions nous ont apporté énormément. Dans le jeu, mais également dans la confiance. Le match de mercredi contre Manchester, nous l’avons abordé avec beaucoup moins d’appréhension que le premier à Parme ».
Lyon ne rugit pas encore
Ce beau parcours en championnat couplé à une 3e place dans son groupe de Ligue des Champions est à peu de choses similaire à celui de Lyon. Comme les Lillois, les Lyonnais sont dans le haut du classement (4e), et continueront l’aventure européenne en coupe de l’UEFA après avoir été éliminés de la Ligue des Champions. Mais ce parcours a un goût bien différent : Lyon est tout de même à 5 points des Lillois, et est éliminé de la Champions League (devancé par Barcelone et Leverkusen) alors qu’il avait affiché l’ambition d’en atteindre les quarts de finale. Autrement dit, les deux clubs ne viennent pas du même endroit et n’ont pas les mêmes ambitions, et c’est notamment à l’aune de ces deux aspects qu’on peut juger les performances de l’un et l’autre. Pour le LOSC, moribond pendant quatre décennies, c’est l’ascension et l’émerveillement permanents depuis l’arrivée de Vahid Halilhodzic : l’équipe performe bien au-delà des espérances, semble hermétique à la pression, et paraît repousser ses limites à mesure que passent les semaines. En revanche, si les performances lyonnaises sont proches (et même meilleurs si on se fie au précédent classement : Lyon a fini 2e en 2000/2001), celles-ci sont moins appréciées – et même considérées comme insuffisantes – tant le club a investi depuis quelques saisons. Hormis un premier trophée enfin remporté au printemps (la Coupe de la Ligue), la balance entre les investissements financiers et les bénéfices sportifs est encore déficitaire. Avec le premier budget de France, estimé entre 500 et 600 MF, et le recrutement de joueurs de premier plan, souvent onéreux (Anderson et Vairelles en 1999 ; Marlet, Edmilson, Foé en 2000 ; Carrière, Juninho, Née et Luyindula lors du dernier mercato), Lyon est en-deça de ses objectifs et tarde à passer un palier en dépit de son potentiel : « c’est un peu comme si une Jaguar patinait pour passer la cinquième » résume L’Humanité, avant le match contre Lille.
Mais Jean-Michel Aulas, rompu à la communication moderne, trouve de quoi positiver : « notre sortie de la Ligue des Champions n’est pas vraiment un coup d’arrêt. Cependant elle nous impose de réussir un beau parcours en coupe de l’ UEFA et de franchir au moins 3 tours. Et puis on retient plus facilement le nom du vainqueur de la coupe de l’UEFA que ceux des quarts de finaliste de la Ligue des champions » ;« On se console comme on peut » commente la Voix du Nord, très moqueuse.
L’invincibilité lilloise en jeu
Ce choc entre le 4e et le 2e, retransmis sur Canal +, clôt la 13e journée de D1 avant une trêve de 15 jours. Lyon a donc tout intérêt à recoller au sommet du championnat sous peine de devoir retarder d’encore au moins une saison ses envies de titre national. L’OL reste sur trois matchs sans victoire (2-2 contre Paris, 1-1 contre Sochaux et défaite 1-0 à Monaco). Pour le Lyonnais Christophe Delmotte, « nous ne pouvons plus perdre de temps en championnat. Nous sommes quand même à 6 points du leader lensois et à 5 du LOSC. Briser l’invincibilité lilloise est quasiment une obligation pour nous ». Grégory Coupet, le gardien de Lyon, met l’accent sur la capacité à rebondir après quelques matches moyens (Lyon était 1er au soir de la 9e journée) : « nous sortons d’un mois d’octobre difficile et j’espère que novembre sera meilleur. Notre victoire à Leverkusen, mardi, nous a donné un peu de baume au coeur. L’ambiance est moins morose même si nous savons que Lille est un adversaire rigoureux et intransigeant. Les Lillois reçoivent souvent des petits coups de pouce du destin, mais ils savent provoquer la chance. Nous devrons montrer du courage, de la volonté, mais aussi de la patience. Ce sera un match du niveau de la Ligue des Champions qui se jouera à peu de choses ». Pour ce match, l’OL est privé de cinq joueurs majeurs : Foé, Caçapa, Anderson (blessés) Edmilson (en sélection) et Marlet (suspendu).
Du côté lillois, ça va plutôt bien, écrivions-nous : 2e place, invincibilité, meilleure défense, 7 buteurs différents. Avant les matches de coupe d’Europe, Halilhodzic se permet de faire souffler quelques-uns de ses titulaires (notamment Br. Cheyrou et Bakari), ce qui permet à Murati et Beck d’avoir un temps de jeu non négligeable. Cependant, Bakari s’est blessé au Pirée (et au mollet) et est indisponible depuis 3 semaines. On note aussi les absences de Murati (cervicales) et d’Olufadé (luxation de l’épaule). Malgré ces absences, Lille se présente plutôt en position de force car il a moins à perdre que son adversaire du soir. Selon Stéphane Pichot, « le championnat reste la grande priorité. Nous n’avons pas le droit de lâcher maintenant alors que nous avons si bien démarré. Rester invaincus représente une motivation supplémentaire ». En championnat, Lille n’a pas perdu depuis la réception… de Lyon, en avril 2001 (1-2). En plus de chercher à maintenir leur invincibilité, les Lillois ont un autre objectif : dans la mesure où, dans l’après-midi, Auxerre a perdu et Lens a fait match nul, ils peuvent aussi reprendre la tête du championnat.
Mais l’affaire du moment, c’est la nouvelle brouille entre Cygan et Halilhodzic, épisode récurrent depuis quelques mois tant le joueur exprime ses envies d’ailleurs. En voici la raison : 15 jours auparavant, le LOSC se déplaçait à Marseille. Durant le match, Cygan se blesse à l’arcade sourcilière droite et reçoit quatre points de suture. De son avis, il ne peut pas poursuivre le match, mais Vahid refuse de le sortir. Mécontent, Cygan se plaint dans la presse et refuse de jouer à la Corogne 3 jours plus tard, le mercredi 25 octobre. En représailles, Vahid le prive de Lille/Metz et envoie son défenseur en CFA. Il a fait son retour dans la semaine pour le match contre Manchester, et est de nouveau aligné pour ce match à Lyon. On ne sait pas s’il y a un lien de cause à effet, mais Vahid Halilhodzic a eu un accident de voiture la veille du match, qui a un peu abîmé son front et l’oblige à porter une minerve.
Lille avait gagné à Gerland l’an dernier (0-1, but de Landrin). Au vu de l’état de forme de son équipe (c’est le 8e match en 25 jours), des blessés et de la qualité de l’adversaire, Halilhodzic présente un LOSC en configuration « Parme » : 5 arrières, et un seul attaquant de pointe.
Wimbée ;
Pichot, Fahmi, Cygan, Ecker, Tafforeau ;
D’Amico, N’Diaye, Landrin, Br. Cheyrou ;
Beck
Du côté lyonnais :
Coupet ;
Delflandre, Laville, Müller, Bréchet ;
Violeau, Juninho, Delmotte, Carrière ;
Govou, Luyindula
Lyon dominateur, Lille efficace
Les premières minutes du match illustrent les intentions des deux équipes : Lyon attaque fort, et Lille défend sans s’interdire une incursion dans le camp adverse. Cygan intervient à propos juste devant la surface (6e), Wimbée sort autoritairement (7e), puis Luyindula manque sa volée dans la surface (8e) avant que Delmotte ne soit contré dans les 6 mètres par Pichot (9e)… Les Lillois sortent indemnes d’un premier quart d’heure très enlevé. Il faut attendre une vingtaine de minutes pour que Cheyrou et Landrin ne tentent quelque chose dans la surface adverse. Comme à son habitude, Lille peut subir sans craquer et donne le sentiment de pouvoir faire mouche en contre à tout moment. C’est au moment où le match est équilibré que les Lyonnais vont ouvrir le score : à la suite d’un beau travail de Delmotte côté gauche, Sydney Govou se retrouve bien seul au point de pénalty et, bien qu’il manque son contrôle, il parvient à tourner sur lui même sans être attaqué pour récupérer la balle et frapper : poteau rentrant.
Le LOSC n’a pas vraiment le temps de s’inquiéter : quasiment sur l’engagement, Bruno Cheyrou est lancé sur le côté gauche par Tafforeau. Il centre vers Mikkel Beck qui est devancé par la tête de Jérémie Bréchet, qui marque un bien joli but contre son camp. Comme à son habitude, dès qu’il a l’impression de ne pas pouvoir atteindre la balle, Coupet ne tente rien et regarde ailleurs comme si tout était perdu. Merci Greg, tu fais quoi le 14 mai 2011 ?
Une dizaine de minutes plus tard, Lille attaque. Au départ, les Lillois font semblant d’être pris, reculent, dribblent dans des zones dangereuses ; le bloc adverse remonte ; et une fois que le bloc adverse est trop haut, on balance un grand coup vers l’avant au petit bonheur la chance qui atterrit sur un attaquant : « ça tactique Vahid ». Plus sérieusement, Tafforeau se sort très bien d’une situation périlleuse, son dégagement trouve Beck qui remise en retrait vers D’Amico, qui lance Cheyrou à gauche, et tout ça en une touche de balle. Bruno prend le meilleur sur Laville, qui le fauche : coup-franc et carton jaune. Le pied gauche du 28 lillois trouve aux 6 mètres la tête de Fahmi. Lille mène 2-1 : sans que ce ne soit immérité, on peut dire que le LOSC se montre très réaliste.
Le tournant
Dans la continuité, nous entrons dans les minutes décisives du match. Comme depuis le début du match, Eric Carrière est empêtré dans le milieu de terrain lillois, au prix de quelques fautes. Sylvain N’Diaye a déjà été averti lorsqu’il est en retard sur le Lyonnais. Ce croche-pied vaut au lillois un second avertissement. Même si N’Diaye n’a agressé personne, la multiplication de ses fautes aboutit à un carton rouge qu’on peut considérer comme logique. Lille va devoir jouer plus d’une mi-temps en infériorité numérique. Sur le coup-franc, le ballon se retrouve côté gauche de la défense lilloise, dans les pieds de Grégory Tafforeau. Surgit alors violemment Florent Laville, qui certes attrape le ballon mais pas que, donnent ainsi l’impression de ne pas du tout maîtriser son geste. L’arbitre ne siffle pas faute, alors qu’on aurait pu considérer qu’a minima, ça valait carton jaune (et Laville a déjà été averti sur la faute qui a amené le but de Fahmi). Or, Laville reste donc sur le terrain, et Tafforeau, touché à la cheville, sort se faire soigner sur le bord du terrain jusqu’à la pause. Voilà donc les Lillois à 9 contre 11.
La suite est prévisible : Lyon joue son va-tout avant la pause, et attaque par le côté où les Lillois sont affaiblis. Violeau est bien positionné dans la surface mais envoie un ballon inoffensif entre la passe et le tir. Pichot, qui passe par là, lève les bras et oublie qu’il a des genoux : l’un d’eux envoie malencontreusement le ballon dans le but. À la pause, le score est de 2-2 : un score logique, mais les Lillois ont de quoi pester sur les circonstances de l’égalisation, tant l’expulsion de N’Diaye aurait dû être suivie de celle de Laville, ce qui aurait permis aux Dogues de conserver leur avance tout en étant en égalité numérique avec leurs adversaires.
Pas de changement à la pause. En seconde période, le LOSC pense surtout à défendre et ne concède que peu d’occasions. La plus chaude est cette frappe de Luyindula, dont Wimbée s’empare superbement au sol (54e).
Mais par la suite, et alors que Lyon joue son va-tout en remplaçant Laville par le nouveau, Née (57e), l’OL semble incapable de mettre à mal la défense lilloise, en dépit de sa légère domination territoriale. Les Lillois restent calmes et, somme toute, donnent le tempo du match, en jouant sur la largeur du terrain tout en maintenant la défense lyonnaise en éveil. Ainsi, Beck est proche d’aller au bout d’un contre (68e). Mais les Lyonnais ont des ressources : à la 76e, sur un nouveau centre venu de la gauche, Govou, au second poteau, contrôle et frappe. Le tir, dévié par le talon de Johnny Ecker, lobe Grégory Wimbée. Pas de chance pour les Lillois, qui résistaient fort bien.
Vahid Halilhodzic joue alors le tout pour le tout : Bassir et Boutoille remplacent Beck et Landrin. Et Lille s’installe dans le camp lyonnais ! Comme à leur habitude, les Lillois mettent une pression maximale dans le dernier quart d’heure, obtenant des coups-francs et des corners, mais systématiquement dégagés par la défense de Lyon. C’est dans le jeu que les Lillois sont proches d’égaliser, avec Bassir devancé par Coupet (81e). Un coup-franc de Johnny Ecker fait passer des frissons dans le public (90e). Mais finalement, c’est le LOSC qui se fait prendre en contre sur une dernière action conclue par Violeau (4-2, 90e+2).
« Il fallait bien que ça arrive un jour » écrit la Voix des Sports au lendemain de cette première défaite lilloise. Lille tombe, notamment à cause d’un Sydney Govou « intenable » et d’un Christophe Delmotte « inépuisable ». En apparence, le coup est rude puisque les Dogues encaissent en un seul match presque autant de buts qu’ils n’en avaient encaissés lors des 12 précédents. Mais la presse régionale souligne la bonne prestation des Dogues qui ont « fièrement lutté » en infériorité numérique. Personne n’a vraiment démérité, et si Lille a parfois souffert au milieu, comme en témoigne l’expulsion précoce de Sylvain N’Diaye, il a malgré tout montré sa capacité à s’adapter aux circonstances et à être suffisamment solide pour ne pas s’effondrer face à un adversaire d’un tel calibre. Et, pour une fois, la chance n’a pas servi le LOSC. Et on salue aussi la bonne tenue des Lillois qui, face aux micros et aux caméras, n’en rajoutent pas sur l’arbitrage. Du moins… quand ils veulent bien s’exprimer ! Vahid Halilhodzic, lui, ne se présente pas devant la presse et, selon la Voix des Sports, ressasse une « défaite au goût amer qu’il met sur le compte, selon ceux qui l’ont côtoyé dans les vestiaires, d’un arbitrage à deux vitesses très défavorable à son équipe. Il ne souhaitait pas, affirment ses proches, croiser la route de Jean-Michel Aulas, le président lyonnais, qu’il aurait certainement accusé d’influencer les arbitres ». De manière générale, la Voix du Nord rapporte aussi que les « dirigeants, entraîneurs et joueurs lillois étaient très remontés contre Bertrand Layec ». C’est ce qu’on peut retrouver dans la réaction à chaud de Stéphane Pichot :
Si tout le monde s’accorde donc pour souligner « une expulsion qui a tout changé » (Wimbée) et le caractère discutable des circonstances du deuxième but lyonnais, les joueurs du LOSC n’insistent pas outre mesure sur l’ambiance du match (« ce match n’a pas été violent mais plutôt chaud. Comme le sont très souvent les sommets du championnat », Br. Cheyrou) et préfèrent parler long terme, comme Grégory Wimbée : « cette défaite est un coup d’arrêt, mais elle ne remet rien en question. Il reste encore beaucoup de rencontres, et puis nous ne jouons pas le titre, contrairement à des équipes comme Paris, Lyon ou Lens, qui ont de gros moyens ». Même tonalité chez Pascal Cygan : « jouer aussi longtemps à 10 c’est éprouvant. Cette défaite ne remet rien en cause puisque nous sommes en avance par rapport à la saison dernière. À onze contre onze, ce match n’aurait déjà pas été facile, alors… ». Il souligne également des erreurs défensives : « n’oublions pas que nous avons fait des fautes de marquage sur les 4 buts lyonnais ».
Le LOSC poursuit sa saison de manière correcte, oscillant entre la 3e et la 6e place : à la sortie de l’hiver, une belle série le place sur les talons des Lyonnais, qui chutent d’ailleurs à Grimonprez-Jooris (0-2) au soir de la 29e journée. A ce moment-là, il reste 5 matches et Lille n’est qu’à 2 points de l’OL, lui-même à 6 points du leader lensois. Mais le LOSC , en fin de cycle, se préparant au départ de Vahid, ne peut suivre la cadence et termine à la 5e place. Les Lyonnais, quant à eux, profitent de trop nombreux points perdus par les Lensois pour les coiffer sur le fil et remporter leur premier titre de champions de France, au détriment des Sang & Or. Alors si cette défaite a contribué ce dénouement, on l’accepte.
Toutes les vidéos de cet article (et un peu plus) sont compilées dans celle-ci :
Posté le 19 avril 2021 - par dbclosc
David Garcion, le préjudice du doute
En avril 1997, on apprend que le footballeur du LOSC David Garcion a été contrôlé positif aux anabolisants. En l’absence d’aveux du joueur et compte tenu des imprécisions autour de la lutte antidopage et de sa méthode, il reste difficile de déterminer la vérité sur cette affaire. Mais très concrètement, après cet épisode, la carrière du joueur sera bien loin des espoirs que ses 8 mois sous le maillot des Dogues avaient laissé entrevoir.
20 décembre 1996 : au stade du Ray, les Dogues, menés à partir de la 15e minute, parviennent à égaliser à la 58e minute grâce à Roger Hitoto, qui reprend dans le but vide un coup-franc lointain de David Garcion qui avait terminé sur le poteau gauche de Bruno Valencony. Le score en reste là et, grâce à ce point supplémentaire, le LOSC termine l’année civile avec 29 points en 23 matches, un total bien au-dessus des standards des précédentes saisons qui, en dépit d’une baisse de régime depuis quelques semaines, semble enfin annoncer un maintien tranquille. Mais la trêve hivernale, au-delà de ses apparences paisibles, apporte deux nouvelles qui vont contribuer à pourrir la fin de saison du LOSC, et qui concernent les deux principaux protagonistes du dernier but lillois de l’année 1996. En effet, en plus de la grave blessure de Roger Hitoto en sélection, David Garcion, à l’issue de ce match, est contrôlé positif aux anabolisants, et plus particulièrement à la nandrolone : c’est la première fois qu’un tel résultat est médiatisé dans l’histoire du football.
18 mois de suspension
La nouvelle est rendue publique le 3 avril 1997, en même temps que l’annonce d’un contrôle positif de Bernard Lama au cannabis : David Garcion est suspendu par la commission médicale de la ligue nationale à 18 mois de suspension, dont 9 ferme : une sévérité là aussi inédite dans le football, qui peut précisément s’expliquer par l’absence de jurisprudence dans ce sport, et qui du coup s’approche des 2 ans de suspension appliqués en pareil cas dans l’athlétisme (c’est la même substance par laquelle Ben Johnson a été condamné à 2 ans de suspension après les jeux de Séoul en 1988). Le joueur et le club avaient été informés du résultat positif du contrôle dès janvier par les instances fédérales puis, dans le secret, les choses allaient alors suivre leur cours : David Garcion demande une contre-expertise, qui s’avère elle aussi positive ; puis, à titre privé, un mois plus tard, il fait procéder, par le même laboratoire, à une nouvelle expertise, cette fois-ci négative. Mais ce dernier résultat semble n’avoir eu aucun poids dans la décision de la Ligue. Dans l’immédiat, le joueur et le LOSC ont fait appel, et l’appel est suspensif ce qui veut dire, attention c’est compliqué, que la suspension est suspendue. Cependant, Garcion ne sera pas du déplacement à Monaco le 4 avril car il est suspendu pour cause d’accumulations de cartons jaunes. Résumons donc : la suspension est suspendue, mais en attendant il est suspendu (tout en étant suspendu à la décision de l’appel).
UMP : Une Merde de Plus
Depuis quelques mois, la chute du LOSC est aussi spectaculaire que le premier tiers de saison avait été réjouissant. Bien mal embarqué en championnat, le club vient de se séparer de son entraîneur après une défaite à Grimonprez-Jooris contre Montpellier (0-4). Entre cette dégringolade au classement, les blessures (Hitoto, Becanovic, Aubry), les buts cons, le LOSC se retrouve au coeur d’une tourmente dont il se serait bien passé. Mais comme le disait Jacques Chirac, qui s’apprête à annoncer une mémorable dissolution, « la merde, ça vole toujours en escadrille », et voilà donc que l’un de ses meilleurs joueurs va désormais devoir gérer une grosse pression et passer beaucoup de temps et d’énergie à se défendre. Et, comme cela traîne depuis janvier, on suppose que Garcion a pu avoir l’esprit ailleurs depuis 3 mois, même si ça ne s’est pas spécialement ressenti sur le terrain. Car rappelons à quel point David Garcion a marqué les esprits lors de son arrivée au LOSC, incarnant sans doute le mieux le début de saison virevoltant des Dogues. Prêté par Nantes pour la saison 1996-1997, il est arrivé sur la pointe des pieds, ne comptant que 16 apparitions en D1 avec les Canaris (dont seulement 4 titularisations). Relativement inconnu, il était même difficile de l’imaginer titulaire, mais il a rapidement fait preuves de qualités rarement vues du côté de Lille depuis quelques saisons : rapidité, qualité technique, capacité à dribbler, explosivité, et grosse frappe de balle. Sur ce très bref résumé du premier match de la saison contre Metz, on le voit très à l’aise sur une action, et un peu moins en interview :
Fait rarissime : il obtient la note de 6/6 dans France Football après sa prestation contre Rennes en août 1996. Par la suite, il avait notamment inscrit un but formidable à Montpellier d’une frappe de 30 mètres après quelques secondes de jeu (son premier but en D1, et son deuxième but en pro, après un but marqué avec Nantes en coupe de la Ligue sur cette même pelouse), et était devenu un titulaire indiscutable dont on ne doutait pas que l’avenir, à Nantes ou ailleurs, serait brillant. Offensivement, le LOSC présentait un visage très séduisant qui a ravi le public pendant 4 mois, et si on retient surtout Becanovic parce qu’il était le buteur, David Garcion était probablement le joueur le plus spectaculaire.
Après avoir dribblé un rennais, David Garcion s’apprête à sauter un élastique astucieusement placé par les Bretons
Une affaire stupéfiante
L’affaire fait d’autant plus de bruit qu’elle est a priori bien plus grave que la chasse aux « fumeurs de joints », déclenchée à l’hiver 1995-1996, et qui avait, entre autres, touché un de nos ex (Oumar Dieng, PSG) et un de nos futurs (Gilles *32 points au scrabble* Hampartzoumian, Cannes). Avec la découverte de nandrolone chez un joueur de football, on passe un cap dans la recherche de performance. Selon les spécialistes, la nandrolone, comme tous les anabolisants, augmente la masse musculaire, et donc la puissance, et permet ainsi de supporter des charges de travail plus lourdes, en facilitant la récupération. Surtout, et toujours a priori, on ne trouve ce produit en France que sous forme d’injection intramusculaire, ce qui semble difficile à recevoir à son insu. En revanche, avaler des comprimés – interdits en France mais en circulation en Belgique – paraît bien plus plausible. Le tout est alors de déterminer, si cette hypothèse se vérifiait, si la consommation a été volontaire ou résulte d’un acte malveillant. Dans Libération, Patrick Laure, médecin et spécialiste de la lutte antidopage, déclare qu’« on ne peut pas être contrôlé positif à la nandrolone avec un produit en vente libre en France. On est donc positif à la nandrolone avec des produits vendus sous le manteau ». Jacques de Ceaurriz, directeur du laboratoire antidopage, affirme dans le même journal qu’« un marché parallèle se développe. Des produits, souvent américains, vitaminiques ou nutritionnels qui contiennent des anabolisants. Il y a une démarche des sportifs ou de leur entourage, mais cette démarche est inavouable ».
Une première, vraiment ?
On retient souvent de David Garcion qu’il est le premier joueur à avoir été « pris » et condamné pour après un contrôle positif aux anabolisants. Comme nous l’avons écrit plus haut, il est plus juste d’affirmer que David Garcion est le premier footballeur dont les mésaventures avec ce produit sont médiatisées. Nous nous appuyons notamment sur un article du Monde d’avril 1997 qui avance cette hypothèse, en soulignant : « en 1995, 284 cas de contrôles positifs ont été enregistrés par le laboratoire central de dépistage de Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine), dirigé par Jean-Pierre Lafarge. Une indiscrétion avait révélé, en novembre de la même année, le cas du gardien international de l’AS Monaco Fabien Barthez et d’une poignée d’autres joueurs, coupables d’avoir consommé du cannabis. Encore cette drogue bénéficie-t-elle de l’indulgence de la société. La loi du silence est plus forte pour les autres produits interdits. Une large majorité des sportifs incriminés a donc purgé sa suspension dans la plus grande discrétion, le plus souvent sous couvert de blessures fallacieuses. Dès lors, rien ne certifie que David Garcion soit réellement le premier joueur soupçonné d’avoir usé d’anabolisants : il s’agit seulement du premier exemple qui ait été révélé. Les fédérations invoquent le respect de l’athlète pour justifier ce secret. Légitime souci. Mais ce jeu de cache-cache malsain conduit à donner plus d’écho aux quelques cas sortis de l’ombre. David Garcion, Bernard Lama ou Fabien Barthez pourront estimer payer, en termes de notoriété, pour ceux qui échappent à toute publicité. La dissimulation accrédite également l’idée que les instances sportives cherchent à couvrir la pratique du dopage« . Le journal La Croix donne la parole à Jean-Daniel Escande, ancien président de la Commission nationale de lutte contre le dopage et… médecin au LOSC : « est-ce qu’on a vraiment pris le seul footballeur qui se dopait ? J’ai surtout l’impression que l’on jette le nom de Garcion en pâture et que c’est un peu l’arbre qui cache la forêt« . Le quotidien rappelle quelques affaires troubles, comme les cas de Diego Maradona, suspendu en 1994 pour usage d’un « stimulant », du Belge Luc De Rijck, mort en 1991 d’une manipulation sanguine, de l’Ecossais Willie Johnston, exclu de la Coupe du monde 1978, et la « mascarade » de 1988 où « deux joueurs marseillais avaient alors échappé à un contrôle antidopage en trafiquant maillots et feuille de match. David Garcion, lui, a tiré le mauvais numéro.«
Un joueur et un sport bien chargés (par la Voix du Nord)
On le voit, les premières réactions chargent David Garcion et semblent invalider les arguments des « dopés de bonne foi ». Dans le rôle du procureur-moralisateur, la Voix du Nord prend les devants, en prenant pour acquise la culpabilité de Garcion et en tentant de déterminer le moment où il aurait pris le produit incriminé. En l’occurrence, en soulignant qu’il faut environ 6 mois pour que les traces de la nandrolone disparaissent totalement, la VDN pose l’hypothèse que David Garcion aurait pu y recourir au moment de l’intersaison, quand il naviguait entre Nantes, Lille, le stage de préparation des Dogues en Corse et le bataillon de Joinville (c’est une année de service militaire pour Garcion, qui fait partie de la dernière génération de sa version obligatoire) : « de là à penser que le lillois souhaitait mettre tous les atouts pour entamer brillamment la saison, il n’y a qu’un pas… ». Classe ! La VDN rappelle les risques d’une telle consommation pour la santé : « diminution des globules blancs et des défenses immunitaires, vulnérabilité pulmonaire, cancer ».
L’affaire réveille chez le quotidien du Nord des reproches contre un sport qui ne « s’est jamais senti concerné par les problèmes des autres, parce qu’il a toujours refusé de s’immerger vraiment dans un dossier aussi brûlant ». Il ne fait dès lors aucun doute que l’affaire Garcion n’est que la partie émergée de l’iceberg : « devant le poids des évidences, la grande famille du ballon rond se doit de prendre ses responsabilités, d’admettre enfin ce que tout le monde pensait jusqu’ici sans l’avouer : le football est lui aussi vulnérable, le football véhicule aussi, hélas, toutes les tares du sport moderne ». Dans un style accusatoire sur le mode « on le savait bien », la VDN souligne que « le cas Garcion n’est peut être au fond qu’un maillon de la chaîne, de cette chaîne infernale qui, aux dires des spécialistes, mine les stades de football depuis longtemps ». Désormais, « finie l’hypocrisie, finis les faux-fuyants, finis les dribbles savants visant à éloigner les regards à anesthésier la curiosité ! ». Si on peut aisément admettre que le « monde du foot » a en effet un train de retard sur la lutte antidopage, on peut s’étonner du manque de recul critique à propos de ses instruments de mesure, sur lesquels on revient plus bas dans l’article. Et au-delà du cas Garcion, la VDN s’en prend pêle-mêle aux « enjeux de la compétition », à la « course aux résultats et à la performance », et en profite pour rappeler à quel point le football est atteint par divers maux, en témoignent « l’affaire VA-OM », les « comptes bordelais », la « violence dans les stades » ou, plus récemment les « dépassements de budget dans la conduite des travaux de la coupe du monde » à Lens et à Bordeaux.
Soutien du club
Dans l’attente de nouveaux résultats, le FC Nantes, propriétaire du joueur, réagit par un communiqué qui rappelle que Garcion est « un joueur exemplaire, un professionnel et un équipier reconnu de tous », mais « le FCNA condamne et condamnera tout procédé ne respectant pas les principes de base d’un sportif de haut niveau, qui se doit d’être exemplaire ».
Pièce à conviction : Garcion empile les buts à un rythme suspect
David Garcion peut compter sur le soutien plus franc du LOSC. Ainsi, Bernard Lecomte déclare : « David, qui est un joueur que j’estime beaucoup et qui se dit très fier de porter les couleurs lilloises, même s’il ne sera plus chez nous la saison prochaine, ne comprend pas. Il n’a pas suivi de traitement et n’a été soigné que par le médecin du FC Nantes, et chez nous, par le docteur Gérard. A-t-il pris des anabolisants à son insu ? Je n’en sais rien et je veux m’appuyer à fond sur la présomption d’innocence. J’ai senti que le président de la commission était très ennuyé devant le cas d’ un joueur qui avait toujours très bien géré sa carrière. Moi, je veux soutenir David car cette histoire me paraît assez incroyable. Notre appel étant suspensif, le joueur pourra jouer les derniers matches de la saison et contribuer, je l’espère, à notre maintien. Je regrette, cependant, que tout soit mis sur la place publique avant que le dossier n’aille à son terme ». En outre, le docteur René Cappelaere, responsable du staff médical lillois et aussi président de l’association nationale des médecins de clubs, affirme son « intime conviction que David Garcion n’est pas capable de ça ».
« Je ne veux pas être le Ben Johnson du foot »
Une fois les faits médiatisés, il était difficile pour David Garcion de ne pas s’exprimer. Une conférence de presse est donc organisée dans la foulée de leur révélation avec le joueur et son avocat, Philippe Lefebvre. La Voix du Nord du 4 avril en propose le compte-rendu suivant :
Avez-vous une explication à donner ?
Je nie avoir pris quelque produit que ce soit de manière volontaire. Bien sûr, je ne peux pas nier la trace d’anabolisants dans mon organisme puisque l’expertise et la contre-expertise se sont révélées positives, mais pour l’expliquer je ne vois que deux solutions : on m’a administré ce produit à mon insu, soit de manière volontaire, soit par inadvertance. Je n’ai, en tout cas, aucune explication rationnelle, et c’est pour cette raison que nous avons décidé de faire appel.
Qui aurait pu faire ça ?
Si je le savais… Personne n’est à l’abri d’une vengeance. Maintenant, cela peut aussi être dû à une malveillance. Je peux avoir bu dans une bouteille qui contenait le produit…
Je ne peux rien dire d’autre, si ce n’est que la situation est floue, même au niveau de la commission médicale qui n’a pas su dire avec précision à quelle date j’aurais pu absorber le produit. On peut admettre qu’elle ait été décontenancée par le fait que c’est la première fois.
Que comptez-vous faire maintenant ?
Je me battrai jusqu’au bout pour essayer de prouver mon innocence, même si je ne peux rien apporter d’autre que ma bonne foi. Je suis prêt à aller devant d’autres juridictions. Porter plainte contre X ? Ce n’est pas exclu.
Vous n’avez pas l’impression que c’est votre carrière qui est en jeu ?
Non, car je n’ai que 23 ans, et si la sanction est effective, je la purgerai. Et ensuite, je reviendrai. Quitte à devoir repartir de zéro. Ne serai-ce que pour montrer que tout ce que j’ai réussi jusqu’ici, ce n’est pas grâce aux produits dopants, mais au travail et à mon talent. Depuis janvier, je ne suis plus positif, ce n’est pas pour cela que je n’ai pas fait de bons matches. Ce n’est pourtant pas facile de garder ça pour soi. Si j’ai réussi à faire abstraction de cette histoire pendant 3 mois, c’est précisément parce que j’ai la conscience tranquille. Croyez-moi, si j’avais fait une bêtise, je l’assumerais. Mais ce n’est pas le cas. Quel intérêt de prendre ce produit dans le foot où tant d’autres facteurs entrent en jeu ? Je n’ai jamais été un tricheur, et je ne veux pas payer les pots cassés. Je ne veux pas être le Ben Johnson du foot…
Un résumé de l’affaire en vidéo avec France 3 :
3 derniers matches pour accompagner la descente
Absent à Monaco, David Garcion est de retour le 17 avril pour un match à domicile contre Cannes. Ce qui n’est pas du goût de Guy *Ouin-ouin* Lacombe, l’entraîneur des Cannois, qui s’étonne de la présence du Lillois : « je n’ai rien contre David Garcion, ni contre Lille. Ce sont surtout les règlements qui me laissent perplexe. On veut parler d’éthique, on donne des leçons de morale aux entraîneurs et d’autres aspects sont tolérés. Comprenne qui pourra, mais cela me choque ». Sur le terrain, David Garcion n’a pas semblé perturbé ; il a même offert une passe « lumineuse » pour Boutoille, dont le but a été refusé. Mais Lille a encore perdu : « j’ai ressenti beaucoup de pression ces derniers temps, mais je m’y préparais depuis 3 mois. Personnellement, j’ai la conscience tranquille. Sur le terrain, je n’y ai pas pensé, j’en en fait abstraction. N’en déplaise à Guy Lacombe. Ce que qu’il a dit avant le match n’est pas très élégant. Il ne connaît pas le problème et se permet de juger. Ces choses-là ne se font pas ».
Fin de l’aventure avec le LOSC
Lors de la journée suivante, il n’est que remplaçant à Lens, à cause d’une douleur à la cheville (Lille perd). 4 jours après, il fait sa dernière prestation sous le maillot du LOSC contre le PSG, pour la 35e journée (Lille perd). Le 7 mai, la décision définitive de la commission d’appel de contrôle de dopage de la FFF tombe : sa suspension est réduite de 9 à 6 mois ferme, une peine « clémente » selon la VDN. « Notre décision est liée à de multiples facteurs, dont les arguments présentés par le joueur » selon Henry Coudane, président de la commission d’appel ; « le produit en question n’est pas venu par hasard, et les médicaments contenant ce produit ne sont pas commercialisées, sous forme orale, en France. Nous avons écouté les arguments du joueur, son avocat, le médecin du FC Nantes, et cette étude nous a fait prendre cette attitude ».
David Garcion réagit sans s’indigner : « je ne suis pas satisfait dans le mesure où j’estime n’avoir jamais rien pris, et j’espérais donc être complètement blanchi. Du moins, on m’a écouté, on a pris tous les détails de l’affaire en compte et c’est le plus important. Il va falloir que je digère un peu tout ça, mais dans la mesure où je suis le premier cas dans le football, ils ne pouvaient pas se permettre de ne pas prendre de sanctions. On va attendre un peu avant de me revoir, mais on me reverra ». Le président du LOSC, Bernard Lecomte, s’interroge sur le verdict et pose une bonne question : « je suis un peu insatisfait : faut-il comprendre qu’il est moins coupable qu’avant ? Je retiens toutefois que 6 mois de suspension, c’est une porte ouverte pour lui ». Concernant le LOSC, sa collaboration s’arrête : « il ne va plus être là, mais la séparation était programmée de toute façon. Je regrette simplement les conditions dans lesquelles elle s’effectue. Les membres de la commission d’appel ont pris leur décision en leur âme et conscience mais moi, ce que je sais, c’est que j’ai toujours apprécié l’homme ».
Une jurisprudence floue
Après David Garcion, d’autres joueurs ont été condamnés à la même sanction pour prise supposée de nandrolone (Guérin, Arribagé, Sibierski, Pouget, Dugarry…). Tous ont nié avoir volontairement pris quoi que ce soit, et la plupart d’entre eux ont finalement été blanchis pour des vices de forme, sans donc que la vérité scientifique ne soit établie, alors même que les joueurs se sont un temps transformés en avocats, en consultants des médecins et des chercheurs pour prouver leur bonne foi. On se rappelle notamment les efforts déployés par Antoine Sibierski qui, jamais reçu par la ministre des Sports, Marie-Georges Buffet, qui n’est pas commode, avait ostensiblement refusé de lui serrer la main lors de la finale Calais/Nantes en 2000 (c’est à 5’20 dans la vidéo). Il s’agit aussi de se souvenir qu’à son arrivée au ministère, Marie-Georges Buffet a placé la lutte antidopage parmi ses priorités fin 1997. Dès lors, les premiers cas de nandrolone ont permis d’affirmer et de mettre en scène l’intransigeance du ministère, mais sans s’assurer de la complète véracité des cas. Et la controverse scientifique est d’ailleurs toujours bien vive : dans un entretien accordée aux Cahiers du foot en 2000, Vincent Guérin, l’un des mis en cause, lui aussi blanchi pour vice de forme, racontait ses démarches et les incertitudes autour de la pertinence des résultats des contrôles, parmi lesquelles : des tests urinaires inopérants, des doutes sur une production endogène de nandrolone, des taux de positivité différents d’un pays à l’autre et d’autres aspects plus techniques que nous vous invitons à lire dans l’entretien. Si on croit comprendre que David Garcion a plaidé la prise de compléments alimentaires dont il ignorait une partie de la composition, des scientifiques ont pu montrer que ces compléments contenaient les mêmes métabolites que la nandrolone ; très concrètement, cela aurait pour effet de rendre positifs à la nandrolone des joueurs qui n’ont en fait pas pris de nandrolone. Quoi qu’il en soit, les taux des footballeurs contrôlés positifs sont si faibles (en comparaison avec l’athlétisme, où la prise volontaire de produits paraît bien plus établie) que le doute persiste quant à l’origine et à la quantité de la substance incriminée. Au moment de l’affaire Garcion, l’un des médecins du LOSC, Jean-Daniel Escande, déjà cité plus haut, avait tenu des propos maladroits, en affirmant que « le dopage aux anabolisants est un choix complètement inadapté pour un joueur de football », comme s’il existait un dopage plus adapté, ce qui revient presque à dire qu’il y en a effectivement un. Le doc ajoute : « la dose d’entraînement que subit un joueur de football est sans commune mesure avec ce que subit un athlète ou un haltérophile », preuve, selon lui, que l’usage d’anabolisants est étranger au milieu du football. Il reprend ainsi une argumentation consistant à dire que, puisque le football nécessite de la technique et de la tactique collective et qu’aucun dopage musculaire ne pourrait améliorer celles-ci, il n’y a donc pas de dopage (en oubliant qu’une meilleure condition physique permet probablement d’être plus clairvoyant et d’augmenter la probabilité de réussir ses gestes techniques).
Les dénégations des uns et les éléments que nous avons mentionnés ne font certainement pas du football un sport « propre » : de nombreux témoignages de médecins de club ou même de footballeurs laissent supposer bien des « surprises ». En 2005, la réaction du LOSC à une interview de son ex-médecin dans les Cahiers du foot avait suscité une réaction bien suspecte allant à l’encontre de l’effet que le club avait certainement voulu produire (l’interview du doc est là ; le « droit de réponse » du LOSC et le commentaire des Cahiers sont là). Dans le cas de David Garcion, même si on peut plaider que la naïveté est une faute pour un professionnel, force est de constater que les doutes autour de la procédure et de ses résultats n’ont pas bénéficié à l’accusé. Non seulement à court terme, puisqu’il a été suspendu, mais aussi à plus long terme, puisque qu’il n’a ensuite connu que 6 matches en L1 et une soixantaine en L2 (avec Guingamp et Caen), sans retrouver l’éclat de son passage lillois. Dans l’interview déjà mentionnée, Vincent Guérin parle de l’ancien Dogue : « c’est un garçon qui certainement n’avait rien pris et qui s’est fait massacrer. Je pense que sa carrière a tourné court à cause de ça ».
Posté le 10 avril 2021 - par dbclosc
Cor Van Der Hart, le premier Golgoth néerlandais de l’histoire du LOSC
Ce premier jour d’août 2020, Sven Botman, coupe à la brosse, grande carrure et oreilles décollées, vient faire sa présentation à la presse au domaine de Luchin. Quand on lui demande pourquoi il a quitté son cocon de l’Ajax Amsterdam il répond, franc : « parce qu’il y avait trop de bon joueurs à mon poste de défenseur. Et le LOSC m’offre du temps de jeu ». Le raisonnement est cohérent. Et, cohérent, l’axe de transfert Ajax > LOSC en matière de défenseurs semble l’être aussi. En voici la formule : l’Ajax forme parmi les meilleurs défenseurs néerlandais de l’histoire, puis le LOSC sait leur donner de l’exposition. Preuve en est 70 ans plus tôt avec un autre costaud batave aux grandes esgourdes et à la coupe militaire : Cor Van Der Hart.
Football total et aller simple
1940. En pleine guerre, l’Ajax Amsterdam organise une journée de détection de jeunes talents pour son académie. Plus de 300 jeunes se présentent. Mais au final, deux seulement sont retenus : le futur inventeur du football total Rinus Michels, et le dénommé Cornelis « Corry » Van Der Hart, futur défenseur du LOSC de l’âge d’or. Un LOSC qui passera ensuite toutes les années 50 à tenter de reformer ce duo dans le Nord, sans succès. Les autorités néerlandaises prétextent que l’ami Rinus ne pouvait pas bouger des Pays-Bas tant que son service militaire n’était pas accompli. Une anecdote qui ramène au mauvais souvenir de Park Chu Young et ce foutu Eurostar à 7h du mat’.
Le LOSC 1950/1951, avec un maillot très inspiré de la vareuse du SCF : Cor est au troisième rang, à gauche
En 1947, le championnat néerlandais est encore amateur quand Cor Van Der Hart commence à jouer avec l’Ajax. La seule solution pour faire du football son métier est donc l’exode. Faas Wilkes et Bram Appel ouvrent une brèche en partant respectivement à l’Inter et Reims à l’été 49. L’affaire ne plaît pas trop à la fédération néerlandaise qui interdit aux exilés d’apparaître en équipe nationale tout en leur intimant l’ordre de rentrer au pays. Mais peu importe pour « Corry » : il suit le mouvement un an plus tard en signant au LOSC. Le club reste alors sur deux saisons sans titre après en avoir enchaîné quatre au sortir de la guerre.
Coupe Drago et vrais titres avec le LOSC
Cor n’en a que faire. Le voilà prêt à disputer le titre de champion de France et à remporter des coupes prestigieuses. Cependant, l’idylle n’est pas parfaite tout de suite. Lors de sa première saison à Lille, Van Der Hart voit le club finir dauphin de Nice et, surtout, perdre la prestigieuse Coupe Latine, ancêtre de la Coupe des Champions, au profit du Milan AC. Un complot évidemment. Puis il perd aussi la finale de la coupe Charles Drago face à Reims. Une compétition destinée à l’époque aux clubs éliminés avant les quarts de la Coupe de France. Et qui de nos jours serait sans doute diffusée sur France O après un épisode de Cœur Océan.
Mais, peu à peu, l’équipe monte en puissance et Van Der Hart, après n’avoir joué que 19 matchs de championnat lors de sa première saison, s’impose comme un titulaire inamovible. Au point de former la « défense de fer » avec notamment Bieganski et Lemaitre : celle qui n’encaisse que 22 buts sur la saison 53-54. Une défense qui permet au LOSC de gagner la coupe de France en 1953 puis le championnat en 1954. Mais Van Der Hart, durant son passage au LOSC, accomplira un exploit encore plus marquant : rendre le football néerlandais professionnel.
26 avril 1953 : en demi-finale de coupe de France, Lille vient d’écarter Saint-Etienne à Marseille. De gauche à droite : Cor Van Der Hart, Kees Rijvers et César Ruminski
L’homme qui professionnalisa le football néerlandais
Retour au 31 janvier 1953. Une tornade s’abat sur les Pays Bas et provoque des inondations sur les côtes de la Mer du Nord. Plus de 70 000 personnes sont évacuées et près de 2000 perdent la vie. Pour leur rendre hommage et recueillir de l’argent pour les victimes, la fédération française de football propose à celle néerlandaise de jouer un match amical. Problème : l’équipe nationale des Pays-Bas est mauvaise. Elle vient de perdre 22 de ses 28 derniers matchs et elle redoute l’humiliation. Elle préfère viser plus bas en affrontant le Danemark.
Mais l’offre française ne met pas longtemps à trouver preneur. Les joueurs néerlandais exilés à l’étranger pour jouer en professionnel ont en effet entendu toute l’histoire à la radio. Ils sautent sur l’occasion et acceptent la proposition de match amical. Cor Van Der Hart fait partie des instigateurs de la démarche au même titre que Bram Appel. Ils envoient alors un fax à leur fédération, qui refuse, avant d’obtenir l’autorisation de la part … du Prince Bernhard en personne, au nom de la famille royale néerlandaise.
Le match a lieu le 12 mars de la même année. 8000 supporters des Pays-Bas font le déplacement au Parc des Princes pour assister à la prestation de joueurs que la fédération néerlandaise considèrent encore comme des « traîtres ». Les Pays Bas rentrent menés 1-0 à la mi-temps mais les journalistes bataves ayant fait le déplacement nombreux sont impressionnés par la qualité de jeu des footballeurs exilés. Au retour des vestiaires, ces derniers égalisent enfin et s’offrent même la victoire dans les dernières minutes sur un but de Bram Appel. Les supporters et les journalistes néerlandais retourneront au pays des étoiles plein les yeux des exploits de Van Der Hart et de ses compères. Ils plaideront pour la professionnalisation du football aux Pays Bas. Elle surviendra à peine un an plus tard en 1954.
Le LOSC 1953/1954 : souriant, sur la gauche du gardien
Mon royaume pour 10 000 balles
Durant l’été de cette même année (1954), les joueurs lillois, fraîchement champions, reviennent à l’entraînement. Enfin, tous sauf un. Van Der Hart, irréprochable jusqu’ici, se permet une Thauvin et ne se pointe pas. Louis Henno, le président du LOSC, ne s’inquiète pas, Corry doit juste avoir un ami boucher qui le conseille mal. Mais, renseignement pris, le Batave demande la rançon du succès pour continuer avec le LOSC : 10 000 francs d’augmentation. Le président ne lui passe pas et l’envoie dans le loft version années 50 où il se sent bien seul sans Lenny Nangis ni Stoppila Sunzu. C’est que le dirigeant lillois pense lui avoir déjà trouvé le remplaçant idéal en la personne de Joseph Zacharias, international hongrois. Mais Zacharias n’est pas Zacharias, mais plus Fantomas. Ou surtout un légionnaire tchécoslovaque usurpateur d’identité et sous le coup d’un avis d’expulsion. Mais tout ça c’est une autre histoire.
Van Der Hart trouve une porte de sortie en signant au Fortuna Sittard en novembre 1954. Là-bas il découvre une ligue néerlandaise enfin professionnalisée et remporte les deux seuls titres de l’histoire du club. Surtout il est enfin appelé en équipe nationale des Pays Bas dont il deviendra le capitaine. Puis vient le moment de mettre un terme à sa carrière.
VDH, alors entraîneur d’Alkmaar, en 1972
La dynastie Ajax
« Corry » devient alors entraîneur et surtout adjoint de la sélection des Pays Bas de Rinus Michels dans les années 70. Celle qui mettra en place les prémices du football total. Puis Van Der Hart passe adjoint dans l’équipe de l’Ajax entrainée par Cruyff dans les années 80 (celle dont les préceptes de jeu nous ont coûté nos deux dernières campagnes européennes). Van Der Hart reste ensuite proche du club d’Amsterdam jusqu’à sa mort en 2006. Soit 6 ans avant que son petit-fils ne passe professionnel chez les blanc & rouge. En effet, le petit Mickey Van Der Hart restera troisième gardien de l’Ajax jusqu’en 2015. L’année de la promotion chez les U17 d’un certain Sven Botman.
https://www.youtube.com/watch?v=Yw4LyRtPmGo
Sources :
https://www.knvb.nl/nieuws/oranje/nederlands-elftal/17384/watersnoodwedstrijd-leidt-profvoetbal
https://www.lavoixdunord.fr/637696/article/2019-09-15/de-van-der-hart-le-refractaire-kluivert-l-inspirateur-ces-neerlandais-passes-par