Posté le 10 avril 2021 - par dbclosc
Cor Van Der Hart, le premier Golgoth néerlandais de l’histoire du LOSC
Ce premier jour d’août 2020, Sven Botman, coupe à la brosse, grande carrure et oreilles décollées, vient faire sa présentation à la presse au domaine de Luchin. Quand on lui demande pourquoi il a quitté son cocon de l’Ajax Amsterdam il répond, franc : « parce qu’il y avait trop de bon joueurs à mon poste de défenseur. Et le LOSC m’offre du temps de jeu ». Le raisonnement est cohérent. Et, cohérent, l’axe de transfert Ajax > LOSC en matière de défenseurs semble l’être aussi. En voici la formule : l’Ajax forme parmi les meilleurs défenseurs néerlandais de l’histoire, puis le LOSC sait leur donner de l’exposition. Preuve en est 70 ans plus tôt avec un autre costaud batave aux grandes esgourdes et à la coupe militaire : Cor Van Der Hart.
Football total et aller simple
1940. En pleine guerre, l’Ajax Amsterdam organise une journée de détection de jeunes talents pour son académie. Plus de 300 jeunes se présentent. Mais au final, deux seulement sont retenus : le futur inventeur du football total Rinus Michels, et le dénommé Cornelis « Corry » Van Der Hart, futur défenseur du LOSC de l’âge d’or. Un LOSC qui passera ensuite toutes les années 50 à tenter de reformer ce duo dans le Nord, sans succès. Les autorités néerlandaises prétextent que l’ami Rinus ne pouvait pas bouger des Pays-Bas tant que son service militaire n’était pas accompli. Une anecdote qui ramène au mauvais souvenir de Park Chu Young et ce foutu Eurostar à 7h du mat’.
Le LOSC 1950/1951, avec un maillot très inspiré de la vareuse du SCF : Cor est au troisième rang, à gauche
En 1947, le championnat néerlandais est encore amateur quand Cor Van Der Hart commence à jouer avec l’Ajax. La seule solution pour faire du football son métier est donc l’exode. Faas Wilkes et Bram Appel ouvrent une brèche en partant respectivement à l’Inter et Reims à l’été 49. L’affaire ne plaît pas trop à la fédération néerlandaise qui interdit aux exilés d’apparaître en équipe nationale tout en leur intimant l’ordre de rentrer au pays. Mais peu importe pour « Corry » : il suit le mouvement un an plus tard en signant au LOSC. Le club reste alors sur deux saisons sans titre après en avoir enchaîné quatre au sortir de la guerre.
Coupe Drago et vrais titres avec le LOSC
Cor n’en a que faire. Le voilà prêt à disputer le titre de champion de France et à remporter des coupes prestigieuses. Cependant, l’idylle n’est pas parfaite tout de suite. Lors de sa première saison à Lille, Van Der Hart voit le club finir dauphin de Nice et, surtout, perdre la prestigieuse Coupe Latine, ancêtre de la Coupe des Champions, au profit du Milan AC. Un complot évidemment. Puis il perd aussi la finale de la coupe Charles Drago face à Reims. Une compétition destinée à l’époque aux clubs éliminés avant les quarts de la Coupe de France. Et qui de nos jours serait sans doute diffusée sur France O après un épisode de Cœur Océan.
Mais, peu à peu, l’équipe monte en puissance et Van Der Hart, après n’avoir joué que 19 matchs de championnat lors de sa première saison, s’impose comme un titulaire inamovible. Au point de former la « défense de fer » avec notamment Bieganski et Lemaitre : celle qui n’encaisse que 22 buts sur la saison 53-54. Une défense qui permet au LOSC de gagner la coupe de France en 1953 puis le championnat en 1954. Mais Van Der Hart, durant son passage au LOSC, accomplira un exploit encore plus marquant : rendre le football néerlandais professionnel.
26 avril 1953 : en demi-finale de coupe de France, Lille vient d’écarter Saint-Etienne à Marseille. De gauche à droite : Cor Van Der Hart, Kees Rijvers et César Ruminski
L’homme qui professionnalisa le football néerlandais
Retour au 31 janvier 1953. Une tornade s’abat sur les Pays Bas et provoque des inondations sur les côtes de la Mer du Nord. Plus de 70 000 personnes sont évacuées et près de 2000 perdent la vie. Pour leur rendre hommage et recueillir de l’argent pour les victimes, la fédération française de football propose à celle néerlandaise de jouer un match amical. Problème : l’équipe nationale des Pays-Bas est mauvaise. Elle vient de perdre 22 de ses 28 derniers matchs et elle redoute l’humiliation. Elle préfère viser plus bas en affrontant le Danemark.
Mais l’offre française ne met pas longtemps à trouver preneur. Les joueurs néerlandais exilés à l’étranger pour jouer en professionnel ont en effet entendu toute l’histoire à la radio. Ils sautent sur l’occasion et acceptent la proposition de match amical. Cor Van Der Hart fait partie des instigateurs de la démarche au même titre que Bram Appel. Ils envoient alors un fax à leur fédération, qui refuse, avant d’obtenir l’autorisation de la part … du Prince Bernhard en personne, au nom de la famille royale néerlandaise.
Le match a lieu le 12 mars de la même année. 8000 supporters des Pays-Bas font le déplacement au Parc des Princes pour assister à la prestation de joueurs que la fédération néerlandaise considèrent encore comme des « traîtres ». Les Pays Bas rentrent menés 1-0 à la mi-temps mais les journalistes bataves ayant fait le déplacement nombreux sont impressionnés par la qualité de jeu des footballeurs exilés. Au retour des vestiaires, ces derniers égalisent enfin et s’offrent même la victoire dans les dernières minutes sur un but de Bram Appel. Les supporters et les journalistes néerlandais retourneront au pays des étoiles plein les yeux des exploits de Van Der Hart et de ses compères. Ils plaideront pour la professionnalisation du football aux Pays Bas. Elle surviendra à peine un an plus tard en 1954.
Le LOSC 1953/1954 : souriant, sur la gauche du gardien
Mon royaume pour 10 000 balles
Durant l’été de cette même année (1954), les joueurs lillois, fraîchement champions, reviennent à l’entraînement. Enfin, tous sauf un. Van Der Hart, irréprochable jusqu’ici, se permet une Thauvin et ne se pointe pas. Louis Henno, le président du LOSC, ne s’inquiète pas, Corry doit juste avoir un ami boucher qui le conseille mal. Mais, renseignement pris, le Batave demande la rançon du succès pour continuer avec le LOSC : 10 000 francs d’augmentation. Le président ne lui passe pas et l’envoie dans le loft version années 50 où il se sent bien seul sans Lenny Nangis ni Stoppila Sunzu. C’est que le dirigeant lillois pense lui avoir déjà trouvé le remplaçant idéal en la personne de Joseph Zacharias, international hongrois. Mais Zacharias n’est pas Zacharias, mais plus Fantomas. Ou surtout un légionnaire tchécoslovaque usurpateur d’identité et sous le coup d’un avis d’expulsion. Mais tout ça c’est une autre histoire.
Van Der Hart trouve une porte de sortie en signant au Fortuna Sittard en novembre 1954. Là-bas il découvre une ligue néerlandaise enfin professionnalisée et remporte les deux seuls titres de l’histoire du club. Surtout il est enfin appelé en équipe nationale des Pays Bas dont il deviendra le capitaine. Puis vient le moment de mettre un terme à sa carrière.
VDH, alors entraîneur d’Alkmaar, en 1972
La dynastie Ajax
« Corry » devient alors entraîneur et surtout adjoint de la sélection des Pays Bas de Rinus Michels dans les années 70. Celle qui mettra en place les prémices du football total. Puis Van Der Hart passe adjoint dans l’équipe de l’Ajax entrainée par Cruyff dans les années 80 (celle dont les préceptes de jeu nous ont coûté nos deux dernières campagnes européennes). Van Der Hart reste ensuite proche du club d’Amsterdam jusqu’à sa mort en 2006. Soit 6 ans avant que son petit-fils ne passe professionnel chez les blanc & rouge. En effet, le petit Mickey Van Der Hart restera troisième gardien de l’Ajax jusqu’en 2015. L’année de la promotion chez les U17 d’un certain Sven Botman.
https://www.youtube.com/watch?v=Yw4LyRtPmGo
Sources :
https://www.knvb.nl/nieuws/oranje/nederlands-elftal/17384/watersnoodwedstrijd-leidt-profvoetbal
https://www.lavoixdunord.fr/637696/article/2019-09-15/de-van-der-hart-le-refractaire-kluivert-l-inspirateur-ces-neerlandais-passes-par
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