Posté le 19 avril 2021 - par dbclosc
David Garcion, le préjudice du doute
En avril 1997, on apprend que le footballeur du LOSC David Garcion a été contrôlé positif aux anabolisants. En l’absence d’aveux du joueur et compte tenu des imprécisions autour de la lutte antidopage et de sa méthode, il reste difficile de déterminer la vérité sur cette affaire. Mais très concrètement, après cet épisode, la carrière du joueur sera bien loin des espoirs que ses 8 mois sous le maillot des Dogues avaient laissé entrevoir.
20 décembre 1996 : au stade du Ray, les Dogues, menés à partir de la 15e minute, parviennent à égaliser à la 58e minute grâce à Roger Hitoto, qui reprend dans le but vide un coup-franc lointain de David Garcion qui avait terminé sur le poteau gauche de Bruno Valencony. Le score en reste là et, grâce à ce point supplémentaire, le LOSC termine l’année civile avec 29 points en 23 matches, un total bien au-dessus des standards des précédentes saisons qui, en dépit d’une baisse de régime depuis quelques semaines, semble enfin annoncer un maintien tranquille. Mais la trêve hivernale, au-delà de ses apparences paisibles, apporte deux nouvelles qui vont contribuer à pourrir la fin de saison du LOSC, et qui concernent les deux principaux protagonistes du dernier but lillois de l’année 1996. En effet, en plus de la grave blessure de Roger Hitoto en sélection, David Garcion, à l’issue de ce match, est contrôlé positif aux anabolisants, et plus particulièrement à la nandrolone : c’est la première fois qu’un tel résultat est médiatisé dans l’histoire du football.
18 mois de suspension
La nouvelle est rendue publique le 3 avril 1997, en même temps que l’annonce d’un contrôle positif de Bernard Lama au cannabis : David Garcion est suspendu par la commission médicale de la ligue nationale à 18 mois de suspension, dont 9 ferme : une sévérité là aussi inédite dans le football, qui peut précisément s’expliquer par l’absence de jurisprudence dans ce sport, et qui du coup s’approche des 2 ans de suspension appliqués en pareil cas dans l’athlétisme (c’est la même substance par laquelle Ben Johnson a été condamné à 2 ans de suspension après les jeux de Séoul en 1988). Le joueur et le club avaient été informés du résultat positif du contrôle dès janvier par les instances fédérales puis, dans le secret, les choses allaient alors suivre leur cours : David Garcion demande une contre-expertise, qui s’avère elle aussi positive ; puis, à titre privé, un mois plus tard, il fait procéder, par le même laboratoire, à une nouvelle expertise, cette fois-ci négative. Mais ce dernier résultat semble n’avoir eu aucun poids dans la décision de la Ligue. Dans l’immédiat, le joueur et le LOSC ont fait appel, et l’appel est suspensif ce qui veut dire, attention c’est compliqué, que la suspension est suspendue. Cependant, Garcion ne sera pas du déplacement à Monaco le 4 avril car il est suspendu pour cause d’accumulations de cartons jaunes. Résumons donc : la suspension est suspendue, mais en attendant il est suspendu (tout en étant suspendu à la décision de l’appel).
UMP : Une Merde de Plus
Depuis quelques mois, la chute du LOSC est aussi spectaculaire que le premier tiers de saison avait été réjouissant. Bien mal embarqué en championnat, le club vient de se séparer de son entraîneur après une défaite à Grimonprez-Jooris contre Montpellier (0-4). Entre cette dégringolade au classement, les blessures (Hitoto, Becanovic, Aubry), les buts cons, le LOSC se retrouve au coeur d’une tourmente dont il se serait bien passé. Mais comme le disait Jacques Chirac, qui s’apprête à annoncer une mémorable dissolution, « la merde, ça vole toujours en escadrille », et voilà donc que l’un de ses meilleurs joueurs va désormais devoir gérer une grosse pression et passer beaucoup de temps et d’énergie à se défendre. Et, comme cela traîne depuis janvier, on suppose que Garcion a pu avoir l’esprit ailleurs depuis 3 mois, même si ça ne s’est pas spécialement ressenti sur le terrain. Car rappelons à quel point David Garcion a marqué les esprits lors de son arrivée au LOSC, incarnant sans doute le mieux le début de saison virevoltant des Dogues. Prêté par Nantes pour la saison 1996-1997, il est arrivé sur la pointe des pieds, ne comptant que 16 apparitions en D1 avec les Canaris (dont seulement 4 titularisations). Relativement inconnu, il était même difficile de l’imaginer titulaire, mais il a rapidement fait preuves de qualités rarement vues du côté de Lille depuis quelques saisons : rapidité, qualité technique, capacité à dribbler, explosivité, et grosse frappe de balle. Sur ce très bref résumé du premier match de la saison contre Metz, on le voit très à l’aise sur une action, et un peu moins en interview :
Fait rarissime : il obtient la note de 6/6 dans France Football après sa prestation contre Rennes en août 1996. Par la suite, il avait notamment inscrit un but formidable à Montpellier d’une frappe de 30 mètres après quelques secondes de jeu (son premier but en D1, et son deuxième but en pro, après un but marqué avec Nantes en coupe de la Ligue sur cette même pelouse), et était devenu un titulaire indiscutable dont on ne doutait pas que l’avenir, à Nantes ou ailleurs, serait brillant. Offensivement, le LOSC présentait un visage très séduisant qui a ravi le public pendant 4 mois, et si on retient surtout Becanovic parce qu’il était le buteur, David Garcion était probablement le joueur le plus spectaculaire.
Après avoir dribblé un rennais, David Garcion s’apprête à sauter un élastique astucieusement placé par les Bretons
Une affaire stupéfiante
L’affaire fait d’autant plus de bruit qu’elle est a priori bien plus grave que la chasse aux « fumeurs de joints », déclenchée à l’hiver 1995-1996, et qui avait, entre autres, touché un de nos ex (Oumar Dieng, PSG) et un de nos futurs (Gilles *32 points au scrabble* Hampartzoumian, Cannes). Avec la découverte de nandrolone chez un joueur de football, on passe un cap dans la recherche de performance. Selon les spécialistes, la nandrolone, comme tous les anabolisants, augmente la masse musculaire, et donc la puissance, et permet ainsi de supporter des charges de travail plus lourdes, en facilitant la récupération. Surtout, et toujours a priori, on ne trouve ce produit en France que sous forme d’injection intramusculaire, ce qui semble difficile à recevoir à son insu. En revanche, avaler des comprimés – interdits en France mais en circulation en Belgique – paraît bien plus plausible. Le tout est alors de déterminer, si cette hypothèse se vérifiait, si la consommation a été volontaire ou résulte d’un acte malveillant. Dans Libération, Patrick Laure, médecin et spécialiste de la lutte antidopage, déclare qu’« on ne peut pas être contrôlé positif à la nandrolone avec un produit en vente libre en France. On est donc positif à la nandrolone avec des produits vendus sous le manteau ». Jacques de Ceaurriz, directeur du laboratoire antidopage, affirme dans le même journal qu’« un marché parallèle se développe. Des produits, souvent américains, vitaminiques ou nutritionnels qui contiennent des anabolisants. Il y a une démarche des sportifs ou de leur entourage, mais cette démarche est inavouable ».
Une première, vraiment ?
On retient souvent de David Garcion qu’il est le premier joueur à avoir été « pris » et condamné pour après un contrôle positif aux anabolisants. Comme nous l’avons écrit plus haut, il est plus juste d’affirmer que David Garcion est le premier footballeur dont les mésaventures avec ce produit sont médiatisées. Nous nous appuyons notamment sur un article du Monde d’avril 1997 qui avance cette hypothèse, en soulignant : « en 1995, 284 cas de contrôles positifs ont été enregistrés par le laboratoire central de dépistage de Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine), dirigé par Jean-Pierre Lafarge. Une indiscrétion avait révélé, en novembre de la même année, le cas du gardien international de l’AS Monaco Fabien Barthez et d’une poignée d’autres joueurs, coupables d’avoir consommé du cannabis. Encore cette drogue bénéficie-t-elle de l’indulgence de la société. La loi du silence est plus forte pour les autres produits interdits. Une large majorité des sportifs incriminés a donc purgé sa suspension dans la plus grande discrétion, le plus souvent sous couvert de blessures fallacieuses. Dès lors, rien ne certifie que David Garcion soit réellement le premier joueur soupçonné d’avoir usé d’anabolisants : il s’agit seulement du premier exemple qui ait été révélé. Les fédérations invoquent le respect de l’athlète pour justifier ce secret. Légitime souci. Mais ce jeu de cache-cache malsain conduit à donner plus d’écho aux quelques cas sortis de l’ombre. David Garcion, Bernard Lama ou Fabien Barthez pourront estimer payer, en termes de notoriété, pour ceux qui échappent à toute publicité. La dissimulation accrédite également l’idée que les instances sportives cherchent à couvrir la pratique du dopage« . Le journal La Croix donne la parole à Jean-Daniel Escande, ancien président de la Commission nationale de lutte contre le dopage et… médecin au LOSC : « est-ce qu’on a vraiment pris le seul footballeur qui se dopait ? J’ai surtout l’impression que l’on jette le nom de Garcion en pâture et que c’est un peu l’arbre qui cache la forêt« . Le quotidien rappelle quelques affaires troubles, comme les cas de Diego Maradona, suspendu en 1994 pour usage d’un « stimulant », du Belge Luc De Rijck, mort en 1991 d’une manipulation sanguine, de l’Ecossais Willie Johnston, exclu de la Coupe du monde 1978, et la « mascarade » de 1988 où « deux joueurs marseillais avaient alors échappé à un contrôle antidopage en trafiquant maillots et feuille de match. David Garcion, lui, a tiré le mauvais numéro.«
Un joueur et un sport bien chargés (par la Voix du Nord)
On le voit, les premières réactions chargent David Garcion et semblent invalider les arguments des « dopés de bonne foi ». Dans le rôle du procureur-moralisateur, la Voix du Nord prend les devants, en prenant pour acquise la culpabilité de Garcion et en tentant de déterminer le moment où il aurait pris le produit incriminé. En l’occurrence, en soulignant qu’il faut environ 6 mois pour que les traces de la nandrolone disparaissent totalement, la VDN pose l’hypothèse que David Garcion aurait pu y recourir au moment de l’intersaison, quand il naviguait entre Nantes, Lille, le stage de préparation des Dogues en Corse et le bataillon de Joinville (c’est une année de service militaire pour Garcion, qui fait partie de la dernière génération de sa version obligatoire) : « de là à penser que le lillois souhaitait mettre tous les atouts pour entamer brillamment la saison, il n’y a qu’un pas… ». Classe ! La VDN rappelle les risques d’une telle consommation pour la santé : « diminution des globules blancs et des défenses immunitaires, vulnérabilité pulmonaire, cancer ».
L’affaire réveille chez le quotidien du Nord des reproches contre un sport qui ne « s’est jamais senti concerné par les problèmes des autres, parce qu’il a toujours refusé de s’immerger vraiment dans un dossier aussi brûlant ». Il ne fait dès lors aucun doute que l’affaire Garcion n’est que la partie émergée de l’iceberg : « devant le poids des évidences, la grande famille du ballon rond se doit de prendre ses responsabilités, d’admettre enfin ce que tout le monde pensait jusqu’ici sans l’avouer : le football est lui aussi vulnérable, le football véhicule aussi, hélas, toutes les tares du sport moderne ». Dans un style accusatoire sur le mode « on le savait bien », la VDN souligne que « le cas Garcion n’est peut être au fond qu’un maillon de la chaîne, de cette chaîne infernale qui, aux dires des spécialistes, mine les stades de football depuis longtemps ». Désormais, « finie l’hypocrisie, finis les faux-fuyants, finis les dribbles savants visant à éloigner les regards à anesthésier la curiosité ! ». Si on peut aisément admettre que le « monde du foot » a en effet un train de retard sur la lutte antidopage, on peut s’étonner du manque de recul critique à propos de ses instruments de mesure, sur lesquels on revient plus bas dans l’article. Et au-delà du cas Garcion, la VDN s’en prend pêle-mêle aux « enjeux de la compétition », à la « course aux résultats et à la performance », et en profite pour rappeler à quel point le football est atteint par divers maux, en témoignent « l’affaire VA-OM », les « comptes bordelais », la « violence dans les stades » ou, plus récemment les « dépassements de budget dans la conduite des travaux de la coupe du monde » à Lens et à Bordeaux.
Soutien du club
Dans l’attente de nouveaux résultats, le FC Nantes, propriétaire du joueur, réagit par un communiqué qui rappelle que Garcion est « un joueur exemplaire, un professionnel et un équipier reconnu de tous », mais « le FCNA condamne et condamnera tout procédé ne respectant pas les principes de base d’un sportif de haut niveau, qui se doit d’être exemplaire ».
Pièce à conviction : Garcion empile les buts à un rythme suspect
David Garcion peut compter sur le soutien plus franc du LOSC. Ainsi, Bernard Lecomte déclare : « David, qui est un joueur que j’estime beaucoup et qui se dit très fier de porter les couleurs lilloises, même s’il ne sera plus chez nous la saison prochaine, ne comprend pas. Il n’a pas suivi de traitement et n’a été soigné que par le médecin du FC Nantes, et chez nous, par le docteur Gérard. A-t-il pris des anabolisants à son insu ? Je n’en sais rien et je veux m’appuyer à fond sur la présomption d’innocence. J’ai senti que le président de la commission était très ennuyé devant le cas d’ un joueur qui avait toujours très bien géré sa carrière. Moi, je veux soutenir David car cette histoire me paraît assez incroyable. Notre appel étant suspensif, le joueur pourra jouer les derniers matches de la saison et contribuer, je l’espère, à notre maintien. Je regrette, cependant, que tout soit mis sur la place publique avant que le dossier n’aille à son terme ». En outre, le docteur René Cappelaere, responsable du staff médical lillois et aussi président de l’association nationale des médecins de clubs, affirme son « intime conviction que David Garcion n’est pas capable de ça ».
« Je ne veux pas être le Ben Johnson du foot »
Une fois les faits médiatisés, il était difficile pour David Garcion de ne pas s’exprimer. Une conférence de presse est donc organisée dans la foulée de leur révélation avec le joueur et son avocat, Philippe Lefebvre. La Voix du Nord du 4 avril en propose le compte-rendu suivant :
Avez-vous une explication à donner ?
Je nie avoir pris quelque produit que ce soit de manière volontaire. Bien sûr, je ne peux pas nier la trace d’anabolisants dans mon organisme puisque l’expertise et la contre-expertise se sont révélées positives, mais pour l’expliquer je ne vois que deux solutions : on m’a administré ce produit à mon insu, soit de manière volontaire, soit par inadvertance. Je n’ai, en tout cas, aucune explication rationnelle, et c’est pour cette raison que nous avons décidé de faire appel.
Qui aurait pu faire ça ?
Si je le savais… Personne n’est à l’abri d’une vengeance. Maintenant, cela peut aussi être dû à une malveillance. Je peux avoir bu dans une bouteille qui contenait le produit…
Je ne peux rien dire d’autre, si ce n’est que la situation est floue, même au niveau de la commission médicale qui n’a pas su dire avec précision à quelle date j’aurais pu absorber le produit. On peut admettre qu’elle ait été décontenancée par le fait que c’est la première fois.
Que comptez-vous faire maintenant ?
Je me battrai jusqu’au bout pour essayer de prouver mon innocence, même si je ne peux rien apporter d’autre que ma bonne foi. Je suis prêt à aller devant d’autres juridictions. Porter plainte contre X ? Ce n’est pas exclu.
Vous n’avez pas l’impression que c’est votre carrière qui est en jeu ?
Non, car je n’ai que 23 ans, et si la sanction est effective, je la purgerai. Et ensuite, je reviendrai. Quitte à devoir repartir de zéro. Ne serai-ce que pour montrer que tout ce que j’ai réussi jusqu’ici, ce n’est pas grâce aux produits dopants, mais au travail et à mon talent. Depuis janvier, je ne suis plus positif, ce n’est pas pour cela que je n’ai pas fait de bons matches. Ce n’est pourtant pas facile de garder ça pour soi. Si j’ai réussi à faire abstraction de cette histoire pendant 3 mois, c’est précisément parce que j’ai la conscience tranquille. Croyez-moi, si j’avais fait une bêtise, je l’assumerais. Mais ce n’est pas le cas. Quel intérêt de prendre ce produit dans le foot où tant d’autres facteurs entrent en jeu ? Je n’ai jamais été un tricheur, et je ne veux pas payer les pots cassés. Je ne veux pas être le Ben Johnson du foot…
Un résumé de l’affaire en vidéo avec France 3 :
3 derniers matches pour accompagner la descente
Absent à Monaco, David Garcion est de retour le 17 avril pour un match à domicile contre Cannes. Ce qui n’est pas du goût de Guy *Ouin-ouin* Lacombe, l’entraîneur des Cannois, qui s’étonne de la présence du Lillois : « je n’ai rien contre David Garcion, ni contre Lille. Ce sont surtout les règlements qui me laissent perplexe. On veut parler d’éthique, on donne des leçons de morale aux entraîneurs et d’autres aspects sont tolérés. Comprenne qui pourra, mais cela me choque ». Sur le terrain, David Garcion n’a pas semblé perturbé ; il a même offert une passe « lumineuse » pour Boutoille, dont le but a été refusé. Mais Lille a encore perdu : « j’ai ressenti beaucoup de pression ces derniers temps, mais je m’y préparais depuis 3 mois. Personnellement, j’ai la conscience tranquille. Sur le terrain, je n’y ai pas pensé, j’en en fait abstraction. N’en déplaise à Guy Lacombe. Ce que qu’il a dit avant le match n’est pas très élégant. Il ne connaît pas le problème et se permet de juger. Ces choses-là ne se font pas ».
Fin de l’aventure avec le LOSC
Lors de la journée suivante, il n’est que remplaçant à Lens, à cause d’une douleur à la cheville (Lille perd). 4 jours après, il fait sa dernière prestation sous le maillot du LOSC contre le PSG, pour la 35e journée (Lille perd). Le 7 mai, la décision définitive de la commission d’appel de contrôle de dopage de la FFF tombe : sa suspension est réduite de 9 à 6 mois ferme, une peine « clémente » selon la VDN. « Notre décision est liée à de multiples facteurs, dont les arguments présentés par le joueur » selon Henry Coudane, président de la commission d’appel ; « le produit en question n’est pas venu par hasard, et les médicaments contenant ce produit ne sont pas commercialisées, sous forme orale, en France. Nous avons écouté les arguments du joueur, son avocat, le médecin du FC Nantes, et cette étude nous a fait prendre cette attitude ».
David Garcion réagit sans s’indigner : « je ne suis pas satisfait dans le mesure où j’estime n’avoir jamais rien pris, et j’espérais donc être complètement blanchi. Du moins, on m’a écouté, on a pris tous les détails de l’affaire en compte et c’est le plus important. Il va falloir que je digère un peu tout ça, mais dans la mesure où je suis le premier cas dans le football, ils ne pouvaient pas se permettre de ne pas prendre de sanctions. On va attendre un peu avant de me revoir, mais on me reverra ». Le président du LOSC, Bernard Lecomte, s’interroge sur le verdict et pose une bonne question : « je suis un peu insatisfait : faut-il comprendre qu’il est moins coupable qu’avant ? Je retiens toutefois que 6 mois de suspension, c’est une porte ouverte pour lui ». Concernant le LOSC, sa collaboration s’arrête : « il ne va plus être là, mais la séparation était programmée de toute façon. Je regrette simplement les conditions dans lesquelles elle s’effectue. Les membres de la commission d’appel ont pris leur décision en leur âme et conscience mais moi, ce que je sais, c’est que j’ai toujours apprécié l’homme ».
Une jurisprudence floue
Après David Garcion, d’autres joueurs ont été condamnés à la même sanction pour prise supposée de nandrolone (Guérin, Arribagé, Sibierski, Pouget, Dugarry…). Tous ont nié avoir volontairement pris quoi que ce soit, et la plupart d’entre eux ont finalement été blanchis pour des vices de forme, sans donc que la vérité scientifique ne soit établie, alors même que les joueurs se sont un temps transformés en avocats, en consultants des médecins et des chercheurs pour prouver leur bonne foi. On se rappelle notamment les efforts déployés par Antoine Sibierski qui, jamais reçu par la ministre des Sports, Marie-Georges Buffet, qui n’est pas commode, avait ostensiblement refusé de lui serrer la main lors de la finale Calais/Nantes en 2000 (c’est à 5’20 dans la vidéo). Il s’agit aussi de se souvenir qu’à son arrivée au ministère, Marie-Georges Buffet a placé la lutte antidopage parmi ses priorités fin 1997. Dès lors, les premiers cas de nandrolone ont permis d’affirmer et de mettre en scène l’intransigeance du ministère, mais sans s’assurer de la complète véracité des cas. Et la controverse scientifique est d’ailleurs toujours bien vive : dans un entretien accordée aux Cahiers du foot en 2000, Vincent Guérin, l’un des mis en cause, lui aussi blanchi pour vice de forme, racontait ses démarches et les incertitudes autour de la pertinence des résultats des contrôles, parmi lesquelles : des tests urinaires inopérants, des doutes sur une production endogène de nandrolone, des taux de positivité différents d’un pays à l’autre et d’autres aspects plus techniques que nous vous invitons à lire dans l’entretien. Si on croit comprendre que David Garcion a plaidé la prise de compléments alimentaires dont il ignorait une partie de la composition, des scientifiques ont pu montrer que ces compléments contenaient les mêmes métabolites que la nandrolone ; très concrètement, cela aurait pour effet de rendre positifs à la nandrolone des joueurs qui n’ont en fait pas pris de nandrolone. Quoi qu’il en soit, les taux des footballeurs contrôlés positifs sont si faibles (en comparaison avec l’athlétisme, où la prise volontaire de produits paraît bien plus établie) que le doute persiste quant à l’origine et à la quantité de la substance incriminée. Au moment de l’affaire Garcion, l’un des médecins du LOSC, Jean-Daniel Escande, déjà cité plus haut, avait tenu des propos maladroits, en affirmant que « le dopage aux anabolisants est un choix complètement inadapté pour un joueur de football », comme s’il existait un dopage plus adapté, ce qui revient presque à dire qu’il y en a effectivement un. Le doc ajoute : « la dose d’entraînement que subit un joueur de football est sans commune mesure avec ce que subit un athlète ou un haltérophile », preuve, selon lui, que l’usage d’anabolisants est étranger au milieu du football. Il reprend ainsi une argumentation consistant à dire que, puisque le football nécessite de la technique et de la tactique collective et qu’aucun dopage musculaire ne pourrait améliorer celles-ci, il n’y a donc pas de dopage (en oubliant qu’une meilleure condition physique permet probablement d’être plus clairvoyant et d’augmenter la probabilité de réussir ses gestes techniques).
Les dénégations des uns et les éléments que nous avons mentionnés ne font certainement pas du football un sport « propre » : de nombreux témoignages de médecins de club ou même de footballeurs laissent supposer bien des « surprises ». En 2005, la réaction du LOSC à une interview de son ex-médecin dans les Cahiers du foot avait suscité une réaction bien suspecte allant à l’encontre de l’effet que le club avait certainement voulu produire (l’interview du doc est là ; le « droit de réponse » du LOSC et le commentaire des Cahiers sont là). Dans le cas de David Garcion, même si on peut plaider que la naïveté est une faute pour un professionnel, force est de constater que les doutes autour de la procédure et de ses résultats n’ont pas bénéficié à l’accusé. Non seulement à court terme, puisqu’il a été suspendu, mais aussi à plus long terme, puisque qu’il n’a ensuite connu que 6 matches en L1 et une soixantaine en L2 (avec Guingamp et Caen), sans retrouver l’éclat de son passage lillois. Dans l’interview déjà mentionnée, Vincent Guérin parle de l’ancien Dogue : « c’est un garçon qui certainement n’avait rien pris et qui s’est fait massacrer. Je pense que sa carrière a tourné court à cause de ça ».
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