Archiver pour mai 2021
Posté le 29 mai 2021 - par dbclosc
A qui profite le trading ? L’illusion Gérard Lopez
« Si tu t’assieds à une table et qu’au bout d’une demi-heure t’as pas repéré le pigeon, c’est que le pigeon : c’est toi… »
Les joueurs, Mike McDermott
Selon Mickaël Terrien, maître de conférences en économie à l’Université de Lille, la stratégie de Gérard Lopez a bénéficié d’un soutien des supporters parce qu’ils « ont pensé qu’à force de faire des plus-values sur les transferts, elles allaient bénéficier au club ». Cette perception du modèle économique ignorait alors que cette manne « partait bien plus dans les commissions d’agent et dans les autres charges comme des commissions déguisées sous des frais de scouting. ». L’universitaire souligne également le manque de transparence de ce projet, soulignant par exemple qu’ « on ne sait pas qui est actionnaire de Scoutly [la société de scouting de Campos] donc on ne sait pas qui en a bénéficié » (1).
Ce manque de transparence constitue en effet bien une caractéristique de la gestion financière du LOSC de Gérard Lopez, puisque l’on constate à la fois une opacité certaine sur qui sont les bénéficiaires de ce projet mais aussi à propos de la réalité de la situation financière du club. Cela tient notamment au fait que, si les comptes étaient bien publiés annuellement au registre du commerce sous l’ère Seydoux, ils ne l’ont plus été tout au long du règne Lopez. Il n’empêche, en dépit de ce flou qui entoure la réalité des finances loscistes, les quelques informations qu’on peut trouver ici et là permettent d’étayer la thèse d’une stratégie extrêmement risquée et dont le succès semble peu compatible avec l’aléa sportif.
Une stratégie risquée de « trading »
Quatre ans et demi après l’arrivée de Gérard Lopez (qui a quitté ses fonctions il y a quelques mois), quel bilan de sa présidence peut-on faire de son quadriennat à la tête de notre club ? Sportivement, le bilan peut être considéré comme satisfaisant, puisque Lille a accroché la deuxième place du championnat en 2019, la quatrième l’année suivante, pour enfin aboutir au titre de champion de France en 2021 ! Certes, ce dernier titre a été obtenu sous la direction du président Létang, mais il est certain que ce résultat sportif est largement le produit des années précédentes et avec les joueurs de l’effectif construit sous l’ère Lopez. Si le LOSC s’est péniblement maintenu en 2018, il semble compliqué d’en faire Gérard Lopez le principal responsable ou, en tout cas, le seul. Et le jeu déployé a été des plus satisfaisants, pour ne pas dire qu’il a souvent été emballant.
D’un point de vue économique, la situation est plus complexe à évaluer. Schématiquement, sur la fin de l’ère Seydoux, le club a des recettes hors transferts (2) d’un peu moins de 60 millions d’euros par an et des dépenses d’environ 80 millions. Le club est alors structurellement déficitaire et est tenu de vendre chaque année pour 20 millions d’euros de plus qu’il n’achète pour rester à l’équilibre. Quand Gérard Lopez reprend le club au début de l’année 2017, il projette une stratégie de trading qui consiste à des investissements importants dans les transferts de joueurs qu’on espère pouvoir revendre ensuite avec une importante plus-value.
Si, comme avec Seydoux, cette stratégie implique in fine de faire davantage de ventes que d’achats, elle s’en distingue sur le fait qu’elle implique d’importants investissements au départ et, parallèlement, de faire de nombreuses ventes chaque année pour des sommes très conséquentes. Le problème d’une telle stratégie est qu’il est extrêmement dépendant de faits particulièrement aléatoires comme le fait qu’un joueur voit ou non sa valeur exploser sur le marché des transferts. Avec le LOSC, il est donc nécessaire pour Lopez de dépenser beaucoup en transfert (250 millions de transferts sous sa présidence) et de trouver des sources de revenus permettant de compenser ces investissements ainsi que le déficit structurel (qui dépasse donc les 20 millions par an).
C’est aussi une stratégie qui implique un accroissement des charges hors-mutations, notamment pour rémunérer différents prestataires qui permettent cette forte activité sur les marchés des transferts et notamment Scoutly dans le cas du LOSC. Comme on le voit sur le graphique suivant, alors que les charges hors-mutations étaient en baisse sur la fin de la présidence Seydoux, elles ont brusquement augmenté avec l’arrivée de Gérard Lopez, dépassant les 138 millions en 2018/2019.
Entre 2015/2016 et 2018/2019, ce sont d’abord les « autres charges » qui ont connu la plus forte croissance (+112%), même si les charges salariales ont également nettement cru (+45%). Toutefois, on imagine a priori qu’un gars capable de revendre 80 millions d’euros un joueur qui n’est plus coté que 38 millions deux ans plus tard est capable de faire des miracles pour trouver de nouvelles ressources pour le LOSC.
Toutefois, les bilan financiers publiés par la DNCG ne montrent pas d’augmentation significative des « produits hors-mutations ». Ainsi, la tendance à la baisse des produits constatée lors des dernières années de la présidence Seydoux n’a pas pu être pleinement enrayée avec l’arrivée de Gérard Lopez.
On constate ainsi un frémissement du côté des produits hors droits télé, mais une dépendance encore forte à ces droits dont on sait qu’ils sont déjà ordinairement incertains (car liés aux performances sportives et aux participations aux compétitions européennes). L’affaire du désengagement de Mediapro, qui semblait offrir de nouvelles ressources considérables aux clubs professionnels, n’a bien sûr pas arrangé l’affaire.
Et si le LOSC avait perdu de l’argent avec Osimhen ?
Le cas du transfert de Victor Osimhen à Naples illustre bien les différentes dimensions de la stratégie de Gérard Lopez à la tête du club. Fin juillet 2020, on apprend ainsi par la presse que l’attaquant nigérian est transféré chez les Napolitains pour un montant affiché de 81,3 millions d’euros. Sur le papier, la culbute peut apparaître en première lecture monstrueuse puisque il était arrivé à Lille un an plus tôt pour la somme de 12 millions d’euros, soit près de 70 millions d’euros de différence !
Pour autant, le bénéfice réel est bien moindre. La première raison tient au fait que le montant du transfert serait en réalité de 70 millions d’euros complétés par d’éventuels bonus dont on ne sait s’ils sont atteignables. Ensuite, il s’avère que Charleroi, le précédent club d’Osimhen avait négocié un pourcentage à la revente du joueur (15 % à la revente semble-t-il), ce qui fait que le coût réel du transfert du Nigérian a au final été bien plus coûteux que ce qui avait été annoncé initialement : selon Transfermarkt, Charleroi aurait reçu en définitive 22,4 millions pour ce transfert.
Il apparaît ensuite que l’accord sur ce transfert a été artificiellement gonflé, puisque Naples a négocié en contrepartie que Lille achète quatre de ses joueurs pour une somme totale de 20 millions d’euros. Parmi eux, Lille a recruté Orestis Karnezis, devenu la doublure de Mike Maignan. Dans son cas, s’il y a une logique sportive, on peut souligner que Lille n’aurait eu aucune difficulté à trouver un joueur de cet âge (35 ans) ou plus jeune à un niveau équivalent sans payer la moindre indemnité de transfert et qu’il était déjà très bien pourvu en potentielles doublures avec Jardim, Koffi et Chevalier. Dans le cas des trois autres, si certains ont cru y voir un nouveau bon coup de Campos qui aurait déniché de nouvelles « pépites », il est plus probable qu’il ne s’agisse que de transferts « de papier », les trois jeunes achetés par le club n’ayant que des perspectives médiocres de percer un jour au plus haut niveau (3) : le plus probable est que leur avenir footballistique se situe en Serie D ou dans les divisions régionales italiennes plutôt que dans l’élite française.
Le pourcentage à la revente ainsi que l’arrangement avec les Napolitains réduit donc déjà à 27,6 millions le bénéfice réalisé sur le transferts d’Osimhen. Cela reste une excellente affaire ? C’est peut-être l’une des meilleures du club, mais le profit est en réalité bien moindre que ce que pourrait laisser croire a priori de tels chiffres. Cette interprétation s’appuie sur les différentes coûts supplémentaires induits par la stratégie déployée, lesquels doivent être in fine intégrés à l’équation. A combien doit-on estimer ces coûts supplémentaires ? Il est plus difficile de répondre à cette question, mais on peut toutefois apporter des éléments de réflexion à ce propos.
Comme nous l’avons indiqué plus haut, les charges hors-mutation ont fortement augmenté sous Lopez passant de 80 millions d’euros en 2015/2016 à 136 millions en 2017/2018 puis 138 la saison suivante. Si l’on n’a pas les chiffres des deux saisons suivantes – les bilans n’ayant pas été publiés par la DNCG – on peut toutefois faire l’hypothèse qu’ils n’ont pas baissé, le plus probable étant même qu’ils soient plus élevés puisque les joueurs recrutés depuis ont vraisemblablement des salaires au moins aussi élevés que ceux qui sont partis et que l’importante activité sur le marché des transferts se soient en partie répercutée sur les charges. Sur quatre ans, le système mis en place a coûté environ 250 millions d’euros supplémentaires. Si on fait le rapport entre les 349 millions d’euros rapportés par les transferts et les 250 millions de charges supplémentaires, on peut calculer que chaque euro supplémentaire dans les charges équivaut à 1,40 euros de revenus issus des transferts. Bref, pour 70 millions euros de vente, le club a, en moyenne, dépensé … 51 millions d’euros sans même que soient compris dans ce calcul les investissements faits dans les transferts !
Ne serait-on pas un peu dans la merde ?
Le bilan de 350 millions d’euros de ventes peut apparaître colossal, mais il apparaît de suite bien moins reluisant mis en balance avec les 500 millions de dépenses nécessaires (4) pour l’atteindre. Certes, ce dernier constat doit également être nuancé, dans la mesure où l’effectif actuel du LOSC reste valorisé à un niveau élevé (297 millions selon Transfermarkt), mais il faut avoir en tête que cette valeur nous dit finalement peu de choses des sommes que le club récupérera réellement pour les transferts de ces joueurs et de la capacité du club à se pérenniser à un haut niveau malgré ces ventes. Un premier enjeu pour le club sera de réaliser de bonnes ventes tout en conservant un effectif suffisamment qualitatif pour maintenir des performances suffisantes au niveau national pour obtenir le plus régulièrement possibles des qualifications européennes, si possible en C1.
Le deuxième enjeu pour pouvoir équilibrer les finances du club tient aux marges de manœuvre qu’aura Létang pour réduire les charges du club qui ont atteint un niveau particulièrement élevé sous l’ère Lopez. Il est probable qu’une partie conséquente de ces charges soient variables et directement liées à la stratégie de trading et qu’elles pourront alors être supprimées dès lors que le club aura décidé de changer de stratégie. Toutefois, nous ne pouvons même pas l’affirmer : est-il certain que les arrangements contractuels relatifs aux joueurs transférés sous l’ère Lopez n’aient pas déjà scellé les conditions des rémunérations des prestataires qui on travaillé sur ces dossiers ? Autrement dit, n’est-il pas déjà contractuellement défini qu’un forfait ou un pourcentage doive être reversé à certains « intermédiaires » à la revente des joueurs actuellement sous contrat à Lille ? Si c’était le cas, la marge de manœuvre des dirigeants lillois pour réorienter la stratégie en faisant baisser les charges serait extrêmement réduite.
Par ailleurs, et comme nous l’avons souligné plus haut, une autre partie de l’augmentation de ces charges tient à l’inflation salariale, essentiellement due aux contrats des joueurs, laquelle est plus difficile à gérer à court terme. L’une des interrogations à ce propos tient à la capacité qu’aura la direction à réduire l’effectif professionnel de la manière la moins coûteuse possible. La question se pose notamment pour les joueurs sous contrat mais dont les perspectives de percer en équipe première sont faibles : Létang parviendra-t-il à les transférer contre des indemnités de transfert ? Ou faudra-t-il se contenter de les libérer gratuitement ? Ou encore, faudra-t-il les conserver dans l’effectif avec les charges salariales que cela implique ?
De ce point de vue, la stratégie la plus efficace pour renflouer les caisses consisterait à vendre en priorité les joueurs qui ont à la fois un salaire élevé et une cote importante sur le marché des transferts. Renato Sanches, dont le salaire est d’environ 300.000 euros bruts (soit un coût, cotisations comprises, de 5 millions par an) et dont la valeur est estimée à 28 millions d’euros constitue à ce titre l’exemple-type du joueur dont il faudrait se séparer vite pour équilibrer les comptes. Mais un tel choix pourrait se heurter à d’autres contraintes : Boubakary Soumaré qui joue au même poste que Sanches est sur le point de rejoindre Leicester. En se séparant des deux, Lille pourrait espérer 50 millions d’euros et économiser 6 millions de salaires mais n’aurait plus aucun de ses numéro 8 de métier. C’est toute la difficulté des dirigeants lillois pour les années à venir : maintenir un effectif qualitatif, tout en vendant relativement massivement.
Quelles perspectives pour les années à venir ?
Le plus probable – si l’on abandonne bien la stratégie de trading – est donc que les charges hors mutations du LOSC baissent dans les saisons à venir mais qu’elles restent à un niveau au moins aussi élevé – et sans doute supérieur – que celui qu’on connaissait dans les dernière années de la présidence de Michel Seydoux. Le plus probable est aussi que le club s’appuie largement, au moins dans un premier temps, sur les transferts des joueurs pour chercher à atteindre l’équilibre économique et qu’il ne trouve pas immédiatement de nouvelles sources de revenus pérennes. Là est pourtant tout l’enjeu si le LOSC souhaite se maintenir durablement parmi les principaux clubs du pays.
En effet, l’ « échec » de Michel Seydoux, sur ces dernières années a tenu au fait que les produits hors mutations étaient systématiquement inférieurs aux charges : schématiquement, il fallait vendre chaque année pour une vingtaine de millions d’euros de plus qu’il n’était investi dans les transferts de joueurs. La question qui se posait alors était de savoir si Gérard Lopez allait se montrer capable de diversifier les sources de revenus ou s’il n’allait se reposer que sur le trading. Plus de quatre ans plus tard, la réponse semble sans équivoque : il a été presque entièrement dépendant de ce trading et le LOSC fait sur ce point moins bien que des clubs qui pourraient nous sembler plus modestes (comme Rennes et Saint-Etienne) et reste à des années lumières de ses concurrents directs (comme Marseille et Monaco).
En supposant que le LOSC parvienne à un niveau de charges moyen de 100 millions d’euros sur les prochaines années (ce qui nous semble une hypothèse optimiste) tout en restant à un niveau équivalent de produits, il manquerait d’emblée 36 millions chaque année pour équilibrer les comptes, et ce sans même tenir compte des transferts de joueurs lissés sur la durée du contrat (5). Or, ces amortissements de joueurs pèsent déjà lourds dans les bilans à venir puisqu’ils représentent près de 120 millions d’euros de 2021 à 2025 selon nos estimations.
Dès lors, avec 36 millions de produits hors mutations de moins que les recettes par an, soit 144 millions sur quatre saisons, le LOSC devrait trouver plus de 260 millions de recettes par le biais des compétitions européennes et des ventes des joueurs pour parvenir à l’équilibre, soit 65 millions par an en moyenne. Et tout cela sans investir le moindre euro sur le marché des transferts. Et il n’apparaît pas que la stratégie soit de ne pas investir du tout sur le marché des transferts, notamment si l’on considère que Lille envisage de recruter Paul Bernardoni, coté à 10 millions d’euros, pour remplacer Mike Maignan qui vient de rejoindre Milan.
Etait-il réaliste d’imaginer une efficacité du trading sur le long terme ?
Parmi les raisons avancées aux difficultés financières actuelles du LOSC, on voit parfois avancer l’argument du caractère imprévisible du désistement de Mediapro et de la « crise du covid ». Dans le cas de Mediapro, on pourrait au contraire retourner l’argument : était-il prévisible, en janvier 2017, quand Gérard Lopez a repris le club, qu’un diffuseur mette autant d’argent sur la table que n’allait le faire Mediapro pour les droits de diffusion de la Ligue 1 ? Tout au moins, il faut bien admettre que si l’explosion de ces droits télé avait pu être envisagée, elle relevait tout au plus de la spéculation quand Lopez décide d’investir dans le LOSC. Quant à la crise du covid, soulignons qu’elle a d’abord eu un impact sur les recettes de billetterie qui, fort heureusement pour nous, ne constitue qu’une part relativement modeste des produits du club.
Surtout, là où l’argument pèche, c’est que, à défaut d’informations sur les bilans financiers des clubs depuis 2019 (donc avant les évènements précités), les seules analyses que l’on peut réaliser sont des estimations construites sur la base des années précédentes et des transferts réalisés ensuite. Or, on se rend compte que même en s’appuyant sur des estimations « si tout va bien », les perspectives s’avèrent loin d’être rassurantes. D’une certaine manière, on pourrait presque avancer la thèse selon laquelle ces « crises » apparaissent comme une bénédiction pour Gérard Lopez dans la mesure où elles lui fournissent des arguments pour justifier l’échec d’un projet qui y était déjà voué.
En effet, nous avons essayer d’estimer plus haut les produits nécessaires pour atteindre l’équilibre financier dans l’hypothèse où les dirigeants parviendraient à réduire les charges hors-mutations aux alentours des 100 millions par an. De plus, nous avons également mené nos raisonnements dans l’hypothèse selon laquelle le club n’investirait plus que marginalement sur le marché des transferts. Dès lors, si l’on veut estimer les produits nécessaires dans le cas où Lopez serait resté, il faut ajouter une quarantaine de millions de charges hors-mutations à laquelle on doit ajouter environ 50 à 60 millions d’euros en moyenne d’investissements dans les transferts. En estimant les produits hors-mutations à 60 à 70 millions par an, cela signifie que le LOSC aurait dû trouver chaque année 130 millions d’euros par le biais des transferts et des qualifications européennes.
En tablant sur 25 millions de rentrées liées aux compétitions européennes en moyenne par an (ce qui est en réalité très ambitieux), Lille aurait dû encore vendre pour plus de 100 millions par an pour atteindre cet équilibre. Surtout, cette stratégie implique de faire tenir conjointement ces deux objectifs dans la mesure où les bons résultats soutiennent à la hausse la valeur marchande des joueurs : il faut donc vendre suffisamment peu pour que les résultats n’en pâtissent pas, mais tout de même assez pour ne pas être déficitaire.
C’est là toute la difficulté de l’équation. Le titre de champions acquis cette saison peut laisser penser que le schéma est réaliste, le LOSC réalisant là un résultat inespéré. Mais il l’a réalisé sans parvenir à l’équilibre financier, échouant à répondre à l’une des exigences qu’implique cette stratégie. Et encore, ces estimations ne correspondent qu’à une situation dans laquelle le club n’augmente pas son déficit sans qu’il ait encore remboursé ses dettes. Il n’est donc pas abusif de dire que, si cette stratégie a permis au LOSC de devenir champion cette saison, il s’agit d’une « victoire à crédit ».
La faute au « système » ?
Face à ces observations, beaucoup affirment que la stratégie mise en place par le LOSC est la seule viable pour pouvoir espérer pouvoir concurrencer les plus grands clubs français. C’est sans doute exact. Il n’empêche, si tout supporter espère voir son club triompher, on peut toutefois s’interroger sur la conception qui semble réduire l’intérêt du football à cette seule finalité. On peut se demander si il n’y a pas une forme de cécité partagée y compris par certains supporters quand, face à la stratégie des dirigeants actuels (en tout cas ce qu’on peut en voir), certains se demandent s’il n’y aurait pas mieux valu « prendre le risque » de maintenir la stratégie de Lopez plutôt que de changer de cap vers un futur qui apparaît moins grisant. Qu’un club puisse mourir est une chose. Prendre un risque mortel pour ce club dans l’espoir – sans doute vain – de pouvoir aller encore plus haut est encore autre chose.
Pourtant, le constat de cette cécité partagée par nombre de supporters traduit à notre sens une réelle perversité d’un système qui amène ses perdants à en devenir les principaux défenseurs. Car, oui, les supporters sont de toute évidence les perdants de ce système. Ils sont d’abord les perdants dans la mesure où l’accroissement considérable des budgets des clubs au cours des 40 dernières années a été largement financé par eux-mêmes ou par le contribuable (donc en partie encore eux!) sans même qu’ils s’en rendent tout à fait compte. Le supporter devient la vache à lait consentante d’une armée de parasites qui s’est petit à petit greffée au milieu du football. Ils sont ensuite les perdants car il semble que jamais les supporters n’ont été autant expropriés de leur influence sur leurs propres clubs de cœur. Il est important que les clubs restent d’abord la « propriété » – ne serait-ce que symbolique – des supporters. Cela n’a sans doute jamais été aussi peu le cas qu’aujourd’hui.
Crédit: Goodmorninglille.org
Il pourrait nous apparaître risible de voir certain des nôtres défendre bec et ongle la stratégie de trading de Gérard Lopez tout en se plaignant régulièrement des ventes de nos meilleurs joueurs en pointant benoîtement que « l’argent pourrit le foot ». C’est en réalité assez inquiétant, puisque cela traduit la réussite des parasites du football à faire croire aux supporters au mythe selon lequel ils pourraient espérer avoir le beurre et l’argent du beurre. Succès d’une vision libérale valorisant la réussite individuelle sans jamais s’interroger sur les conséquences réelles des réussites de ces soi-disant self-made men : dans ce monde merveilleux, il n’y aurait pas de lien entre l’enrichissement des uns et l’appauvrissement des autres. L’évidence voudrait que l’on constate combien cette vision peut apparaître naïve tant la réalité des faits ne cesse de la contredire. Éblouis que nous sommes par les promesses jamais tenues d’un avenir footballistique luxueux, nous ne voyons même plus les risques réels que font prendre pour le football une poignée de parasites engoncés dans leurs certitudes.
FC Notes
(2) Quand nous parlons « hors-transferts », nous nous appuyons sur chiffres issu des rapports de la DNCG publiés par la LFP desquels nous déduisons les frais de mutation.
(3) Nous nous sommes demandés au départ si les transferts de ces trois joueurs ne relevaient pas davantage de la rumeur que de la réalité tant cela semblait gros. Mais avec Gérard, tout est possible, surtout si cela paraît absurde, les transferts ayant bien été officialisés comme le confirme Le Petit Lillois:https://www.lepetitlillois.com/2020/09/10/manzi-liguori-et-palmieri-sur-le-site-de-la-ligue-et-de-la-fff/. Pour la petite histoire, à peine transférées à Lille, les trois pépites ont été prêtées à Naples qui les a prêtées à Fermana en Serie C. A eux trois, les Napolito-lillois ont été titularisés à 13 reprises au cours de la saison 2020/2021.
(4) 250 Millions de charges supplémentaires auxquels il faut ajouter environ 250 millions d’investissements dans les transferts.
(5) Par exemple, quand Renato Sanches signe un contrat de 5 ans à l’été 2019 pour une somme de 20 millions d’euros, cette somme est étalée sur les budgets des cinq saisons suivantes pour 4 millions par saison.
Posté le 27 mai 2021 - par dbclosc
La formation du LOSC concourt aussi hors des terrains
Mardi avait lieu la finale du concours d’éloquence des jeunes footballeuses lilloises : une bonne occasion de s’intéresser à l’une des facettes hors des terrains du centre de formation du LOSC, et en particulier de sa section féminine.
À l’aube de la saison 2017/2018, au moment où le LOSC venait de célébrer sa montée en D1, Rachel Saïdi, alors joueuse et coordinatrice des U7 aux U19, nous disait : « le LOSC forme aussi bien des joueuses de haut niveau que les femmes de demain ». En appui de cette déclaration, la (désormais) coach nous expliquait que le club cherche à accompagner ses joueuses dans une triple dimension : sportive bien sûr, mais aussi scolaire et éducative. L’événement organisé ce mardi 25 mai à l’Opéra de Lille permet d’exemplifier très concrètement l’activité « extra-sportive » du LOSC à destination de son centre de formation. En effet, se déroulait la finale du concours d’éloquence des jeunes footballeuses du LOSC (U16 et U17), 3 mois après son équivalent masculin : le concours, organisé au théâtre Sébastopol, avait alors été remporté par Gédéon Elonga, né en 2006.
Détachons-nous donc pour une fois des terrains de football et revenons sur ce concours, qui illustre la dimension « totalisante » que prennent désormais les clubs de football professionnels, à la différence d’autres époques où ces derniers se contentaient de former des sportifs, et rien que des sportifs. Or, le ratio entre le nombre de joueurs passés par un centre de formation et le nombre de joueurs devenus professionnels reste très faible. C’est ce que nous évoquait par exemple Joël Dolignon, le papa de Camille, passé par le centre de formation du LOSC à la fin des années 1980 et au début des années 1990 : « il n’y avait pas grand chose pour les jeunes du centre de formation (…) À l’époque, ce n’était pas une préoccupation du club de penser à l’avenir de ses jeunes hors du foot. Beaucoup de mecs de ma génération ont eu des galères professionnelles après le foot ». Voilà donc les club et leurs centres de formation engagés dans des actions dites « citoyennes », « engagées », et se tournant vers le monde de l’entreprise ou vers la société civile pour permettre à leurs membres de découvrir d’autres horizons, non seulement au cas où ces jeunes ne feraient pas carrière dans le football… mais aussi au cas où ces jeunes feraient carrière dans le football ! Dans la lignée des propos de Rachel Saïdi rappelés en début d’article, Patrick Robert, président de LOSC-association et maître de cérémonie de ce concours, rappelle dans son propos inaugural qu’il a « toujours considéré que la formation ne s’arrêtait pas aux limites d’un terrain de football (…) On a toujours formé des hommes, des femmes et des jeunes filles dans plusieurs dimensions : ce sont des bons footballeurs, des bonnes footballeuses, mais aussi des hommes complets et des femmes complètes, dans la tête et dans le corps ». En somme : Mens Sana in Corpore Sano, littéralement « un esprit sain dans un corps sain » (on fait les intellos car vous allez voir qu’il y a de la concurrence). Une philosophie qui se développe dans d’autres centres de formation, comme l’a récemment traité So Foot.
Cette évolution est commune aux filles et aux garçons (on sait par exemple que, via LOSC formation, Luchin est aussi un lieu d’apprentissage du bac) et, en raison des moyens moindres du football féminin, cette tendance a tendance à se prolonger particulièrement chez les footballeuses, pour lesquelles la carrière sportive professionnelle, en plus d’être moins rémunératrice, est aussi plus incertaine. Si la section féminine a, depuis quelques années, réussi à fidéliser quelques partenaires qui permettent précisément de concilier d’un côté cette vie sportive à la lisière de l’amateurisme et du professionnalisme et, de l’autre, concomitamment, des activités diversifiées qui sont autant de reconversions potentielles, son équilibre reste fragile et passe par beaucoup d’imagination, et ce pour attirer et fidéliser des joueuses. Le passage, l’an dernier, de 5 à 12 contrats fédéraux en D2 a permis de régler une partie du problème financier, mais cela n’exclut pas les ambitions « citoyennes ». On aura l’occasion de revenir très prochainement sur l’actualité de l’équipe première de la section féminine et sur la saison écoulée, grâce à un entretien avec l’une des joueuses.
Revenons au concours d’éloquence : fruit d’un mois et demi de préparation encadré par notamment par Sofiane Talbi (Directeur Adjoint de LOSC Formation), il associe la Fondaction du football (représentée par Fantine Tessereau), qui se donne pour mission de « promouvoir une vision citoyenne du football, d’en rappeler les vertus éducatives et d’encourager l’innovation sociale et l’intégration du développement durable dans le football » ; Prométhée Education, association d’accompagnement des lycéens, représentée par Mohamed Slim. On note également le concours du lycée Jean Perrin et l’accompagnement des joueuses de l’équipe première : Gwenaelle Devleeschauwer, Maité Boucly, Choé Marty, Agathe Olliver, Silke Demeyere, Carla Polito, Salomé Elisor, toutes présentes, de même qu’Elisa Launay, Aurore Paprzycki et Frédéric Coudrais, Team Manager. Sont également présents des représentants des partenaires économiques de la section (le Crédit Mutuel, Pédiconfort), et le lauréat masculin du concours d’éloquence, Gédéon Elonga.
Photo piquée sur le twitter du LOSC féminines : Gwenaelle Devleeschauwer, Maité Boucly et l’incroyable Silke Demeyere participent au tournage du teasing du concours, ici avec Lou Chiron Allard
De façon très significative, Jean-Michel Vandamme, de retour à la tête de la formation, est présent : il souligne qu’ « il n’y a pas de formation de football sans éducation, sans savoir-faire, sans culture, sans intelligence ». Dès lors, ce type de concours « apprend à faire un effort sur soi-même, à bien se connaître ; quand on se connaît bien, on peut aller plus loin ». Avec cette présence dans l’Opéra et la présence de l’adjointe lilloise à la culture, Marie-Pierre Bresson, tout est fait pour montrer les passerelles entre le sport et la culture, « deux secteurs parfois mis en opposition dans l’imaginaire collectif » pointe Fantine Tessereau. La directrice de l’opéra, Caroline Sonrier, évoque même le football comme étant un « art » et suggère une idée qu’on a hâte de voir à l’oeuvre : « on aurait de la graine à apprendre de votre parcours. On devait faire des concours sur votre domaine, vous viendriez nous juger et voir comment on arrive à pratiquer votre art ».
Venons-en au contenu : chaque participante est invitée à présenter durant 3 à 6 minutes une « plaidoirie », c’est-à-dire une position argumentée sur un problème donné. Notre question n’a pas été retenue, la voici : « comment expliquer scientifiquement que des joueuses de D2 soient plus sensibles au COVID que des joueuses de D1, ce qui justifie qu’on les empêche de jouer au foot ? ». Jugée trop complexe et insoluble, elle a été écartée par un jury intransigeant, composé de : Patrick Robert, président de LOSC Association ; Rachel Saïdi, coach de l’équipe première ; Caroline La Villa, Responsable Eveil et coach U19 ; Arnaud Mahieu, Pédiconfort ; José Mariage, Président de LOSC Formation ; Benjamin Paillart Crédit Mutuel ; Mohamed Slim, Prométhée Education ; Caroline Sonrier, Directrice de l’Opéra de Lille ; Fantine Tessereau, Fondaction du Football ; Alain Wallyn, Responsable Préformation.
Sur divers sujets existentiels (à commencer par Lou Chiron Allard qui se demande si on peut « triompher de la mort ») , les jeunes femmes argumentent sur le fond, mais soignent aussi la forme puisque, parmi les critères de notation de jury figurent l’aisance orale (intonation, expression, capacité à convaincre, vocabulaire) et la présentation (respect du temps, gestuelle, capacité à se détacher de ses notes écrites). Elles rejettent les préjugés et mobilisent des références scientifiques, comme Léa Popieul, qui rappelle ce que les avancées scientifiques et techniques doivent au doute et même à l’erreur ; des références sociologiques, comme les footballeuses devant discuter la vieille opposition entre inné et acquis (Maéliss Gérard, Eden Froleux, Joséphine Vanuxeem) ; des références philosophiques (Deborah Piette cite Spinoza, Marine Lemaître Eschyle, Maysane Khelefi questionne le bien et le mal, Manon Mahieu cite Voltaire, Lou Chiron Allard Platon, Céleste Paris expose ses réflexions sur la vérité et le mensonge) ; elles s’interrogent sur le quotidien (Agathe Lauworia sur la générosité, Deborah Piette sur la consommation, Lilou Drieux sur le mensonge, Eva Lagache sur ce que signifie « réussir sa vie », Agathe Fabre sur l’usage des réseaux sociaux et la « tentation du paraître », Elmira Djaraoui sur les jugements hâtifs du quotidien) ; et on trouve aussi des références footballistiques, puisque Léona Boddaert évoque la « main de Dieu » de Maradona en 1986 quand elle se demande si le résultat est supérieur à la manière, Anaïs Milleville sur l’importance du collectif, et Manon Mahieu fait référence à la VAR sur un sujet concernant « l’erreur ».
Étonnamment, personne n’a cité Socrate, qui est pourtant l’un des rares à avoir su allier une brillante carrière de philosophe et de footballeur, et ce à plusieurs siècles d’intervalle, ce qui est d’autant plus remarquable.
Voici le verdict :
Coup de coeur du jury : Joséphine Vanuxeem
3e : Léa Popieul
2e : Deborah Piette
1e : Lou Chiron Allard
Le LOSC aura ainsi deux jeunes de son centre de formation (si vous avez bien suivi : un garçon, Gédéon Elonga, et une fille, Lou Chiron Allard) lors de la grande finale nationale mercredi prochain à Paris. Bravo aux organisatrices et organisateurs, aux participantes, et bonne chance aux deux représentant.es du LOSC !
Voici le détail des sujets des plaidoiries :
Léona Boddaert : Le résultat est-il supérieur à la manière ?
Agathe Fabre : Être ou paraître ?
Anaïs Milleville: Vaut-il mieux gagner tout seul ou gagner à plusieurs ?
Eva Lagache : Réussir sa vie, c’est être riche ?
Lilou Drieux : Le mensonge est-il parfois un mal nécessaire ?
Marine Lemaitre : Peut-on justifier la violence ?
Deborah Piette : Être libre, est-ce faire ce que l’on veut ?
Léa Popieul : Douter permet-il d’avancer ?
Maéliss Gérard : On naît ce que l’on est, ou devient-on ce que l’on est ?
Agathe Lauworia : Donner ou recevoir ?
Maysane Khelefi : La gentillesse est-elle une faiblesse ?
Elmira Djaraoui : Doit-on juger les autres ?
Manon Mahieu : L’erreur est-elle nécessaire ?
Céleste Paris : Faut-il préférer le bonheur à la vérité ?
Lou Chiron Allard : Peut-on triompher de la mort ?
Eden Froleux et Joséphine Vanuxeem : Sommes-nous le fruit de notre environnement ou de nos choix ?
Posté le 26 mai 2021 - par dbclosc
Est-ce fair-play d’exécuter un penalty ?
Notre article sur le site des cahiers du foot, avec le Nord, et particulièrement l’Olympique Lillois, comme terrain d’enquête !
Posté le 5 mai 2021 - par dbclosc
Lens/Lille 1997 : des funérailles en trompe-l’oeil
En avril 1997, le LOSC se déplace à Lens pour un derby à mille lieues de la fête du match aller : en novembre, à Grimonprez-Jooris, les deux clubs étaient dans le haut de tableau et rêvaient d’Europe. Ils s’affrontent cette fois pour sauver leur place en D1. Dans un contexte particulièrement hostile, le LOSC laisse échapper ses ultimes chances de maintien. Mais la vitrine du club ne reflète pas vraiment son arrière-boutique : le LOSC est sur la bonne voie.
On a déjà évoqué la saison 1996-1997 et son irrégularité dans cet article. Pour beaucoup, le déroulement de cette saison et son issue restent un mystère, tant le décalage entre un premier tiers de saison remarquable puis deux derniers tiers catastrophiques est immense à un point tel qu’il semble difficile à expliquer rationnellement. L’année 1997 ressemble ainsi à une chute que rien ne semble pouvoir arrêter, avec de lourdes défaites, un jeu en déliquescence, et toute la poisse qu’un club à qui rien ne sourit peut accumuler (buts bêtes, blessures à répétition, décisions arbitrales défavorables…). L’un des points d’orgue de cette infernale spirale est probablement la soirée que le LOSC a vécue au stade Bollaert le 26 avril : ce soir-là, pour la 34e journée de championnat, les Dogues s’inclinent de nouveau, face à leur voisin, à l’issue d’un match qui illustre une fois de plus l’impuissance de l’équipe. Avec, en prime, sur et en dehors du terrain, une atmosphère hostile propre au derby qui, si elle peut paraître de bonne guerre en temps « normal », a ici fait particulièrement mal. Revenons donc ici sur cette soirée, les semaines qui l’ont précédée, et les conséquences de cette nouvelle défaite.
En chute libre
Le 6 novembre 1996, en battant Lens 2-1, le LOSC était 4e. Un classement inespéré au regard de l’état du club et de son effectif, qui empêchait depuis quelques années d’envisager des ambitions qui auraient placé le club à une meilleure place que 15e, avec la 18e attaque. Porté par un Becanovic désormais buteur, un milieu de terrain créatif (Banjac, Garcion, Renou), quelques vieux briscards (Aubry, Collot, Duncker, Hitoto) et sa jeunesse formée au club (Carrez, Dindeleux, Leclercq), le LOSC se dirige donc vers un maintien tranquille et rêve même d’Europe. Cinq mois plus tard, on ne rêve plus : on prie.
Lors de la fin de l’année civile 1996, après cette victoire contre Lens, peu s’inquiètent de ce qui ressemble déjà à une sacrée baisse de régime (seulement 3 points pris en 7 matches jusqu’à Noël). Après tout, il a notamment fallu affronter le PSG et Auxerre, et les joueurs, après un si formidable spectacle pendant 3 mois, ont légitimement dû avoir un petit coup de mou. À la trêve, avec 29 points, il manque 12 points au LOSC sur les 15 matches qui restent pour être quasi-assuré du maintien : une formalité, croit-on, pour un club habitué à se battre jusqu’au bout pour sa survie. Mais Lille ne prendra que… 6 points. Domination stérile (Bordeaux, 0-0), défaite de dernière minute (Guingamp, 0-1), grosses branlées (Marseille, 1-5 ; Strasbourg, 2-4), défaite sur pénalty imaginaire (Nantes, 0-1), défaite sur but-casquette après 14 secondes (Caen, 0-1)… Tout y passe. Roger Hitoto est blessé pour plusieurs mois ; Becanovic, qui s’est fait marcher sur la main par Meszoly à l’entraînement, doit porter une attèle qui le prive de 3 matches en février ; Arnaud Duncker manque un match sur deux à cause de son genou ; Pascal Cygan, Patrick Collot, Bojan Banjac connaissent aussi des blessures à un moment ou à un autre ; Thierry Rabat ; et David Garcion est pris dans une histoire de dopage présumé.
Seule éclaircie : Lille bat Nancy en mars, mais au moment où les Dogues ont retrouvé leur « rang » : celui d’une équipe qui lutte pour le maintien. À la différence près que, cette fois, le LOSC vient d’« en haut » et est sur une pente salement glissante, ce qui laisse présager des dispositions mentales assez affectées. Après un nouveau désastre collectif contre Montpellier fin mars à domicile (0-4), Jean-Michel Cavalli est écarté et remplacé par le duo Samoy/Gauthier.
Vas-y, prends la pose avec la Une du journal qui annonce l’éviction du mec que tu remplaces, ce sera du meilleur effet !
Nouvelle défaite à Monaco
À leur arrivée, les nouveaux entraîneurs ont, logiquement, un discours d’union : il s’agit de focaliser tous ses efforts sur l’objectif de maintien du club. Ainsi, Charly Samoy déclare à la Voix du Nord : « je m’attache surtout à rassembler. Ce qui importe aujourd’hui, c’est que tout le monde aille dans le même sens. J’ai trouvé en arrivant une atmosphère un peu lourde. Mais c’est normal dans une équipe qui ne gagne pas. Je ne m’attendais pas, c’est évident, à ce que tout le monde saute au plafond… (…) Pour ce qui concerne les joueurs, le passé ne m’intéresse pas. J’ai tenu à leur parler vrai. Je leur ai dit que nous n’allions pas innover en 3 jours, pour le plaisir d’innover. Nous les avons mis devant leurs responsabilités. Le président leur a dit d’entrer dans un « monastère » pendant deux mois, de tout donner pour sauver le LOSC. J’ai trouvé, je vous l’assure, des joueurs réceptifs. Qui ont vraiment envie de s’en sortir ».
Dans l’immédiat, le LOSC a un déplacement à Monaco, leader. Pas de miracle : le LOSC s’incline de nouveau (0-2), après avoir bien résisté pendant une heure. Mais, peu après la mi-temps, Cédric Carrez a été expulsé ; à 10 contre 11, c’était évidemment plus compliqué. Les Lillois, comme Jean-Marie Aubry, dénoncent cependant une « simulation » d’Anderson à l’origine de l’expulsion : « ce soir, on est victime d’une décision fatale. Quand Anderson tombe seul, l’arbitre, qui n’a rien vu, se fie aux 200 spectateurs du stade qui crient. C’est scandaleux ».
Au soir de la 32e journée, le LOSC est 17e avec 33 points, premier relégable (il y a 4 relégations cette saison), mais bien loin d’être largué car, devant, Cannes (36 points), Le Havre, Rennes et Lens (35 points) semblent à portée. Mais la dynamique est si négative…
Un problème physique ?
Une mini-trêve d’une dizaine de jours va permettre de travailler. Le 17, le LOSC recevra Cannes, pour un match qu’il faudra absolument gagner. La Voix du Nord rapporte que les Lillois ont mis la barre très haut à l’entraînement « afin de vite retrouver des garanties physiques qui s’étaient, dit-on étiolées ». C’est ce que confirme tranquillement Samoy : « notre chance, c’est de pouvoir disposer d’une mini trêve de 10 jours avant la venue de Cannes. À Monaco, les joueurs m’ont semblé « courts » dans les duels. À ce niveau, un tel retard ne pardonne pas. On va donc travailler pour être prêts ». Fabien Leclercq déclare également que, depuis quelques matches, les joueurs ne parviennent plus à suivre le rythme au-delà d’une heure de jeu. Tiens donc : voilà qui expliquerait (en partie) les défaites à Guingamp sur un but à la 90e, contre Strasbourg (2-4, avec deux buts strasbourgeois dans les 10 dernières minutes), à Marseille (1-5, alors que le LOSC menait à la pause), à Nantes (but à la 75e), puis contre Montpellier (4 buts encaissés à partir de la 68e). Et voilà qui expliquerait, au-delà des buts encaissés, cette incroyable pagaille qui s’empare de la défense lilloise à chaque match, Jean-Marie Aubry se retrouvant très souvent seul face un ou plusieurs adversaires ! Bernard Lecomte tient à partager sa stupéfaction et ses espoirs : « même si je suis sidéré d’apprendre que nous ne sommes pas prêts physiquement, j’y crois ».
La découverte de cet aspect nous a rappelé ce que Djezon Boutoille nous a dit à propos de la préparation de l’été 1996 avec Jean-Michel Cavalli : « on a fait une préparation qui était légère : on a passé une semaine ou 10 jours dans les maquis, du côté de Bastia. Quand on revient, on est vraiment sur un effet de fraîcheur, sur un gros effet de fraîcheur, et les résultats arrivent vite. Et il me semble qu’en janvier, on refait une préparation, et là on sent que le groupe est en difficulté sur l’aspect athlétique. Et on explose totalement sur la deuxième partie de saison, on ne gagne plus un match ».
Djezon évoque une autre préparation en janvier : en effet, l’effectif est allé durant la première semaine de janvier à Tunis (22 joueurs pros + 3 stagiaires : Machado, Turpin et Agueh, qui remplaçait Arphexad, blessé). Selon Jean-Michel Cavalli, « le but du stage [était] de profiter du climat pour travailler le foncier. Lors de ma première année, avec Jean Fernandez, ça m’avait marqué : nous étions restés sur Lille à la trêve hivernale et je m’étais aperçu que l’on ne pouvait pas travailler dans de bonnes conditions. La saison dernière, nous sommes donc allés au Maroc. Le climat en Afrique du Nord, à cette époque, est idéal pour travailler, car il ne fait pas trop chaud ». La Voix des Sports du 6 janvier 1997 évoque un « menu de préparation physique très copieux ». Les Lillois en profitent pour jouer un match amical contre le Club Africain de Tunis1. À leur retour, un nouveau match amical est programmé à Ennequin, contre le Red Star (D2). Sur un terrain enneigé, Lille offre une prestation lamentable et s’incline (0-1). Jean-Michel Cavalli propose une explication tout à fait recevable : « nous avons bien travaillé durant le stage, notamment sur le plan athlétique. On subit désormais le contrecoup. Maintenant, on va essayer de récupérer, d’avaler la dose de travail fournie et préparer au mieux ce match contre l’OM2 ». Mais Lille ne montrera pas beaucoup mieux au cours du premier semestre 1997, comme si la charge de travail physique de ce stage en Tunisie n’avait jamais été digérée… ou plutôt, si l’on se rappelle, déjà, les performances de décembre, et ce qu’avance Djezon sur la préparation estivale « légère », le LOSC aurait donc tiré son épingle du jeu jusque novembre grâce à un « effet de fraîcheur », avant de ne plus pouvoir rivaliser. Et la période de « sur-régime » n’a pas permis de compenser la période d’essoufflement. C’est même pire que ça : la préparation estivale aurait grillé la saison du LOSC, qui n’est plus en capacité de relever la tête, et ce stage hivernal en aurait été, dès janvier, un terrible révélateur.
Encore des joueurs en moins
La Voix du Nord est présente à l’entraînement du 7 avril au Grand Carré : « la première partie de la semaine sera plutôt « musclée » au LOSC. Dans l’esprit des nouveaux « patrons », c’est le prix à payer pour arriver en parfaite condition devant les Cannois ». Bojan Banjac et Philippe Lévenard en sont dispensés pour « fragilité passagère » ; Thierry Rabat arrive en retard car il effectue un stage d’entraîneur à Liévin (bonjour le « monastère » hein) ; et Arnaud Duncker commence la séance avant de « s’arrêter brutalement » : « les perspectives ne sont pas très bonnes à son sujet ». Au-delà du physique à régler, l’accent est également mis sur la cohésion du groupe, avec une sortie collective au golf de Mormal, où les joueurs ont pour coach Marion Verspieren, sixième joueuse française. Pour se rassurer avant Cannes, les Lillois programment en fin de semaine un match amical contre Dunkerque (National 1). Résultat : match nul et blessure d’Anthony Garcia. Quel succès !
« Affreux, affreux, affreux… »
Le 17 avril, Lille reçoit Cannes. Le match illustre une nouvelle fois ce qui tombe sur une équipe à qui rien ne réussit : tout le monde s’accorde pour souligner le bon match des Lillois mais ils s’inclinent. Du fait des blessés, Collot est aligné… arrière droit. Boutoille croit pourtant ouvrir le score, mais son but est refusé pour, a priori, une faute de Becanovic (« une faute pas du tout évidente qui serait peut-être passée inaperçue dans des stades plus bouillants ») ; Cannes marques 3 minutes après après une perte de balle de Leclercq ; dans la foulée, Becanovic manque un pénalty (alors qu’il avait transformé les 4 précédents qu’il avait tirés) ; Thierry Rabat est à ce point conspué par son propre public que ses entraîneurs préfèrent le sortir à la pause ; en seconde période, Les Dogues se heurtent à un gardien cannois en grande forme (devant Dindeleux puis Banjac) mais parviennent tout de même à égaliser (Becanovic, 67e). Et alors que l’on croit l’équipe capable d’aller chercher la victoire, « trop obnubilée par l’idée de gagner » elle cède sur une des rares incursions cannoises (86e)… Le LOSC voit s’échapper Cannes, bien sûr, mais aussi Rennes et Lens, qui ont gagné. Seul Le Havre paraît encore à portée de fusil… et derrière, Nancy et Caen reviennent !
C’est désormais mission « quasi-impossible » pour Samoy. Et aussi pour la Voix du Nord : « quelle tristesse, quelle désolation ! » ; « Jamais la relégation en D2 n’a été si menaçante » ; « Faut-il encore croire au LOSC ? » ; « quelle désillusion, quelle descente aux enfers » ; « affreux, affreux, affreux… » – expression favorite de la marionnette de Jean-Pierre Papin aux Guignols ; et enfin « c’était le match de la mort… de Lille ». Prochaine étape : Lens ! Pour une cérémonie funèbre ? Djezon Boutoille tente de garder espoir : « l’année dernière, on s’est sauvés en gagnant à Paris. Cette fois, il faudra gagner à Lens… ».
Hervé Gauthier s’en va
Trois jours avant le match, Hervé Gauthier officialise… son départ à Laval, à l’issue de la saison. Apparemment, il n’avait jamais fait mystère de ses intentions, quelle que soit l’issue de la saison, et la direction du club avait été mise au courant depuis deux mois et donc, n’a pas été prise au dépourvu. Mais tout de même, sur la forme, on peut toujours regretter que ce genre d’officialisation ne sème un trouble quant à l’implication d’un de ceux censés oeuvrer à temps plein à l’objectif maintien.
De la place pour deux
Outre le match mettant aux prises deux équipes en proie au doute, son contexte est « envenimé par quelques déclarations malheureuses de Gervais Martel » qui, dans France Football, « a cru bon devoir jeter un peu d’huile sur le feu. En substance, il explique qu’il n’y a a plus place dans la région pour deux clubs en division 1. Elégant ! Et propose, comme solution, que le LOSC devienne en quelque sorte une filiale de son club ». Nous avons restitué cette interview ici. Le jour du match, lendemain de la publication dans France Football, Bernard Lecomte réagit.
Bernard Lecomte, votre réaction aux propos du président Martel ?
D’abord, il se trompe, parce qu’il y a tout à fait place pour deux clubs. La métropole lilloise compte suffisamment de population pour qu’il y ait ici un club qui tienne la route, qui ait une envergure européenne. Pour peu qu’il y ait une volonté politique et une mobilisation autour de lui. Toute l’énergie dépensée autour du projet Lille 2004 a prouvé que c’était possible…
Ces propos tombent-ils au bon moment, la veille du derby ?
Disons qu’il a peut-être voulu nous déstabiliser. Il faut savoir qu’il n’est pas le seul à penser cela. Que des conseillers régionaux pensent la même chose…3 Mais ce n’est pas la majorité. Et puis, franchement, ça ne m’indispose pas plus que cela !
Ce n’est pas la première fois qu’une telle idée arrive sur le tapis…
C’est vrai, mais en début de saison, quand nous étions bien placés, personne ne parlait plus de cela. Cela dit, si la ville de Lille, le principal actionnaire, en venait là, il n’y aurait rien à dire. Mais je ne serai pas le président qui effectuerait ce travail-là.
Revenons à l’actualité. Ce derby, c’est celui de tous les dangers ?
Il vaudrait mieux ne pas le perdre, en effet. Mais pour tout dire, je suis moins angoissé que ces dernières années. Avant, si nous descendions, c’était la mort. Ce n’est plus le cas maintenant. Je suis très déçu, évidemment, de la tournure des événements. C’est dur à supporter, surtout après ce que nous avons vécu durant la première partie de championnat.
La descente en division 2, vous vous êtes fait à cette idée ?
Je reprends ma casquette de gestionnaire et je me dis alors qu’il ne serait pas raisonnable de ne pas l’envisager. Et puis, si nous descendons, nous ferons tout pour remonter très vite. Mais nous n’y sommes pas encore… J’espère que les joueurs vont se battre et y croire jusqu’au bout.
Ce derby s’annonce chaud.
Ça devrait chauffer, en effet, mais il importe de garder sa sérénité, de faire en sorte qu’il se déroule dans les meilleures conditions. Il est grand temps, cela dit, que cette mauvaise série s’arrête. Et je souhaite que mes joueurs soient des guerriers.
En réaction aux déclarations du président Martel, William Sheller compose Un homme heureux, dont les paroles – signées Bernard Lecomte – font directement référence au fait qu’il y a bel et bien « de la place pour deux » :
Et moi j’te connais à peine
Mais ce s’rait une veine
Qu’on s’en aille un peu comme eux
On pourrait se faire sans qu’ça gêne
De la place pour deux
Avant le match, les présidents se sont rencontrés, rapporte la Voix du Nord. Ils ont même bavardé « un bon moment » ; « pour que je puisse donner mon point de vue » précise Bernard Lecomte. Les deux hommes prennent ensuite la parole devant la presse, à quelques minutes du coup d’envoi : « en tenant de tels propos, dit Gervais « euh ! » Martel, je ne vise qu’un objectif : défendre les intérêts du sport nordiste qui est en pleine déliquescence. On n’a plus de grands clubs, ni de grands sportifs comme jadis. Pour rivaliser avec les gros bras, il faudrait une seule entité footballistique ». Selon Bernard Lecomte, « Gervais Martel a peut-être peur de l’avenir. Aussi prend-il les devants. Moi, je n’ai pas peur. Il y a la place pour deux clubs dans le Nord ! Sa réflexion, sur le fond, n’est pas foncièrement inintéressante. Mais la forme m’a profondément déplu. Avant un derby de cette importance, en mon absence… ».
Un pied dans la tombe
« Malheur au vaincu » annonce la VDN : comme novembre est loin ! Lens, comme Lille, a dégringolé et a changé d’entraîneur en mars : Roger Lemerre a remplacé Slavo Muslin. Et du côté des Sang & Or, ça va mieux : depuis l’arrivée de Lemerre, Lens a pris 8 points en 4 matches. Lille reste bloqué avec ses 33 points tandis que les Lensois, avec 38 points, seraient presque sauvés en cas de victoire contre les Dogues. Ce derby a donc des airs de dernière chance pour le LOSC.
Il a beaucoup plu durant la journée. Conséquence directe : le terrain est mouillé. Du côté de l’effectif, Cédric Carrez, après son expulsion à Monaco, a vu sa peine réduite de 2 à 1 match de suspension : « j’avais déjà manqué le match aller à cause d’une expulsion à Cannes. Rater aussi le retour aurait été insupportable ». Eh bien en raison d’une cheville douloureuse, Cédric Carrez démarre sur le banc ; tout comme David Garcion, pour la même raison. Si l’on ajoute les absences de Duncker, Garcia et Hitoto, ça fait beaucoup ! Les entraîneurs du LOSC alignent en défense centrale Gaël Sanz, qui joue son premier match de la saison… et son deuxième en D1, après une titularisation au Parc des Princes en octobre 1994. Ce soir-là, il était chargé du marquage de George Weah, qui avait inscrit un doublé. L’idée est de dynamiser le groupe en apportant un peu d’imprévu.
Le LOSC peut tout de même se satisfaire d’aligner 8 nordistes sur la feuille de match : Boutoille, Carrez, Coulibaly, Cygan, Dindeleux, Leclercq, Machado, Sanz. Voici l’équipe alignée :
Aubry ;
Leclercq, Sanz, Dindeleux, Cygan ;
Collot, Rabat, Coulibaly, Banjac ;
Becanovic, Boutoille.
L’affluence est modeste pour un stade de cette capacité (29 700 spectateurs), mais il n’est pas nécessaire d’être à guichets fermés pour assurer un mauvais accueil à ses invités. Lors de l’entrée des joueurs sur le terrain, la tribune Marek affiche une banderole annonçant en substance la mort du LOSC, tandis que des dizaines de cercueils avec de sympathiques messages tels que « La SPA en deuil, le LOSC en D2 », sont brandis. Il faut bien entretenir la réputation de « meilleur public de France » ! Djezon Boutoille nous a raconté à quel point cet accueil l’avait marqué : « on se souvenait (…) de cette fameuse banderole avec le cercueil dans les tribunes du stade Bollaert. C’était en 1997, on avait perdu 1-0, et cette défaite nous envoyait quasiment en D2. Encore aujourd’hui, j’ai l’impression de toujours voir cette grande banderole ». En octobre 2020, dans la Voix des Sports, Samoy est également revenu avec amertume sur cet épisode : « en 1997, à Bollaert, je n’ai jamais digéré cet immense cercueil frappé des noms de Bernard Lecomte (le président), Pierre Dréossi (le manager sportif) et du mien dans la tribune Marek. C’était violent. Les dirigeants lensois n’avaient pas bougé. Ça m’avait révolté »4.
Dans la continuité
Comme depuis quelques semaines, le LOSC n’affiche pas – plus – un visage ridicule. La Voix du Nord souligne un début de match « tonique » des Dogues, comme en témoigne l’avertissement adressé à Pascal Cygan dès la 5e minute. Mais Lille est aussi tout proche de céder rapidement : Smicer marque, mais son but est refusé, à juste titre, pour hors-jeu. Collot frappe de loin (8e), puis une action partie de Leclercq, relayée par Collot, arrive sur Becanovic dans la surface : il parvient à centrer mais personne ne reprend, « Warmuz est bien aise de constater que personne n’était là pour reprendre le centre du Monténégrin » (22e). « Il n’y avait ni explosions, ni gestes limpides dans les rangs lillois. Mais ça tenait ». Et c’est évidemment où Lile se crée sa situation la plus dangereuse qu’il encaisse un but : Delmotte ouvre vers Brunel, bien seul, qui contrôle, s’excentre, dribble Aubry et marque, malgré les retours de Leclercq et de Sanz (24e) : quelques lillois protestent pour la forme, mais Leclercq, « un peu mollasson dans sa remontée défensive », couvrait Brunel.
À la 28e minute, Vairelles, seul aux 6 mètres sur un corner de Debève, met généreusement au-dessus. La dernière occasion de la première période est lensoise, avec Smicier, qui frappe au-dessus (44e)
Changement à Lille à la pause, mais changement contraint : Coulibaly, touché aux adducteurs, est remplacé par Garcion. Une échappée d’Arsène et un « alignement » manqué de la défense lilloise poussent Aubry et Collot à sauver les meubles (48e). Puis c’est au tour de Cygan de se faire une béquille et d’être remplacé par Lévenard (50e). Sous vos applaudissements, le même Lévenard, un quart d’heure plus tard, se fait une élongation et est remplacé par Carrez. Entretemps, Warmuz est intervenu sur un centre de Boutoille (52e), et Garcion a frappé à côté (53e).
Le match n’est pas passionnant, mais tant que les Lillois n’ont qu’un but de retard, tout reste possible. Mais ont-ils seulemen tles armes pour recoller ? « Les lillois, à défaut d’inspirations claires et de soutiens efficaces en attaque, avaient du courage à revendre » ; à mesure qu’avance le match, les Lensois se crispent et deviennent fébriles, mais les Dogues ne semblent pas pouvoir en profiter : « le LOSC n’arrivait toujours pas à ordonner correctement son jeu, la liaison milieu/attaque se révélant trop souvent improductive. La volonté, la hargne lilloises bridaient des lensois devenus fébriles et maladroits ». Même si Boutoille se fait de plus en plus pressant, ce sont finalement les Lensois, par Dallet (79e), puis Déhu (88e), qui parviennent à frapper, sans réel danger toutefois.
Le LOSC s’incline donc une nouvelle fois, au terme d’un triste derby (« ce ne fut pas un grand derby et il ne pouvait pas en être autrement ») : « les Lillois ne réussirent pas un mauvais début avec une équipe rajeunie. Ils furent solides mais impuissants à trouver la faille dans la défense artésienne. On n’eût guère la sensation qu’ils pouvaient marquer malgré une seconde période où ils jouèrent leur va-tout (…) « Ah ! Si le LOSC avait eu des munitions… ».
En dépit d’un Aubry toujours exemplaire, d’un Rabat « sous un meilleur soir », et d’un Sanz qui s’est est bien tiré, Lens précipite donc la chute lilloise.
« Le LOSC n’est pas mort »
Bollaert, à l’adresse des Lillois, scande « ce n’est qu’un au revoir », ce qui est somme toute est assez gentil.
Dans l’immédiat, Lens est quasi-sauvé, et Lemerre affiche sa satisfaction, tout en saluant les Lillois : « ce qui m’a fait le plus plaisir, ce soir, c’est la fierté et la force des hommes. Et je ne parle pas seulement de mon équipe. Les Lillois méritent également le respect, pour leur comportement général et leurs dispositions offensives en deuxième mi-temps. Ils nous ont posé des problèmes, c’est clair. Nous avons gagné mais rien n’est fait. Avec l’aide précieuse de l’attaque, le Racing n’a pas pris de but aujourd’hui. Ce n’est pas simplement une formule. C’est le reflet d’un match au cours duquel la solidarité lensoise a une nouvelle fois été décisive ». Hervé Gauthier essaie de trouver du positif et regarde l’avenir : « la défaite nous amène quand même des satisfactions. On a essayé de bien jouer et l’équipe a répondu présente. Nous sommes battus comme d’habitude de façon idiote. Ensuite, on a des opportunités qu’on ne saisit pas. Maintenant, il ne faut pas se décourager. Les jeunes ont été là. C’est pour ça que le LOSC n’est pas mort ! Il y avait, aujourd’hui, l’envie, l’esprit d’entreprise, la présence ». Samoy, moins positif, rumine sur l’accueil (« avant, il y avait une grosse rivalité, mais j’ai l’impression qu’il y avait quand même plus de respect ») et en remet une couche sur le physique : « il nous a manqué un petit quelque chose pour ramener un point. Dommage, on prend un but bête au moment où l’équipe était bien en place. Après, il a fallu courir après le score. L’avenir, c’est mercredi ! Mais j’ai peur qu’on ait un problème de récupération. On a fini le match marqués ». Et les joueurs ne sont pas marqués que physiquement : Djezon Boutoille déclare : « ce sera un chassé-croisé jusqu’à la dernière journée. On doit continuer à y croire. Mais je dois admettre que je suis un peu abattu ». Pegguy Arphexad, quant à lui, confirme qu’il fait tout à l’envers : « tant qu’il y a de l’espoir il y a de la vie ».
Le LOSC, dépassé par Nancy, est désormais 18e, à 3 points de la 16e place, occupée par Le Havre. Les Normands viendront à Grimonprez-Jooris, mais avant, le PSG viendra, et il faudra aussi aller à Lyon… Dès le mercredi suivant, pas de miracle : Lille s’incline face à Paris (0-1, et Becanovic, blessé, sort à la 30e…) et officialise sa descente en D2 contre Le Havre, dans une ambiance toutefois assez festive.
On en avait parlé ici, Bernard Lecomte est très en vue dans les médias en cette fin de saison, comme s’il cherchait à prendre sur lui une partie de la responsabilité de cet échec (après tout, il est président), mais surtout à attirer l’attention sur l’essentiel : le LOSC peut supporter une descente, ce qui n’était pas le cas lors des dernières années. Après la stupéfaction provoquée par l’écroulement sportif de l’équipe, avec transparence et pédagogie, Lecomte affirme que le club travaille, et que ce travail de fond finira par payer, fût-ce au prix d’une descente : « je suis assez marqué, c’est vrai, par tout ça. C’est un sentiment de tristesse, pas de renoncement. Et puis je trouve que ça ne se passe pas si mal. On ne m’a pas incendié ma voiture ou insulté dans la rue. C’est un moment difficile, mais nous travaillons. Avec Jean Charles Cannone, avec Pierre Dréossi. Je me suis fixé un plan de 5 ans, qui viendra à terme en juin 1998. À ce moment-là, on verra. Pour le moment, les investisseurs ne viennent pas, selon eux, parce qu’il y a toujours cette dette. Cet argument-là ne tiendra plus ».
« Approchez, approchez ! Bernard Lecomte et sa célèbre boîte à idées ! Désenvoûtement, impuissance sexuelle, abandon de l’alcool et du tabac, permis de conduire !
Fait revenir l’être aimé(e), ressuscite vos clubs de foot favoris ! »
Le LOSC traversera bien d’autres crises, en D2, et coups bas de Gervais Martel ; mais, comme Bernard Lecomte l’avait annoncé, pendant que le LOSC souffrait sportivement, il se structurait et, progressivement, les bonnes personnes étaient placées au bon endroit. En quelque sorte, le LOSC a reculé pour mieux sauter et, pour son retour en D1 en 2000, prendra 6 points à son voisin. La roue tourne. À tel point que, le 10 mai 2008, les rôles seront inversés : en battant Lens, les Lillois envoient les Sang & Or en deuxième division.
Notes :
1 Match initialement prévu le 5 janvier, mais reporté au 6 en raison de la mort du joueur Hédi Benrekhissa au cours du match Espérance de Tunis/Lyon.
2 En théorie, le LOSC doit affronter Marseille le 18 janvier en coupe de France. Mais divers rebondissements ont décalé le match à Valence, le 4 février. On en a parlé ici.
4 Puis il ajoute : Ce qui est arrivé à Lens, en finale de la Coupe de la Ligue (banderole anti-Chti déployée par les supporters du PSG au stade de France), c’est en quelque sorte la fable de l’arroseur arrosé… ».