Posté le 5 mai 2021 - par dbclosc
Lens/Lille 1997 : des funérailles en trompe-l’oeil
En avril 1997, le LOSC se déplace à Lens pour un derby à mille lieues de la fête du match aller : en novembre, à Grimonprez-Jooris, les deux clubs étaient dans le haut de tableau et rêvaient d’Europe. Ils s’affrontent cette fois pour sauver leur place en D1. Dans un contexte particulièrement hostile, le LOSC laisse échapper ses ultimes chances de maintien. Mais la vitrine du club ne reflète pas vraiment son arrière-boutique : le LOSC est sur la bonne voie.
On a déjà évoqué la saison 1996-1997 et son irrégularité dans cet article. Pour beaucoup, le déroulement de cette saison et son issue restent un mystère, tant le décalage entre un premier tiers de saison remarquable puis deux derniers tiers catastrophiques est immense à un point tel qu’il semble difficile à expliquer rationnellement. L’année 1997 ressemble ainsi à une chute que rien ne semble pouvoir arrêter, avec de lourdes défaites, un jeu en déliquescence, et toute la poisse qu’un club à qui rien ne sourit peut accumuler (buts bêtes, blessures à répétition, décisions arbitrales défavorables…). L’un des points d’orgue de cette infernale spirale est probablement la soirée que le LOSC a vécue au stade Bollaert le 26 avril : ce soir-là, pour la 34e journée de championnat, les Dogues s’inclinent de nouveau, face à leur voisin, à l’issue d’un match qui illustre une fois de plus l’impuissance de l’équipe. Avec, en prime, sur et en dehors du terrain, une atmosphère hostile propre au derby qui, si elle peut paraître de bonne guerre en temps « normal », a ici fait particulièrement mal. Revenons donc ici sur cette soirée, les semaines qui l’ont précédée, et les conséquences de cette nouvelle défaite.
En chute libre
Le 6 novembre 1996, en battant Lens 2-1, le LOSC était 4e. Un classement inespéré au regard de l’état du club et de son effectif, qui empêchait depuis quelques années d’envisager des ambitions qui auraient placé le club à une meilleure place que 15e, avec la 18e attaque. Porté par un Becanovic désormais buteur, un milieu de terrain créatif (Banjac, Garcion, Renou), quelques vieux briscards (Aubry, Collot, Duncker, Hitoto) et sa jeunesse formée au club (Carrez, Dindeleux, Leclercq), le LOSC se dirige donc vers un maintien tranquille et rêve même d’Europe. Cinq mois plus tard, on ne rêve plus : on prie.
Lors de la fin de l’année civile 1996, après cette victoire contre Lens, peu s’inquiètent de ce qui ressemble déjà à une sacrée baisse de régime (seulement 3 points pris en 7 matches jusqu’à Noël). Après tout, il a notamment fallu affronter le PSG et Auxerre, et les joueurs, après un si formidable spectacle pendant 3 mois, ont légitimement dû avoir un petit coup de mou. À la trêve, avec 29 points, il manque 12 points au LOSC sur les 15 matches qui restent pour être quasi-assuré du maintien : une formalité, croit-on, pour un club habitué à se battre jusqu’au bout pour sa survie. Mais Lille ne prendra que… 6 points. Domination stérile (Bordeaux, 0-0), défaite de dernière minute (Guingamp, 0-1), grosses branlées (Marseille, 1-5 ; Strasbourg, 2-4), défaite sur pénalty imaginaire (Nantes, 0-1), défaite sur but-casquette après 14 secondes (Caen, 0-1)… Tout y passe. Roger Hitoto est blessé pour plusieurs mois ; Becanovic, qui s’est fait marcher sur la main par Meszoly à l’entraînement, doit porter une attèle qui le prive de 3 matches en février ; Arnaud Duncker manque un match sur deux à cause de son genou ; Pascal Cygan, Patrick Collot, Bojan Banjac connaissent aussi des blessures à un moment ou à un autre ; Thierry Rabat ; et David Garcion est pris dans une histoire de dopage présumé.
Seule éclaircie : Lille bat Nancy en mars, mais au moment où les Dogues ont retrouvé leur « rang » : celui d’une équipe qui lutte pour le maintien. À la différence près que, cette fois, le LOSC vient d’« en haut » et est sur une pente salement glissante, ce qui laisse présager des dispositions mentales assez affectées. Après un nouveau désastre collectif contre Montpellier fin mars à domicile (0-4), Jean-Michel Cavalli est écarté et remplacé par le duo Samoy/Gauthier.
Vas-y, prends la pose avec la Une du journal qui annonce l’éviction du mec que tu remplaces, ce sera du meilleur effet !
Nouvelle défaite à Monaco
À leur arrivée, les nouveaux entraîneurs ont, logiquement, un discours d’union : il s’agit de focaliser tous ses efforts sur l’objectif de maintien du club. Ainsi, Charly Samoy déclare à la Voix du Nord : « je m’attache surtout à rassembler. Ce qui importe aujourd’hui, c’est que tout le monde aille dans le même sens. J’ai trouvé en arrivant une atmosphère un peu lourde. Mais c’est normal dans une équipe qui ne gagne pas. Je ne m’attendais pas, c’est évident, à ce que tout le monde saute au plafond… (…) Pour ce qui concerne les joueurs, le passé ne m’intéresse pas. J’ai tenu à leur parler vrai. Je leur ai dit que nous n’allions pas innover en 3 jours, pour le plaisir d’innover. Nous les avons mis devant leurs responsabilités. Le président leur a dit d’entrer dans un « monastère » pendant deux mois, de tout donner pour sauver le LOSC. J’ai trouvé, je vous l’assure, des joueurs réceptifs. Qui ont vraiment envie de s’en sortir ».
Dans l’immédiat, le LOSC a un déplacement à Monaco, leader. Pas de miracle : le LOSC s’incline de nouveau (0-2), après avoir bien résisté pendant une heure. Mais, peu après la mi-temps, Cédric Carrez a été expulsé ; à 10 contre 11, c’était évidemment plus compliqué. Les Lillois, comme Jean-Marie Aubry, dénoncent cependant une « simulation » d’Anderson à l’origine de l’expulsion : « ce soir, on est victime d’une décision fatale. Quand Anderson tombe seul, l’arbitre, qui n’a rien vu, se fie aux 200 spectateurs du stade qui crient. C’est scandaleux ».
Au soir de la 32e journée, le LOSC est 17e avec 33 points, premier relégable (il y a 4 relégations cette saison), mais bien loin d’être largué car, devant, Cannes (36 points), Le Havre, Rennes et Lens (35 points) semblent à portée. Mais la dynamique est si négative…
Un problème physique ?
Une mini-trêve d’une dizaine de jours va permettre de travailler. Le 17, le LOSC recevra Cannes, pour un match qu’il faudra absolument gagner. La Voix du Nord rapporte que les Lillois ont mis la barre très haut à l’entraînement « afin de vite retrouver des garanties physiques qui s’étaient, dit-on étiolées ». C’est ce que confirme tranquillement Samoy : « notre chance, c’est de pouvoir disposer d’une mini trêve de 10 jours avant la venue de Cannes. À Monaco, les joueurs m’ont semblé « courts » dans les duels. À ce niveau, un tel retard ne pardonne pas. On va donc travailler pour être prêts ». Fabien Leclercq déclare également que, depuis quelques matches, les joueurs ne parviennent plus à suivre le rythme au-delà d’une heure de jeu. Tiens donc : voilà qui expliquerait (en partie) les défaites à Guingamp sur un but à la 90e, contre Strasbourg (2-4, avec deux buts strasbourgeois dans les 10 dernières minutes), à Marseille (1-5, alors que le LOSC menait à la pause), à Nantes (but à la 75e), puis contre Montpellier (4 buts encaissés à partir de la 68e). Et voilà qui expliquerait, au-delà des buts encaissés, cette incroyable pagaille qui s’empare de la défense lilloise à chaque match, Jean-Marie Aubry se retrouvant très souvent seul face un ou plusieurs adversaires ! Bernard Lecomte tient à partager sa stupéfaction et ses espoirs : « même si je suis sidéré d’apprendre que nous ne sommes pas prêts physiquement, j’y crois ».
La découverte de cet aspect nous a rappelé ce que Djezon Boutoille nous a dit à propos de la préparation de l’été 1996 avec Jean-Michel Cavalli : « on a fait une préparation qui était légère : on a passé une semaine ou 10 jours dans les maquis, du côté de Bastia. Quand on revient, on est vraiment sur un effet de fraîcheur, sur un gros effet de fraîcheur, et les résultats arrivent vite. Et il me semble qu’en janvier, on refait une préparation, et là on sent que le groupe est en difficulté sur l’aspect athlétique. Et on explose totalement sur la deuxième partie de saison, on ne gagne plus un match ».
Djezon évoque une autre préparation en janvier : en effet, l’effectif est allé durant la première semaine de janvier à Tunis (22 joueurs pros + 3 stagiaires : Machado, Turpin et Agueh, qui remplaçait Arphexad, blessé). Selon Jean-Michel Cavalli, « le but du stage [était] de profiter du climat pour travailler le foncier. Lors de ma première année, avec Jean Fernandez, ça m’avait marqué : nous étions restés sur Lille à la trêve hivernale et je m’étais aperçu que l’on ne pouvait pas travailler dans de bonnes conditions. La saison dernière, nous sommes donc allés au Maroc. Le climat en Afrique du Nord, à cette époque, est idéal pour travailler, car il ne fait pas trop chaud ». La Voix des Sports du 6 janvier 1997 évoque un « menu de préparation physique très copieux ». Les Lillois en profitent pour jouer un match amical contre le Club Africain de Tunis1. À leur retour, un nouveau match amical est programmé à Ennequin, contre le Red Star (D2). Sur un terrain enneigé, Lille offre une prestation lamentable et s’incline (0-1). Jean-Michel Cavalli propose une explication tout à fait recevable : « nous avons bien travaillé durant le stage, notamment sur le plan athlétique. On subit désormais le contrecoup. Maintenant, on va essayer de récupérer, d’avaler la dose de travail fournie et préparer au mieux ce match contre l’OM2 ». Mais Lille ne montrera pas beaucoup mieux au cours du premier semestre 1997, comme si la charge de travail physique de ce stage en Tunisie n’avait jamais été digérée… ou plutôt, si l’on se rappelle, déjà, les performances de décembre, et ce qu’avance Djezon sur la préparation estivale « légère », le LOSC aurait donc tiré son épingle du jeu jusque novembre grâce à un « effet de fraîcheur », avant de ne plus pouvoir rivaliser. Et la période de « sur-régime » n’a pas permis de compenser la période d’essoufflement. C’est même pire que ça : la préparation estivale aurait grillé la saison du LOSC, qui n’est plus en capacité de relever la tête, et ce stage hivernal en aurait été, dès janvier, un terrible révélateur.
Encore des joueurs en moins
La Voix du Nord est présente à l’entraînement du 7 avril au Grand Carré : « la première partie de la semaine sera plutôt « musclée » au LOSC. Dans l’esprit des nouveaux « patrons », c’est le prix à payer pour arriver en parfaite condition devant les Cannois ». Bojan Banjac et Philippe Lévenard en sont dispensés pour « fragilité passagère » ; Thierry Rabat arrive en retard car il effectue un stage d’entraîneur à Liévin (bonjour le « monastère » hein) ; et Arnaud Duncker commence la séance avant de « s’arrêter brutalement » : « les perspectives ne sont pas très bonnes à son sujet ». Au-delà du physique à régler, l’accent est également mis sur la cohésion du groupe, avec une sortie collective au golf de Mormal, où les joueurs ont pour coach Marion Verspieren, sixième joueuse française. Pour se rassurer avant Cannes, les Lillois programment en fin de semaine un match amical contre Dunkerque (National 1). Résultat : match nul et blessure d’Anthony Garcia. Quel succès !
« Affreux, affreux, affreux… »
Le 17 avril, Lille reçoit Cannes. Le match illustre une nouvelle fois ce qui tombe sur une équipe à qui rien ne réussit : tout le monde s’accorde pour souligner le bon match des Lillois mais ils s’inclinent. Du fait des blessés, Collot est aligné… arrière droit. Boutoille croit pourtant ouvrir le score, mais son but est refusé pour, a priori, une faute de Becanovic (« une faute pas du tout évidente qui serait peut-être passée inaperçue dans des stades plus bouillants ») ; Cannes marques 3 minutes après après une perte de balle de Leclercq ; dans la foulée, Becanovic manque un pénalty (alors qu’il avait transformé les 4 précédents qu’il avait tirés) ; Thierry Rabat est à ce point conspué par son propre public que ses entraîneurs préfèrent le sortir à la pause ; en seconde période, Les Dogues se heurtent à un gardien cannois en grande forme (devant Dindeleux puis Banjac) mais parviennent tout de même à égaliser (Becanovic, 67e). Et alors que l’on croit l’équipe capable d’aller chercher la victoire, « trop obnubilée par l’idée de gagner » elle cède sur une des rares incursions cannoises (86e)… Le LOSC voit s’échapper Cannes, bien sûr, mais aussi Rennes et Lens, qui ont gagné. Seul Le Havre paraît encore à portée de fusil… et derrière, Nancy et Caen reviennent !
C’est désormais mission « quasi-impossible » pour Samoy. Et aussi pour la Voix du Nord : « quelle tristesse, quelle désolation ! » ; « Jamais la relégation en D2 n’a été si menaçante » ; « Faut-il encore croire au LOSC ? » ; « quelle désillusion, quelle descente aux enfers » ; « affreux, affreux, affreux… » – expression favorite de la marionnette de Jean-Pierre Papin aux Guignols ; et enfin « c’était le match de la mort… de Lille ». Prochaine étape : Lens ! Pour une cérémonie funèbre ? Djezon Boutoille tente de garder espoir : « l’année dernière, on s’est sauvés en gagnant à Paris. Cette fois, il faudra gagner à Lens… ».
Hervé Gauthier s’en va
Trois jours avant le match, Hervé Gauthier officialise… son départ à Laval, à l’issue de la saison. Apparemment, il n’avait jamais fait mystère de ses intentions, quelle que soit l’issue de la saison, et la direction du club avait été mise au courant depuis deux mois et donc, n’a pas été prise au dépourvu. Mais tout de même, sur la forme, on peut toujours regretter que ce genre d’officialisation ne sème un trouble quant à l’implication d’un de ceux censés oeuvrer à temps plein à l’objectif maintien.
De la place pour deux
Outre le match mettant aux prises deux équipes en proie au doute, son contexte est « envenimé par quelques déclarations malheureuses de Gervais Martel » qui, dans France Football, « a cru bon devoir jeter un peu d’huile sur le feu. En substance, il explique qu’il n’y a a plus place dans la région pour deux clubs en division 1. Elégant ! Et propose, comme solution, que le LOSC devienne en quelque sorte une filiale de son club ». Nous avons restitué cette interview ici. Le jour du match, lendemain de la publication dans France Football, Bernard Lecomte réagit.
Bernard Lecomte, votre réaction aux propos du président Martel ?
D’abord, il se trompe, parce qu’il y a tout à fait place pour deux clubs. La métropole lilloise compte suffisamment de population pour qu’il y ait ici un club qui tienne la route, qui ait une envergure européenne. Pour peu qu’il y ait une volonté politique et une mobilisation autour de lui. Toute l’énergie dépensée autour du projet Lille 2004 a prouvé que c’était possible…
Ces propos tombent-ils au bon moment, la veille du derby ?
Disons qu’il a peut-être voulu nous déstabiliser. Il faut savoir qu’il n’est pas le seul à penser cela. Que des conseillers régionaux pensent la même chose…3 Mais ce n’est pas la majorité. Et puis, franchement, ça ne m’indispose pas plus que cela !
Ce n’est pas la première fois qu’une telle idée arrive sur le tapis…
C’est vrai, mais en début de saison, quand nous étions bien placés, personne ne parlait plus de cela. Cela dit, si la ville de Lille, le principal actionnaire, en venait là, il n’y aurait rien à dire. Mais je ne serai pas le président qui effectuerait ce travail-là.
Revenons à l’actualité. Ce derby, c’est celui de tous les dangers ?
Il vaudrait mieux ne pas le perdre, en effet. Mais pour tout dire, je suis moins angoissé que ces dernières années. Avant, si nous descendions, c’était la mort. Ce n’est plus le cas maintenant. Je suis très déçu, évidemment, de la tournure des événements. C’est dur à supporter, surtout après ce que nous avons vécu durant la première partie de championnat.
La descente en division 2, vous vous êtes fait à cette idée ?
Je reprends ma casquette de gestionnaire et je me dis alors qu’il ne serait pas raisonnable de ne pas l’envisager. Et puis, si nous descendons, nous ferons tout pour remonter très vite. Mais nous n’y sommes pas encore… J’espère que les joueurs vont se battre et y croire jusqu’au bout.
Ce derby s’annonce chaud.
Ça devrait chauffer, en effet, mais il importe de garder sa sérénité, de faire en sorte qu’il se déroule dans les meilleures conditions. Il est grand temps, cela dit, que cette mauvaise série s’arrête. Et je souhaite que mes joueurs soient des guerriers.
En réaction aux déclarations du président Martel, William Sheller compose Un homme heureux, dont les paroles – signées Bernard Lecomte – font directement référence au fait qu’il y a bel et bien « de la place pour deux » :
Et moi j’te connais à peine
Mais ce s’rait une veine
Qu’on s’en aille un peu comme eux
On pourrait se faire sans qu’ça gêne
De la place pour deux
Avant le match, les présidents se sont rencontrés, rapporte la Voix du Nord. Ils ont même bavardé « un bon moment » ; « pour que je puisse donner mon point de vue » précise Bernard Lecomte. Les deux hommes prennent ensuite la parole devant la presse, à quelques minutes du coup d’envoi : « en tenant de tels propos, dit Gervais « euh ! » Martel, je ne vise qu’un objectif : défendre les intérêts du sport nordiste qui est en pleine déliquescence. On n’a plus de grands clubs, ni de grands sportifs comme jadis. Pour rivaliser avec les gros bras, il faudrait une seule entité footballistique ». Selon Bernard Lecomte, « Gervais Martel a peut-être peur de l’avenir. Aussi prend-il les devants. Moi, je n’ai pas peur. Il y a la place pour deux clubs dans le Nord ! Sa réflexion, sur le fond, n’est pas foncièrement inintéressante. Mais la forme m’a profondément déplu. Avant un derby de cette importance, en mon absence… ».
Un pied dans la tombe
« Malheur au vaincu » annonce la VDN : comme novembre est loin ! Lens, comme Lille, a dégringolé et a changé d’entraîneur en mars : Roger Lemerre a remplacé Slavo Muslin. Et du côté des Sang & Or, ça va mieux : depuis l’arrivée de Lemerre, Lens a pris 8 points en 4 matches. Lille reste bloqué avec ses 33 points tandis que les Lensois, avec 38 points, seraient presque sauvés en cas de victoire contre les Dogues. Ce derby a donc des airs de dernière chance pour le LOSC.
Il a beaucoup plu durant la journée. Conséquence directe : le terrain est mouillé. Du côté de l’effectif, Cédric Carrez, après son expulsion à Monaco, a vu sa peine réduite de 2 à 1 match de suspension : « j’avais déjà manqué le match aller à cause d’une expulsion à Cannes. Rater aussi le retour aurait été insupportable ». Eh bien en raison d’une cheville douloureuse, Cédric Carrez démarre sur le banc ; tout comme David Garcion, pour la même raison. Si l’on ajoute les absences de Duncker, Garcia et Hitoto, ça fait beaucoup ! Les entraîneurs du LOSC alignent en défense centrale Gaël Sanz, qui joue son premier match de la saison… et son deuxième en D1, après une titularisation au Parc des Princes en octobre 1994. Ce soir-là, il était chargé du marquage de George Weah, qui avait inscrit un doublé. L’idée est de dynamiser le groupe en apportant un peu d’imprévu.
Le LOSC peut tout de même se satisfaire d’aligner 8 nordistes sur la feuille de match : Boutoille, Carrez, Coulibaly, Cygan, Dindeleux, Leclercq, Machado, Sanz. Voici l’équipe alignée :
Aubry ;
Leclercq, Sanz, Dindeleux, Cygan ;
Collot, Rabat, Coulibaly, Banjac ;
Becanovic, Boutoille.
L’affluence est modeste pour un stade de cette capacité (29 700 spectateurs), mais il n’est pas nécessaire d’être à guichets fermés pour assurer un mauvais accueil à ses invités. Lors de l’entrée des joueurs sur le terrain, la tribune Marek affiche une banderole annonçant en substance la mort du LOSC, tandis que des dizaines de cercueils avec de sympathiques messages tels que « La SPA en deuil, le LOSC en D2 », sont brandis. Il faut bien entretenir la réputation de « meilleur public de France » ! Djezon Boutoille nous a raconté à quel point cet accueil l’avait marqué : « on se souvenait (…) de cette fameuse banderole avec le cercueil dans les tribunes du stade Bollaert. C’était en 1997, on avait perdu 1-0, et cette défaite nous envoyait quasiment en D2. Encore aujourd’hui, j’ai l’impression de toujours voir cette grande banderole ». En octobre 2020, dans la Voix des Sports, Samoy est également revenu avec amertume sur cet épisode : « en 1997, à Bollaert, je n’ai jamais digéré cet immense cercueil frappé des noms de Bernard Lecomte (le président), Pierre Dréossi (le manager sportif) et du mien dans la tribune Marek. C’était violent. Les dirigeants lensois n’avaient pas bougé. Ça m’avait révolté »4.
Dans la continuité
Comme depuis quelques semaines, le LOSC n’affiche pas – plus – un visage ridicule. La Voix du Nord souligne un début de match « tonique » des Dogues, comme en témoigne l’avertissement adressé à Pascal Cygan dès la 5e minute. Mais Lille est aussi tout proche de céder rapidement : Smicer marque, mais son but est refusé, à juste titre, pour hors-jeu. Collot frappe de loin (8e), puis une action partie de Leclercq, relayée par Collot, arrive sur Becanovic dans la surface : il parvient à centrer mais personne ne reprend, « Warmuz est bien aise de constater que personne n’était là pour reprendre le centre du Monténégrin » (22e). « Il n’y avait ni explosions, ni gestes limpides dans les rangs lillois. Mais ça tenait ». Et c’est évidemment où Lile se crée sa situation la plus dangereuse qu’il encaisse un but : Delmotte ouvre vers Brunel, bien seul, qui contrôle, s’excentre, dribble Aubry et marque, malgré les retours de Leclercq et de Sanz (24e) : quelques lillois protestent pour la forme, mais Leclercq, « un peu mollasson dans sa remontée défensive », couvrait Brunel.
À la 28e minute, Vairelles, seul aux 6 mètres sur un corner de Debève, met généreusement au-dessus. La dernière occasion de la première période est lensoise, avec Smicier, qui frappe au-dessus (44e)
Changement à Lille à la pause, mais changement contraint : Coulibaly, touché aux adducteurs, est remplacé par Garcion. Une échappée d’Arsène et un « alignement » manqué de la défense lilloise poussent Aubry et Collot à sauver les meubles (48e). Puis c’est au tour de Cygan de se faire une béquille et d’être remplacé par Lévenard (50e). Sous vos applaudissements, le même Lévenard, un quart d’heure plus tard, se fait une élongation et est remplacé par Carrez. Entretemps, Warmuz est intervenu sur un centre de Boutoille (52e), et Garcion a frappé à côté (53e).
Le match n’est pas passionnant, mais tant que les Lillois n’ont qu’un but de retard, tout reste possible. Mais ont-ils seulemen tles armes pour recoller ? « Les lillois, à défaut d’inspirations claires et de soutiens efficaces en attaque, avaient du courage à revendre » ; à mesure qu’avance le match, les Lensois se crispent et deviennent fébriles, mais les Dogues ne semblent pas pouvoir en profiter : « le LOSC n’arrivait toujours pas à ordonner correctement son jeu, la liaison milieu/attaque se révélant trop souvent improductive. La volonté, la hargne lilloises bridaient des lensois devenus fébriles et maladroits ». Même si Boutoille se fait de plus en plus pressant, ce sont finalement les Lensois, par Dallet (79e), puis Déhu (88e), qui parviennent à frapper, sans réel danger toutefois.
Le LOSC s’incline donc une nouvelle fois, au terme d’un triste derby (« ce ne fut pas un grand derby et il ne pouvait pas en être autrement ») : « les Lillois ne réussirent pas un mauvais début avec une équipe rajeunie. Ils furent solides mais impuissants à trouver la faille dans la défense artésienne. On n’eût guère la sensation qu’ils pouvaient marquer malgré une seconde période où ils jouèrent leur va-tout (…) « Ah ! Si le LOSC avait eu des munitions… ».
En dépit d’un Aubry toujours exemplaire, d’un Rabat « sous un meilleur soir », et d’un Sanz qui s’est est bien tiré, Lens précipite donc la chute lilloise.
« Le LOSC n’est pas mort »
Bollaert, à l’adresse des Lillois, scande « ce n’est qu’un au revoir », ce qui est somme toute est assez gentil.
Dans l’immédiat, Lens est quasi-sauvé, et Lemerre affiche sa satisfaction, tout en saluant les Lillois : « ce qui m’a fait le plus plaisir, ce soir, c’est la fierté et la force des hommes. Et je ne parle pas seulement de mon équipe. Les Lillois méritent également le respect, pour leur comportement général et leurs dispositions offensives en deuxième mi-temps. Ils nous ont posé des problèmes, c’est clair. Nous avons gagné mais rien n’est fait. Avec l’aide précieuse de l’attaque, le Racing n’a pas pris de but aujourd’hui. Ce n’est pas simplement une formule. C’est le reflet d’un match au cours duquel la solidarité lensoise a une nouvelle fois été décisive ». Hervé Gauthier essaie de trouver du positif et regarde l’avenir : « la défaite nous amène quand même des satisfactions. On a essayé de bien jouer et l’équipe a répondu présente. Nous sommes battus comme d’habitude de façon idiote. Ensuite, on a des opportunités qu’on ne saisit pas. Maintenant, il ne faut pas se décourager. Les jeunes ont été là. C’est pour ça que le LOSC n’est pas mort ! Il y avait, aujourd’hui, l’envie, l’esprit d’entreprise, la présence ». Samoy, moins positif, rumine sur l’accueil (« avant, il y avait une grosse rivalité, mais j’ai l’impression qu’il y avait quand même plus de respect ») et en remet une couche sur le physique : « il nous a manqué un petit quelque chose pour ramener un point. Dommage, on prend un but bête au moment où l’équipe était bien en place. Après, il a fallu courir après le score. L’avenir, c’est mercredi ! Mais j’ai peur qu’on ait un problème de récupération. On a fini le match marqués ». Et les joueurs ne sont pas marqués que physiquement : Djezon Boutoille déclare : « ce sera un chassé-croisé jusqu’à la dernière journée. On doit continuer à y croire. Mais je dois admettre que je suis un peu abattu ». Pegguy Arphexad, quant à lui, confirme qu’il fait tout à l’envers : « tant qu’il y a de l’espoir il y a de la vie ».
Le LOSC, dépassé par Nancy, est désormais 18e, à 3 points de la 16e place, occupée par Le Havre. Les Normands viendront à Grimonprez-Jooris, mais avant, le PSG viendra, et il faudra aussi aller à Lyon… Dès le mercredi suivant, pas de miracle : Lille s’incline face à Paris (0-1, et Becanovic, blessé, sort à la 30e…) et officialise sa descente en D2 contre Le Havre, dans une ambiance toutefois assez festive.
On en avait parlé ici, Bernard Lecomte est très en vue dans les médias en cette fin de saison, comme s’il cherchait à prendre sur lui une partie de la responsabilité de cet échec (après tout, il est président), mais surtout à attirer l’attention sur l’essentiel : le LOSC peut supporter une descente, ce qui n’était pas le cas lors des dernières années. Après la stupéfaction provoquée par l’écroulement sportif de l’équipe, avec transparence et pédagogie, Lecomte affirme que le club travaille, et que ce travail de fond finira par payer, fût-ce au prix d’une descente : « je suis assez marqué, c’est vrai, par tout ça. C’est un sentiment de tristesse, pas de renoncement. Et puis je trouve que ça ne se passe pas si mal. On ne m’a pas incendié ma voiture ou insulté dans la rue. C’est un moment difficile, mais nous travaillons. Avec Jean Charles Cannone, avec Pierre Dréossi. Je me suis fixé un plan de 5 ans, qui viendra à terme en juin 1998. À ce moment-là, on verra. Pour le moment, les investisseurs ne viennent pas, selon eux, parce qu’il y a toujours cette dette. Cet argument-là ne tiendra plus ».
« Approchez, approchez ! Bernard Lecomte et sa célèbre boîte à idées ! Désenvoûtement, impuissance sexuelle, abandon de l’alcool et du tabac, permis de conduire !
Fait revenir l’être aimé(e), ressuscite vos clubs de foot favoris ! »
Le LOSC traversera bien d’autres crises, en D2, et coups bas de Gervais Martel ; mais, comme Bernard Lecomte l’avait annoncé, pendant que le LOSC souffrait sportivement, il se structurait et, progressivement, les bonnes personnes étaient placées au bon endroit. En quelque sorte, le LOSC a reculé pour mieux sauter et, pour son retour en D1 en 2000, prendra 6 points à son voisin. La roue tourne. À tel point que, le 10 mai 2008, les rôles seront inversés : en battant Lens, les Lillois envoient les Sang & Or en deuxième division.
Notes :
1 Match initialement prévu le 5 janvier, mais reporté au 6 en raison de la mort du joueur Hédi Benrekhissa au cours du match Espérance de Tunis/Lyon.
2 En théorie, le LOSC doit affronter Marseille le 18 janvier en coupe de France. Mais divers rebondissements ont décalé le match à Valence, le 4 février. On en a parlé ici.
4 Puis il ajoute : Ce qui est arrivé à Lens, en finale de la Coupe de la Ligue (banderole anti-Chti déployée par les supporters du PSG au stade de France), c’est en quelque sorte la fable de l’arroseur arrosé… ».
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