Posté le 27 mai 2021 - par dbclosc
La formation du LOSC concourt aussi hors des terrains
Mardi avait lieu la finale du concours d’éloquence des jeunes footballeuses lilloises : une bonne occasion de s’intéresser à l’une des facettes hors des terrains du centre de formation du LOSC, et en particulier de sa section féminine.
À l’aube de la saison 2017/2018, au moment où le LOSC venait de célébrer sa montée en D1, Rachel Saïdi, alors joueuse et coordinatrice des U7 aux U19, nous disait : « le LOSC forme aussi bien des joueuses de haut niveau que les femmes de demain ». En appui de cette déclaration, la (désormais) coach nous expliquait que le club cherche à accompagner ses joueuses dans une triple dimension : sportive bien sûr, mais aussi scolaire et éducative. L’événement organisé ce mardi 25 mai à l’Opéra de Lille permet d’exemplifier très concrètement l’activité « extra-sportive » du LOSC à destination de son centre de formation. En effet, se déroulait la finale du concours d’éloquence des jeunes footballeuses du LOSC (U16 et U17), 3 mois après son équivalent masculin : le concours, organisé au théâtre Sébastopol, avait alors été remporté par Gédéon Elonga, né en 2006.
Détachons-nous donc pour une fois des terrains de football et revenons sur ce concours, qui illustre la dimension « totalisante » que prennent désormais les clubs de football professionnels, à la différence d’autres époques où ces derniers se contentaient de former des sportifs, et rien que des sportifs. Or, le ratio entre le nombre de joueurs passés par un centre de formation et le nombre de joueurs devenus professionnels reste très faible. C’est ce que nous évoquait par exemple Joël Dolignon, le papa de Camille, passé par le centre de formation du LOSC à la fin des années 1980 et au début des années 1990 : « il n’y avait pas grand chose pour les jeunes du centre de formation (…) À l’époque, ce n’était pas une préoccupation du club de penser à l’avenir de ses jeunes hors du foot. Beaucoup de mecs de ma génération ont eu des galères professionnelles après le foot ». Voilà donc les club et leurs centres de formation engagés dans des actions dites « citoyennes », « engagées », et se tournant vers le monde de l’entreprise ou vers la société civile pour permettre à leurs membres de découvrir d’autres horizons, non seulement au cas où ces jeunes ne feraient pas carrière dans le football… mais aussi au cas où ces jeunes feraient carrière dans le football ! Dans la lignée des propos de Rachel Saïdi rappelés en début d’article, Patrick Robert, président de LOSC-association et maître de cérémonie de ce concours, rappelle dans son propos inaugural qu’il a « toujours considéré que la formation ne s’arrêtait pas aux limites d’un terrain de football (…) On a toujours formé des hommes, des femmes et des jeunes filles dans plusieurs dimensions : ce sont des bons footballeurs, des bonnes footballeuses, mais aussi des hommes complets et des femmes complètes, dans la tête et dans le corps ». En somme : Mens Sana in Corpore Sano, littéralement « un esprit sain dans un corps sain » (on fait les intellos car vous allez voir qu’il y a de la concurrence). Une philosophie qui se développe dans d’autres centres de formation, comme l’a récemment traité So Foot.
Cette évolution est commune aux filles et aux garçons (on sait par exemple que, via LOSC formation, Luchin est aussi un lieu d’apprentissage du bac) et, en raison des moyens moindres du football féminin, cette tendance a tendance à se prolonger particulièrement chez les footballeuses, pour lesquelles la carrière sportive professionnelle, en plus d’être moins rémunératrice, est aussi plus incertaine. Si la section féminine a, depuis quelques années, réussi à fidéliser quelques partenaires qui permettent précisément de concilier d’un côté cette vie sportive à la lisière de l’amateurisme et du professionnalisme et, de l’autre, concomitamment, des activités diversifiées qui sont autant de reconversions potentielles, son équilibre reste fragile et passe par beaucoup d’imagination, et ce pour attirer et fidéliser des joueuses. Le passage, l’an dernier, de 5 à 12 contrats fédéraux en D2 a permis de régler une partie du problème financier, mais cela n’exclut pas les ambitions « citoyennes ». On aura l’occasion de revenir très prochainement sur l’actualité de l’équipe première de la section féminine et sur la saison écoulée, grâce à un entretien avec l’une des joueuses.
Revenons au concours d’éloquence : fruit d’un mois et demi de préparation encadré par notamment par Sofiane Talbi (Directeur Adjoint de LOSC Formation), il associe la Fondaction du football (représentée par Fantine Tessereau), qui se donne pour mission de « promouvoir une vision citoyenne du football, d’en rappeler les vertus éducatives et d’encourager l’innovation sociale et l’intégration du développement durable dans le football » ; Prométhée Education, association d’accompagnement des lycéens, représentée par Mohamed Slim. On note également le concours du lycée Jean Perrin et l’accompagnement des joueuses de l’équipe première : Gwenaelle Devleeschauwer, Maité Boucly, Choé Marty, Agathe Olliver, Silke Demeyere, Carla Polito, Salomé Elisor, toutes présentes, de même qu’Elisa Launay, Aurore Paprzycki et Frédéric Coudrais, Team Manager. Sont également présents des représentants des partenaires économiques de la section (le Crédit Mutuel, Pédiconfort), et le lauréat masculin du concours d’éloquence, Gédéon Elonga.
Photo piquée sur le twitter du LOSC féminines : Gwenaelle Devleeschauwer, Maité Boucly et l’incroyable Silke Demeyere participent au tournage du teasing du concours, ici avec Lou Chiron Allard
De façon très significative, Jean-Michel Vandamme, de retour à la tête de la formation, est présent : il souligne qu’ « il n’y a pas de formation de football sans éducation, sans savoir-faire, sans culture, sans intelligence ». Dès lors, ce type de concours « apprend à faire un effort sur soi-même, à bien se connaître ; quand on se connaît bien, on peut aller plus loin ». Avec cette présence dans l’Opéra et la présence de l’adjointe lilloise à la culture, Marie-Pierre Bresson, tout est fait pour montrer les passerelles entre le sport et la culture, « deux secteurs parfois mis en opposition dans l’imaginaire collectif » pointe Fantine Tessereau. La directrice de l’opéra, Caroline Sonrier, évoque même le football comme étant un « art » et suggère une idée qu’on a hâte de voir à l’oeuvre : « on aurait de la graine à apprendre de votre parcours. On devait faire des concours sur votre domaine, vous viendriez nous juger et voir comment on arrive à pratiquer votre art ».
Venons-en au contenu : chaque participante est invitée à présenter durant 3 à 6 minutes une « plaidoirie », c’est-à-dire une position argumentée sur un problème donné. Notre question n’a pas été retenue, la voici : « comment expliquer scientifiquement que des joueuses de D2 soient plus sensibles au COVID que des joueuses de D1, ce qui justifie qu’on les empêche de jouer au foot ? ». Jugée trop complexe et insoluble, elle a été écartée par un jury intransigeant, composé de : Patrick Robert, président de LOSC Association ; Rachel Saïdi, coach de l’équipe première ; Caroline La Villa, Responsable Eveil et coach U19 ; Arnaud Mahieu, Pédiconfort ; José Mariage, Président de LOSC Formation ; Benjamin Paillart Crédit Mutuel ; Mohamed Slim, Prométhée Education ; Caroline Sonrier, Directrice de l’Opéra de Lille ; Fantine Tessereau, Fondaction du Football ; Alain Wallyn, Responsable Préformation.
Sur divers sujets existentiels (à commencer par Lou Chiron Allard qui se demande si on peut « triompher de la mort ») , les jeunes femmes argumentent sur le fond, mais soignent aussi la forme puisque, parmi les critères de notation de jury figurent l’aisance orale (intonation, expression, capacité à convaincre, vocabulaire) et la présentation (respect du temps, gestuelle, capacité à se détacher de ses notes écrites). Elles rejettent les préjugés et mobilisent des références scientifiques, comme Léa Popieul, qui rappelle ce que les avancées scientifiques et techniques doivent au doute et même à l’erreur ; des références sociologiques, comme les footballeuses devant discuter la vieille opposition entre inné et acquis (Maéliss Gérard, Eden Froleux, Joséphine Vanuxeem) ; des références philosophiques (Deborah Piette cite Spinoza, Marine Lemaître Eschyle, Maysane Khelefi questionne le bien et le mal, Manon Mahieu cite Voltaire, Lou Chiron Allard Platon, Céleste Paris expose ses réflexions sur la vérité et le mensonge) ; elles s’interrogent sur le quotidien (Agathe Lauworia sur la générosité, Deborah Piette sur la consommation, Lilou Drieux sur le mensonge, Eva Lagache sur ce que signifie « réussir sa vie », Agathe Fabre sur l’usage des réseaux sociaux et la « tentation du paraître », Elmira Djaraoui sur les jugements hâtifs du quotidien) ; et on trouve aussi des références footballistiques, puisque Léona Boddaert évoque la « main de Dieu » de Maradona en 1986 quand elle se demande si le résultat est supérieur à la manière, Anaïs Milleville sur l’importance du collectif, et Manon Mahieu fait référence à la VAR sur un sujet concernant « l’erreur ».
Étonnamment, personne n’a cité Socrate, qui est pourtant l’un des rares à avoir su allier une brillante carrière de philosophe et de footballeur, et ce à plusieurs siècles d’intervalle, ce qui est d’autant plus remarquable.
Voici le verdict :
Coup de coeur du jury : Joséphine Vanuxeem
3e : Léa Popieul
2e : Deborah Piette
1e : Lou Chiron Allard
Le LOSC aura ainsi deux jeunes de son centre de formation (si vous avez bien suivi : un garçon, Gédéon Elonga, et une fille, Lou Chiron Allard) lors de la grande finale nationale mercredi prochain à Paris. Bravo aux organisatrices et organisateurs, aux participantes, et bonne chance aux deux représentant.es du LOSC !
Voici le détail des sujets des plaidoiries :
Léona Boddaert : Le résultat est-il supérieur à la manière ?
Agathe Fabre : Être ou paraître ?
Anaïs Milleville: Vaut-il mieux gagner tout seul ou gagner à plusieurs ?
Eva Lagache : Réussir sa vie, c’est être riche ?
Lilou Drieux : Le mensonge est-il parfois un mal nécessaire ?
Marine Lemaitre : Peut-on justifier la violence ?
Deborah Piette : Être libre, est-ce faire ce que l’on veut ?
Léa Popieul : Douter permet-il d’avancer ?
Maéliss Gérard : On naît ce que l’on est, ou devient-on ce que l’on est ?
Agathe Lauworia : Donner ou recevoir ?
Maysane Khelefi : La gentillesse est-elle une faiblesse ?
Elmira Djaraoui : Doit-on juger les autres ?
Manon Mahieu : L’erreur est-elle nécessaire ?
Céleste Paris : Faut-il préférer le bonheur à la vérité ?
Lou Chiron Allard : Peut-on triompher de la mort ?
Eden Froleux et Joséphine Vanuxeem : Sommes-nous le fruit de notre environnement ou de nos choix ?
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