Posté le 9 septembre 2021 - par dbclosc
Karasi se fait la (bé)belle
Le 11 mai 1976, les Dogues battent leurs voisins valenciennois 5-1. Mais en cette fin de saison, le score est presque anecdotique. La soirée est surtout restée dans les mémoires grâce à la présence de Jean-Paul Belmondo, immortalisée en avant-match par une célèbre photo de Jacques Verhaeghe, mais aussi pour le dénouement insolite du match, marqué par un but sensationnel de Stanislav Karasi qui, dans la foulée, salue triomphalement le public et rentre directement aux vestiaires. Un geste très moyennement apprécié du côté du LOSC.
Début de saison 1975/1976 : le LOSC, revenu en D1 un an auparavant, va assez bien. Après s’être classé 13e en 74/75, on imagine le club s’installer durablement dans l’élite. À sa tête, le président Paul-Mary Delannoy ; Charly Samoy à la direction sportive ; et Georges Peyroche comme entraîneur. Le LOSC peut compter sur quelques valeurs sûres comme le Chilien Ignacio Prieto, le gardien Jean-Noël Dusé, Patrick Parizon, Christian Coste, international A, ou encore Bernard Gardon, qui compte une sélection en A. Cette nouvelle saison marque un changement d’époque, avec l’arrivée du LOSC dans son nouveau stade Grimonprez-Jooris, inauguré en octobre 1975 par un match amical contre Rotterdam. Stanislav Karasi, d’une volée du pied droit, est le premier buteur de Grimonprez-Jooris. A voir sur le site de l’INA :
Yougoslave, formé à l’Etoile Rouge de Belgrade, Stanislav Karasi débarque à Lille en 1974, après avoir joué la coupe du monde en Allemagne et y avoir été à son aise, marquant notamment deux buts. Son arrivée est donc un joli coup des dirigeants lillois. Si le talent du joueur est incontestable, et s’il est tout autant incontestable que Karasi a enchanté le public lillois, « il vaut mieux se souvenir de ses dribbles et de ses reprises de volées1 », comme l’écrit Patrick Robert, tant le joueur a aussi marqué son aventure lilloise de frasques et d’anecdotes qui ont parfois mis en péril le collectif lillois. Précisément, ce 11 mai 1976, Karasi va illustrer de façon éclatante les deux facettes du souvenir qu’il nous laisse.
Avant ce match contre Valenciennes comptant pour la 33e journée, le LOSC, avec 32 points, est 14e (sur 20), avec 3 points d’avance sur le premier relégable, Monaco (la victoire est à deux points, et notons aussi que les équipes qui s’imposent par au moins 3 buts d’écart bénéficient d’un bonus d’un point). La saison est donc moyenne : si le LOSC fait bonne figure à domicile, il peine à briller à l’extérieur, où il ne s’est imposé qu’une seule fois : c’était au match aller, à Valenciennes, grâce à un coup de tête de De Martigny. Les supporters lillois sont donc déçus et inquiets, car le LOSC n’est pas encore tout à fait à l’abri de la menace de la relégation. Surtout, Lille a connu une fin d’hiver et un début de printemps pourri : Max Pommerolle disparaît le 25 février ; puis, sur le terrain, de mi-mars à mi-avril, championnat et coupes confondus, le LOSC a encaissé 19 buts consécutifs sans en mettre un seul ! Et même 21, puisque la série s’est arrêtée contre Bordeaux (3-2) alors que les Dogues étaient menés 0-2 à la mi-temps.
Une victoire pour écarter les derniers doutes serait donc bienvenue : Peyroche lui-même estime qu’avec 35 points, le LOSC devrait se maintenir. Il sera alors temps pour lui de lancer des jeunes pour la fin de saison (il croit beaucoup en Gauvain) et de préparer au mieux les transferts.
Les dirigeants lillois sont confiants pour ce derby : les blessés reviennent : Coste, De Martigny, et Gardon. Ce dernier fait son retour 35 jours après une ablation du ménisque, et devrait permettre à la défense de retrouver une certaine stabilité, comme le souligne la Voix des Sports : « ce retour du stoppeur semble avoir rendu aux joueurs et à l’entraîneur un moral bien perturbé ces derniers temps. Prieto, notamment, semble ravi de retrouver son compagnon de la défense centrale. On vit ainsi avant hier au terme de l’entrainement Prieto et Gardon séjourner longtemps dans le vestiaire et discuter le sourire aux lèvres de ces retrouvailles qu’ils espèrent victorieuses » (10 mai). L’entraîneur, Georges Peyroche, confirme dans la Voix du Nord l’optimisme ambiant : « Bernard manque terriblement à notre défense depuis deux mois. Son retour, j’en suis persuadé, va ramener la sérénité dans toute l’équipe, et surtout chez Prieto. Dès leurs retrouvailles, la semaine dernière lors d’un match d’entraînement contre notre équipe de division d’honneur, les deux hommes ont renoué d’emblée avec leurs automatismes et l’ensemble s’en est trouvé de suite amélioré.
Partant de là, la formation réserve que nous peinions à battre depuis de trop longues semaines s’est trouvée rapidement débordée et a concédé de nombreux buts. Je suis donc assez confiant à l’orée de ce derby (…) L’équipe de Valenciennes joue vite, avec enthousiasme, ne manque pas de qualités. Pourtant, nous réussissons toujours devant elle, ce qui est un paradoxe. Nous Lillois avons en effet la réputation d’être mal à l’aise devant des équipes vivaces. Et pourtant, tant en deuxième division, il y a deux ans, que cette année au match aller, nous avons franchi l’obstacle. Puisse-t-il en être de même une fois encore » (11 mai).
Les compositions annoncées par la Voix du Nord le 11 mai
La confiance est d’autant plus de mise à Lille que Valenciennes n’aborde pas ce match dans les meilleures conditions. En effet, trois jours avant, les Valenciennois ont été éliminés de la coupe de France, en quarts de finale, par Nancy, après prolongation. Les Nancéiens se sont imposés 2-0 chez eux à l’aller, puis ont perdu sur le même score à Nungesser. En prolongation, ils sont parvenus à marquer : leur défaite 1-2 les qualifie donc. Outre la déception de l’élimination, les joueurs de VA en ont après l’arbitre, M. Wurtz, qui ne leur a pas accordé un pénalty alors que le score était de 2-0. On lit dans la Voix du Nord cette belle comparaison : « M. Wurtz ne siffla pas, on se demande encore pourquoi, un pénalty sur une main carrément en l’air (du genre salut hitlérien) de l’arrière Raczynski, un récidiviste, rabattant un tir de Zaremba (96e) » (8 mai). Également, le match s’est joué sous une forte chaleur, et tout le monde a souffert physiquement. L’entraîneur de VA, Jean-Pierre Destrumelle, annonce : « mes hommes sont cuits, découragés. Ils n’auront pas récupéré pour le derby où la défaite apparaît inéluctable » (VDN, 8 mai) ; « nous ne pourrons lutter à armes égales contre le LOSC. Mes hommes sont sur les genoux après ce choc dans une étuve (certains ont perdu 3 kilos), n’auront pas récupéré à temps, de plus la fatigue se manifeste davantage en cas de découragement. Il est fort possible que nous perdions » (VDN 11 mai). Le quotidien rapporte également que « plusieurs dirigeants, et non des moindres, ont dit : « sans le vouloir, naturellement, nous allons permettre au LOSC de retrouver une place plus digne de son standing et de ne plus redouter pour son avenir. Nous pourrons ainsi nous retrouver l’an prochain dans de meilleures conditions » (11 mai). Bref, avant même d’avoir été joué, et même si ces propos désabusés ont été tenus à chaud sous le coup de la déception d’une élimination, c’est « un derby mal engagé » pour Valenciennes, et il n’est pas sûr que le talent du seul Didier Six, qui a récemment brillé à Bollaert lors du match France/Pologne, suffise à VA. Il y a bien plus de probabilités que brille Karasi, comme le suggère la Voix du Nord sous forme interrogative.
Pour ce derby, des festivités sont prévues : seront présents un orchestre, les majorettes de Marquette, et 10 à 12 000 personnes sont attendues. Surtout, « à l’instigation de la Voix du Nord » (selon la Voix du Nord), Jean-Paul Belmondo, Laura Antonelli (sa compagne de l’époque) et Charles Gérard seront de la partie et « leur présence au stade Grimonprez offrira un attrait supplémentaire à cette soirée du derby » (10 mai). Belmondo et Gérard tournent dans la région lilloise, sous la direction d’Henri Verneuil, Le Corps de mon ennemi (un titre inspiré d’un derby…?), un film adapté du roman du même nom, de Félicien Marceau. Le film offre des scènes tournées dans des lieux reconnaissables aujourd’hui, comme le trou du Diplodocus, actuel emplacement du Nouveau siècle, ou l’usine Le Blan, dont les locaux rénovés accueillent désormais la faculté de droit à Moulins. Et, bien entendu, on reconnaît le stade Grimonprez-Jooris (baptisé dans le film « stade Auguste Beaumont-Liégard ») lors d’une scène dans laquelle Jean-Paul Belmondo parcourt seul la tribune « Secondes » (voir plus bas). À cette époque, et c’est encore le cas lors du match LOSC/VA, la construction du stade n’est pas encore terminée, puisque la quatrième tribune (future tribune « Premières », face aux « Secondes »), « celle qui portera la capacité de l’enceinte à 30 000 personnes et coupera les vents froids les soirs d’hiver » (VDN, 11 mai), est encore en voie d’édification.
« Jean-Paul Belmondo a accepté de donner ce coup d’envoi en souvenir de rencontres de football jouées en compagnie de Charles Samoy et Georges Peyroche, qu’il retrouvera ainsi avec plaisir » (11 mai) : dans les faits, la VDN rapporte que l’acteur n’a pas donné le coup d’envoi fictif. Mais il a été présenté aux joueurs des deux équipes, un moment saisi par Jacques Verhaeghe, où l’on voit Belmondo, guidé par le capitaine Ignacio Prieto, se faire présenter l’équipe du LOSC et serrant la main de Michel Mézy.
Un autre cliché de la Voix du Nord, avec Bernard Gardon
Sur le terrain, les pronostics sur la condition des deux équipes ne tardent pas à se vérifier. Dès la deuxième minute, d’une « splendide volée », Karasi trouve le poteau ; Coste reprend puissamment mais le gardien renvoie ; « la fusillade crépita sans cesse durant une dizaine de minutes. Toujours les Lillois étaient sur le qui-vive, prêts à tenter leur chance. Karasi était intenable. Manifestement, le Yougoslave avait mis ses chaussures des grands jours ». Valenciennes réagit seulement par Six, dont le centre est dévié par Gauthier (10e). Dans la foulée, De Martigny « au pas » se déporte sur l’aile gauche : « personne ne fit opposition. Il centra. Personne ne bougea dans la défense valenciennoise. Et Coste, de la tête, plus facilement qu’à l’entraînement, dévia la balle dans le coin droit du but ». Lille mène et poursuit sa domination : une nouvelle frappe de Karasi est repoussée par Delachet (13e).
15e minute : Parizon déborde à droite. Coumba dégage de la tête dans les pieds sur Karasi qui, à une vingtaine de mètres, envoie une volée en lucarne ! 2-0 pour le LOSC, pas rassasié : à la 28e Parizon, de la gauche, envoie un centre vicieux entre la défense et le gardien. Personne n’intervient. Coste, de la tête, marque de nouveau. 3-0 ! Quelques minutes plus tard, Coste envoie un nouveau tir sur la transversale. À la pause, les Dogues mènent 3-0 devant un public ravi.
« Les Lillois continuèrent au même rythme en seconde mi-temps » : à la 57e minute, Gianquinto frappe, mais c’est contré par Fugaldi. L’arbitre siffle toutefois un pied trop haut du valenciennois : coup franc à une vingtaine de mètres pour le LOSC. « Karasi, dans ce genre de situation, est un expert. Sa balle fusa, violente, au ras du mur, à terre. 4-0 ». Valenciennes réagit toutefois et Six transforme un pénalty qu’il a lui-même obtenu après un crochet sur Denoeullin (4-1, 73e). Il n’y a plus de match : les Valenciennois sont en effet épuisés, et les Lillois se contentent de ce score qui leur donne le bonus. C’est le moment que choisit la Voix du Nord pour arracher un mot à Belmondo. Bébel déclare : « au cinéma, le film ne ferait pas un centime. Le dénouement était connu trop tôt ».
Jugement prématuré car, comme dans tout bon scénario, il va y avoir une chute alors que l’on croyait les positions acquises. Laissons s’exprimer la plume de Jean Chantry, de la Voix du Nord, qui décrit cette action de la 88e minute :
« Tout portait à croire que l’équipe lilloise, au terme d’une victoire facile, certes, mais belle, bien construite, à coups de tirs et de sueur, allait savourer tranquillement le plaisir du bonus (…) Et l’on termina sur un nouvel exploit de Karasi qui fit un match fantastique de technique et d’efficacité. Parti de l’aile gauche, le Yougoslave dribbla Fugaldi, crocheta Copin dans les 18 mètres, recrocheta à nouveau afin d’ouvrir un angle idéal et fusilla le gardien Delachet par un tir de derrière les fagots. Un but d’artiste, de grand joueur. Il salua la foule tel un empereur romain puis, estimant qu’il en avait sans doute suffisamment fait, Karasi mit droit le cap sur le vestiaire et rentra alors qu’il restait 2 minutes à jouer ».
Karasi heureux, fier, goguenard, dilettante…? Sans doute un peu de tout ça. Alors que la foule scandait unanimement le nom du Yougoslave, elle se demande désormais médusée ce qu’il se passe.
Le match se poursuit à 10 contre 11. Mais on n’était pas au bout de nos surprises, puisque Karasi revient sur le terrain juste avant que M. Kitabdjan ne siffle la fin de cette rencontre. Jean Chantry rappelle que « jadis, à Nice, le cas s’était produit avec Yeso Amalfi, un Brésilien doué comme il n’était pas permis de l’être. Dans un match difficile, Amalfi était allé marquer, tout seul, le but décisif, puis était venu s’allonger dans un transat le long de la touche en disant : « Yeso il a fait son travail. Yeso il arrête ! » Toute la France avait ri » (12 mai). Or, cette fois, les excentricités de Karasi ne font pas rire grand monde, et sûrement pas Christian Coste qui, dès le coup de sifflet final donné, apostrophe vertement son coéquipier et le bouscule. Le moment qui précède a, là encore, été saisi par Jacques Verhaeghe :
« On vit alors Coste et Karasi se bousculer de regrettable façon en public, tandis que Mézy et Garceran faisaient l’impossible pour séparer les deux hommes ». C’est ainsi que le LOSC, victorieux 5-1 d’un derby, termine le match dans une gigantesque bousculade entre joueurs et dirigeants, sous le regard interloqué de ses adversaires. Le public, lui, est partagé : à la sortie du vestiaire, on trouve même une centaine de supporters lillois pour porter Karasi en triomphe, ce qui fait bondir Jean Chantry : « curieuse conception de l’équipe, du respect dû au travail collectif. Pense-t-on que Parizon, Mézy, Coste, Gianquinto ou Gardon qui fit une rentrée digne, sans éclats, 3 semaines après une opération du ménisque, aient eu hier moins de mérite que le Yougoslave ? (…) Nous ne discuterons pas sa classe. Elle est grande, c’est vrai. Mais il y a des à-côtés insoutenables, difficilement acceptables ».
Sur la forme, les Valenciennois déposent une réserve, mais qui n’a aucune chance d’aboutir : au pire Karasi risque une sanction pour être revenu sur le terrain sans l’autorisation de l’arbitre… « mais les règlements et Karasi sont deux choses qui passent rarement par la même porte. Doué, certes, mais d’une fragilité qui parfois laisse pantois, interdit ». À chaud, on ne parle que de Karasi, y compris du côté de Valenciennes, qui a là l’occasion de ne pas parler sa contre-performance qui, de toute façon, était attendue. Ainsi, Destrumelle note : « ce n’est pas notre problème, bien sûr, mais celui du LOSC. Il n’empêche qu’en ce qui nous concerne plus particulièrement, Karasi a manqué de courtoisie envers nous après en avoir manqué envers ses partenaires et le public. Il faut savoir rester simple dans la victoire comme dans la défaite. Dommage, car il est pétri de talent. Pour ma part, je préfère avoir encaissé 5 buts que d’avoir eu à subir pareille affaire ».
Du côté du LOSC, on est bien embêté. Peyroche n’apprécie pas mais tente de s’en sortir par l’humour : « il est difficile d’accepter pareil comportement. Imaginez que mes footballeurs rentrent aux vestiaires chaque fois qu’ils marquent un but. Où irions-nous ? Vous me direz, poursuivait en riant Peyroche, que depuis un mois et demi, ils ne seraient pas rentrés souvent ! ».
La condamnation morale du geste de Karasi semble unanime et relance le débat sur l’exemplarité et le professionnalisme des joueurs. Dans l’édition du lendemain (13 mai), Jean Chantry oppose l’attitude de Karasi (« attitude provocante, irréfléchie ») à celle de son coéquipier Gardon (« exemplaire »), à peine revenu de blessure :
« Si nous ne le disions, personne ne saurait que durant sa convalescence, Gardon, pour ne pas varier de poids, s’est mis au régime végétarien. Il avait perdu 4 kilos et ce qui lui manquait en force, en aisance, il le gagna en légèreté, en souplesse.
Gardon n’est pas non plus un être simple. Il a une éthique très personnelle de la vie. Il n’aime pas les journalistes, il n’aime pas les flonflons. Ermite bourru, il n’est pas facile à manier. Mais il adore son métier, le fait à la perfection, et respecte, lui, cet esprit du sport qui est à la fois une discipline et une morale, et dont les professionnels devraient être, en toute circonstance, les dépositaires zélés ».
Stanislav Karasi et Bernard Gardon
Mais à vrai dire, ce n’est pas que la sortie de Karasi qui a irrité. Comme le résume la Voix, ses coéquipiers « en ont un peu par dessus la tête des initiatives de Karasi ». Et il faut donc plutôt voir la réaction de Christian Coste comme une goutte d’eau supplémentaire qui fait déborder le vase des frasques de Karasi. On peut notamment citer deux précédents2, évoqués dans un ouvrage de Patrick Robert.
En début de saison, un Karasi « imprévisible, parfois éblouissant par ses qualités techniques », réussit une grande prestation contre Monaco (3-3). Mais le Yougoslave est aussi « parfois irritant par sa volonté évidente de ne pas se plier au schéma collectif et d’utiliser le ballon comme un instrument de promotion personnelle ». Informé du décès de son père, il prend ensuite le premier avion pour Belgrade, sans prévenir personne au LOSC. Les dirigeants tentent désespérément de le joindre.. en vain. Le déplacement à Bastia se fera donc sans lui ! À leur retour de Corse, joueurs et dirigeants découvrent à Lille un Stanis « frais, dispos et souriant »…
Quelques mois plus tard, en février 1976, le LOSC reçoit Avignon. À la pause, les Dogues mènent 1-0. Le buteur ? Karasi… En seconde période, Parizon déborde ; Karasi est idéalement placé au point de pénalty et attend l’offrande pour, à coup sûr, inscrire le deuxième but. Mais – symptôme de la mésentente ? – Parizon ignore son équipier, avance, et alors qu’il se trouve dans un angle impossible, frappe… dans les bras du gardien, évidemment : « on en est quitte pour quelques sifflets mais le Yougoslave du LOSC ne l’entend pas de cette oreille. Ignorant le ballon, il se précipite vers Parizon et lui saute littéralement à la gorge ! Insensé ! Du jamais vu… Le public, d’abord surpris, gronde sa désapprobation et la rumeur enfle : « Karasi, dehors ! ». À chaque touche de balle, Stanis est sifflé. Il fait étalage de sa classe et fait alors basculer le match » : il permet à Coste d’inscrire un doublé, et se charge lui-même d’inscrire le quatrième but (68e) d’une victoire 4-0…
Dans l’immédiat, les joueurs lillois se sont retrouvés collectivement le jeudi, surlendemain du match et, selon la VDN, « la vaisselle est raccommodée » :
« Le moment de gêne que l’on pouvait imaginer s’est produit jeudi matin (…) Bien sûr, ce n’était pas la fête des familles et l’on ne s’embrassait pas à qui mieux mieux, mais les dirigeants lillois expliquèrent à leurs joueurs que, parfois, la fuite c’est le courage, mais que l’intelligence peut aussi être… l’oubli. Les joueurs lillois firent donc comme si de rien n’était. Au fond, c’était le meilleur parti.
Karasi, lui, est incapable d’expliquer pourquoi il a agi de la sorte. De toute manière, il n’a absolument pas réalisé la portée de son geste et s’étonne que l’on en fasse tout un plat. Alors… n’en faisons plus tout un plat… » (14 mai)
Ce « retrait » contre Valenciennes est donc un épisode supplémentaire des aventures d’un joueur dont d’aucuns diront qu’il était ingérable, immature et individualiste, quand d’autres souligneront son incroyable talent, ses gestes fantastiques et son sens du spectacle, tout cela étant d’ailleurs lié : c’est peut-être même justement parce qu’il avait une face qu’il pouvait se permettre l’autre… au point, ce n’est pas le moindre de ses exploits, de voler la vedette à Bébel !
Notes :
1 Patrick Robert, avec la collaboration de Jacques Verhaeghe, La grande histoire du LOSC, Hugo Sport, 2012, p. 107
2 Patrick Robert, Vingt ans de passion, vingt ans de LOSC, 1970-1990, éditions la Voix du Nord, 1991
Merci à Jacques Verhaeghe pour le prêt et l’utilisation de ses photos.
2 commentaires
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22 septembre 2022
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Pasco a dit:
Superbe plongée dans le passé!
Je ne connaissais pas le phénomène qui semble être un Zlatan avant l’heure, quelle barre de rire!!!
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27 octobre 2021
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TRENTESAUX DIDIER a dit:
Super d autant que j ai assiste a ce match et médusé de voir sortir du terrain ce célèbre joueur. On en reparle encore entre amis du phénomène Stanislas