Posté le 22 octobre 2021 - par dbclosc
Quand Bernard Tapie a failli reprendre le LOSC (2/2)
Résumé de l’épisode précédent : en 1990, le LOSC est sur le point d’être lâché par la municipalité, qui ne souhaite plus éponger les dettes d’un club sans ambition. Du côté de la mairie, Paul Besson, nouvel adjoint aux sports depuis 1989, semblé décidé à faire le ménage : après avoir laissé courir des rumeurs de « restructuration » dans la presse, il s’attaque frontalement au club au printemps. Il est désormais question de vendre le club. Parmi les candidats à la reprise se trouve Bernard Tapie qui, via une de ses filiales, le groupe Testut, représenté par Bruno Flocco, entre en négociations avec la mairie de Lille. Jusque fin avril, les deux parties se séduisent mutuellement… Un conseil d’administration est censé éclairer l’état des rapports de forces.
Dans ce deuxième volet, la piste Flocco/Tapie prend progressivement du plomb dans l’aile, et on s’interroge sur la stratégie de la mairie, qui fait douter tout le monde en oscillant entre la volonté d’un ancrage régional et l’assurance d’une base financière solide pour le club. Bingo : elle n’aura aucun des deux.
Tapis rouge pour Flocco
Le 24 avril, veille du conseil d’administration, ce sont les grandes manœuvres à la Générale de Chauffe et à l’hôtel de ville. Dans un premier temps, Dewailly, Besson et Amyot se retrouvent sans Mauroy, mais avec les principaux interlocuteurs municipaux. Vers 19h, Flocco débarque, accompagné de deux collaborateurs : José Mailliet, un ancien pilote de rallye, et Philippe Goac, avocat à Béthune. Assez disert à la sortie, Flocco rapporte que Bernard Tapie – décidément très présent – suggère qu’au besoin, Michel Hidalgo peut aider à dresser un état des lieux du paysage losciste. Et allez, on fait miroiter les premières vedettes… et de futures relations selon un axe Lille/Marseille : « elles permettront au LOSC la possibilité d’acquérir un certain nombre de joueurs. Mon objectif est d’en faire un club européen, en changeant les mentalités » précise Flocco, qui estime que l’Om est un « réservoir » : de là à faire de Lille une filiale de l’OM, il n’y a qu’un pas. Voici désormais que les noms d’Alain Roche, de Karl-Heinz Förster, d’Abdoulaye Diallo et d’Eric Mura sont les premiers annoncés pour prendre la direction de Lille. Puis Flocco y va de quelques « paroles définitives » selon la VDN, qui annoncent bien la couleur : « il ne s’agit pas seulement de mettre de l’argent pour combler le trou. Le LOSC doit être rentable. En France, nous sommes dans un carcan administratif dont on ne peut pas sortir, soi-disant pour des raisons de morale sportive. Faut pas rigoler ». Au niveau des partenariats, Flocco lorgne du côté de l’automobile (on connaît déjà les relations entre Peugeot et Sochaux, ou entre Opel et Bordeaux), et plus particulièrement de Renault, avec qui il déclare avoir des liens. Il parle aussi de vente par correspondance (La Redoute), de Conforama, d’Auchan… Bref, Flocco fourmille d’idées, et la réunion semble l’avoir renforcé dans son ambition de prendre la tête du LOSC : « la réunion s’est passé dans un état d’esprit très favorable. Notre stratégie a été bien perçue (…) nous n’avons relevé aucune note discordante ». La Voix du Nord rapporte même que nombre d’interlocuteurs municipaux n’ont même pas pris la parole… Avant de quitter les lieux, Flocco précise : « on m’avait peut-être mal compris, lundi. Si nous aboutissons, il n’est pas question, en effet, de collaborer avec l’équipe dirigeante actuelle ». Voilà qui est plus clair. Et qui devrait être confirmé par le conseil d’administration.
Tapie vert
Surprise : le Conseil d’administration ne donne rien. Alors que l’on attendait la quasi-officialisation de l’arrivée de Bruno Flocco, rien ne jaillit. Sauf « l’un de ces communiqués à la guimauve dont le club nordiste a le secret » (la Voix du Nord, 26 avril). On trouve tout de même deux informations intéressantes dans « ce monument du mot creux et de la phrase vide » : d’abord, Bruno Flocco se donne la date du 3 mai pour faire connaître sa décision, après résultat d’une « expertise financière et d’un bilan sportif » : « autrement dit, on repousse tout à une semaine, ce qui est aussi une des vieilles pratiques de la maison losciste » commente amèrement la VDN. Ensuite, en bas du feuillet lu par Dewailly puis distribué à la presse, la VDN note qu’« en lettres grasses, on découvre que le communiqué en question est arrivé par fax, directement de la mairie de Lille. Le CA l’a fait sien sans y changer une virgule, ce qui démontre la marge de manoeuvre dont il dispose. À peu près la largeur d’une couture de pantalon ».
Bref, c’est désormais l’imbroglio : que signifie cette demande de délai ? Il y a fort à parier que les repreneurs potentiels se soient trouvés face à une situation plus critique qu’ils ne l’avaient imaginée. On parle notamment d’un déficit de 35 MF. Ou alors, dans la mesure où il ne fait aucun doute que les repreneurs souhaitent une refonte en profondeur de la direction et de l’effectif, il faut prévoir des coûts importants qui ne pourraient être assumés. Il est donc l’heure de gagner du temps. Ou plutôt d’en perdre : pendant ce temps, le Lavallois Loïc Lambert, pressenti pour rejoindre les Dogues, a préféré rejoindre Saint-Etienne, et Ian Melby de Liverpool, s’est envolé pour les Rangers. Ça négocie, en liaison avec Bernard Tapie, dont le nom revient sans cesse et dont on attend le feu vert. En aparté, on apprend que Pierre Mauroy lui-même est allé chercher Bernard Tapie à l’Assemblée Nationale, en mars, pour lui évoquer le cas du LOSC. Même si Tapie semble intéressé, la situation est délicate, et on ne parle même plus du maintien du LOSC, pas encore assuré…
La Voix du Nord, 26 avril 1990, caricature de Honoré Bonnet
Le 27 avril, on apprend dans la Voix du Nord que la piste Tapie/Flocco a peut-être du plomb dans l’aile. Et par ailleurs, une rumeur court : la municipalité serait prête à effacer la dette du LOSC ! Comme ce fut le cas avec Marseille qui, avec Gaston Defferre, son maire, avait remis à zéro les comptes de l’OM quand Bernard Tapie en a pris la présidence en 1986. Cette rumeur est-elle fondée, ou a-t-elle été lancée par Flocco/Tapie comme une condition à la reprise du club ? Dans l’immédiat, le ton de Flocco a brusquement pris une tournure moins amicale, comme s’il rechignait pour mieux inciter la mairie à faire quelques efforts. Il est interrogé dans la VDN :
Faut-il interpréter le délai demandé comme une reculade ?
Rien n’autorise à le dire. Je m’en tiens au communiqué diffusé après le Conseil d’administration du LOSC.
L’examen financier et sportif est-il commencé ?
Il faut traiter le cas du club lillois comme une affaire. Au travers des comptes, bien sûr, mais aussi de tout un environnement. Il y aune dizaine de paramètres à étudier, dont les contrats des joueurs. Or, je ne suis en possession des documents que depuis mardi soir. Une semaine pour approfondir les choses, ça ne me paraît pas excessif.
Quelle est la tendance aujourd’hui ?
C’est simple : si j’estime que les garanties sont insuffisantes, je répondrai par la négative. Mais si les éléments rassemblés me donnent satisfaction, je prendrai. Et j’assumerai sans faire de commentaires.
Quand on vous dit que rien ne se fera sans l’aval de Bernard Tapie, êtes-vous irrité ?
C’est votre problème. Moi, je ne me fâche même pas pour des dessins à la con [note DBC : B. Flocco fait ici référence à la caricature reproduite plus haut]. Tapie est le meilleur. Il va, d’ailleurs, être de nouveau champion de France. Faites-lui confiance, il connaît les bonnes recettes ».
S’il fallait une confirmation que rien ne se fait sans Tapie, on l’a ! Relation de cause à effet ou pas, la rumeur selon laquelle la mairie reprendrait la dette a suscité la réaction de chefs d’entreprises régionaux, qui seraient prêts à faire une contre-proposition. Ce qui change fondamentalement la donne, et justifie peut-être le délai demandé par Tacco/Flopie. Du coup, Paul Besson a souhaité rencontrer les membres du club Challenge, qui regroupe 60 sociétés de la région. Les intéressés ont indiqué qu’il auraient aimé être consultés « dès les prémices de l’intervention de M. Flocco ». Illustration supplémentaire que le vent tourne : Alain Martinne, membre de la commission de développement, écrit un courrier à Jean Sadoul, président de la LNF, dont voici un extrait : « par personne interposée, Pierre Mauroy veut pousser Lille dans les bras de Bernard Tapie. Mais un homme peut-il, même indirectement, avoir la mainmise sur deux clubs de D1 ? ». Recevable ?
Le LOSC revient sur le tapis
Nous sommes fin avril 1990. Le LOSC, qui n’intéressait personne il y a quelques semaines, semble désormais avoir à ses côtés du monde prêt à se battre pour lui ! En cause, notamment : « la rumeur concernant la possible extinction de la dette publique a réchauffé quelques ardeurs, jusqu’ici prises d’effroi devant l’ampleur de la tâche à accomplir pour colmater ce trou béant » (la Voix du Nord, 27 avril). Pour le moment, on compte ainsi : le club Challenges, qui souhaite s’appuyer sur quelques entreprises de la région ; Tati serait sur les rangs ; et, surtout, la candidature la plus sérieuse émane d’un groupe d’entreprises régionales à la tête duquel on trouve Luc Doublet, patron d’une société à Avelin (Festitub). On le dit épaulé par deux gros bras de l’industrie du Nord, et il préparerait une contre-proposition. Mais Flocco/Tapie ont encore, probablement, une longueur d’avance. Jusque quand ? Sentant la menace approcher, Bernard Tapie, dont on va encore se rendre compte qu’il suit le dossier de très près, sort les griffes (la Voix du Nord, 27 avril) :
Le LOSC, ça vous intéresse ?
Si je n’avais pas déjà l’Olympique de Marseille, je ferais de Lille l’un des grands sur l’échiquier européen. En France, il devrait, en toute logique, se situer dans le peloton de tête. Les quatre premiers, au moins. Le LOSC fait partie de ces clubs qui ne peuvent pas mourir. Il a une culture, une histoire.
Vous allez donc vous en occuper ?
Si Pierre Mauroy me le demande, pourquoi pas ? Il se trouve que c’est l’un de mes employés qui a été contacté. Mais, même dans le cas contraire, le maire de Lille pouvait compter sur moi.
Bruno Flocco, justement, a peut-être trouvé une situation plus compliquée que prévue ?
Plus triste, vous voulez dire. Mais je ne crois pas qu’il soit homme à se laisser décourager. Ce qui paraît gênant, ce sont les engagements sur le long terme qui ont été pris. Il y a des contrats beaucoup trop coûteux et d’autres qui incluent des clauses libératoires ridiculeusement basses. Exemple : pour 2 MF, Jocelyn Angloma peut reprendre sa liberté à la fin de cette saison. C’est donné pour l’un des meilleurs footballeurs du pays.
Si vous aviez à appliquer une stratégie, quelle serait-elle ?
Avant tout, il est nécessaire de rendre au club une crédibilité perdue et de lui forger une bonne image. C’est indispensable si l’on souhaite attirer des partenaires et leur donner l’envie de s’investir. Mais pour cela, il faut faire table rase du passé. Sans hésiter, si c’est la seule solution, à aller jusqu’au dépôt de bilan. Casser n’a jamais empêché de reconstruire.
Vous disiez, il y a moins d’un an, que les dirigeants du LOSC étaient incompétents. Est-ce encore votre avis ?
Il y a dans ce club un homme à éliminer de la carte du football. Bernard Gardon n’est pas seulement incompétent, il est dangereux car sa démarche reste toujours négative. Il est assis sur quelque chose qui ne sent pas bon, mais il s’y prélasse »
Oumar Dieng face à Jean-Pierre Papin
Tapie doublé ?
Début mai, Luc Doublet se retrouve à la tête d’une coalition comprenant Georges Leblond, le président du club « Gagnants », et les membres du club Challenges. À vrai dire, on a du mal à percevoir si cette candidature n’est pas trop tardive, ou s’il ne s’agit pas d’un baroud d’honneur. Mais la candidature semble être accueillie avec sérieux par Paul Besson, qui rappelle que la mairie a appelé à l’aide dès juillet 1989, sans obtenir de réponse : « nous sommes arrivées au terme des possibilités. Après 10 mois d’attente, notre souhait n’a pas varié. Il s’agit de trouver quelqu’un susceptible de gérer le LOSC ». Puis l’adjoint se fait plus précis sur la situation du club : il évoque que les pertes consolidées du LOSC s’élèveront à 50 MF en juin, et que les emprunts bénéficiant de la garantie municipale s’élèvent à 85 MF, remboursements prévus jusqu’en 1998. De quoi effrayer. Jacques Amyot rassure tout le monde : « nous sommes au bord du précipice ».
Ayant besoin de temps pour peaufiner sa candidature plurielle et régionale, Luc Doublet réclame la date du 19 mai : « nous avons l’ambition d’établir un projet d’entreprises et de bâtir pour porter le club vers l’avant. C’est évidemment plus long que de sortir un lapin de son chapeau, mais la région la plus jeune de France, riche de ses industries, a besoin de ce vecteur essentiel qu’est le football ». Le délai est accordé par un communiqué de Pierre Mauroy ! Voilà donc le statu-quo, initialement prévu jusqu’à la décision de Flocco envisagée pour le 3 mai, prolongé de 15 jours…
Malgré tout, la situation semble s’éclaircir : on sait que la mairie n’ira pas plus loin dans ses engagements financiers ; si la proposition Tapie/Flocco, qui veut revoir tout l’organigramme, est acceptée, le LOSC aura son repreneur ; et en cas d’échec des négociations, la ville a une solution de rechange avec une proposition qui veut s’appuyer sur l’équipe en place.
Rappelons que le LOSC possède une équipe de football. Le 12 mai, pour la 37e journée, elle reçoit Saint-Etienne. En tribune, on observe une image cocasse : les deux repreneurs potentiels entourent Paul Besson.
La Voix des Sports, 14 mai
On suppose que la photo est prise lors de l’arrivée du ballon, via un parachutiste
Mené 1-2 en début de deuxième période, le LOSC recolle et arrache un point. Sauf catastrophe lors de la dernière journée (large défaite de Lille à Caen et large victoire de Nice), les Dogues sont sauvés avec ce laborieux point. Bien sûr, on cherche chez Doublet et Flocco quelque réaction qu’on ne manquera pas d’interpréter. Pour Flocco, « il est évident que la formation lilloise manque globalement de potentiel » ; pour Doublet, « le tout est toujours supérieur aux parties ».
Les pieds dans le tapis
Alors que s’amorce la semaine décisive, nouveau changement de ton. Selon la Voix du Nord, Flocco « incarnerait un changement jugé, désormais, trop brutal » (15 mai). Est-ce une manière diplomatique d’annoncer que Flocco n’est, en fait, plus intéressé ? Ou alors que la mairie n’est plus intéressée par un duo qui, outre sa politique annoncée de la table rase, semble annoncer des méthodes discutables… ? Lâcher le LOSC, oui, mais pas à n’importe qui !
Il semble donc que Doublet ait désormais l’avantage. Mais à des conditions très éloignées de ce que la mairie escomptait pour le club ! Doublet annonce qu’il espère réunir… 10 MF. Ce qui, comme on l’a vu avec les chiffres annoncés, ne comble pas les dettes et ne permet pas au budget de décoller. Cela ressemble finalement à un changement dans la continuité… était-ce le but initial ? On pourrait aussi déclarer la SAEM en faillite, mais à quoi bon ?
Luc Doublet et Jacques Dewailly
Et finalement, même pour Doublet, qui semblait tenir la corde au point que des invitations ont été envoyées à des entreprises, c’est la débandade. Que s’est-il passé ? Besson a reçu Doublet, pour lui dire qu’il souhaitait « un projet plus large, plus dynamique ». Conclusion de Luc Doublet, répercutée par un de ses proches : « si l’on voulait me faire dire non, on ne s’y prendrait pas autrement. Mais la partie de bras de fer continue »
Si la non-tendance se confirmait, cela signifierait que rien ne serait réglé. La Voix du Nord n’y va pas de main morte en publiant quelques articles aux titres éloquents (« Sale temps » le 17 mai, « Ras-le-bol » le 18), et des formulations peu amènes : « Lille est bien parti pour battre le record absolu de lenteur. Au point qu’on en arrive à se demander si le prochain sponsor, sur les maillots, ne sera pas une société spécialisée dans l’élevage des escargots ». La Voix du Nord résume la philosophie actuelle de la mairie à « Poussez pas derrière, pas si vite devant », ce qui est une formulation assez drôle ; « tout continue à être d’une clarté d’encre dans cette affaire où un arbitre belge aurait du mal à retrouver une main portugaise » [l’OM vient de se faire éliminer de la C1 à Lisbonne sur un but marqué de la main que l'arbitre belge n'a pas vu].
On est à 31 jours de la reprise de l’entraînement pour la saison 1990/1991, et on sait toujours ce que feront, notamment, Angloma, Périlleux, Pelé. À une époque où les effectifs sont quasiment actés avant même que la saison précédente ne se termine, ça fait désordre.
La Voix du Nord, 17 mai 1990, caricature de Honoré Bonnet
Amyot s’en va
« L’avenir du club était flou, il est devenu nébuleux. Seul M. Mauroy pourrait amener du concret, mais il ne semble pas réaliser l’urgence de la situation (…) Nous sommes pieds et poings liés ». Ces propos lucides et frappés du bon sens prennent une tournure aux accents de sincérité désarmants quand on sait qu’ils ne proviennent pas de supporters inquiets mais de… 3615 LOSC, autrement dit, la voix officielle du club ! On suppose que les rédacteurs font partie de la commission de développement évoquée plus haut, mais tout cela montre à quel point il y a un souci majeur dans la gouvernance du club, qui parle à plusieurs voix. Ou plutôt devrait-on dire que l’une des voix du LOSC, censée, dans l’organigramme, être la plus légitime, sert plutôt à tester les qualités de ventriloquie de la mairie.
Probablement exaspéré par la situation, lassé de ne devoir qu’expédier les affaires courantes depuis le coup de force de Besson, Jacques Amyot donne sa démission le 18 mai. Il n’est plus directeur général de la SAEM ni vice-président du club. Il était arrivé au club le 5 mai 1977, en compagnie de Roger Deschodt, pour veiller un club déjà malade après la démission de son président Paul-Mary Delannoy. Il est interrogé le 19 mai dans les colonnes de la Voix du Nord :
Jacques Amyot, pourquoi avoir démissionné aujourd’hui [le vendredi 18] ?
Pour deux raisons : d’abord, parce que notre équipe est désormais sauvée [Note DBC : ce qui n'est pas tout à fait vrai], ensuite parce que je me suis rendu compte que le projet de M. Doublet n’avait aucune chance d’être retenu par la mairie. Et j’en suis atterré.
Cette décision, vous l’avez prise seul ?
Absolument, sans aucune pression d’aucune part. Ce projet, j’y ai beaucoup cru. Réunir une multitudes de petites et moyennes entreprises sous la bannière du LOSC, c’était une idée que j’avais émise depuis longtemps. Je l’ai dit, répété cent fois, que le LOSC devait devenir un club « communautaire ». Et si je dois avoir un seul regret aujourd’hui, c’est de ne pas avoir su opérer cette fédération d’entreprises plus tôt.
Cela laisse supposer que si M. Doublet avait réussi à convaincre la mairie, vous seriez resté ?
Pourquoi pas, j’aurais pu continuer à apporter ma pierre à l’édifice. Là, je préfère me retirer, laisser le champ libre à ceux qui vont arriver. C’est plus sain, plus sage aussi.
Vous partez la conscience tranquille ?
Vous savez, quand nous avons repris le LOSC en 1977, il était déjà endetté de 1,5 ou 2 MF de l’époque. Je ne sais plus très bien. Et nous ne sommes jamais parvenus à combler le trou. Nous avons toujours espéré un exploit en coupe ou une qualification en coupe d’Europe et ça n’est malheureusement jamais arrivé. Je ne dis pas que je n’ai pas eu de torts mais il a fallu suivre l’évolution, des salaires notamment. Et encore aujourd’hui, lorsque je m’aperçois que le Lillois ne dépense que 18 F en moyenne pour son club et qu’il est en avant-dernière position derrière le Parisien, je me dis qu’on ne pouvait pas faire de miracles.
Revenons à ces derniers mois passés au LOSC. Vous n’avez pas vraiment digéré la nomination de Paul Besson comme co-directeur, nous nous trompons ?
Écoutez, le docteur Besson ne m’a pas adressé la parole depuis trois ou quatre mois. Bonjour, bonsoir, c’est à peu près tout. Nous n’avons jamais parlé ensemble du LOSC… Si je n’ai rien dit, c’était tout simplement pour ne pas nuire à la bonne marche du club, pour ne pas créer un drame de plus…
Vous n’en direz pas plus ?
Non, ça ne servirait à rien.
Dans quel état d’esprit vous trouvez-vous ? Que va-t-il advenir maintenant du club ?
Je suis triste bien sûr, très triste de ce qui se passe. Mais pour le reste je ne suis au courant de rien. Le docteur Besson ne m’a évidemment rien dit, et avec Jacques Dewailly je n’ai eu aucun contact récemment. Rien qui puisse m’éclairer… »
Et Lille joue son maintien ce samedi, « mais il s’agit là d’un sujet purement sportif. Autrement dit, guère intéressant par les temps qui courent… » (La Voix du Nord, 18 mai). Le LOSC passe à deux doigts de la catastrophe : rapidement mené 0-2, il faut à tout prix éviter la large défaite, si Nice venait à gagner… et donc masquer à l’adversaire que Lauricella joue tout la deuxième période avec une main cassée ! Ouf, le LOSC est sauvé sur le terrain, et les joueurs partent en vacances.
Et en coulisses, revoilà la piste Flocco ? Non Ou en tout cas pas seul. Le choix s’est fixé non pas sur un homme providentiel, mais sur plusieurs investisseurs nouveaux. Une conférence de presse à l’invitation du club Challenge est organisée à Grimonprez-Jooris : on y a la confirmation que Doublet s’appuyait sur des partenaires pas assez puissants. On annonce alors un pool d’entreprises, dont Auchan (Jean-François Duprez) et La Redoute (François Sénéchal), qui apportent leur nom mais pas grand chose d’autre… ainsi que la venue, probablement à la présidence, de Claude Guedj (CRIT-Interim), qui a la haute main sur des sociétés d’interim, de gardiennage et de nettoyage. Dans le football, il a jusqu’alors fait du sponsoring pour Auxerre, Tours et Nice. On annonce même Flocco dans le comité de direction.
Mais entre fin mai et début juin, Flocco s’éclipse discrètement. Il n’entrera pas au LOSC. A-t-il senti que le LOSC n’était pas au bout de ses peines, et que le mois de juin allait encore offrir du grand n’importe quoi ? Sans doute.
Bruno Flocco retourne donc à ses affaires, chez Testut. On entendra parler de nouveau de lui en 1993, au moment où il est emprisonné préventivement pour l’ « affaire Testut » : en gros, Tapie a accusé Flocco de confondre les finances de Testut avec ses finances personnelles. En riposte, Flocco a accusé Tapie d’avoir confondu les finances de Testut avec celle de l’Olympique de Marseille, ce qui aurait notamment permis d’acheter Chris Waddle. Tout le monde a été définitivement condamné pour cette affaire en 1996, avec de fortes amendes et de la prison avec sursis. Félicitations à tous !
Finalement, le LOSC ne s’en tire pas trop mal : à Lille, on n’est peut-être pas toujours compétents, mais les gens nous savent honnêtes (de Marseille).
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