Archiver pour décembre 2021
Posté le 31 décembre 2021 - par dbclosc
Le tournoi international de Liévin 1994
Entre Noël 1994 et le Nouvel An 1995, le LOSC meuble la courte interruption des compétitions en participant au tournoi en salle de Liévin. À cause d’un calendrier de plus en plus chargé pour les clubs professionnels, cette édition 1994 est à ce jour la dernière. Entre manque de motivation, public clairsemé et insultes, on termine en beauté.
Au cours de l’hiver 1986/1987, le LOSC était parti au Cameroun ; en hiver 1988/1989, le LOSC optait pour la Guyane ; pour l’hiver 1994/1995, ce sera Liévin. Ah, « la trêve n’est plus ce qu’elle était1 » ; « elle ne mérite même plus son nom » constate la Voix du Nord. Si le LOSC a des problèmes financiers, il faut plutôt voir dans le rapprochement des destinations hivernales l’illustration d’un calendrier de plus en plus chargé pour les clubs professionnels, où il existe de moins en moins de longues périodes sans jouer à combler. Après avoir repris l’entraînement le 26 décembre, et avant de jouer en coupe de la Ligue le 3 janvier (au Havre), puis en championnat le 7 (à Nantes), le LOSC va donc, le 30 décembre 1994, participer à « une grande nuit de football » : le « tournoi international de Liévin », sixième du nom, rebaptisé cette année « Tournoi du Nouvel An », probablement en raison de sa proximité avec le 1er janvier.
Précisément, ce tournoi, né en 1989, n’avait pas pu se tenir l’année précédente : au resserrement du calendrier de la D1 était venue s’ajouter la nouvelle formule de la Coupe de la Ligue, qui n’est plus un tournoi d’été (on a parlé des éditions 1986 et 1992). Alors retour au local, au stade couvert régional de Liévin, à l’initiative de l’USA Liévin, du LUC, et plus particulièrement de Robert Denel. Traditionnellement, le tournoi invite une (initialement, Lens) ou plusieurs équipes de la région, et des équipes étrangères. Pour ce millésime 1994, les participants sont :
Le Racing Club de Lens, 7e de D1, entraîné par Patrice Bergues ;
Le Lille Olympique Sporting Club, 14e de D1, entraîné par Jean Fernandez ;
Le Koninklijke Atletiek Associatie Gent (La Gantoise), 14e de D1 belge, entraîné par Lei Clijsters, papa de Kim ;
Le Royal Football Club Seraing, 5e de D1 belge, entraîné par une vieille connaissance, Georges Heylens (déjà présent au tournoi en 1991 en tant qu’entraîneur de Charleroi).
Dans des confrontations de deux fois 15 minutes, sur « moquette », le programme est ainsi fixé :
19h : Lens/La Gantoise
19h45 : Lille/Seraing
21h : match pour la 3e place
21h45 : finale
Pour être tout à fait précis, la journée du 30 décembre avec les professionnels est plutôt le point d’orgue du tournoi, qui s’étire en réalité du lundi 26 au vendredi 30 : en effet, en début de semaine, 1440 enfants représentants 96 équipes en poussins, pupilles et minimes s’affrontent, et 6 d’entre elles (au cours de 3 finales, une par catégorie) auront l’honneur de jouer devant les professionnels. La finale poussins est ainsi fixée à 17h30, la finale pupilles à 18h, et la finale minimes à 20h30, juste avant les matches de classement des pros.
À l’arbitrage, dès le lundi : Robert Wurtz et Guy Goethals, fils de Raymond, élu arbitre belge de l’année 1994, et qui officiait durant l’euro 92.
À l’animation, deux journalistes : Roger Rudynski (par ailleurs speaker au stade Bollaert) et Hervé Weugue, correspondant régional de RTL. Ambiance assurée !
En championnat, Lens et Lille se sont affrontés en juillet lors de la 1e journée (1-1)
Les organisateurs ont à cœur d’offrir un public régional un beau spectacle car, premièrement, il y a eu une interruption du tournoi l’an dernier ; deuxièmement, on rappelle que l’édition 1993 avait été un « demi-échec » en raison de l’absence du LOSC et de l’incapacité du RCL à se qualifier pour les demi-finales (dans une formule à 6) ; troisièmement, la réputation des Nordistes au tournoi est écornée après « un passage où les Lillois furent ridicules » en 1991 et en raison de la « pitoyable exhbition » de Valenciennes en 1993 ; enfin, des bagarres entre supporters lillois et lensois ont émaillé l’édition 1992.
Bref, on aimerait bien une soirée « musclée et spectaculaire » où « les filets chanteront » et, surtout, que des Nordistes gagnent, ce qui n’est arrivé qu’une seule fois, avec Lens en 1991.
Selon nos sources, lors de l’édition 1991, Lille termine 5e, après avoir battu Sofia lors de la « petite petite finale »
Seulement, « Lens et Lille ne font pas du tournoi de Liévin leur objectif prioritaire » croit utile de préciser la Voix du Nord. Jean Fernandez indique même qu’il aurait préféré un bon vieux match amical, mais assure toutefois qu’il ne vient pas faire de la figuration. Il a même adapté ses séances d’entraînement en vue du tournoi : ainsi, le 28 décembre, le LOSC s’est entraîné sur le synthétique du stade Guy-Lefort à Lambersart (peut-être aussi parce que les terrains de la Citadelle étaient inondés, apprend-on par ailleurs). L’entraîneur lillois déclare : « le problème, c’est que le jeu en salle est totalement différent. Il n’y a pas de possibilité pour travailler sur le plan tactique. Mais bon, ce sera notre seule préparation avant la reprise, il faut donc jouer sérieusement ».
Eric Assadourian, lui, paraît encore moins convaincu par l’utilité du tournoi et voit plutôt cela comme « entrant dans le cadre d’une préparation physique » : « personnellement, ça ne convient pas trop. La surface est un peu trop rude, les appuis sont différents, il y a beaucoup plus de chocs au niveau des chevilles, des ligaments. Généralement, j’ai des problèmes musculaires par la suite quand je dispute de genre de manifestation ». Mais, n’en doutons pas, « quand on fait une compétition, c’est pour la gagner. Tout simplement parce qu’on est des joueurs professionnels et surtout des passionnés ».
Du côté du LOSC, on comprend donc qu’on se rend à Liévin faute de mieux. C’est dans ce joyeux état d’esprit que survient une drôle d’affaire : le 29 décembre, une personne s’est introduite dans le vestiaire à Grimonprez pendant l’entraînement et a embarqué les portefeuilles de certains joueurs parmi lesquels Thierry Bonalair et Arnaud Duncker. Précision utile pour l’enquête : « le hic, c’est que les portes étaient toutes fermées et qu’il n’y avait aucune trace d’effraction ». De quoi faire régner la confiance au sein du club ! Y a-t-il un complot contre le LOSC ?
Un extrait du règlement du tournoi, Voix des Sports, 26 décembre 1994
Du côté lensois, le tournoi semble ennuyer tout autant et on craint également les risques de blessure (c’est d’ailleurs à la demande du coach de Lens que les périodes ont été réduites de 20 à 15 minutes), mais on se montre plus positif, avec un Patrice Bergues insistant sur « le respect dû au public », et un Jean-Guy Wallemme assez heureux, se remémorant la victoire de 1991, alors que Lens était en D2 avec Arnaud Dos Santos : « cela avait marqué notre réveil et on avait fait une super deuxième partie de saison ».
Au niveau des effectifs, Bergues préfère se passer de Laigle, Magnier, Sikora et Héréson, qui ont récemment eu des pépins physiques qu’il s’agit de ne pas réveiller ; à Lille, manquent Lévenard, insuffisamment remis d’une déchirure, et Assadourian, qui a obtenu ce qu’il voulait en étant laissé au repos. Place au jeu !
« Cette compétition était plutôt placée sous le signe de la bonne humeur. Du moins, sur le terrain » : il est 17h30 et la finale Poussins entre les petits de Lille, entraînés par Fabrice Lecomte et Firmin Baillon, et ceux de Valenciennes, débute. Les gradins se remplissent progressivement en attendant le premier match des professionnels. Sur le terrain, les Poussins font 2-2, et il faut recourir aux tirs aux buts. C’est alors que les supporters de Lens « qui jouent quasiment à domicile et qui ont investi la totalité d’un virage » huent copieusement les petits tireurs lillois : « dans les gradins, des petits malins ne trouvèrent rien de mieux à faire que d’insulter les poussins lillois, qui disputaient leur finale face à Valenciennes. La haine a atteint un tel niveau dans certains esprits que s’en prendre à des enfants n’est même pas un problème. La bêtise humaine n’aurait-elle pas de limite ? (…) L’éducation de ces supporters injurieux reste à faire et il faut bien admettre que les Lensois nous ont habitués à plus d’humour et de respect. Injurier les DVE, promettre la super D2 au LOSC fait peut-être partie de leur « culture ». Mais siffler les gamins lillois pendant leurs tirs aux buts contre Valenciennes, en finale, c’est lâche et lamentable. Le meilleur public de France nous doit une revanche ». En réplique, les Lillois « parqués dans deux petites tribunes derrière l’autre but » insultent les Lensois. Les Lillois s’inclinent sous les vivas du virage lensois.
Alors quand arrivent les professionnels lensois à 19h pour affronter la Gantoise, une grande partie des sandwiches de la buvette, lancés depuis les deux tribunes lilloises, se retrouve sur le terrain. Lens s’impose 6-4 et se qualifie pour la finale.
Ce coup de pied dans le cul de Mickaël Debève en juillet a-t-il mis le feu aux poudres ?
Place maintenant aux Lillois qui, pour affronter Seraing, alignent le 6 suivant, sous les huées des Lensois :
Nadon, Bonalair, Friis-Hansen, Sibierski, Pérez, Farina.
Bonalair marque rapidement mais les Lillois sont pris par le jeu « à une touche de balle » des joueurs de Seraing, parmi lesquels on trouve Lukaku père et Isaias, un Brésilien qui fera le bonheur de Metz durant quelques mois. À la pause, les Belges mènent déjà 3-1, et assurent une confortable victoire en seconde période : 6-3. La Voix du Nord résume : « sur la moquette liévinoise, d’où l’expression football de salon, les Lillois ont semblé vouloir jouer comme dans un fauteuil : manque de vivacité, maladresse habituelle devant le but, le LOSC n’a jamais été en mesure de s’imposer ». Jean Fernandez est fataliste : « ils étaient tout simplement meilleurs que nous. On a eu une balle de 2-0. Mais à partir du moment où Seraing a mené 3-1, c’était fini ».
Le bilan de ces deux premiers matches est moyen. La Voix du Nord souligne une intensité « faible » sur le terrain ; « heureusement que Robert Wurtz était là pour faire le spectacle ». En tribunes, l’ambiance est « désagréable, pour ne pas dire malsaine ». Robert Denel semble déçu car il estime qu’il y a entre 4500 et 5000 spectateurs, alors qu’il en espérait 1000 à 1500 de plus : « il est certain que la date, entre les deux grandes fêtes de fin d’année, n’est pas la plus adaptée mais nous n’avons guère le choix. Le calendrier du football français est de plus en plus démentiel et nous sommes bien obligés de nous y plier. De plus, la région n’est pas riche et les supporters hésitent avant de mettre la main au portefeuille. Pourtant, nous avions baissé les prix. Dans ces conditions, il faudrait la venue d’une grande équipe pour remplir le stade couvert régional. Nantes m’avait donné son accord avant de se rétracter. À cause de ce calendrier plus que chargé…»
Pour la suite, le LOSC va donc affronter La Gantoise, et Lens affrontera Seraing en finale. Les Dogues vont-ils hériter de la cuillère de bois ? Bien sûr que oui car « les lacunes affichées en championnat, notamment dans la finition, reprirent le dessus » (rappelons que Lille, spécialiste du 1-0 cette saison-là, a la plus mauvaise attaque du championnat).
Voici le 6 aligné par Fernandez :
Nadon, Dindeleux, Leclercq, Duncker, Perez, Garcia.
La presse souligne que Lille se crée « facilement trois fois plus d’occasions », mais trouve le moyen de perdre de nouveau 3-6. Philosophe, Jean Fernandez souligne que « dans ce genre d’épreuves, si vous ne marquez pas, c’est même pas la peine d’espérer ». Ce qui n’est pas le cas en championnat, comme chacun sait !
12 buts encaissés, des joueurs pas très motivés « à part Hansen, Bonalair et Dindeleux », et pas à l’aise, « lacunes techniques et manque de volonté, de combativité », « mais bon, on sait depuis longtemps que le OSC ne se distingue pas franchement par ses qualités techniques », c’est une belle soirée de merde. Quatrième sur quatre, « le LOSC était vraiment à sa place » note cruellement la Voix du Nord. Georges Heylens, jamais avare d’une vacherie contre un club qui l’a viré peu élégamment fait dans la perfidie : « pour réussir quelque chose, en football comme ailleurs, il faut avoir faim ».
Lens remporte la finale face à Seraing. Les supporters lillois, qui n’étaient restés que pour insulter les Sang & Or, sont évacués à la mi-temps dans un calme relatif.
C’était le tournoi amical de Liévin (1989-1994).
Le palmarès de l’édition 1994 :
Demi-finales
Lens/La Gantoise 6-4
Buts lensois de Boli (2), Meyrieu, Dallet, Tiéhi et Brunel
Buts gantois de Viscaal (3) et Kanana
Lille/Seraing 3-6
Buts lillois de Bonalair, Farina et Sibierski
Buts sérésiens de Lawarée (2), Teppers (2), Denil et Schaessens
Match pour la 3e place
Lille/La Gantoise 3-6
Buts lillois de Carrez, Dindeleux et Garcia
Buts gantois de Kanana (2), Viscaal, Vangronsveld, Vuksanovic et Martens
Finales
Lens/Seraing 3-2
Buts lensois de Boli, Brunel et Meyrieu
Buts sérésiens de Debusschere et Lawarée
Poussins : Valenciennes/Lille 2-2 (5-4)
Pupilles : Lens/Auchel 1-0
Minimes : Douai/Avion 1-1 (3-1)
Note :
1 Les citations entre guillemets sont issues de la presse régionale (La Voix du Nord et La Voix des Sports), semaine du 26 décembre 1994 au 1er janvier 1995.
Posté le 24 décembre 2021 - par dbclosc
Joyeux Noël 1938 avec François Bourbotte
En 1938, l’hebdomadaire Le Miroir des Sports consacre un « reportage de Noël » à l’international français et capitaine du SC Fives, François Bourbotte. Un reportage très people, condescendant et patriote, qui a toutefois le mérite de donner un aperçu d’un football professionnel révolu.
En 1936, le Miroir des Sports avait choisi le cycliste Antonin Magne, double vainqueur du Tour de France (1931, 1934) ; en 1937, c’était au tour d’un autre cycliste, Maurice Archambaud ; désormais, François Bourbotte est en Une de l’hebdomadaire pour le traditionnel « reportage de Noël » : comme ses prédécesseurs, il pose avec épouse (et éventuellement, enfants) pour un cliché censé saisir une scène de la vie quotidienne dans le foyer familial. C’est dire si le capitaine du SC Fives a pris une importante dimension au cours de cette année 1938 durant laquelle le football en France a été particulièrement exposé avec, notamment, l’organisation de la coupe du monde.
Mais il faut dire aussi que François Bourbotte a tout du « bon client » pour le Miroir des Sports : hebdomadaire sportif créé en 1920, il est au départ une émanation de Miroir, spécialisé dans le suivi des têtes couronnées. Si la spécialisation dans le Sport est le reflet du développement des compétitions, le Miroir des Sports conserve de son « ancêtre » la beauté des clichés, et un certain attachement à la mise en scène des personnalités, parfois saisies ou interrogées au sein du foyer domestique. Et d’autant plus quand ces personnalités racontent une histoire qui colle bien à certains aspects idéologiques qu’on souhaite valoriser.
En l’occurrence, François Bourbotte est – probablement à son corps défendant – l’instrument d’une mise en récit qui fait sens dans une France des années 1930 fort marquée par la guerre de 1914-1918 et ses conséquences.
Dans ses éditions du 1er février puis du 29 novembre 1938, le Miroir des Sports consacrait déjà des portraits de François Bourbotte, soulignant que « ses débuts dans la vie n’ont guère été heureux » (février). Né en 1913 à Loison-sous-Lens (c’est pas là que ça commence mal), il est évacué avec sa mère à Saint-Etienne dès les premiers mois de la guerre. Son père, Emile, soldat au 151e d’infanterie, est tué le 7 avril 1915 au Bois de la Gruerie, dans la Marne, un lieu qui symbolise plus que tous les autres le conflit. Une fois les hostilités terminées, la famille Bourbotte se réinstalle à Loison-sous-Lens.
François suit ensuite une scolarité qui le mène au collège d’Arras où, en tant que pupille de la nation, il passe l’examen des Postes « qui est sensiblement du niveau du brevet supérieur » puis travaille un an à Paris. Parallèlement, il découvre le football et évolue sous les couleurs de Vendin-le-Vieil puis de l’Etoile Sportive de Bully, où il évolue un temps avec Jules Bigot.
C’est avec emphase que Gabriel Hanot en parle dans l’article de novembre, avec une description physique faisant du « grand François » (1,85m) un type bien de chez nous : « il est, comme diraient les Indiens, un visage pâle. Il a les cheveux blonds tirant sur le roux, la peau blanche et laiteuse. Chez nos voisins de l’Est, il serait un Aryen exemplaire. Pour nous, il est un pur Nordiste et même, au point de vue ethnologique, un Nordique. Il a sans doute des ancêtres gaulois, à moins que sa généalogie n’ait subi les effets de l’invasion normande ».
Le Miroir des Sports, 29 novembre 1938
Au niveau du caractère, François est décrit comme « silencieux et taciturne. On ne le voit ni ne l’entend. Il ne sourit pas souvent. Lorsqu’il le fait, son visage prend une forme de croissant de lune » (novembre).
En 1932, il remporte la coupe de France Juniors à Colombes, avec Bully. Mais survient en 1933 « l’affaire Bourbotte » : le Sporting Club Fivois souhaite engager le jeune François, 20 ans. Mécontent qu’un de ses espoirs lui échappe, le club de Bully engage une procédure pour « racolage », et la commission régionale d’amateurisme du Nord disqualifie Bourbotte pour un an pour « amateurisme marron ». Et s’il est reconnu amateur marron, c’est parce que Bully le rétribuait : « en conséquence, l’accusé était peut-être moins coupable que le plaignant. Mais passons » (novembre).
Sapeur au 3e génie à Arras, il est alors envoyé à l’école militaire de Joinville et intègre l’équipe de l’armée française, où il est autorisé à jouer. Mais à la veille d’un match contre l’armée britannique, le 8 mars 1934, il apprend que sa mère vient de décéder : « au lieu de connaître les honneurs populaires à Colombes, où l’Armée française battit l’Armée britannique par 2 buts à 1, il veilla solitairement sa pauvre maman ».
Le Miroir des Sports, 1er février 1938
Ses performances sous le maillot fivois au poste de demi droit l’ont fait incorporer l’équipe du Nord puis l’équipe de France. Même s’il n’a pas que des atouts (on signale sa lenteur et sa raideur), « il ne laisse guère passer une seule journée sans une petite séance de culture physique » (février), une pratique qu’il a adoptée au SCF : « c’est à Fives que je suis vraiment devenu footballeur. Auparavant, je jouais d’instinct, avec mes moyens naturels, en profitant de ma taille et de mon allonge. Au S.C. Fives, Cernicki, l’arrière tchèque de qui je garderai toujours un souvenir reconnaissant, s’aperçut que j’étais raide comme un piquet et lent comme un tombereau. Il me prit en mains ; il m’obligea à faire de la culture physique tous les jours pour m’assouplir et, à chaque, entraînement, il m’imposa des démarrages de 20 à 30 mètres pour me donner la pointe de vitesse qui me manquait et sans laquelle un footballeur moderne ne peut plus se faire sa place au soleil » (novembre). Reconnaissant, il n’oublie pas de rendre hommage à ses formateurs, George Berry, son entraîneur à Fives, ainsi qu’à André Cheuva, qu’il a cotoyé à Fives avant qu’il ne reparte à l’Olympique Lillois : « n’oubliez pas d’exprimer ma reconnaissance à Berry et à Cheuva. Par leurs conseils avisés et leurs critiques désintéressées, ils m’ont fait voir mes fautes : ils m’ont appris à être plus à l’aise sur le terrain et y à jouer avec plus de clairvoyance. Si Berry est déjà un excellent entraîneur, je puis vous assurer que Cheuva, s’il le voulait, serait, lui aussi, un conseiller technique de premier ordre ». Bien vu !
Le Miroir des Sports, 22 novembre 1938
Demi-droit à Fives après avoir été demi-centre en Juniors puis en Militaires, Bourbotte joue à deux reprises demi-centre, contre la Belgique et en Allemagne. Avec deux défaites françaises : « à l’issue de chacune de ces rencontres, qui furent, il est vrai, autant de défaites pour la France, il était fort mécontent de lui. Ce qui est d’autant plus surprenant que la critique française d’une part, et les techniciens étrangers, d’autre part, lui tressèrent des couronnes. La presse sportive allemande, en particulier, ne fut pas chiche d’éloges à l’égard de Bourbotte : « La France a trouvé en Bourbotte un vrai « stoppeur » de jeu et nous voudrions bien avoir son égal en Allemagne » écrivait l’un de nos confrères d’outre-Rhin » (novembre).
Durant cette année 1938, il fait partie des 22 joueurs français sélectionnés pour disputer la coupe du monde. Mais, diminué après un match amical joué contre l’Angleterre en mai, il ne jouera aucune minute durant la compétition, le sélectionneur préférant aligner Jean Bastien. Le Miroir des Sports note que « le joueur fivois se résigne à son sort avec philosophie » : « je comprends très bien que Bastien soit maintenu à la place où il a excellé. Je rejouerai peut-être plus tard dans l’équipe de France, quand mon tour reviendra. Ça, c’est la vie » (21 juin 1938). Quel équipier modèle !
L’équipe de France à Colombes contre l’Angleterre durant La Marseillaise (Le Miroir des Sports, 31 mai 1938)
En outre, comme on le pressent dans les extraits reproduits, l’homme est réputé poli et modeste, et curieux de tout : « Tel il est sur le terrain de jeu, tel il est dans la vie privée, le pacifique Bourbotte. Si souvent que vous ayez pu voir Bourbotte dans un match, vous n’avez jamais été le témoin d’un acte de brutalité ni, à plus forte raison, de violence commis par le long demi fivois. Tout au plus, lorsqu’il est victime d’une irrégularité ou lorsqu’il pense que l’arbitre s’est trompé, lève-t-il les bras au ciel en un geste de désespoir. C’est là toute l’extériorisation dont il est capable. Aussi ne lui connaît-on pas d’ennemi, et la correction de jeu est proverbiale chez ce joueur (…) En voyage, Bourbotte demeure le plus calme des hommes. Toujours avide de s’instruire, il lit, il observe, il écoute. Aucun renseignement d’ordre linguistique, historique, géographique, économique ne le laisse indifférent. Il ne participe ni aux belotes interminables ni aux « coups fourrés » les plus savants ». Par ailleurs, on ne l’a jamais vu avec un casque sur les oreilles !
En somme, Bourbotte est un petit bout de France. On retrouve dans ses traits de visage et sans son caractère les richesses que chacun tire de sa région, dans des portraits dont on ne sait pas trop s’ils sont l’expression d’un respect ou d’un misérabilisme : « Bourbotte est resté dans le Nord, qu’il aime d’une affection que les voyages dans toutes les régions de la France n’ont pas réussi à altérer. Il personnifie le pays de la mine et des usines, la grande plaine plate, monotone, fertile dans son sol et son sous-sol, à grande densité de population, mais qui n’a de charme que pour ceux qui y sont nés ».
On peut aujourd’hui sourire de la tonalité de ces portraits qui, plus ou moins consciemment, ressemblent fort à des manuels d’histoire de la IIIe République dans lesquels figurent des héros nationaux auxquels tous les petits français doivent à présent s’identifier en versant une larme sur les provinces perdues ou gravement endommagées, comme le Nord. C’est de ce Nord que vient François Bourbotte : chaque portrait est l’occasion, pour les journalistes, de vanter les mérites de la région de laquelle il vient et de montrer en quoi cette petite patrie symbolise la nation tout entière et le courage de ses hommes.
Exilé dès ses premiers mois, orphelin de père mort au combat, élève travailleur produit de la méritocratie républicaine, homme discret qui ne revendique pas, footballeur persévérant qui se relève de sanctions disproportionnées en passant par l’armée, équipier désintéressé qui valorise ses formateurs, François Bourbotte porte en lui les malheurs de son temps et les ressources pour les vaincre ; en cela, il apparaît comme le Français que l’on souhaite promouvoir. Comme le résume l’hebdomadaire, « bon sportif, bon collègue, bon mari, bon père de famille, le placide Bourbotte est un sage, et un exemple pour beaucoup » (février).
Travail, famille, amour de la région : voilà des valeurs qui annoncent des temps heureux, et que le Miroir des Sports met donc en avant, à travers François Bourbotte, à l’occasion du Noël 1938.
L’article est signé Georges Briquet, une des « plumes » du journal, surtout connu pour son activité radiophonique à partir des années 1930. On mesure l’aventure qu’ dû être une venue dans le Nord au récit catastrophique qu’il livre sur la région, son climat, son ambiance :
« Un reportage de Noël ? Non, une aventure !
Car le proverbe eût dit, par dix degrés au-dessous de zéro : Passe encore de partir, mais voyager par cette température !
Ce fut bien une aventure, en effet, que notre pointe poussée vers le Nord, vers le Nord qui prenait, en cette veille de Noël, des allures de grand Nord. Les conduites de vapeur, gelées à la suite d’une nuit d’engourdissement sur les voies de garage, ne laissaient plus passer la chaleur et les wagons étaient transformés en frigorifiques.
Les visages des voyageurs, frais et rosés, rouges même, ne parvenaient pas à détourner l’attention des vitres transformées en verres de Lalique ou en forêts gigantesques de sapins givrés de neige.
Dans le froid intense, le train roulait (…) Longueau, nous dit le contrôleur. C’est possible, pensâmes-nous après avoir regardé notre montre.
Arras ! Pourquoi pas? Douai ! Bien sûr! Lille !
Enfin…
Et, par les rues que la neige, blanche sur les trottoirs, grise sur la chaussée, rendait méconnaissables, nous partîmes à la recherche d’une atmosphère sportive.
Las ! Les visages étaient tristes, les têtes emmitouflées, les démarches rapides, furtives, maladroites. C’était plutôt une évocation de la lutte pour la vie qu’une évocation du sport »
Arrivés en gare de Lille, le journaliste et un photographe embarquent dans le tram direction Roubaix, où habite la famille Bourbotte. Heureusement, s’y trouvent des enfants « enthousiastes » qui réchauffent le cœur de nos deux baroudeurs.
« Dans un coin, un pauvre gosse, que sa pauvre maman avait été obligée de sortir après huit semaines de maladie, regardait de ses yeux agrandis par les nuits de fièvre ces enfants bruyants et joyeux dont les parents, à n’en pas douter, avaient été heureusement servis par la vie.
Ce pauvre gosse, enveloppé de grands « fichus » blancs, il nous apparut soudain si sympathique que nous cachâmes le paquet contenant les jouets que nous apportions à d’autres.
Il a bien droit à une petite pièce, me souffla notre photographe, qui la lui glissa »
Quelle générosité ! Pour les remercier, la mère de l’enfant en question guide les deux héros dans les rues de Roubaix et plus particulièrement vers la rue des Arts : « La rue des Arts ! Une de ces longues et droites rues de villes ouvrières du Nord, bordées de bâtiments de briques que les étrangers trouvent tristes et que les Nordistes trouvent propres ». Les deux courageux investigateurs frappent sonnent ensuite à « une maison particulière d’aspect bourgeois, presque cossu », et François Bourbotte accueille ces deux abrutis, un accueil qualifié de « sympathique et franc d’allure ».
« Mais, déjà, aux côtés du grand Nordiste blond, la gracieuse brunette qu’est Mme Bourbotte s’affairait pour nous présenter ses trois bambins.
Emile, cinq ans, blond, portrait vivant de son père. Aimable, adroit et se liant rapidement.
Yves, trois ans, blond, nez poupin de sa maman. Volontaire, un peu méfiant, mais fort curieux.
Yvette, un an, blonde et déjà coquette dans ses petits vêtements roses. Aimable reproduction miniature de Mme Marie Bourbotte »
On apprend que les époux Bourbotte, tous deux issus de familles de six enfants, se sont rencontrés lors du mariage du frère de Madame (dont on ne sait pas grand chose, hormis qu’elle est « gracieuse », « charmante », « bonne cuisinière », et qu’elle a allaité les enfants) : François y était garçon d’honneur, et Marie demoiselle d’honneur : « sans grandes phrases, ils se comprirent et se marièrent ? C’est tout ! Un roman d’amour en un seul chapitre ; mais les choses les plus simples ne sont-elles pas les plus nobles et les plus durables ? »
Le domicile familial, loué en attendant la maison que les Bourbotte rêvent de faire construire à Lens, est composé, au rez-de chaussée, de deux pièces meublées (salle à manger et cuisine) et, à l’étage, de trois chambres, dans lesquelles l’ameublement se fait « petit à petit » mais « confortablement ». La salle à manger est qualifiée de « moderne », avec notamment la présence d’un poste de radio qui permet à Madame Bourbotte d’entendre jouer son mari « et au jeune Emile de retenir ces mots magiques qu’il répète volontiers : « C’est Bourbotte qui a la balle » ». Dans la cuisine se trouve un « fourneau tout blanc » et suffisamment d’espace « pour que le jeune Mimile Bourbotte puisse taper dans un vrai ballon de football apporté par papa et faire des arrêts en plongeons impressionnants ».
François Bourbotte est employé des PTT : après un an à Paris et quelques mois à Lille, il s’est installé à Roubaix où il est employé au service des chargements, au bureau central. Un jour sur deux, il se lève à 4h30 pour prendre son service. Comme on le sait déjà, « notre international ne compte que des amis : il joue à Fives et habite Roubaix. On l’aime aux deux endroits ». A une époque où la concurrence entre clubs nordistes est rude en Première Division, « il est parvenu à faire de tous les postiers de Roubaix de fervents supporters du… S. C. Fives ! À dire vrai, peu de ces postiers sont originaires du Nord ; mais le fait est là, pourtant. Conquis au football, ils sont allés vers l’équipe de leur ami plutôt que vers l’équipe de leur ville adoptive ».
C’est surtout l’aîné, Emile, qui attire l’attention par son agitation permanente. Il assiste à chaque match à domicile du SCF avec… Madame Cheuva « dont le cœur sportif est resté à Fives », pendant que son époux défend les couleurs de l’OL.
« L’autre jour, l’aîné des enfants Bourbotte, avant d’aller assister au match O. L.-Fives, déclara : Si madame Cheuva crie : « Allez ! Cheuva ! », je crierai : « Allez ! Bourbotte !
Toutefois, la compétence de Mimile en football a des limites et comme nous lui demandions s’il connaissait le classement du S. C. Fives en championnat, il nous répondit : « C’est papa qui sait ça » avec le plus pur accent du Nord, bien entendu ».
Mais Yves s’essaie aussi au foot dans le salon, et même la petite Yvette « et pas de la pointe, s. v. p., exactement comme ses deux grands frères », sans se faire mal. En cas de pépin, une certaine « Mademoiselle Suzanne » vient régulièrement s’occuper des petits Bourbotte.
Ainsi, François Bourbotte représente « cette simplicité, cette amabilité un peu bourrue » et a des rêves modestes tels que « cette petite maison aux murs blancs et aux volets verts et que René Dorin a blaguée dans sa satire sur le Français moyen ; mais qui est le but modeste que poursuivent tant de ceux qui, comme François Bourbotte, humblement, accomplissent leur tâche de Français et qui font de leur pays le plus beau du monde ». Vraiment, un beau couple : « et quand on regarde l’un et l’autre, éclatants de santé, qu’on contemple leurs trois enfants magnifiques, qu’on pense que le père est un footballeur professionnel, un pur produit français que le sport a amélioré — il le dit lui-même — on a envie de regarder ensuite avec compassion ceux qui cherchent des remèdes à la dépopulation française et qui parlent de race déchue ».
François Bourbotte, capitaine du LOSC, avec la coupe de France en 1946 (But, 28 mai 1946)
Au lendemain du reportage, réalisé le 24 décembre, Fives s’impose à Metz 3-1 grâce à un doublé de Van Caeneghem (meilleur buteur de la Division avec 13 buts) et un but de Novicki. Le SCF prend alors la tête du championnat, profitant de la défaite de l’OL à domicile devant Marseille, sur un terrain gelé, devant 2000 spectateurs « transis par la température sibérienne », et malgré les « quelques boules de neige [qui] partaient du public vers la surface de jeu et se brisaient sur les footballeurs méridionaux ».
Posté le 20 décembre 2021 - par dbclosc
Lille recolle
le LOSC reçoit Orléans pour la 7e journée du championnat. Ce match aurait dû se dérouler fin octobre. Mais il a été reporté au motif que cinq joueuses d’Orléans, internationales algériennes (Amira Ould Braham, Wissem Bouzid, Lydia Belkacemi, Sarah Boudaoud et Chloé N’Gazi), ainsi que l’entraîneur loirétain, adjoint de l’équipe nationale (Farid Kebsi) étaient indisponibles, car devant jouer un match retour d’éliminatoires de la CAN. Or, il et elles ont été retenues au Soudan, assignées à leur hôtel pendant que, dehors, un coup d’État était en cours. En raison de ces circonstances exceptionnelles, la fédération a accepté le report.
Ce coup d’Etat a forcé le Premier Ministre Abdallah Hamdok à quitter le pouvoir. Fin novembre 2021, un nouveau premier Ministre est nommé : Abdallah Hamdok. C’est drôle mais je n’avais pas compris qu’un coup d’État consistait à remplacer un dirigeant par lui-même, mais quelques subtilités de la géopolitique m’échappent encore.
Contacté, notre correspondant permanent à Khartoum, Élie Coptaire, nous éclaire sur les motivations réelles de ce prétendu coup d’État : il s’agirait en réalité d’une manœuvre de déstabilisation contre le LOSC, en vue de contrer la manière dont le club tente de s’implanter dans les relations internationales. Voici le propos qui nous est parvenu, échappant en partie aux nombreuses tentatives de brouillage de la liaison :
« C’est une grossière opération montée de toutes pièces contre le LOSC. Le club d’Orléans avait peur de devoir jouer à Lille avec 5 joueuses diminuées, en raison du match et du voyage. Avec la complicité des autorités africaines, on a organisé à la hâte un « match retour », sachant qu’il n’y avait aucun suspense car les Algériennes ont gagné 14-0 à l’aller. Comme la simple excuse de la fatigue n’aurait pas suffit à faire reporter le match auprès de la fédé française, Orléans a mis en scène un changement de régime, où le Premier Ministre est renversé… L’illusion est parfaite : on se dit que les joueuses sont en danger, que le club d’Orléans est lésé, et qu’il ne peut pas rivaliser loyalement avec le LOSC. Puis, un mois après, le Premier Ministre, avec la complicité du club orléanais, revient au pouvoir. Retour à la case départ. La preuve est faite : c’était un coup d’État de pacotille, orchestré contre le LOSC. Ainsi, Orléans revient à Lille le 19 décembre avec toutes ses munitions. Le but ? Empêcher la montée du LOSC et contrarier particulièrement la terrible Silke Demeyere ».
Un ami historien, Andy Valacrème, nous confirme que la ville d’Orléans a toujours été au centre d’intrigues qui ont renversé le cours de l’histoire, en témoigne notamment le rôle de Jeanne d’Arc durant le siège d’Orléans, qui a renversé le cours de la Guerre de Cent Ans.
Ces brillantes analyses méritent toute notre attention et notre méfiance à l’égard de l’adversaire du jour, décidément prêt à tout. On voit d’ailleurs que ses performances sont inégales : victoire probante à Saint-Malo, nuls intéressants face au Havre et à Strasbourg, défaite curieuse face à Saint-Maur, et large défaite face à Lens (1-4), comme pour faire exprès de nous embêter. La situation s’éclaircit : les résultats d’Orléans dépendent des complots dans lesquels le club s’engage.
Du côté des nôtres, depuis le dernier match remporté contre La Roche, le LOSC s’est qualifié en coupe de France contre Beauvais (7-0). Cible de toutes les attaques, le LOSC a surmonté une réserve de Beauvais sur le mode « gneu gneu, on a joué sur terrain non homologué », mais la qualif est validée.
Pour ce match, on note les absences de Gwen Devlech’ et d’Agathe Ollivier. Derrière, on a donc Eva Fremaux à droite, Carla Polito et Anaïs Lambert en défense centrale, et Lou Bogaert à gauche.
En l’absence de Devlech’, Silke Demeyere est capitaine.
En cas de victoire, les Lilloises rejoindront Metz en tête du classement, avec 22 points
La composition d’Orléans :
14h32 C’est parti, deux minutes après l’heure annoncée : c’est cela, un « match un retard ».
3e Premier constat : ça glisse.
6e Première attaque des Lilloises avec une récupération de Paprzycki qui lance Mouchon : la frappe de l’attaquante est contrée. Noémie tente ensuite de centrer et la défense dégage.
9e Faute de Silke Demeyere sur Monguillon, l’arrière droite. Le coup-franc, tiré depuis le côté de la surface de réparation, est faiblement dégagé de la tête. Pinto, au point de pénalty, tente un pointu qui ne pose aucun souci à Elisa Launay.
13e Coup-franc pour Orléans, frappé par Cardoso, c’est dégagé. À l’entrée de la surface, Ninot reprend, c’est dévié et ça passe au-dessus. Corner.
Les visiteuses sont les plus en vue pour le moment, sans être très dangereuses.
14e Le corner est dégagé par Fremaux. Paprzycki lance vite Bogaert côté gauche qui remonte le ballon sur plusieurs dizaines de mètres mais ne parvient pas à ajuster un bon centre. Au moins, on est désormais du bon côté.
17e Eva Fremaux récupère une balle et sert Azzaro dans le rond central. Lorena se retourne et remonte la balle, s’excentre, entre dans la surface, feinte le centre, revient vers le but et, à quelques mètres du but, tente un centre en retrait vers Elisor aux 6 mètres, mais c’est dégagé en catastrophe par la défense. Belle percée !
19e Azarro combine avec Maïté Boucly à gauche, qui centre, mais la gardienne sort bien.
Orléans a l’air d’avoir montré son meilleur visage durant le premier quat d’heure et a maintenant bien reculé. Lille commence à s’installer dans le camp adverse.
21e Silke Demeyere est proche de faire une « Renato » : perte de balle dans l’axe à proximité de son but. Mais Silke se rattrape superbement avec un tacle alors qu’elle est par terre : Demeyere, sélection !
La VAR est formelle : cette main de Rachel Saïdi vaut coup-franc pour Orléans
25e Belle action lilloise côté gauche avec, dans le coup, Bogaert, Demeyere et Elisor. Boucly centre, c’est mal dégagé. Sans élan, Mouchon tente un intérieur du droit qui termine pas loin du poteau.
29e Récupération haute de Paprzycki côté gauche. Aurore envoie un centre fuyant vers les 6 mètres, mais c’est tellement fuyant que ça échappe à tout le monde, notamment à Azarro. Ça donne corner.
Celui-ci est frappé en deux temps entre Demeyere et Boucly. À l’angle de la surface de réparation, Silke envoie un centre-tir dans le paquet, la gardienne, probablement gênée par une de ses équipières, lève les bras pour la forme, et ça termine directement dans le but ! 1-0 !
32e à 30 mètres de ses buts, Belkacemi perd le ballon, et Mouchon récupère. Elle sert à droite Paprzycki, qui envoie une balle dans l’arc de cercle, et Demeyere met la tête, oh bah oui pourquoi pas ? Arrêt de la gardienne.
36e Récupération de Salomé Elisor, qui relaie côté gauche avec Polito, restée devant. Le centre de Salomé passe devant le but sans être repris.
37e Beau double une-deux entre Azarro et Demeyere : la frappe de Silke, à 18 mètres, manque de puissance et la gardienne capte.
38e Après une faute sur Fremaux, Lille obtient un coup-franc à une trentaine de mètres du but d’Orléans. Boucly le frappe tendu, Fremaux dévie de la tête et bon arrêt de N’Gazi.
42e Grosse prise en sandwich d’une adversaire entre Elisor, Paprzycki et Mouchon. Comme Elisor a la mauvaise idée d’être la plus proche de l’arbitre, c’est elle qui prend le carton.
44e Mouchon lance Fremaux qui pénètre dans la surface, prend Noël de vitesse en la dribblant, et c’est le premier cadeau de Noël de l’année : une faute dans la surface, c’est pénalty. Un petit carton jaune au passage, et Azarro, du gauche, transforme à ras de terre : 2-0 !
Mi temps, 2-0 pour Lille. Après un premier quart d’heure ronronnant, Lille a pris la mesure de son adversaire, mène logiquement de deux buts, et se met dans d’excellentes dispositions pour vivre une seconde période sans trop de problème. Lille attaque bien depuis les côtés, avec deux arrières latérales (Fremaux et Bogaert) qui prennent beaucoup d’initiatives offensives. Derrière Polito et Lambert assurent ; au milieu, Demeyere/Paprzycki, c’est comme d’habitude : ça ratisse, ça construit, ça râle, c’est tellement bien ; devant, Maïté Boucly est très disponible, Salomé Elisor relaie comme il faut ; en pointe, Azzaro et Mouchon sont peut-être un peu plus discrètes, mais se sont faites remarquer par quelques percées individuelles.
En face, on note aussi qu’il y a une équipe joueuse, qui prend beaucoup de risques en tentant de relancer proprement depuis l’arrière, et c’est techniquement assez propre. Seulement, hormis durant le premier quart d’heure, les Orléanaises ont peu inquiété les Lilloises.
46e C’est reparti Paprzycki !
47e Demeyere pour Paprzycki, puis Boucly, qui centre sur Azarro seule dans les mètres : elle tente une sorte d’aile de pigeon qui termine dans les gants de la gardienne.
49e Corner pour Paprzycki : ça atterrit entre Elisor et Fremaux dans les 6 mètres, Eva tend la jambe et trouve la barre.
53e Carla Polito intervient et lance Elisor, qui trouve Mouchon à droite. Grosse accélération de Noémie qui cherche Azarro mais sa reprise est manquée.
Sur le 6 mètres, Orléans fait n’importe quoi : Paprzycki récupére et sert Boucly qui frappe de 20 mètres : juste à côté.
Lille récupère encore très vite, et Mouchon trouve la gardienne.
56e Fremaux intercepte un ballon et lance Mouchon à droite qui prend tout le monde de vitesse, y compris ses partenaires : son centre ne trouve personne.
Lille garde le ballon assez haut, et belle combinaison à gauche entre Bogaert, Elisor et Boucly. Le centre de Lou Bogaert ne donne rien non plus.
57e Coup-franc de Ninot à une trentaine de mètres, dans les gants de Launay.
61e Pour Orléans, sortie de Monguillon, entrée de Ould Braham.
64e Faute de Elisor, et Belkacemi reste au sol… L’arbitre va discuter avec Salomé et, très gentiment, ne l’avertit pas une seconde fois. Dans la foulée, Elisor est remplacée par Marty, puis Bamenga remplace Azzaro.
67e Mouchon, replacée dans l’axe, file au but et tente de trouve Bamenga au centre, mais Naomi arrive un brin trop tard et la gardienne prend le ballon. Elle se plaint que Bamenga ait laissé traîné le pied, ça crée une petite échauffourée.
Pour Orléans, Noël, qui n’a pas l’air joyeux, est remplacée par Abidi. Hé, Noël : n’oublie pas mon petit soulier !
Le rythme est retombé depuis une dizaine de minutes.
75e Orléans tente de ressortir un peu, mais ça joue souvent par de longs ballons devant qu’anticipe parfaitement Launay, dans et hors de sa surface.
78e Long coup-franc de Boucly, tête de Mouchon à quelques mètres du but, c’est juste au-dessus.
82e Remontée de Demeyere, qui sert Mouchon seule face à N’Gazi : la gardienne repousse au sol, du pied.
Sur la remontée de balle orléanaise, Bogaert contrôle parfaitement son adversaire, tacle, récupère et relance. Elle est chaleureusement applaudie pour cette action en particulier, mais aussi pour son match remarquable.
87e Sortie de Noémie Mouchon, entrée de Chloé Pierel.
90e Demeyere donne à Boucly côté gauche. Maïté tente de trouver dans l’axe Pierel qui, après un contrôle approximatif, sert Marty un peu trop longuement dans le dos de la défense. Excentrée, Chloé Marty parvient à contrôler, et retrouve Pierel qui conclut facilement face au but : 3-0 ! Bien joué les entrantes !
90e + 1 : FAUTE SUR SILKE DEMEYERE, honteux ! Silke est très énervée sur Belkacemi mais Chloé Marty vient la tempérer.
90e + 2 : Récupération de Bamenga, qui sert Boucly. À l’entrée de la surface, la frappe puissante de Maïté passe au-dessus.
90e + 3 : La défense lilloise est prise en profondeur, mais Launay parvient à contrer une attaquante adverse à 30 mètres de ses buts. Ça revient dans les pieds de Adjabi, qui frappe de loin… à côté.
C’est terminé sur cette victoire du LOSC 3-0. Mission accomplie pour les Lilloises : finalement, le complot annoncé ne s’est pas réalisé. Il faudra bien plus qu’un coup d’Etat pour contrarier la marche victorieuse du LOSC !
Mention particulière pour la défense, qui a parfaitement assuré autour de sa « doyenne » Carla Polito : si on connaît bien les qualités d’Eva Fremaux, impliquée sur le deuxième but et presque buteuse juste après la pause, on a toutes et tous remarqué la qualité du match des polyvalentes Anaïs Lambert et Lou Bogaert, toujours bien placées, calmes, et au départ de certaines offensives. Derrière, Launay a assuré sur quelques sorties grâce à son sens de l’anticipation.
Si on devait chipoter un peu, on pourrait dire que Lille pourrait en mettre 1 ou 2 de plus, mais l’essentiel était bien de prendre les 3 points et d’ainsi recoller à la tête du classement (réglementairement, Metz reste devant car le départage se fait sur les confrontations directes).
Bravo à l’équipe, et rendez-vous en 2022 avec deux déplacements (en coupe à Issy, puis en championnat au Havre) et, ensuite, la réception de Lens !
Les résumés des précédents matches auxquels on a assisté :
LOSC/La Roche : Des Lilloises renversantes
LOSC/Saint-Malo : Lille s’empare des Malouines
LOSC/Strasbourg : Au bout du suspense
Lens/LOSC : le LOSC freiné
LOSC/Saint-Maur : Le LOSC réussit sa rentrée
Présentation de la saison
Posté le 17 décembre 2021 - par dbclosc
« Puel, Seydoux, démission ! »
Des résultats en dents de scie qui deviennent franchement catastrophiques, un jeu insuffisant, un entraîneur considéré comme trop discret, un président qui découvre le métier et semble perdu, un public hostile… Au LOSC, le contraste avec le passé récent est saisissant.
Nous sommes au début de l’année 2003 : Claude Puel et Michel Seydoux font face à ce qu’on pouvait deviner à l’été 2002 après trois années exceptionnelles : des lendemains qui déchantent. Mais en sont-ils responsables ?
Janvier 2003 : le LOSC traverse une zone de turbulences.
Le début de saison avait été mauvais : certes, Lille parvient jusqu’en finale d’Intertoto, mais cette coupe, dans sa configuration et à cette date, propose une opposition assez aléatoire quant à la qualité et au niveau de préparation des adversaires. En championnat, après deux lourdes défaites à domicile, il faut attendre la 5e journée pour enfin marquer un but (Delpierre, à Strasbourg), et la 6e pour gagner (contre le PSG). Après ces débuts poussifs, le LOSC adopte un rythme de croisière intéressant qui le voit souvent vaincre à domicile, y compris contre les « gros » (3-0 contre Marseille, 2-1 contre Lyon), et prendre quelques points à l’extérieur (nuls à Lens et à Monaco, victoire à Sedan). Bien sûr, il y a encore quelques trous d’air (lourde défaite 1-5 à Rennes, incapacité à garder un avantage de deux buts contre Auxerre et à Ajaccio, avec deux nuls 2-2), mais on peut les attribuer à de nouvelles dispositions de jeu pas encore tout à fait appréhendées. À la trêve, les Dogues ont 28 points : devant, L’Europe n’est qu’à 5 points, le leader est à 7 points ; et derrière, la zone de relégation est à 10 points. Bref, c’est très correct.
Mais en janvier 2003, si, en coupe, les Dogues avancent, les voilà bloqués en championnat. Des défaites à Nice le 10 (0-2) puis contre Strasbourg le 22 (0-1) et à Paris le 29 (0-1), couplées à un match remis le 15 (Troyes) font que le LOSC fait du surplace. Et au-delà des seuls résultats, Lille semble en manque de rythme, ne propose plus grand chose au niveau du jeu, et rate des occasions en or telles que celles de Manchev à la fin du match contre Strasbourg.
Reports sur reports
Mais le LOSC va avoir l’occasion de se relancer le samedi 1er février en recevant la lanterne rouge, complètement larguée, Montpellier. Mais ce qui ressemble à l’adversaire idéal ne vient pas : en raison de fortes chutes de neige depuis la veille sur la métropole lilloise (un délégué de la Ligue constate 12 centimètres de neige sur la pelouse de Grimonprez dès le vendredi après-midi), de nouveau prévues durant tout le week-end, le match est reporté. Lille n’avance donc pas et a désormais deux matches en retard.
12 cm après avoir enfoncé son truc dans la neige, un résultat honorable
Place désormais à un déplacement à Guingamp. Mais en raison de fortes pluies et d’un terrain inondé, le match est lui aussi reporté ! À l’inquiétude comptable liée au manque de résultats s’ajoute une inquiétude liée manque de match quant à la santé des joueurs. Santé psychologique d’abord car, comme l’indique la Voix du Nord, le match contre Montpellier était « un match sur lequel les joueurs comptaient beaucoup pour se refaire une santé morale et dont le report a été ressenti comme une frustration » (4 février) ; Claude Puel explique que « ce n’est pas évident pour les joueurs de se préparer mentalement pour un match et de voir à chaque fois le soufflé retomber au dernier moment » (5 février). Et santé physique car, en raison d’une neige persistante à Lille, voilà déjà une semaine que le groupe lillois alterne entre surfaces d’entraînement qui ne sont pas idéales : neige, salle, et synthétique. Or, le coach rappelle que le risque de blessures est accru quand on change de surface, et attribue les récentes blessures de D’Amico, Fahmi et Pichot à ces conditions de travail.
« Tiens, puisqu’il neige, on va jouer au rugby »
Si le LOSC dégringole, on peut toutefois considérer que le classement est un trompe-l’oeil. Avec désormais 3 matches de retard, Lille est virtuellement dans un ventre mou assez rassurant. Mais ce n’est que virtuel, car rien ne garantit que le LOSC gagnera ces matches, et le doute s’installe au vu des récentes prestations, pas franchement emballantes. De plus, il faut maintenant composer avec un calendrier réaménagé, sachant que Lille est la dernière équipe de Ligue 1 engagée dans les deux coupes nationales. La perspective de jouer des matches rapprochés constitue une nouvelle problématique à gérer pour Claude Puel : « nous devons en être conscients : nous n’avons pas bien négocié notre début d’année. Nous n’avons pas su nous hisser au niveau de jeu qui doit être le nôtre. C’est pour le retrouver que nous travaillons. Mais sans jouer, il est difficile de savoir où nous en sommes. Notre calendrier est passé d’un extrême à l’autre. Nous nous retrouvons dans cette situation paradoxale de n’avoir pas assez joué, de chercher des repères et de risquer de manquer de rythme alors qu’on se demandait à la reprise dans quel état de fatigue nous sortirions de cette période » (5 février)
Le tournant du derby
Le calendrier offre maintenant la réception de Lens. Faut-il considérer qu’un derby, dans ces circonstances, est l’occasion idéale de se relancer ? Encore faut-il que le match ait lieu, car il a tant neigé le week-end précédent que la tenue du match est incertaine jusqu’à la veille. Et le gel, lui, n’est pas parti. Le 7 février, la Voix du Nord indique cependant une tendance « favorable » : le terrain a été déneigé et il s’avère que le terrain n’a pas trop souffert car « la couche de neige semble avoir agi comme une protection thermique »
Les Lensois sont dans le ventre mou, bien en deçà des standards qui les ont conduits à la deuxième place l’année précédente. Sur le terrain, sablé par endroits, il n’y a pas photo : Lille n’y est pas et se présente dans la continuité de ses récentes sorties. L’adversaire n’a pas à forcer pour ouvrir le score (Song, 42e). Dans la foulée, le LOSC rate sa désormais traditionnelle occasion en or : Abidal, à 6 mètres du but de Gugusse Warmuz, trouve le moyen de tirer à côté. Le collectif lillois est pauvre, Fortuné sort dès la pause, Manchev ne fait pas mieux, et Makoun et Moussilou, lancés en seconde période, sont bien trop tendres. En seconde période, Lens, sans forcer, accroît l’écart (Vairelles, 75e). Résumé du match :
Le public, qui grondait déjà face au triste spectacle, commence alors à se lâcher. La Voix du Nord souligne qu’à 0-2, les premiers « Seydoux, démission » partent des Secondes basses, et apparaissent quelques banderoles sur lesquelles on peut lire « honneur » et « devoir ».
Seydoux particulièrement visé
Plus que l’entraîneur, c’est d’abord Michel Seydoux qui est la principale cible du courroux de certains supporters. Car, parallèlement aux difficultés sportives que traverse le LOSC, le président est confronté à l’héritage de l’éternelle question du stade. Or, cette problématique devient très concrète à partir de janvier. Et, sur ce point, Seydoux se montre hésitant et maladroit.
Ainsi, on apprend en janvier que les travaux pour rénover Grimonprez-Jooris (puisque c’est l’option choisie à cette date) devraient début au cours de l’été. Et, puisque le LOSC a refusé que cette agrandissement se fasse par tranches, il sera impossible d’y jouer pendant 18 mois. Le LOSC doit faire connaître ses intentions à la Ligue avant le 1er mars : alors, où jouer ?
La mairie, via Pierre de Saintignon, premier adjoint de Tartine au brie, assure qu’il n’y a aucun problème car Lille peut aller au Stadium de Villeneuve d’Ascq. Mais, pour Michel Seydoux, aller au Stadium, c’est « prendre un risque sportif ». Hors de question pour le président de migrer vers « un stade d’athlétisme, pas de foot ».
Seulement, on apprend que les aménagements nécessaires pour que le Stadium soit aux normes de la Ligue 1 (au niveau de l’éclairage notamment) ne le rendront pas disponible avant… décembre 2003. Michel Seydoux lance alors publiquement une idée qui fait s’étrangler à peu près tout le monde : « bâtir un stade commun à Lille et Lens ». Selon Seydoux, « il y a une notion de solidarité régionale », un concept dont on n’avait pas eu vent jusqu’alors.
Se rendant compte de sa bévue, ne serait-ce que par ce qu’elle a suscité des réactions hostiles de supporters des deux camps (s’il y a une solidarité régionale, elle est plutôt là), Michel Seydoux déclare autoritairement et unilatéralement que le LOSC jouera à Grimonprez-Jooris en 2003/2004 ! Il convoque une conférence de presse le 10 février qui va tendre les relations avec la mairie et brouiller les intentions de Michel Seydoux.
Le ton monte avec la mairie
Curiosité : la conférence de presse porte un nom. Elle s’intitule Un grand club pour une grande métropole !, tout un programme. Michel Seydoux y formule ses interrogations et ses souhaits quant à « Grimonprez-Jooris II » : pas question de jouer au Stadium, et impossibilité de jouer à Lens. Et il n’a pas l’air d’être emballé par l’extension de Grimonprez, au point qu’on se demande s’il ne se prépare pas une porte de sortie : « il est important de savoir si l’on veut faire un grand stade à Lille. Sinon, le projet de l’entreprise est remis en cause ». Manifestement remonté et ayant l’intention de ne plus subir une situation dont il a le sentiment qu’elle lui échappe, il demande des « états généraux sur l’avenir du LOSC » !
L’initiative est très mal perçue par la mairie. Saintignon réagit durement, rappelle qu’il existe une convention signée en mai 2002 qui prévoit l’agrandissement de Grimonprez, et qu’il est hors de question de s’assoir dessus : « Dayan et Graille étaient demandeurs de l’extension. Elle a été finalisée avec Michel Seydoux. Des états généraux ? Ça n’a aucun sens. C’est hallucinant ! On se moque du choix contractuel, des 10 millions de francs dépensés par les architectes, et on lance à la cantonade, comme s’il n’y avait pas eu de convention, qu’on reste à Grimonprez-Jooris. On aura l’occasion de remettre les points sur les i avec les dirigeants du LOSC ». Le premier adjoint poursuit et contre-attaque sévèrement : « pour faire une grande équipe, il faut que chacun prenne ses responsabilités. Les pouvoirs publics ont montré qu’ils les prenaient. Il suffisait d’assister au derby samedi pour se rendre compte que d’autres n’ont pas investi sur les joueurs comme il le fallait ». C’est petit et mesquin que Saintignon s’immisce dans le sportif, mais le message de la mairie est clair : ce Michel Seydoux n’est pas très compétent. Qui est donc ce président qui dénonce un protocole qu’il a lui-même signé ?
Le grand bond en arrière
On voit alors surgir dans la presse des titres que l’on croyait rangés au rang des souvenirs de la fin des années 1980 et du début des années 1990 : « Ubu est toujours roi » ; « le LOSC s’en sortira-t-il un jour ? ». Certains supporters commencent même à être « hyper-inquiets » en voyant ce LOSC décrépir sur le terrain, et dont la boussole ne fonctionne plus très bien en dehors.
Face à la fronde qui monte, Seydoux se drape dans sa vertu de celui qui ose poser les bonnes questions : « j’ai parlé d’états généraux : c’est un mot trop ambitieux, il fait peur » (14 février). Ça fait peut-être peur, mais ça laisse surtout indifférent, car personne ne reprend au vol l’appel présidentiel, hormis l’association « Sauvons la Citadelle », qui revendique 200 adhérents et se dit tout à fait prête à exposer ses arguments contre l’extension du stade ! Bien joué !
Seul un élu réagit à la proposition du président du LOSC : il s’agit d’Olivier Henno, maire de Saint André et conseiller communautaire. Il adresse une lettre ouverte à « Nicolas » (sic) Seydoux : pas très populaire le Mich ! En voici quelques extraits (Voix du Nord du 14 février) :
« M. Seydoux peine à exprimer ce qu’il souhaite vraiment. Veut-il être le promoteur d’un stade porté par des capitaux privés ? Qu’il le dise et qu’on sorte enfin des non-dits (…)
Chiche pour évoquer la question du stade dans ces états généraux, mais chiche aussi pour discuter de la situation sportive et financière. Qu’a-t-on fait des recettes de la Champion’s League et à quoi a servi l’argent de la vente des meilleurs joueurs en juin ? »
C’est le grand chelem pour Michel Seydoux : souhaitant reprendre la main, ses initiatives ne reçoivent en retour qu’indifférence ou contre-attaques qui le poussent à se placer sur le terrain des finances du club. En toile de fond est exposée sur la place publique la question du « trésor de guerre » dont Michel Seydoux s’est vanté dans la presse au cours de l’été 2002. Même en retirant certains frais liés au budget de fonctionnement du club, à l’entretien du stade, ou au fonctionnement du centre de formation, il resterait plusieurs millions que Michel Seydoux déclare publiquement garder en réserve en cas de pépin, mais le propos de M. Henno sous-entend que l’argent serait parti vers les actionnaires. Bref, on est proche de l’accusation de patron-voyou par ce gros gauchiste (UDF) qu’est Olivier Henno.
Agacé, Seydoux répond qu’on peut « vérifier les chiffres auprès du greffe du tribunal de commerce ». La Voix du Nord, de son côté, souligne que l’exercice 2001/2002 a été déficitaire à hauteur de 5,7M€, et que le budget prévisionnel de cette saison 2002/2003, basée sur une optimiste 17e place, est négatif (-7,4M€). De plus, en dépit d’une balance positive quant à l’achat/vente de joueurs (+10,5M€), le LOSC se serait endetté, comme d’autres clubs de L1, à hauteur de 15M€ depuis la remontée.
Bref, si « trésor de guerre » il y a eu, il se peut qu’il ait déjà fondu. Se pose donc la question de l’avoir évoqué publiquement, en suscitant des attentes démesurées et vite douchées par des mercatos très moyens (ici et là), et en jetant le soupçon sur, au mieux, la radinerie de Seydoux ou, au pire, la privatisation des gains.
C’est donc aussi à l’aune de ces sorties publiques, pas franchement à son avantage, que Michel Seydoux cristallise la colère d’une partie du public : le voilà désigné principal responsable des mercatos ratés, d’un argent prétendument dilapidé, et apparemment on est désormais SDF.
Une trajectoire à la 96/97
C’est dans cette joyeuse ambiance que Lille retrouve les terrains : voici la coupe de France. Lille se déplace chez une équipe de L2, Lorient. Alors, on passe ? Eh bien non, on perd 0-1, sur un but marqué à la 90e. Dans l’absolu, au vu du calendrier qui attend le LOSC, ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle. En revanche, sur le contenu, il n’y a pas de quoi être rassuré : les Lillois sont « incapables de prendre le jeu à leur compte », « bridés par un manque flagrant de consistance offensive », avec des « gestes empruntés, lenteurs répétitives, maladresses récurrentes devant le but adverse », et « Manchev et Sterjovski [sont] inexistants ». Voilà qui confirme de « sinistres perspectives » (La Voix du Nord, 18 février)
La Voix des Sports, 18 février
Place maintenant au premier match en retard : déplacement à Troyes, dernier. Dans la presse, on s’interroge sur le contraste entre un jeu lillois si plaisant à l’automne, et si pauvre aujourd’hui. Ce décalage n’est pas sans rappeler la saison 1996/1997, au cours de laquelle le LOSC comptait 29 points à la trêve de Noël, grâce à jeu fort agréable, avant de ne marquer que 6 points en 1997, avec une équipe complètement à la rue. À l’arrivée, c’était la D2. Ce déplacement à Troyes apparaît donc comme le « virage à ne pas manquer » car des supporters l’expriment clairement : « moi, je vous le dis, et vous pouvez l’écrire, le LOSC jouera en Ligue 2 la saison prochaine » (19 février).
On joue depuis 3 minutes au stade de l’Aube, et ça démarre fort : faute de Fahmi, pénalty et but pour Troyes. Puis les deux équipes font jeu égal, ce qui n’est pas rassurant pour le LOSC quand on joue contre la lanterne rouge. En seconde période, Manchev rate « une de ces occasions que l’on qualifie généralement d’immanquables » (La Voix du Nord, 20 février) : après avoir dribblé le gardien troyens, il tire sur le seul arrière placé sur la ligne… En seconde période, Lille ne monte plus grand chose et s’incline finalement 0-2. Après son remplacement, Landrin balance un grand coup de pied dans des bouteilles d’eau juste devant Puel : quand rien ne va, c’est toujours bienvenu. On voit N’Diaye et Boutoille « fustiger un Manchev passif » (La Voix du Nord, 21 février). Malgré le retour de D’Amico, « personne n’a été capable de sonner la révolte » (la Voix du Nord, 20 février). Nous voilà à 6 défaites consécutives dont une en coupe, avec 0 but marqué. Au coup de sifflet, les supporters lillois présents en tribunes expriment de nouveau leur colère.
Après le match, une cinquantaine de supporters lillois attendent joueurs et dirigeants à proximité du car lillois. À leur arrivée, les « mouillez le maillot », « les touristes à la maison », « Seydoux démission » « incompétent », « Seydoux, Puel, responsables », « Le LOSC en super D2 », fusent.
La Voix du Nord aimerait que ça bouge
Devant la presse, Claude Puel apparaît compréhensif, mais aussi ferme : « que les supporters soient mécontents et qu’ils le manifestent est tout à fait normal… (…) Les appels à la démission ne m’intéressent pas. L’essentiel, à mes yeux, est que l’équipe redécolle enfin »
Alors que tout le monde s’inquiète et que la presse régionale sort sa plus belle collection de titres alarmistes, Michel Seydoux semble encore une fois en décalage. Il affirme tout d’abord que « l’hiver pose un problème au LOSC » avec la question des terrains d’entraînement. Soit, mais il faut faire avec, et il n’est pas certain que le LOSC soit le seul club que la météo handicape au quotidien. Il tente ensuite la métaphore animale, plus ou moins volontairement drôle (ou pas) : « il faut retrouver un élan pour faire sourire le chat noir ». L’élan à venir serait plutôt celui qui va migrer de Sibérie tant il continue de faire froid à Lille ! Et enfin, sur l’avenir, le président se montre attentiste : « on n’envisage rien. Après tout, on peut aussi avoir un nouveau départ, comme notre adversaire du jour ».
Au surlendemain de la défaite, la Voix du Nord semble elle-même commencer à douter de la capacité de Michel Seydoux et de Claude Puel à sortir le LOSC de cette crise. Un article de Pierre Diéval pointe « un patron sans culture football », qui « manque de vécu dans le milieu ».
Cette inexpérience expliquerait que Michel Seydoux ait fait un « recrutement limité » et ne perçoive pas les problèmes : « à Troyes, les propos, volontiers badins, de Michel Seydoux, semblèrent souvent en décalage par rapport à l’urgence de la situation ». Pierre Diéval s’agace ainsi que « Seydoux noie le poisson avec des pirouettes verbales » et avance qu’« il n’est pas exclu que la direction du club soit amenée, tôt ou tard, à remettre en cause sa collaboration avec Claude Puel ». Ce propos est à replacer dans le contexte de logiques journalistiques qui souhaiteraient qu’il se passe absolument quelque chose et qu’on agisse pour agir, mais le doute est bien là, et la pression sur le duo Puel/Seydoux également.
Un léger mieux
Après le match de Troyes, les Lillois partent directement dans le Sud, du côté de Cassis, pour préparer le match de championnat à Marseille. Ce mini-stage a vocation a faire oublier l’hiver du Nord, et également à souder le groupe dans la difficulté.
Malheureusement, sur le terrain, Lille perd encore (0-2), ce qui nous conduit à un total de 7 défaites (dont une en coupe) consécutives sans marquer. Néanmoins, contrairement aux sorties précédentes, Lille a bien joué. La Voix des Sports souligne « deux buts heureux » pour les Marseillais, un un état d’esprit de retour du côté les Lillois. Si ça ne rapporte toujours pas de points faut-il croire que le malade est en voie de guérison ?
Dans la semaine précédent la préparation du prochain match (réception de Monaco), les différentes sections de supporters sont invitées à rencontrer à Grimonprez Michel Seydoux, Claude Puel et Grégory Wimbée, représentant des joueurs. À en croire la Voix du Nord, tous les sujets épineux ont été abordés (l’ambiance dans le vestiaire, la tactique, le stade, le mercato, l’avenir du LOSC) et la dialogue a été fluide. Grégory Wimbée assure que « l’ambiance est excellente » ; Claude Puel le garantit : « j’ai la chance de travailler avec des joueurs réceptifs et travailleurs ».
Cette rencontre, prévue de longue date et pas directement liée aux circonstances du moment, vise aussi à désamorcer d’éventuels débordements. Depuis quelques jours, la direction a pris des mesures avec la présence de vigiles à l’entraînement, qui permettraient par exemple d’éviter une « Froger 1998 ». La Voix du Nord évoque aussi l’éventualité d’un envahissement de terrain contre Monaco tout en signalant, en bon auxiliaire du message des autorités, que « les supporters lillois sont des gens raisonnables : ils ont conscience que pareils agissements condamneraient un peu plus encore leur équipe » (1er mars 2003).
« Vahid ! Vahid ! »
Pour ce match contre Monaco, le LOSC peut compter sur une affluence nombreuse : 14 870 personnes se retrouvent à Grimonprez pour voir un adversaire qui reste sur 12 matches sans défaite. Comme à Marseille, Lille joue bien. Mais c’est encore insuffisant : Giuly marque le premier (0-1, 47e), puis Nonda double la mise (0-2, 85e). Événement : Lille marque enfin par Christophe Landrin (1-2, 87e) ! Lille n’avait pas marqué en championnat depuis 628 minutes et un but de Matthieu Delpierre contre Le Havre en décembre. Quelques minutes d’espoir pour arracher le nul sont ensuite douchées par un dernier but monégasque en contre (1-3, Nonda, 90e).
Certes, les Lillois sont« plus malheureux que fautifs » (La Voix des Sports, 3 mars 2003) : la presse régionale salue la qualité du jeu lillois par séquences et l’« abnégation » et la volonté des joueurs (hormis Bonnal « particulièrement maladroit » et « désespérément atone ») ; même Didier Deschamps, l’entraîneur de l’ASM, admet le « réalisme » de son équipe. Mais Lille encaisse sur les rares percées de Monaco, bute sur un bon gardien et, comme d’habitude, Sterjovski tire sur le poteau (à 0-2). Bref, « les Lillois n’ont pas démérité. Mais, une fois de plus, ils ont perdu ». Le LOSC n’avance donc toujours pas.
La Voix des Sports, 3 mars 2003
En tribunes, le public encourage plutôt ses joueurs… jusqu’au temps additionnel, où de nombreux « Vahid ! Vahid ! » et « « Seydoux, démission » sont scandés de toutes parts. Dans une moindre mesure, la tête de Puel est aussi réclamée : « ulcérée, la frange la plus dure des supporteurs lillois, qui s’en prenait aussi aux joueurs, n’admettait pas que son club ait pu, une nouvelle fois, s’incliner, et qu’il soit aujourd’hui de plus en plus englué dans ses insuffisances » (La Voix du Nord, 2 mars 2003)
La Voix des Sports rapporte « de féroces attaques verbales », qu’elle comprend par le décalage, si rapide, entre une période de rêve et des temps plus difficiles : « il faut comprendre le public. Les souvenirs chauds de la période européenne du LOSC affleurent encore dans l’esprit de tous les supporters. C’était beau. C’était inespéré. C’était comme dans un rêve ».
La presse régionale décrit un président « calme dans la tempête ». Seydoux, toujours surprenant, préfère mettre en avant le fait que… Lille a marqué : « ce soir, on a repris goût au but. Nous avions besoin de connaître de nouveau cette sensation ».
Quant à l’avenir, le propos présidentiel reste toujours aussi énigmatique : « on pense forcément à toutes les éventualités. Mais si on y va (en L2), on y sera ! Personnellement, je ne démissionnerai pas. Si j’ai vraiment une tête de Turc susceptible de protéger le groupe, j’accepte volontiers le rôle ! ».
Dans l’édition du 4 mars de la Voix du Nord, Seydoux admet : « on a été mauvais au mercato ». Il reste 11 matches à jouer : Lille n’est toujours pas relégable mais la série en cours en L1 (7 défaites consécutives) le rapproche d’une issue fatale.
Sochaux, le tournant
Se présente désormais une double confrontation à Sochaux : d’abord, un quart de finale de coupe de la Ligue en semaine, puis la 30e journée de championnat le samedi.
La confrontation du mercredi est d’abord marquée par l’avant-match : lors de l’échauffement des joueurs, les supporters lillois présents accrochent une affiche au grillage : « Seydoux, réagis ». Voyant cela, le directeur sportif du LOSC prend l’initiative de… retirer lui-même la banderole. Est-ce bien là le rôle d’un directeur sportif, qui plus est à propos d’une banderole même pas insultante ? La direction voudrait se voir accuser de censure qu’elle ne s’y prendrait pas autrement.
Par crainte de voir tout leur matériel confisqué, les supporters attendent le début du match pour sortir une autre affiche : « 7 matches, 7 défaites, un but, mais tout va bien ».
Sur le terrain, Lille n’est pas ridicule et tient jusqu’en prolongation malgré l’expulsion de Matthieu Delpierre (79e). Sochaux marque (104e) et Lille ne revient pas malgré « une fin de match pathétique, prenante, haletante, qui vit Grégory Wimbée tenter de marquer le but de l’égalisation » (La Voix du Nord, 6 mars 2003). Le visagfe du LOSC a été plutôt séduisant mais les Lillois, « courageux », sont surtout « maladroits » et « malheureux ». Lille et éliminé : ne reste plus que la championnat.
Pour préparer le deuxième match de la semaine à Sochaux, Claude Puel décide de rester dans le coin, à Mulhouse. Est-ce une sanction…? Pour renforcer un groupe diminué par la suspension de Delpierre et la blessure de Baciu, Puel fait appel à deux jeunes : Dumont et Aubriot.
Depuis Mulhouse, Claude Puel accorde un entretien à la Voix du Nord que nous reproduisons en partie (8 mars 2003) :
(…)
« J’ai un groupe qui vit et qui ne renonce pas dans la difficulté. Les suspensions, les blessures et les décisions arbitrales ne l’abattront pas. Après une série où nous étions hors de forme et pas du tout performants, nous venons de réussir quelques matches beaucoup plus intéressants. La grande frustration, c’est qu’ils ne nous ont rien apporté du tout.
Beaucoup d’entraîneurs ont été virés après des séries moins noires que la vôtre. Or, malgré les rumeurs qui courent de temps à autre, vous êtes toujours en place. Vous sentez-vous menacé ?
Non, et je pense que c’est important pour tout le groupe. Le président Seydoux, qui débute dans le foot, montre beaucoup de courage. Il subit des pressions mais il est très costaud. Il vient au stade est c’est pour se faire conspuer. Moi, ça fait partie de mon métier. Pour lui, en revanche, c’est tout nouveau. Alors il mérite un grand coup de chapeau et son attitude nous donne envie de dépenser deux fois plus d’énergie pour le club.
Avez déjà connu pareille situation dans votre carrière de joueur puis d’entraîneur ?
Non, je n’ai jamais connu ça. Actuellement, tout tourne dans le sens contraire. Je savais bien que le début de saison serait difficile, mais je ne pensais pas me retrouver dans cette situation alors que nous avions connu un bon cycle, avec un schéma de jeu assez performant. Et puis l’épisode du mercato d’hiver manqué nous a fait du tort.
En prenant le relais de Vahid Halilhodzic, dont le tempérament est aux antipodes du vôtre, vous attendiez-vous à vivre des périodes aussi délicates ?
Chacun possède sa personnalité. Quand j’ai des choses à dire aux joueurs, je les exprime en tête à tête et je ne les étale pas dans les journaux. Si je dois montrer du doigt tel ou tel, je le fais à l’intérieur du club, dans les vestiaires. Ne comptez donc pas sur moi pour taper sur les joueurs en public et me chercher des excuses en même temps. En acceptant une telle succession, je savais bien que j’allais essuyer les plâtres.
Si vous ne refusez pas le dialogue, avouez quand même que vous n’êtes pas un champion de al communication…
Je suis comme ça et je ne changerai pas. Ma philosophie sera toujours de protéger le groupe et le club. Je faisais exactement la même chose à Monaco. Il se trouve qu’en France, contrairement à ce qui se fait à l’étranger, on privilégie beaucoup la gesticulation médiatique. Vous ne me verrez jamais bondir sur le bord de la touche, sauter partout ou donner mon avis sur tout et n’importe quoi.
Alors le Tarnais, né à Castres, qui a fait toute sa carrière de joueur et d’entraîneur sur la côte d’Azur, regrette-t-il d’avoir répondu à l’appel de ce LOSC bien moins performant que naguère ?
Pas du tout ! Ma femme, ma fille et mes deux fils se plaisent beaucoup à Lille, et j’ai vraiment une forte envie de réussir ici »
Ainsi, Claude Puel prend ses distances avec son prédécesseur (quitte à caricaturer le portrait), et prend la défense de Michel Seydoux qui, bien que (ou parce que) « débutant », est « courageux » et « costaud ». Il dit aussi qu’il est conscient de la difficulté de la succession de Vahid Halilhodzic, on y reviendra en fin d’article.
Lille renverse la vapeur, Wimbée déclencheur
Au stade Bonal ce samedi 8 mars 2003, la chute du LOSC semble n’en plus finir : après 30 minutes, il est mené 0-2 à cause de deux buts marqués sur corner. En fin de première période, Wimbée sauve par 3 fois l’équipe d’un naufrage assuré.
En seconde période, Lille est métamorphosé : Brunel (58e) puis Manchev (61e), sur une superbe action collective avec Boutoille et Fortuné, permettent au LOSC de recoller. La deuxième mi-temps est à sens unique et Lille repart avec des regrets avec deux actions de Fahmi puis de D’Amico sorties par Teddy Richert. Lille a enfin pris un point ! Avec les autres résultats, c’est paradoxalement à ce moment qu’il se retrouve aussi relégable.
Qu’a-t-il bien pu se passer à la pause pour que le visage du LOSC change si radicalement ? L’un des responsables serait Grégory Wimbée, apparemment hors de lui à la pause, comme l’expose Philippe Brunel : « le capitaine a dit ce qu’il fallait. Il a été franc, direct, et même méchant. Parce qu’il le fallait. Je ne l’avais jamais vu comme ça ». Dans la Voix des Sports, Grégory Wimbée confie : « j’ai connu la descente avec Nancy. À cette époque, dans le vestiaire, il y avait des clans. À Lille, ce n’est pas le cas. Il y a toujours eu un bon état d’esprit, même dans les moments difficiles ». Il n’en dira pas plus : « j’ai parlé avec les mots du cœur. Il s’est passé des choses très fortes qui doivent rester à l’intérieur du groupe ». Entre autres propos, Greg aurait demandé aux joueurs s’ils souhaitaient jouer en Ligue 2 l’an prochain.
Par la suite, Lille renoue enfin avec la victoire au cours de son match en retard contre Montpellier (2-0)1, et ne sera donc resté que quelques jours en position de relégable.
La suite de la saison présentera encore des embûches, des déceptions et des points bêtement perdus (égalisation de Bastia à Grimonprez à la 93e, nul à domicile contre Sedan, défaite lors du match en retard à Guingamp). Mais aussi, par intermittence, on entrevoit une équipe très solide (0-0 à Lyon puis à Auxerre). Le LOSC se sauve officiellement lors de la 37e journée, après avoir vaincu Ajaccio (2-0). Le LOSC de Puel connaît encore des turbulences lors de l’automne 2003, puis décolle au cours de l’hiver.
Que retirer de cet épisode ? Comment expliquer que Claude Puel et Michel Seydoux, qui ont amené le LOSC plusieurs fois en Ligue des Champions, et même à un titre national en 2011 – Puel n’y est pas étranger – aient été considérés comme « incompétents » au point que leur démission a été réclamée pendant plusieurs mois ? N’étaient-ils donc pas les mêmes hommes ?
Dans un club sportif s’entremêlent des enjeux humains, sportifs, économiques et politiques. un changement d’hommes ne peut se réduire à un changement d’organigramme, avec des individus interchangeables où les nouveaux arrivés n’auraient qu’à faire fructifier un heureux héritage. Or, à chaud, on regarde souvent les successions, quand elles ne se traduisent pas par une réussite sportive, comme si les nouveaux dirigeants faisaient n’importe quoi du trésor qu’on leur a offert sur un plateau.
Les changements de l’été 2002 sont tout autant porteurs d’espoirs que de craintes : si l’on peut faire une confiance de principe à des gens a priori compétents, les successions sont une étape délicate qui ouvrent une période d’incertitudes : nouvelle administration, nouveaux joueurs, nouvelle culture de travail, nouvelle orientation sportive. Dans quelle mesure les uns et les autres vont-ils construire un équilibre nécessaire à la réussite collective ?
Tout d’abord, dans un cas tel que celui du LOSC, la période qui s’ouvre en 2002 succède à une période si faste que les émotions qu’elle a procurée sont difficiles à égaler. Entre 1999 et 2002, le club a survolé la deuxième division, s’est ensuite placé aux 3e puis 5e places du championnat, a brillamment découvert l’Europe, grâce à une équipe vaillante dont les performances sont inséparables de son charismatique entraîneur, Vahid Halilhodzic. Une période exceptionnelle, tant elle a été faste sportivement, et s’est accompagnée de changements structurels importants, comme la privatisation du club. À des années-lumières de ce qu’il a été dans les années 1990, le LOSC a été attractif, et les politiques et le public sont revenus à Grimonprez-Jooris. Comment rivaliser avec cette période ? 20 ans après, elle est encore évoquée avec nostalgie par celles et ceux qui l’ont connue ! Dès lors, la frustration et de la déception causée par la saison 2002/2003 était écrite d’avance : l’inévitable comparaison entre le passé et le présent ne peut se faire qu’au détriment du présent.
Ensuite, 2002 marque la fin d’une période de 3 ans, une durée considérée comme « un cycle », au cours de laquelle, grâce à un groupe relativement stable, il a été possible de bâtir un projet commun. Le départ de Vahid Halilhodzic constitue une rupture autant sportive que symbolique : les succès sont tant associés à sa personne qu’on peut estimer qu’il y a une forme de décrochage relatif du public, qui doit aussi se remobiliser autour du neuf, croire en de nouvelles personnes, et à un nouveau projet. Il en est de même chez les joueurs : certains partent, souhaitant peut-être garder de Lille les images intactes du succès. Ceux qui restent peuvent légitimement avoir du mal à admettre qu’il sera difficile de faire mieux. Les performances sur le terrain peuvent traduire cette adaptation.
De plus, si l’on regarde de manière plus globale, il se peut que ce ne soit pas le départ d’un homme (Vahid) qui provoque la baisse de régime du LOSC. Après avoir grandi très (trop?) vite, il est presque prévu que le club connaisse une phase de reflux. Et c’est d’ailleurs bien souvent l’anticipation de cette phase qui fait partir les hommes : c’est bien parce qu’ils savent qu’ils ne pourront pas aller plus haut qu’ils préfèrent quitter le club à l’apogée de ce qu’ils peuvent y faire. À tort ou à raison, beaucoup d’observateurs considèrent que Lille a « sur-performé », et qu’il est allé « au-delà de ses limites ». Combien de fois Vahid Halilhodzic a-t-il dit lui-même que le club grandissait trop vite, et que les infrastructures pour rester au sommet ne suivaient pas ?
Quant à Michel Seydoux, il hérite d’un club assaini financièrement, mais le moment de la transmission de l’héritage est à certains égards un cadeau empoisonné. D’abord parce qu’il fera forcément moins bien dans un premier temps, on l’a écrit. Mais aussi parce qu’il arrive à un moment de l’histoire du club où le LOSC est engagé dans des projets incertains dont il ne peut pas se retirer. Le cas des atermoiements autour du « nouveau stade » est le plus flagrant. On a ici l’illustration de ce que les politistes appellent la path dependence, c’est-à-dire l’idée que les choix présents sont fortement contraints par des décisions passées, ce qui limite le domaine du possible, et rappelle à Michel Seydoux que, tout président qu’il est, il n’a pas les pleins pouvoirs (le coup de pression de Saintignon à son égard est éloquent), tout en récoltant les incertitudes du projet et la colère populaire.
Il en est de même sur la situation économique, pas réductible à une simple balance financière calculée sur la différence du montant des transferts entre départs et arrivées. Or, savoir que les meilleurs joueurs ont été vendus suscite en retour des attentes en termes d’investissement, attentes qui, en raison d’une trésorerie peut-être pas aussi bien fournie qu’on ne le croit, ne peuvent être comblées.
Au-delà des hommes, c’est le contexte qui explique en grande partie une saison 2002/2003 médiocre, avec ce creux particulièrement marqué en hiver. Replacer le LOSC à un moment de son histoire et de son développement permet d’avoir une autre grille de lecture des performances sportives.
Cela n’exonère pas les dirigeants de leurs responsabilités, mais c’est autre chose. En l’occurrence, on peut aussi tout à fait comprendre qu’il y a une phase de « prise de rôle » pour Michel Seydoux, novice à ce milieu, qui le conduit à quelques maladresses et à devenir le réceptacle des diverses frustrations, mais c’est peut-être l’inévitable prix à payer dans ce genre de configuration.
Quant à Claude Puel – à propos duquel Michel Seydoux a par la suite souligné sa chance de l’avoir eu, reconnaissant à mots couverts que Puel l’avait presque formé – il subit lui aussi en partie un lourd héritage et une succession difficile à assumer. Mais il est indéniable que, si l’on en croit les témoignages des joueurs de l’époque, même dans la tempête, il a su maintenir un équilibre dans le groupe, nécessaire à sa survie, et c’est bien dans cette phase complexe où le coach ne peut encore complètement faire passer ses vues et son style que Puel a déjà fait preuve de son immense compétence, malgré la crise de résultats. Un autre n’aurait probablement pas fait mieux.
Ainsi, après une période faste, quand les résultats ne sont pas là, la colère prend rapidement le dessus. Elle se cristallise sur ceux qui, nouvellement arrivés, incarnent le club. Mais il nous semble qu’il y a là un effet trompeur, qui consiste à confondre corrélation et causalité (le déclin sportif commence à l’arrivée de nouveaux hommes, mais l’un est-il la conséquence de l’autre ?) et à inverser causes et conséquences (c’est parce que le déclin est anticipé qu’on change d’équipe, et non un changement d’équipe qui conduit au déclin).
Dès lors, réclamer la démission ou croire en l’incompétence des nouveaux venus après seulement quelques semaines ou quelques mois nous semble mettre de côté les raisons structurelles et collectives qui permettent d’apporter un éclairage sur le décrochage relatif d’une équipe, qu’on ne peut résumer à l’action d’un homme ou deux. En 2003 comme à d’autres moments.
Note :
1 La lecture du calendrier des résultats a posteriori invisibilise donc la série de 7 défaites consécutives en championnat – et le passage par la zone de relégation – car, officiellement, cette victoire est comptabilisée pour la 25e journée.
Posté le 15 décembre 2021 - par dbclosc
André en coup de vent
Jeudi 30 janvier 2003. À quelques heures de la fin du mercato hivernal, le LOSC annonce l’arrivée du Nantais Pierre-Yves André : un renfort bienvenu pour une équipe qui dérive dangereusement vers le bas du classement. Mais André file à l’anglaise. Le LOSC est-il devenu un paillasson ?
Les changements d’hommes illustrent le changement d’époque : au printemps 2002, au revoir Dayan, Graille, Dréossi, Halilhodzic ; bonjour Seydoux, Tirloit, Thuilot, Puel. Ces changements majeurs dans l’organigramme ont inévitablement des conséquences très visibles : après quelques années d’euphorie sportive, retour à l’ordinaire pour le LOSC. Et l’ordinaire du LOSC, c’est une histoire régulièrement scandée par des déceptions, des maladresses, et quelques loupés. Le mercato hivernal de la saison 2002/2003 en apporte une belle illustration.
On se le rappelle : les débuts de Claude Puel en championnat sont marqués par deux cinglantes défaites à domicile, sur le même score : 0-3. Après un été compliqué, bien que marqué par une finale en coupe Intertoto, l’équipe redresse la tête et se positionne tranquillement en milieu de tableau. À la trêve hivernale, avec 28 points, le LOSC n’est même qu’à 7 points du leader marseillais (qu’il a balayé 3-0 en octobre). D’un point de vue comptable, il n’y a rien d’infamant. Mais au-delà des résultats, la « patte Puel » a du mal à imprimer. Les deux 0-3 du mois d’août à Grimonprez ont d’emblée fragilisé un entraîneur dont on peut supposer que, quel que fût l’identité, il aurait de toute façon durant un moment souffert de la comparaison avec Halilhodzic : difficile de succéder à un type qui a emmené le club au-delà de toute espérance. Et du côté des recrues, on ne peut pas dire que les nouveaux attaquants soulèvent l’enthousiasme de la foule, de moins en moins nombreuse d’ailleurs. Si le Bulgare Manchev ne laisse guère de doute sur son identité de footballeur, on reste encore circonspects devant les performances de Fortuné et de Tapia. Moussilou apparaît de temps à autre, il marque même, mais il est encore un peu tendre. Sterjovski et Boutoille n’ont pas l’air de trop intéresser Puel. En ajoutant à cela le fait que Beck est plus proche de l’amputation que des terrains, et que Tapia se blesse aux adducteurs à Noël et ne reviendra pas avant le printemps, la décision est prise : le LOSC va prendre un renfort offensif durant le mercato hivernal.
En janvier, il y a d’abord l’idée de recruter le parisien Laurent Leroy. Alors que l’on croit proche de signer dans le Nord, l’opération ne se fait pas et le joueur préfère s’engager avec la lanterne rouge, Troyes. Pas grave : il reste trois semaines de mercato.
Le nom de Todi Jónsson est ensuite avancé. Doukisor ? 29 ans, international Féroïen, joueur au FC Copenhague, son contrat expire dans 5 mois. Il est recommandé par Jakob Friis-Hansen, et aurait séduit Claude Puel. Des négociations sont entamées. Mais comme souvent, le marché ne se débloque que dans les dernières heures.
Pendant ce temps, le LOSC, en janvier 2003, joue 3 matches de championnat, en perd 3, et marque zéro but. La zone de relégation est deux points derrière ! Il faut attendre les tirs aux buts pour sortir Nîmes (National) en coupe de la Ligue, à domicile (0-0 ; 3-1). Heureusement, la victoire 2-0 à Agde (CFA) en coupe de France est acquise après seulement 90 minutes. Bref, il est temps de marquer.
Nous sommes le jeudi 30 janvier. Jónsson passe une série de tests médicaux en vue de son engagement. En sens inverse, Saint-Etienne fait la cour à Boutoille et à Sterjovski. C’est quasiment sûr : le premier, au moins, va partir. Ainsi, Puel va se séparer d’au moins un joueur sur lequel il ne compte pas, tout en récupérant un joueur de son choix. Mais le LOSC, qui a plus d’une corde à son arc, a négocié en même temps une autre affaire qui jusque là n’a pas été ébruitée. C’est donc à la surprise générale que le club annonce la venue de Pierre-Yves André dans la soirée. Il est prêté par Nantes pour une durée de 6 mois.
Belle affaire : ancien international espoirs, révélé à Rennes, confirmé à Bastia, André a pris en 2001 la direction du champion en titre, Nantes, où il joue la Ligue des Champions et marque notamment le but vainqueur contre la Lazio Rome.
Mais si les Canaris ne s’en sortent pas trop mal en coupe d’Europe, un catastrophique départ en championnat aboutit au remplacement de Reynald Denoueix par Angel Marcos. André joue moins. Et encore moins quand arrive la saison 2002/2003. Quelques années après, le joueur explique : « dès le début de la saison 2002/03, je ne rentre plus dans ses plans. Quand il fait sortir Viorel Moldovan, il fait entrer des milieux offensifs alors que moi je suis avant-centre et je reste sur le banc. Je lui ai demandé des comptes et j’ai peut-être été un peu trop virulent. C’est comme ça que j’ai scellé mon avenir au FC Nantes. Après j’ai été à la cave pendant six mois. Moi, je voulais jouer au football, je m’en foutais d’être bien payé et de vivre dans une belle ville. Je ne voulais pas être malheureux. J’ai donc demandé à être prêté ». Pas vénal, revanchard : le profil idéal. Ainsi, Lille, qui avait deux solutions, a d’abord misé sur la sécurité en optant pour « un joueur tout de suite opérationnel » selon la Voix du Nord (31 janvier), et avec qui la communication devrait être fluide (il parle français). Et Lille n’écarte toutefois définitivement pas la piste Jónsson.
Mais le lendemain, coup de théâtre : au cours du dernier jour du mercato, André a signé à Bolton. Cerise sur l’Hitoto : la piste de repli du LOSC, Jónsson, n’a pas signé non plus. On a échappé à la catastrophe : voyant que ça tournait vinaigre, les dirigeants du LOSC ont empêché in extremis les départs de Boutoille et de Sterjovski. On souffle presque : le LOSC va pouvoir poursuivre sa dégringolade avec le même effectif.
Mais que s’est-il donc passé le 31 janvier ?
Dans son édition du 1er février, la Voix du Nord revient sur ce qu’elle qualifie de « demi-tour » et de « volte-face », en interrogeant le directeur sportif du LOSC, Alain Tirloit : « [Jeudi 30] Pierre-Yves André m’a téléphone à 22h42 pour me dire que c’était OK et que c’était super pour lui. Et il nous avait fixé rendez-vous, à Xavier Thuilot, directeur général du club, et à moi à la gare Montparnasse en fin de matinée, ce vendredi. Nous avions négocié son salaire : à Nantes, c’est 83 850€ mensuels, nous nous étions engagés pour investir 30 500€ par mois. Pour accélérer le processus administratif, nous avions pris une procuration signée par Michel Seydoux. Tout semblait ficelé. Comme personne n’arrivait, j’ai appelé son agent sur les coups de 13h30. Et il m’a annoncé que son joueur avait signé à Bolton ». Il semblerait que Bolton ait fait de la surenchère en dernière minute, ce qui a convaincu André. Mais pour Tirloit, ce n’est pas l’explication (d’ailleurs, on l’a lu plus haut, André « s’en fout d’être bien payé ») : « je ne suis pas convaincu que les conditions financières aient changé. Mais Bolton, c’est la Premier League… ».
La solution André évaporée, reste à ce moment l’option Jónsson où, là aussi, tout semble avoir été bien ficelé : un transfert de 75 000€, et un salaire mensuel de 12 000€ (ce qui semble montrer que ce n’est pas un attaquant du même calibre). Oui mais : avertis des difficultés lilloises et de l’urgence de la situation après le refus d’André, les dirigeants de Copenhague font monter les enchères : « ils nous ont réclamé 100 000€ de plus sur le transfert ! Pour un joueur libre dans peu de temps, ça devenait insupportable. En accord avec le président et avec Claude Puel, nous avons donc dit non ».
Le Mikkel bec dans l’eau, Tirloit se hâte d’interrompre les discussions entre Saint-Etienne et Djezon Boutoille qui, d’abord surpris, semblait avoir donné son accord pour partir chez les Verts, tandis que Sterjovski aurait confié au directeur sportif du LOSC : « je veux rester ici pour m’imposer ». Dès lors, Tirloit fait contre mauvaise fortune bon cœur et déclare : « cela m’incite à penser que nous avons peut-être chez nous le ou les joueurs capables d’apporter un plus au groupe ». Dommage qu’on ne s’en soit pas rendu compte tout de suite !
Que retenir de cet épisode ?
Pour la Voix du Nord, les coupables sont tout trouvés. Il s’agit, d’abord de l’appât du gain qu’ont développé les footballeurs : « les dirigeants lillois ne devraient pourtant pas l’ignorer : c’est l’argent qui est le seul moteur et l’unique motivation des footballeurs professionnels, dans leur immense majorité ». Le quotidien révèle ainsi que si Laurent Leroy a préféré « s’enterrer » à Troyes, c’est parce qu’un miraculeux mécène s’est manifesté au dernier moment. Or, Michel Seydoux, à son arrivée, a promis d’être « raisonnable ». Et c’est précisément, ensuite, ce que reproche aussi la Voix du Nord au président ! Donc d’un côté, on déplore que les footballeurs fassent monter les enchères, mais de l’autre on déplore aussi que les clubs ne jouent pas le jeu et ne surenchérissent pas. Dans un éditorial (c’est dire si la situation est grave) sobrement intitulé « Encore raté », Pierre-Yves Grenu pointe : « pour André comme pour Leroy, le LOSC a choisi d’être raisonnable, d’éviter les surenchères inconsidérées. De ne pas vivre au-dessus de ses moyens. Louable attitude… qui risque de désarçonner son public, alléché par l’effet d’annonce et, finalement, privé de transfert ». On ne sait pas si ça désarçonne le public, mais apparemment ça désarçonne beaucoup Pierre-Yves Grenu qui, entre les lignes, se demande pourquoi Seydoux n’utilise pas son « trésor de guerre » (c’est lui-même qui a utilisé cette expression durant l’été 2002) issu de la campagne UEFA 2001/2002 et des transferts de Bakari, Cheyrou et Cygan.
De son côté, Michel Seydoux dénonce « les mœurs du football » : « je viens d’un milieu où quand on se serre la main après s’être dit oui, les choses sont acquises. Ensuite, on ne se rétracte plus. En revanche, le football pro, c’est vraiment le Far West. Et il va bien falloir que je m’y habitue ».
Bien sûr, on peut souscrire aux interprétations de la Voix du Nord et à celles de Michel Seydoux : dans un milieu qui en est tant imprégné, il est sans doute vrai qu’on ne peut rien expliquer sans l’argent. Il semble toutefois difficile de soutenir que tout s’expliquerait, à l’inverse, par l’argent. Dès lors, la posture de chevalier blanc du foot, aux louables intentions morales et éthiques, dans laquelle s’enferme Seydoux, ne suffit pas. En dépit de quatre années de rédemption, les Dogues ont encore du chemin à parcourir : les hommes du LOSC semblent avoir clairement manqué de crédibilité durant ce mercato, au point qu’on croit voir ressurgir l’image du club-repoussoir que le LOSC a patiemment construite durant les années 1990. Dans le même temps, le RC Lens, avec un staff élargi et expérimenté (Lamarche, Collado, Bergues, sans compter l’apport de Gervais Martel qui, à cette époque, sait encore convaincre de tout son poids un joueur) a réglé dans les dernières heures du mercato le départ de Stéphane Pédron (au PSG), et le retour de Tony Vairelles. Le contraste est saisissant.
Dès lors, cet épisode apparaît aussi comme l’illustration que Seydoux et son équipe sont en apprentissage, et qu’on ne peut attendre d’une nouvelle direction qu’elle fonctionne immédiatement avec les automatismes et la force de conviction d’un staff plus rôdé, d’autant plus quand elle est largement novice à ce niveau. Si les « ratés » du mercato de l’été 2002 peuvent apparaître comme un mal nécessaire (on ne les y reprendra pas la prochaine fois), ils fragilisent à court terme l’image que l’on se fait de la vision stratégique des dirigeants, qui donnent durant l’hiver l’impression de vouloir réparer leurs erreurs à la va-vite.
Si l’on ajoute à ceci d’autres maladresses telles que :
les tergiversations de Michel Seydoux durant le mois de janvier sur Grimonprez-Jooris II ;
l’évocation d’un « trésor de guerre » qui, pour être honnête, peut apparaître comme malvenue car suscitant des attentes démesurées ;
l’officialisation publique d’un transfert qui n’est pas fait ;
on comprend que ces épisodes sont autant de symptômes d’une équipe en rodage.
Et, bien entendu, des causes tout à fait extérieures à cette nouvelle équipe ne jouent pas en sa faveur : parmi elles, le fait de succéder à la période Vahid. Or, gouverner, c’est aussi hériter, et cet héritage-là est lourd à porter tant il ne peut que susciter un contraste négatif avec la situation présente. Changements d’hommes, de méthodes : pour ceux qui restent, on comprend que ça puisse perturber.
Dans ces cas-là, de deux choses l’une : ou on blâme les individus, les dirigeants « incompétents », les joueurs « cupides », et on fait des blagues du genre « André part de Lille par la grande porte. Par la petite, sa tête ne passait pas » ; ou on admet qu’un club connaît des périodes de reflux, avec de nouveaux hommes qui doivent se construire une crédibilité et clarifier un projet… Et alors on patiente.
Et le 31 janvier 2003, Pierre-Yves André a pu estimer que les deux derniers points lui offraient trop peu de garanties.
L’hiver 2003 s’annonce rude pour Puel et Seydoux, dont une partie du public réclame la démission après une série de défaites jusqu’en mars. Au football, la phase de transition est bien compliquée. Surtout quand on est dirigeant.
Posté le 11 décembre 2021 - par dbclosc
La première victoire lyonnaise à Grimonprez-Jooris
La treizième tentative est la bonne : après 12 visites à Grimonprez-Jooris sans s’imposer, l’Olympique Lyonnais gagne à Lille en septembre 1994, sur un score alors inédit dans ce stade : 1-4. Un résultat surprenant pour le LOSC, qui contribue peut-être à le rendre par la suite intraitable à domicile cette saison.
Si on disait que l’OL a déjà gagné au stade Henri-Jooris, on pourrait nous taxer d’anachronisme : en effet, le stade de l’avenue de Dunkerque, devenu Stade Henri-Jooris en 1943, n’a pas vu de victoire de l’Olympique Lillois, transformé depuis 1941 en Olympique Iris Club Lillois. Et pourtant, l’OL a gagné à Henri-Jooris : d’abord en septembre 1971 (1-0), puis en décembre 1974 (2-1), et cet OL était l’Olympique Lyonnais, adversaire du LOSC.
Puis les deux équipes, jouant parfois en D2, pas au même moment, se sont affrontés dans le nouveau Grimonprez-Jooris à 12 reprises, et impossible pour les Lyonnais de l’emporter : 5 nuls et 7 défaites. Dans ce championnat 1994/1995, l’OL est ainsi la seule équipe, avec Martigues1, qui ne s’est jamais imposée à Grimonprez. Même le PSG, qui n’y arrivait pas, est enfin venu gagner pour la première fois ici en 1993/1994.
En cette fin d’été 1994, la situation du LOSC est incertaine, comme depuis des années, et pour des années encore. En mai, l’arrivée à la présidence de Bernard Lecomte est perçue comme un nouveau symptôme de l’instabilité chronique du LOSC qui, depuis 1989, a vu passer 6 présidents et 6 entraîneurs. Le dernier en date est Jean Fernandez, venu d’Arabie Saoudite après avoir notamment entraîné Cannes, Nice et Marseille. De son point de vue, les problèmes du LOSC n’influenceront pas les joueurs si ceux-ci adhèrent à sa méthode : « je vais leur expliquer ma démarche. Le travail, l’esprit collectif. S’ils adhèrent à mes principes, tout ira bien (…) Le travail ne me fait pas peur » (La Voix du Nord, juin 1994).
Lors de sa nomination, il met en avant une difficulté que lui a glissée son prédécesseur, Pierre Mankowski : le poste de libéro. Il est donc prévu de recruter un joueur à ce poste : ce sera le Danois Henryk Lykke, auquel s’ajoute les recrutements de Roger Hitoto, Christian Pérez, Arnaud Duncker, Franck Farina, Philippe Lévenard, et Lyambo Etschélé.
Le début de saison du LOSC est intéressant : après un nul à Lens concédé in extremis, Lille bat Strasbourg et déjà la Ola est à Grimonprez-Jooris ! La Voix du Nord salue un LOSC qui a « des idées et du rythme », avec une première période « séduisante » et une deuxième « courageuse » (3 août). Ainsi, « les promesses entrevues lors du derby à Lens ont été confirmées ». Seule ombre au tableau : la blessure de Christian Pérez, auteur de prestations si prometteuses durant la préparation estivale. Mais Lille connaît ensuite 3 défaites consécutives (à Sochaux, contre Nantes, à Monaco) avant de se reprendre : victoire 3-0 contre Bastia puis nul à Metz. Somme toute, après un début de saison où Lille a affronté 4 prétendants à l’Europe, on est plutôt satisfait. Au-delà des résultats, encore moyens, certains joueurs entr’aperçoivent un changement, comme Jean-Claude Nadon : « il y a eu de nombreux départs et de nombreuses arrivées. Il nous faut un certain temps d’adaptation pour réussir l’amalgame. Mais ce que je peux dire, c’est que le groupe travaille bien. Les joueurs sont concernés par ce qu’ils font. Nous travaillons dur et dans la bonne humeur. Jean Fernandez a une bonne maîtrise du groupe. Il est parvenu à faire en sorte que nous travaillions avec beaucoup de rigueur et tout le monde est logé à la même enseigne. J’ai un peu l’impression de retrouver le travail que nous faisions avec Jacques Santini » (La Voix du Nord, 9 septembre 1994). Le gardien du LOSC se dit notamment « agréablement surpris » de la réaction lilloise à Metz, qui a permis d’égaliser : « je ne pensais pas que nous allions pouvoir réagir de la sorte. Nous aurions même pu l’emporter. C’est de bon augure ».
Les Lyonnais, de leur côté, ne comptent qu’une seule défaite depuis le début de saison, mais elle est lourde : 1-5 à Cannes. Depuis, l’OL s’est repris avec un nul à Auxerre, puis une victoire contre Caen. Lyon vient donc avec des ambitions, comme l’indique son entraîneur, Jean Tigana : « à l’extérieur, nous avons l’habitude d’évoluer avec un esprit offensif, et avec aussi beaucoup de rigueur ». Mais il ne s’attend pas à une partie de plaisir, soulignant d’ailleurs : « je n’ai jamais réussi à Lille2 où il est toujours difficile de manoeuvrer. Et puis Jean Fernandez, avec qui j’ai de bons rapports, est un bon professionnel ».
Un peu plus de 4 mois après leur dernière confrontation, au cours de laquelle Nadon a été sauvé 4 fois par ses montants, Lille et Lyon se retrouvent ce 10 septembre avec les compositions suivantes, devant 6 419 spectateurs :
Lille : Nadon ; Lykke, Leclercq, Bonalair, Rollain ; Lévenard, Friis-Hansen, Sibierski ; Assadourian, Garcia, Farina
Lyon : Olmeta ; Amoros, Sassus, N’Gotty, Laville ; Roy, Deplace, Gava, Delamontagne ; Paille, Maurice
On démarre fort avec un centre de Deplace dévié par Maurice puis prolongé par Sassus, qui atterrit sur Fabien Leclercq, seul. Il tente d’amortir le ballon pour son gardien, mais il prend Nadon à contre-pied (0-1). Bien joué. Attention : la dernière fois que Fabien Leclercq a marqué contre son camp, 5 mois auparavant, Lille a perdu 0-4.
Arnaud, ne me dis pas que les courants d’air que je provoque derrière t’ont encore filé un rhume..?!
Les Dogues réagissent bien après un coup-franc de Rollain dévié par Garcia (12e) : Olmeta dévie sur le poteau et le ballon longe la ligne… L’égalisation « aussi tordue que le but lyonnais » (la Voix du Nord, 11 septembre 1994) arrive vite : après un nouveau coup-franc de Rollain, Laville met les mains, c’est pénalty : ah, la belle époque où les arbitres piquent un sprint vers le point de pénalty quand ils sifflent ! Clément Garcia égalise (1-1, 21e). Lors de la saison précédente, il avait fallu attendre la 28e journée pour que le LOSC obtienne un pénalty : c’est déjà le quatrième pour cette saison (Lens, Nantes, Bastia, Lyon), tous transformés par Garcia, et tous du même côté (sur la droite du gardien).
La première période est agréable : N’Gotty tacle Garcia de justesse (27e), Amoros sauve sur la ligne une tête de Sibierski sur corner (29e), puis Farina, lancé par Assadourian, force Olmeta à sortir de sa surface (39e). En face, Nadon intervient surtout sur des ballons aériens puis sort de justesse une pichenette de Paille juste avant la pause. Les équipes rentrent aux vestiaires sur le score de 1-1.
En seconde période, en dépit de deux incursions de Garcia (63e, 65e), « le match se mit à ronronner, à mesure que le rythme baissait. À la différence des 45 premières minutes, Lyon refusait le jeu, et se contenter de sauter sur le premier contre venu ». Tactique payante : sur un centre de Gava, Maurice, de la tête, donne l’avantage aux visiteurs (1-2, 67e).
Jean Fernandez joue alors son va-tout en remplaçant Friis-Hansen par Boutoille. Mais Lyon profite des espaces dans la défense lilloise pour marquer de nouveau : sur un nouveau centre venu de la gauche, cette fois de Amoros, Paille marque de la tête (1-3, 74e). C’est la fin pour Lille. Paille marque de nouveau, mais son but est refusé. En fin de match, Debbah remporte facilement un ultime duel face à Nadon (1-4, 90e).
Cette défaite lilloise, lourde, replace les Dogues sur terre alors qu’on les croyait capables de décoller : « le LOSC retombe de haut ! » titre la Voix du Nord (11 septembre) ; « l’embellie aura été de courte durée » écrit la Voix des Sports (12 septembre). Pourtant, après « une première mi-temps comme on en redemande », on croyait que le plus dur avait été fait : du jeu, des occasions, des attaquants remuants. Mais « ce qui est inquiétant, c’est la façon dont les hommes de Jean Fernandez ont négocié la seconde mi-temps. Ou plutôt la façon dont ils ne l’ont pas négociée » (la Voix du Nord). Le LOSC a alors été frappé de « mutisme offensif, au point de se faire marcher dessus » (La Voix des Sports). Pour le coach, l’enseignement est simple : « on a raté le coche en première mi-temps ». Le quotidien note que « jusqu’au deuxième but lyonnais, on n’était pas inquiets pour cette équipe de Lille, qui n’est plus l’équipe timorée de ces trois dernières saisons. C’est déjà ça… ». Puis, tout a déraillé et Jean Fernandez plaide coupable : « J’ai fait un choix tactique et les troisième et quatrième buts sont pour moi. Je pense avoir désorganisé toute l’équipe après le deuxième but lyonnais. Je pensais que nous ne pouvions pas rester sur ce 2-1 et que la rentrée de Boutoille pouvait nous faire beaucoup de bien ». Bravo Jeannot !
Cette large défaite est inédite à Grimonprez-Jooris : jamais un adversaire n’était venu gagner ici par 4 à 1. Le LOSC avait jusque là encaissé 4 buts (jamais davantage) à trois reprises : 3-4 contre Saint-Étienne en septembre 1981, 2-4 contre Monaco en 1988, et 0-4 contre Metz en avril 1994. Par la suite, le LOSC encaissera 4 buts à Grimonprez (et jamais davantage !) à 4 reprises : 0-4 contre Auxerre en mars 1996 ; 1-4 contre Monaco en octobre 1996 ; 2-4 contre Strasbourg en février 1997 ; 0-4 contre Montpellier en mars 1997.
A posteriori, on peut se demander si cette lourde défaite n’a pas durablement marqué la suite de la saison lilloise. Probablement échaudé par la non-réussite de ses options offensives, et handicapé par le retour en méforme de Pérez, Jean Fernandez a par la suite privilégié la présence d’un seul avant-centre (Garcia ou Farina), d’un attaquant excentré (Assadourian) et d’un milieu offensif comme seules armes devant. Résultat, un jeu « défensif mais explosif » comme nous le confiait Arnaud Duncker (c’est pour pas dire : « on balance sur Assad qui court vite puis on voit ce qui se passe »), un surprenant total de 11 victoires 1-0 lors de cette saison, dont 10 à domicile, et seulement 3 matches avec plus d’un but marqué. Ainsi, ce match est une exception dans la saison : non pas parce qu’il révèle l’inconstance du LOSC, mais parce que cette inconstance se révèle ici d’une mi-temps à l’autre, alors qu’elle s’est plutôt manifestée selon que Lille jouait à domicile ou à l’extérieur : 40 points pris à domicile (seulement 11 buts encaissés), 8 points pris à l’extérieur !
Les Lyonnais finiront ce championnat à une belle deuxième place, et viendront gagner une deuxième fois à Grimonprez-Jooris en avril 2001.
Les buts du match :
Notes :
1 Sachant qu’il n’y a alors eu qu’une seule confrontation Lille/Martigues, en 1993/1994
2 Jean Tigana se rappelle certainement qu’il était sur le terrain lors du match retour de coupe Lille/Bordeaux de 1985.
Posté le 6 décembre 2021 - par dbclosc
Des Lilloises renversantes
Toujours un plaisir de retrouver La Roche, pardon, l’Étoile Sportive Ornaysienne de Football (ESOF), car ça rappelle des souvenirs fondateurs pour la section féminine du LOSC, montée en D1 en 2017 après une mémorable double confrontation contre cet adversaire (qu’on avait traitée ici et là). La Roche fait même partie des rares adversaires affrontées l’an dernier, avant interruption provisoire, définitive, provisoire, puis définitive du championnat.
Retour au championnat pour les Lilloises après une défaite à Metz il y a trois semaines (1-2) suivie d’une qualification en coupe aux dépends des mêmes Messines, et d’un match amical joué contre Fleury (D1), perdu 0-2.
Au classement, avec cette deuxième défaite en championnat, après celle concédée à Nantes, Lille a un peu cédé de terrain mais tout reste extrêmement serré. Et comme Nantes et Le Havre s’affrontent cet après-midi, on peut espérer qu’au moins l’une des deux équipes va perdre des points.
Les adversaires du jour sont 11e, et n’ont remporté qu’un match depuis le début de saison. Est-ce qu’on peut espérer, pour une fois, se retrouver face à une opposition un peu moins coriace ?
Pas de Polito ni de Bamenga dans le groupe. La Roche joue en orange/rouge, et les Lilloises en blanc.
Il ne pleut pas, il y a même quelques éclaircies.
14h28 C’est parti Paprzycki !
4e Début de match assez brouillon de part et d’autre. C’est plutôt La Roche qui tente de combiner offensivement, tandis que les Lilloises sont en quête d’idées.
9e Depuis l’arrière, La Roche joue un long coup-franc qui arrive à une trentaine de mètres des buts lillois, dans l’axe. Carla Nollet tente de transmettre de la tête à sa gardienne, mais c’est bien trop faiblement donné : à l’affût, Lauriane Borde récupère et lobe Elisa Launay de 18 mètres. 0-1.
10e On tente de réagir du côté des Lilloises. Sur la gauche, combinaison entre Boucly, Demeyere et Ollivier. Celle-ci centre et c’est claqué en corner par la gardienne.
12e On tente de forcer par le côté gauche : cette fois, le centre de Demeyere termine sur le toit du but.
15e Nollet manque sa passe en retrait à Launay et laisse filer la n°9 côté gauche, qui repique dans l’axe, dans la surface. Carla Nollet se rattrape bizarrement en passant entre l’attaquante et la gardienne, et en jetant son corps dans les pieds de son adversaire. Ce n’est pas très académique et on était à deux doigts d’une catastrophe mais Elisa Launay récupère.
17e Sur un coup-franc lillois joué dans la surface adverse, Salomé Elisor se fait mal et sort se faire soigner quelques minutes. Difficile de voir si ça résulte d’un choc ou si c’est arrivé en solo, mais le banc lillois demande au juge de touche d’être attentif.
21e Corner pour Lille, joué à deux entre Demeyere et Boucly. Silke cherche au second poteau la tête d’Eva Fremaux, qui ne peut pas reprendre.
23e Beau travail d’Agathe Ollivier, toujours active à gauche. Son centre à ras de terre à proximité des 6 mètres passe devant le but.
25e Carton jaune pour la 14 de La Roche, qui s’appelle Eden Boban. Après une faute sur Demeyere, non mais oh !
29e Frappe lointaine de la 4, pas de problème pour Launay.
Bon, il ne se passe toujours pas grand chose du côté de Lille où, collectivement, on ne se trouve pas. Si La Roche joue prudemment, cette équipe possède quelques joueuses rapides devant qui, elles, ont bien moins de difficultés à se trouver et à mettre en danger la défense lilloise par de bons appels dans son dos.
Le révélateur, en bleu, est encore placé n’importe comment
30e Le LOSC trouve enfin des espaces : bonne ouverture d’Azzaro pour Boucly, qui file côté gauche, et frappe puissamment à l’entrée de la surface : le ballon est claqué du poing en corner.
Sur celui-ci, tiré par Paprzycki, une bonne tête de Mouchon aux 6 mètres trouve la gardienne.
32e La grande n°9 de la Roche s’infiltre dans l’axe, et Devlech’ fait une faute « utile » dans l’arc de cercle pour la stopper. Elle prend logiquement un jaune. Le coup-franc, tiré par la 4, est freiné par le mur, ça traîne dans les 6 mètres et Ilona Pierre-Jean pousse le ballon dans les filets, de la tête. 0-2, cette affaire commence à tourner très mal.
33e Je retire mon qualificatif « utile ».
40e Centre d’Agathe Ollivier, repoussé. Demeyere reprend à l’entrée de la surface, du droit, mais la gardienne claque le ballon au-dessus.
43e Coup-franc frappé côté droit par Demeyere : la tête d’Elisor passe au-dessus.
44e Belle action collective du côté du LOSC avec, dans le coup, Elisor, Boucly et Demeyere. Le centre de Silke est repris par une tête décroisée d’Azarro qui passe à côté.
C’est curieux, ça joue soudainement bien depuis 5 minutes : les blanches combinent, jouent plus collectivement, et sont automatiquement plus dangereuses, en parvenant à contenir les Ornaysiennes dans leurs 30 derniers mètres.
45e Suite à la tête d’Azzaro, le 6 mètres de la Roche est vite récupéré au milieu de terrain par les Lilloises. En une passe et une accélération, Mouchon se retrouve en position favorable côté droit, dans la surface. Elle glisse dans l’axe à Maïté Boucly qui conclut du gauche aux 6 mètres, 1-2 !
Les Lilloises se précipitent pour aller chercher le ballon au fond des filets et engager au plus vite. Silke Demeyere, qui a le ballon en mains, se fait chahuter sur la route, ça provoque quelques petites poussées et invectives entre adversaires mais Demeyere, transformée en rugbywoman, parvient à échapper à tout le monde et marque l’essai dans le rond central ! Elle prend un carton jaune. N’importe quoi l’arbitre !
C’est la mi-temps sur le score de 1-2. Hé bien, nous qui nous attendions à passer une après-midi presque tranquille, on est surpris de ne pas reconnaître l’équipe qui sait pourtant se montrer si séduisante. Alors certes, les premières périodes sont souvent plus difficiles et nos favorites font régulièrement la différence au score après le repos ; mais cette différence au score apparaît comme le prolongement logique d’une certaine maîtrise dans le jeu. Or, ce n’est pas le cas ici, et les filles du LOSC ne nous ont pas habitués à être si brouillonnes et si peu créatives. C’est fébrile derrière, et sans imagination devant.
Cela étant, il n’y a qu’un but d’écart, et les dernières minutes, de suite récompensées par un but, peuvent augurer d’une suite favorable.
Les joueuses reviennent et Silke parle volontairement très fort à ses équipières pour que l’arbitre l’entende. Elle répète qu’elle n’a rien fait et rien dit.
Changement : Carla Nollet est remplacée par Lou Bogaert qui, la semaine dernière, a marqué avec l’équipe de France U19 contre la Belgique.
15h30 C’est reparti Paprzycki !
47e D’emblée, les Lilloises se postent dans le camp adverse et réclament une main après un centre venu d’Azarro de la gauche. Ça ne donne qu’un corner : il est frappé par Paprzycki, ça cafouille un peu autour du point de pénalty, et Demeyere surgit pour placer une puissante frappe du gauche, à ras de terre, poteau rentrant ! 2-2.
48e AHAH MADAME L’ARBITRE, QUAND ON MET DES CARTONS TOUT MOISIS À SILKE DEMEYERE, ON FÂCHE SILKE DEMEYERE, ET ON FAIT MARQUER SILKE DEMEYERE.
Et on ose donner le ballon d’or à Alexia Putellas après cette prestation de Silke Demeyere
54e Six mètres d’Elisa Launay, qui trouve Mouchon à droite. Noémie Mouchon joue avec Fremaux, retrouve Mouchon, qui relaie avec Elisor, Mouchon se retrouve en position de centrer, c’est timidement dégagé, et Demeyere envoie une lourde frappe, encore du droit, au-dessus. Voilà qui était très bien construit.
60e But de Mouchon, refusé pour hors-jeu.
61e Carton jaune pour la 4 de la Roche.
62e Touche de Fremaux vers Elisor. Salomé lance Mouchon côté droit, qui envoie un centre, contré par une arrière qui prend sa gardienne à contre-pied, et ça finit gentiment dans le but, 3-2 ! Merci !
63e Y EST L’HEEEUUURE !
67e Sur un corner, Azarro se trouve dans une position intéressante dans la surface mais manque son contrôle.
71e Encore une situation confuse dans la surface de La Roche, avec Mouchon et Azzaro.
Aurore Paprzycki est très énervée mais c’est bon signe et c’est plutôt la norme. Depuis quelques minutes, il semble qu’il y a des petites coups et des insultes qui se perdent. J’ai pas bien vu mais j’ai bien entendu : qui a dit « elle me casse les couilles, je te jure je vais la défoncer » ?
72e L’arbitre arrête le jeu et met un jaune à la n°9 de l’ESOF.
74e Il faudrait rappeler à Noémie Mouchon que si elle se trouve entre l’avant-dernière défenseure et la dernière (qui est souvent la gardienne) au moment où elle reçoit une passe d’une équipière dans le camp adverse, elle est hors-jeu.
75e Très bonne intervention d’Agathe Ollivier derrière qui, en outre, fait un tout bon match offensivement.
76e Il y avait longtemps que l’on n’avait pas vu les visiteuses à l’attaque : côté gauche de la surface, la n°9 adverse dévisse complètement sa frappe du gauche, ça termine à une dizaine de mètres du poteau sous les applaudissements nourris d’un public conquis.
Du coup, Salomé Elisor joue un peu moins haut. En position plus défensive, on voit de façon flagrante une qualité qu’on ne souligne pas assez chez elle : elle gagne très souvent ses duels aériens.
79e Après un duel aérien, une adversaire a l’air d’avoir très mal. Allongée à terre, elle fait le coup des jambes qui deviennent zinzins pour faire genre « oulala, je perds la vie ». Considérant qu’elle a mis un coup de coude, l’arbitre sanctionne Salomé Elisor d’un carton jaune. C’est vivement contesté par les Lilloises. La mourante se relève.
83e Coup-franc à une vingtaine de mètres, décalé sur la droite. Boucly frappe en force, c’est renvoyé par un coude dans le mur. Nous réclamons une main, pour voir, et c’est la joueuse qui nous répond directement « ça arrive trop vite sur moi ! ». On le sait très bien, mais on tente.
84e Chloé Pierel remplace Lorena Azzaro.
85e On n’est toujours pas à l’abri. Les adversaires tentent de ressortir. En retour, quelques situations de contre se présentent pour Lille, mais ce n’est pas suffisamment bien exploité.
88e Chloé Marty remplace Maïté Boucly.
90e + 4 C’est terminé, après un temps additionnel sans histoire. Pour les équipes premières du LOSC, c’était le week-end des retournements de situation avec csc salvateur.
Deuxième mi-temps bien meilleure des Lilloises ! Le match n’a pas été extraordinaire, mais on laisse volontiers de côté les quelques aspects négatifs pour mettre en avant la réaction des filles qui ont su renverser la vapeur et ne se sont pas laissé abattre malgré deux buts de retard. Voilà des qualités, déjà montrées précédemment, qui seront utiles toute la saison dans ce championnat si serré.
Bonne nouvelle : Nantes et Le Havre ont fait 0-0.
On trouve donc :
1. Metz (22 points)
2. Nantes (21)
3. Le Havre (21)
4. Lille (19)
5. Strasbourg (14)
Les Lilloises comptent un match de retard, qui sera joué le 19 décembre, contre Orléans. Donc, virtuellement…
Entretemps, il y aura la coupe de France contre Beauvais (R1) dimanche prochain !
Posté le 3 décembre 2021 - par dbclosc
Coupe Drago 1960 : le LOSC éliminé au nombre de corners
Coupe Drago 1960 : déjouant les pronostics, le LOSC, alors en D2, égalise à trois reprises sur le terrain de son rival lensois, pensionnaire de l’élite. La prolongation s’achève sur le score de 3-3. C’en est trop pour les forces du complot, qui abattent une de leurs cartes les plus mesquines : le gagnant est désigné au nombre de corners obtenus. Lille est éliminé.
S’il y a bien un trophée que possède le Racing Club de Lens et pas le LOSC, c’est la coupe Drago. Cela tombe bien : c’est celui que personne n’envie. Sorte de compétition de rattrapage, la coupe Drago, entre 1953 et 1965, mettait aux prises les équipes professionnelles éliminées avant les quarts de finale de coupe de France. Il est dès lors très peu étonnant que Lens ait remporté à 3 reprises ce trophée de la lose (1959, 1960, 1965), tout en atteignant la finale une autre fois (1957). Le LOSC, de son côté, est parvenu en finale à deux reprises : d’abord en 1954, saison de titre, avec une défaite contre Reims (3-6) ; puis en 1956, saison de descente à laquelle la coupe Drago, boulet de fin de saison, n’est probablement pas complètement étrangère (défaite contre Nîmes 1-3).
Lens favori
L’une des éditions qui a vu le RCL triompher mérite que l’on s’y arrête de plus près : c’est millésime 1960, disputé de février à juin. Il s’agit de la seule édition où le LOSC et le RCL se sont affrontés dans cette compétition. Lens entre en lice dès le deuxième tour de la coupe Drago, fin février, après avoir été éliminé en 16e de finale de coupe de France par Forbach (D2, 1-4). Lille, de son côté, arrive un peu plus tard, après son élimination des quarts de finale de coupe de France par Saint-Etienne (1-3). Ainsi, pendant que Lille avançait en coupe de France (victoire en 16e contre Toulon, puis en 8e contre Gardanne), Lens se consolait déjà dans l’autre coupe, avec un tour supplémentaire (victoires contre Rouen, Valenciennes et le Stade Français).
Lensois et Lillois se retrouvent ainsi le 24 avril pour les quarts de finale de la coupe Drago.
Lens fait donc partie des quatre survivants des tours précédents de la compétition ; et Lille y débarque, avec trois autres, au titre de récent éliminé de la coupe de France. Comme à chaque tour précédent, le tirage au sort permet à Lens de recevoir : comme par hasard !
Lens, entraîné par Jules Bigot, est alors en D1, dans le premiers tiers du classement, sans pouvoir espérer atteindre les toutes premières places. La coupe Charles-Drago constitue ainsi le principal objectif de fin de saison pour les Sang & Or, d’autant plus qu’ils en sont les tenants.
Le LOSC, de son côté, après être remonté en 1957, est de nouveau en D2 depuis 1959. Au cours d’un championnat sans saveur, le club est dans le ventre mou. Au lendemain de l’élimination à Saint-Etienne, la Voix du Nord note que « la coupe de France a effacé en partie la mauvaise saison du LOSC. N’empêche que, tout bien pesé, les jours gris ont été plus nombreux que les jours roses » (6 avril). Il semble qu’on attende tranquillement la saison prochaine pour repartir sur de meilleures bases et construire un effectif de meilleure qualité, en s’appuyant sur les jeunes, finalistes de la coupe Gambardella 1960. Cela pourrait se faire aussi grâce à la valeur marchande de François Heutte, désormais international, toujours sous contrat avec le LOSC, et prêté cette saison au RC Paris.
Quant à la coupe Drago, vue de Lille, elle ne suscite guère d’espoirs : vaincre Lens, sur son terrain, semble constituer un obstacle insurmontable.
Félicitations à Enzo Zamparini, qui s’est marié mardi 19 avril. La Voix du Nord précise que « après la cérémonie religieuse, les joueurs du LOSC rendirent les « honneurs sportifs » à leur sympathique coéquipier et à sa charmante épouse ».
C’est au moment où l’on croit les Lillois en roue libre qu’ils écrasent Montpellier, candidat à la D1 (et qui finira champion de D2), 5-1. Dans la Voix du Nord, le journaliste Jean Chantry salue les performances de Walczak, de Gardien et de Jacky Montagne, longtemps blessé, qui, durant la saison « auraient pu apporter quelques points supplémentaires. Des regrets : il ne reste que cela… » (19 avril). Il n’empêche : une telle démonstration (« un jeu de massacre » pour la VDN) peut-elle faire naître quelques espoirs pour le derby… ?
« À première vue, les Lillois ne seront pas favoris » précise la Voix du Nord, lucide. D’autant que les Lensois, qui ont sorti le Stade Français quatre jours avant sont « en très nette amélioration », notamment grâce au retour en forme de Wisniewski, tandis que Stievenard, repositionné en « avant itinérant » est désormais « plus dynamique et organisateur ». Lens reste toutefois privé de sa « machine à shooter » : Ahmed Oudjani, qui a connu deux claquages en deux mois. En face, « certes, la défense de Lille est correcte (…) Mais il y a davantage de style, de richesse à Lens. C’est surtout l’allure générale de l’équipe qui est plus rapide ».
Lille a bonne mine
Le dimanche 24 avril à 20h30, les deux équipes se présentent au stade Bollaert devant 7 164 spectateurs, ce qui dans la moyenne de la saison des Lensois (7 123), mais bien loin des meilleures affluences1 (16 000 contre le Racing de Paris, 15 000 contre Reims). Voici les compositions annoncées :
Au dernier moment, Walczak doit céder sa place. Dès lors, Novotarski joue ailier gauche, et Clauws prend la place de demi-droit. Et du côté lensois, Lafranceschina se claque lors de l’échauffement ; il est remplacé par Carlier.
Le match est rapidement marqué par deux blessures : d’abord, celle du Lensois Stievenard, dès les premières minutes. Comme les remplacements ne sont pas autorisés, il reste sur le terrain mais « il ne fut plus que d’une utilité toute relative pour son équipe » (La Voix des Sports, 25 avril). Mais cet avantage pour le LOSC est vite compensé par la blessure au tibia, à la 25e minute, de Jaclin qui, lui, sort, avant de revenir juste après la pause au poste d’ailier gauche. Les Dogues ont ainsi joué durant 20 minutes à 11 contre 10 lensois + un éclopé, puis durant 20 minutes à 10 contre 10 lensois + un éclopé, puis la suite du match à 10 + 1 contre 10 + 1.
« On pouvait penser que les Sang et Or ne feraient qu’une bouchée des petits Lillois. Mais ceux-ci, piqués par on ne sait quelle mouche, fournirent un match excellent, jouèrent aussi vite que leurs adversaires, et leur donnèrent beaucoup de soucis » (La Voix du Nord, 26 avril). Si le jeu des Lensois paraît globalement « plus cohérent » et « plus étudié » (La Voix des Sports, 25 avril), les Dogues sont bien organisés en défense et jouent la contre-attaque avec « une mobilité dont on ne les soupçonnait pas capables ». Si les Lensois ont une bonne maîtrise du jeu grâce aux initiatives de Kominek, ils se heurtent à une défense lilloise solide de laquelle émerge Debelleix.
Juste avant pause, les locaux marquent par Carlier (42e). Et peu après la reprise, les Lillois qui « attaquent crânement » égalisent par Fatoux (52e). « Le match se poursuivit alors avec des initiatives diverses mais toujours très passionnantes à suivre » : sur l’une d’elles, Lens reprend l’avantage grâce à Kominek, profitant d’une ouverture de Wisniewski (2-1, 63e). Mais le LOSC ne se décourage pas, Fatoux semblant souvent proche d’égaliser. C’est ce qu’il parvient à faire, dans la confusion, à la 71e, après un centre de Montagne relâché par Pagès. Le public lensois conteste l’égalisation « car le juge de touche n’avait pas, semble-t-il, signalé la sortie du ballon » (La Voix des Sports, 25 avril). Le lendemain, c’est plus clair : la Voix du Nord révèle que Fatoux, qui l’a d’ailleurs lui-même reconnu, s’est aidé de la main.
Après 90 minutes, le score est de 2-2 : il faut recourir à une prolongation.
Un règlement en forme de mauvais coup (de coin)
C’est ici qu’un détour par le règlement s’impose. Au cours de ses douze années d’existence, la Coupe Drago a connu des formules diverses, qu’il s’agisse des conditions pour y accéder (ainsi, cette édition en 1960 est la première pour laquelle des clubs éliminés en quarts de finale de coupe de France – c’est d’ailleurs pour cette raison que le LOSC est là) et, pour ce qui nous intéresse ici, des modalités de départage des équipes en cas d’égalité après prolongation.
De nos jours, nous sommes habitués à ce que deux équipes doivent se départager après une séance de tirs au buts, une pratique qui ne s’est développée qu’au cours des années 1970. Mais à l’époque, à l’instar de ce qui se joue en coupe de France, on est plutôt adepte du match à rejouer. Mais ce n’est même pas la règle choisie dans cette compétition, hormis pour les éditions 1956, 1957 et 1958.
Lors de sa création, le règlement de la coupe Drago prévoit qu’en cas d’égalité entre deux équipes, c’est l’équipe qui joue à l’extérieur qui se qualifie.
En 1955, cette règle persiste avec une modification : si les deux équipes ne jouent pas dans la même division, c’est celle qui est hiérarchiquement inférieure qui est qualifiée.
En 1956, on l’a évoqué, le match est désormais rejoué.
Puis, à partir de 1959 et jusqu’à l’arrêt de cette compétition, on oublie le domicile/extérieur et la hiérarchie entre clubs : c’est le nombre de corners obtenus qui permet de déterminer le vainqueur. Et si le nombre de corners obtenus est le même, on tire au sort.
À ce petit jeu, Béziers et Roubaix-Tourcoing sont pionniers : lors de l’édition de 1959, Béziers (D2) et Nice (D1) font match nul 2-2, et tous les deux ont obtenus 5 corners… Béziers passe au tirage au sort. Le même jour, le CORT (D2) et Alès ne parviennent pas à se départager au nombre de buts (0-0), mais les locaux ont écrasé leurs visiteurs 6-0 au nombre de corners.
René Fatoux au stade Henri-Jooris lors du match LOSC/Montpellier
Revenons à notre Lens/Lille de 1960. Pas de chance pour le LOSC, des formules précédemment utilisées et qui lui auraient été favorables ici en cas d’égalité (victoire de l’équipe visiteuse, ou victoire du « petit ») ne seront pas appliquées : depuis l’année précédente, la règle des corners prévaut. Si le LOSC doit passer, il faudra donc qu’il marque au moins un but de plus que Lens ou que, en cas d’égalité, il ait obtenu davantage de corners sur l’ensemble du match.
Selon la Voix du Nord, la prolongation est « passionnante ». Si les Lensois restent « meilleurs techniciens », ils se heurtent toujours à une belle défense des Lillois. À la 115e, Debelleix bouscule fautivement Polonia. Le coup-franc, bien placé, est transformé par Harabaz (3-2). on pense alors que le score est définitivement acquis mais, à la dernière minute, une ultime percée de Fatoux permet à l’attaquant lillois de signer un triplé (3-3, 120e).
Il faut donc regarder le nombre de corners : 13 pour Lens, 5 pour Lille. Lens est qualifié pour les demi-finales.
Au-delà de ce match somme toute négligeable dans l’histoire des deux clubs, le règlement de la coupe Drago pointe une bonne question : y a t-il une modalité plus légitime qu’une autre pour départager deux équipes en cas d’égalité ? Si les tirs aux buts se sont généralisés, ils restent parfois désignés comme étant une « loterie » (ce avec quoi nous ne sommes pas d’accord, considérant qu’il s’agit de la réalisation d’une technique qui se travaille, que l’on soit gardien ou tireur, et sur laquelle on peut donc influer) et peuvent finalement offrir la victoire à une équipe qui n’aurait pas particulièrement brillé par ses initiatives offensives.
Les réflexions sur les évolutions des règles ont parfois mis en avant la possibilité d’autres critères de départage (pourcentage de possession, nombre de tirs) mais sur lesquels on semble pouvoir facilement agir sans que cela ne reflète là aussi de plus grandes ambitions offensives ou une grande maîtrise. Et si le nombre de corners reflétait le mérite supérieur d’une équipe ? Selon la Voix des Sports, après ce RCL/LOSC, la victoire des Lensois au nombre de corners « traduit bien la physionomie de la partie et leur évidente supériorité technique et même territoriale ». On comprend par là que la victoire de Lens serait méritée. À l’inverse, ne peut-on pas considérer que la performance des Dogues, évoluant dans une division inférieure, et dont les articles de la presse régionale saluent les qualités de défense et de contre-attaque, soit tout autant méritoire ? Elle illustre en tout cas un jeu moins offensif, allant à contre-courant des évolutions souhaitées du football : plus spectaculaire, la spectacularité étant bien souvent mesurée à l’aune des buts marqués et des situations offensives générées2. Quid alors des « pragmatiques », de ceux qui choisissent de subir, ou de jouer la contre-attaque et qui, par philosophie ou par contrainte sur les caractéristiques de leur effectif, n’en sont pas moins des artisans du football, ou des artisans moins légitimes ? Et après tout, cette règle n’est-elle pas injuste ? Si on peut imaginer qu’un « petit » parvienne à faire match nul avec une équipe de division supérieure, les probabilités de maintenir cette égalité sur quelques statistiques sont a priori moindres et donc, forcément, la règle légitime le rapport de forces au bénéfice du plus fort, avec la force invisible de la loi, et sous les applaudissements de tout le monde.
Le choix de cette règle, finalement, ne résout rien, sans apporter de problème superflu : il valorise un aspect plus qu’un autre3. En valoriser un autre ne serait ni plus, ni moins légitime. On peut imaginer que la réintroduction de cette règle inciterait à une « extension » du jeu, dans le sens où des équipes chercheraient peut-être à davantage passer par les côtés, en vue d’obtenir des corners, à défaut de buts. Les qualités de vitesse, de dribbles et de qualité de centre seraient alors largement valorisées. Corollairement, on aurait une perte relative de la valeur du travail des meneurs axiaux.
Bref, comme en politique avec ce que permet ou favorise une Constitution, il importe de souligner que les règles du jeu influent sur le jeu lui-même, et qu’elles sont toujours modifiables, selon ce que l’on souhaite valoriser à un moment. Et l’appréciation de ses conséquences est toujours variable et contingente, et ne fera jamais l’unanimité.
Notes :
1 C’est d’ailleurs le manque d’intérêt du public qui justifiera l’arrêt de la coupe Drago quelques années plus tard. En 1960, la finale de la coupe Drago attire 4 000 personnes, contre 38 200 pour la finale de la coupe de France.
2 Le jeu dit « défensif » est ainsi souvent stigmatisé, et la plupart des changements dans les lois du jeu ou au niveau réglementaire visent à favoriser l’offensive ou la vitesse du jeu. Ainsi, en France, en 1968, un point de « bonus offensif » est accordé aux équipes qui inscrivent au moins 3 buts dans un match.
3 Interrogé sur le site Lucarne Opposée, à propos de questions proches de celles soulevées par cet article sur le football en Tunisie, Christophe Kuchly, co-auteur d’ouvrages tels que L’Odyssée du 10 et Comment regarder un match de foot ? (Éditions Solar), indique : « Il n’y a aucune solution vraiment pertinente [entre corners, frappes ou possession comme critère de départage] parce que la plupart de ces statistiques sont le reflet d’un parti pris dans le jeu plutôt que d’une domination dans le jeu. Dans l’absolu, on peut considérer que prendre le nombre de corners est un peu plus logique parce qu’aucune équipe ne va aborder un match avec l’idée d’en obtenir beaucoup, là où certaines vont vouloir avoir le ballon pour construire ou insister sur les tirs lointains s’ils ont de bons artilleurs. Et, au moins, on ne peut pas augmenter artificiellement leur total, là où on pourrait tirer de cinquante mètres ou faire une passe à dix avec le gardien. Mais ça ne reflète pas vraiment la domination d’une équipe dans le sens où les équipes qui vont déborder et centrer pourront en obtenir facilement si leurs tentatives sont contrées, alors que celles qui attaquent par l’axe auront généralement besoin d’une intervention du gardien ».