Posté le 11 décembre 2021 - par dbclosc
La première victoire lyonnaise à Grimonprez-Jooris
La treizième tentative est la bonne : après 12 visites à Grimonprez-Jooris sans s’imposer, l’Olympique Lyonnais gagne à Lille en septembre 1994, sur un score alors inédit dans ce stade : 1-4. Un résultat surprenant pour le LOSC, qui contribue peut-être à le rendre par la suite intraitable à domicile cette saison.
Si on disait que l’OL a déjà gagné au stade Henri-Jooris, on pourrait nous taxer d’anachronisme : en effet, le stade de l’avenue de Dunkerque, devenu Stade Henri-Jooris en 1943, n’a pas vu de victoire de l’Olympique Lillois, transformé depuis 1941 en Olympique Iris Club Lillois. Et pourtant, l’OL a gagné à Henri-Jooris : d’abord en septembre 1971 (1-0), puis en décembre 1974 (2-1), et cet OL était l’Olympique Lyonnais, adversaire du LOSC.
Puis les deux équipes, jouant parfois en D2, pas au même moment, se sont affrontés dans le nouveau Grimonprez-Jooris à 12 reprises, et impossible pour les Lyonnais de l’emporter : 5 nuls et 7 défaites. Dans ce championnat 1994/1995, l’OL est ainsi la seule équipe, avec Martigues1, qui ne s’est jamais imposée à Grimonprez. Même le PSG, qui n’y arrivait pas, est enfin venu gagner pour la première fois ici en 1993/1994.
En cette fin d’été 1994, la situation du LOSC est incertaine, comme depuis des années, et pour des années encore. En mai, l’arrivée à la présidence de Bernard Lecomte est perçue comme un nouveau symptôme de l’instabilité chronique du LOSC qui, depuis 1989, a vu passer 6 présidents et 6 entraîneurs. Le dernier en date est Jean Fernandez, venu d’Arabie Saoudite après avoir notamment entraîné Cannes, Nice et Marseille. De son point de vue, les problèmes du LOSC n’influenceront pas les joueurs si ceux-ci adhèrent à sa méthode : « je vais leur expliquer ma démarche. Le travail, l’esprit collectif. S’ils adhèrent à mes principes, tout ira bien (…) Le travail ne me fait pas peur » (La Voix du Nord, juin 1994).
Lors de sa nomination, il met en avant une difficulté que lui a glissée son prédécesseur, Pierre Mankowski : le poste de libéro. Il est donc prévu de recruter un joueur à ce poste : ce sera le Danois Henryk Lykke, auquel s’ajoute les recrutements de Roger Hitoto, Christian Pérez, Arnaud Duncker, Franck Farina, Philippe Lévenard, et Lyambo Etschélé.
Le début de saison du LOSC est intéressant : après un nul à Lens concédé in extremis, Lille bat Strasbourg et déjà la Ola est à Grimonprez-Jooris ! La Voix du Nord salue un LOSC qui a « des idées et du rythme », avec une première période « séduisante » et une deuxième « courageuse » (3 août). Ainsi, « les promesses entrevues lors du derby à Lens ont été confirmées ». Seule ombre au tableau : la blessure de Christian Pérez, auteur de prestations si prometteuses durant la préparation estivale. Mais Lille connaît ensuite 3 défaites consécutives (à Sochaux, contre Nantes, à Monaco) avant de se reprendre : victoire 3-0 contre Bastia puis nul à Metz. Somme toute, après un début de saison où Lille a affronté 4 prétendants à l’Europe, on est plutôt satisfait. Au-delà des résultats, encore moyens, certains joueurs entr’aperçoivent un changement, comme Jean-Claude Nadon : « il y a eu de nombreux départs et de nombreuses arrivées. Il nous faut un certain temps d’adaptation pour réussir l’amalgame. Mais ce que je peux dire, c’est que le groupe travaille bien. Les joueurs sont concernés par ce qu’ils font. Nous travaillons dur et dans la bonne humeur. Jean Fernandez a une bonne maîtrise du groupe. Il est parvenu à faire en sorte que nous travaillions avec beaucoup de rigueur et tout le monde est logé à la même enseigne. J’ai un peu l’impression de retrouver le travail que nous faisions avec Jacques Santini » (La Voix du Nord, 9 septembre 1994). Le gardien du LOSC se dit notamment « agréablement surpris » de la réaction lilloise à Metz, qui a permis d’égaliser : « je ne pensais pas que nous allions pouvoir réagir de la sorte. Nous aurions même pu l’emporter. C’est de bon augure ».
Les Lyonnais, de leur côté, ne comptent qu’une seule défaite depuis le début de saison, mais elle est lourde : 1-5 à Cannes. Depuis, l’OL s’est repris avec un nul à Auxerre, puis une victoire contre Caen. Lyon vient donc avec des ambitions, comme l’indique son entraîneur, Jean Tigana : « à l’extérieur, nous avons l’habitude d’évoluer avec un esprit offensif, et avec aussi beaucoup de rigueur ». Mais il ne s’attend pas à une partie de plaisir, soulignant d’ailleurs : « je n’ai jamais réussi à Lille2 où il est toujours difficile de manoeuvrer. Et puis Jean Fernandez, avec qui j’ai de bons rapports, est un bon professionnel ».
Un peu plus de 4 mois après leur dernière confrontation, au cours de laquelle Nadon a été sauvé 4 fois par ses montants, Lille et Lyon se retrouvent ce 10 septembre avec les compositions suivantes, devant 6 419 spectateurs :
Lille : Nadon ; Lykke, Leclercq, Bonalair, Rollain ; Lévenard, Friis-Hansen, Sibierski ; Assadourian, Garcia, Farina
Lyon : Olmeta ; Amoros, Sassus, N’Gotty, Laville ; Roy, Deplace, Gava, Delamontagne ; Paille, Maurice
On démarre fort avec un centre de Deplace dévié par Maurice puis prolongé par Sassus, qui atterrit sur Fabien Leclercq, seul. Il tente d’amortir le ballon pour son gardien, mais il prend Nadon à contre-pied (0-1). Bien joué. Attention : la dernière fois que Fabien Leclercq a marqué contre son camp, 5 mois auparavant, Lille a perdu 0-4.
Arnaud, ne me dis pas que les courants d’air que je provoque derrière t’ont encore filé un rhume..?!
Les Dogues réagissent bien après un coup-franc de Rollain dévié par Garcia (12e) : Olmeta dévie sur le poteau et le ballon longe la ligne… L’égalisation « aussi tordue que le but lyonnais » (la Voix du Nord, 11 septembre 1994) arrive vite : après un nouveau coup-franc de Rollain, Laville met les mains, c’est pénalty : ah, la belle époque où les arbitres piquent un sprint vers le point de pénalty quand ils sifflent ! Clément Garcia égalise (1-1, 21e). Lors de la saison précédente, il avait fallu attendre la 28e journée pour que le LOSC obtienne un pénalty : c’est déjà le quatrième pour cette saison (Lens, Nantes, Bastia, Lyon), tous transformés par Garcia, et tous du même côté (sur la droite du gardien).
La première période est agréable : N’Gotty tacle Garcia de justesse (27e), Amoros sauve sur la ligne une tête de Sibierski sur corner (29e), puis Farina, lancé par Assadourian, force Olmeta à sortir de sa surface (39e). En face, Nadon intervient surtout sur des ballons aériens puis sort de justesse une pichenette de Paille juste avant la pause. Les équipes rentrent aux vestiaires sur le score de 1-1.
En seconde période, en dépit de deux incursions de Garcia (63e, 65e), « le match se mit à ronronner, à mesure que le rythme baissait. À la différence des 45 premières minutes, Lyon refusait le jeu, et se contenter de sauter sur le premier contre venu ». Tactique payante : sur un centre de Gava, Maurice, de la tête, donne l’avantage aux visiteurs (1-2, 67e).
Jean Fernandez joue alors son va-tout en remplaçant Friis-Hansen par Boutoille. Mais Lyon profite des espaces dans la défense lilloise pour marquer de nouveau : sur un nouveau centre venu de la gauche, cette fois de Amoros, Paille marque de la tête (1-3, 74e). C’est la fin pour Lille. Paille marque de nouveau, mais son but est refusé. En fin de match, Debbah remporte facilement un ultime duel face à Nadon (1-4, 90e).
Cette défaite lilloise, lourde, replace les Dogues sur terre alors qu’on les croyait capables de décoller : « le LOSC retombe de haut ! » titre la Voix du Nord (11 septembre) ; « l’embellie aura été de courte durée » écrit la Voix des Sports (12 septembre). Pourtant, après « une première mi-temps comme on en redemande », on croyait que le plus dur avait été fait : du jeu, des occasions, des attaquants remuants. Mais « ce qui est inquiétant, c’est la façon dont les hommes de Jean Fernandez ont négocié la seconde mi-temps. Ou plutôt la façon dont ils ne l’ont pas négociée » (la Voix du Nord). Le LOSC a alors été frappé de « mutisme offensif, au point de se faire marcher dessus » (La Voix des Sports). Pour le coach, l’enseignement est simple : « on a raté le coche en première mi-temps ». Le quotidien note que « jusqu’au deuxième but lyonnais, on n’était pas inquiets pour cette équipe de Lille, qui n’est plus l’équipe timorée de ces trois dernières saisons. C’est déjà ça… ». Puis, tout a déraillé et Jean Fernandez plaide coupable : « J’ai fait un choix tactique et les troisième et quatrième buts sont pour moi. Je pense avoir désorganisé toute l’équipe après le deuxième but lyonnais. Je pensais que nous ne pouvions pas rester sur ce 2-1 et que la rentrée de Boutoille pouvait nous faire beaucoup de bien ». Bravo Jeannot !
Cette large défaite est inédite à Grimonprez-Jooris : jamais un adversaire n’était venu gagner ici par 4 à 1. Le LOSC avait jusque là encaissé 4 buts (jamais davantage) à trois reprises : 3-4 contre Saint-Étienne en septembre 1981, 2-4 contre Monaco en 1988, et 0-4 contre Metz en avril 1994. Par la suite, le LOSC encaissera 4 buts à Grimonprez (et jamais davantage !) à 4 reprises : 0-4 contre Auxerre en mars 1996 ; 1-4 contre Monaco en octobre 1996 ; 2-4 contre Strasbourg en février 1997 ; 0-4 contre Montpellier en mars 1997.
A posteriori, on peut se demander si cette lourde défaite n’a pas durablement marqué la suite de la saison lilloise. Probablement échaudé par la non-réussite de ses options offensives, et handicapé par le retour en méforme de Pérez, Jean Fernandez a par la suite privilégié la présence d’un seul avant-centre (Garcia ou Farina), d’un attaquant excentré (Assadourian) et d’un milieu offensif comme seules armes devant. Résultat, un jeu « défensif mais explosif » comme nous le confiait Arnaud Duncker (c’est pour pas dire : « on balance sur Assad qui court vite puis on voit ce qui se passe »), un surprenant total de 11 victoires 1-0 lors de cette saison, dont 10 à domicile, et seulement 3 matches avec plus d’un but marqué. Ainsi, ce match est une exception dans la saison : non pas parce qu’il révèle l’inconstance du LOSC, mais parce que cette inconstance se révèle ici d’une mi-temps à l’autre, alors qu’elle s’est plutôt manifestée selon que Lille jouait à domicile ou à l’extérieur : 40 points pris à domicile (seulement 11 buts encaissés), 8 points pris à l’extérieur !
Les Lyonnais finiront ce championnat à une belle deuxième place, et viendront gagner une deuxième fois à Grimonprez-Jooris en avril 2001.
Les buts du match :
Notes :
1 Sachant qu’il n’y a alors eu qu’une seule confrontation Lille/Martigues, en 1993/1994
2 Jean Tigana se rappelle certainement qu’il était sur le terrain lors du match retour de coupe Lille/Bordeaux de 1985.
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