Posté le 31 décembre 2021 - par dbclosc
Le tournoi international de Liévin 1994
Entre Noël 1994 et le Nouvel An 1995, le LOSC meuble la courte interruption des compétitions en participant au tournoi en salle de Liévin. À cause d’un calendrier de plus en plus chargé pour les clubs professionnels, cette édition 1994 est à ce jour la dernière. Entre manque de motivation, public clairsemé et insultes, on termine en beauté.
Au cours de l’hiver 1986/1987, le LOSC était parti au Cameroun ; en hiver 1988/1989, le LOSC optait pour la Guyane ; pour l’hiver 1994/1995, ce sera Liévin. Ah, « la trêve n’est plus ce qu’elle était1 » ; « elle ne mérite même plus son nom » constate la Voix du Nord. Si le LOSC a des problèmes financiers, il faut plutôt voir dans le rapprochement des destinations hivernales l’illustration d’un calendrier de plus en plus chargé pour les clubs professionnels, où il existe de moins en moins de longues périodes sans jouer à combler. Après avoir repris l’entraînement le 26 décembre, et avant de jouer en coupe de la Ligue le 3 janvier (au Havre), puis en championnat le 7 (à Nantes), le LOSC va donc, le 30 décembre 1994, participer à « une grande nuit de football » : le « tournoi international de Liévin », sixième du nom, rebaptisé cette année « Tournoi du Nouvel An », probablement en raison de sa proximité avec le 1er janvier.
Précisément, ce tournoi, né en 1989, n’avait pas pu se tenir l’année précédente : au resserrement du calendrier de la D1 était venue s’ajouter la nouvelle formule de la Coupe de la Ligue, qui n’est plus un tournoi d’été (on a parlé des éditions 1986 et 1992). Alors retour au local, au stade couvert régional de Liévin, à l’initiative de l’USA Liévin, du LUC, et plus particulièrement de Robert Denel. Traditionnellement, le tournoi invite une (initialement, Lens) ou plusieurs équipes de la région, et des équipes étrangères. Pour ce millésime 1994, les participants sont :
Le Racing Club de Lens, 7e de D1, entraîné par Patrice Bergues ;
Le Lille Olympique Sporting Club, 14e de D1, entraîné par Jean Fernandez ;
Le Koninklijke Atletiek Associatie Gent (La Gantoise), 14e de D1 belge, entraîné par Lei Clijsters, papa de Kim ;
Le Royal Football Club Seraing, 5e de D1 belge, entraîné par une vieille connaissance, Georges Heylens (déjà présent au tournoi en 1991 en tant qu’entraîneur de Charleroi).
Dans des confrontations de deux fois 15 minutes, sur « moquette », le programme est ainsi fixé :
19h : Lens/La Gantoise
19h45 : Lille/Seraing
21h : match pour la 3e place
21h45 : finale
Pour être tout à fait précis, la journée du 30 décembre avec les professionnels est plutôt le point d’orgue du tournoi, qui s’étire en réalité du lundi 26 au vendredi 30 : en effet, en début de semaine, 1440 enfants représentants 96 équipes en poussins, pupilles et minimes s’affrontent, et 6 d’entre elles (au cours de 3 finales, une par catégorie) auront l’honneur de jouer devant les professionnels. La finale poussins est ainsi fixée à 17h30, la finale pupilles à 18h, et la finale minimes à 20h30, juste avant les matches de classement des pros.
À l’arbitrage, dès le lundi : Robert Wurtz et Guy Goethals, fils de Raymond, élu arbitre belge de l’année 1994, et qui officiait durant l’euro 92.
À l’animation, deux journalistes : Roger Rudynski (par ailleurs speaker au stade Bollaert) et Hervé Weugue, correspondant régional de RTL. Ambiance assurée !
En championnat, Lens et Lille se sont affrontés en juillet lors de la 1e journée (1-1)
Les organisateurs ont à cœur d’offrir un public régional un beau spectacle car, premièrement, il y a eu une interruption du tournoi l’an dernier ; deuxièmement, on rappelle que l’édition 1993 avait été un « demi-échec » en raison de l’absence du LOSC et de l’incapacité du RCL à se qualifier pour les demi-finales (dans une formule à 6) ; troisièmement, la réputation des Nordistes au tournoi est écornée après « un passage où les Lillois furent ridicules » en 1991 et en raison de la « pitoyable exhbition » de Valenciennes en 1993 ; enfin, des bagarres entre supporters lillois et lensois ont émaillé l’édition 1992.
Bref, on aimerait bien une soirée « musclée et spectaculaire » où « les filets chanteront » et, surtout, que des Nordistes gagnent, ce qui n’est arrivé qu’une seule fois, avec Lens en 1991.
Selon nos sources, lors de l’édition 1991, Lille termine 5e, après avoir battu Sofia lors de la « petite petite finale »
Seulement, « Lens et Lille ne font pas du tournoi de Liévin leur objectif prioritaire » croit utile de préciser la Voix du Nord. Jean Fernandez indique même qu’il aurait préféré un bon vieux match amical, mais assure toutefois qu’il ne vient pas faire de la figuration. Il a même adapté ses séances d’entraînement en vue du tournoi : ainsi, le 28 décembre, le LOSC s’est entraîné sur le synthétique du stade Guy-Lefort à Lambersart (peut-être aussi parce que les terrains de la Citadelle étaient inondés, apprend-on par ailleurs). L’entraîneur lillois déclare : « le problème, c’est que le jeu en salle est totalement différent. Il n’y a pas de possibilité pour travailler sur le plan tactique. Mais bon, ce sera notre seule préparation avant la reprise, il faut donc jouer sérieusement ».
Eric Assadourian, lui, paraît encore moins convaincu par l’utilité du tournoi et voit plutôt cela comme « entrant dans le cadre d’une préparation physique » : « personnellement, ça ne convient pas trop. La surface est un peu trop rude, les appuis sont différents, il y a beaucoup plus de chocs au niveau des chevilles, des ligaments. Généralement, j’ai des problèmes musculaires par la suite quand je dispute de genre de manifestation ». Mais, n’en doutons pas, « quand on fait une compétition, c’est pour la gagner. Tout simplement parce qu’on est des joueurs professionnels et surtout des passionnés ».
Du côté du LOSC, on comprend donc qu’on se rend à Liévin faute de mieux. C’est dans ce joyeux état d’esprit que survient une drôle d’affaire : le 29 décembre, une personne s’est introduite dans le vestiaire à Grimonprez pendant l’entraînement et a embarqué les portefeuilles de certains joueurs parmi lesquels Thierry Bonalair et Arnaud Duncker. Précision utile pour l’enquête : « le hic, c’est que les portes étaient toutes fermées et qu’il n’y avait aucune trace d’effraction ». De quoi faire régner la confiance au sein du club ! Y a-t-il un complot contre le LOSC ?
Un extrait du règlement du tournoi, Voix des Sports, 26 décembre 1994
Du côté lensois, le tournoi semble ennuyer tout autant et on craint également les risques de blessure (c’est d’ailleurs à la demande du coach de Lens que les périodes ont été réduites de 20 à 15 minutes), mais on se montre plus positif, avec un Patrice Bergues insistant sur « le respect dû au public », et un Jean-Guy Wallemme assez heureux, se remémorant la victoire de 1991, alors que Lens était en D2 avec Arnaud Dos Santos : « cela avait marqué notre réveil et on avait fait une super deuxième partie de saison ».
Au niveau des effectifs, Bergues préfère se passer de Laigle, Magnier, Sikora et Héréson, qui ont récemment eu des pépins physiques qu’il s’agit de ne pas réveiller ; à Lille, manquent Lévenard, insuffisamment remis d’une déchirure, et Assadourian, qui a obtenu ce qu’il voulait en étant laissé au repos. Place au jeu !
« Cette compétition était plutôt placée sous le signe de la bonne humeur. Du moins, sur le terrain » : il est 17h30 et la finale Poussins entre les petits de Lille, entraînés par Fabrice Lecomte et Firmin Baillon, et ceux de Valenciennes, débute. Les gradins se remplissent progressivement en attendant le premier match des professionnels. Sur le terrain, les Poussins font 2-2, et il faut recourir aux tirs aux buts. C’est alors que les supporters de Lens « qui jouent quasiment à domicile et qui ont investi la totalité d’un virage » huent copieusement les petits tireurs lillois : « dans les gradins, des petits malins ne trouvèrent rien de mieux à faire que d’insulter les poussins lillois, qui disputaient leur finale face à Valenciennes. La haine a atteint un tel niveau dans certains esprits que s’en prendre à des enfants n’est même pas un problème. La bêtise humaine n’aurait-elle pas de limite ? (…) L’éducation de ces supporters injurieux reste à faire et il faut bien admettre que les Lensois nous ont habitués à plus d’humour et de respect. Injurier les DVE, promettre la super D2 au LOSC fait peut-être partie de leur « culture ». Mais siffler les gamins lillois pendant leurs tirs aux buts contre Valenciennes, en finale, c’est lâche et lamentable. Le meilleur public de France nous doit une revanche ». En réplique, les Lillois « parqués dans deux petites tribunes derrière l’autre but » insultent les Lensois. Les Lillois s’inclinent sous les vivas du virage lensois.
Alors quand arrivent les professionnels lensois à 19h pour affronter la Gantoise, une grande partie des sandwiches de la buvette, lancés depuis les deux tribunes lilloises, se retrouve sur le terrain. Lens s’impose 6-4 et se qualifie pour la finale.
Ce coup de pied dans le cul de Mickaël Debève en juillet a-t-il mis le feu aux poudres ?
Place maintenant aux Lillois qui, pour affronter Seraing, alignent le 6 suivant, sous les huées des Lensois :
Nadon, Bonalair, Friis-Hansen, Sibierski, Pérez, Farina.
Bonalair marque rapidement mais les Lillois sont pris par le jeu « à une touche de balle » des joueurs de Seraing, parmi lesquels on trouve Lukaku père et Isaias, un Brésilien qui fera le bonheur de Metz durant quelques mois. À la pause, les Belges mènent déjà 3-1, et assurent une confortable victoire en seconde période : 6-3. La Voix du Nord résume : « sur la moquette liévinoise, d’où l’expression football de salon, les Lillois ont semblé vouloir jouer comme dans un fauteuil : manque de vivacité, maladresse habituelle devant le but, le LOSC n’a jamais été en mesure de s’imposer ». Jean Fernandez est fataliste : « ils étaient tout simplement meilleurs que nous. On a eu une balle de 2-0. Mais à partir du moment où Seraing a mené 3-1, c’était fini ».
Le bilan de ces deux premiers matches est moyen. La Voix du Nord souligne une intensité « faible » sur le terrain ; « heureusement que Robert Wurtz était là pour faire le spectacle ». En tribunes, l’ambiance est « désagréable, pour ne pas dire malsaine ». Robert Denel semble déçu car il estime qu’il y a entre 4500 et 5000 spectateurs, alors qu’il en espérait 1000 à 1500 de plus : « il est certain que la date, entre les deux grandes fêtes de fin d’année, n’est pas la plus adaptée mais nous n’avons guère le choix. Le calendrier du football français est de plus en plus démentiel et nous sommes bien obligés de nous y plier. De plus, la région n’est pas riche et les supporters hésitent avant de mettre la main au portefeuille. Pourtant, nous avions baissé les prix. Dans ces conditions, il faudrait la venue d’une grande équipe pour remplir le stade couvert régional. Nantes m’avait donné son accord avant de se rétracter. À cause de ce calendrier plus que chargé…»
Pour la suite, le LOSC va donc affronter La Gantoise, et Lens affrontera Seraing en finale. Les Dogues vont-ils hériter de la cuillère de bois ? Bien sûr que oui car « les lacunes affichées en championnat, notamment dans la finition, reprirent le dessus » (rappelons que Lille, spécialiste du 1-0 cette saison-là, a la plus mauvaise attaque du championnat).
Voici le 6 aligné par Fernandez :
Nadon, Dindeleux, Leclercq, Duncker, Perez, Garcia.
La presse souligne que Lille se crée « facilement trois fois plus d’occasions », mais trouve le moyen de perdre de nouveau 3-6. Philosophe, Jean Fernandez souligne que « dans ce genre d’épreuves, si vous ne marquez pas, c’est même pas la peine d’espérer ». Ce qui n’est pas le cas en championnat, comme chacun sait !
12 buts encaissés, des joueurs pas très motivés « à part Hansen, Bonalair et Dindeleux », et pas à l’aise, « lacunes techniques et manque de volonté, de combativité », « mais bon, on sait depuis longtemps que le OSC ne se distingue pas franchement par ses qualités techniques », c’est une belle soirée de merde. Quatrième sur quatre, « le LOSC était vraiment à sa place » note cruellement la Voix du Nord. Georges Heylens, jamais avare d’une vacherie contre un club qui l’a viré peu élégamment fait dans la perfidie : « pour réussir quelque chose, en football comme ailleurs, il faut avoir faim ».
Lens remporte la finale face à Seraing. Les supporters lillois, qui n’étaient restés que pour insulter les Sang & Or, sont évacués à la mi-temps dans un calme relatif.
C’était le tournoi amical de Liévin (1989-1994).
Le palmarès de l’édition 1994 :
Demi-finales
Lens/La Gantoise 6-4
Buts lensois de Boli (2), Meyrieu, Dallet, Tiéhi et Brunel
Buts gantois de Viscaal (3) et Kanana
Lille/Seraing 3-6
Buts lillois de Bonalair, Farina et Sibierski
Buts sérésiens de Lawarée (2), Teppers (2), Denil et Schaessens
Match pour la 3e place
Lille/La Gantoise 3-6
Buts lillois de Carrez, Dindeleux et Garcia
Buts gantois de Kanana (2), Viscaal, Vangronsveld, Vuksanovic et Martens
Finales
Lens/Seraing 3-2
Buts lensois de Boli, Brunel et Meyrieu
Buts sérésiens de Debusschere et Lawarée
Poussins : Valenciennes/Lille 2-2 (5-4)
Pupilles : Lens/Auchel 1-0
Minimes : Douai/Avion 1-1 (3-1)
Note :
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