Posté le 21 janvier 2022 - par dbclosc
Complot hivernal (1/2) : Le « planté de bâton » version Vahid Halilhodzic
Le 28 décembre 2001, en vacances en famille à Val d’Isère, Vahid Halilhodzic, le coach du LOSC, subit une lourde chute à ski. L’un de ses bâtons se plante parfaitement, mais pas où il faut. Bilan : quatre côtes cassées et un poumon perforé.
22 décembre 2001, 19h15 : en ce deuxième jour d’hiver, la neige se met à tomber subitement et abondamment sur Lille. Le match Lille/Bordeaux, qui devait clore l’année 2001 de football, est reporté à l’année prochaine. Voilà ainsi les Dogues en vacances anticipées de deux heures et, surtout, en vacances bien méritées.
Même si le mois de décembre a vu arriver la première défaite du LOSC à domicile cette saison, sur un terrain déjà gelé qui a surtout refroidi la clairvoyance de l’arbitre ce soir-là, et même si Lille y a été éliminé des deux coupes, les supporters des Dogues ont de quoi être comblés. Pour son retour en D1, Lille a en effet terminé 3e du championnat après avoir lutté pour le titre (presque) jusqu’au bout, s’est qualifié pour la Ligue des Champions, y a fait un parcours très honorable, et a déjà éliminé la Fiorentina de la coupe UEFA où il a été reversé. En championnat, les Dogues on été en tête jusque début novembre, et pointent à la 4e place, à égalité de points avec le 2e, au moment de cette trêve (avec, donc, un match en moins).
Cette exceptionnelle année 2001 vient d’ailleurs d’être récompensée par France Football : Lille y est désigné « club de l’année », Vahid Halihodzic « entraîneur de l’année » et Francis Graille « dirigeant de l’année » ! Alors ce ne sont pas quelques flocons et un match précédemment perdu sur terrain gelé qui vont jeter un froid sur l’euphorie ambiante.
Et pourtant : l’hiver, voilà l’ennemi ! La réussite du LOSC étant trop insupportable aux yeux de certains, les complotistes s’attaquent à la première cause de ladite réussite : l’entraîneur, Vahid Halilhodzic.
Le 23 décembre, accompagné de son épouse et ses deux enfants, Vahid Halilhodzic débarque à Val d’Isère. Les festivités de Noël se passent au mieux jusqu’au vendredi 28, jour où Vahid, se retrouve tout schuss (au fait : tout schuss du combien ?) sur la piste noire Oreiller-Kill.
Et ski devait arriver arriva : Vahid se casse violemment la figure.
Que s’est-il passé ? Selon la Voix du Nord (30 et 31 décembre), « une épaisse couche brumeuse enveloppait les pistes. Dans ces conditions difficiles, il a vu trop tard un obstacle, l’a heurté et est tombé lourdement. Il s’est retrouvé à terre avec le poids du corps sur le coude et le bâton. C’est ce dernier qui a causé les blessures dont il souffre ». L’enquête se précise dans l’édition du 2 janvier 2002 qui évoque une « bosse traitresse », mais Libération (31 décembre) parle d’ « un trou ».
Sans avoir perdu connaissance en dépit d’une « vive douleur », Vahid est secouru par un pisteur qui l’enveloppe dans une coquille : il est emmené en hélicoptère vers l’hôpital de Bourg-Saint-Maurice où on lui diagnostique quatre côtes fracturées, l’une d’elles ayant perforé un poumon. Le personnel médical s’inquiète un temps de la possibilité d’une hémorragie interne, qui est finalement écartée. Le soir-même, Vahid est opéré d’un pneumothorax, puis on lui pose un drain.
Déjà victime d’un accident de voiture peu avant le match à Lyon en novembre, ce qui l’avait obligé à porter une minerve durant plusieurs jours, Vahid vit décidément dangereusement. Et, cette fois, il sera difficile de rester à proximité du terrain. On l’annonce immobilisé pour plusieurs semaines, et probablement absent du banc du LOSC pour au moins un mois. Bonne nouvelle : sauf complications, il ne gardera pas de séquelles de cet accident : « si, dans un premier temps, il a accusé le coup, dépité de s’être ainsi mis hors d’état de travailler, il a vite repris le dessus moralement » note la Voix du Nord.
Le président du club, Francis Graille, court immédiatement à son chevet et se montre rassurant : c’est moins grave que ce que nous avons craint. Nous avons eu très peur mais, pour l’avoir vu, je sais qu’il va déjà beaucoup mieux. Le plus dur sera de l’obliger à penser d’abord à lui et à sa santé. À se soigner. Car son esprit est déjà au club. D’ailleurs, pendant les deux heures que j’ai passées avec lui, nous avons travaillé… ». Vahid devrait rester deux jours à Bourg-Saint-Maurice, avant d’être rapatrié en ambulance vers le CHR de Lille. Dimanche 30, Vahid reçoit la visite de Marcel Campagnac (chargé du recrutement et de la supervision des adversaires), de Pierre Dréossi (directeur général du club) et de Patrick Collot qui, parti en vacances comme milieu de terrain, revient en 2002 dans l’encadrement aux côtés de Marcel Campagnac.
La Voix du Nord, 31 décembre 2001. Sympa l’illustration !
À Grimonprez-Jooris, la reprise de l’entraînement reste fixée au lundi 1er janvier, jour où Vahid voyage en ambulance. Les deux séances du jour sont dirigées par les adjoints d’Halilhodzic : Bruno Baronchelli, Marcel Campagnac, Philippe Lambert et Jean-Noël Dusé. Selon la Voix du Nord, ils font face à des joueurs interrogatifs, qui leur posent une question insidieuse : « leur entraîneur avait-il le droit de pratiquer le ski, un sport qui leur est interdit ? ». Nous n’avons pas la réponse mais, même en ambulance, Vahid est très présent puisque le quotidien indique que Baronchelli a « plusieurs conversations avec lui alors que l’ambulance roulait sur l’autoroute aux alentours de Reims ». Si Bruno Baronchelli sera en première ligne sur le banc pour le prochain match à Montpellier (et, de toute façon, Vahid aurait été suspendu suite à sa colère après le match contre Sochaux), Vahid continuera à composer l’équipe : « nous avons préparé ces entraînements tous les quatre et nous avons été en contact avec Vahid comme nous en avions l’habitude » souligne initials BB ; « nous n’avons pas encore discuté de ce qui sera mis en place pour le match de Montpellier. Au lieu de se trouver dans les tribunes, puisqu’il était suspendu, il sera juste un petit peu plus loin ! Pour moi, cette situation n’a rien de frustrant. Chacun tient son rôle et l’entraîneur, c’est Vahid ! ».
Sur un terrain gelé et enneigé, les séances sont qualifiées de « toniques », avec « footing puis fractionnés ».
Du côté des joueurs, on ne semble pas perturbé outre mesure. La seule menace qui pointe est l’éventualité d’un démobilisation du groupe. Les joueurs savent aussi que leurs résultats vont être scrutés et, inévitablement, une défaite sera imputée à l’absence du chef. Comme le dit Bruno Cheyrou, « certains seront tentés de trouver une faille dans notre solidarité si les victoires ne suivent pas. C’est la première chose que Bruno Baronchelli nous a dite ce matin (…) Nous n’avons pas besoin de prétextes pour rester unis. Je sais que le téléphone va chauffer entre lui et le reste du staff technique. Le club est prêt à palier ce genre de mésaventure et nous assumerons parfaitement cette situation, tout en espérant un retour rapide de notre entraîneur ». Grégory Wimbée abonde : « si on lâchait quoi que ce soit à l’entraînement, nous ne serions pas crédibles. Une telle attitude aurait signifié en outre que tout ce qui a pu être dit et écrit concernant la force morale de notre groupe n’était qu’un gros mensonge ! ». Et l’aîné des frangins essaie de trouver un petit avantage à la situation : « disons que les excès de nervosité du coach seront moins sensibles quand ses ordres nous seront communiqués par ses adjoints ».
On rappelle aussi que ce n’est pas la première fois qu’Halilhodzic est absent : il avait déjà été hospitalisé en novembre 1998 pour des problèmes d’oreille interne, et le LOSC s’était imposé sans lui, à Caen (1-0).
Et l’entraîneur, grippé, avait également manqué le déplacement à Calais en coupe de France, en janvier 2000. Cette fois, le LOSC avait été éliminé.
Si l’absence momentanée de son entraîneur, à qui le drain est enlevé le 2 janvier, ne semble donc pas constituer un souci majeur au LOSC, l’hiver apporte tout de même son lot de préoccupations.
Premièrement, l’effectif compte quelques blessés : D’Amico est absent depuis fin novembre en raison de douleurs aux adducteurs et, durant cette semaine de reprise, Boutoille, Fahmi, Landrin, Beck et Cygan connaissent quelques alertes diverses. L’année 2001, et notamment les mois d’octobre et novembre, durant lesquels Lille a beaucoup joué, ont laissé des traces. Comme le résume Fernando : « c’est la première fois que je suis contraint à un arrêt aussi long. Jamais, jusque là, je n’avais été indisponible plus d’une semaine. Mais c’est une évidence, j’étais un peu fatigué. Nous avons beaucoup joué et j’ai fini par en payer le prix ».
Ensuite, en ce début d’année, Lille est privé de Murati, qui a joué en sélection nationale, et d’Olufadé, déjà en sélection pour la CAN. Après le match de Montpellier, Fahmi, Bassir et N’Diaye rejoindront aussi la compétition.
Également, Vahid aimerait des renforts. Et Lille ne trouve pas. Divers noms sont avancés mais ils sont trop coûteux pour le club.
Enfin, la neige et le gel ne quittent pas Lille. Le LOSC s’entraîne sur des terrains de très mauvaise qualité. Bruno Baronchelli explique : « notre seul vrai souci est l’état du terrain. Nos conditions d’entraînement sont éprouvantes ». Le groupe est contraint de jouer… sans ballon « et ce n’est vraiment pas la meilleure façon de préparer un match » note très justement l’adjoint n°1, dont on perçoit ici toutes les qualités de technicien ; « Mais pour le reste, nous n’improvisons rien. Les séances correspondent à ses souhaits, à sa méthode, à la manière dont il veut nous voir fonctionner. Je ne sens aucune pression supplémentaire parce qu’il n’est pas là. C’est simplement une situation à gérer. Les joueurs nous aident beaucoup en se montrant très coopératifs, très solidaires. Ils réagissent très bien, sont très corrects dans leur attitude ».
Pendant ce temps, Vahid, au CHR de Lille depuis le 1er, a demandé une télévision et un magnétoscope dans sa chambre. On suppose qu’il a aussi demandé des cassettes, du coup. Djezon Boutoille lui a rendu visite et apporte quelques nouvelles : « il souffrait, mais j’ai quand même trouvé devant moi un homme avec une forte envie de revenir. Pour lui changer les idées, je l’ai taquiné un peu avec son histoire de chute de ski. « Dites-moi, coach, c’est une faute professionnelle ? ». Il a rigolé.. ». Quel énergumène ce Djezon !
La sortie est prévu le 4, et Vahid envisage déjà de retourner au stade le 11 c’est-à-dire… le jour du derby.
Le groupe effectue une dernière séance d’entraînement le 5 au matin. Vahid téléphone après l’entraînement : via le haut parleur, le groupe lillois a reçoit des encouragements et des consignes. L’après-midi, l’effectif s’envole pour Montpellier, sans avoir très bien préparé le match ; non pas en raison de l’absence du coach, mais parce que les conditions climatiques ont empêché de travailler tactiquement. Bruno Baronchelli précise : « je regrette simplement que nous n’ayons pu insister sur l’approche tactique du match en raison du gel. Mais les joueurs connaissent assez leur sujet pour être en mesure de répondre à toutes les sollicitations ». Sur place, BB admet que l’absence de Vahid sur le banc n’est certainement pas un atout pour le LOSC, tant il représente un poids important dans la gestion des événements. Concrètement, « Vahid va suivre le match à la télévision. Et s’il a des remarques à formuler, il nous téléphonera ; ce qui est normal, car je n’ai pas le pouvoir de décision. Le décideur, c’est toujours lui. Je me considère surtout comme un messager de Vahid. Son discours, je le transmettrai avec mes mots, mais c’est lui qui l’aura bâti ; le but final étant que les garçons ne soient pas perturbés par son absence ».
Voilà la composition de départ :
Wimbée ; Pichot, Delpierre, Cygan, Ecker, Tafforeau ; Michalowski, N’Diaye, Br. Cheyrou ; Sterjovski, Bakari.
La dernière fois que Lille s’est déplacé à Montpellier, ça s’est bien passé : le 19 octobre 1996, le LOSC s’impose 1-0 grâce à un but de David Garcion. Depuis lors, Lille a passé 3 ans en D2, puis Montpellier est descendu quand Lille est monté. Les retrouvailles entre les deux clubs, au match aller, ont été animées : à 10, le LOSC a marqué grâce à deux buts inscrits dans le temps additionnel. Manifestement, ce scénario est resté en travers de la gorge des Montpelliérains. La Voix du Nord (6 et 7 janvier 2002) rapporte qu’« aux quelques frictions qui ont émaillé la rencontre de Grimonprez-Jooris vinrent s’ajouter hier soir de véritables agressions. Le montpelliérain a le sang chaud : le lillois l’a appris à ses dépens : la semelle traîne dangereusement, les duels sont âpres.. Dommage que de telles scènes aient encore la vedette sur des terains de football ».
Au niveau du jeu, Wimbée intervient d’entrée devant Silvestre (1e) puis Maoulida (17e). Lille réplique timidement par Sterjovski (9e) puis Bakari, prolongeant un coup-franc de Cheyrou (15e). Sur le banc, Lambert et Baronchelli donnent de la voix : « les deux techniciens lillois ne se dérobèrent pas ».
21e minute : Bruno Cheyrou lance Sterjovski qui emmène son ballon de la poitrine, et se retrouve seul face à Riou. L’Australien parvient à faire passer le ballon sous le gardion adverse, mais Silvestre revient et écarte le ballon… de la main. Mais l’arbitre ne le voit pas et ne donne qu’un corner pour les Lillois, dont la chance est passée. Quelques minutes après, Carooti récupère un ballon à 25 mètres : sa frappe, manquée, surprend Wimbée, qui est en outre trompé par un rebond devant lui (1-0, 26e).
En seconde période, le LOSC, « assez éloigné de ses standards habituels », ne semble pas en mesure de revenir. Et encaisse même un nouveau but-gag à la 62e : après un corner, Johnny Ecker tente de dégager de l’extérieur du pied gauche, mais le ballon file dans la direction opposée, directement dans les filets de Wimbée (2-0). En dépit de quelques offensives apportées par Bassir en fin de match, le LOSC s’incline 0-2.
Un résumé du match (Téléfoot) :

Certes, Lille a pris deux buts, « pas ordinaires » selon Francis Graille. Et certes, Lille aurait dû obtenir un pénalty à 0-0, et Vahid le pointe : « ce que je regrette, c’est que Silvestre a commis un pénalty qui n’a pas été reconnu par l’arbitre. Même si nous n’avons pas fait un gros match offensivement, il y avait de quoi faire un résultat… ».
Mais au-delà, la Voix des Sports (7 janvier) a trouvé un LOSC qui n’a « pas affiché la même maîtrise que d’habitude : duels perdus, occasions ratées, idées moins claires… », « légère, très légère érosion dans le domaine crucial des duels et des attaques de balle ». On croirait presque revivre le début d’année 2001, au cours duquel le LOSC avait perdu trois fois consécutivement (coupe de la Ligue, coupe de France et championnat), en montrant d’inquiétant signes de fébrilité, avant de se ressaisir. On croirait là que le LOSC a perdu la réussite qui l’accompagne depuis des mois. Les deux buts encaissés semblent montrer que quelque chose a tourné. Sur le premier but, Gregory Wimbée explique : « Carotti frappe dans la terre avant de tirer et la trajectoire de la balle est déviée une première fois. Quand le ballon touche le sol devant moi, sa trajectoire change à nouveau. Après, c’est très difficile de réagir ». « S’il fallait inventer un contraire à la baraka, Wimbée pourrait être celui-là, tant le gardien du LOSC a joué de malchance » commente la Voix des Sports.
Alors, faut-il conclure qu’en l’absence de Vahid, le LOSC a perdu son porte-bonheur ? À vrai dire, le LOSC est plutôt dans la continuité d’un mois de décembre où les premiers signes de fatigue se sont manifestés, comme on l’a rappelé en début d’article. À cet égard, faire de l’absence de Vahid la cause principale de la défaite à Montpellier est abusif. Le groupe a beaucoup donné sur l’année 2001 (et on peut remonter encore plus tôt) et connaît un bon coup de mou, comme s’il devait digérer sa soudaine réussite et son exposition nouvelle, ce que confirmera d’ailleurs tout ce mois de janvier : la première victoire du LOSC en 2002 ne surviendra que le 16 février, à Nantes.
Et surtout, l’hiver n’en finit pas de causer des torts au club, torts qui ont un effet boule de neige : les conditions d’entraînement à Lille ne permettent pas de travailler la tactique, et fragilisent le physique des joueurs. Après ce match contre Montpellier, Baronchelli répète que « le fait que nous n’ayons pas pu travailler tactiquement durant la semaine à cause du gel a pesé très lourd. L’absence de Vahid n’a pas eu d’influence. Elle n’a rien changé à notre façon d’aborder les matches. Ce qui nous a manqué, c’est la possibilité de travailler les duels à l’entraînement ! ».
Mardi 8, la direction du LOSC annonce un entraînement à huis-clos. Le derby se profile (si la météo le permet), mais on devine facilement ce que ce huis-clos signifie : voilà le retour de Vahid ! Il se rend tout d’abord dans les vestiaires pour discuter avec les joueurs, mais ne dirige pas la séance qui suit. Il l’observe au bord du terrain… bien au chaud dans la voiture de son épouse ! Encore très diminué, il se prête ensuite de bonne grâce à quelques échanges avec les supporters, ravis de le retrouver.
Bruno Cheyrou commente le retour de Vahid : « vous le connaissez aussi bien que moi ! Il est très professionnel et travailleur. Aussi ne pouvait-il pas résister plus longtemps à l’envie de venir nous voir et nous parler. Il nous a simplement demandés de rester mobilisés et d’effacer notre défaite à Montpellier par un résultat positif dans le derby »
Vahid Halilhodzic n’est pas encore en état de diriger les entraînements. Mais, vendredi 11, il retrouve sa place sur le banc pour le match contre Lens. Un match au cours duquel l’hiver n’en finit pas de comploter contre le LOSC.
Laisser un commentaire
Vous pouvez vous exprimer.
0 commentaire
Nous aimerions connaître la vôtre!