Archiver pour février 2022
Posté le 24 février 2022 - par dbclosc
Le retour de Christophe Pignol
Le 24 février 2002, Christophe Pignol donne le coup d’envoi fictif du match Lille/Marseille. Après près de 18 mois de lutte contre une leucémie, c’est un homme visiblement en bonne santé qui est acclamé par le public lillois. Pour un avenir footballistique, il est encore trop tôt pour décider.
L’image avait fait le tour de l’Europe, au même moment où le LOSC s’y faisait une place : le 22 août 2001 après avoir réalisé l’exploit d’éliminer Parme, les joueurs lillois effectuait un tour d’honneur en brandissant un maillot de leur coéquipier Christophe Pignol, gravement malade depuis plusieurs mois. En associant leur coéquipier absent à cette qualification, les Dogues rappelaient une nouvelle fois qu’on ne les soutenait pas que pour leurs qualités footballistiques.
La nouvelle était tombée en avril 2001 : après un stage au Maroc comblant une partie de trois semaines de trêve au début du printemps, Christophe Pignol ressentait une grande fatigue, au point de ne plus pouvoir suivre le rythme de ses équipiers lors des footings à l’entraînement. Le résultat de la prise de sang qu’il avait alors demandée lui révèle bien plus que le petit virus soupçonné : c’est une leucémie. Ce diagnostic était tombé juste avant un match à Auxerre, avant lequel les Lillois, les mines bien tristes, avaient affiché pour la première fois leur soutien sur des t.shirts floqués « Pour Christophe Courage ». Manifestement la tête ailleurs, les Dogues avaient encaissé un but d’entrée suite à de grossières et inhabituelles erreurs défensives, avant de repartir avec le point du nul (1-1).
Le nom de Christophe Pignol s’était déjà trouvé au centre des conversations à Grimonprez-Jooris un soir d’octobre 1996 : le LOSC recevait Nantes, et Cavalli pestait à la sortie du vestiaire, en dépit du beau match de son équipe (3-3). En effet, le corner qui avait amené l’égalisation en fin de match de Decroix, un ex qui nous en veut, n’aurait pas dû être botté : « c’est Pignol qui la sort » assurait l’entraîneur des Dogues.
De façon moins anecdotique, son nom fut ensuite évoqué au cours du mercato hivernal 1999/2000 : le LOSC, qui caracolait alors en tête de la D2, cherchait un renfort derrière pour pallier les absences récurrentes de Didier Santini. La piste Christophe Pignol, qui cirait le banc à Monaco, où Puel lui préférait Philippe Léonard, avait alors été sérieusement envisagée, avant que le LOSC ne négocie de nouveau un prêt de Mohammed Camara, déjà présent en 98/99. Mais ainsi, le contact était établi, et finalement l’accord survint au cours du printemps 2000, bien en amont de la fin du championnat.
C’est une recrue de choix pour le LOSC : en engageant un joueur expérimenté, champion de France 1995 avec Nantes (et 2000 avec Monaco, même s’il a peu joué), le club voit arriver une valeur sûre avec qui il a pu négocier précocement : un luxe permis par l’exceptionnelle avance des Dogues, quasiment promus dès le mois de mars. On imagine aussi que son recrutement est basé sur la personnalité du joueur, considéré comme humble et travailleur, ce qui, a priori, correspond à ce que cherche Halilhodzic.
Au lendemain de la dernière journée de championnat, Christophe Pignol est présent en tribunes pour la « fête de la remontée », une façon de déjà l’associer à l’aventure lilloise. Il suit les festivités en tribune avec son épouse.
Sur le terrain, Christophe Pignol s’impose rapidement. Il manque une dizaine de matches à l’automne pour cause de blessure, et revient pour le match contre Sedan, à l’issue duquel, malgré une victoire contre le leader (oui, Sedan était leader), son discours reste modéré : « nous devons rester lucides, conscients que nous pouvons traverser d’autres passages moins fastes. Qu’il faut rester humbles et surtout ne pas perdre de vue notre unique objectif, le maintien. On verra plus tard s’il est possible de viser plus haut ». Son apport offensif n’est pas négligeable car Pignol est passeur décisif à deux reprises (pour Bakari contre Metz et Sterjovski contre le PSG), et on n’oublie pas qu’il est sur l’action du but de Peyrelade contre Lens, ahah quel souvenir.
Christophe Pignol est ainsi titulaire indiscutable dans la défense lilloise jusqu’à la terrible nouvelle du printemps 2001. À partir de là, les informations sur son état de santé sont rares – et sans doute est-ce souhaitable – mais on comprend que sa vie est en jeu. On apprendra a posteriori que lorsque les Dogues fêtent la qualification contre Parme avec le maillot n°6, Christophe Pignol est alors dans la période la plus difficile de son traitement.
C’est donc avec un grand soulagement que, fin janvier, Christophe Pignol apparaît en Une de la Voix du Nord avec des nouvelles rassurantes depuis Aubagne. S’il reste affaibli par 7 mois de soins agressifs et que ses bilans sanguins hebdomadaires ne révèlent pas encore des taux de globules rouges normaux qui le rendent vulnérable au moindre virus qui traîne, il en a terminé avec son traitement depuis trois mois : « mes cheveux repoussent, la barbe aussi. Physiquement, je ne ressemble plus à un malade. C’est important pour le moral » (la Voix du Nord, 28 janvier 2002).
Pour lui, la prochaine étape consiste à reprendre une activité physique. S’il a repris le football avec ses deux enfants, Margaux et Lucas, il n’est pas certain que leur niveau garantisse d’être apte pour la D1. Pour le moment, Christophe Pignol a repris le vélo, uniquement sur du plat, avec difficulté. Son médecin dans le Sud n’est pas capable de se prononcer sur sa capacité à reprendre au plus haut niveau : « je n’ai plus de muscles et il va donc me falloir travailler dur. Mais ce malheur m’a donné beaucoup de force ».
Une rencontre entre Christophe Pignol, à qui il reste un an de contrat, et le LOSC aura lieu au mois de février pour évaluer la situation : « si j’ai une petite chance, je la saisirai. C’est un beau défi. Je ne veux surtout pas avoir de regrets pour plus tard et si ça peut donner de l’espoir à tous ces gens, tous ces enfants malades, montrer qu’on peut passer par des moments pénibles et y arriver… Je vais d’abord taper dans un ballon puis essayer de rejouer à un niveau correct, peut-être pas en D1 ».
Pignol devrait être de passage à Lille dans la semaine du 18 février, c’est-à-dire la semaine où le LOSC recevra successivement Dortmund (8e de finale aller de coupe UEFA) puis Marseille (D1). Si ce retour physique a une dimension symbolique importante, on peut toutefois dire que Christophe Pignol n’a jamais vraiment quitté Lille, où un casier à son nom est toujours dans les vestiaires : « j’ai participé complètement à l’aventure européenne. J’ai vraiment l’impression de faire encore partie de l’effectif, d’exister. Pendant ces 7 mois, il y a eu des moments plus pénibles que d’autres. Dans ces cas là, ils redoublaient d’attention auprès de moi, de ma famille. Il n’y a pas eu que ces gestes symboliques qu’on a vus à la télé, mais aussi des gestes spontanés qui m’ont touché. Leur soutien a été réconfortant. Mais le LOSC est comme ça, exceptionnel. On souligne depuis des années qu’il existe une vraie amitié, une vraie solidarité. C’est dans la continuité. J’ai l’impression de ne les avoir jamais quittés, d’être seulement blessé ou suspendu ».
Arrivé la veille du match contre Dortmund, Christophe Pignol réintègre le groupe : bien entendu, il ne figure pas sur la feuille de match, amis il est dans le vestiaire et assiste à la causerie d’avant-match avant de prendre place en tribune : « j’ai rêvé de ce moment durant tout le temps de mon hospitalisation : revoir le groupe, vivre un match avec lui, retrouver des sensations de vestiaire. Un jour peut-être, je retournerai dans les vestiaires comme si rien ne s’était passé ». Le fameux maillot floqué à son nom est exceptionnellement porté par Salaheddine Bassir… qui égalise à la 73e minute et part célébrer son but devant la tribune où se situe Christophe Pignol.
Pignol rencontre ensuite les dirigeants du LOSC, qui le laissent libre de choisir ce qu’il souhaite : « pour le moment, j’envisage tout. Je ne veux pas me décider trop vite. Je veux relever le challenge et rejouer au foot. Je me donne 4 mois avant de faire le point ». Le préparateur physique du club, Philippe Lambert, lui a fourni un programme à l’issue duquel il devrait y voir plus clair.
La semaine s’achève avec la réception de l’OM à Grimonprez. Cette fois, Christophe Pignol est sur la pelouse, en civil : « c’est formidable de me retrouver là. J’attendais ce moment avec impatience. Jeudi, je n’ai pas voulu aller sur le terrain car je voulais préserver cet instant » (la Voix des Sports, 25 février 2002). Face à un adversaire contre qui il a débuté en D1 (avec Saint-Etienne), Christophe Pignol, né à Marseille, voit dans ce coup d’envoi fictif un signe de sa « renaissance ».
Fin juin, Christophe Pignol a décidé : ne s’estimant plus capable, physiquement et mentalement, de reprendre au plus haut niveau, il informe le LOSC qu’il souhaite résilier son contrat à l’amiable et favoriser sa reconversion en s’engageant avec Andrézieux-Bouthéon (CFA2), club dans lequel il compte préparer sa formation d’entraîneur La direction sortante (Dayan/Graille), en accord avec la nouvelle présidence (Seydoux), lui offre les salaires de sa dernière année de contrat.
Durant un temps, il est envisagé que le n°6 ne soit plus attribué par le LOSC : cette idée n’a finalement été mise en application qu’au cours de la saison 2003/2004.
Merci à @Statilosc pour la photo et ses précisions sur les attributions du n°6
Posté le 16 février 2022 - par dbclosc
Claude Guedj, le président intérimaire
C’est un des records nationaux que détient toujours le LOSC : le mandat présidentiel le plus court de l’élite française. Lors de l’intersaison 1990, après les rebondissements liés à l’éventualité d’une reprise du LOSC par Bernard Tapie, c’est finalement Claude Guedj qui arrive à la tête du club. Il va vite signer un « record à l’envers » : 13 jours de présidence. Pour la stabilité du club, on verra plus tard.
Rappel des faits : en 1990, le ton de la mairie a soudainement changé à l’égard du LOSC. Le début de mandat (suite aux élections municipales de 1989) ayant conduit à la nomination de Paul Besson aux sports (et donc à la présidence officieuse du LOSC) a été marqué par des roucoulades entre le club et la mairie, qui ont se sont rapidement estompées pour faire apparaître une réalité qui n’envisage pas vraiment un avenir commun. La mairie en a assez d’éponger la dette, et aimerait que le LOSC se trouve un repreneur privé. Après bien des atermoiements, c’est le groupe Tapie, représenté localement par Bruno Flocco, qui a semblé devoir tenir la corde pendant quelques semaines, plutôt que le groupe régional représenté par Luc Doublet, considéré comme peu crédible : on a traité ce rapprochement dans ce premier puis ce deuxième article.
Guedj, le troisième homme
La piste s’étant évaporée, pour des raisons pas complètement déterminées (un mélange entre une estimation de la situation du LOSC plus compliquée que prévue, le manque de garanties financières du repreneur pressenti, et la méfiance de la mairie à l’égard de méthodes jugées trop brutales, comme en ont témoigné les quelques prises de parole publiques de Flocco), le nom d’un troisième homme apparaît alors : celui de Claude Guedj.
Claude Guedj est le PDG de CRIT-Interim, qui compte 3 000 salariés et revendique un chiffre d’affaires de 10 MF. Selon les informations de la Voix du Nord (19 mai), il envisagerait de conserver la structure de la SAEM en l’état, et souhaiterait un montage financier « équilibré » (tant qu’à faire) au sein duquel ville et collectivités locales maintiennent leurs participations. Curieusement, on n’entend plus parler de la dette abyssale du LOSC : faut-il comprendre que la mairie l’a une nouvelle fois réglée ?
Ce n’est pas encore officiel, mais il semble bien que Claude Guedj soit le futur président du LOSC. Il est interviewé dans l’édition du 19 mai.
Êtes-vous d’ores et déjà le futur président du LOSC ?
Il reste encore quelques points de détail à régler, mais c’est en très bonne voie.
Quel est votre plan ?
Il est trop tôt pour en dévoiler les grandes lignes. J’ai l’intention de me rendre à Lille, lundi ou mardi, afin d’étudier la situation sur le terrain. L’objectif est d’assainir et de renforcer. Si je prends les rênes, il faudra que les gens suivent. Il y a besoin d’un grand coup de fouet.
Faut-il s’attendre à un coup de balai ?
Si je prenais à la lettre tout ce que j’ai entendu jusqu’ici, il faudrait se séparer de tout le monde. Mais je ne vous cache pas que ce qui est entré par une oreille est ressorti par l’autre. J’arriverai au LOSC sans idée préconçue. Je considère, de toute façon, que ces problèmes sont secondaires dans l’immédiat.
N’avez-vous pas le sentiment d’arriver tard ?
Un peu, mais ce n’est pas de mon fait. Des dossiers comme ceux-là demandent du temps. J’ai d’ailleurs dû accélérer la cadence ces derniers jours afin que les choses avancent dans le bon sens.
Comment allez-vous gérer le LOSC ?
Les comptes indiquent qu’il faut 60 millions de francs par an pour boucler, sans déficit, le budget losciste. Et l’on s’aperçoit que, chaque année, il manque 15 millions de francs. Le premier rôle du président sera de réunir cette somme. Puis d’appliquer des méthodes d’entreprise.
Et si l’on vous dit recrutement, que répondez-vous ?
Qu’il faut définir le montant de l’enveloppe nécessaire. Il est certain que nous prenons le train en marche. J’ai, pour ma part, une ou deux touches. D’autres s’y ajouteront.
Vos sociétés ont-elles des ramifications dans le Nord ?
Nous avons une dizaine d’agences à Valenciennes, Dunkerque, Lille, Béthune, Maubeuge. Plus une entreprise de robotique et une autre de nettoyage industriel dans la région de Douai.
La planche à voile, c’est également vous ?
Avec la CRIT D2, nous avons été trois années de suite champions du monde. En 83, nous avons aussi trusté les titres nationaux dans de nombreux pays.
Avez-vous pratiqué le sport ?
En compétition, uniquement la course à pied. J’étais un spécialiste du 1000m. Mais j’ai approché d’autres disciplines dans ma prime jeunesse, comme le football.
Cette dernière activité est devenue une passion chez vous ?
Je ne fais jamais rien si je ne me sens pas attiré au départ. Il faut que j’aime pour me donner pleinement. Ceci étant, il convient de garder la tête froide, compte tenu des enjeux à défendre.
Quel est votre trait de caractère principal ?
Je suis ch… et très mauvais perdant ! »
Un constat s’impose : on ne risque pas d’être submergés par le flot d’informations. On espère que les journalistes de la Voix du Nord en sont conscients et qu’ils publient ce type d’entretien pour justement mettre en avant, sans le dire explicitement, la vacuité du propos.
Un chef pour cheffer
Quoi qu’il en soit, l’arrivée de Claude Guedj, ne serait-ce que parce qu’elle signifie que le LOSC aura un président et qu’il y aura sûrement du changement, est perçue positivement dans la Voix des Sports (21 mai) qui, via André Soleau, se fend d’un éditorial intitulé « Chef d’orchestre » vantant l’idée d’un homme à poigne qui viendrait remettre de l’ordre dans la maison LOSC : et quoi de mieux pour cela qu’un spécialiste du nettoyage et du gardiennage ? On lit ainsi : « le porte-drapeau du football nordiste avait besoin qu’on le lave, qu’on le gratte, qu’on le décape, qu’on le récure, qu’on le ravale ; bref : qu’on le purifie. Autant utiliser les services d’un spécialiste-maison et qu’on supprime les frais de déplacement ». Le programme est vaste : « s’accommoder du passif, moderniser les structures, consolider le capital joueurs, recréer un climat de confiance, se débarrasser d’une étiquette de looser ». Puis vient le moment de l’appel à l’homme providentiel, qui détiendrait dans sa personne un « pouvoir » qu’il parviendrait à imposer : « contrairement à ce que pensait l’ancienne équipe dirigeante, le pouvoir se mérite et ne doit pas se diluer dans des directions collégiales et des réunions-dortoir où chacun refait le monde entre le saumon fumé et les profiteroles. L’homme fort doit imposer pour mieux mobiliser (…) Le phénomène Tapie en est la vivante illustration. Le personnage est discutable, mais on ne peut nier son efficacité ». Nous ne manquerons pas de signaler que si ce genre de propos concernait la politique, ce serait drôlement flippant, mais soyons indulgents et considérons qu’il faut voir dans le désir de pouvoir personnel une critique du fonctionnement actuel du LOSC, dont le fonctionnement institutionnel semble avoir pour effet de de neutraliser mutuellement ses composantes, et donc de paralyser toute avancée du club. Alors André Soleau penche pour le pouvoir solo, tel un De Gaulle fatigué par les lourdeurs de la IVe République et qui met en place une Constitution qui attribue des pouvoirs prépondérants au président de la République, parce qu’il faut bien avancer. Selon l’éditorialiste, la méthode du chef a déjà fait ses preuves : il attribue la récente résurrection des basketteurs de Gravelines aux « coups de sang de Jean Galle », et l’aventure de Valenciennes (qui a joué les barrages d’accession à la D1) aux « colères de Georges Peyroche ». Et tant pis si cela génère quelques excès car « la principale faiblesse du LOSC, ces dernières années, fut d’être inodore et incolore (…) mieux vaut les odeurs fortes du renouveau que l’antichambre aseptisée du néant ».
Caricature de Honoré Bonnet, La Voix des Sports, 21 mai 1990
Les joueurs sont partis en vacances sans savoir où va le club, comme Alain Fiard : « je ne sais pas où l’on va. En fait, je ne me sens pas trop concerné par cette affaire. Je ne sais pas ce que comptent faire les repreneurs, mais je ne risque pas grand chose : je suis en fin de contrat. Je ne suis pas demandeur mais néanmoins prêt à discuter ».
Claude Guedj entre Paul Besson et François Sénéchal. Patrick Robert semble plus soucieux…
Claude Guedj « entre en présidence » lundi 21 mai 1990, ce qui n’est pas encore une officialisation, mais une première prise de contact. Il reçoit à 10h30, au stade Grimonprez-Jooris, Georges Honoré, Bernard Gardon et Jacques Santini, de retour de prospection au Danemark. Paul Besson fait l’intermédiaire et le guide. La Voix du Nord rapporte que ces hommes ont fait un « tour d’horizon » des chantiers du club. Entre autres : les transferts et la fidélisation du public. Claude Guedj demande « une note » pour vendredi. Et, avant de filer au Havre pour des affaires, il accorde un nouvel entretien au journal (22 mai).
Maintenant que vous avez fait le tour du propriétaire, dîtes-nous ce qui vous a attiré à Lille ?
Plusieurs raisons ont dicté mon choix. Lille n’est pas loin de Paris et comme j’ai beaucoup d’activités dans la région, je pourrais me rendre libre assez souvent. Par ailleurs, je crois que le Nord a un très fort potentiel au niveau du public. Enfin, j’ai préféré repousser les offres précises qui m’avaient été faites par l’OGC Nice, en raison des prises de position de Jacques Médecin. Compte tenu de mes origines, il était impossible que je sois en harmonie avec le club et le maire de la ville.
Vous parlez du public losciste : qu’attendez-vous de lui ?
Je ne suis pas convaincu que tous les Lillois se rendent vraiment compte de la chance qui est la leur de posséder un club évoluant en première division. Il faut davantage de monde au stade, plus d’abonnés. Nous allons nous y employer.
Mais pour cela, il est nécessaire d’améliorer le rendement de l’équipe, non ?
Recruter est indispensable mais il est trop tôt pour citer des noms. J’ai quelques contacts avec des joueurs français et étrangers. Ceci étant, il ne faut pas se précipiter. Il sera toujours temps d’effectuer les choix appropriés, le moment venu. Y compris après le début de la saison.
Quelle position souhaitez-vous adopter vis-à-vis des gens en place ?
Ils sont là et j’ai le souci de travailler avec eux. À la condition, évidemment, qu’ils acceptent de suivre le changement qui va s’opérer. Pour l’instant, je garde donc le staff tel qu’il est mais je lui demande de modifier ses méthodes. De ne plus se comporter comme à l’époque des anciens dirigeants.
Quelle perspective avez-vous pour le LOSC ?
Je veux le voir progresser. Doucement d’abord, puis plus nettement. Mais il faudra pour cela que tout le monde mette la main à la pâte. Les industriels, les entrepreneurs, etc. La ville, elle, a déjà beaucoup donné. Est-ce vraiment normal que les collectivités soient à ce point sollicitées ? Le véritable football professionnel a besoin d’indépendance. Il est trop facile d’aller, sans cesse, frapper à la porte de la mairie en disant : il nous manque tant.
Que pensez-vous de la situation financière du club nordiste ?
Il y a plus mauvais que cela.
Quel sera le montant de votre participation ?
Si le prochain budget n’est pas bouclé, il sera du ressort du président d’apporter la différence. Ce sera une partie de ma participation.
À quand fixez-vous les prochaines grandes échéance loscistes ?
Il est toujours délicat de donner des objectifs précis. Mais si l’on doit penser à réussir, l’échéance européenne de 1992-1993 me semble intéressante. Quelqu’un me faisait remarquer aujourd’hui que, dans un rayon de 300 kilomètres autour de Lille, il y avait 60 millions d’habitants. Vous voyez qu’il y a vraiment quelque chose à faire !
Avec qui avez-vous l’intention de diriger la manœuvre ?
Nous allons former une équipe avec le Dr Paul Besson, Jean-François Duprez et François Sénéchal. Théoriquement, Bruno Flocco doit aussi participer. Mais j’espère qu’il y aura d’autres hommes de bonne volonté. Je tiens à ce que ce comité de direction reste ouvert. Je le répète, toutes les contributions seront les bienvenues. Le club lillois a fait l’objet de beaucoup de critiques, depuis quelques années. Il est temps de lui donner une autre image. Nous sommes là pour relever ce pari.
Comme ce n’est pas encore très précis, et que le seul effet est que Jocelyn Angloma fait jouer sa clause libératoire, le mouvement va venir d’un joueur.
Périlleux donne l’alarme
Dans la Voix du Nord du 23 mai, Philippe Périlleux exprime au nom des joueurs son exaspération face aux incertitudes sur l’avenir du club et de ses équipiers.
Quel goût vous laisse la saison écoulée ?
Une fois de plus, nous sommes passés à côté de choses intéressantes. En coupe de France, où nous aurions dû retrouver Marseille, et en championnat où cette 17e place me reste en travers de la gorge.
Le problème numéro 1 a été le comportement de l’équipe à l’extérieur. Comment l’analysez-vous ?
J’y vois deux raisons principales. Primo, dans l’esprit, nous n’avons jamais eu la préparation adéquate. Deuxio, certains n’ont pas fait ce qu’il fallait. Les erreurs défensives ont été beaucoup trop nombreuses.
Ce qui signifie que l’effectif était déséquilibré ?
Absolument. En début de saison, le principal souci des dirigeants a été de diminuer la masse salariale. Le LOSC restait sur une 8e place et d’aucun ont cru que la carte jeunes, ajoutée à des renforts de niveau deuxième division, allait suffire. On a vu le résultat. Qu’on me comprenne bien : l’intégration des jeunes peut être une bonne chose, mais à condition de ne pas en appeler trop et de ne pas leur confier des postes-clés. C’est bien beau de s’extasier en disant que Lille a la plus jeune défense centrale du championnat, mais ça ne donne pas de points.
Pour vous, le risque était trop grand ?
Dans le contexte difficile de la fin de championnat, par exemple, fallait-il lancer lancer un stoppeur de 17 ans ? Même si Fabien Leclercq est prometteur, même si Eric Decroix, à un poste de libéro où il faut une expérience consommée, a effectué d’énormes progrès, même si Oumar Dieng a fait le maximum, je suis obligé de constater que nous avons, sans cesse, évolué sur le fil du rasoir. Et je me pose des questions. Pourquoi a-t-on systématiquement repoussé Eric Prissette ? Pour beaucoup de joueurs, cette mise à l’écart restera une énigme. Le cas de Jean-Luc Buisine est un peu différent, mais lui aussi aurait été utile.
Bref, tout n’a pas été comme vous le souhaitiez ?
Il y a 6 ans que je suis là et, chaque saison, je fais le même constat. Le bilan est plus que mitigé, les promesses sont toujours pour le lendemain : je suis un peu fatigué de tout cela.
D’autant qu’il y a eu, ces derniers mois, d’autres situations mal réglées. L’affaire du joker, par exemple, a beaucoup amusé mais ça n’a pas fait de bien. Et je ne m’explique toujours pas comment on n’a pas agi différemment dans le cas d’Erwin Vandenbergh. Tout le monde a été perdant. Le joueur, dont le rendement n’a pas été à la hauteur, le club qui a perdu pas mal d’argent puisqu’il s’agissait du plus gros salaire, et l’équipe, qui a joué avec une attaque amoindrie.
Christophe Galtier a souligné le manque d’ambiance cette année. Partagez-vous cette opinion ?
Oui. S’il n’y a jamais eu de problèmes majeurs dans le groupe, il existait quand même plusieurs clans, essentiellement à cause de certaines épouses de joueurs qui ne s’entendaient pas. Mais le club aurait pu faire un effort, apporter sa pierre à l’édifice. Georges Heylens, par exemple, organisait des soirées pour resserrer les liens. Rien de tel, cette fois.
Comment voyez-vous l’avenir ?
Tout va dépendre des décisions à venir. J’ai appris que Jocelyn Angloma partait pour le PSG. Je sais que l’on a fait à Alain Fiard des propositions indignes de lui. Je n’ai aucune garantie quant au maintien d’Abedi Pelé. Il y a vraiment de quoi être inquiet, car le LOSC s’en est sorti de justesse cette année. Autant dire que la voie est toute tracée si on agit comme l’an dernier en recrutant uniquement des joueurs venant de la seconde division.
Où se situent les besoins ?
Il faut revoir l’axe complet de l’équipe et, à partir de là, effectuer quelques retouches sur les côtés. Mais il est nécessaire d’agir vite. De ne pas, une fois de plus, travailler sur le moyen terme.
Un tel projet vous motiverait ?
Bien sûr. Si l’on m’assure que les meilleurs éléments seront conservés et qu’on va y ajouter untel et untel, je serai ravi. Mais pour l’instant, le silence est toujours de rigueur.
Vous le regrettez ?
Et comment. Les joueurs sont directement concernés à ce que je sache. Pourtant, on les laisse de côté. Nos informations, nous les puisons dans les journaux. Après le dernier match à Caen, nous avons seulement eu droit à quelques mots dans le bus. Point final.
Quelle est votre position vis-à-vis des propositions dont vous faites l’objet ?
J’aimerais en parler avec qui de droit, mais à quelle porte faut-il frapper ? Je sais que, jusqu’ici, la réponse du club a toujours été « Périlleux n’est pas transférable ». Bordeaux a téléphoné plusieurs fois, le PSG a proposé 7 millions de francs, d’autres ont manifesté leur intérêt. Sans que je sois, au moins, tenu au courant par les dirigeants.
Vous regrettez d’avoir signé un contrat qui court encore sur deux ans ?
Aujourd’hui, je m’en mords les doigts. Parce que je n’ai aucune certitude quant à la volonté de bâtir, enfin, un LOSC différent. Et aussi parce que crains d’avoir beaucoup de regrets plus tard. Je suis à un âge où il n’est plus temps de tergiverser. J’accepte les responsabilités, je me connais mieux, et j’ai vraiment envie de connaître autre chose que des saisons en demi-teinte. Alors, ou le LOSC comprend mes ambitions et me laisse partir, ou il met les moyens pour construire une équipe capable de tenir un rang intéressant.
Avez-vous quelque chose à dire aux repreneurs ?
Une seule : qu’ils m’appellent !
L’appel de Philippe Périlleux a été entendu : une réunion a été organisée entre lui-même, Claude Guedj, Paul Besson (ville), François Sénéchal (La Redoute), Bruno Flocco (Testut) et l’avocat Guy Lefort qui avait notamment défendu le club lors de « l’affaire Pelé ». Sans Bernard Gardon, donc, laissé à l’écart. Mais on ne sait pas vraiment ce qui s’y est dit. L’urgence, pour le moment, est que l’organigramme ait une existence légale : une assemblée générale est convoquée pour réunir le conseil d’administration de la SAEM. On devrait alors arriver à début juin et, d’ici là, Claude Guedj annonce qu’il souhaite être parvenu à susciter un élan du côté des entreprises régionales. Un doute survient alors : cela signifie que les apports de La Redoute et d’Auchan ne suffisent donc pas ? Ou que les deux partenaires ne comptent pas aller plus loin ?
La Voix du Nord rapporte aussi que Gardon, « déconnecté », aimerait savoir où il va, et que s’annonce une rencontre Guedj/Santini.
Recrues : de vagues pistes
Du côté des transferts, les premières rumeurs circulent : l’OM voudrait Pelé et propose 2M + Meyrieu + Thys + Vercruysse + un emplacement à l’année sur le Vieux Port pour le navire LOSC à la dérive. Guedj tente de se montrer ferme dans un premier temps, puis accepte un rendez-vous à Paris avec Bernard Tapie le 27 mai. Le « manager » du Ghanéen, Christian Durancie, sort la même rengaine que lors de l’intersaison précédent: « à deux reprises, dans le passé, il a dû évoluer sans être au mieux moralement. À Mulhouse, où il ne se plaisait pas, et au stade Vélodrome, au temps de la concurrence avec Foerster et Allofs. Or, dans ces cas-là, il perd toute sa spontanéité. Les Lillois feraient bien d’y réfléchir ». Les Lillois, désormais échaudés par le rendement de Vandenbergh lors de la saison écoulée, seront peut-être moins intransigeant que l’été dernier.
Du côté des recrues, le nom de Robby Langers revient : luxembourgeois, il engagé pour encore deux ans à Nice, avec qui il vient de marquer 17 buts. Nice n’a pas encore terminé sa saison : les Aiglons sont en effet engagés dans les barrages, pour leur survie dans l’élite. Et, par ailleurs, il se murmure que le club est de toute façon menacé de rétrogradation administrative. Guedj, qui a ses entrées à Nice, où il est le sponsor principal, est ainsi à l’affût et souhaite s’investir personnellement sur ce dossier qu’on dit bien avancé. On entrevoit pour la première fois de la part de Guedj un éventuel apport au club.
Mais, problème : après avoir perdu en barrage aller à Strasbourg (1-3), Nice s’impose au retour 6-0, avec en première période un quadruplé de… Robby Langers. Or, Lille a besoin d’un avant-centre mais du genre « qui marque pas trop de buts quand même », car sa côte risquerait vite d’atteindre un montant à la hauteur duquel le LOSC ne pourra pas s’aligner.
Tout cela reste tout de même extrêmement confus. Alors que l’arrivée d’un nouvel homme, supposément fort, était censée clarifier le présent du LOSC, à défaut de l’avenir pour le moment, la situation est plus brouillonne que jamais. Comme souvent, c’est le moment que choisit Georges Heylens, avec qui les relations avec la Voix du Nord doivent être très bonnes, pour jeter un regard amer sur ce qui se passe : « ce qui arrive aujourd’hui n’est que la continuité de ce qui a été brisé à mon départ. On ne peut impunément bâcler les choses comme cela a été fait et jeter par la fenêtre ce qui avait été patiemment mis en place sans qu’il y ait des retombées » (28 mai).
Les premiers doutes
Dans Nord-Eclair (2 juin), on peut lire : « quel mépris ! On avait craint l’arrivée de Bernard Tapie et de ses méthodes expéditives. Mais au moins auraient-elles eu le courage de la clarté. Or, aujourd’hui, tout est flou. Mais, depuis l’arrivée de Claude Guedj, les valeurs essentielles qui donnent son identité à notre région n’en sont pas moins oubliées, ignorées, bafouées ». Bruno Flocco se retire discrètement.
Le 5 juin, les nouvelles autour du club ne sont pas meilleures : Claude Ghidalia, patron de RMGP, qui a assuré la régie publicitaire du LOSC depuis 2 ans, annonce son départ et le justifie en évoquant la mauvaise voie qu’est en train de prendre le LOSC : « pour construire, il faut connaître parfaitement le milieu du football, ce qui n’est pas le cas de Claude Guedj. A-t-on déjà vu un chef d’orchestre ignorant les notes de musique ? Je m’aperçois qu’il n’y a pas de stratégie, pas de clarté (…) On a reproché à la solution Bernard Tapie de ne pas être nordiste. Mais Claude Guedj est implanté à Paris à ce que je sache (…) Qui a mis en relation Claude Guedj et Paul Besson, alors que d’autres processus étaient engagés ? Le premier, avec qui j’ai des relations commerciales, m’a appelé pour me demander de lui ménager une entrevue avec le second. Deux heures après, c’était fait, et, quelques jours plus tard, Claude Guedj était sur le devant de la scène. Paul Besson s’est tellement pressé que je me demande s’il avait encore la possibilité d’agir autrement. J’ai d’ailleurs conseillé à Claude Guedj, s’il est coopté, de s’entourer d’un maximum de garde-fous (…)
Il fallait réunir 50 entrepreneurs à 1 MF par an sur une durée de 2 saisons, et leur proposer un concept de communication qui leur permette d’avoir un retour sur investissement. Sous le sigle EPN (Entreprises Pour le Nord), il était possible de les fédérer, en tenant le langage de la vérité. La formule de l’ASR (association à statut renforcé) qui engage la responsabilité des dirigeants du club comme dans une entreprise commerciale, est très motivante. Les décideurs auraient suivi (…) On ne distingue aucune ligne directrice, ni sportive, ni financière. Les annonceurs sentent ça. Certaines entreprises venues sur mon nom ont perdu toute confiance. Le crédit et l’image sont altérés. Je suis persuadé que ceux qui se font des papouilles à la direction du club, qui se donnent du « cher ami » seront divisés avant 3 mois. Ils la joueront alors sur le thème « c’est pas moi, c’est lui » ».
En dépit de ce contexte, Claude Guedj est officiellement investi nouveau PSG de la SAEM, c’est-à-dire président du LOSC, le 5 juin 1990. Il annonce la nomination à ses côtés de Paul Besson au poste de directeur général adjoint, et de François Sénéchal à celui de vice-président. Jean-François Duprez et Guy Lefort deviendront aussi vice-président lors de la prochaine AG du club, le 25 juin. Santini, Honoré et Gardon sont maintenus, et donc on peut enfin se tourner vers l’avenir, avec une enveloppe de recrutement comprise entre 9 à 12 MF pour 2 ou 3 joueurs, dans l’éventualité où Lille garderait tout le monde : « on ne va pas loin avec ça » commente la Voix du Nord, rabat-joie. On sait désormais que Langers est trop cher : foutus barrages. La direction du LOSC vise une place dans les 12 premiers, et finir 10e serait « merveilleux »
Le LOSC dans l’impasse
Depuis plusieurs semaines, on annonce que le LOSC va tourner le dos à des années de gestions moyenne et de manque d’ambition sportive. Mais au-delà des discours annonçant des changements à une date indéterminée, on ne voit concrètement rien venir. Aucune information ne filtre sur les finances du club, sur sa dette, et sur les apports de la nouvelle équipe de direction. Pire : le club perd ses joueurs et ses partenaires, et les administratifs subissent reproches sur reproches de la part du nouveau président. Début juin, c’est cette fois Christophe Galtier qui fait valoir une clause dans son contrat lui permettant de racheter sa dernière année lilloise pour 1MF : « il a préféré la sécurité à l’aventure, le palpable à l’hypothétique » (8 juin). À une époque où les mouvements de joueurs sont bien moins nombreux que de nos jours, le coup est rude, après le départ d’Angloma. On craint alors une réaction en chaîne : Fiard, qui est en fin de contrat, a donné un accord de principe pour une prolongation, mais conditionnée au maintien de certains joueurs, dont Galtier. Le LOSC n’a pas d’attaquants, et perd ses défenseurs. Et on ne sait toujours pas ce que fera Pelé, pour qui Marseille vient de transmettre une offre de 12 MF qui, eu égard à la situation du LOSC, mérite tout de même d’être étudiée.
On apprend en outre que les salaires de mai n’ont pas encore été honorés. Le ton change alors dans la presse, où l’excitation de la nouveauté laisse place à l’inquiétude et à un certain agacement : « il est évident que le LOSC n’a aucune chance de sauver sa peau si l’on continuer à le miner de l’intérieur, à confier des leviers de commande à des gens qui n’ont pas la moindre idée des pratiques les plus courantes et multiplient les erreurs grossières comme s’il s’agissait de jouer au chamboule-tout » (8 juin).
André Soleau commet un nouvel éditorial, cette fois intitulé « Au feu ! » (8 juin). Selon lui, « l’existence même des Dogues est menacée. Les joueurs quittent le navire ». Mais on reconnaît la qualité d’un éditorialiste à soudainement vouer aux gémonies les hommes que l’on portait aux nues quelques jours avant, alors que rien n’a fondamentalement changé, hormis la direction du vent : « les deux décideurs sont Claude Guedj et Paul Besson. Ils ne connaissent pas grand chose des pratiques en vigueur dans le football professionnel. Pour ainsi dire, rien. Or, c’est sur eux que repose toute la stratégie puisque Santini et Gardon ont été, plus ou moins officiellement, écartés. On imagine d’ici le tableau :
« je prendrais bien ce grand blond avec une chaussure noire. Qu’en penses-tu ?
Si tu veux Paulo. Mais ça coûte combien ?
Bof ! »
Et dans une dizaine de jours, on reprend l’entraînement… On ne frise pas le ridicule, on nage dedans. Pierre Mauroy annonçait, hier à Paris, qu’il voyait le LOSC européen pour 1993. Nous, nous le distinguons très nettement en deuxième division, en 1991 ».
Il faut croire qu’André Soleau a eu vent de ce qui se trame au sein du club. Dans l’édition du 12 juin, la Voix du Nord rappelle que les salaires de mai ne sont toujours pas versés. Guedj renverrait la responsabilité de la situation vers Besson, en expliquant en qu’il n’a pas à s’occuper de ce qui est antérieur à sa nomination. Ce doit être ça les « méthodes d’entreprise » promises ! En attendant, Claude Guedj fait la tournée des médias pour tenter de séduire le public : invité sur Fréquence Nord, il reçoit même les encouragements, en direct de… Bernard Tapie ! Nanard l’assure : « le nouveau président du LOSC vit un moment qui ressemble à celui que j’ai connu à l’OM quand je suis arrivé. Des moments difficiles dans un monde tourné vers le passé, qui n’accepte pas facilement les nouvelles têtes ». Pas sûr que ce soutien compte dans la région, et les salariés du LOSC apprécieront…
Un dossier avance : deux Nielsen seraient sur le point d’arriver du Danemark. Georges « puisqu’on me demande mon avis, je le donne » Heylens déclare : « quand on va chercher un joueur à l’étranger, il faut prendre du haut de gamme ou rien. Un Eric Prissette, un Jean-Luc Buisine, valent tous les Nielsen du monde. C’était bien la peine de les écarter ! » (15 juin).
Un départ et un record
La reprise du groupe professionnel est prévue lundi 18 juin. Durant le week-end qui précède, la Voix du Nord indique que les joueurs vont être accueillis par le président. Et le doute grandit : « il est permis de se demander si Claude Guedj est l’homme de la situation. Depuis que son nom a circulé dans les couloir de Grimonprez-Jooris, quelles garanties a-t-il données ? Après quelques semaines d’observation, on attend toujours qu’il présente un projet charpenté, voire qu’il trace simplement une ligne directrice. Mais on n’en sait pas davantage, pas plus que l’on connaît le montant de son engagement personnel, ce qui est pour le moins fâcheux » (17 et 18 juin). Tant fâcheux que, dans la journée du dimanche 17 juin, Claude Guedj a finalement donné sa démission, ou disons plutôt qu’il a été prié de partir par les autres membres de la direction.
La Voix des Sports du 18 juin revient abondamment sur l’événement qui est certainement « un record toutes catégories » : officiellement, Claude Guedj sera resté président du LOSC durant 13 jours, un peu plus si l’on prend en compte son arrivée physique. Et il n’aura pas eu le temps de voir le moindre joueur. « Divergences de vue dans les politiques à mener, dans le choix des méthodes et des hommes ? Un peu de tout cela, sans doute » : depuis son arrivée, Claude Guedj n’avait rien modifié, à part le fait d’avoir introduit un management autoritaire et méprisant. Il avait d’abord annoncé 10 MF d’apport personnel, puis 7, puis 3, puis 2… Finalement, il n’a apporté aucune garantie et « à cette allure-là, c’est le LOSC qui aurait fini par lui prêter de l’argent » ; au rayon transferts, on est presque au point mort. L’hebdomadaire sportif considère tout de même que cette éviction bienvenue est due à la modernisation du LOSC : « la nouvelle équipe de dirigeants a compris qu’elle faisait fausse route. Elle a reconnu son erreur et tranché aussitôt dans le vif. Nul ne s’en plaindra. Naguère, ce genre de plaisanterie coûtait des années d’errance (…) l’arrivée de quelques chefs d’entreprises régionaux a semble-t-il changé les mentalités et modernisé l’appareil administratif ». Finalement, au moment où Brest, Reims ou Mulhouse sont au bord de la faillite, le LOSC n’a perdu que du temps.
La Voix des Sports reproduit une partie du communiqué de départ de Claude Guedj :
« En acceptant, le 5 juin, la présidence du LOSC, je relevais un challenge : devenir européen en 1993 pour répondre au souhait de Pierre Mauroy, maire de Lille.
Ce laps de temps devait permettre de réorganiser, administrativement et financièrement, le club qui ne possédait pas de secrétaire général ou de directeur administratif, pas de direction comptable ; une perte d’exploitation de 15 MF pour la saison 89/90 soit un passif cumulé de de l’ordre de 90 à 100 MF.
Pour la prochaine saison, j’avais prévu un budget compris entre 50 et 60 MF dont 3 MF apportés par mon entreprise (…)
Ce budget prévisionnel ne peut se réaliser compte tenu de la position de certains qui veulent des résultats avant même d’apporter de l’argent. Cela revient à dire : « augmenter les dettes et on verra après ». Or, j’ai toujours appris que pour dépenser un franc, il faut d’abord l’avoir (…)
Le moindre transfert était compris entre 3 et 10 MF. Malheureusement, les assurances qui m’avaient été données quant à la participation des industriels locaux n’ont pas été concrétisées alors que ces recettes devaient constituer les premiers fonds. Il manquerait donc les 12 MF des industriels (…)
Au plan de la gestion, les mesures que j’ai voulu prendre pour fermer les rames du gaspillage ont provoqué un climat d’opposition au sein du club (…)
Il aurait fallu que l’équipe de direction reste soudée, que les promesses de concours financiers soient tenues, que les ambitions personnelles s’effacent devant l’intérêt du LOSC et de son avenir.
De ces ambitions personnelles, pour ma part, je n’en ai jamais eues.
Je m’en vais »
Caricature de Honoré Bonnet, La Voix des Sports, 18 juin 1990
« Constat amer d’un homme qui manquait, visiblement, de connaissances sur le football professionnel » estime la Voix des Sports, qui saluait justement l’arrivée d’un « entrepreneur » deux semaines avant.
Le nouveau président du LOSC s’appelle donc Guy Lefort, 49 ans. La Voix du Nord est contente car Lefort est présenté non seulement comme un « amoureux du LOSC », mais aussi comme un « sportif » : footballeur jusqu’en junior, champion de France universitaire de handball, tennisman classé, et skieur. Et puis il a un lien de parenté avec Guy Lefort, ancien joueur de Fives qui a donné son nom au stade Lambersart. Lefort confirme qu’avec Guedj, « le message et les méthodes ne passaient pas ». Quant aux finances, ce n’est pas encore clarifié puisque le nouveau président annonce : « je n’apporte pas un centime, mais seulement mon tonus ». Ce qui sous-entend qu’il y a des promesses de financement par ailleurs, ce que semblent confirmer des déclarations de Pierre Mauroy : « nous ferons connaître, le 9 juillet, l’effort que la ville effectuera en faveur du LOSC. Je souhaite que celui-ci soit poursuivi et accentué. Mais il ne faudra pas s’en tenir là. La région a l’intention de s’engager comme elle l’a fait jusqu’ici. La communauté urbaine viendra, peut être, nous aider. Mais les collectivités territoriales ne doivent pas être seules. Il est nécessaire que d’autres partenaires se manifestent. Nous voulons une grande équipe demain ? Cela n’ira pas sans risques, aujourd’hui »
Pour la Voix du Nord, cet intersaison est « consternant ». Les joueurs ont repris l’entraînement « le visage fermé » ; « le plus gênant réside dans la démarche consternante de ceux qui mettent en avant l’intérêt supérieur du club avec une boîte d’allumettes dans leur poche. S’ils aiment à ce point les flammes, qu’ils brûlent un cierge ! ».
Au moins, l’arrivée des Danois est officialisée, Périlleux et Fiard devraient rester, et on parle d’un toulousain : Assadourian. Pelé, lui, partira.
Pour tenter d’effacer un peu ce triste épisode, la direction du LOSC convie les supporters à Grimonprez-Jooris début juillet pour un entraînement public et une présentation des joueurs, avec Joël Alain au micro. Un millier de personnes répondent présents dans une ambiance bon enfant et scandent le nom de Pelé, pas encore officiellement parti. Pierre Mauroy se veut rassurant : « nous voulons un grand club à Lille, il est temps de gagner ».
Après le conseil municipal du 10 juillet, on comprend qu’il revient encore aux collectivités publiques de faire des efforts pour le LOSC. Aux 3 MF et quelques déjà votés s’ajoutent 2MF et la mairie garantira à hauteur de 50% un prêt de 20 MF . Le rapporteur indique qu’à l’avenir, il faudra porter l’effort non pas à 5 mais à 10 MF, et inciter la région et la communauté urbaine à donner davantage, pour avoir un budget de 160 MF supporté pour moitié par la collectivité, et l’autre moitié par le privé. Au conseil municipal, le Parti Communiste regrette la lourdeur des chiffres et craint que les ambitions du club n’augmentent l’ardoise à l’avenir. Et après tout, il n’y a aucune garantie que ces nouvelles dépensent remettent le LOSC sur de bons rails… Du côté de l’opposition de droite, Alex Türk considère qu’il y a deux 2 solutions : déposer le bilan ou aller de l’avant. C’est cette deuxième option qu’il défend, « en croisant les doigts et en touchant du bois… ». Pour Mauroy, « il y a, en effet, deux positions : ou décider qu’il n’y aura plus de football professionnel à Lille, et il m’arrive d’en avoir la tentation, mais les Lillois ne nous le pardonneraient pas… Ou il faut une équipe de football et une équipe en première division. Nous ne pouvons pas reculer ».
Le problème reste que la SEM est endettée à hauteur de 40 MF. Si le LOSC déposait le bilan, il faudrait rembourser. La fuite en avant continuera donc, en prenant des risques, mais comment faire autrement ?
Mi-juillet, Guy Lefort et Bernard Gardon organisent une conférence de presse destinée à montrer l’unité du LOSC. Le président déclare qu’il a des assurances sur l’avenir du LOSC depuis la tenue du conseil municipal. Il aimerait désormais mobiliser les entreprises régionales via une régie interne. Il est déjà parvenu à louer les loges 300 000 francs cette saison contre 120 000 francs la saison précédente, ce qui constitue a priori une belle escroquerie : « nous voulons réussir ce à quoi Gervais Martel est parvenu. Il est anormal que le Racing en soit à 12 MF de recettes publicitaires, contre 2,2 pour le LOSC en 90/91 ». Le prix des abonnements va augmenter. Le président s’attend à deux saisons difficiles sportivement.
Puis, lors du CA devant désigner Guy Lefort officiellement président, on lui fait aimablement remarquer que la présidence d’une SEM n’est pas compatible avec la profession d’avocat. Nouveau coup de Balay : Pierre Balay devient alors officiellement président (mais dans les faits c’est Guy Lefort).
Enhardis par la vitalité de leur club, et dans la lignée de matches amicaux encourageants, les joueurs du LOSC se hissent à la 6e place en 1990/1991.
Dès lors, persuadée qu’il existe un effet de vases communicants entre instabilité de la gouvernance et performance sportive, la direction du LOSC met en place un plan quadriennal d’instabilité administrative : une belle réussite (sans les résultats sportifs).
Posté le 14 février 2022 - par dbclosc
Sous le vent, Lille repart de l’avant
Retour à domicile pour le LOSC : en championnat, les joueuses de Rachel Saïdi se sont remises dans le bon sens en gagnant à Strasbourg (2-0), contre qui cela avait été si difficile à l’aller, et là où Nantes n’avait pu décrocher mieux qu’un nul deux semaines auparavant (1-1).
Au niveau du classement, c’est donc toujours serré, avec Nantes, Le Havre et Metz devant (28 points) suivis de Lille (26) et Lens (23).
Aujourd’hui, le LOSC reçoit Brest, 10e. À l’aller, le LOSC s’est imposé 3-1 en Bretagne.
Du côté de l’effectif, sont absentes :
Chloé Pierel, qui a pris 7 matches de suspension pour avoir eu le tort de faire tomber une joueuse qui joue avec des chaussettes trouées qui font voltiger ses protège-tibias ;
Et sont blessées Salomé Elisor et Eva Fremaux (celle-ci pour un moment).
Silke Demeyere est remplaçante.
Il y a un fort vent froid, qui risque de perturber le jeu. En première période, les Lilloises l’ont de face.
12h58 C’est parti Paprzycki !
1e Première frappe lobée de la n°11 de Brest à l’entrée de la surface. Le vent nous laisse un doute jusqu’au bout quant à la trajectoire du ballon et, après une longue redescente, ça passe tranquillement à côté.
7e Les Lilloises ne parviennent pas à dégager le ballon dans leur surface, et ce n’est pas la faute au vent. Schmeler frappe à 9 mètres, mais Elisa Launay détourne superbement en corner.
8e Sur le corner, la n°10 est poussée par Devlech’ : pénalty, en dépit d’une protestation d’Aurore Paprzycki, qui affirme à l’arbitre « on fait du foot, pas de la danse ». La capitaine Ana Banuta prend Launay à contrepied : 0-1.
10e Azarro se trouve en bonne position après une percée dans la surface de réparation, elle est bousculée par derrière, mais l’arbitre ne siffle rien.
12e Le LOSC a du mal à entrer dans la partie. Le vent gêne énormément toute relance et toute projection vers l’avant. Les Lilloises n’ont quasiment pas franchi la ligne médiane (ou alors en position de hors-jeu). Espérons que ce ne soit lié qu’aux conditions climatiques.
20e A 35 mètres du but brestois, sur le côté gauche, Paprzycki trouve Mouchon. Elle sert sur l’aile Boucly, qui entre dans la surface et remet aux 6 mètres à Noémie Mouchon, qui conclut sans opposition : 1-1.
21e On a presque envie de dire qu’il faut garder ce résultat jusqu’ à la pause et tenter de marquer en deuxième mi-temps.
23e Belle combinaison entre Boucly et Azzaro : Lorena trouve Mouchon en profondeur, qui envoie un tir très mou depuis l’arc de cercle. La gardienne s’empare du ballon.
27e Belle combinaison Paprzycki/Ollivier/Boucly à gauche. La défense de Brest réussit dans un premier temps à ralentir l’action, mais les lilloises insistent avec, de nouveau, Paprzycki et Boucly. Maïté parvient finalement à centrer sur Azzaro aux 6 mètres, qui contrôle et place un petit tir du gauche qui termine au fond : 2-1.
30e Encore à gauche, Paprzycki et Boucly combinent. Maïté doit s’y reprendre à deux fois pour se placer en position de centre. Ça arrive sur Azzaro, qui conclut de nouveau aux 6 mètres : 3-1.
Depuis l’égalisation, Lille se trouve bien mieux. C’est tout de même très efficace et un peu cher payé pour Brest. Mais quand on prend trois fois le même but, c’est qu’on a un gros problème derrière. Et qu’il y a du côté du LOSC un côté gauche qui se trouve parfaitement : trois passes décisives pour Maïté Boucly.
31e Brest réagit avec une frappe de la n°7 au coin des 6 mètres, qui passe largement à côté.
32e Grosse charge de Mapangou sur Elisa Launay : carton jaune pour la brestoise.
37e Azzaro lance Chloé Marty qui, à l’entrée de la surface de réparation, parvient à dribbler la gardienne, tout en s’excentrant et en étant légèrement déséquilibrée. Elle finit par tomber, peut-être un peu tard pour que ce soit suffisamment crédible. On joue.
39e Très belle faute de Bamenga qui fait faire une figure acrobatique très esthétique à son adversaire. Carton jaune.
Mi-temps, 3-1. Après une dizaine de minutes à entrer dans le match, les Lilloises, vite menées, ont su se reprendre et même à se donner une confortable avance en dépit d’un fort vent défavorable. Le côté gauche a fort bien fonctionné avec une Maïté Boucly très active et, pour réceptionner, deux avants-centres situées au même niveau qui ont pu transformer assez aisément ces bons ballons. À moins qu’un complot météorologique se mette en place et que le vent tourne, on peut espérer vivre une deuxième période sans difficulté majeure.
14h03 C’est reparti Paprzycki !
46e Au milieu de terrain, petite passe lilloise vers l’avant qui termine dans les bras de la gardienne : il faut s’ajuster au vent.
47e Bamenga tente un corner direct : avec le vent favorable, sait-on jamais. Frappé puissamment, ça passe juste à côté du deuxième poteau.
50e Marty lance Azzaro en duel avec la gardienne. Lorena vise le petit pont mais la gardienne repousse et Brest tente de relancer. Mais Agathe Ollivier intercepte à une trentaine de mètres et s’enfonce dans la surface : sa frappe est de nouveau repoussée par la gardienne. Le ballon prend de la hauteur puis, avec le vent, revient dans la surface. Azzaro récupère et marque de nouveau : 4-1.
51e Un dégagement des Lilloises est très mal négocié par les Brestoises, et Mouchon part seule au but. Mais comme en première période, elle envoie un drôle de tir tout mou qui ne pose aucun problème à la gardienne.
Ça fait déjà quatre face-à-face depuis la reprise : en plus de prendre le vent, Brest prend l’eau.
52e En entrant dans la surface sur la gauche, Bamenga se prend un croche-patte : pénalty et carton jaune pour la grande n°3.
Boucly transforme, du gauche bien sûr (5-1)
54e Sortie de Lorena Azzaro, auteure d’un coup du chapeau, et entrée de Silke Demeyere.
55e TÊTE DE DEMEYERE, qui contrôle et relance !! Sélection !
58e Sortie de Agathe Ollivier, entrée de Lou Bogaert.
Pour Brest, sortie de Kaya, entrée de Casu.
60e Bel arrêt de Launay sur une frappe de la n°7.
Depuis le cinquième but, le LOSC gère tranquillement, et est à l’affût de la moindre faille derrière. Inutile de se jeter à l’assaut : on rappelle que c’est la différence de buts particulière qui compte. Les Brestoises subissent et tentent quelques contres, sans donner l’impression d’avoir les moyens de mettre les lilloises en danger.
67e Frappe de Demeyere à une vingtaine de mètres. L’arbitre donne généreusement un corner. C’est frappé en deux temps entre Demeyere et Boucly, mais ça finit en 6 mètres.
73e Double changement pour Brest : sortie de Chloé Tirilly, remplacée par Maelle Saltel, et sortie de Ana Banuta, remplacée par Baptysia Doisy.
75e Demeyere sert Nollet sur le côté droit. Son centre-tir termine sur l’extérieur du poteau et sort en 6 mètres.
79e Sortie de Naomie Bamenga, entrée de Manon Lebargy.
80e De l’arrière, Devlech’ sert Mouchon dans l’axe, qui trouve Marty sur le côté. Le centre-tir de Chloé frappe le poteau. La défense dégage.
84e Demeyere se trompe de côté et sert une attaquante brestoise qui file vers le but. Mais super-Silke se rattrape, récupère le ballon et relance.
85e Carton jaune pour Aurore Paprzycki. Nous mobilisons nos meilleurs enquêteurs pour en trouver la raison et nous vous informerons de ce qu’il en est.
Dans la continuité, Marty est sévèrement taclée, mais pas de carton malgré les protestations de Devlech’ et de Mouchon.
87e Corner De Paprzycki : tête de Lebargy juste au-dessus.
90e A 35 mètres, avec le vent dans le dos, Paprzycki tente un coup-franc direct. Bel arrêt de la gardienne, sous sa transversale.
C’est terminé sur cette victoire des Lilloises 5-1. Après s’être assuré une confortable avance en début de seconde période, les Lilloises n’ont pas insisté et se sont contenté de profiter de quelques espaces dans la défense bretonne.
Etant donné les circonstances du match, on comprend qu’on ait assez peu vu Devlech’ et Polito, toutefois toujours bien placées à la relance, de même qu’Elisa Launay, qui ne peut pas grand chose sur le pénalty, mais qui signe tout de même un bel arrêt juste avant (7e) et a assuré quelques prises de balle vers la 70e minute, quand Brest est un peu sorti ; les arrières latérales ont eu l’occasion d’apporter offensivement : à gauche, Ollivier est notamment à la base du deuxième but, puis n’est pas loin de marquer à la reprise. À droite, Carla Nollet, malgré quelques pertes de balle, a été volontaire et est aussi proche de marquer (75e). Elle a eu affaire à une adversaire directe avec qui les contacts ont été fréquents.
Au milieu, gros match d’Aurore Paprzycki qui, outre son travail incessant de harcèlement, est sur les trois premiers buts. Elle prend un carton en fin de match parce que l’arbitre en avait envie. À ses côtés, Bamenga, plus technique, a permis de poser le ballon et de jouer au sol, ce qui a souvent été nécessaire à cause du vent.
Devant, mentions spéciales pour Boucly et Azzaro, repartie avec le ballon du match. Marty a été très disponible, même si ça a davantage attaqué par la gauche. Et Noémie Mouchon a marqué.
Entrée vite en jeu, Demeyere a fait du Demeyere. Bogaert a assuré la continuité d’Ollivier, puis Lebargy a eu l’occasion de se montrer sur une tête, passée au dessus.
Dans les autres rencontres, Lens a gagné à Metz, ce qui n’est pas trop mal car le LOSC passe devant mais les lensoises n’arrêtent plus de gagner et sont toujours trois points derrière. Le Havre a perdu des points à la maison (0-0 contre Orléans) et Nantes, comme souvent, a petitement gagné (1-0 contre Saint-Malo).
On a donc : Nantes (31 points), Lille et Le Havre (29), Metz (28), et Lens (26).
Lille sera à Saint-Malo le 27. Prochain rendez-vous à la maison : Lille/Nantes, le 13 mars.
Les résumés des précédents matches auxquels on a assisté :
LOSC/Lens : Faux-pas dans le derby
LOSC/Orléans : Lille recolle
LOSC/La Roche : Des Lilloises renversantes
LOSC/Saint-Malo : Lille s’empare des Malouines
LOSC/Strasbourg : Au bout du suspense
Lens/LOSC : le LOSC freiné
LOSC/Saint-Maur : Le LOSC réussit sa rentrée
Posté le 11 février 2022 - par dbclosc
Le quiproquo de Montpellier
Août 1987 : après un pénalty encaissé par le LOSC, un signe de Georges Heylens est mal interprété par ses joueurs, qui croient que leur entraîneur les enjoint à regagner les vestiaires.
Nous sommes fin août 1987 et arrive déjà la 8e journée. Le début de saison 1987/1988 a été porteur de grands espoirs, après une belle victoire face à Nantes en ouverture (3-0), et l’impression a été d’autant meilleure que la saison précédente s’était terminée en eau de boudin, avec des joueurs très peu impliqués, comme on l’a évoqué ici. Mais très vite, le LOSC retombe dans ses mauvaises habitudes, en étant très fébrile à l’extérieur (même si 1 point a été ramené de Lens, 6e journée), et en perdant des points bêtement à la maison (0-0 contre le Havre, 7e journée). Résultat, avant de se rendre à Montpellier, qui a le même nombre de points (7), le LOSC est déjà sur la bonne voie pour se placer dans le ventre mou du championnat.
Le LOSC au Parc des Princes en septembre 1987
Mais Georges Heylens affiche ses ambitions : « nous allons faire en sorte, ce week-end, que le LOSC fasse partie de ces bonnes surprises qui agrémentent le championnat ». Et il annonce même une équipe offensive : « les Onze alignés devant le HAC seront à Montpellier, mais peut-être dans un schéma tactique différent… Pourquoi pas avec quatre attaquants ». « On croit rêver » s’amuse la Voix du Nord (28 août).
Mais en face, Montpellier a belle allure sur le papier : la Voix du Nord indique que le recrutement estival (Rust, César, Cubaynes, Laurey, Perez, en plus de la prolongation de Blanc) a porté la masse salariale du club à 3,8MF, ce qui est considéré comme élevé et révélateur des ambitions du club.
Les Dogues se présentent avec la composition suivante, sans une de leurs recrues, Zappia, blessé :
Lama ; Galtier, Buisine, Thomas, Pastinelli ; Fiard, Angloma, Périlleux, Daniel ; Desmet, Vandenbergh.
Très vite, Montpellier prend les commandes du match, avec un Milla omniprésent devant : « en moins de 10 minutes, Montpellier avait résolument pris la direction des opérations, et la soirée de Bernard Lama s’annonçait plus que mouvementée » (30-31 août). Milla, seul aux 6 mètres, place à côté, puis Bernardet et Laurey tentent leur chance, sans réussite encore. Seul répit pour les lillois : l’irruption d’un chiot sur le terrain, qui avait peut-être repéré quelques Dogues en difficulté à qui il fallait prêter patte forte. Après une courte interruption du match, le MHSC reprend sa domination, mais « combien de temps Lille allait-il résister à pareil traitement ? ». Eh bien pas longtemps, puisque Perez reprend victorieusement une première tentative de Baills repoussée par Lama (1-0, 25e).
Survient alors l’incident du match. On joue la 32e minute : à environ 25 mètres du but de Lama, Cubaynes charge Buisine et récupère le ballon. Les Lillois s’attendent à ce que l’arbitre, M. Harrel, siffle en leur faveur, mais rien ne se passe et l’attaquant montpelliérain se rapproche du but lillois. À proximité de la surface, Thomas est pris d’une « vengeance réflexe » (la Voix des Sports, 31 août) : grosse faute, cette fois sifflé par l’arbitre qui indique… le point de penalty, à la grande surprise des Dogues, pour qui la faute a été commise en dehors de la surface. Déjà en colère pour ne pas avoir bénéficié d’une faute sur la charge de Cubaynes, les Lillois contestent vivement. Cubaynes, lui, ne se fait pas prier pour inscrire le deuxième but des locaux (2-0, 33e).
C’est alors que, sur le banc lillois, Georges Heylens et Charly Samoy s’agitent, et font des signes à leurs joueurs qu’il est difficile d’interpréter. Charly Samoy s’aventure même sur le terrain, poursuivi par le délégué fédéral, qui ne comprend pas trop ce que veut le directeur sportif du LOSC. Toujours en colère et manifestement invités à réagir, les joueurs lillois filent alors vers le banc et semblent ne pas vouloir reprendre le jeu. Était-ce l’intention de Samoy et d’Heylens ? Sous les huées du public, on discute entre Lillois, et Lama tente de calmer Jean-Luc Buisine, furieux à triple titre : que la charge sur lui n’ait pas été sifflée, que Montpellier ait obtenu un pénalty pour une faute dont l’emplacement n’est pas certain, et que Heylens envisage de le sortir.
Photo Jacques Verhaghe
Selon la Voix des Sports, l’intervention de Georges Heylens, « celle d’un entraîneur appelant son capitaine avant la remise en jeu, fut très mal perçue. La plupart des joueurs lillois se dirigèrent vers la sortie, estimant sans doute que leur entraîneur souhaitait réagir vivement à la suite d’un pénalty pour tous injustifié ». Il semblerait en réalité que l’entraîneur du LOSC ait seulement voulu signifier à son capitaine de se calmer, mais la décision de l’arbitre a paru si injuste aux Lillois, et la colère de Buisine était telle que les Dogues semblaient n’avoir besoin que d’un signe pour rejoindre prématurément la douche.
Georges Heylens se défend en tout cas d’avoir eu l’intention de quitter le terrain « tout en reconnaissant que son appel pouvait être sujet à interprétation (…) On comprit que, si son équipe avait bel et bien perdu les pédales, il restait, lui, en ligne avec l’éthique sportive. Jamais il ne quittera la scène, tant que le rideau ne sera pas tombé dans les délais normaux ».
Après un moment de flottement, le LOSC effectue en fait un remplacement qui ne concerne pas Buisine : Prissette remplace Daniel, autrement dit il s’agit d’un changement visant à renforcer la défense. Heylens s’en explique : « j’ai pris cette décision pour assurer mon arrière-garde. Il convenait de réorganiser notre assise car, à ce moment précis du match, j’avais le sentiment de ne plus avoir d’équipe ! ». Montpellier marque un troisième but par Milla, refusé pour hors jeu (42e), puis Laurey s’effondre dans la surface, mais cette fois, l’arbitre ne siffle pas un pénalty « qui cette fois paraissait parfaitement justifié » selon la Voix des Sports. Cela fait probablement partie des péripéties qui conduisent l’hebdomadaire régional à qualifier l’arbitrage comme « basé sur la compensation ».
« On se demandait à quelle sauce l’équipe héraultaise allait assaisonner sa rivale après l’entracte » (VDS) : mais Lille se montre enfin à la reprise, dès la première minute. Avec une « folle lucidité » (VDN), Desmet se joue de Stojkovic avec une roulette et enchaîne avec un tir sans élan « d’une précision diabolique » (VDS) qui laisse Rust sans réaction (2-1, 46e). On pense alors le LOSC capable de revenir, d’autant que Montpellier, rattrapé par le doute « s’attira les sifflets d’un public versatile, comme toutes les chambrés du Sud où l’on ne conçoit pas la moindre dérobade » (VDS). Lille fait alors jeu égal mais sans se créer d’occasion réelle, en dépit de quelques chevauchées d’Angloma ; mais les frappes de Prissette, Périlleux et Fiard ne sont pas cadrées. En fin de match, Heylens lance Garcia à la place de Galtier, mais Montpellier assure sa victoire par Ferhaoui, lui-même entré en jeu quelques minutes avant (3-1, 84e).
Une nouvelle fois, Lille s’incline à l’extérieur. Samoy, mécontent de cette incapacité à ramener des points des déplacements, se demande : « pourquoi faut-il donc toujours attendre d’accuser un handicap pour extérioriser des qualités totalement absentes jusque là ? ».
« Vous reprendrez bien une petite rengaine » titre la Voix des Sports ; un titre qu’elle aura encore bien des occasions de recycler.
Posté le 5 février 2022 - par dbclosc
Lille/PSG 1995 : Fernandez bat Fernandez
La venue du champion de France en titre récemment qualifié pour les demi-finales de Ligue des Champions ne peut rien changer à une règle de cette saison 1994/1995 : à Grimonprez-Jooris, le LOSC est (presque) imprenable. Dans le duel des Fernandez, le Parisien Luis s’incline face au Lillois Jean.
Mercredi 15 mars 1995 : grâce à sa victoire 2-1 face au FC Barcelone de Johan Cruyff (1-1 à l’aller), le Paris-Saint-Germain se qualifie pour les demi-finales de Ligue des Champions. Le champion de France 1994, dans la lignée d’une campagne préliminaire remarquable (6 victoires en 6 matches de poupoule), a offert un grand spectacle et se prend à rêver de succéder à l’Olympique de Marseille au palmarès de la plus prestigieuse des compétitions européennes. Le titre en D1 est déjà hors d’atteinte, tant Nantes domine le championnat, et a fait la leçon au Parc en janvier (3-0 pour les Canaris). Alors, oui, la C1 devient un objectif. Mais avant de rêver plus grand, il faudra d’abord éliminer le Milan AC. Et en attendant, pour le retour du championnat le 22 mars, c’est un obstacle d’une autre envergure qui se présente sur le chemin des Parisiens : le Lille Olympique Sporting Club qui, en 29 journées, a déjà inscrit… 19 buts.
Le LOSC vit deux saisons en une : un parcours d’européen à domicile, et de relégable à l’extérieur. Après 29 journées, Lille compte 31 points, dont 27 pris à domicile ! Ce qui, si vous comptez bien, ne fait que 4 points pris à l’extérieur (0 victoire, quatre nuls). Dès lors, Lille lutte encore pour son maintien, même s’il n’a jamais été en position de relégable cette année. Avant ce match contre le PSG, les Dogues sont 15e, 3 points au-dessus du premier relégable. Mais, problème, voilà que le LOSC craque à domicile : le week-end précédent, Cannes est venu mettre fin à 6 mois d’invincibilité de Lille à domicile, en gagnant 3-0. Une lourde défaite qui assombrit soudainement une fin de saison que l’on aurait pu espérer à peu près tranquille, tant cette solidité à domicile semblait offrir de belles garanties.
L’espoir est-il seulement permis pour Lille ? Jean Fernandez, l’entraîneur des Dogues, ne semble pas le plus optimiste : « c’est sûr que les jouer une semaine après ce qu’ils ont réalisé contre Barcelone, sans Roche ni Ricardo, il y a de quoi être inquiet ». On se rappelle aussi qu’au match aller, en octobre, Lille avait pris le bouillon à Paris (0-3). Certes, le LOSC était très amoindri, à l’aller, puisque Foulon et Hitoto étaient blessés, Duncker, Carrez, et Bonalair étaient suspendus, et Friis-Hansen était en sélection. Jean Fernandez avait dû appeler dans le groupe les jeunes Gaël Sanz (qui était même titulaire !), Jérémy Denquin et Joël Dolignon. Ainsi, le LOSC est en grande difficulté dès qu’il ne peut pas aligner son « onze » de base (en a-t-il seulement un ?), tandis que, de l’autre côté, la Voix du Nord admire la « griffe » (21 mars) de Luis Fernandez qui, de manière très moderne (et aussi parce qu’il peut se le permettre), procède à un grand turn-over au sein de son effectif. Ainsi, entre le match de Barcelone et celui du LOSC, le PSG est allé se qualifier à Nancy en coupe de France avec 8 joueurs qui n’avaient pas pris part à la coupe d’Europe. Même si le PSG est largué par Nantes en D1, Paris est encore engagé dans quatre compétitions et Luis Fernandez a ainsi « pris une autre dimension » en concernant tous ses joueurs. Comme Kombouaré et Colleter seront suspendus pour le match aller contre Milan, les joueurs savent qu’il y aura des places à prendre, et on pense notamment à l’ancien lillois Oumar Dieng. À Lille, Luis Fernandez ne sera privé que de Daniel Bravo, suspendu, et de Ricardo, qu’il a décidé de ménager.
Le rapport de forces apparaît donc fortement déséquilibré avant cette confrontation. On a même le sentiment que, du côté du LOSC, la défaite est quasiment déjà actée. Pour Jean Fernandez, « un point, ce serait déjà un super résultat. Et pour prendre un point à une telle équipe, il faut que l’on fasse un de nos meilleurs matches de la saison, qu’eux ne soient pas trop bien, qu’ils n’aient pas de réussite et que nous en ayons beaucoup ». Le LOSC n’a évidemment pas le même effectif que celui du PSG : si quelques jeunes pointent le nez (Leclercq et Sibierski depuis quelques saisons et, plus récemment, Carrez, Dindeleux ou Boutoille), le club est en pleine période de restrictions budgétaires qui l’empêchent de recruter des joueurs qui l’emmènerait un peu plus haut que la 16e place. Mais les choses sont claires depuis l’arrivée de Bernard Lecomte : même si son arrivée comme n°1 au printemps 1994 avait de nouveau fait grincer des dents, car on y voyait un nouveau symptôme de l’instabilité du LOSC, le plan de redressement entamé laisse augurer des meilleurs lendemains à un horizon de trois ans. Interviewé en février dans la Voix du Nord par Guy Delhaye, Bernard Lecomte assure que « notre fin de saison est financée », ce qui n’était pas fait aussi précocement les saisons précédentes, et assure : « une chose est certaine : la Ligue Nationale apprécie nos efforts. Nous ne sommes pas encore en tête de classe, mais nous ne sommes déjà plus dans les derniers » (7 février). Difficile alors pour Jean Fernandez de proposer un grand spectacle : comme il le dit lui-même, « un entraîneur fait en fonction de ce qu’il a ». Et à défaut de stars, les Lillois ont du cœur, et cette équipe 1994/1995 dégage beaucoup de sympathie et de combativité, comme la presse régionale s’en était déjà fait l’écho après le match contre Sochaux en décembre. Selon leur entraîneur, les joueurs ont été « recrutés pour ne pas descendre, pas pour l’Europe. Ils savent ce qui les attendent ». Finalement, Jean Fernandez se révèle comme celui qui tire le maximum de son groupe, eu égard aux qualités de celui-ci. À l’arrivée, ce n’est pas du football-champagne, ça gagne petitement, mais peut-on prétendre à mieux ? Arnaud Duncker et Roger Hitoto nous ont évoqué le système de jeu de Fernandez, parfois frustrant, mais finalement efficace. On peut le résumer de cette façon selon Jeannot, et c’est ce qu’il tentera d’appliquer contre le PSG : « par rapport aux joueurs qu’on a, il faut partir d’une bonne assise défensive et se dire qu’on va essayer de marquer » (21 mars).
Présentation de Jean Fernandez, juin 1994
En attendant que le club soit financièrement remis à flot, il soigne son image. Bernard Lecomte a lancé plusieurs chantiers visant à faire du LOSC une « entreprise citoyenne », selon ses termes. Il s’agit de se rapprocher du public, dont on a aussi bien besoin pour amener un peu d’argent. Bernard lecomte souhaite aller « dans les quartiers » et faire du LOSC le club de la communauté urbaine. Lors du match contre Monaco en janvier, le club a lancé l’opération « pass’foot », qui consiste en une formule pour les jeunes transport/place assise/panier-repas pour 20 francs. Et a été relancé le « challenge Deschodt ». Mis sur pied en 1989 par Michel Ottelard, de chez McDonald’s, et Yves Bonhomme pour rendre hommage à l’ancien président du LOSC, ce challenge concerne les CM2 des écoles primaires des circonscriptions de Lille-Est, Lille-Ouest, Roubaix, Tourcoing et Douai, et regroupe 1060 enfants, 106 équipes et 82 écoles. Les phases finale se joueront en levers de rideau des prochains matches du LOSC, à Grimonprez. Voilà le LOSC en quête de reconnaissance et de crédibilité.
Jean Claude Nadon au cours d’un entraînement délocalisé à Moulins, avril 1995
Revenons à la réception du PSG. Outre le score du match aller et le classement actuel, les statistiques ne plaident pas non plus en faveur du LOSC. Pourtant, on sait que Lille est la bête noire du PSG : dans les années 1980, le LOSC a étonnamment remporté tous ses matches contre le PSG à Grimonprez, et a même signé quelques fracassants succès au Parc ! Mais, dans les années 1990, cette tendance semble en train de tourner : après trois 0-0 consécutifs, le PSG a enfin gagné à Grimonprez la saison précédente (2-0). Sur les huit dernières confrontations entre les deux équipes, à Lille ou à Paris, le LOSC n’a marqué qu’une fois, par Kennet Andersson. Mais pour Christian Perez, ancien du PSG, et moins pessimiste que son entraîneur, ce n’est « pas infaisable » : « ils n’auront certainement pas la même motivation contre nous [que contre Barcelone] ! Et c’est vrai qu’ils sont moins bien en championnat. Je pense que ce qui les intéresse le plus, outre la coupe d’Europe, c’est la coupe de France ».
Du côté de Lille, on considère que le danger n°1 est George Weah. Comment empêcher le double buteur de l’aller de s’exprimer ? Jean Fernandez annonce : « nous allons jouer en zone. Mais, de toute façon, avec un joueur de cette classe, vous pouvez opter pour un marquage individuel ou une défense en zone, s’il est dans un grand jour… ». Bref, on rentre sur le terrain, on croise les doigts, on serre les fesses, et vice-versa, et on verra bien ce qu’il se passe.
Au niveau de l’effectif, à Lille, Farina et Boutoille sont blessés ; Cissé est suspendu ; Rollain, très peu présent cette saison, est mis à disposition de la réserve.
Le match se déroule un mercredi soir. Fabio Capello, l’entraîneur du Milan AC, est attendu. Avec lui, environ 10 000 personnes : c’est moins que contre Sochaux, à moins que ce ne soit plus, en tout cas ce n’est pas à guichets fermés. En lever de rideau, lors du challenge Deschodt, l’école Michelet de Loos bat l’école Georges Brassens de Sainghin-en-Weppes.
Voici l’équipe lilloise :
Nadon ; Leclercq, Carrez , Dindeleux Lévenard ; Bonalair, Friis-Hansen, Hitoto, Duncker, Sibierski ; Assadourian
Exceptionnellement, Bonalair monte d’un cran pour renforcer une ligne de milieux défensifs déjà bien fournie, puisqu’Hitoto a été préféré à Perez. Pour la Voix du Nord, c’est une « organisation extrêmement frileuse en apparence ». En effet, on peut considérer que Lille joue à 9 derrière, avec les seuls Sibierski et Assadourian pour tenter quelque chose devant.
Pour le PSG :
Lama ; Llacer, Kombouaré, Roche, Cobos ; Le Guen, Guérin, Raï, Valdo ; Weah, Ginola.
La LNF a lancé l’opération « le printemps du foot ». Nadon et Lama, accompagnés par un jeune joueur de chacun des deux clubs, ont lu un message avant le coup d’envoi, appelant l’ensemble des acteurs d’un match à retrouver la convivialité, le respect des autres, le plaisir du jeu, et la joie d’être ensemble. Les deux jeunes ont ensuite donné un brassard à chaque joueur et aux arbitres sur lequel figure le message « le foot, c’est la fête ». Un peu comme la frite.
La Voix du Nord s’interroge : « l’entraîneur lillois jouait-il le 0-0, en espérant secrètement qu’un contre, qui sait, pourrait être mené à terme ? » Allons, il n’y a aucun secret là-dedans ! Dès la 4e minute, le danger Weah se confirme, avec un petit pont sur Dindeleux et un centre dans la surface, mais Leclercq intervient « avec une grande détermination. Présent le LOSC ! ». Et Lille se montre aussi, avec un premier arrêt délicat pour Lama suite à une combinaison entre Sibierski et Assadourian (6e). Dans la minute suivante, « Sibierski décochait un tir lointain qui rebondissait devant Lama. Surpris, le gardien parisien relâchait le ballon. Arrivant le premier sur les lieux, Duncker rata complètement son tir, par excès de précipitation ». Fabio Capello arrive au bout de 20 minutes. La Voix rapporte que l’hôtesse VIP qui l’accueille, ne l’ayant pas reconnu, lui a demandé à quelle société il appartenait.
Dans l’ensemble, Lille tient le choc, avec une défense solide et des joueurs mordants (« malgré leurs faiblesses techniques, les Nordistes avaient le mérite de se battre sur tous les ballons »). Mais il semble difficile de marquer un but : « sur un plan offensif, Sibierski et Assadourian se retrouvaient plus d’une fois à deux contre… sept ! ». Par la suite, c’est encore Lille qui se montre timidement, avec un tir contré de Sibierski, puis un cafouillage dans les six mètres parisiens dont Dindeleux est proche de profiter (43e) ; « le PSG boucla la première mi-temps au petit trot, en se contentant de placer quelques accélérations. Épisodiques, certes, mais toujours marquées du sceau de la qualité ». Lille tient à la pause : 0-0.
Photo HistoireduPSG
« À la mi-temps, nous nous sommes dits que ce serait dommage de nous louper. Nous ne voulions pas avoir de regrets » note Eric Assadourian. Mais à la reprise, c’est Paris le plus dangereux, profitant d’une rare erreur lilloise : perte de balle d’Hitoto, et frappe de Ginola, au-dessus (49e). Quelques minutes plus tard, Nadon est contraint de jouer un ballon de la tête dans sa surface, mais est battu au duel aérien par Weah. Fort heureusement, Dindeleux suit et sauve la maison lilloise (53e).
« Ce PSG qui semblait tranquillement attendre son heure » est surpris à la 55e : Sibierski lance Assadourian dans le couloir droit. Le centre à ras de terre d’Assad passe derrière toute la défense et devant le but parisien, puis trouve Friis-Hansen au second poteau, qui reprend et marque : 1-0. « Incroyable ! » pour la Voix du Nord. Voilà qui est bon signe c’est la 13e fois que Lille ouvre le score cette saison, et ça n’a donné qu’une défaite (contre Nantes) trois nuls, et 8 victoires.
Luis Fernandez fait alors entrer Séchet et Nouma (sous les acclamations du public) aux places de Raï et Valdo (63e) pendant que Jean Fernandez, trop content de son fragile équilibre, gardera le même onze jusqu’à la fin du match. Les Parisiens mettent alors une grosse pression sur le but lillois : Guérin, à bout portant, se heurte à Nadon qui « sort le grand jeu » (65e). Puis Le Guen frappe un coup-franc que Weah dévie de la tête, ça passe juste à côté (70e). Lille a laissé passer l’orage. Et les Dogues sont proches de faire le break sur un remake de l’action de la 55e : Assadourian centre à ras de terre au second poteau, et cette fois Duncker reprend mais, face au but presque vide, il ne trouve que le petit filet (73e).
Photo HistoireduPSG
En toute fin de match, Paris pousse de façon désorganisée, et la défense, notamment Carrez et Dindeleux, font bonne garde. Le LOSC s’impose 1-0, et le PSG est la 8e victime de la saison du redoutable 1-0 des Dogues.
C’est « un sacré bol d’oxygène pour nos lillois » : avec cette victoire, Lille rattrape le faux-pas de Cannes et prend 5 points d’avance sur la zone de relégation. Il reste 8 matches, et ne manquent a priori que 7 ou 8 points pour se maintenir. Et avec une défense si solide, Lille peut voir venir : Carrez et Dindeleux, Carrez/Dindeleux bras dessus, bras dessous au coup de sifflet final, savourent : « si nous ne sommes pas heureux ce soir, nous ne le serons jamais. Mais Weah, quel joueur ! En plus, il n’arrête pas de mettre des coups. Mais il n’a pas marqué. Avec Fredo, nous avons donc rempli notre contrat » se réjouit Cédric Carrez. Jean Fernandez salue ses deux défenseurs centraux : « ils ont été grands ce soir ».
Pour le buteur danois, « ce qui comptait, c’était de donner une autre image que celle que nous avions laissée devant Cannes. Je crois que nous y sommes parvenus ». Nadon, lui aussi décisif, souligne que « l’objectif était de réagir, nous l’avons fait. On a senti, ce soir, un groupe qui voulait gagner à tout prix ». C’est presque l’euphorie pour Fabien Leclercq, qui voit le LOSC déjà maintenu : « en jouant comme cela, on est obligé de se sauver ».
Bien sûr, Lille n’a pas offert une démonstration de football mais a fait preuve de « formidables qualités morales ». Après Cannes, c’est une « réaction d’amour propre », la « victoire du coeur » : « ils se battirent comme des chiens et jouèrent un football franc, direct, celui qui, au fond, cadre le mieux avec leurs capacités. Et le miracle eut lieu. Divine surprise ».
Comme il l’avait planifié, Jean Fernandez a joué la sécurité en espérant une brèche : « j’avais souhaité mettre en place une organisation défensive et jouer sur nos points forts, entre autres la contre-attaque. Techniquement, on ne pouvait pas lutter. Alors on a toujours couru et on s’est dit qu’il y aurait peut être trois ou quatre occasions ; à 1-0, on prend un net ascendant psychologique. Il nous fallait continuer à rester bien organisés en défense et contrer à la moindre occasion. On peut d’ailleurs marquer un deuxième but… ». Oui, mais cette année, ça ne se fait pas !
Chez les Parisiens, on regrette le manque de constance de l’équipe, et on reconnaît la plus grande envie des Lillois, comme chez Bernard Lama : « il est clair que nous avons fait preuve de trop de suffisance ce soir. Quand on a affaire à une équipe bien regroupée, jouant avec son cœur, il est toujours très difficile de tenir le choc. Les Lillois ont plus mordu dans le ballon que nous. Fabio Capello aura vu nos défauts… ».
Lille se maintiendra avec quelques frayeurs jusqu’à la 35e journée, avant de finir avec trois victoires consécutives, dont la dernière, contre Lens. Et Grimonprez (hormis en 1997), restera une citadelle imprenable pour le PSG (de même que le Stadium Nord).
Paris se consolera en gagnant les deux coupes nationales car, en Ligue des Champions, il a été sorti par Milan (0-1 ; 0-2). N’oublions pas que Fabio Capello a trouvé la clé chez Jean Fernandez.