Posté le 11 février 2022 - par dbclosc
Le quiproquo de Montpellier
Août 1987 : après un pénalty encaissé par le LOSC, un signe de Georges Heylens est mal interprété par ses joueurs, qui croient que leur entraîneur les enjoint à regagner les vestiaires.
Nous sommes fin août 1987 et arrive déjà la 8e journée. Le début de saison 1987/1988 a été porteur de grands espoirs, après une belle victoire face à Nantes en ouverture (3-0), et l’impression a été d’autant meilleure que la saison précédente s’était terminée en eau de boudin, avec des joueurs très peu impliqués, comme on l’a évoqué ici. Mais très vite, le LOSC retombe dans ses mauvaises habitudes, en étant très fébrile à l’extérieur (même si 1 point a été ramené de Lens, 6e journée), et en perdant des points bêtement à la maison (0-0 contre le Havre, 7e journée). Résultat, avant de se rendre à Montpellier, qui a le même nombre de points (7), le LOSC est déjà sur la bonne voie pour se placer dans le ventre mou du championnat.
Le LOSC au Parc des Princes en septembre 1987
Mais Georges Heylens affiche ses ambitions : « nous allons faire en sorte, ce week-end, que le LOSC fasse partie de ces bonnes surprises qui agrémentent le championnat ». Et il annonce même une équipe offensive : « les Onze alignés devant le HAC seront à Montpellier, mais peut-être dans un schéma tactique différent… Pourquoi pas avec quatre attaquants ». « On croit rêver » s’amuse la Voix du Nord (28 août).
Mais en face, Montpellier a belle allure sur le papier : la Voix du Nord indique que le recrutement estival (Rust, César, Cubaynes, Laurey, Perez, en plus de la prolongation de Blanc) a porté la masse salariale du club à 3,8MF, ce qui est considéré comme élevé et révélateur des ambitions du club.
Les Dogues se présentent avec la composition suivante, sans une de leurs recrues, Zappia, blessé :
Lama ; Galtier, Buisine, Thomas, Pastinelli ; Fiard, Angloma, Périlleux, Daniel ; Desmet, Vandenbergh.
Très vite, Montpellier prend les commandes du match, avec un Milla omniprésent devant : « en moins de 10 minutes, Montpellier avait résolument pris la direction des opérations, et la soirée de Bernard Lama s’annonçait plus que mouvementée » (30-31 août). Milla, seul aux 6 mètres, place à côté, puis Bernardet et Laurey tentent leur chance, sans réussite encore. Seul répit pour les lillois : l’irruption d’un chiot sur le terrain, qui avait peut-être repéré quelques Dogues en difficulté à qui il fallait prêter patte forte. Après une courte interruption du match, le MHSC reprend sa domination, mais « combien de temps Lille allait-il résister à pareil traitement ? ». Eh bien pas longtemps, puisque Perez reprend victorieusement une première tentative de Baills repoussée par Lama (1-0, 25e).
Survient alors l’incident du match. On joue la 32e minute : à environ 25 mètres du but de Lama, Cubaynes charge Buisine et récupère le ballon. Les Lillois s’attendent à ce que l’arbitre, M. Harrel, siffle en leur faveur, mais rien ne se passe et l’attaquant montpelliérain se rapproche du but lillois. À proximité de la surface, Thomas est pris d’une « vengeance réflexe » (la Voix des Sports, 31 août) : grosse faute, cette fois sifflé par l’arbitre qui indique… le point de penalty, à la grande surprise des Dogues, pour qui la faute a été commise en dehors de la surface. Déjà en colère pour ne pas avoir bénéficié d’une faute sur la charge de Cubaynes, les Lillois contestent vivement. Cubaynes, lui, ne se fait pas prier pour inscrire le deuxième but des locaux (2-0, 33e).
C’est alors que, sur le banc lillois, Georges Heylens et Charly Samoy s’agitent, et font des signes à leurs joueurs qu’il est difficile d’interpréter. Charly Samoy s’aventure même sur le terrain, poursuivi par le délégué fédéral, qui ne comprend pas trop ce que veut le directeur sportif du LOSC. Toujours en colère et manifestement invités à réagir, les joueurs lillois filent alors vers le banc et semblent ne pas vouloir reprendre le jeu. Était-ce l’intention de Samoy et d’Heylens ? Sous les huées du public, on discute entre Lillois, et Lama tente de calmer Jean-Luc Buisine, furieux à triple titre : que la charge sur lui n’ait pas été sifflée, que Montpellier ait obtenu un pénalty pour une faute dont l’emplacement n’est pas certain, et que Heylens envisage de le sortir.
Photo Jacques Verhaghe
Selon la Voix des Sports, l’intervention de Georges Heylens, « celle d’un entraîneur appelant son capitaine avant la remise en jeu, fut très mal perçue. La plupart des joueurs lillois se dirigèrent vers la sortie, estimant sans doute que leur entraîneur souhaitait réagir vivement à la suite d’un pénalty pour tous injustifié ». Il semblerait en réalité que l’entraîneur du LOSC ait seulement voulu signifier à son capitaine de se calmer, mais la décision de l’arbitre a paru si injuste aux Lillois, et la colère de Buisine était telle que les Dogues semblaient n’avoir besoin que d’un signe pour rejoindre prématurément la douche.
Georges Heylens se défend en tout cas d’avoir eu l’intention de quitter le terrain « tout en reconnaissant que son appel pouvait être sujet à interprétation (…) On comprit que, si son équipe avait bel et bien perdu les pédales, il restait, lui, en ligne avec l’éthique sportive. Jamais il ne quittera la scène, tant que le rideau ne sera pas tombé dans les délais normaux ».
Après un moment de flottement, le LOSC effectue en fait un remplacement qui ne concerne pas Buisine : Prissette remplace Daniel, autrement dit il s’agit d’un changement visant à renforcer la défense. Heylens s’en explique : « j’ai pris cette décision pour assurer mon arrière-garde. Il convenait de réorganiser notre assise car, à ce moment précis du match, j’avais le sentiment de ne plus avoir d’équipe ! ». Montpellier marque un troisième but par Milla, refusé pour hors jeu (42e), puis Laurey s’effondre dans la surface, mais cette fois, l’arbitre ne siffle pas un pénalty « qui cette fois paraissait parfaitement justifié » selon la Voix des Sports. Cela fait probablement partie des péripéties qui conduisent l’hebdomadaire régional à qualifier l’arbitrage comme « basé sur la compensation ».
« On se demandait à quelle sauce l’équipe héraultaise allait assaisonner sa rivale après l’entracte » (VDS) : mais Lille se montre enfin à la reprise, dès la première minute. Avec une « folle lucidité » (VDN), Desmet se joue de Stojkovic avec une roulette et enchaîne avec un tir sans élan « d’une précision diabolique » (VDS) qui laisse Rust sans réaction (2-1, 46e). On pense alors le LOSC capable de revenir, d’autant que Montpellier, rattrapé par le doute « s’attira les sifflets d’un public versatile, comme toutes les chambrés du Sud où l’on ne conçoit pas la moindre dérobade » (VDS). Lille fait alors jeu égal mais sans se créer d’occasion réelle, en dépit de quelques chevauchées d’Angloma ; mais les frappes de Prissette, Périlleux et Fiard ne sont pas cadrées. En fin de match, Heylens lance Garcia à la place de Galtier, mais Montpellier assure sa victoire par Ferhaoui, lui-même entré en jeu quelques minutes avant (3-1, 84e).
Une nouvelle fois, Lille s’incline à l’extérieur. Samoy, mécontent de cette incapacité à ramener des points des déplacements, se demande : « pourquoi faut-il donc toujours attendre d’accuser un handicap pour extérioriser des qualités totalement absentes jusque là ? ».
« Vous reprendrez bien une petite rengaine » titre la Voix des Sports ; un titre qu’elle aura encore bien des occasions de recycler.
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