Posté le 24 février 2022 - par dbclosc
Le retour de Christophe Pignol
Le 24 février 2002, Christophe Pignol donne le coup d’envoi fictif du match Lille/Marseille. Après près de 18 mois de lutte contre une leucémie, c’est un homme visiblement en bonne santé qui est acclamé par le public lillois. Pour un avenir footballistique, il est encore trop tôt pour décider.
L’image avait fait le tour de l’Europe, au même moment où le LOSC s’y faisait une place : le 22 août 2001 après avoir réalisé l’exploit d’éliminer Parme, les joueurs lillois effectuait un tour d’honneur en brandissant un maillot de leur coéquipier Christophe Pignol, gravement malade depuis plusieurs mois. En associant leur coéquipier absent à cette qualification, les Dogues rappelaient une nouvelle fois qu’on ne les soutenait pas que pour leurs qualités footballistiques.
La nouvelle était tombée en avril 2001 : après un stage au Maroc comblant une partie de trois semaines de trêve au début du printemps, Christophe Pignol ressentait une grande fatigue, au point de ne plus pouvoir suivre le rythme de ses équipiers lors des footings à l’entraînement. Le résultat de la prise de sang qu’il avait alors demandée lui révèle bien plus que le petit virus soupçonné : c’est une leucémie. Ce diagnostic était tombé juste avant un match à Auxerre, avant lequel les Lillois, les mines bien tristes, avaient affiché pour la première fois leur soutien sur des t.shirts floqués « Pour Christophe Courage ». Manifestement la tête ailleurs, les Dogues avaient encaissé un but d’entrée suite à de grossières et inhabituelles erreurs défensives, avant de repartir avec le point du nul (1-1).
Le nom de Christophe Pignol s’était déjà trouvé au centre des conversations à Grimonprez-Jooris un soir d’octobre 1996 : le LOSC recevait Nantes, et Cavalli pestait à la sortie du vestiaire, en dépit du beau match de son équipe (3-3). En effet, le corner qui avait amené l’égalisation en fin de match de Decroix, un ex qui nous en veut, n’aurait pas dû être botté : « c’est Pignol qui la sort » assurait l’entraîneur des Dogues.
De façon moins anecdotique, son nom fut ensuite évoqué au cours du mercato hivernal 1999/2000 : le LOSC, qui caracolait alors en tête de la D2, cherchait un renfort derrière pour pallier les absences récurrentes de Didier Santini. La piste Christophe Pignol, qui cirait le banc à Monaco, où Puel lui préférait Philippe Léonard, avait alors été sérieusement envisagée, avant que le LOSC ne négocie de nouveau un prêt de Mohammed Camara, déjà présent en 98/99. Mais ainsi, le contact était établi, et finalement l’accord survint au cours du printemps 2000, bien en amont de la fin du championnat.
C’est une recrue de choix pour le LOSC : en engageant un joueur expérimenté, champion de France 1995 avec Nantes (et 2000 avec Monaco, même s’il a peu joué), le club voit arriver une valeur sûre avec qui il a pu négocier précocement : un luxe permis par l’exceptionnelle avance des Dogues, quasiment promus dès le mois de mars. On imagine aussi que son recrutement est basé sur la personnalité du joueur, considéré comme humble et travailleur, ce qui, a priori, correspond à ce que cherche Halilhodzic.
Au lendemain de la dernière journée de championnat, Christophe Pignol est présent en tribunes pour la « fête de la remontée », une façon de déjà l’associer à l’aventure lilloise. Il suit les festivités en tribune avec son épouse.
Sur le terrain, Christophe Pignol s’impose rapidement. Il manque une dizaine de matches à l’automne pour cause de blessure, et revient pour le match contre Sedan, à l’issue duquel, malgré une victoire contre le leader (oui, Sedan était leader), son discours reste modéré : « nous devons rester lucides, conscients que nous pouvons traverser d’autres passages moins fastes. Qu’il faut rester humbles et surtout ne pas perdre de vue notre unique objectif, le maintien. On verra plus tard s’il est possible de viser plus haut ». Son apport offensif n’est pas négligeable car Pignol est passeur décisif à deux reprises (pour Bakari contre Metz et Sterjovski contre le PSG), et on n’oublie pas qu’il est sur l’action du but de Peyrelade contre Lens, ahah quel souvenir.
Christophe Pignol est ainsi titulaire indiscutable dans la défense lilloise jusqu’à la terrible nouvelle du printemps 2001. À partir de là, les informations sur son état de santé sont rares – et sans doute est-ce souhaitable – mais on comprend que sa vie est en jeu. On apprendra a posteriori que lorsque les Dogues fêtent la qualification contre Parme avec le maillot n°6, Christophe Pignol est alors dans la période la plus difficile de son traitement.
C’est donc avec un grand soulagement que, fin janvier, Christophe Pignol apparaît en Une de la Voix du Nord avec des nouvelles rassurantes depuis Aubagne. S’il reste affaibli par 7 mois de soins agressifs et que ses bilans sanguins hebdomadaires ne révèlent pas encore des taux de globules rouges normaux qui le rendent vulnérable au moindre virus qui traîne, il en a terminé avec son traitement depuis trois mois : « mes cheveux repoussent, la barbe aussi. Physiquement, je ne ressemble plus à un malade. C’est important pour le moral » (la Voix du Nord, 28 janvier 2002).
Pour lui, la prochaine étape consiste à reprendre une activité physique. S’il a repris le football avec ses deux enfants, Margaux et Lucas, il n’est pas certain que leur niveau garantisse d’être apte pour la D1. Pour le moment, Christophe Pignol a repris le vélo, uniquement sur du plat, avec difficulté. Son médecin dans le Sud n’est pas capable de se prononcer sur sa capacité à reprendre au plus haut niveau : « je n’ai plus de muscles et il va donc me falloir travailler dur. Mais ce malheur m’a donné beaucoup de force ».
Une rencontre entre Christophe Pignol, à qui il reste un an de contrat, et le LOSC aura lieu au mois de février pour évaluer la situation : « si j’ai une petite chance, je la saisirai. C’est un beau défi. Je ne veux surtout pas avoir de regrets pour plus tard et si ça peut donner de l’espoir à tous ces gens, tous ces enfants malades, montrer qu’on peut passer par des moments pénibles et y arriver… Je vais d’abord taper dans un ballon puis essayer de rejouer à un niveau correct, peut-être pas en D1 ».
Pignol devrait être de passage à Lille dans la semaine du 18 février, c’est-à-dire la semaine où le LOSC recevra successivement Dortmund (8e de finale aller de coupe UEFA) puis Marseille (D1). Si ce retour physique a une dimension symbolique importante, on peut toutefois dire que Christophe Pignol n’a jamais vraiment quitté Lille, où un casier à son nom est toujours dans les vestiaires : « j’ai participé complètement à l’aventure européenne. J’ai vraiment l’impression de faire encore partie de l’effectif, d’exister. Pendant ces 7 mois, il y a eu des moments plus pénibles que d’autres. Dans ces cas là, ils redoublaient d’attention auprès de moi, de ma famille. Il n’y a pas eu que ces gestes symboliques qu’on a vus à la télé, mais aussi des gestes spontanés qui m’ont touché. Leur soutien a été réconfortant. Mais le LOSC est comme ça, exceptionnel. On souligne depuis des années qu’il existe une vraie amitié, une vraie solidarité. C’est dans la continuité. J’ai l’impression de ne les avoir jamais quittés, d’être seulement blessé ou suspendu ».
Arrivé la veille du match contre Dortmund, Christophe Pignol réintègre le groupe : bien entendu, il ne figure pas sur la feuille de match, amis il est dans le vestiaire et assiste à la causerie d’avant-match avant de prendre place en tribune : « j’ai rêvé de ce moment durant tout le temps de mon hospitalisation : revoir le groupe, vivre un match avec lui, retrouver des sensations de vestiaire. Un jour peut-être, je retournerai dans les vestiaires comme si rien ne s’était passé ». Le fameux maillot floqué à son nom est exceptionnellement porté par Salaheddine Bassir… qui égalise à la 73e minute et part célébrer son but devant la tribune où se situe Christophe Pignol.
Pignol rencontre ensuite les dirigeants du LOSC, qui le laissent libre de choisir ce qu’il souhaite : « pour le moment, j’envisage tout. Je ne veux pas me décider trop vite. Je veux relever le challenge et rejouer au foot. Je me donne 4 mois avant de faire le point ». Le préparateur physique du club, Philippe Lambert, lui a fourni un programme à l’issue duquel il devrait y voir plus clair.
La semaine s’achève avec la réception de l’OM à Grimonprez. Cette fois, Christophe Pignol est sur la pelouse, en civil : « c’est formidable de me retrouver là. J’attendais ce moment avec impatience. Jeudi, je n’ai pas voulu aller sur le terrain car je voulais préserver cet instant » (la Voix des Sports, 25 février 2002). Face à un adversaire contre qui il a débuté en D1 (avec Saint-Etienne), Christophe Pignol, né à Marseille, voit dans ce coup d’envoi fictif un signe de sa « renaissance ».
Fin juin, Christophe Pignol a décidé : ne s’estimant plus capable, physiquement et mentalement, de reprendre au plus haut niveau, il informe le LOSC qu’il souhaite résilier son contrat à l’amiable et favoriser sa reconversion en s’engageant avec Andrézieux-Bouthéon (CFA2), club dans lequel il compte préparer sa formation d’entraîneur La direction sortante (Dayan/Graille), en accord avec la nouvelle présidence (Seydoux), lui offre les salaires de sa dernière année de contrat.
Durant un temps, il est envisagé que le n°6 ne soit plus attribué par le LOSC : cette idée n’a finalement été mise en application qu’au cours de la saison 2003/2004.
Merci à @Statilosc pour la photo et ses précisions sur les attributions du n°6
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