Posté le 1 avril 2022 - par dbclosc
LOSC/Bordeaux 2001/2002 : le LOSC au courage
Lors de la saison 2001/2002, la confrontation entre Lille et Bordeaux prévue le 22 décembre est d’abord reportée en raison d’une abondante averse de neige, puis jouée mi-janvier, à un moment où les Dogues ne vont pas très bien.
L’année 2001 s’achève et le LOSC savoure sa nouvelle réussite : après une formidable troisième place en mai, une belle campagne de Ligue des Champions, le club a été reversé en UEFA et a déjà éliminé la Fiorentina. En championnat, le LOSC a été leader jusque début novembre et pointe avant ce match contre Bordeaux à la quatrième place (mais avec le même nombre de points que le deuxième). Bref tout va bien et le club peut ramasser les récompenses de France Football, qui vient d’en faire le « club de l’année » ; Halilhodzic est l’« entraîneur de l’année » ; quant à Francis Graille, il est désigné « dirigeant de l’année ».
On se doute bien que cette période dorée risque de s’achever un jour ou, a minima, d’être un peu moins brillante. Il semble que ce moment soit arrivé en cette fin d’année. Dés novembre, Pascal Cygan a eu quelques soucis avec son entraîneur ; puis Sylvain N’Diaye a provoqué la colère du même Vahid en évoquant son envie de répondre aux sollicitations de la sélection sénégalaise (et donc de participer à la CAN en janvier). En décembre, le LOSC a connu quelques accrocs : élimination à domicile en coupe de la Ligue contre Nancy (D2) 0-2 ; élimination en coupe de France à Libourne 0-2 ; et une première défaite à domicile en championnat contre Sochaux dans des circonstances particulières, mais qui ont mis en lumière un inhabituel manque de sérénité du LOSC.
Épisode 1 : l’hiver tombe sur Grimonprez-Jooris
En ce 22 décembre 2001, outre le fait que ma soeur a 20 ans et un jour, c’est le premier jour de l’hiver : place à Bordeaux ! À l’aller, le LOSC était allé chercher un bon nul (0-0) en Gironde, trois jours après s’être imposé à Parme. Si décembre est agité, Lille vient tout de même de s’imposer à Lorient en semaine (4-2), tandis que Bordeaux est 6e, à 5 points du LOSC.
Vers 18h30, tout semble en ordre pour terminer l’année en beauté, en dépit de la température fraîche (1°). Mais à un peu plus d’une heure du coup d’envoi, il se met à neiger à gros flocons. Une petite averse de neige avait déjà traversé la métropole en milieu de journée, mais sans blanchir les sols ; cette fois, il neige franchement et, outre une visibilité très réduite, la pelouse de Grimonprez-Jooris est entièrement couverte de neige, au moment où les deux équipes commencent leur échauffement. Les stadiers sortent alors pelles et balais, parvenant difficilement à dégager les lignes du terrain et à les recouvrir de peinture rouge. Dans les gradins, on patiente, et comme le club a eu la bonne idée de lancer un concours destinés à ceux qui viennent déguisés en Père Noël, on s’amuse bien.
Mais il neige toujours très fort et, désormais, une couche de deux centimètres recouvre l’herbe. Il devient alors peu probable que le match puisse être joué ce soir. L’attitude des joueurs du LOSC confirme ce pressentiment : Bakari improvise un combat de lutte avec « le jeune Malicki », et c’est le début d’une mini-bataille de boules de neige. Les Dogues rentrent aux vestiaires hilares, puis la composition des deux équipes est annoncée par Anne-Sophie « Madame météo » Roquette.
On apprend alors que l’arbitre, Damien Ledentu, ne donnera pas le coup d’envoi du match à 20h : il demande un délai d’une demi-heure pour se décider. À 19h50, la neige se raréfie, mais le terrain est maintenant dans un état « catastrophique » selon la Voix du Nord. La Voix du Nord croit savoir que les Bordelais verraient d’un bon œil un report, car ils ont déjà joué en semaine un match compliqué sur un terrain gelé, chez eux contre Marseille (0-0).
Dans les tribunes, l’hypothèse du report est quasiment actée : la rumeur d’un match joué le lendemain à 15h circule même.
À 20h30, Damien Ledentu a pris sa décision : « à partir du moment où la sécurité des joueurs n’est pas assurée, il est hors de question que le match ait lieu. En plus, le ballon ne roule pas bien, et la visibilité est très mauvaise ». Cette décision est publiquement officialisée par… Vahid Halilhodzic, revenu sur le terrain, qui s’empare du micro d’Anne-Sophie et en profite pour souhaiter la bonne année ! « Le sorcier bosniaque n’a certes pas arrêté la neige, mais il a par ses mots fait oublier que [les spectateurs] étaient venus pour rien. Finalement, à Lille, il se passe toujours quelque chose ». Les joueurs réapparaissent pour une nouvelle bataille et un tour d’honneur.
Crédits photos : Images d’action / Rudy l’homme
La décision a l’air de satisfaire tout le monde, comme Vahid Halilhodzic : « je pense que l’arbitre a eu raison d’annuler même si mes gars voyaient ce match comme un cadeau pour la fin d’année. Je suis triste uniquement pour ça. Les conditions étaient très difficiles. Je suis navré pour le public, mais aussi pour mes joueurs qui étaient vraiment très motivés. Ils avaient tous très bien récupéré du match de mercredi à Lorient et avaient à cœur de faire le spectacle ».
Le LOSC annonce immédiatement que les billets seront soit remboursés, soit échangés, histoire de faire oublier le report de Lille/PSG de la saison précédente, où les spectateurs avaient dû repayer leur place (y compris les abonnés), avec une remise de 30%1.
Point positif de cet épisode hivernal : le LOSC venait de lancer de nouveaux bonnets, avec une belle campagne publicitaire : la Voix du Nord constate que de nombreux spectateurs quittent le stade en passant par la boutique pour en acquérir.
Voilà donc le LOSC en vacances, rendez-vous en 2002 !
Épisode 2 : le LOSC tente de sortir de l’hiver
Le match Lille/Bordeaux est fixé au mercredi 16 janvier. Depuis le jour de la remise, quelques événements ont agité la vie losciste : Vahid Halilhodzic est au repos forcé après une chute aux sports d’hiver, le LOSC a perdu à Montpellier puis contre Lens, Patrick Collot a pris sa retraite, et le mercato du club est désespérément au point mort. Désormais sixième, le LOSC a abandonné, s’il en avait, ses espoirs d’attraper une des deux premières places. Et pendant que le LOSC perdait ses deux premiers matches de 2002, Bordeaux les gagnait, passant donc devant les Dogues. Après une année de succès et six derniers mois intensifs, le LOSC est à l’arrêt, et ce n’est plus dans les habitudes de la maison !
Deux défaites consécutives en championnat : ce n’était arrivé que deux fois sous l’ère Halilhodzic : en septembre 2000 (Bastia 0-1 puis Troyes 1-2) et début novembre 2001, lorsque le LOSC perdit son invincibilité dans cette saison 2001/2002 en perdant successivement à Lyon (2-4) puis à Auxerre (1-2).
Quant aux performances à domicile, si l’on inclut les coupes nationales, nous voilà à quatre défaites consécutives…
Ce match contre les Girondins est alors « le virage à ne pas manquer » selon la Voix du Nord (16 janvier). La température est toujours fraîche mais le temps est sec ; le terrain a beaucoup souffert du derby et est en mauvais état. Le LOSC, privé de ses africains (Bassir, Fahmi, N’Diaye, Olufadé), et de ses blessés (Ecker, Be. Cheyrou), se présente avec la composition suivante, devant 18 000 spectateurs :
Wimbée, Pichot, Delpierre, Cygan, Tafforeau ; Michalowski, D’Amico, Landrin, Br. Cheyrou, Sterjovski, Bakari.
L’arbitre se nomme Roberto Rosetti, et il est italien : les arbitres français étant retenus par leur stage annuel de remise en forme à Quiberon, la Ligue a fait appel à la main-d’oeuvre étrangère pour diriger les trois matches en retard de ce mercredi.
Les Dogues se montrent les premiers avec un centre de Sterjovski repris de la tête par Cheyrou, et dégagé en corner par Jemmali… de la main : ça ne se siffle pas en Italie. Dans la foulée, un tir de Bruno Cheyrou inquiète de nouveau la défense bordelaise mais Ramé repousse de la poitrine (13e). Dans l’ensemble, Lille tente de mettre en palce un football cohérent en tentant de surmonter ses difficultés techniques, tandis que Bordeaux joue avec davantage de maîtrise. De la tête, Dugarry contraint Wimbée à une belle manchette (18e). Sur un mouvement rapide bordelais, Delpierre commet une grossière faute sur Dhorasoo : c’est un pénalty que transforme Pierre-Michel Paulette, mieux connu sous le nom de Pedro Miguel Pauleta (0-1, 29e).
Lille réagit avec un coup-franc de Cheyrou boxé par Ramé (39e), mais le LOSC souffre d’un « grave déficit technique » qui le contraint à rejoindre les vestiaires avec un but de retard.
En seconde période, Lille reste brouillon mais campe dans le camp adverse. Un nouveau coup-franc de Cheyrou est arrêté par Ramé sous sa barre (53e). La générosité des Dogues est récompensée à la 72e : Pichot envoie un long ballon vers Sterjovski à l’entrée de la surface. Ramé sort mais percute violemment son défenseur Alain Roche, du genou ; son dégagement approximatif est alors repris à 22 mètres par Djezon Boutoille, tout juste entré en jeu, qui réussit l’exploit de marquer un but de la tête encore plus lointain que celui que Laurent Peyrelade avait inscrit la saison précédente au même gardien (1-1, 72e). Voilà une « action peut être pas très claire mais drôlement rentable ». C’est le dernier but marqué par Djezon Boutoille en première division, et son avant-dernier avec le LOSC (il marquera en intertoto lors de l’été 2002). Le voici sur Fréquence Nord :
Alors que l’on croit que le LOSC a fait le plus dur, Bordeaux repart de l’avant après une longue interruption consécutive à la blessure de Roche et, sur un centre de Jemmali, Pauleta réussit entre Pichot et Cygan un rapide enchaînement contrôle/frappe qui trompe Wimbée au premier poteau, avec l’aide d’un sale rebond (1-2, 78e).
Pauleta marque ici deux des 11 buts qu’il a inscrits contre le LOSC en championnat durant sa carrière. Seul Rennes (12) en a encaissés davantage en D1/L1.
Cette fois, on croit que Lille ne s’en sortira pas ; mais, même en difficulté, même approximatif, même laborieux, Lille pousse et Cygan, montré du doigt après la défaite dans le derby en raison d’une passe raté qui a abouti au but lensois, reprend de la tête un corner de Murati (2-2, 90e).
Bakari a même une balle de match, mais il se montre maladroit (91e). Comme en 2000/2001, Lille/Bordeaux s’achève sur un nul 2-2.
La Voix du Nord résume ainsi la prestation du LOSC, marquée par un état d’esprit retrouvé :
« Menés à deux reprises au score et souvent en difficulté face à des adversaires bordelais maîtres de leurs nerfs et surtout de leur technique, les Lillois n’eurent jamais vraiment leurs aises dans un match qui ne leur offrit guère d’ouvertures et les confina trop souvent dans un rôle obscur. Mais avec leur fierté comme guide, ils ne baissèrent jamais pavillon, même quand les événements leur étaient franchement défavorables. Mieux, alors qu’on les croyait atteints moralement après un deuxième but terrible de Pauleta, Pascal Cygan – symbole de la résistance nordiste – réussit l’impossible exploit : arracher le nul à une belle équipe girondine ».
Djezon Boutoille salue une « victoire morale » : « on savait que nous n’étions pas très bien… Le fait d’être revenu deux fois est un signe révélateur : ce soir, on a retrouvé le collectif lillois. Et le but de Pascal est un autre symbole… ». Mais le second buteur lillois, lui, rumine encore le derby : « nous commencions à cogiter et le groupe avait le dos au mur. Aussi, même si nous n’avons pas été excellents, il est essentiel que le LOSC ait retrouvé ses valeurs. Mon but ? À quoi bon le raconter ? Je peux vous rappeler l’autre… ».
Un résumé du match :
Note :
1 Ce match a été interrompu à la 63e minute. Le règlement de la Ligue prévoit qu’un billet reste valable si un match est arrêté en première période, et qu’un match à rejouer après interruption en seconde période est payant. Mais dans les faits, le club dispose d’une certaine latitude. Dans le cas présent, Pierre Dréossi avait répondu aux supporters qui espéraient la gratuité que le LOSC n’en avait pas les moyens, évoquant des dépenses liées à la mobilisation exceptionnelle des forces de police pour un match classé « sensible » (300 000 francs), la réimpression des tickets (2 500 francs), le paiement de celles et ceux qui tiennent les guichets, la mise au vert des joueurs (25 000 francs), le paiement des secouristes ( 3 000 francs), et l’éclairage. Coût total estimé de l’organisation du match : 800 000 francs. La décision de proposer des billets réduits à 30% est donc présentée comme répondant à la nécessité de financer les coûts de l’organisation du match tout en faisant un geste à destination des supporters.
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