Posté le 31 mai 2022 - par dbclosc
Un derby plein d’espoirs
Le 31 mai 1995, pour la dernière journée de championnat, le LOSC remporte 3-1 un derby sans enjeu sportif, face à des Lensois probablement démobilisés après leur qualification européenne. La fin de saison des Dogues (3 victoires consécutives) fait planer la douce illusion que le club, autour de ses jeunes, est sur les bons rails.
Gagner un derby, fût-il sans (véritable) enjeu, est toujours plaisant. D’autant plus quand ça arrive au LOSC qui, en 1995, connaît bien peu de raisons de se réjouir, et ce depuis plusieurs années. Mais de la satisfaction à l’emballement général, il y a une distance que les dirigeants lillois ne semblent pas avoir bien mesurée. Revenons donc sur les mois qui ont précédé ce Lille/Lens du printemps 1995.
Bernard Lecomte, réaliste et ambitieux
Depuis un peu plus d’un an, Bernard Lecomte a pris la présidence du club. Et si son arrivée a d’abord été perçue comme une énième manifestation de l’instabilité chronique du LOSC (Bernard Lecomte est le sixième président depuis 1990 pendant que cinq entraîneurs ont défilé sur la même période : voir par exemple ici un épisode « présidentiel » croustillant, et ici pour une séquence « entraîneurs et tergiversations »), ses débuts semblent marquer une rupture avec le passé. En septembre 1994, à l’occasion des 50 ans du LOSC, Bernard Lecomte, qui a longtemps été collaborateur de Jacques Dewailly, expose ses idées d’une manière qui tranche avec celle de ses prédécesseurs. Il explique avoir dû trouver des fonds en urgence durant l’été, sous peine de voir le club disparaître, fonds qu’il a trouvés, ce qui montrerait selon lui que « les gens sont très patients. Depuis que je suis au club, je sens un attachement viscéral au LOSC, dans toutes les couches de la métropole ».
Le président est confronté à une tâche immense : éponger la dette du club. On rapporte qu’il multiplie les contacts avec les acteurs économiques régionaux, sans parvenir à mobiliser encore autour du club, mais son dynamisme et sa transparence séduisent. Son idée est de faire du LOSC un « fait social » et contrer l’idée que le foot serait « un spectacle du samedi soir, avec des types en culottes courtes, trop payés (…) Un club de foot, c’est autre chose. Sur les plans social et civique, il peut avoir une importance prépondérante. Aussi, je ne comprends pas la position des collectivités. Comment peuvent-elles ne pas avoir envie de soutenir ce club, qui est l’unique moyen de faire parler de Lille, tous les huit jours, et dans toute la France ? » (la Voix du Nord, 14 novembre 1994)
En attendant un hypothétique redressement, le club est toujours sous haute surveillance financière, et sa survie reste fragile : « il ne faut surtout pas se casser la figure dans les deux années qui viennent (…) Nous serons plus à l’aise quand nos énormes emprunts seront remboursés. En attendant, nous vivrons encore dans la tourmente et nous prendrons des coups. Mais ça vaut le coup d’essayer ». Dès novembre, la Voix du Nord considère son discours « clair, précis, fondé », soit bien loin des promesses et des illusions passées. Certes, le programme n’est pas très réjouissant, mais il a le mérite de l’honnêteté. En décembre, le même quotidien rend un nouveau bulletin positif à l’élève Lecomte en notant qu’« une évolution notoire, dans les comportements, dans la gestion quotidienne du club, a été enregistrée. Mais il reste encore du pain sur la planche ! » (24 décembre 1994).
Tant que j’ai de quoi bouffer…
Sur le plan sportif, le LOSC propose une saison un peu meilleure que ce qui a été proposé depuis quelques années. Bien sûr, il est encore impossible de prétendre accrocher la première partie de tableau, mais l’entraîneur, Jean Fernandez, montre assez régulièrement sa satisfaction « compte tenu de nos moyens ». Le LOSC oscille entre la 14e et la 16e place, au cours d’un championnat dédoublé : Lille, spécialiste de la victoire 1-0, a un parcours d’européen à domicile, et de relégable à l’extérieur. Les objectifs sont modestes (Fernandez, début 1995, souhaiterait « marquer plus », « aller chercher une victoire à l’extérieur »), ce qui a l’avantage de ne pas susciter d’attentes démesurées. Sur le terrain, l’équipe lilloise montre de l’envie et, aussi bien par contrainte financière que pour pallier les déboires physiques (Perez, Hitoto et Foulon longuement ou régulièrement blessés), s’appuie sur des jeunes de son centre de formation, ce qui correspond à la traduction de l’envie déjà énoncée à leur époque par Marc Devaux et Pierre Mankowski : « ancrer le club dans la métropole ».
La carte jeunes
Antoine Sibierski s’impose durant cette saison comme le leader technique de l’équipe. Derrière, Cédric Carrez apparaît comme la bonne surprise de la saison : incorporé dans l’équipe première par la force des choses lors d’un déplacement à Metz en août (Leclercq, Lévenard et Lykke étaient suspendus), il ne l’a quittée que pour cause de suspension. La Voix du Nord, lors de la trêve hivernale, souligne ainsi que les 10 rencontres disputées sans Carrez ont abouti à 17 buts encaissés par le LOSC, tandis que les 11 rencontres en sa présence n’ont donné que 7 buts encaissés. Grâce à Cédric, indéniablement… De plus, Dindeleux se montre aussi et, quand il joue, Lille ne perd pas. Devant, Boutoille montre de temps à autre « vivacité et qualités de percussion ». Et derrière cette génération, pointent déjà Sanz, Denquin ou Raguel, dont on dit le plus grand bien. Alors certes, c’est encore le temps des vaches maigres (pendant longtemps, Clément Garcia a été le meilleur buteur du LOSC avec 4 buts, tous marqués sur pénalty…), mais il souffle comme un vent nouveau, symbolisé par un centre de formation d’où ne sortent pas des génies, mais des joueurs de devoir par qui pourrait venir le salut : « la présence massive de jeunes dans l’équipe se fait déjà ressentir. Les scènes de joie à l’issue des victoires en sont la meilleure preuve. Le LOSC n’a peut-être pas de grosses qualités, mais il a un coeur (…) Aux oubliettes, les mercenaires qui venaient à Lille pour gagner leur argent ». C’est peut-être aller un peu vite en besogne, mais voilà un peu de fraîcheur.
Objectif stabilité
Si l’inconstance du LOSC entre les matches à la maison et à l’extérieur peut agacer, si son attaque famélique peut agacer, on préfère donc voir le verre à moitié plein en mettant en avant la solidité défensive de l’équipe et sa capacité à faire la loi à Grimonprez : le PSG, notamment, est tombé à Lille à la surprise générale quelques jours après avoir sorti le Barça. En somme, les aspects négatifs du club ne seraient que les derniers soubresauts d’une époque instable avec laquelle le LOSC va bientôt rompre, puisque le LOSC se structure avec les hommes de Lecomte. Comme par exemple, Claude Thomas, directeur général – d’abord directeur administratif, et également sportif depuis octobre 1994 – du club, qui accorde un entretien à la Voix du Nord en avril 1995. Si bien sûr, il regrette qu’un gamin de 14 ans ait été tabassé en tribunes au cours de Lille/Metz, il se veut rassurant quant à l’avenir en montrant que les dirigeants du club ont pris la main : « nous privilégions la stabilité. C’est en bonne voie. S’il devait y avoir des changements, ce ne serait pas de notre fait. Ce qui compte, c’est de continuer à travailler dans la sérénité, avec les mêmes hommes » (15 avril 1995).
Le poids de la dette
On comprend donc que c’est le sentiment de satisfaction qui domine lorsque s’achève la saison. Si, en mai, la presse évoque une dette d’encore 23 MF, les convictions affichées par la direction et la prise de poste manifestement réussie par Lecomte plaisent. Et lui-même semble se prendre au jeu : « c’est un vrai défi, une aventure humaine enrichissante. Je suis dedans pour apporter des solutions et remettre le LOSC sur les rails. Quand les gens me demandent « le LOSC, ça vous occupe beaucoup ? », je leur réponds « ça me préoccupe beaucoup ». Mais je commence à mieux connaître le sujet, le milieu » (La Voix du Nord, 18 mai 1995). Cependant, la précarité financière du club a des conséquences très concrètes sur la stratégie sportives et ses possibilités. Le 23 mai, la DNCG encadre de nouveau le LOSC pour le mercato à venir ; cette décision est confirmée en appel en juin. En clair, le LOSC ne peut pas recruter à titre onéreux : il ne peut attirer que des joueurs en fin de contrat ou obtenir des prêts gratuits ; or, les clubs les plus riches vont s’arracher les premiers, et les seconds sont rares sur le marché (et peut être pas bons).
Pourtant, Bernard Lecomte fait désormais figure de bon élève, y compris devant la DNCG, puisque le LOSC a dégagé un bénéfice net de 6MF sur l’exercice en cours ce qui constitue, selon le président du LOSC, « le meilleur « score » du championnat ». La tendance est donc encourageante, mais pas suffisante pour lever les contraintes : « je ne comprends pas trop. Nous tenons nos engagements, notre désendettement est en cours, nous ne faisons plus d’emprunts, et j’ai la possibilité de réserver une petite enveloppe pour recruter un attaquant. Mais la DNCG a d’autres critères. Elle examine la situation nette. Je trouve cela un peu lourd. Si je fais l’économie sur certains postes, pourquoi n’aurais-je pas le droit de réaliser une opération ne dépassant pas nos moyens ? »
Cette incertitude restreint l’horizon sportif du LOSC, qui ne peut recruter que des seconds couteaux, et n’a pas vraiment de quoi vendre… La saison précédente, le transfert d’Oumar Dieng au PSG avait permis d’apporter un peu d’argent. Cette année, le seul dont la côte ait monté, c’est Assadourian. Mais il est en fin de contrat, et Lille ne pourra certainement pas le garder. Les rumeurs l’envoient déjà à Cannes, au Havre, à Lens ou au PSG. Assad déclare : « j’ai rencontré le président, mais aucune décision n’a encore été prise. Cela a pris pas mal de retard. Il a d’abord fallu assurer le maintien. Il est encore possible que je reste, mais il faut voir quelle direction sportive va prendre le LOSC ». A priori, Lille se séparera également de ses autres joueurs en fin de contrat : Garcia, Perez, Cissé, Farina, Bonalair, Rollain. Quant à Friis-Hansen, il lui reste encore un an de contrat mais le club est prêt à le libérer pour services rendus.
Alors, si le maintien est assuré au soir de la 36e journée après une victoire contre Bordeaux (1-0, évidemment, pour la 10e fois de la saison), le LOSC ne peut pas vraiment en profiter pour faire son marché.
Mais, comme nous l’écrivions plus haut, l’impression donnée sur le terrain est plutôt bonne. Une semaine plus tard – miracle ! – le LOSC signe sa première victoire à l’extérieur, au Havre (1-0, évidemment, pour la 11e fois de la saison). Cela fait déjà 12 victoires pour le LOSC, qui n’avait pas fait mieux depuis 1989 (même la saison où Lille termine 6e, en 1991, les Dogues ne gagnent « que » 11 fois).
Il n’est alors pas question de bouder son plaisir au soir de cette 38e journée de l’exercice 1994/1995. Après avoir inauguré la saison nordiste en juillet (1-1 à Bollaert), le derby du Nord la referme au stade Grimonprez-Jooris. Sportivement, tout est déjà bouclé : Lens va retrouver la coupe d’Europe et Lille va donc connaître une 18e saison consécutive en D1. Il n’y a donc pas d’enjeu sportif, mais un derby reste un derby, avec son lot de fierté et de « suprématie régionale ». Dans ces conditions, la Voix du Nord espère que les deux équipes vont « jouer libérées », « se faire plaisir », et miser sur « la carte du panache, de la fantaisie » (La Voix du Nord, 31 mai 1995).
Lille veut bien finir, Lens en vacances
Entre les deux entraîneurs, Jean Fernandez et Patrice Bergues, l’ambiance est cordiale. Chacun salue la saison de l’adversaire. Le Lensois souligne la solidité lilloise à domicile, et le Lillois félicite la qualification européenne des Sang & Or. En parlant de leur propre équipe, les coaches sont également satisfaits. Pour le Lillois, « on n’a pas perdu les matches qu’il ne fallait pas perdre. Le match contre le PSG est un tournant, après avoir été battu par Cannes 0-3. Si on avait perdu ce match là, notre situation serait devenue très difficile ». Pour le Lensois, un point à souligner est la ferveur populaire autour de Lens, aussi bien à domicile (28 000 spectateurs de moyenne) qu’à l’extérieur, ferveur qu’il présente comme… une nouveauté, à rebours de l’idée selon laquelle le meilleur public de la galaxie serait là depuis toujours.
Cependant, Jean Fernandez a bien l’intention de bien finir la saison, et de battre le voisin. Le match aller est un peu resté en travers de la gorge des Dogues qui, à 10 contre 11, sont parvenus à ouvrir le score à Bollaert avant de se faire rejoindre en fin de match sur une action sur laquelle il est impossible de dire si le ballon a franchi la ligne de but : « dès lors qu’on avait l’esprit libéré, l’objectif était de faire le meilleur classement possible, rester concentrés jusqu’à la dernière minute du championnat, pour battre Lens. Un derby, c’est toujours intéressant, notamment pour le public. On est bien. Ce genre de match est toujours particulier, mais on s’est refait une santé et au point physiquement pour faire un bon match. J’avais dit à mes joueurs que la meilleur façon de préparer le derby, c’était de gagner au Havre, pour offrir un bon spectacle à nos supporters. Je les ai sentis très concentrés. Et comme Lens est européen, il faut que soit la fête ».
Ce propos a été bien entendu par Bergues, qui lui semble vouloir dire qu’il sera bien difficile de remobiliser son groupe après trois jours de fête (le match a lieu un mercredi, 4 jours après la 37e journée) : « il y a toujours un enjeu ! Jean Fernandez partage d’ailleurs cette opinion car il disait à ses joueurs de se mettre à l’abri contre Bordeaux pour faire la fête lors du derby. Malgré les fatigues engendrées par les dernières semaines de championnat et la fête de samedi soir, on va essayer d’être à la hauteur de l’événement. On va essayer de racler tout ce qui reste en nous pour aller chercher un résultat ».
C’est peut-être l’avantage de ceux qui n’ont pas l’occasion de faire de grandes fêtes : on a l’impression qu’il y a davantage de motivation et de préparation du côté lillois. Guillaume Warmuz s’en cache à peine : « nous irons à Lille complètement décontractés. Mais le plus important sera tout de même de donner beaucoup de plaisir à notre public ». Du côté des Dogues, on (Gervais) martèle la volonté de se battre jusqu’au bout. Ainsi, Eric Assadourian répète qu’« on a mis un point d’honneur à gagner à l’extérieur, on a fait les choses en professionnels. Contrairement à ce que j’ai vécu ces derniers années, on ne s’est pas relâchés après avoir assuré le maintien ». Antoine Sibierski assure que « même avant Le Havre, on y pensait déjà. Ce derby, on a tous envie de le gagner ». Et pour faire un peu monter la sauce, la Voix du Nord demande aux jeunes Dogues de se rappeler leurs souvenirs de derby, comme Frédéric Dindeleux : « sur un terrain, il suffisait de voir un maillot lensois pour se convaincre que ce n’était pas un match comme les autres. J’avais le coeur serré… », ou Fabien Leclercq qui se souvient d’« un match malsain en minimes. Les parents, sur la touche, avaient des prises de bec. Et on avait gagné 1-0 sur un coup franc que j’ai tiré quasiment depuis la ligne médiane ». On te croit, Fabien.
Bref, le LOSC, qui a longtemps été un acteur timide de ce championant 1994/1995, veut finir en beauté.
Bagarres, Quiniou, Pétasse et Mobati
Mais la Voix du Nord rappelle une triste réalité : un derby est « un événement hors normes dont on attend toujours beaucoup mais qui, hélas, débouche souvent sur pas grand-chose : matches cadenassés, oppositions fades, initiatives muselées, gestes lourds ». En la matière, le derby de l’automne 1992 a probablement touché le fond. Ce Lille/Lens est un match dit « protégé », comprendre : à hauts risques. 500 policiers, une centaine de contrôleurs et quelques personnes en veste rouge sont chargés de surveiller les alentours du stade et les tribunes, où près de 2 500 lensois sont attendus en plus des 11 000 lillois1. Ils seront placés entre la tribune présidentielle et le panneau d’affichage, séparés du reste du public par des barrières sur 4-5 mètres. Vive le sport !
Dès 18h, les premières échauffourées éclatent aux alentours du pont du Petit-Paradis, et quelques personnes se retrouvent dans l’eau.
Sur la pelouse, on espère que l’ordre sera assuré par Joël Quiniou, qui arbitre son dernier match en D1, sur la même pelouse où il avait fait ses débuts (Lille/Le Havre en 1979). Après trois trois coupes du monde et trois finales de coupe de France, Quiniou, qui est un peu lillois (il a étudié deux ans IRA de Lille, à l’époque situés rue Barthélémy Delespaul), a lui-même choisi le Nord pour sa dernière.
En lever de rideau, un match oppose des anciens du LOSC à des anciens du RCL avec, de chaque côté, des jeunes ayant été récompensés après l’opération « match » menée par Didier Six. Dans l’équipe lensoise figure le jeune Beaurinois Stéphane Pétasse, qu’on salue bien bas.
Lille se présente avec la composition suivante :
Nadon ; Foulon, Leclercq, Carrez, Dindeleux ; Bonalair, Hitoto, Lévenard, Sibierski ; Farina, Assadourian. Remplaçants : Duncker, Friis-Hansen, Denquin, Lauricella.
Et Lens avec celle-ci :
Warmuz ; Sikora, Magnier, Wallemme, Adjovi-Boco ; Laigle, Debève, Meyrieu, Brunel; Boli, Dallet. Remplaçants : Héréson, Déhu, Oruma, Foé, Arphexad.
L’avant-match est marqué par une charmante attention : Thierry Bonalair, le capitaine du LOSC, offre un bouquet de fleurs à Frédéric Meyrieu, capitaine du RCL. Meyrieu est en effet exceptionnellement capitaine car son club a annoncé son départ. Une délicate démarche que Meyrieu, manifestement pas trop d’accord, ne mettra en pratique qu’en décembre 1996.
Le coup d’envoi est donné après une minute de silence en la mémoire de Gaston Mobati, lillois de 1986 à 1989, décédé quelques jours plus tôt à l’âge de 33 ans.
Lille met des buts
La Voix du Nord souligne d’entrée la « grande détermination lilloise ». Sur sa première véritable offensive, le LOSC trouve l’ouverture : Leclercq lace Assadourian dans l’axe, qui prend Magnier de vitesse et conclut calmement du plat du pied (1-0, 11e).
Dans la foulée, une combinaison entre Sibierski et Assadourian aboutit à une situation chaude dans la surface lensoise, et il faut trois lensois pour empêcher Farina de doubler la mise (14e).
Puis, après une perte de balle de Farina en milieu de terrain, Meyrieu surprend tout le monde en frappant de loin : son tir puissant termine sous la barre de Nadon (1-1, 21e). L’égalisation lensoise provoque une bagarre en tribunes : cinq personnes sont légèrement blessées, dont un enfant de 7 ans qui a reçu une brique sur la main. Beau symbole pour un derby du Nord !
Sur le terrain, le match se crispe également : « les deux équipes laissent traîner les crampons. Pendant de longues minutes, l’engagement fut plus que limite. On oublia de part et d’autre l’essentiel : le jeu. Où était le plaisir ? Sur un accrochage, il fallut même séparer Meyrieu et Leclercq ». En fin de première période, une tête de Farina (34e), puis un tir de Boli (44e) ne permettent pas de modifier le score.
En seconde période, Lille repart à l’attaque : Carrez lance Assadourian dans sa position préférentielle sur l’aile. Le centre d’Assad est repris au second poteau par la tête de Farina (2-1, 50e).
On assiste alors à 10 minutes palpitantes, durant lesquelles Dallet manque d’égaliser sur une tête plongeante (54e), puis Adjovi-Boco sauve devant Farina (60e). Le match est ensuite moins animé : seule une volée de Déhu, bien captée par Nadon, rappelle que les Lensois sont toujours en vie (73e). Mais, manifestement éprouvés physiquement et en pleine décompression, les Sang & Or n’insistent pas et laissent même s’échapper Farina qui dribble toute la défense adverse et inscrit un doublé (3-1, 88e).
Le LOSC remporte le derby pour la première fois depuis 1989 (dans l’intervalle, Lens n’en a gagné qu’un, tous les autres ayant abouti sur un nul). Joël Quiniou, qui n’a pas sorti un carton pour sa dernière, est symboliquement expulsé par Thierry Bonalair, qui lui a piqué ses cartons : « j’aurais pu boucler la boucle à Lens comme à Lille. Pour moi, ce sont deux endroits où les gens savent privilégier la fête. Le football français devrait s’inspirer de ces exemples ». Juste après ces déclarations, les CRS sont appelés pour séparer des supporters lillois et lensois, tandis qu’« un supporter lensois a été évacué au CHR après avoir été frappé par des écervelés de service »
Du côté de Lens, les réactions sont évidemment amères. Guillaume Warmuz confirme que « ce qui nous a manqué, c’est la fraîcheur. Nous avons été européens samedi et nous avons arrosé cela comme il le fallait. Les nuits ont été raccourcies. Mais Lille a bien joué le coup, comme il l’a fait durant toute la saison à domicile » ; Mickaël Debève rappelle que « nous étions venus faire un résultat. Nous nous sommes fait prendre bêtement sur le premier but. Nous avons réussi une magnifique égalisation. Mais deux contres d’Assadourian nous ont tués. C’est dommage de finir sur une mauvaise note ». Jean-Guy Wallemme reconnaît le relâchement de son équipe : « on a décompressé après la pression de 37 journées. Mais on n’a pas d’excuses, Lille a été meilleur que nous ».
Le compte rendu France Football
Mi-rage, complet désespoir
En revanche, du côté du LOSC, c’est une grande satisfaction : Lille a su aller au bout pour finir le championnat en trombe : 12e victoire à la maison, 5e match sans défaite, 3 victoires consécutives, et deuxième victoire avec plus d’un but marqué. Pour la première fois de la saison, les joueurs viennent saluer le public ! Pour Thierry Bonalair, « on termine la saison sur trois victoires, on marque 3 buts dans le derby, je pense qu’on ne peut qu’être satisfaits. On a vécu une saison moyenne, mais avec quand même de bons moments. Tout le monde a su serrer les coudes » ; Jean-Claude Nadon attribue une partie de la réussite de cette saison au fait que les joueurs savaient ce qu’ils avaient à faire : « cette année, on nous avait dit que ce serait difficile. On savait où on allait » ; Assadourian : « j’ai voulu tout donner pour ce qui sera peut-être mon dernier match à Lille. Mais rien n’est encore décidé. J’ai vécu 5 années splendides et ce sera vraiment un gros manque si je dois m’en aller »
« Ce qui compte, quand il n’y a plus d’enjeu, c’est que les joueurs restent concentrés. Et croyez-moi, ils l’étaient. Et ils étaient fiers de battre un Européen » sourit Jean-Michel Cavalli, l’adjoint de Fernandez. Manifestement, cette mobilisation jusqu’à la fin est la preuve d’un professionnalisme qui a beaucoup manqué. En somme, voilà enfin une saison aboutie : avec 48 points, Lille est même plus proche de l’Europe que de la relégation. « Le LOSC a tenu parole » selon la Voix du Nord, et Jean Fernandez insiste sur le travail accompli : « depuis que je suis entraîneur, je suis toujours parvenu à faire en sorte que mon équipe gagne plus de points sur la phase retour que sur la phase aller. Cette fois, nous en avons pris 4 de plus. C’est le signe que les garçons ont bien travaillé. Il a fallu régler des automatismes, régler des problèmes humains et puis l’équipe a pris confiance en elle. Voilà ».
Quant à Bernard Lecomte, il est un président heureux « c’était une soirée-champagne. De celles qui laissent augurer une saison prochaine un peu moins dure. C’est une sorte de tremplin, même si l’équipe va changer. L’esprit est là, le travail a payé ». La Voix du Nord embraye en écrivant que « l’esprit losciste est né » ou encore que « le LOSC s’est peut être bâti hier soir un début d’avenir ».
Finalement, cette embellie est davantage interprétée de façon hâtive comme la fin des difficultés, plutôt que comme un répit passager. Difficile d’en vouloir à des dirigeants qui ne demandent qu’à sortir leur club du marasme et voient sans doute un peu trop vite le LOSC non pas tel qu’il est mais tel qu’ils aimeraient le voir. Si cette fin de saison a fait naître de légitimes espoirs, elle semble avoir précocement emballé tout le monde et a conduit à relâcher la nécessaire attention dont le club a besoin. Alors que le discours de vérité de Lecomte, à son arrivée, a donné l’impression de mobiliser tout le monde, une inhabituelle série a entrouvert des ambitions et des envies encore trop grandes pour le club, mettant de côté les contraintes financières et sportives qui pèsent encore sur lui, mais qui semble soudainement envolées. L’infâme mercato 1995 et l’affreux début de saison 1995/1996 ramèneront vite le LOSC à des considérations plus réalistes et, à moyen terme, à admettre l’inévitable contrepartie de la renaissance : la relégation.
Cette fin de saison 1994/1995 était un beau mirage.
Un résumé du match :
Note :
1 La capacité de Grimonprez-Jooris est en effet à ce moment de 13 564 places, en attendant une prochaine rénovation car le LOSC est en infraction avec les règlements nationaux qui imposent une capacité minimale de 18 000 places assises pour jouer en D1. De plus, les places « Debout » sont désormais interdites au niveau européen, et tolérées au niveau national. Lens, de son côté, a tôt fait d’aménager 34 000 places, toutes assises, à Bollaert.
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