Posté le 7 juin 2022 - par dbclosc
ESW-LOSC (1/6) : Le LOSC gâche déjà
Derby 1 : Contrairement aux pronostics de début de saison, Wasquehal et Lille sont très proches au classement avant leur première confrontation au niveau professionnel. Après un été satisfaisant, Lille connaît une première crise de résultats à l’automne, et se déplace au Stadium avec un effectif décimé. Ce premier derby ne désigne pas de vainqueur, mais Thierry Froger a déjà posé sa patte : Lille gâche énormément.
La première opposition entre Lille et Wasquehal au niveau professionnel est fixée au mercredi 8 octobre 1997, pour la 14e journée du championnat de D2, trois mois après un match très accroché durant le Chalenge Emile-Olivier à Berck-sur-mer. Le LOSC n’avait pas joué de derby à ce niveau depuis le 22 avril 1978 et une victoire à Noeux-les-Mines (3-0). D’ailleurs, lors de sa dernière saison en D2 où figuraient également Dunkerque et Valenciennes, Lille avait remporté tous les derbies. De bon augure avant d’affronter son voisin « métropolitain » ?
L’envie d’une fête
Comme on pouvait s’y attendre, il ne semble pas y avoir d’animosité ou d’hostilité entre les deux équipes et leurs supporters. La presse rapporte en effet la volonté, de la part des dirigeants des deux clubs, que le derby soit avant tout une fête. En amont, le président Decock et Pierre Dréossi se sont d’ailleurs rencontrés pour évoquer les modalités d’un « rendez-vous convivial ». L’Entente espère animer les tribunes avec la venue d’un groupe musical belge (MG), en profitera pour présenter ses équipes de jeunes au public, et le coup d’envoi fictif sera donné par Benoît Z.
Les discours sont apaisants, pacifiques, et on sent que les deux clubs ont davantage de convergences que de divergences. Dans la mesure où l’ESW semble se satisfaire de grandir dans l’ombre de son voisin et qu’elle n’envisage pas de le concurrencer, le projet de club « métropolitain » est dès lors mis au pot commun. L’ambition est ainsi de montrer aux décideurs du coin que le sport, et le football en particulier, ont leur place dans la métropole lilloise, notamment suite à deux déceptions en la matière (pas de coupe du monde ni de Jeux Olympiques à Lille). Ce match est alors vu comme une vitrine exposant les possibilités sportives de la métropole : « il n’y a aucune histoire entre nous. Je n’ai qu’une crainte, par rapport à la cinquantaine d’hystériques incontrôlables qui peuvent changer certaines choses. Pour le reste, chacun des deux clubs a une identité. Je voudrais que Wasquehal soit fidèle à la sienne. Au Stadium-Nord, un endroit fédérateur, ce match sera avant tout un symbole » assure Guy Decock.
Le LOSC doute
Sur le papier, Lille fait bien évidemment figure de favori, ne serait-ce que parce qu’il arrive de D1, et parce que l’Entente arrive de National 1. Et si le LOSC a fait des débuts très encourageants, en alternant victoires à domicile – dont une spectaculaire, 7-3 contre Martigues – et nuls à l’extérieur jusque début septembre, il cale depuis quelques journées. On en est même à quatre matches sans victoire pour les Dogues, qui glissent doucement vers le milieu de tableau : les voilà 7e (sur 22) avant de se rendre au Stadium. Nous voilà déjà éloignés des prétentions de remontée du club.
Mais le LOSC inquiète surtout par son incapacité à imposer son jeu. Le dernier match accouché d’un nul à domicile contre Valence (1-1). Point positif : le LOSC a égalisé en fin de match, en infériorité numérique (expulsion de Leclercq), grâce à un pénalty de Patrick Collot. Points négatifs : la Voix des Sports se charge de l’énumération : « après 13 journées, le LOSC est toujours en quête d’une identité, d’un style, d’une ligne directrice qui puissent le mettre sur les bons rails et lui conférer enfin une autre envergure. Une envergure de vrai prétendant à la remontée immédiate, d’équipe apte à relever les défis de la division 2 » ; « image plutôt terne » ; « défense d’une désarmante naïveté » ; « comment peuvent-ils rater autant d’occasions ? Comment peuvent-ils se faire piéger sur la première attaque digne de ce nom d’un adversaire tout simplement appliqué ? » ; « manque de consistance sur le plan défensif » ; « trio d’arrières souvent approximatif dans ses interventions et ses relances, des placements flous, des absences incompatibles avec la conduite d’un programme ambitieux, une fragilité morale chronique » (6 octobre 1997).
Ainsi, au-delà des résultats, qui ne sont pas infamants, le style laisse à désirer. Thierry Froger tente un 3-5-2 original mais qui fait peser de lourdes responsabilités sur des joueurs défensifs qui ne peuvent peut-être pas encore les assumer. Gaël Sanz, fautif sur le but valentinois, est particulièrement visé. De plus, le coach lillois a tendance à faire tourner son effectif d’un match à l’autre, ce qui peut apparaître comme la marque d’un effectif large aux multiples possibilités mais qui, quand les prestations sont passables, révèle plutôt que Froger n’en finit pas de chercher ses hommes et son style. Les joueurs montrent une certaine lassitude face à ces erreurs à répétitions : « On donne le bâton pour se faire battre ! On ne pourra pas toujours courir après le score ! » (Patrick Collot). Bref, des Lillois « pas très convaincants » (La Voix du Nord, 5 octobre) déçoivent, et Bernard Lecomte tire déjà la sonnette d’alarme : « il y a des choses qui ne m’ont pas plu ce soir ! Je le dis pour qu’on trouve vite des solutions ».
Le favori n’est pas celui qu’on croit
En face, l’Entente Sportive de Wasquehal est en confiance. Certes, les Wasquehaliens sont derrière le LOSC, mais à seulement.. 3 points ! Et au regard des ambitions wasquehaliennes, c’est un début de saison tout à fait réussi, en dépît d’une belle tôle à Caen (0-6). De plus, l’Entente vient de remporter sa première victoire en déplacement, à Martigues (3-1). 14e, Wasquehal est largement dans les temps, et aborde ce derby sans aucune pression, ce que confirme son entraîneur, Michel Docquiert : « Lille a quatre fois notre budget : en face, il y aura une équipe qui vient de D1 et qui devrait jouer une place dans les trois premiers de D2. Le favori, c’est pas nous ». Toute la pression est sur Lille : « contre nous, Wasquehal jouera sa coupe du monde ! » craint Bernard Lecomte.
Du côté des effectifs, l’ESW déplore l’absence de Thierry Cygan, qui s’est claqué avec la réserve, ainsi que de Persoon et Asencio. À Lille, Froger a bien des difficultés pour composer son effectif : aux absents de longue date (Hitoto, Senoussi, Abed, Coulibaly Raguel) s’ajoute les récentes blessures de Peyrelade et de Duncker, ainsi que les suspensions de Leclercq, Collot et Tourenne ! Froger fait dans l’humour en suggérant de reprendre les crampons, en compagnie de Jean-Pierre Mottet. Dans les faits, il est alors contraint de faire appel à Franck Turpin, ainsi qu’à un joueur formé à Wasquehal et qui n’est apparu que deux fois cette saison : Pascal Cygan, qui va être un acteur-clé de ce derby.
Un LOSC fragilisé et Wasquehal revigoré : il n’en faut pas plus pour que la Voix du Nord fasse du promu son léger favori : 51-49 !
La Voix du Nord, 8 octobre 1997
Même si le match est placé en semaine, l’affluence est honorable pour le Stadium-Nord : 11 185 spectateurs dont, bien entendu, une grande majorité de supporters lillois. Sur la touche, Nelly Viennot : c’est la première qu’une femme officie dans le football professionnel dans le Nord. Le terrain est dans un sale état : il pleut depuis la veille, il est inondé par endroits, et le match se déroule dans un « blizzard automnal » selon la Voix du Nord.
Voici les deux compositions d’équipe et leur évolution :
Wasquehal :
Sibille ; Cissoko, Benon, Scrimenti (Bonadéï, 42e), Leroy ; Antunes, Debaets (cap.), Rohart, Titeca (Clément-Demange, 72e) ; Loko (Allais, 78e), Cadiou.
Lille, avec un maillot à dominante rouge :
Aubry (cap.) ; Sanz, Carrez, Dindeleux, Cygan ; Anselin, Landrin, Garcia (Banjac, 69e) ; Boutoille, Lobé, Machado (Renou, 80e). Non entré en jeu : Turpin.
D’entrée, Anthony Garcia, sans appui, glisse et envoie un coup-franc qui part dans les nuages (2e) : il faut composer avec un terrain glissant et difficile. On a coutume de dire que ce genre de conditions équilibre les oppositions : voilà une bonne excuse que peuvent sortir les Lillois pour expliquer leur entame timide. Titeca est contré dans la surface lilloise (4e) puis Aubry, seul face à deux wasquehaliens, fauche Loko : c’est un pénalty que transforme Leroy (1-0, 19e). C’est là la quatrième fois consécutive que le LOSC concède l’ouverture du score…
Le match est équilibré et n’offre pas d’occasion franche : à la 35e minute, un coup-franc excentré de Boutoille atterrit sur la tête de Pascal Cygan, qui égalise et joue un bien mauvais coup à son ancien club pour sa première titularisation de la saison, et son tout premier but sous les couleurs lilloises (1-1). Le but sur Fréquence Nord :
Dans la foulée, Machado est prétendument ceinturé dans la surface wasquehalienne : cette fois, c’est un pénalty, très généreux, pour le LOSC, le cinquième de la saison. Jusqu’à présent, ils ont tous été transformés (4 par Lobé, un par Collot). Cette fois, Lobé glisse dans sa prise d’élan et Sibille détourne de la jambe gauche, au-dessus ! « Dans ce monumental loupé, il y avait sans doute une profonde justice » note la Voix du Nord, qui remarque également que les applaudissements après le pénalty manqué de Lobé sont « plus nourris que prévus ».
Scrimenti, claqué, cède sa place à Bonadéï juste avant la pause : c’est le dernier fait marquant de la première période à l’issue de laquelle les deux équipes sont à égalité.
En seconde période, Lille domine de façon stérile : un centre de Machado rase la tête de Lobé (52e) ; Cygan et Carrez, sur des services de Boutoille, sont proches démarquer mais Sibille est chanceux. En face, Cadiou sert Loko, qui ajuste de peu à côté (61e), seule réaction de wasquehaliens prudemment regroupés dans leur camp.
La 68e minute propose une amusante distraction : les quatre pylônes du Stadium lâchent. Le public patiente 10 minutes dans le noir et tue le temps avec une ola. À la reprise, Machado évite Sibille, sorti loin de son but ; sa frappe est dégagée devant la ligne par Benon. Lille se montre encore par Lobé, dont la tête est renvoyée par Sibille (77e), puis par Boutoille, pas assez rapide sur un centre de Lobé (84e). En toute fin de match, l’ESW est proche de rafler la mise mais Cygan dégage en catastrophe. Le match s’achève sur le score de 1-1.
Lille ne lève pas les doutes
« Les deux équipes n’ont pas livré le match du siècle » juge la Voix du Nord. Dans des conditions atmosphériques compliquées, l’Entente a donné le sentiment de se contenter du nul tandis que les Lillois, plein de bonne volonté mais maladroits et désorganisés, confirment leurs difficultés, et notamment cette incapacité à marquer les premiers, « un mal chronique et désormais inquiétant » pour le quotidien nordiste, que Thierry Froger fustige : « nous ne jouons pas en début de match. Il a fallu attendre d’être menés pour réagir. En deuxième mi-temps, nous n’insistons pas assez. Il y avait la place pour une victoire ce soir, mais on continue à ne pas se libérer suffisamment. Nous ne jouons pas comme une équipe qui a envie de monter ! ». Un constat que partage Frédéric Machado : « on a toujours l’impression qu’il manque un centimètre, même si, à chaque match, on se rapproche davantage de l’objectif. Notre handicap est toujours le même : on démarre le match avec un but de retard ». Même si Lille a dominé, on a le sentiment que les Dogues sont incapables d’accélérer le jeu et de mettre en difficulté leurs adversaires autrement que par quelques coups individuels. Le LOSC stagne et se retrouve après ce match à la 11e place. Pour Cédric Carrez, « sur la physionomie du match, Lille devait l’emporter. Même si les pénalties sont sévères, nous avons eu les meilleures occasions. En ce moment, la roue ne tourne pas dans le sens où on le voudrait. On ne sait pas vraiment l’expliquer, mais il faut forcer les choses ».
La satisfaction est donc bien du côté de l’Entente, qui vient d’engranger 7 points en 3 matches, et qui semble encore s’émerveiller du chemin qu’elle a parcouru avec ses deux montées en 1995 puis 1997 grâce à des valeurs qui dessinent en miroir un portrait inversé du LOSC. Ainsi, Michel Docquiert rappelle : « nous n’avions pas l’intention de nous laisser manger. Nos qualités, on les connaît : notre mental, notre courage, le respect que mes joueurs ont de chaque adversaire et des consignes. Il y a deux ans, nous jouions contre la réserve du LOSC… ». Et l’entraîneur de l’ESW salue même le but de Cygan : « que ce soit Pascal qui égalise face à Wasquehal me rend très heureux. Son sang est wasquehalien ». Le défenseur lillois, lui, qui jouait une carte importante, a réussi son match : « j’aurais préféré le marquer contre Nancy ou à Troyes, mais je suis content aussi d’avoir évité la défaite aux miens. Cela dit, il ne nous a pas manqué grand chose pour l’emporter. Mais nous sommes tombés sur une bonne équipe de Wasquehal, bien solidaire ».
Dans les tribunes, aucun indicent n’a été relevé. Si, sportivement, les regrets sont encore lillois et le bonheur plutôt wasquehalien, dans l’esprit, ce derby est plutôt une réussite : « pas d’agressivité mal placée, dans les gradins comme sur la pelouse. Rien à voir avec la parodie berckoise de la fin du mois de juillet. Un derby, certes, mais sans lensois… et c’est bien mieux ainsi » écrit Pierre Diéval. Une autre façon de dire que le derby Lille/Wasquehal, finalement, ne génère pas (encore ?) de grandes passions.
Les citations et illustrations sont tirées de La Voix du Nord et La Voix des Sports.
La série complète :
Lille/Wasquehal, nouveau derby professionnel
1/6 ESW-LOSC (1-1, 8 octobre 1997) : Le LOSC gâche déjà
2/6 LOSC-ESW (1-1, 14 mars 1998) : L’impuissance lilloise
3/6 ESW-LOSC (0-1, 29 août 1998) Un poing puis trois points
4/6 LOSC-ESW (1-1, 12 décembre 1998) : Toujours les mêmes travers
5/6 LOSC-ESW (1-0, 7 septembre 1999) : Le LOSC inarrêtable
6/6 ESW-LOSC (2-1, 5 février 2000) : Wasquehal inscrit son nom au palmarès
Bilan : LOSC/Wasquehal, le derby oublié de l’histoire ?
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