Posté le 9 juin 2022 - par dbclosc
LOSC-ESW (2/6) : L’impuissance lilloise
Derby 2 : Après avoir dilapidé l’avance de 6 points qu’il avait sur Sochaux, le LOSC vit une fin d’hiver difficile et se retrouve quatrième avant de recevoir son voisin. L’inconstance de l’équipe agace un public qui gronde de plus en plus. Le derby ne lève aucun doute sur les capacités des Dogues à retrouver la D1.
Depuis le derby d’octobre 1997, joué au moment où le LOSC traversait une crise de résultats (le 1-1 de l’aller est le 5e match consécutif sans victoire), les hommes de Thierry Froger ont en partie rectifié le tir, puisqu’une première série de 3 victoires après le match du Stadium les a positionnés à la 3e place, une place qu’ils n’ont quittée que très ponctuellement depuis. Mieux : début février, le LOSC, 3e, a même 6 points d’avance sur le 4e, Sochaux, et se montre capable, en janvier, de battre le leader, Lorient (1-0), et d’aller chercher un point chez le deuxième, Nancy, en février (1-1). Lille perd peu (seulement 4 défaites après 29 journées), mais perd de façon étonnante, comme chez le dernier, Toulon, en novembre (0-1), ou à Gueugnon en janvier, avec un gros écart (0-4). Ces défaites passent encore début février pour des accidents : globalement, même si le jeu du LOSC ne convainc pas, même si les Dogues marquent trop peu de points à l’extérieur, l’équipe montre une certaine solidité et est quasiment intraitable à domicile. Si tout va bien, ça devrait donc passer. Mais Lille a la mauvaise idée de perdre deux fois consécutivement à domicile (face à Amiens ; puis face à Troyes, 0-2). Que Lille ne joue pas bien mais que les résultats soient là, passe encore ; mais si, désormais, Lille n’avance plus, les espoirs de montée seront bien vite envolés. Face à Troyes, devant la piteuse prestation des Dogues, une partie du public envahit le terrain et réclame la tête de Thierry Froger.
Puis Lille s’incline de nouveau, à Valence (1-3). En 6 semaines, le LOSC a perdu autant qu’en 6 mois, et Sochaux est passé devant : que se passe-t-il ? Lille a pris 10 points (sur 24) depuis la reprise en janvier, contre 12 pour Wasquehal. Et le LOSC n’a pris qu’un point sur les quatre derniers matches ! La Voix des Sports pointe « un sentiment d’impuissance ». C’est dans ce contexte qu’arrive le derby retour entre Lille et Wasquehal. Ainsi, comme à l’aller, l’opposition arrive au moment où Lille doute, avec un « parfum très particulier. Assez malodorant… »
Thierry Froger sur la selette
Lors de son arrivée à Lille, Thierry Froger disposait d’un délai de deux ans pour faire remonter le LOSC. Seulement, les circonstances ont fait que, depuis quelques mois, le délai a été ramené clairement à un an. D’abord parce qu’on ne comprendrait pas qu’une équipe qui passe l’essentiel de la saison sur le podium ne monte pas ; et parce que le jeu proposé et les tergiversations manifestes de l’entraîneur ne pourront être supportées une deuxième saison, surtout si elles se révèlent inefficaces. Jusque là souhait de la frange la plus radicale des supporters lillois, l’éviction de Froger est désormais clairement posée dans la presse, et on peut supposer que c’est Bernard Lecomte l’envisage aussi, si jamais Lille ne battait pas son voisin. Le président n’en serait pas à son coup d’essai, après Jean Fernandez et Jean-Michel Cavalli ; seulement, il se discréditerait, après s’être montré tant séduit par le profil de son entraîneur au printemps dernier.
Thierry Froger avait été choisi pour sa connaissance de la D2 et de ses exigences, en termes de concentration d’impact physique notamment. Or, c’est précisément sur ces points que le bât blesse. Après la défaite dans la Drôme, Patrick Collot pointe : « le premier but, c’est lamentable. On n’arrête pas de se répéter ce qu’il faut faire en pareil cas. Et on se fait surprendre ». Et sur le deuxième but marqué par Sorlin, plus prompt, la Voix des Sports rappelle que « savoir s’arracher c’est un art. Et en division 2, c’est un devoir. Les Lillois ne l’ont toujours pas compris ». Si l’on ajoute à cela la déroute à Gueugnon indigne d’un prétendant à la montée, et deux piteuses éliminations en coupe (à Toulon et à Boulogne-sur-mer…), on comprend que la patience dont Froger a jusque là bénéficié atteint ses limites.
Un club assaini, mais des joueurs fragiles
Le 10 mars, la Voix du Nord publie un entretien avec Bernard Lecomte, qui débute par « je suis très en colère » puis, à mesure que l’entretien avance, « j’explose, je n’en peux plus, je dors mal, j’ai la rage » : « pardonnez moi si je suis trivial, mais c’est dommage, dans la dernière ligne droite du championnat, de faire des conneries pareilles ». À vrai dire, on s’interroge sur la motivation réelle de certains joueurs, et Lecomte ne comprend pas que la perspective d’une montée, que tant de joueurs aimeraient avoir sur leur carte de visite, ne suffise pas à exciter ses joueurs, qu’il a décidé de rencontrer, ainsi que son entraîneur, avant le match contre Wasquehal : « il ne faut pas jouer à Forrest Gump et vouloir être partout. Pour retrouver de la sérénité et du sang-froid, il s’agit de se battre ensemble, et non pas que chacun fasse son numéro. Ils ont la tactique et, sans être des phénomènes, ils ont la capacité de jouer collectivement (…) Ils ont la trouille, c’est clair. J’interviens rarement dans la vie de l’équipe. Quand je le fais, c’est qu’il y a urgence. Il est clair que ces garçons sont fragiles. Il ne faut pas les lâcher d’une semelle. J’ai donc demandé à Thierry Froger d’être plus directif avec les joueurs, plus interventionniste dans les matches. Il faut qu’il agisse de manière différente, les joueurs n’ayant pas suffisamment de maturité. Nous sommes confrontés, avec nos joueurs, à un problème de densité de personne ».
Lecomte est d’autant plus agacé et frustré que lui a fait sa part. Dans quelques semaines, il présentera à la DNCG le résultat de 4 ans de travail : le LOSC n’a plus de dettes. Alors au moment où ce que le LOSC a traîné comme un boulet pendant des années disparaît, le président aimerait sans doute que ne lui soit pas immédiatement substitué un problème qui n’a pas lieu d’être à ce niveau, avec la qualité de cet effectif, renforcé au mercato avec le Belge Van Der Heyden. Mais la Voix évoque un effectif « disloqué », des « faiblesses morales ». Sont particulièrement ciblés : Carrez et Dindeleux qui « n’assument pas leurs responsabilités », Leclercq et Duncker « pas au niveau », et Boutoille « transparent », « à force de jouer avec le feu, il va se bruler les ailes ».
Après les incidents de Lille-Troyes, Lecomte veut encore croire que la majorité du public soutient son équipe. Mais, en cas de défaite face à Wasquehal, il craint une nouvelle réaction hostile, au moment où le LOSC est sous le coup d’une suspension de terrain avec sursis. Il faut donc gagner, sans quoi les chances de monter seraient très largement hypothéquées : « c’est le dernier appel au peuple… » lance le président, comme proche de la résignation. On lit dans la Voix du Nord : « financièrement, les choses sont rentrées dans l’ordre. Sportivement, ce serait encore et toujours la valse-hésitation ». Pire, une défaite pourrait même marquer « le début d’une nouvelle donne sur la métropole ». On l’a donc bien compris : « le bilan des Lillois, à l’aube du printemps, est affligeant » et « Lillois et Wasquehaliens s’entredéchireront gaiement dans un match dont les enjeux n’échappent à personne ».
Mise au vert
Début de réaction ou nouveau symptôme d’une navigation à vue, Thierry Froger a scindé son groupe en deux depuis quelques jours. Son effectif est bien trop large, et la rotation qu’il a eu l’habitude de mettre en place semble avoir davantage perturbé les joueurs qu’avoir apporté une régénération régulière du groupe. Il préfère donc travailler avec un groupe restreint : exit, pour l’instant, Banjac, Garcia, Landrin, Anselin, Coquelet, Leclercq, Coulibaly, Sanz et Raguel. La Voix du Nord considère déjà que le groupe est en fin de cycle et que « le salut passera par une refonte générale de l’effectif ». La semaine d’entraînement d’avant derby, au vert à Mont-Saint-Aubert à 99 mètres d’altitude, se fait dans une ambiance sereine : le mardi, Aubry, excédé par on ne sait quoi, quitte prématurément l’entraînement.
Thierry Froger refuse de parler d’« opération commando » mais de « nécessité d’une plus grande concentration avant d’aborder le rendez-vous capital contre Wasquehal » : c’est beau comme de la novlangue managériale. Le LOSC profite des installations de l’US Tournai pour aborder un virage important : « un nul n’arrangerait personne. Une défaite ? Il faudrait en tirer les conséquences… » estime Lecomte.
Salutations réciproques
Pour l’entraîneur de l’ESW, Michel Docquiert, la mise au vert du LOSC est la preuve que les Dogues préparent le match avec sérieux : « cela m’impressionne plutôt. C’est bien la preuve qu’ils nous respectent énormément ». Docquiert affirme qu’il y a « beaucoup de respect de part et d’autre », salue le « courage des supporters lillois sous la pluie » lors du match aller. On se respecte, on s’encourage, on s’admire : l’ambiance est à l’estime de part et d’autre. Michel Docquiert rappelle d’ailleurs : « pour moi, quand j’étais adolescent, Lille était le grand club de référence. Jouer à Grimonprez-Jooris me procure le même genre d’émotion que d’être à Geoffroy-Guichard ! Et puis on peut les remercier… Grâce au derby, on parle un peu plus de nous… ». Les joueurs de l’ESW aussi affirment la supériorité lilloise, comme Hervé Leroy : « Wasquehal a toute sa place en D2. La place de Lille est d’être un grand club européen, représentant de toute la métropole en D1 » ; ou Jean Antunès, spectateur à Grimonprez quand il était enfant : « la métropole doit avoir un club-phare. Lille, en l’occurrence ». Thierry Froger, un peu maladroitement, affirme : « ça me plairait d’avoir une équipe comme Wasquehal à entraîner. Elle a un mental extraordinaire ».
Le match est donc l’occasion de rappeler la proximité entre certains membres des deux clubs : par exemple, le directeur sporitf du LOSC, Pierre Dréossi, tout comme ses frères Eric et Marc, mais aussi son père, sont passés par l’Entente. On comprend dès lors qu’il ne peut pas y avoir de rivalité au-delà de celle, très feutrée, du temps du match. Le LOSC a d’ailleurs offert un billet à tous les jeunes de l’Entente, un geste très apprécié à Wasquehal.
Bien entendu, on comprend aussi que le concert de louanges que les Wasquehaliens adressent aux Lillois est le moyen de se dégager de toute pression. Puisque c’est presque David contre Goliath, aucune raison d’envisager autre chose que la normalité du rapport de forces : « un nul serait un exploit. Une victoire nous permettrait de faire la fête pendant 3 jours. Une défaite ? Nous aurions 10 jours pour préparer la venue du Mans » lance Docquiert.
Pour Patrick Collot, « ce sera le match le plus difficile de l’année » ; « on doit retrouver nos bases, notre collectif » assure Froger. Juste avant l’entrée des joueurs, une supportrice du LOSC et un supporter de l’Entente, chacun.e avec drapeau aux cloueurs de leur club, font un tour de stade.
À leur entrée, les joueurs sont accompagnés de jeunes des deux équipes.
Voici les deux compositions d’équipe et leur évolution, devant 11 125 spectateurs payants :
Lille :
Aubry ; Duncker, Carrez, Dindeleux, Cygan ; Hitoto (Senoussi 77e), Collot (cap., Renou 62e), Van Der Heyden ; Peyrelade, Boutoille (Machado 78e), Lobé.
Wasquehal, sans Leroy (cuisse), T. Cygan (appendicite) et Clément-Demange :
Sibille ; Cissokho, Scrimenti, Benon, Asensio ; Antunès, Debaets (cap.), Rohart, Bonadei, Cadiou ; Loko (Allais, 82e).
L’entame est timide, des deux côtés. Un une-deux entre Lobé-Duncker permet à Boutoille de se retrouver en bonne position, mais l’attaquant lillois est contré (11e). Sur la relance, la première percée de l’ESW est la bonne : Asencio lance bonadeï sur la gauche, dont le centre au premier poteau est repris par Loko (0-1, 13e). une partie du public lillois gronde… l’autre encourage son équipe. Sur la pelouse, les Dogues réagissent plutôt bien, avec Boutoille qui bute sur Sibille, puis une faute de Sibille sur le même Boutoille. Cette fois, c’est pénalty et, contrairement à l’aller, Lobé transforme (1-1, 21e).
La première période est assez ouverte : un coup-franc de Van Der Heyden passe près de la lucarne (27e). Wasquehal, tranquillement positionné, place quelques contres : sur l’un deux, Debaets, seul, tire sur Jean-Marie Aubry (37e). Juste avant la pause, Lobé échoue devant Sibille (43e).
La seconde période est plus fermée. Lobé, encore, ne peut conclure (59e), puis Van Der Heyden envoie un missile de 30 mètres que Sibille regarde filer… au ras de sa lucarne (61e). L’entrée de Renou perturbe un temps l’arrière-garde de l’Entente : Renou sert Lobé qui manque encore (67e). Dans la minute suivante, Aubry sauve devant Loko (68e). En fin d ematch, malgré l’activité de Renou et de Lobé, Lille ne parvient pas à inscrire un deuxième but. Comme à l’aller, les deux équipes se séparent sur le score de 1-1.
Jean-Marie Aubry, dont on sait que les relations avec Froger ne sont pas au beau fixe, est particulièrement excité à la fin du match, tandis que résonnent quelques « Froger, démission ! ». Michel Docquiert doit le calmer, suivi de près par Lionel Jospin, qui s’apprête à faire un beau score avec la gauche plurielle.
Match nul à domicile contre le 16e du classement : c’est une nouvelle déception pour le LOSC, qui ne gagne plus depuis 5 matches et semble toujours aussi peu capable de prendre le jeu à son compte. Pour la Voix du Nord, on a vu des « Lillois égaux à l’image qu’ils donnent d’eux-mêmes à l’heure actuelle », un « manque flagrant d’inspiration offensive », une « insuffisance de créativité ». Encore une fois, face à une équipe qui s’est contenté d’être appliquée et d’espérer quelques contres, Lille perd des points. Voilà qui ne permet pas de réconcilier le LOSC et son public qui, bien après le coup de sifflet final, lançait des « Mouillez le maillot ! ». Thierry Froger : « je suis déçu pour mes joueurs. Tout au long de cette semaine difficile et pesante, la plus dure que j’ai eue à vivre depuis que je suis entraîneur, mes garçons s’étaient beaucoup investis. Le travail n’a pas été récompensé »
Du côté de l’ESW, nouvelle satisfaction : l’Entente est invaincue dans sa double confrontation avec le LOSC, « presque un crime de lèse-majesté » selon la Voix. Qui aurait cru que Wasquehal ferait perdre 4 points au LOSC ? Pour Docquiert, « c’est un exploit. C’est vrai que nous avons été dominés territorialement. Mais ce point, c’est celui du courage, de la volonté, et il ne doit rien à personne. Le seul but que nous encaissons, c’est un pénalty. Nous marquons sur une action de jeu construite. Le résultat n’est pas usurpé et montre les progrès qu’on a faits ».
En dépit de cette contre-performance, Lille retrouve la troisième place, à la différence de buts, puisque que Sochaux a perdu à domicile contre Nancy. Ainsi, curieusement, et chanceusement, les Lillois peuvent se permettre un gros passage à vide et être toujours dans le coup. Il reste 8 journées, et le LOSC va enchaîner avec deux victoires, reprenant 6 points d’avance sur Sochaux au soir de la 36e journée (sur 42) ! On connaît la suite… Le LOSC n’aurait eu besoin que d’un seul des 4 points perdus contre son voisin pour remonter dès 1998.
Les citations et illustrations sont tirées de La Voix du Nord et La Voix des Sports.
La série complète :
Lille/Wasquehal, nouveau derby professionnel
1/6 ESW-LOSC (1-1, 8 octobre 1997) : Le LOSC gâche déjà
2/6 LOSC-ESW (1-1, 14 mars 1998) : L’impuissance lilloise
3/6 ESW-LOSC (0-1, 29 août 1998) Un poing puis trois points
4/6 LOSC-ESW (1-1, 12 décembre 1998) : Toujours les mêmes travers
5/6 LOSC-ESW (1-0, 7 septembre 1999) : Le LOSC inarrêtable
6/6 ESW-LOSC (2-1, 5 février 2000) : Wasquehal inscrit son nom au palmarès
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