Posté le 23 juillet 2022 - par dbclosc
Qui c’est la meilleure ? Évidemment, c’est Demeyere !
Six ans après son arrivée, Silke Demeyere quitte le LOSC. Grâce à sa longévité à Lille, elle est désormais la joueuse la plus capée du club. Et, rien qu’avec son style, elle aura marqué l’histoire du club. Retour sur la carrière de celle qu’on a adorée.
C’est le cœur serré et proche de la crise de larmes que nous avons appris la nouvelle il y a quelques semaines : Silke Demeyere s’en va. Après six saisons chez les Dogues, elle s’engage avec Le Havre, en compagnie de Salomé Elisor. Retrouver la D1 est pour elle une juste récompense tant elle a fait preuve durant son séjour lillois d’une régularité exemplaire. Et si nous nous sommes attelés depuis 2017 à proposer des comptes-rendus des matches de l’équipe féminine, quelques interviewes avec des joueuses et les coaches, avec la volonté de mettre en lumière les performances des joueuses et leurs conditions de travail, nul doute que Silke n’y est pas pour rien.
Photo Marc Van Ceunebroeck/LOSC.fr
En effet, c’est au cours de la saison 2016/2017 que, par curiosité et sans grande ambition, nous nous sommes pointés sur l’annexe du Stadium pour aller voir jouer le « LOSC féminine », qui était alors dans sa deuxième année d’existence, en D2. Immédiatement, c’est Silke Demeyere qui nous a épatés : activité incessante à son poste de n°6, récupérations, relances, organisation du jeu, combativité, pugnacité. Dès notre premier compte-rendu à l’occasion d’un match contre La Roche, nous n’étions pas avares de compliments à son égard, citons-nous : « mention spéciale pour Silke Demeyere : celle-là, c’est un crack : une activité débordante, teigneuse, un grand nombre de ballons récupérés, au-dessus techniquement. Silke Demeyere, t’es la meilleure ». Six ans après, nous avons pour la première fois acheté un maillot du LOSC : il est floqué « Demeyere »2, bien évidemment. Les habitué(e)s de nos comptes-rendus savent combien nous la mettons en valeur et combien le running-gag de la composition d’équipe où elle est partout reflète la façon dont on perçoit ses matches. Comment en est-on arrivé là ?
Une dernière fois, pour le plaisir
Sans être totalement le fruit du hasard, la venue de Silke à Lille est un heureux accident : en 2016, l’entraîneur du LOSC, Jérémie Descamps, et le manager, Jules-Jean Leplus, entendent parler d’une joueuse belge qui joue au Lierse. Ils visionnent une vidéo de la finale de coupe de Belgique opposant le Lierse à Anderlecht pour se faire une idée. La joueuse en question inscrit un doublé et permet à son équipe de l’emporter 2-1. Séduits, ils se rendent ensuite sur place pour observer directement cette fille qui s’appelle… Jana Coryn. L’affaire est réglée avec Coryn, qui s’engage avec Lille. Mais les observateurs lillois ont aussi noté la présence de celle qui est à l’époque milieu offensive sur le côté gauche : elle s’appelle Silke Demeyere et, figurez-vous, c’est la meilleure. L’affaire est également vite réglée, d’autant que le Lierse féminines se dissout. Le LOSC peut donc entamer la saison 2016/2017 avec trois belges qui en forment la colonne vertébrale : derrière, Maud Coutereels, solide comme un roc ; au milieu, Silke Demeyere, teigneuse à souhait ; devant, Jana Coryn, prolifique avant-centre.
Photo Marc Van Ceunebroeck/LOSC.fr
Avant l’épisode de son transfert à Lille, Silke Demeyere a logiquement effectué sa carrière en Belgique. Footballeuse dès l’âge de 9 ans, c’est son frère qui, le premier, subit ses tacles rageurs dans le jardin familial, du côté de Waregem ; plus tard, elle joue dans la cour de l’école avec principalement des garçons, tout en s’engageant parallèlement dans d’autres sports : tennis, judo, natation, gymnastique. Mais le foot prend rapidement le dessus et Silke s’engage à Harelbeke, dans une équipe déjà entièrement féminine. À 15 ans, elle intègre l’équipe première du SW Ladies Harelbeke et est sélectionnée dans les catégories jeunes de l’équipe nationale. Elle gagne à Harelbeke un premier trophée national. En 2009, elle monte d’un cran en rejoignant le nouveau club de Zulte-Waregem, issu d’une fusion, où elle rencontre déjà Jana Coryn, puis se dirige vers le Club de Bruges en 2012, où elle ne dit pas trop fort qu’elle est surtout une supportrice d’Anderlecht ! Le séjour brugeois de Silke (2012-2015) correspond aux années de la Beneleague : il s’agissait d’un championnat réunissant les meilleures équipes belges et néerlandaises. Parmi les moments forts qu’elle retient de Bruges, on note notamment une victoire sur le terrain de l’Ajax en avril 2015 (2-1), ainsi que deux finales de coupe (qui, elle, reste nationale), malheureusement perdues contre le Standard en 2014 (0-5) puis contre le Lierse en 2015 (0-1).
Un drôle de décor… Photo Marc Van Ceunebroeck/LOSC.fr
À l’issue de cette saison 2014/2015, face au désinvestissement des dirigeants brugeois pour leur section féminine, Silke file au Lierse, 7e de la dernière édition de Beneleague et deuxième club belge au classement, derrière le Standard, champion. Le championnat redevient national et le Lierse se classe deuxième, derrière Anderlecht. En coupe, la troisième tentative est la bonne : cette fois, l’équipe de Silke l’emporte contre Anderlecht (2-1) avec, nous l’écrivions plus haut, un doublé de Jana Coryn. C’est également au cours de cette saison qu’elle est convoquée régulièrement en sélection et qu’elle obtient sa seule sélection avec les Red Flames, l’équipe nationale belge.
Silke avec les Red Flames en mai 2015
Photo David Catry/Sportpix.be
Signer en deuxième division française après une année ponctuée par un titre national peut apparaître comme un choix étonnant, mais Silke Demeyere avait envie de découvrir un nouvel environnement, et qui lui permettait cependant de résider chez elle, à Harelbeke, à une demi-heure de Lille. Elle bénéficie ainsi de la proximité entre Lille et la Belgique, que le LOSC a souvent exploitée dans son histoire, en recrutant uniquement des joueurs offensifs (du moins, jusqu’à Onana1) ; chez les femmes, le LOSC change de stratégie : si Jana Coryn perpétue la tradition des avants Belges, Maud Coutereels, en défense centrale, casse cette habitude. Quant à Silke Demeyere, elle se positionne un cran plus bas qu’au poste qui l’a révélée en Belgique : elle est désormais milieue défensive, récupératrice, devant la défense centrale et à la relance pour les joueuses plus offensives, derrière Rachel Saïdi, positionnée en n°10
À Lille, Silke devient rapidement une pièce-maîtresse de l’équipe de Descamps. Bien que dans une division « inférieure », Silke estimait dans l’interview qu’elle nous a donnée que le jeu était « plus physique, plus agressif ». Après une saison marquée par un final rocambolesque, le LOSC découvre la D1 en 2017 !
Photo Marc Van Ceunebroeck/LOSC.fr
Un doute subsiste lors des premiers matches de la saison 2017/2018, au cours desquels Silke n’est pas toujours titulaire : on voit plus souvent Julie Pasquereau alignée aux côtés de Jessica Lernon ou d’Héloïse Mansuy, qui jouaient parfois au milieu à cette époque. Mais tout rentre rapidement dans l’ordre et Silke offre les mêmes prestations en D1 qu’en D2, harcelant ses adversaires et récupérant des ballons de façon parfois franchement comique, sans que l’on comprenne bien comment elle a pu faire. En février 2018, elle inscrit même son premier but en D1 face à Fleury… de la tête !
Ce but illustre assez bien les qualités de la joueuses : en dépit d’un physique pas très impressionnant (elle n’est ni grande ni imposante), Silke a la faculté de prendre le dessus sur des adversaires qui, en apparence, semblent bien mieux dotées qu’elle… On la voit ainsi souvent gagner des duels aériens face à des joueuses qui font deux têtes de plus qu’elle.
La description, sobre, du but sur notre site
Cette réalisation survient juste après un stage de la sélection nationale auquel Silke a participé (comme Jana Coryn et Maud Coutereels), mais c’est à ce jour sa dernière apparition avec les Red Flames, ce qui reste une déception et, de notre point de vue, une anomalie, du moins tant qu’elle évoluait en première division.
Toujours essentielle au LOSC, elle contribue à maintenir l’équipe en D1 grâce à une ultime victoire à Bordeaux qui permet de se placer 6e dans un championnat très serré (derrière Lyon, Paris et Montpellier).
À l’orée de la saison 2018, l’arrivée de Dominique Carlier suscite la même interrogation que la saison précédente sur la place dévolue à Silke. Il semble qu’initialement, le nouveau coach n’ait pas trop compté sur elle avant de se raviser devant l’évidence de ses qualités. La saison en D1 est difficile, et la fin de saison riche en émotions après la reprise de l’équipe par Rachel Saïdi ne permet malheureusement pas de maintenir le LOSC en D1. Dans cette saison contrastée, le LOSC atteint la finale de coupe de France : Lille s’incline avec les honneurs (1-3) face aux Lyonnaises. À l’origine du but lillois de Sarr, une phase de jeu typique de Silke : récupération à terre et relance vers l’attaquante.
En deuxième division, l’effectif lillois est fortement renouvelé et rajeuni, mais Silke reste et en devient même la doyenne, à 27 ans ! La direction du LOSC comme la joueuse ont semble-t-il trouvé un intérêt réciproque à poursuivre l’aventure : Silke fait ainsi partie des cinq joueuses qui bénéficient d’un contrat fédéral (ils sont alors limités à 5 en D2), ce qui montre bien la considération que lui porte le club, lui facilitant ainsi le quotidien. Rappelons en effet que Silke, qui a une formation de prof de sport, fait quelques petits boulots (notamment des remplacements de profs) avant que le club ne sécurise un peu mieux sa vie professionnelle. Régulièrement capitaine, elle évolue parfois en position plus offensive, comme elle l’avait fait en Belgique. On la retrouve ainsi régulièrement buteuse (le plus souvent du pied gauche), et notamment au stade Bollaert, face à Arras (du pied droit !). La saison est interrompue en mars 2020 au moment où le LOSC avait encore un mince espoir d’accrocher la montée.
Passons sur la saison 2020/2021, au cours de laquelle seuls 5 matches ont été joués. En dépit des légitimes doutes que la situation révèle sur l’intérêt accordé aux footballeuses de deuxième division (pendant que la D1 joue et que d’autres sports masculins et féminins, même à niveau inférieur, jouent), Silke se réengage avec le LOSC en 2021/2022, n°10 dans le dos. Elle marque dès la troisième journée au bout du temps additionnel (encore de la tête !) et est distinguée après le match contre Vendenheim en novembre, après avoir joué son 100e match pour le LOSC. Au terme d’une saison enfin complète en D2, le LOSC ne parvient pas à accrocher la montée. L’heure du départ est arrivée. Avec Silke, c’est la dernière Belge du LOSC qui s’en va.
Photo Marc Van Ceunebroeck/LOSC.fr
La trajectoire de Silke Demeyere se confond ainsi en grande partie avec celle de la section féminine du LOSC, avec ses diverses émotions, positives (le titre de D2 en 2017, la finale de coupe en 2019) et négatives (la des ente en 2019, les non-remontées). Individuellement, elle aura fait profiter le public lillois de sa hargne et, soulignons-le aussi, de ses qualités techniques (geste préférée : le passement de jambe et-je-me-retourne-hop-t’as-rien-vu). Après six saisons, elle est la plus capée du club et est ainsi la Marceau Sommerlynck au féminin : elle a joué 117 matches officiels (dont 109 comme titulaire) : 39 en D1 et 64 en D2 et 14 en coupe. Elle a inscrit 14 buts (1 en D1, 11 en D2, et 3 en coupe), a pris 18 cartons jaunes (et n’a jamais été expulsée !). très régulière dans ses performances, elle reste sur une série impressionnante puisqu’elle n’a pas raté un match depuis novembre 2019 (contre Saint-Etienne, où elle était suspendue). Et si on remonte un peu plus loin, ce match contre l’ASSE est le seul qu’elle a raté depuis décembre 2018 !
Après le match de Nantes en mars, Patrick Robert lui remet le trophée de « joueuse du mois » /Photo DBC
Au-delà de la joueuse, on souhaite aussi souligner qu’on a énormément apprécié la personne, aussi agressive sur un terrain qu’avenante et abordable en dehors. C’est d’ailleurs ce décalage qui contribue à l’apprécier. Heureux Havrais ! Silke : merci pour ce passage au LOSC. On te souhaite toute la réussite dans tes futurs projets !
Grand merci à Marc Van Ceunebroeck pour ses photos, et à Arnaud Mahieu pour ses statistiques.
Le reportage du LOSC à l’occasion du 100e match de Silke :
1 Vandenbergh (en équipe première du LOSC en 1986), Desmet (1986), Van Der Heyden (1998), Mirallas (2004), Hazard (2007), Bruno (2011), Klonaridis (2012), Origi (2013), Guillaume (2015) sont en effet tous attaquants ou milieux offensifs.
En remontant plus loin, Jean Lechantre (belge naturalisé français en 1944) était aussi attaquant. Seul Robert Meuris (1955) était défenseur, mais il avait les deux nationalités, française et belge.
Chez les femmes, Chrystal Lermusiaux (2018) a poursuivi la norme des belges défensives.
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