Archiver pour décembre 2022
Posté le 21 décembre 2022 - par dbclosc
Lille/Bastia 2000 : contexte chaud, Valois fait le show, Noël au chaud
Le 21 décembre 2000, le LOSC bat Bastia 1-0, grâce à un but d’un revenant : Jean-Louis Valois. Ainsi s’achève une formidable année civile pour le club, qui se place deuxième à la trêve. Pourtant, le match a failli ne pas avoir lieu : peu avant le match, le président du club corse a été pris dans une échauffourée dans les couloirs de Grimonprez-Jooris.
Après trois ans en D2, on ne donnait pas forcément très cher de la peau du LOSC lorsqu’il retrouve l’élite à l’été 2000. Même si le club a survolé le championnat en 1999/2000, les souvenirs des décennies sans saveur persistent, et le recrutement de l’été n’a pas soulevé d’enthousiasme délirant. Les ambitions sont donc modestes, et on se satisfera largement d’un maintien sur le fil, pour reprendre des habitudes bien ancrées. Pourtant, le LOSC se place rapidement dans le haut du classement, surtout après deux matches en septembre, à Saint-Etienne puis contre Lens. Dans un championnat certes serré, les Dogues se placent régulièrement parmi les 6 premiers, et se permettent même d’être deuxièmes au soir de la 13e journée, après une victoire sur Toulouse (1-0).
Début décembre, à cinq jours d’intervalle, Lille bat le leader Sedan (2-0), puis le PSG (2-0), un match qui a été rejoué après avoir été interrompu à 1-1. Suit un nul à Metz (1-1) qui place le LOSC au pied du podium alors que se profile le dernier match de l’année civile, contre Bastia. Surprenant promu, Lille profite et se dit que les points pris ne sont plus à prendre : à coup sûr, des temps plus difficiles arriveront, les « gros » reprendront progressivement les premières places, et le LOSC rentrera dans le rang : pourquoi pas 15e ? C’est sur cette base plus réaliste que Luc Dayan, le président du club depuis mars, a budgetisé l’exercice 2000/2001.
Dayan, l’univers parallèle
Les bons résultats de l’équipe permettent de s’enlever un fardeau et de structurer le club, en voyant grand à moyen voire court terme. La privatisation est présentée comme un processus d’autonomisation vis-à-vis de la mairie, marquée par différentes étapes qui symboliseraient la « modernité ». Début décembre, Luc Dayan, annonce ainsi dans la Voix du Nord qu’il espère prochainement « signer l’acte de vente d’un immeuble dans le centre-ville qui aura pour objectif d’être un centre de vie du club avec une partie commerces, une brasserie, une salle de fitness. Si tout va bien, nous ouvrirons en fin de saison ». Il parle de « l’entreprise LOSC », de la cession de 25% du capital du club à des entreprises régionales, et de la possibilité d’attribuer des stock-options aux joueurs, indépendamment d’une éventuelle entrée en bourse : « notre principe serait de fidéliser les joueurs avec des actions donnant droit à une plus-value en fonction des résultats financiers du club, au cas où ils effectueraient l’intégralité de leur contrat. Les 10% d’actions seraient ponctionnées sur les 72% que possédera bientôt notre société, Socle ». Bien parlé président, voilà le football qu’on aime ! Il est aussi question d’un nouveau stade (ou d’un aménagement de Grimonprez-Jooris) « à l’horizon 2003 », une tâche que Dayan cède volontiers aux acteurs publics, probablement parce qu’il n’est pas certain de faire de la thune avec ça. Privatisons les profits, socialisons les pertes, le LOSC est un club moderne !
La Voix du Nord, 8 décembre 2000
Le « contexte corse » s’exporte à Lille
En attendant, Luc Dayan va devoir revenir à des réalités bien plus terre-à-terre et montrer autre chose pour rivaliser avec Bernard Lecomte, qui vient d’être désigné « dirigeant de l’année » par France Football : ce jeudi 21 décembre, Lille/Bastia doit commencer à 20h30. Mais le président lillois arrive un peu plus tôt que prévu, en catastrophe, dès 19h45 : il se retrouve face au président du Sporting Club de Bastia, François Nicolaï, griffé sur une joue, les chaussures et le pantalon couverts de terre. Une demie heure auparavant, il aurait été pris à partie par des stadiers du LOSC, qui l’auraient envoyé par terre, et l’un d’eux lui aurait même asséné un coup de tête, occasionnant un beau roulé-boulé sur la pelouse boueuse. En riposte, quatre dirigeants corses « faisant valoir la loi du Talion » auraient roué de coups un stadier. La Voix du Nord, présente juste après les échauffourées, interroge les deux parties, qui n’ont pas l’air d’accord : selon un agent de sécurité, « ils n’avaient pas les cartes valables pour entrer sur le terrain on a voulu les empêcher ». François Nicolaï, lui, attend Luc Dayan de pied ferme : « si le président Dayan ne m’explique pas pourquoi la sécurité s’est conduite ainsi, on ne jouera pas. Si ces messieurs souhaitent régler le problème corse, ils doivent voir avec Matignon », référence au Premier Ministre, Lionel Jospin qui, depuis quelques mois, a fort à faire avec la Corse, quelques mois après l’assassinat du Préfet Eyrignac suivi de la toute belle aventure des paillotes brûlées, qui a conduit au renvoi du préfet suivant, Bernard Bonnet, dont les fans de foot connaissent davantage la fille, Anne-Laure (authentique)
Selon la Voix, « le visage marqué du président bastiais met mal à l’aise les dirigeants lillois ». Très énervé, Nicolaï tente de joindre le président de la Ligue, Gérard Bourgoin, et dépose une réclamation auprès de M. Glochon, l’arbitre du match. Enfin, il assure vouloir porter plainte pour « coups et blessures volontaires ».
Arrive alors Luc Dayan qui, après un moment d’échange avec son homologue, se présente devant la presse : « c’est désastreux. Je suis extrêmement triste. Je présente mes excuses au président Nicolaï ».
Apparemment, personne ne comprend réellement ce qu’il s’est passé : « il y a des mécanismes qui m’échappent, je veux savoir » affirme Dayan. Pendant ce temps, les joueurs sortent pour s’échauffer et sont mis au courant. Vahid Halilhodzic, informé de l’incident, prend à part Frédéric Antonetti, l’entraîneur du SCB, puis déclare seulement : « ce qui s’est passé est anormal. Il n’y a aucun problème entre les deux clubs. Là-bas, nous avons été reçus superbement bien ». Apparemment, la diplomatie de Dayan et d’Halilhodzic a permis de faire retomber la tension : le match aura lieu.
Jean-Louis Valois, de Calais à Bastia
Du côté du LOSC, Cygan, blessé à un mollet, est absent depuis quelques semaines. Manquent aussi Laurent Peyrelade, Bruno Cheyrou et Edvin Murati. Devant, la nouvelle vedette, Sterjovski, est titularisée aux côtés de Beck et de Boutoille. Au milieu, Vahid surprend son monde en ne titularisant pas Sylvain N’Diaye : Landrin prend sa place à la récupération avec D’Amico. Sur l’aile gauche, un revenant : Jean-Louis Valois qui, jusqu’alors, n’avait fait que 6 entrées en jeu, pour 74 minutes jouées. Joueur essentiel en 98/99 (29 matches dont 27 titularisations, 5 buts), Jean-Louis Valois reste un élément important de l’année du titre de D2 (25 matches dont 12 titularisations) au cours de laquelle il inscrit deux buts particulièrement marquants : d’abord, contre Guingamp, de la tête, pour une victoire dans un match au sommet (2-0), puis contre Valence, dans le match de l’officialisation de la montée, où il envoie une frappe en lucarne qui provoque un envahissement de terrain et une brève interruption du match.
Si son pied gauche a beaucoup apporté en D2, Jean-Louis Valois semble faire partie ce ces rares joueurs du LOSC qui ne parviennent pas à performer au niveau supérieur. D’ailleurs, lorsqu’il jouait à Auxerre, il n’a fait que 2 petites apparitions en D1, pour seulement 23 minutes jouées (en 96/97). Il faut dire aussi que, cette année, il ne semble pas avoir la confiance d’Halilhodzic qui, à son poste, a recruté durant l’été Murati, qui lui-même sera progressivement barré par l’éclosion de Bruno Cheyrou. Si l’on ajoute à cela la belle surprise Sterjovski, la satisfaction Beck dans son jeu si spécifique, l’explosion de Bakari en 2001, et le fait que le statut de Collot fait de lui le favori pour entrer en fin de match, il reste peu de place devant pour Valois.
Mais alors, pourquoi se retrouve-t-il titulaire ce soir là ? Pour répondre à cette question, il faut remonter à janvier 2000, presque un an auparavant.
Buteur contre Guingamp, novembre 1999
Le 22 janvier 2000, sans Vahid Halilhodzic, malade, le LOSC s’incline en 32e de finale de coupe de France, à Calais, pensionnaire de quatrième division (1-1 ; 6-7 aux tirs aux buts). Même si le parcours ultérieurs des Calaisiens peut relativiser la portée de cette défaite, c’est un affront pour Halilhodzic. 11 mois après, il n’a pas oublié ; le 17 décembre 2000, la réserve du LOSC reçoit Calais, qui est alors largement en tête (44 points en 14 journées, 0 défaite1), alors que les Lillois sont 16es, n’ont gagné que deux fois, et auraient bien besoin de points. L’occasion est trop belle : Halilhodzic envoie en réserve tous ses pros qui n’ont pas joué la veille à Metz ! Dès lors, l’équipe d’Eric Guérit est renforcée par 9 professionnels : Allibert, Hammadou, Delpierre, Santini, les frères Cheyrou, Valois, Dernis et Beck. Ils sont tous titulaires pour ce match au Stadium Nord, et seuls Dumont et Michalowski complètent le 11 de départ, sous les yeux d’Halilhodzic, qui n’a manifestement pas digéré l’élimination. Sont également présents en tribunes : Mottet, Lambert, Cygan, Sterjovski, Pichot, N’Diaye et Bakari.
La Voix des Sports, 18 décembre 2000
Et ce qui devait arriver arrive : même si Calais se montre dangereux en premier avec un sauvetage d’Hammadou sur la ligne devant Lefebvre (2e), Beck ouvre le score (38e), Valois double la mise (59e). Le capitaine calaisien, sans réussite, envoie ensuite un pénalty dans les nuages (75e), avant que Jean-Louis Valois ne marque encore (83e, 92e). 4-0, avec un triplé de Valois : l’affront n’est sans doute pas lavé, mais probablement que « Vahid content ».
La Voix des Sports, 18 décembre 2000
Valois buteur, le LOSC dauphin
Triplé contre Calais : voilà comment Jean-Louis Valois a gagné sa place pour ce match contre Bastia. Voilà la composition du LOSC : Wimbée ; Pichot, Fahmi, Ecker, Pignol ; D’Amico, Landrin, Valois ; Boutoille, Sterjovski, Beck.
Dans un match sans grand attrait, Lille domine globalement et se crée des occasions par Beck (tête repoussée par Durand) ou Boutoille (frappe au-dessus). En seconde période, l’éclair vient de Djezon Boutoille qui, servi par Pichot, crochète un défenseur et centre au second poteau ; le ballon surmonte le gardien de Bastia et, au second poteau… Jean-Louis Valois reprend du plat du pied gauche et conclut (1-0, 70e). Luc, voilà une action qui amène une belle plus-value !
Le but sur Fréquence Nord :
Pour la 10e fois en 22 journées, Lille gagne et compte 37 points à la trêve. Et comme Sedan et Bordeaux ont perdu, le LOSC se place deuxième : les Dogues se muent en dauphins (de Nantes, 2 points devant).
S’il est encore un peu tôt pour s’emballer, les fantômes du passé semblent envolés. L’équipe est sur sa lancée des deux dernières années et paraît solide, au moins pour assurer un maintien tranquille. Elle a déjà marqué 2 points de plus que sur l’entièreté de sa dernière saison en D1, en 96/97 (qui, en outre, comptait 4 journées supplémentaires) ! Le LOSC peut passer Noël au chaud. Et on est loin de s’imaginer que le meilleur reste à venir. En revanche, du côté de Bastia, on s’inquiète pour François Nicolaï qui, le lendemain du match, est hospitalisé après avoir été pris d’un malaise lors d’une réunion pour évoquer les événements de Grimonprez-Jooris.
Épilogue
Jean-Louis Valois ne sera qu’un acteur très intermittent de la formidable fin de saison du LOSC. Il ne jouera plus qu’en janvier, pour deux entrées en jeu, et 14 minutes jouées. Il part ensuite du côté de l’Angleterre et de l’Ecosse.
Le lendemain de Lille/Bastia, le LOSC porte plainte contre X, ce qui permet l’ouverture d’une enquête judiciaire. Selon Luc Dayan, « nous sommes responsables de ce qui se passe chez nous, et donc de la sécurité des visiteurs. François Nicolaï, que je connais bien, est très affecté, de même que les stadiers. Je souhaite montrer à tous que personne à Lille n’est de mauvaise foi et permettre ainsi que ce genre de problème ne se reproduise plus ». En janvier 2001, le club est sanctionné par la commission de discipline de la LNF à 500.000 francs d’amende et à un match de suspension de terrain avec sursis. Élégamment, le club fait appel. La sanction est confirmée en février. On s’en fout, on est en tête du championnat.
Un résumé du match (France 3 Nord-Pas-de-Calais) :
1 La victoire est à 4 points, le nul à 2, et la défaite (hors forfait) à 1.
Posté le 18 décembre 2022 - par dbclosc
Georges Heylens : « Lille, c’était pas mal, hein ? »
Georges Heylens, ce sont cinq années de la vie du LOSC dans les années 1980. Pas forcément les plus glorieuses, mais de celles qui ont laissé des souvenirs marquants chez les supporters qui les ont vécues. Rencontre avec un morceau d’histoire.
« C’était notre quartier ici, notre rue » : depuis une table de La Tribune, une brasserie populaire du cœur d’Anderlecht, où nous avions rendez-vous, Georges Heylens semble regarder au-dehors avec nostalgie. Juste à côté se trouve la rue de Formanoir, où il avait une boutique d’articles de sports, de 1961 à 2014, qu’a dirigée son fils Stéphane : « on était livreurs de l’équipe d’Anderlecht, et de l’équipe nationale. À l’époque, à Bruxelles, il n’y avait pas de boutique de sports. On a été pionniers là-dessus ».
Les Heylens vivent toujours à Anderlecht, « leur » commune. À quelques dizaines de mètres se trouve le Lotto Park – anciennement stade Constant Van Den Stock – l’antre des « Mauves », où Georges Heylens a réalisé l’entièreté de sa carrière de joueur professionnel, de 1960 à 1973, avec 7 titres de champions de Belgique et trois coupes, glanant au passage 67 sélections avec les Diables Rouges. Les Diables, justement, ont été éliminés la veille de la coupe du monde : « pas de chance » juge-t-il laconiquement. Une élimination au premier tour, comme en 1970 au Mexique, où Georges Heylens était arrière droit de l’équipe nationale : « c’était autre chose, ça n’avait rien à voir avec aujourd’hui… ».
On sent que les souvenirs s’effacent peu à peu, mais Stéphane, « [son] patron, [son] secrétaire » se charge de stimuler la mémoire de son père, désormais 81 ans : « je crois que j’ai eu une belle carrière ». Une carrière notamment passé par le LOSC, de 1984 à 1989.
L’arrivée à Lille
Après avoir été contraint de stopper prématurément sa carrière de footballeur à l’âge de 31 ans en raison d’une blessure à la jambe, Georges Heylens a entraîné l’Union Saint-Gilloise (73-75), Courtrai (75-77), Alost (78-83), puis le petit club de Seraing, qu’il a mené jusqu’à la 5e place du championnat belge en 1984. A cette occasion, il est élu « entraîneur de l’année » en Belgique.
Pendant ce temps, les dirigeants loscistes cherchent un nouvel entraîneur après le départ d’Arnaud Dos Santos. Jean Parisseaux ne souhaite pas quitter la formation des Dogues et, alors que l’on s’attend à la signature du Hongrois Pazmandy, on apprend le 22 juin que le FC Seraing est placé en liquidation judiciaire, et son entraîneur, licencié. Le LOSC saute sur l’occasion et fait signer un contrat d’un an à celui qui a mené si haut ce petit club de la banlieue liégeoise : « on a eu beaucoup d’ennuis financiers à Seraing. J’avais rencontré les dirigeants du LOSC à plusieurs reprises, et la mise en liquidation a tout changé ».
Direction le Nord de la France pour Heylens, alors qu’on le disait sollicité par Lausanne, Benfica et le PSG. Le précède une réputation qui colle bien à la région : travail et rigueur.
Le LOSC des années 1980
« Mes trois premières années à Lille ont été super. Par la suite, on s’est essoufflés. Le LOSC était un club familial. Je n’en garde que des bons souvenirs : Dewailly, Samoy, Parisseaux, Amyot, Robert… Des gens très biens. Sur le plan personnel, j’ai habité La Madeleine la première année, puis le quartier Vauban, et Lambersart. Lille, c’était pas mal, hein ? ».
« Avec moi, ça s’est moins bien passé avec Bernard Gardon. Mais c’est du passé ». On se rappelle en effet les circonstances rocambolesques du départ de Georges Heylens en 1989, dont on peut supposer qu’il avait été fortement « encouragé » par le directeur sportif de l’époque, Bernard Gardon, qui tenait à faire signer Gérard Houiller… qui n’était pas libre.
Sur le terrain, les années 1980 ne sont certainement pas les plus glorieuses du club ; elles oscillent entre le moyen et quelques éclaircies, le temps d’un bon parcours en coupe, ou pour admirer la technique de quelques vedettes « on a tout de même eu de très bons joueurs : Périlleux, Angloma, Lama, Mobati, Pelé, les frères Plancque… Avec ces joueurs-là, je pense qu’on aurait dû mieux faire, au moins atteindre une fois une coupe d’Europe ».
Grimonprez-Jooris n’a en effet que trop rarement vibré durant cette période, hormis, par exemple, lors du retournement de situation contre Bordeaux en coupe en 1985 (1-3 ; 5-1) : « oui mais on se fait éliminer derrière. J’ai davantage de regrets sur notre parcours en coupe en 1987 [Lille est éliminé en quarts par Bordeaux 1-3 ; 2-1]. On n’est pas passés loin de la demi, et le tableau me semblait plus abordable » ; ou lors d’une victoire contre le PSG en janvier 1986 : « le match avait été joué une première fois, et interrompu à 5 minutes de la fin à cause d’un problème d’éclairage. Il y avait 1-1, et on était très contents. Il a fallu tout rejouer ! Luis Fernandez était en colère de rejouer… Et on a gagné 2-0 ! »
« Je me rappelle aussi qu’on avait la possibilité de partir loin, assez longtemps, car il y avait une vraie trêve de quelques semaines en hiver. On est allés au Niger, au Cameroun. On est aussi allés en Guyane, chez Bernard Lama ».
« Il y avait une grande rivalité avec Lens. D’ailleurs, peu après mon arrivée, le quarantième anniversaire du club coïncidait avec la réception des Lensois. On a gagné 2-0 ! Et on a gagné aussi une ou deux fois à Bollaert… Dont une fois 4 à 1. On m’avait dit que Lille n’avait pas gagné là-bas depuis 20 ans »
Les deux entraîneurs nordistes sur RVN, avant le derby de septembre 1984
« J’ai été le premier à ouvrir la filière scandinave au LOSC, avec la venue de Kim Vilfort. Malheureusement, il n’a pas trop réussi à Lille ».
Le duo Desmet/Vandenbergh
« J’ai eu du plaisir à les avoir ces deux-là ! » S’il est bien un duo qui a marqué les années Heylens, c’est celui formé par ses deux compatriotes. Au cours de l’été 1986, les dirigeants du LOSC sont orientés vers la Belgique par leur entraîneur. Signe, dans un premier temps, Filip Desmet, révélation de la saison à Waregem, qui a joué une demi-finale de C2. Puis Heylens s’envole pour le Mexique, cette fois en tant que consultant pour Sports 80 (devenu Sports Magazine). La Belgique se classe quatrième, avec le même Desmet, et Erwin Vandenbergh, meilleur buteur du championnat belge en 1980, 1981 et 1982, et Soulier d’Or 1981.
Peu après la coupe du monde, Vandenbergh signe au LOSC (et Heylens rempile cette fois pour 3 ans) : « Vandenbergh avait été mis sur la liste des transferts par Anderlecht. Je l’ai su… ». La promesse d’une attaque de feu qui, là aussi, n’a finalement brillé que de façon intermittente, comme on l’a évoqué ici ou ici.
« La venue de Desmet et de Vandenbergh a fait venir pas mal de Belges à Grimonprez-Jooris : beaucoup venaient de Moucron, de Courtrai, de Menin, ou de Waregem. Le LOSC a toujours eu des liens privilégiés avec la Belgique ».
Après le LOSC, Georges Heylens a vite rebondi, d’abord au Berschoot puis, entre autres, à Charleroi (où il a retrouvé Desmet, et a participé au Tournoi de Liévin 1992), Malines ou Seraing, avec qui il a participé au fameux « tournoi de Liévin » en 1994. à l’issue de la saison 1993/1994, le petit club liégeois découvre la coupe d’Europe : « on a joué un tour d’UEFA contre le Dynamo Moscou. On a été battus 3-4 à la maison, et on rate un pénalty pour égaliser. Au retour, on gagne 1-0 là-bas. Insuffisant, malheureusement… Roger Lukaku, le père de Romelu, a tiré sur la latte à la dernière minute ! »
Après bien d’autres expériences, en Belgique et ailleurs, Georges Heylens a tiré sa révérence après une dernière pige chez les filles du White Star Fémina (club de Woluwé-Saint-Lambert), en 2015 : « au cours d’une rencontre d’anciens, j’ai rencontré le président du club, qui m’a proposé de m’occuper des féminines deux fois par semaine, de 20h à 22h. Ce sont souvent des étudiantes, donc il faut leur aménager des horaires. J’ai accepté avec plaisir ».
Georges Heylens suit toujours attentivement les performances du LOSC et d’Anderlecht, même s’il se rend de moins en moins au stade « quand les deux clubs se sont affrontés en Ligue des Champions en 2006, on a été invités à Anderlecht par les dirigeants d’Anderlecht, et à Lille par les dirigeants du LOSC. En 2014, Patrick Robert nous a invités pour les 70 ans du LOSC. J’espère qu’on a laissé de bons souvenirs. Saluez bien tout le monde à Lille... »
Merci à Stéphane et Georges Heylens pour leur disponibilité
Une sélection d’articles sur les années Heylens :
1984-1986 : quand le David lillois tyrannisait le Goliath Lensois
Erwin Vandenbergh, la classe belge
Quand Soler et Bureau semaient la terreur. Retour sur 40 jours de feu (1986)
Les succulents Lille-Lens de l’été 1986
La coupe de la Ligue 1986 des Loscistes
1986-1987 : quand le LOSC retrouve l’ambifion
Eté 1987, les premiers pas de Christophe Galtier au LOSC
Le tournoi CIFOOT de l’hiver 1987 : l’histoire d’un quadruple complot contre le LOSC
Le LOSC 1988/1989 : le Robin des Bois de la D1
Comment Gérard Houllier n’a pas signé au LOSC
Santini ouvre l’ère des vaches maigres
Posté le 2 décembre 2022 - par dbclosc
Jean Baratte, sportif « touche-à-tout » de l’OICL
Si l’on connaît bien les exploits footballistiques de Jean Baratte, c’est principalement pour les nombreux buts qu’il a marqués dès ses débuts au haut niveau, à l’OICL. Mais Jean Baratte a également gardé les buts de l’OICL lors d’un derby contre Fives en mai 1943. Alors qu’il n’a pas encore 20 ans, ce fils de sportif est également champion de tennis avec l’OICL ! Il a de qui tenir : son père est un personnage reconnu de la vie sportive lambersartoise.
La première mention de Jean Baratte dans la presse écrite remonte au 19 août 1928. Ce jour-là, on apprend dans Le Grand Echo que les fêtes du 15 août à Lambersart ont rassemblé un grand nombre de familles et d’enfants dans les avenues Soubise et de l’Hippodrome, où étaient organisés des activités telles que des lancers de ballons, un « jeu de ciseaux », un concours de cerceaux et un concours de trottinette, remporté par le petit Jean Baratte, 5 ans.
En 1928, le nom de Jean Baratte n’est pourtant pas inconnu pour les sportifs du Nord, et plus particulièrement pour celles et ceux de Lambersart. En effet, le père de l’enfant est une figure locale, non seulement parce qu’il est le propriétaire de la guinguette « La Laiterie de l’Hippodrome », situé au 128 avenue de l’Hippodrome, lieu réputé pour recevoir des événements tantôt mondains, tantôt populaires ; mais aussi parce que dès qu’un événement sportif est organisé à Lambersart, il n’est pas loin : et cet homme s’appelle aussi Jean Baratte. Dans la presse des années 1920 et 1930, on trouve ainsi régulièrement son dans les pages sportives de la presse régionale. Sa passion première est le rugby : il est d’ailleurs un des meilleurs éléments du « quinze » de l’Iris-Club de Lambersart. Cela lui vaut une sympathique réputation, d’autant que son commerce, situé entre l’hippodrome de Lambersart, le terrain de l’avenue de Dunkerque, et le terrain de l’Iris, est au cœur d’un espace sportif d’où démarrent de nombreuses épreuves. Ainsi, en janvier 1927, le Grand Echo indique que le coup d’envoi championnat du Nord de cross cyclo-pédestre est donné le 27 à 9 heures, « avenue de l’hippodrome, à hauteur de « la laiterie », tenue par le sportif si connu M. Jean Baratte » (31 janvier).
Mais on le sait également président actif du Vélo-Club Lillois à partir de l’année 1926 (Le Grand Echo du Nord, 16 décembre 1925). Jean Baratte père est ainsi impliqué dans l’organisation d’épreuves cyclistes, comme en 1927, où il organise la course de vitesse de l’« omnium interclubs », qui consiste en un « match de vitesse » sur l’avenue Pasteur à Lambersart (entre la Laiterie et l’Hippodrome). À cette occasion, on peut encore lire dans le Grand Echo la sympathie que suscite Jean Baratte, qualifié de « sympathique rugbyman de l’Iris Club » (23 juillet). L’année suivante, il profite du passage du tour de France cycliste à Lambersart pour faire partie de l’organisation de la sécurité qui permet de « transformer le carrefour de l’avenue de l’hippodrome en une cité en réduction pimpante et ordonnée » (Le Grand Echo, 14 juillet 1929).
On lui connaît une troisième passion : la moto. Jean Baratte est en effet membre du « Moto Sporting Club ». À ce tire, il est aussi l’organisateur d’événements, comme le cross moto pédestre du 10 mars 1929, pour lequel le Grand Echo souligne que tout renseignement est à prendre auprès de lui (22 févier 1929). En tant que membre de ce club, il fait aussi partie de la délégation qui remet à une association de « gueules cassées » un chèque pris sur les bénéfices d’une compétition sportive qu’il a contribué à mettre en place (12 juillet 1928). Le 2 août 1931, il est président du comité d’organisation de courses motocyclistes sur prairie, sur le terrain de l’Iris Club Lillois, avenue de l’hippodrome.
Le Grand Echo, 30 juillet 1931
En 1933, il est l’« âme et cheville ouvrière » (3 juillet 1933) d’une journée de « dirt track » (course de motos sur piste en terre), sur le terrain du Colysée.
Mais Jean Baratte n’est pas qu’organisateur : en tant que motard, il remporte en avril 1929, le même jour qu’un nouveau titre de champion du Nord pour l’OL, le « rallye-ballon du printemps ».
Sur sa moto de marque Terrot, il remporte une course entre Lille et le bassin minier lensois dans laquelle concourraient « vingt autos de toutes marques et une demi-douzaine de motos » (22 avril 1929).
Jean Baratte est donc aussi évoqué comme « champion motocycliste bien connu » (18 juillet 1930), cette fois à l’occasion d’un fait divers : sa tante de 60 ans, qui vit aussi à La Laiterie, est renversée par une voiture, devant la guinguette.
Sur sa moto, Jean Baratte est régulièrement chargé de s’occuper des « pédards1 » qui pourraient gêner les courses cyclistes. Ainsi, dans le Grand Echo du 28 juillet 1929, on peut lire que « notre ami Jean Baratte sera le seul motocycliste officiel du 16e circuit minier. Nous savons comment M. Baratte accomplit la tâche délicate qui consiste à avertir les usagers de la route du passage de la course, et à assurer les dégagements de la route. Quant à convaincre les pédards du dangers qu’il font courir à eux-mêmes et aux coureurs. Jean baratte a le doigté voulu pour parvenir à ses fins en ne recourant aux moyens extrêmes que lorsqu’il y est absolument obligé » : il fait de même lors du 8e Paris/Lille cycliste en mai 1930 avec sa « fidèle Terrot » (12 mai)
Enfin, Jean Baratte est parfois arbitre de football (comme lors de Ronchin-Thumesnil/Ennevelin en mars 1932) et s’implique dans les épreuves d’athlétisme : le 4 mai 1935, le Grand Echo fournit les indications d’itinéraire du « critérium des Italiens » entre Lille et Cassel, sur les conseils de Jean Baratte, parti en repérage sur sa moto. La Croix du Nord signale dès juillet 1934 qu’il est président du jury des annuels championnats d’athlétisme de l’Union de Flandre, qui se déroulent à Lambersart.
Voilà donc pourquoi, avant même les exploits footballistiques du fils, le nom de Jean Baratte est familier aux sportifs nordistes. Les multiples engagements sportifs du père ont même conduit à la création de la « coupe Jean Baratte » à partir de 1931 : à l’occasion de l’annuelle « coupe Bélière », une épreuve d’athlétisme, elle récompense certaines catégories « Junior ». Et à partir de 1934, le « challenge Jean Baratte », en football, met aux prises des équipes de jeunes de la région.
Au niveau de la diversité des activités, Jean Baratte fils a donc de qui tenir ! C’est en 1935 qu’on retrouve sa trace dans la presse : en effet, dans l’édition du 25 juin, le Grand Echo nous informe de l’obtention de son Certificat d’Études Primaires. Qu’en est-il côté sportif ? Dans un portrait que lui consacre la France Socialiste le 3 novembre 1943, on comprend que Jeannot est voué à faire du sport : « le fait de naître aux portes d’un stade ne peut que vous prédisposer à le fréquenter un jour. Et ce fut vers celui de l’Iris Club Lambersart que Jean Baratte, dès qu’il put déjouer la surveillance de sa mère, fit sa première escapade ». « Il ferait un excellent demi de mêlée » disait de lui son père. Et en effet, le journal souligne malicieusement que « le petit Jean passait son temps à se faufiler au travers des palissades mal ajustées du stade, ou au travers des jambes des clients dans la salle bruyante de l’estaminet paternel ». Mais l’enfant, dès qu’il put se servir habilement de ses mains, ne manifeste aucun intérêt pour le ballon ovale : il opte pour le football.
« C’est un manchot ton fils, peuchère ! Ironisa un coéquipier de Baratte père, un méridional qui ne comprenait pas qu’on puisse jouer autrement qu’avec les mains, voire avec les poings », rapporte le journal. Mais l’enfant montre aussi un intérêt pour le tennis et « fait des balles » contre un mur, avec une raquette bien trop lourde pour lui : « et un jour, sur l’unique court de l’ICL, les modestes tennismen du club s’aperçurent avec stupeur que le « manchot » possédait un redoutable coup droit et un honnête revers. Admis sur le cours, Jean Baratte ne tarda pas à y mystifier tout le monde, jeunes et moins jeunes, et s’achemina de victoires en victoires vers le titre de champion du Nord junior ».Avec l’équipe des « Jeunes du Nord » (Football) pour un match contre les « Jeunes du Sud » Le Miroir des Sports, 22 février 1942
Parallèlement, Jean signe ses premiers succès footballistiques : avec l’Iris, il enlève le championnat du Nord des Minimes, puis des Juniors. Si bien que lorsque les Dogues de l’OL se rattachent au petit Iris, ils trouvent en ce jeune homme une graine de champion. Dès la saison 1941/1942, il s’impose comme avant-centre de l’OICL, et arrive avec les « dogues irisés » jusqu’en finale de la zone interdite, où les Lillois s’inclinent contre Lens.
Les Sports du Nord, 21 mars 1942, à la veille de la finale Lille/Lens
Durant l’été 1942, tout en préparant sa saison de footballeur à l’OICL, Jean Baratte devient champion des Flandres de tennis ! Présenté par M. Brun directeur sportif de l’OICL, comme « le plus talentueux [des amateurs de l'OICL] » (La France Socialiste, 15 août 1942), la diversité de ses activités lui vaut le surnom de « touche-à-tout » : « ils se distingue aussi bien sur les terrains de football que sur les courts de tennis souligne M. Brun. Ne vient-il pas d’enlever la finale du championnat des Flandres Juniors, en battant Lecomte par 6-2, 6-4 ? »
La France Socialiste, 15 août 1942
Les Sports du Nord, 15 août 1942
Si bien qu’à l’automne 1942, dans la presse nationale, Jean baratte est plutôt présenté comme un tennisman qui, en plus, joue au football.
Le Miroir des Sports, 26 octobre 1942
Au cours de la saison 1942-1943, Jean Baratte fait de nouveau la preuve de sa polyvalence, mais au sein du même sport. En effet, en mai 1943, l’absence du titulaire habituel dans les buts, Julien Da Rui, l’amène à occuper la cage de l’OICL lors du derby OICL/SCF en mai 1943 (on en a parlé ici) ! L’épisode de la coupe de France 1952 est plus connu : en demi-finale, en raison de la blessure de Val, l’habituel titulaire, et du manque de confiance placé en D’Archangelo, le remplaçant, Jean Baratte avait été titularisé dans les buts du LOSC. Cette configuration s’est présentée une dernière fois en mars 1956, alors que Jean Baratte est désormais joueur du CO Roubaix-Tourcoing en D2 : on le retrouve dans le but lors d’un déplacement au Havre.
À l’aube de la saison 1943-1944, celle des équipes fédérales, la France Socialiste nous apprend que l’entraîneur de l’équipe de Lille-Flandres, Demeillez, a placé Baratte sur l’aile : « là aussi, en quelques matches, le jeune prodige de Lambersart s’est hissé sans peine à la hauteur des meilleurs « intérieurs » du moment » (3 novembre 1943). La même édition du journal relate que Jean fréquente toujours le petit stade de ses premiers pas, et qu’il participe régulièrement aux entraînements des hockeyeurs… et des rugbymen de l’OICL ! « Cette préparation physique fait de Baratte un véritable marathonien (…) M. Baratte peut se consoler d’avoir perdu un demi de mêlée en découvrant un grand inter ».
Ses performances lors de la saison 1942/1943 avec l’OICL, confirmées en 1943/1944 avec l’équipe fédérale Lille-Flandres, ancrent Jean Baratte dans une discipline principale : le football. Pour le plus grand bonheur de Lille.
Note :
1 « En 1898, le mot chauffard entrait dans notre langue. Composé à l’aide de chauffeur et du suffixe péjoratif -ard, il est, hélas, toujours en usage, l’espèce des conducteurs imprudents et dangereux ne semblant pas en voie de disparition. Quelques années plus tard, sur ce modèle, on créait à partir de pédaler le nom pédard qui désignait, comme l’indique fort bien le dictionnaire Larousse de 1923, à la page 818, un « cycliste grossier, maladroit, dangereux pour les autres » (https://www.academie-francaise.fr/va-donc-eh-pedard)