Posté le 25 février 2023 - par dbclosc
Un siècle d’alcool sur le football lillois
Si Mohamed Bayo est l’objet de railleries depuis sa sortie alcoolisée en août 2022, il s’inscrit pourtant dans une tradition qui montre bien sa rapide intégration au LOSC.
« Un Ricard pour Momo Bayo, hi ha hi ha ho ! » : on ne sait pas encore jusqu’à quand cette chanson résonnera dans le grand-stade-Pierre-Mauroy-Décathlon-arena-formidable-outil à l’attention du n°27 des Dogues, mais elle constitue l’hommage d’un public ravi de voir l’un des siens s’inscrire dans une longue tradition locale. D’ailleurs, les supporters étaient eux-mêmes tellement saouls qu’ils n’étaient pas en capacité d’inventer un nouvel air, se contentant de recycler le « et un permis pour Gervinho, hi ha hi ha ho » que l’on entendait au Stadium-Nord vers 2010 quand l’attaquant ivoirien du LOSC avait eu quelques soucis de conduite. Ah, la bonne époque du Stadium où, comme le disait le proverbe, « on n’était pas beaucoup, mais on était plein ».
L’histoire entre l’alcool et le LOSC a une origine lointaine et est scandée, via ses représentants les plus éminents, par quelques coups d’éclat que nous proposons de rappeler.
La Brasserie Excelsior d’Henri Jooris
« Henri Jooris grand dirigeant, Henri Jooris personnalité respectable, Henri Jooris sans qui le football à Lille ne serait pas ce qu’il est… mais Henri Jooris brasseur ! »
Ainsi parlait à peu près Charles II Goal à la Libération pour bien mettre l’accent sur le fait que l’esprit de résistance lillois est passé par la bière.
Les affaires de Jooris étaient situées au 112/114 boulevard Montebello à Lille. Si les imposants bâtiments abritaient notamment une boulangerie (L’Indépendante) et que Jooris était surnommé le « premier boulanger de France », tout ceci n’était qu’une couverture pour développer des affaires bien plus prospères et intéressantes à travers la Grande Brasserie de Lille dite Brasserie Excelsior.
C’est probablement à partir de cette époque que le football à Lille s’est imbibé d’alcool. Les bases idéologiques du club étaient ainsi posées, via l’un de ses ancêtres, l’Olympique Lillois, auquel Henri Jooris a appartenu dès sa création.
Rappelons que c’est à l’époque d’Henri Jooris que l’Olympique Lillois a organisé de nombreuses rencontres et tournois avec l’Union Saint-Gilloise, et qu’ont été posées là les bases d’une collaboration à long terme dont il reste de sérieuses traces jusqu’en 2022 :
Avant que la publicité ne soit autorisée sur les maillots, c’est dans le stade que la bière peut s’afficher, comme lors de la saison 1954/1955 , ci-dessous.
Et, comme on l’avait évoqué dans cet article, dirigeants et publicitaires testent si bien leurs produits qu’en 1955, la Brasserie du Pélican, qui produit notamment la bière Pelforth, crée une publicité sur laquelle apparaît un personnage vêtu d’une tenue du LOSC. Et ce alors qu’elle est concurrente de la Brasserie Excelsior, sponsor du LOSC. Une « erreur de communication » qui révèle surtout le taux d’alcoolémie alarmant de nos élites.
La coupe de champagne de Jean Baratte avant la prolongation
L’un des joueurs les plus marquants de l’histoire du LOSC est bien entendu son meilleur buteur : Jean Baratte. Soucieux de préserver l’héritage alcoolisé de Jooris, Jeannot n’a eu de cesse de s’opposer à son père qui tenait la guinguette « la laiterie » : ce nom était en effet une insulte à la bonne boisson. On voit sur cette photo Jean « boudeur » car mécontent du nom de la guinguette :
Fort heureusement, ses débuts en équipe première le réconcilient avec l’alcool puisqu’il admet dans But et Club en mai 1948 qu’il a marqué son premier but en « pro » de la main. C’était avec l’OICL, face à Sochaux.
Une seule raison s’impose pour expliquer la validation de ce but : l’arbitre était bourré. Jean Baratte, qui hésitait alors entre tennis et football, choisit résolument le football.
Et c’est au crépuscule de sa vie, alors qu’il a repris un bar (un beau symbole, comme l’a également fait François Bourbotte, entre autres) à Nempont-Saint-Firmin, qu’il révèle le secret de sa réussite : il buvait une petite coupe de champagne pour jouer les prolongations. Une stratégie payante : 228 buts avec Lille !
S’inventer une peur de l’avion pour boire en toute impunité : le cas Prieto
Certains considèrent Ignacio Prieto comme le joueur le plus talentueux qui ait joué sous les couleurs du LOSC. En réalité, cette admiration est surtout liée aux penchants du joueur pour le whisky. En effet, dans un article qui n’a étonné personne, en 1972 la Voix du Nord indique que le Chilien aurait une « peur panique » de l’avion, qui le conduit à en boire avant d’embarquer afin de créer un « état euphorique ». En revanche, l’article se trompe quand il précise que l’effet sur lui est immédiat car il ne boirait jamais d’alccol : c’est au contraire le manque d’alcool, à peine compensé par deux shots, qui fait trembler Prieto et lui fait poser des devinettes idiotes à ses coéquipiers, comme celle-ci : « tu sais pourquoi j’allais à la messe à 5h dans ma jeunesse ? Parce qu’Ignacio priait tôt ! »
La Voix du Nord, 18 janvier 1972
Quand Hazard jouait bourré : un triplé
Après Baratte et Prieto, manquait le troisième larron de la fierté losciste : Eden Hazard. Formé à bonne école (rappelons qu’il est Belge), il attend toutefois son dernier match pour réaliser l’une de ses plus grandes démonstations de force avec les Dogues : jouer bourré. Ce 20 mai 2012, face à Nancy, on savait qu’il partirait après avoir été étincelant sur les pelouses de Ligue 1 durant un peu plus de 4 ans. C’était donc un peu son jubilé, et la soirée a été très longue, comme l’a relaté So Foot dans cet article. Et le pire, c’est qu’il a planté un triplé en première mi-temps. Une preuve supplémentaire qu’entre boire et conduire (le jeu), il ne faut pas choisir.
Les excès de dirigeants dont élocution devient hésitante
On se rappelle également que des excès ont conduit certains dirigeants à avoir une élocution hésitante, ce qui a abouti à des transferts surprenants. Ainsi, en 1995, le LOSC croit avoir fait le coup du siècle en embauchant le meilleur buteur du dernier championnat : le nantais Patrice Loko. En réalité, les dirigeants, ivres, se sont trompés et ont mené les négociations ainsi : « on veut Patrizzz Lokoo… Pastrick Coko… Patrick Collot ». C’est donc Patrick Collot qui a signé dans le Nord à l’été 1995. Après avoir désaoûlé, le directeur sportif avait reconnu « c’était quand même bizarre, il était vraiment pas cher, et comme on n’a pas d’argent… » Probablement parce que tout le budget est parti en boissons ! On évoque toutefois avec nostalgie le passage de Patrick Collot au LOSC en se rappelant : « ah, l’Collot… »
En 2002, le nouveau président Seydoux se prend une murge après l’élimination en Intertoto et décide de recruter « un joueur à 10 balles » pour sanctionner le groupe. La direction sportive, à 4 grammes, intervertit les syllabes et recrute par inadvertance « le joueur Abidal », comme quoi l’alcool a aussi du bon (et Collot, c’était très bien aussi).
En revanche, ce fut catastrophique en 2006 : le club cherchait, dixit Puel « un buteur, alléluia ». Pas de chance : ce sera « Allez Youla »…
Rappelons que l’excès de houblon a conduit à recruter par erreur Fodé Ballo-Touré : en réalité, ce recrutement visait à effacer le recrutement, quelques saisons auparavant, de « Tallo, bourré », une petite pépite d’Hervé Renard (des surfaces) qui, à ce jour, a davantage marqué contre le LOSC que pour. C’est un nouveau rappel qu’il vaut mieux que le LOSC soit à la bière, car ça va moins bien quand il est Tallo.
Et que dire de l’état d’Anne-Sophie Roquette qui, après un but de Frank Farina en 1994, annonce un but d’Eric Assadourian…?
Les années Halilhodzic : l’ivresse des sommets
N’oublions pas que la bande à Vahid n’était pas en reste. N’est-ce pas le sorcier bosniaque qui a fait de Djezon son capitaine, pensant qu’il s’appelait Bouteille ?
Grâce à une victoire à Monaco en mai 2001, le LOSC s’est qualifié pour le tour préliminaire de la Ligue des Champions. Le journal L’équipe révèle évoque alors explicitement les liens entre le LOSC et l’ivresse, comme le montre implacablement le document ci-dessous. Nous attirons particulièrement votre attention sur l’intertitre qui souligne le déni dans lequel se réfugient trop souvent les alcooliques.
Après la qualification contre Parme, les joueurs avaient brandi un maillot en pensant à leur collègue malade, Christophe Pignol. Ils en avaient alors profité pour faire un flocage grossier lui rendant hommage, mais aussi à la gnôle, qui faisait partie du traitement. Six mois plus tard, Christophe Pignol était de retour.
Avec ces performances et cette consommation, le LOSC rattrape ainsi peu à peu son voisin lensois, pionnier en matière d’alcool. Ce rapprochement Cygan/Pierre-Fanfan en décembre 2000 en est une preuve.
Seydoux, un nouveau tournant
Après les riches années Halilhodzic, l’arrivée de Michel Seydoux marque une inflexion : en effet, des résultats d’abord médiocres nous éloignent de l’ivresse du récent passé. Mais des progrès à mesure que le mandat Puel avance, puis l’arrivée de Rudi Garcia en 2008 incitent le président du LOSC à passer aux aveux en janvier 2011 :
Cette déclaration avait été à l’origine d’un courrier que nous avions envoyé au président Seydoux : nous lui demandions de participer à nos « frais de bière ». Hélas, cette demande est étonnamment restée sans réponse.
CQFD
On pourrait ajouter à ce palmarès quelques faits pas vraiment élucidés, comme l’état de Steve Elana lors de Lille/Sochaux en 2013, où les prestations d’un Thierry Rabat sans repères, mais restons-en là. La démonstration est faite : le LOSC et l’alcool, c’est une belle histoire.
Quoi de surprenant chez un club qui a souvent fait preuve d’une bonne descente (1956, 1958, 1968, 1969, 1972, 1977, 1997), très souvent suivie d’un p’tit remontant (1957, 1964, 1970, 1971, 1974, 1978, 2000) ?
3 commentaires
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27 décembre 2023
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pec a dit:
Bonjour
Malheureusement beaucoup d’erreurs et d’à peu près sur ce blog y compris les photos comme celle de « jean Baratte et son père « . Il s’agit en fait d’un client bien connu de la laiterie à l’époque, rien à voir.
Pec (accessoirement neveu de Jean baratte)
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28 décembre 2023
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dbclosc a dit:
Eh bien Pec, neveu de Jean Baratte, nous allons rectifier et vous remercions pour votre remarque constructive.
Puisque, apparemment, vous en avez d’autres à faire, n’hésitez pas à nous les adresser. On nous signale fréquemment des petites erreurs par-ci par-là, ce qui semble incontournable quand on manipule tant de documents d’archives, parfois eux-mêmes imprécis, et nous n’avons pas encore accès aux albums de famille.
Cependant, les remarques viennent plutôt, d’habitude, de passionnés et même de proches des joueurs, plutôt heureux qu’on fasse vivre une mémoire qu’on a du mal à trouver par ailleurs. Et de gens qui ont un peu d’humour en lisant des articles tels que celui-là.
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27 juillet 2023
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NBH a dit:
D’après les descendants de Jean Baratte, l’insulte reçue la plus fréquemment était :
Et ta soeur, Baratte, elle bat le beurre ?
Selon des sources égyptiennes, Hosni Moubaratte, était lui aussi soupe au lait…
Bref, ce qu’on aime c’est faire suer les lensois, et lire ce délicieux blog