Posté le 31 mars 2023 - par dbclosc
1998 : à la poursuite de Lorient-express
Lille/Lorient, un sommet ? Oui, en janvier 1998 : le match oppose alors le troisième au leader de la D2. La victoire des Dogues laisse présager que la montée sera au rendez-vous en fin de saison. Mais les Lillois feront par la suite preuve d’une incroyable irrégularité.
Samedi 24 janvier 1998 : les caméras d’Eurosport se sont posées à Grimonprez-Jooris pour retransmettre le match au sommet de cette 28e journée de D2, Lille/Lorient. Les Lorientais, que pas grand monde n’attendait à pareille fête, se sont rapidement placés en tête du championnat au cours de l’été : c’était début septembre, lors de la 8e journée, après une victoire contre… Lille (2-0). Quatre mois après cette confrontation de l’aller, les Bretons sont de solides leaders : avec 57 points en 27 journées, ils possèdent 13 points d’avance sur le quatrième Sochaux. Et même s’il reste encore du chemin (15 journées, dans une D2 à 22 clubs), il faudrait une catastrophe pour que les Merlus n’accèdent pas à la D1 pour la première fois de leur histoire.
Des hauts et des bas pour le LOSC
En septembre, la défaite au Moustoir était alors la première pour le LOSC, fraîchement relégué après près de 20 ans en première division. Depuis, le LOSC fait un parcours correct : depuis le mois d’octobre, il oscille entre la 6e et la 3e place et, depuis décembre, il s’est stabilisé à cette troisième place, qui le ferait monter en fin de saison s’il s’y maintenait. Les Dogues ont cependant du mal à convaincre : si l’équipe est presque irrésistible à domicile (10 victoires, 2 nuls, 1 défaite), elle est très friable à l’extérieur (1 seule victoire – à Laval -, 10 nuls, 3 défaites). De plus, le jeu proposé est loin d’être emballant, son entraîneur semble hésitant, et Lille a rapidement été éliminé de la coupe de France, au 8e tour, par… Boulogne-sur-mer. Le LOSC semble tenir avant tout par la qualité de ses individualités, mais est très décevant collectivement, en plus de faire preuve d’une certaine fragilité mentale pour aborder certains matches. Ce début d’année 1998 va confirmer toute l’irrégularité de Lillois capables du meilleur comme du pire.
Le LOSC débute l’année 1998 par une nouvelle désillusion : élimination de la coupe de la Ligue au Mans (0-1). Sans son gardien Aubry, blessé, et en dépit des débuts de la présence de sa recrue hivernale, le Belge Stephan Van Der Heyden, Lille, au-delà de son élimination, a encore été décevant, incapable de créer le danger à l’extérieur et cédant rapidement dès que l’adversaire attaque. Il ne reste donc que le championnat pour le LOSC ; mais s’il remonte en D1, personne ne lui en tiendra rigueur…
Le 10 janvier, le LOSC a l’occasion de repartir de l’avant en championnat contre le Red Star, et ne se manque pas : victoire 4-1 (Collot, Lobé, Van Der Heyden, Renou). Même si le LOSC a quelques ennuis avec des blessures (Anselin, Boutoille, Landrin, et Aubry, pour qui le problème semble plus grave que prévu après un coup au genou avec Lobé à l’entraînement), il est finalement au rendez-vous pour l’essentiel : terminer à l’une des trois premières places du championnat. Thierry Froger, après cette belle victoire, est optimiste :
« À nous de savoir enchaîner les victoires, et les autres équipes vont lâcher prise une à une. Une chose est certaine, on ne nous pardonnera rien, surtout pas de perdre. On l’a bien senti avant cette rencontre. Mais quand je suis arrivé, on avait pour objectif la montée en deux ans. On a vu que c’était possible dès cette saison. Je crois que plus ça va avancer, mieux les joueurs vont s’exprimer. La pression ? Ils connaissent et, en principe, ça doit les transcender ! ».
Arrive une trêve de 10 jours que les Lillois mettent à profit en disposant de Dunkerque, en amical (2-0, Duncker et Coquelet).
Gueugnon, la déroute
Mais alors que l’on croyait le LOSC définitivement lancé vers la D1, il rechute brutalement à Gueugnon : 0-4 ! Dommage car Sochaux avait fait nul dans l’après-midi, et c’était une bonne occasion de creuser l’écart avec le quatrième. Si ce n’est que la quatrième défaite de la saison (tout comme Lorient), celle-ci est particulièrement lourde et est indiscutable, tant les Lillois ont été dominés, en plus de commettre des erreurs individuelles. « Inquiétant, vraiment, avant la venue de Lorient » constate la Voix du Nord, qui se demande : « état d’esprit, es-tu là ? ». Et même Bernard Lecomte, las, lâche un « j’en ai marre… »
« Président, quand y en a marre, y a Malabar »
Selon Carl Tourenne, « les gueugnonnais ne sont pas meilleurs que nous. Cependant, ils avaient plus envie. Nous devrons donc nous battre et avoir la haine. Non pas vis-à-vis de nos adversaires qui ont beaucoup de talents mais tout simplement la haine pour réussir, pour montrer que nous sommes forts ». C’est « une tarte » selon Froger : dans la vie, il faut savoir prendre des claques. Il faut réagir vite, voilà tout, parce que nous sommes toujours dans la course ». Pour ce qui est de prendre des claques, ce ne sera malheureusement pas la dernière fois pour l’entraîneur du LOSC, et ce n’est pas qu’une image. Les Dogues sont donc désespérément irréguliers, c’est toujours au moment où on les croit guéris qu’ils retombent dans leurs travers, et la Voix du Nord le souligne fort justement : « c’est un peu comme si les Lillois n’avaient toujours rien compris au film de la D2. Comme s’ils n’avaient pas saisi que la seule maîtrise technique ne pouvait rien devant un adversaire motivé ». Le quotidien déplore l’absence de « joueurs de devoir », capables de ne pas se faire berner comme des débutants « sur des fondamentaux comme le marquage ou le replacement défensif ». Résultat, « les joueurs lillois ont tendu les deux joues et se sont proprement fait gifler ». Mais malgré toutes ces avaries et ces signaux inquiétants, le LOSC est à la troisième place : « le plus drôle dans l’histoire, c’est que le LOSC est encore en course pour la montée ».
« On est moches sur le terrain, mais on est élégants au-dehors »
Cela étant, Lille n’est pas du tout un catastrophique troisième en termes comptables : avec 45 points en 27 journées, il est parfaitement dans les clous de ce qui s’observe lors des saisons précédentes, à rebours de l’idée selon laquelle les (futurs) promus auraient un parcours linéaire et brillant. Bien souvent, hormis pour un leader qui se détache rapidement, la D2 est très disputée entre les 2e et 8e places jusqu’à un stade tardif dans la saison. Samuel Lobé, le meilleur buteur du club, tente de replacer le LOSC à sa juste valeur : « tout est parti d’un fantasme. En début de saison, beaucoup de gens ont cru que le LOSC possédait trois wagons d’écart et allait se promener pour rejoindre la D1. Tant et si bien qu’un match nul à l’extérieur était considéré comme un mauvais résultat. C’était méconnaître notre valeur réelle. En réalité, nous allons gagner notre place difficilement mais nous allons monter ».
Se rassurer
C’est donc avec ces incertitudes que le LOSC s’apprête à accueillir le leader, meilleure attaque du championnat qui reste sur une impressionnante série de 31 points sur les 11 derniers matches, c’est-à-dire 10 victoires et un nul. Lorient n’a pas perdu depuis le 18 octobre.
Pour Bruno Clément, qui garde les cages lilloises depuis le début de l’année civile, ce choc tombe à pic « afin de remettre les pendules à l’heure. Cette situation aurait été beaucoup plus difficile à gérer s’il y avait eu 15 jours à attendre avant le match suivant »
Thierry Froger, qui commence à être franchement contesté, semble remonté : « ça chauffe de partout et certains attendent de voir si nous sommes KO ! Ce soir, ils sauront… ». Selon lui, « il sera insuffisant d’être à 100% ». Comment faire alors ? Carl Tourenne a la solution : « il nous faut 150% de détermination ».
Du côté de l’effectif, le LOSC est toujours privé d’Anselin, de Boutoille, de Landrin et d’Aubry. Ce dernier ne s’estime qu’à « 60% de [s]es possibilités. Mais comme Bruno Clément est en pleine forme, il n’y a pas de raison que je joue. Je pourrais à la rigueur le remplacer en cas de blessure ». Fidèle à son turnover, Froger retire Carrez et Garcia du groupe par rapport à Gueugnon, et intègre Banjac et Van Der Heyden.
Voici la composition lilloise :
Clément ;
Duncker, Dindeleux, Cygan ;
Collot, Tourenne, Hitoto, Senoussi, Van Der Heyden ;
Peyrelade, Lobé.
Remplaçants : Renou, Banjac, Machado.
Les Lorientais sont au complet et respectent la règle selon laquelle ils doivent aligner au moins deux joueurs dont le patronyme commence par « Le… » :
Schuth ;
Dicanot, Dugbatey, Kerhuiel, Montero ;
Ripoll, Le Bert, Le Grix, Pédron ;
Bouafia, Malm.
Remplaçants : Uncuncu, Oyawolé, Cloarec.
Le match est arbitré par M. Piccirillo, assisté à la touche par une femme, Mme Corinne Lagrange, qui est la troisième à évoluer en France au niveau professionnel, après Nelly Viennot et Chantal Labbé-Péron. Bien entendu, la Voix des Sports ne manque pas de souligner qu’elle est « charmante ».
Les joueurs lillois sont fraîchement accueillis par les DVE qui déploient une banderole sur laquelle on lit : « Boulogne, Le Mans, Gueugnon : respectez nos couleurs ». 8 825 spectateurs garnissent les travées de Grimonprez-Jooris : ça semble peu, mais c’est l’une des meilleurs affluences de la saison. Et le LOSC est en tête des affluences de D2 avec… 7 836 spectateurs en moyenne, devant Caen (7 377), Lorient (6 949) et Saint-Etienne (6 609). Dans quatre jours, le Stade de France sera inauguré à l’occasion d’un France/Espagne, annonciateur d’une coupe du monde à l’issue de laquelle les affluences du championnat français vont décoller.
Lille est mordant
Les Lillois semblent décidés à en découdre : d’entrée, ils exercent un haut pressing et jouent de manière agressive. Sur la première action à peu près construite, ils ouvrent même le score : Dindeleux trouve Lobé qui, pour une fois, est excentré, sur la gauche. Et pour une fois, il tente un dribble qui lui permet d’armer une frappe, assez moyenne, à 20 mètres, qui rebondit devant le gardien. Celui-ci ne peut que repousser légèrement sur sa gauche et Senoussi, monté aux avants-postes, conclut du plat du pied droit (1-0, 8e).
Après une vingtaine de minutes franchement dominées par un LOSC conquérant, le match s’équilibre, sans générer de situations devant l’un ou l’autre but. Au milieu de terrain, la bataille fait rage. Le match est « nerveux et très engagé » et l’arbitre sort 4 jaunes dans la première demi-heure (pour Lille : Cygan 12e, Duncker 28e). Dans son but, Bruno Clément n’est vaguement inquiété qu’à la 36e minute, après une tentative de Kerhuiel. À la pause, Lille est logiquement devant.
En début de seconde période, une belle tête de Cygan est détournée par Schuth (52e). Le match sombre ensuite « dans l’à-peu-près », Lorient ne faisant que quelques tentatives lointaines, et Lille perdant progressivement ses capacités, les joueurs « manquant cruellement de technique et de sérénité, perdant d’innombrables ballons ». Un centre de Collot fait passer des frayeurs à la défense lorientaise (66e), de même qu’une échappée de Van Der Heyden (68e). Puis Lobé, seul face au gardien adverse, manque de lucidité (73e).
Après un deuxième carton jaune, Collot est expulsé (75e). Dans « une ambiance de corrida », le LOSC défend et tente de percer en contre (Machado, 85e). En fin de match, Lorient fait le siège du but lillois. Alors que le public manifeste du mécontentement, Anne-Sophie Roquette profite d’un arrêt de jeu pour prendre la parole et annoncer que… l’horloge du stade a 5 minutes d’avance ! Un peu calmés, les supporters du LOSC assistent alors à la dernière occasion du match : sur un corner, une tête piquée de Malm est sauvée d’une manchette par Clément (87e). Lille remporte le match.
Le but de Bob Senoussi :
Froger et Mottet tombent dans les bras l’un de l’autre. Tout à sa joie, Froger adresse ensuite un doigt d’honneur au banc lorientais. Quelle mouche a donc piqué l’entraîneur du LOSC ? Selon la Voix des Sports, le geste s’adresse à Christian Gourcuff. Froger n’admet pas que son homologue ait pu chambrer Patrick Collot avant et après son expulsion. Quand Collot a reçu son premier avertissement (70e), Gourcuff aurait lancé : « vas-y Collot, continue comme ça, ça nous intéresse ! ». Puis 5 minutes plus tard, au moment de l’expulsion : « c’est bien, Collot. Je t’avais dit de jouer comme ça… ». L’hebdo commente : « attitude franchement désagréable et anti-sportive qui ternit l’image de cet entraîneur de qualité. À l’aube d’une nouvelle aventure à l’étage supérieur, Gourcuff devra apprendre la discrétion ».
En route vers la D1 ?
« Ils ont remis les pendules à l’heure » salue la Voix du Nord, qui note que le LOSC avait enfin de la « détermination » et de la « volonté ». Cette onzième victoire à la maison permet de nouveau d’effacer un mauvais résultat à l’extérieur, et laisse entrevoir des lendemains qui chantent : « Lille, tombeur de Lorient, se rapproche de la D1 » ; c’est même « la vie en rose ».
Lorient, leader incontesté, est tombé, et Gourcuff ne voit là rien d’illogique dans la défaite de son équipe : « nous avons été bousculés, au propre comme au figuré, par une équipe lilloise très agressive. Nous avons débuté le match avec 20 minutes de retard et un but de handicap ». Pour Thierry Froger, « nous avons joué une première période intéressante avec pas mal de mouvements dans le jeu. Ensuite, j’ai eu un peu peur lorsque nous avons manqué, à plusieurs reprises, le but du KO, puis quand nous nous sommes retrouvés à 10. J’avais demandé aux joueurs d’évoluer à plus de 100% de leurs possibilités. Ils m’ont écouté et on tous fini dans la zone rouge ». Bernard Lecomte, dépité en milieu de semaine, a retrouvé le sourire : « l’engagement collectif et personnel m’a fait énormément plaisir. Ce fut un bon LOSC, tel que je l’aime. Cela sentait les matches de coupe que nous n’avons pu réaliser ».
Pour Pascal Cygan, « il fallait absolument prouver d’entrée qu’on était dans le coup. On se devait de rassurer nos supporters ». Le LOSC, en jouant de la sorte, devrait pouvoir aller au bout : c’est seulement regrettable qu’il ait fallu attendre 28 journées pour prendre conscience des exigences de la D2, comme l’indique Peyrelade : « il y avait du rythme, de l’envie. C’est simplement dommage que ça n’ait pas été le cas à Gueugnon. Si chaque joueur prend conscience qu’il faut mettre la même détermination à chaque fois, alors il n’y aura pas de problème, on accompagnera Lorient en D1 ».
Tout le monde a désormais le regard tourné vers Mulhouse, où le LOSC se rend le 4 février. Comme le dit Carl Tourenne, « battre Lorient pour perdre ensuite à Mulhouse ne servirait à rien… ». Et Lille s’en va gagner à Mulhouse (3-1), pour la deuxième fois de la saison à l’extérieur !
Le LOSC semble avoir retenu les leçons et enchaîne enfin. Il a désormais 6 points d’avance sur le 4e, Sochaux. Lille est désormais l’équipe qui compte le moins de défaites (4, contre 5 pour Lorient). Il reste 13 matches. Lille en perdra… 7, et échouera au pied du podium.
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