Posté le 23 juillet 2023 - par dbclosc
2015 : le LOSC se dote d’une section féminine
Le 23 juillet 2015, la Fédération Française de Football valide la création d’une section féminine de football au LOSC. Retour sur cette naissance et sur la façon dont la presse locale l’a perçue.
En dépit du passage remarqué de Pascal « Françoise » au début des années 1980, le LOSC n’a pas eu l’occasion de se décliner au féminin avant 2015. En matière de football féminin, le département du Nord a pourtant une histoire riche, mais bien peu connue, tant la médiatisation et la reconnaissance de la pratique par des femmes tardent. En effet, un club nordiste a dominé le football national au tournant des années 1970 et 1980 : l’Association Sportive d’Etroeungt, championne de France en 1978, 1979 et 1981. À cette période, 8 joueuses du club nordiste sont sélectionnées en équipe de France ! Et dans ce petit village de 1500 habitants, ce sont les hommes qui jouent en lever de rideau des matches des femmes. La Voix du Nord évoque de temps à autre les exploits des femmes d’Etroeungt, comme ici en mars 1979.
Autour de l’entraîneur Daniel Bertrand, voici sur cette photo : Chantal Carlier, Patricia Hamel, Martine Petit, Marie-Noëlle Fourdrignier, Marie-Noëlle Degardin, Marie-Claire Flamme, Françoise Vin, Joëlle Billot, Isabelle Gendre, Odile Lefevre, Chantal Pani, Christine Pérez, Isabelle Flament, Charline Dufrane, Dominique Warot, Joëlle Pani. La Voix du Nord, 19 mars 1979.
L’aventure des filles d’Etroeungt arrive au moment où le football féminin tente de retrouver un peu de reconnaissance, après que son interdiction a été officiellement levée en 1971. Le championnat de France, initié en 1974, est balbutiant et se fait dans un cadre amateur total. Il n’a aucune reconnaissance, en dépit de la visite de quelques journalistes intrigués, comme Thierry Roland, qui déclare alors : « Les femmes aux fourneaux et pas sur les terrains de foot ».
Le LOSC absorbe le choc
Depuis cette période, le championnat féminin a vu la domination de VGA Saint-Maur, de Juvisy puis, plus récemment de l’Olympique Lyonnais. Et surtout, Thierry Roland est mort, mais pas forcément ses idées. En dépit d’une institutionnalisation progressive et de la mise en place de compétitions internationales, le football féminin reste relégué dans l’ombre du football masculin.
Cela étant, la relative féminisation du foot est désormais passée par Lille. Nous sommes en 2015 : l’idée est dans l’air depuis quelques années déjà. Sous la présidence de Michel Seydoux, un système a progressivement été mis en place : la partie SA s’occupe de tout ce qui concerne les relations avec la Ligue Nationale ; quant aux relations avec la fédération, c’est pour l’association, en l’occurrence, Patrick Robert. C’est donc de dernier qui se rend au nom du LOSC aux assemblées générales de la FFF. En 2011, Noël Le Graët, président de la FFF nomme Brigitte Henriques, ancienne footballeuse, au poste de secrétaire générale de l’institution. Elle est notamment chargée de la féminisation du football et du développement du football féminin. Déjà, à ce moment, elle presse gentiment Patrick Robert de créer une section féminine au LOSC. Le club hésite.
Et en juillet 2015, l’idée se concrétise presque subitement : Patrick Robert, en vacances, est sommé par Michel Seydoux de prendre le premier avion, direction Lille, pour une assemblée générale extraordinaire de l’association. Au programme : le rachat de la section féminine du club de Templemars-Vendeville. Qu’est-ce qui a finalement décidé le LOSC ?
En réalité, cela faisait quelque temps que le LOSC prospectait, et hésitait entre créer une section féminine ex nihilo, ou reprendre un club régional : Hénin-Beaumont, notamment, faisait partie des pistes envisagées. Sont également avancées les contraintes réglementaires à venir (l’obligation pour les clubs professionnels d’avoir une section féminine prévue en 2017), l’approche de la coupe du monde en France (2019), et l’air du temps. Ainsi, Reynald Berghe, directeur général adjoint, indique : « ce n’était pas à l’ordre du jour à l’époque. On avait d’autres préoccupations. Avec l’évolution du football féminin et la coupe du monde qui arrive en France, on estimait que c’était bon de faire un peu comme les autres clubs et de développer une section féminine ». Le propos de Michel Seydoux est un peu plus enthousiaste : « le football féminin a évidemment toute sa place dans un club d’élite tel que le LOSC, tant au niveau professionnel qu’à tous les étages de la formation. L’absence de football féminin au LOSC est enfin comblée par l’éclosion naturelle de cette nouvelle section. Qu’il y ait une équipe féminine au LOSC est quelque chose qui me paraissait important et aujourd’hui, c’est chose faite (…) Je souhaite que nos joueuses fassent partie intégrante du club. Le LOSC est aujourd’hui leur club ».
L’éclosion n’est pas si « naturelle » que ça puisqu’il s’agit de l’absorption d’un autre club, Templemars, une solution plus locale qu’Hénin-Beaumont. En termes techniques, on parle de transfert : les droits sportifs du club templemarois ont été cédés à titre gratuit au LOSC, sous l’égide de la MEL, qui a facilité le travail. Toute la section, des U9 à la D2, soit 130 filles et le staff, est intégrée dans la structure associative du LOSC, ce qui explique que Patrick Robert en prenne de fait la présidence, dès le début. La Voix du Nord évoque « une sorte d’accord gagnant-gagnant« : pour LOSC, c’est l’assurance de disposer de suite d’une équipe compétitive, solidement ancrée en D2, grâce à un « club structuré » et des « gens dévoués » ; pour Templemars, c’est la possibilité de passer dans une autre dimension et de rester ambitieux au moment où le développement du football féminin s’accompagne d’un cahier des charges qui risque de voir disparaître des petits clubs historiques qui ne pourront pas le suivre (donc c’est pas gagnant pour tous). Jules-Jean Leplus, manager général de Templemars, à qui on doit le développement de sa section féminine à partir de 2005, confirme cette lecture de l’événement : « Templemars dispose d’une structure solide et d’une vraie expertise dans le foot féminin. Parallèlement, nous restons amateurs mais le LOSC, qui est un club pro, va nous apporter son expérience »
Le 23 juillet, la FFF donne le feu vert : la section féminine du LOSC est officiellement créée !
Quelles ambitions ?
Selon Jules-Jean Leplus, le club de Templemars-Vendeville fonctionnait avec un budget de 100 000€ (par an). Qu’en sera-t-il à Lille ? Les chiffres sont encore incertains car le fonctionnement est à trouver, mais il est évident que ce budget est amené à s’accroître d’autant qu’une refonte du championnat aboutira en 2015/2016 en 6 descentes. Or, en 2014/2015, Templemars a terminé 8e sur 12… autrement dit, une même performance pour cette nouvelle saison conduirait à une descente. Il s’agit dans un premier temps de se maintenir en D2 avant, assez vite, de viser la D1. Pour ce faire, Jérémie Descamps est maintenu à son poste d’entraîneur. Les filles du LOSC s’entraîneront sur l’annexe du Stadium-Nord, tandis que les jeunes restent sur Templemars. Très vite, une dizaine de recrues arrivent, dont certaines internationales (B ou équipes de jeunes), et il apparaît que le LOSC est amené à jouer les premiers rôles, à une époque où le championnat est encore peu concurrentiel. Parmi les plus connues, beaucoup d’arrageoises comme Jessica Lernon, Jennifer Bouchenna, Laurie Dacquigny, Lucie Vercruysse et Rachel Saïdi.
Cette capacité à attirer parmi les meilleures joueuses d’un club de D1 (qui descend à l’issue de la saison 2014/2015) montre bien le potentiel sportif et une certaine sécurité pour les joueuses qu’offre l’intégration dans un club professionnel. Jessica Lernon, qui compte 3 ans en D1 avec Arras et a connu Jérémie Descamps au Pôle Espoirs de Liévin, raconte ainsi qu’on lui a fait « une proposition très intéressante » : un « contrat fédéral », c’est-à-dire la possibilité d’être rémunérée pour son activité professionnelle, une situation rarissime, à ce niveau, en 2015. Avec ce pouvoir d’attraction, Jérémie Descamps est satisfait : « le groupe est largement bonifié. Il y aura beaucoup de concurrence. C’est un plus et cela va le tirer vers le haut. En cas de blessures ou de suspensions, il y aura des solutions de rechange. De toute façon, ce sera le groupe le plus performant mais aussi le plus complémentaire et le plus équilibré qui jouera le week-end ». Vous pouvez relire une nouvelle fois : il n’y a pas de grande annonce là dedans.
Dolignon, le trait d’union
Parmi les « anciennes » de Templemars figure un nom connu du côté du LOSC : Dolignon, Camille. Elle est la fille de Joël Dolignon, qui a été formé au LOSC et a connu quelques apparitions dans le groupe professionnel dans la première moitié des années 1990. Il a même été titulaire à Marseille, au marquage de Pelé, on en a parlé ici. Camille, après être elle aussi passé par Arras, est depuis deux ans à Templemars. Supportrice depuis toute jeune, abonnée depuis des années, elle a même été célébrée en 2004 au titre de « plus jeune abonnée » à Grimonprez-Jooris. Sa présence dans l’équipe du LOSC permet d’établir une continuité entre le passé et la nouvelle section féminine. Le club ne se prive pas d’une telle opportunité pour faire poser père et fille à Luchin.
De vraies Dogues
Le premier match amical de l’équipe lieu mi-août. À Lillers, les Lilloises s’imposent 3-0 grâce à des buts de Dolignon (4e), Sobczak (20e) et Akhazroun (90e). Pour la Voix des Sports, elles « suscitent la curiosité » : à la fois car on y prête un certain intérêt, mais aussi parce que tout cela ne paraît tout de même pas très « normal ». En témoigne le suffixe « ette » dont sont parfois affublées ces Dogues, devenues « doguettes », un mot qui n’existe pas en français (ni dans aucune autre langue d’ailleurs). Comme dans d’autres sports, cela illustre l’importance des représentations sociales véhiculées par la trajectoire de femmes pratiquant un sport à dominante masculine.
Quelles perspectives ?
Pour la Voix du Nord, à terme, l’existence du LOSC pourrait permettre de servir d’aimant pour les footballeuses les plus talentueuses de la région, au point de pouvoir peut-être concurrencer les plus grosses écuries : « dans quelques années, le club pourrait devenir la place forte du foot féminin dans la région, s’affirmer sur la scène nationale et pourquoi pas, si les moyens financiers suivent, bouleverser la hiérarchie établie, avec la domination actuelle des Lyonnaises et des Parisiennes. Mais le chemin est encore long, et les efforts à fournir sont nombreux ». Jean-François Niemezcki, sélectionneur de l’équipe de France B et directeur technique à la ligue du Nord-Pas-de-Calais, considère que Lille se donne en tout cas les moyens de s’affirmer sur la scène nationale : « pour avoir du foot féminin de haut niveau dans la région, il fallait passer par un accord de ce type [une absorption]. Chez nous, globalement, les clubs ne sont pas assez structurés. Désormais, il y a en a un qui peut faire partie du top 5 national dans deux ou trois ans ! ».
à court terme, ce sont même « les régionales expatriées [qui] pourraient être intéressées ». La Voix du Nord pense notamment à Amandine Henry, née à Lille, et à la calaisienne Claire Lavogez. Pour la première nommée, « c’est une bonne nouvelle, ça fait un moment qu’on attendait ça. Lorsqu’on est jeune, devoir partir dans une autre région pour jouer au foot, car il n’y a pas de club de haut niveau dans les alentours, peut être frustrant. Aujourd’hui, les bonnes joueuses de chez nous vont pouvoir rester ici, profiter de leur entourage. C’est un plus indéniable. Signer un jour au LOSC ? Pourquoi pas, ça voudrait dire que le club a bien fait les choses… ». Quant à Claire Lavogez : « on en parlait souvent avec Amandine : pourquoi n’y a-t-il pas de grand club dans le Nord ? S’il avait existé lorsque j’avais 16-17 ans, je n’aurai sûrement jamais quitté la famille et ma région : je serais allée à Lille ! ». Bon, aux dernières nouvelles, Claire Lavogez est davantage supportrice lensoise que lilloise, mais c’est gentil.
Premiers résultats
Le championnat reprend le 6 septembre, avec un déplacement à Metz, puis deux derbies face à Hénin puis Arras. Un début de saison où Lille n’est « pas gâté » selon son entraîneur. Cependant, après une série de matches amicaux, Jérémie Descamps est plutôt serein : « l’animation défensive m’a plu lors de notre match à Lillers. C’est encourageant. Nous devrions être plus solide défensivement. La saison dernière, nous avons manqué de poids offensif et nous concédions beaucoup de buts. Mais tout est loin d’être encore parfait, il faut un temps d’adaptation pour trouver des automatismes (…) Je n’ai pas réellement de pression même si je sais qu’on va être attendu, qu’il y aura sans doute plus dé médiatisation ».
Pour la première fois, un média du LOSC accompagne son équipe féminine au stade Saint-Symphorien.
Sur le terrain, les Dogues s’inclinent lourdement : 0-4 (avec Héloïse Mansuy chez les Messines).
Une semaine plus tard, les filles du LOSC l’emportent 2-0. La première buteuse du club est Camille Dolignon.
L’aventure est lancée. Et c’est parti Paprzycki !
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