Posté le 26 janvier 2024 - par dbclosc
Où en est le projet Pierre-Mauroy II ?
Face aux insatisfactions que provoque depuis des années le « Grand stade Décathlon Arena Pierre Mauroy », les supporters du LOSC, soutenus par la direction du club, s’activent pour donner au club un stade digne de son standing et ainsi le faire entrer dans une autre dimension. Hélas, le projet se heurte à de nombreux obstacles. Reportage.
Les récentes plaintes exprimées publiquement par le président Létang envers la MEL sont le dernier avatar d’une relation compliquée entre le LOSC et l’institution métropolitaine : l’attribution du chantier avec modification en dernière minute des critères d’évaluation ont permis à Eiffage de remporter la mise au détriment de projets réputés meilleurs et moins coûteux ; de forts soupçons de corruption pèsent (Damien Castelain sera jugé en février 2024 pour « recel de biens et détournement de fonds publics publics » – la fameuse affaire des pierres bleues à 17 000€).
Le loyer payé par le LOSC (plus de 6 M€ par an) semble exorbitant, et on en a jusque… 2043 ; le principe même du partenariat public-privé est problématique, le privé n’y voyant qu’une source de profit en comptant sur l’argent public pour compenser les éventuelles pertes (par exemple, le loyer resterait le même en cas de relégation sportive, mais le LOSC ne devrait plus en payer qu’un million, la collectivité payant le reste). Dans la lignée des stades construits en vue de l’Euro 2016, l’équipement est symptomatique de l’éloignement des clubs de leurs aires géographiques historiques, et d’un spectacle sportif sur lequel se greffent un ensemble d’animations plus ou moins réussies.
Et puis cette pelouse, maintes fois montrée du doigt.
14 septembre 2023 : match de rugby France Uruguay à la Décathlon-Arena
Ces considérations ont conduit la direction du club, soutenue par une large majorité de supporters, à envisager le projet « Pierre-Mauroy II ». Il s’agirait alors de rénover du bâti existant, pour en faire un outil davantage conforme aux besoins du club, du public, et d’un jeu qui ne serait pas parasité par l’état de la pelouse.
Colère des opposants
Cependant, un certain nombres de difficultés se présentent, et mettent déjà en péril le projet. En effet, la rénovation de l’Arena est considérée comme infondée pour quatre raisons.
Tout d’abord, il convient de préciser que, bien entendu, la pelouse serait intégralement changée, de même que le sol sous la pelouse, considérée comme instable et potentiellement porteur d’un champignon. Comme il se doit quand un chantier est envisagé, de premières fouilles scientifiques sont menées, afin de s’assurer que ne s’y trouveraient pas des vestiges historiques. Or, des premiers coups de sonde ont permis à des archéologues de mettre la main sur trois éléments remarquables qui étaient profondément enfouis : le football de Marvin Martin, un carnet de notes tactiques de Marcelo Bielsa, ainsi qu’une ardoise qui correspondrait à des impayés de Gérard Lopez. Ces découvertes laissent penser que plusieurs catastrophes ont eu lieu sur le site, et elles permettraient de comprendre bien des vicissitudes de la vie footballistique. Leur intérêt scientifique pourrait dès lors retarder les premiers coups de pelle.
Ensuite, le remplacement de la pelouse et de la terre provoque la colère d’une association écologiste spécialisée dans la sauvegarde des taupes. Son représentant, Jean-Marc Débute, affirme : « nous savons que ce ne sont pas des taupes modèles car elles dégradent la qualité du spectacle sportif. Cela étant, la défense du vivant doit primer sur tout autre considération. Il fût un temps où le club avait la fibre animaliste, avec Gardon ou Pichon. La disparition progressive de ses chèvres, particulièrement présentes dans les années 1990 a en outre éloigné le club de nos amis à quatre pattes ».
Troisième obstacle : le chantier nécessiterait d’empiéter sur les terres alentours, et notamment sur le parvis où se trouvent de nombreux commerces où se restaurer. L’association « Sauvons la fricadelle » craint que les travaux ne mettent en péril cette tradition et a bien l’intention d’utiliser tous les recours administratifs pour préserver ce patrimoine régional.
Également, de l’autre côté du stade, la présence du centre commercial « V2 » se heurte à un premier avis défavorable de l’architecte des monuments pas historiques ; or tout centre commercial est classé dans cette catégorie, ce qui empêche toute démolition, même partielle.
Enfin, il semble que le projet soit freiné pour des raisons administratives, juridiques et politiques. Ainsi, après un premier feu vert du tribunal administratif, la Cour de Cassation a donné raison aux opposants. Mais devant le Conseil d’Etat, une autorisation a finalement été donnée, avant qu’une plainte au civil n’amène à déplacer le problème auprès d’une juridiction qui, s’estimant incompétente, a émis un référé dont la contestation par le parquet, qui représente l’intérêt général, a rebattu les cartes. À ce jour, la Défenseure des droits a délégué la décision à une commission ad hoc, composée des meilleurs juristes, qui devra statuer à la majorité des 3/5e (pondérée selon le statut des experts) afin de déterminer s’il faut retourner devant le tribunal administratif, après avis du Ministère de la culture.
L’inconnue de la coupe d’Europe
Cette rénovation aurait toutefois une fâcheuse conséquence : l’inévitable indisponibilité du stade devrait en effet conduire à délocaliser les matches du LOSC au Stadium Lille-Métropole, un stade situé en banlieue lilloise, inauguré en 1976, et qui n’a jamais vraiment eu de club de football résident. Hic : en cas de qualification en coupe d’Europe, il ne serait pas possible d’y jouer car ce stade n’est pas homologué par l’UEFA, qui l’a un temps qualifié de « stade de République Tchèque ».
De plus, la tribune Nord a été retirée l’été dernier. En cas de qualification en coupe d’Europe, le LOSC devrait alors probablement se déplacer dans un autre stade, conforme aux normes de standing et de sécurité de l’instance européenne. La solution la plus pratique serait alors de migrer vers le stade Bollaert, mais des supporters locaux ont déjà exprimé leur opposition à ce projet par de nombreux tags aux abords de la N41 et de la N47, le plus fréquent étant :
« Non ̶o̶ au LOSC à ̶B̶e̶a̶u̶ ̶B̶a̶u̶ Bolarte ».
Dès lors, on pense au stade de France (SDF), toujours prompt à offrir le gîte, mais pas le toit couvert. Le LOSC s’y est déjà rendu pour une campagne de Ligue des Champions, en 2005/2006.
Un nouveau stade ?
Si trop de difficultés persistaient, reste une dernière solution : relocaliser le LOSC à Lille et revenir à la tradition, à rebours des récentes évolutions du football. Cela étant, cette option se heurte aux réticences de celles et ceux qui, précisément, aiment particulièrement l’ambiance et les animations du stade.
La maire de Lille devant la maquette du projet
Car il faut bien comprendre que ce projet ne mise pas sur une « expérience stade », dans une zone excentrée et bourrée de lieux de consommation où le match de football semble être un spectacle parmi d’autres. En voici quelques éléments, non-exhaustifs, qui mis bout à bout forment un concept où spectateurs et supporters viendraient assister à un match de football.
Sylvain Armand, Martine Aubry et Olivier Létang ont organisé une conférence de presse pour soutenir le projet
Grâce à des prix attractifs visant à populariser ce sport, le public aurait accès gratuitement à un magazine imprimé où seraient exposés la vie du club, des portraits de joueurs, et des propos de la direction sur l’orientation qu’ils souhaitent donner au club. La sono du stade serait audible. Un émetteur brouillerait le réseau 4G ce qui, en l’absence de « contenus » à partager et de commentaires en direct, empêcherait d’énoncer une probable descente quand le LOSC prend un but, ou de prédire une victoire prochaine en coupe d’Europe dès qu’il en marque. Un speaker ne hurlerait pas six fois le nom des buteurs, et les spectateurs seraient alors libres d’exprimer spontanément leur joie. Pas de loges, pas d’hôtesses, pas de flagornerie envers les VIP.
Un beau projet, dans un cadre verdoyant
Bien sûr, cette ambition est moins populaire. Et se pose la question de savoir à quel emplacement elle pourrait prendre corps. Il se trouve qu’une zone du côté de la Citadelle de Lille serait idéal. Actuellement, s’y trouve justement un espace hybride entre plaine de jeux et terrain vague. Par une heureuse coïncidence, on y trouve même un monument en souvenir d’Henri Jooris.
À quelques pas de là, une vaste étendue servirait de camp d’entraînement, et permettrait d’authentifier et d’apaiser les relations, en donnant l’image de joueurs proches du public, plutôt qu’inaccessibles dans un bunker que le club consent à ouvrir à quelques personnes trois fois par an non sans leur avoir pris identité et coordonnées.
Mais cette idée a elle aussi peu de chances d’aboutir. Selon nos informations, elle serait principalement portée par une poignée de marginaux qui aiment un peu trop cultiver leur nostalgie, et qui devraient penser à franchir eux-mêmes, dans leur esprit mélancolique, un nouveau stade.
Alors rendez-vous en 2043.
Note : Les titres de presse sont issus de la presse régionale, de 2002 à 2006.
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