Posté le 9 mars 2024 - par dbclosc
Lille/Rennes 2000 : le LOSC passe devant
Fraîchement promu en 2000 après trois ans d’absence en D1, le LOSC se retrouve en tête du championnat au soir de la troisième journée en battant les Bretons. C’est un début de saison réussi, mais les difficultés rencontrées durant la préparation laissent penser que ce n’est qu’un feu de paille.
Cela semble presque incongru de penser que le LOSC, brillant troisième de D1 en 2001, a connu une préparation estivale très difficile. Et pourtant, ce fut bien le cas.
Après le dernier match de préparation de l’été 2000, face à Charleroi, c’est peu dire que le LOSC inquiète. Une nouvelle fois, le LOSC n’a pas gagné, cette fois face à Charleroi (1-1), premier non-relégable du précédent championnat belge. La Voix des Sports souligne que « les dogues manquent encore de mordant » ; « le dernier match amical des Dogues n’aura pas été un modèle d’assurance » ; « le LOSC aurait pu perdre tant il fut peu serein en défense ».
L’entraîneur, Vahid Halilhodzic, reconnaît les manques de son équipe : « On est encore loin de ce que je veux. Nous avons encore à travailler, surtout sur le plan tactique. Combien de fois avons-nous produit de belles actions mal conclues par la faute d’une dernière passe manquée ? ». Bon, le point positif est qu’il y a « de belles actions »…
À cinq jours de retrouver la D1, que le LOSC a quittée le 24 mai 1997, on craint que ne ressurgisse le fantôme des saisons médiocres, si présent depuis les années 1980. En dépit d’une saison de tous les records en 1999/2000, le groupe a des joueurs très peu expérimentés dans l’élite, et le recrutement estival n’a pas levé les doutes quant à la capacité de l’équipe à se mettre au niveau. Hormis Pignol, on ne connaît pas grand monde, et le LOSC a remplacé deux de ses titulaires de l’an dernier (Tourenne et Viseux) en les remplaçant par des joueurs qui, sur le papier, n’ont pas l’air meilleurs (N’Diaye au milieu, et Pichot, amené à jouer arrière droit alors qu’il était milieu défensif à Laval).
Entre un tiers et la moitié de l’effectif n’a jamais joué en D1 (Agasson, Allibert, Bakari, D’Amico, Ecker Be. Cheyrou, Br. Cheyrou, Delpierre, Pichot) et, pour le reste, on trouve :
_de très petites expériences en D1, parfois quelques minutes seulement (Landrin, Murati, N’Diaye, Peyrelade, Valois) ;
_des joueurs ayant connu l’élite, mais il faut remonter au moins deux ans en arrière (Boutoille, Collot, Cygan, Wimbée) ;
_trois joueurs qui ont une expérience dans l’élite mais dans des championnats étrangers et dont le niveau peut être difficile à estimer (Beck, Fahmi et, un peu plus tard, Sterjovski).
Si bien que seuls Christophe Pignol, arrivé à l’intersaison, et Didier Santini (mais qui n’a joué que 8 matches avec le LOSC la saison précédente) apparaissent comme les plus expérimentés en D1 (157 matches pour Pignol, 107 pour Santini). Allez, mettons tout de même Patrick Collot ici : même s’il n’a pas joué en D1 depuis 1997, il est le plus capé (197 matches), et son statut depuis quelques mois en font une valeur sûre pour la D1, même s’il jouera probablement moins.
Alors, outre cet effectif incertain, comment en est-on arrivé à avoir des craintes avant que le championnat ne reprenne ?
Après la reprise de l’entraînement fin juin (sans Fahmi, arrivé en retard – première colère de Vahid – puis qui repart rapidement pour jouer avec le Maroc, ni Landrin, en rééducation, ni Be. Cheyrou, au championnat d’Europe des « moins de 19 ans »), les Lillois se rendent rapidement, durant 4 jours1, à la côte belge, à Oostdunkerque (Oostduinkerke). Et ils vont trimer : trois footings par jour, dont le premier à 6h30, sur la plage. Tandis qu’N'Diaye se demande où il a mis les pieds (- à part dans le sable – : « c’est la première fois que je travaille aussi dur »), Halilhodzic se montre satisfait en déclarant que les joueurs ont « bien supporté » cette grosse charge de travail : en effet, seuls Murati, Bakari, Richert, Peyrelade et Boutoille se sont blessés. « Bénin » selon Vahid. D’ailleurs, tout le monde a pu participer à la dernière séance.
Direction ensuite, pour une dizaine de jours, la Bretagne. Retour à Saint-Cast le Guildo, dans les Côtes-d’Armor, où le LOSC s’était déjà rendu lors de l’été 1999. Pour Vahid, « physiquement et psychologiquement, ce stage va être important. Après le gros travail foncier de Oostdunkerque, on va désormais axer sur la vitesse, la puissance, la force et commencer également à travailler tactiquement. Mais c’est surtout au niveau de la vie de groupe que j’attends beaucoup. L’an dernier, c’est là que le groupe était véritablement né. J’avais découvert une solidarité, une ambiance, une volonté dont on a profité toute la saison. J’espère qu’il se passera la même chose cette année ».
La souffrance en guise de cohésion de groupe : voilà ce qui attend les joueurs, à qui Vahid a dit de « bien profiter » d’une thalassothérapie à Dinard. Il est fort probable que ce soit donc le retour de la « légion étrangère », comme nous l’avait dit Djezon, « comme au service militaire », selon Fernando.
Le premier match amical se solde tout de même par une victoire, et 4-0 ! L’adversaire ? Une « sélection bretonne » composée de joueurs de Saint-Brieuc, Léhon et Saint-Malo… Bon, disons que c’était pour se mettre en confiance.
Puis Lille rencontre Rennes : 1-1. Voilà qui est pas mal. Vahid est satisfait de la première période où il a vu « de bons enchaînements », puis « on a manqué de fraîcheur », ce qui était à prévoir. La Voix des Sports souligne que Murati a fait excellente impression avec une « forte activité et une maîtrise technique ».
Et puis, premier gros accroc : face à Caen, club de D2, Lille s’incline (2-3). Et Halilhodzic peste sur de « grossières erreurs individuelles » (il semble que Richert, notamment, soit visé). Et Pignol s’est blessé.
Une victoire contre des amateurs, un nul contre une D1, une défaite contre une D2, le bilan breton est mitigé.
De retour dans le Nord, Lille renoue avec la victoire, mais laborieusement. Contre Mouscron, Patrick Collot a la bonne idée de marquer rapidement (3e) et, durant les 25 premières minutes, Halilhodzic voit des « enchaînements intéressants, des choses positives par intermittence ». Mais, d’après la Voix des Sports, la suite est « soporifique ». Vahid reconnaît les lacunes de son équipe a fait une déclaration franchement inquiétante : « il y a encore beaucoup de réglages et d’automatismes à peaufiner. Le groupe ne sera pas prêt pour la reprise ».
Est-il sincère, ou dégage-t-il l’équipe de toute pression avant d’affronter le champion en titre pour la première journée… ?
À 10 jours de la reprise, le LOSC affronte Beauvais, promu en D2, à Tourcoing. Non seulement le LOSC n’a rien montré, mais en plus il a perdu (0-1). Vahid est tellement en colère qu’il rentre chez lui dès le coup de sifflet final, sans parler à ses joueurs.
Et arrive donc ce dernier match contre Charleroi, toujours pas convaincant, même si les joueurs ont semblé aller mieux physiquement. Autant dire que la préparation ne laisse augurer rien de bon. Avec les blessures et les sélections, « nous n’avons jamais pu travailler au complet. Cela pose forcément quelques problèmes » regrette Vahid. En outre, Lille a mis du temps à trouver son attaquant (Beck arrive mi-juillet, à 15 jours de la reprise2) et n’a pas trouver l’autre attaquant qu’il cherchait (ce sera, en septembre, Sterjovski).
Pascal Cygan, s’il dégage bien le ballon, ne dégage pas non plus une grande confiance : « c’est vrai, les automatismes ne sont pas là. Et puis il nous manque encore cette solidarité qui faisait notre force l’année dernière. Bouger, aider le copain, récupérer son erreur : c’est ce qu’on a du mal à remettre en place ». Il estime cependant que « les matches de préparation n’auront rien à voir avec ceux qui nous attendent en championnat. Face à Monaco, je suis convaincu que les 15 000 spectateurs nous pousseront à nous surpasser. On aura du jus et de l’envie ».
Les supporters, eux, sont dubitatifs.
Mais loin des inquiétudes suscitées en juillet, Lille joue de façon convaincante et prend un point contre Monaco (1-1). Et malgré ce qui apparaît au premier abord comme une grosse tuile (la blessure de Richert), Lille va gagner à Strasbourg (4-0).
Le 12 août, arrive donc ce match contre Rennes. En gagnant, et en imaginant que Lens et Bastia ne gagnent pas, le LOSC peut passer en tête (sa différence de buts est en effet très favorable après la victoire en Alsace). Mais personne n’y pense…
Après une première mi-temps où le LOSC montre décidément qu’il peut rivaliser avec ses adversaires de D1, Pascal Cygan profite d’un mauvais renvoi de la défense rennais après un corner pour placer une lourde frappe (du droit!) sous la barre de Bernard Lama.
Le temps de voir Papa les bras en l’air face à la mer d’Iroise, on se replonge dans le match et, tout en maîtrise, le LOSC conserve son avantage, grâce aussi à son « nouveau » gardien, Grégory Wimbée, qui réalise deux beaux arrêts dans les dernières minutes.
Bastia a perdu, Lens a fait nul : 23 mois après avoir été 17e de D2, le LOSC est au sommet du football français. Une réussite inespérée, qui ne peut être qu’une péripétie dont il faut bien profiter, tant les difficultés qu’il a montrées en préparation finiront immanquablement par ressurgir.
Mais les difficultés ne reviennent pas, et le LOSC repasse même en tête en janvier, à un moment beaucoup plus significatif pour évaluer sa progression.
En somme, le LOSC a réalisé en 2000/2001 l’inverse de la saison 1992/1993, où il avait été tonitruant en matches amicaux et très mauvais en championnat.
Avec un peu de recul le manque de résultats positifs durant la préparation semble très largement imputable à la charge de travail physique demandée en Belgique et en Bretagne. C’est bien sûr a posteriori que le public en prend conscience, mais il semble que tout cela était bien pensé par le préparateur physique, comme nous l’avait dit Djezon : « quand on regarde, l’équipe est quasiment la même qu’en Division 2. Nos matches amicaux n’ont pas été bons, on prend que des tôles. Et là, on se dit « oh la vache, on a explosé … ». Mais Philippe Lambert, nous dit « non, vous allez voir, vous serez prêts » ».
Si les joueurs ont pu exprimer une légitime inquiétude, on peine à penser que les mises en scène de Vahid soient autre chose que du Vahid. Même s’il a également pu avoir quelques craintes, il est évident qu’il savait ce qu’il faisait (et qui avait si bien fonctionné précédemment), à moins que ses craintes aient davantage porté sur des aspects tactiques, mais qui restent difficiles à appliquer s’ils ne sont pas couplés à une préparation physique achevée. Seulement, quand il a quelques craintes, il sur-réagit, mais c’est aussi pour ça qu’on l’a tant apprécié.
Le feu de paille était finalement un feu de joie, annonciateur d’un LOSC version XXIe siècle tout feu tout flammes.
Notes :
1 Le lecteur attentif aura remarqué que 4 jours pour aller de Lille à Oostdunkerque n’a rien d’un trajet fait « rapidement ».
Mais le lecteur de bonne foi aura compris que le « rapidement » se rapporte à « après la reprise », et que le « durant 3 jours » correspond à la durée du stage.
On aurait très bien pu formuler ça autrement et s’éviter une note de bas de page, mais voilà.
2 Oui à l’époque, arriver mi-juillet, c’est tard.
Laisser un commentaire
Vous pouvez vous exprimer.
0 commentaire
Nous aimerions connaître la vôtre!