Archiver pour avril 2024
Posté le 29 avril 2024 - par dbclosc
Avril 1934 : l’Olympique Lillois champion de France… de basket
Le 29 avril 1934, un an après leurs collègues footballeurs, les basketteurs de l’Olympique Lillois remportent le titre national, après être déjà parvenus pour la première fois en finale l’année précédente. En raison de la popularité bien moindre du basket-ball, l’événement reste assez confidentiel.
L’Olympique Lillois, club omnisports créé en 1902, est surtout connu pour sa section football, notamment Trophéïste de France 1914 et championne du premier championnat professionnel en 1933 (toujours disponible dans les bonnes librairies). Sa section basket a été créée en 1924, peu après que le basket connaisse un premier gain de popularité en France.
En France, le basket connaît des évolutions institutionnelles assez similaires à celles qu’on observe en football : éclaté en plusieurs fédérations avant la première guerre mondiale, il gagne en popularité durant le conflit grâce à la présence de soldats américains et connaît une première forme d’unification en 1921 avec l’organisation d’un premier championnat national (amateur) remporté en 1922 par… un club lillois ! Il s’agit de l’Institut Catholique d’Arts et Métiers (ICAM), qui compte de nos jours plusieurs antennes en France mais qui a été fondé à Lille.
Par la suite, l’organisation des championnats changera régulièrement, avec deux inflexions majeures en 1949 (plus grande ouverture à des clubs hors-région parisienne) puis en 1987 (professionnalisme).
Revenons à nos Lillois : assez rapidement, la section basket de l’OL se hisse au niveau de l’élite nationale puisqu’on la retrouve déjà en finale du championnat de France 1933. Pour y parvenir, l’OL a d’abord été champion du Nord, avant de passer par des barrages puis de se retrouver dans un quatuor final. En demi-finale, l’OL a éliminé Saint-Charles d’Alfortville rapidement réduit à 4 après qu’un de ses joueurs a lancé à l’arbitre un « qualificatif osé » (A la page, 27 avril 1933). Résultat : 54 à 24 pour ceux qu’on appelle aussi les Dogues.
Les basketteurs lillois sont réputés lents, mais plus grands, plus athlétiques, avec une défense très solide et une capacité à shooter « à la mulhousienne » (L’Auto, 21 mai 1933), expression qu’on n’a pas tout à fait comprise, mais signalons que le Foyer Alsacien Mulhouse domine le basket français depuis la moitié des années 1920, et qu’à la lecture de certains résumés, il semble que les Lillois sont particulièrement adroits quand ils tirent de loin. Bref, on construit peu, on bourrine de loin et on gagne : en somme, les caractéristiques des basketteurs lillois ressemblent fort à celles que la presse rapporte au sujet des footballeurs de l’OL, tant en 1914 qu’en 1933.
En 1933, les 5 joueurs de l’OL qui jouent la finale de championnat contre le Foyer de Reims sont :
Charles Fonteyne (avant, capitaine) : 1,70m, 66 kilos, 25 ans. International français, il est le créateur, à 16 ans, de la section basket de l’OL. « De la classe » selon l’Auto.
Jean Tirlimont (avant) : 1,80m, 76 kilos. Lillois depuis 5 ans, il est un « joueur consciencieux, très adroit de loin ».
André Vix (centre) : 1,78m, 74 kilos. Ancien joueur de l’ICAM évoqué plus haut, il joue ensuite en région parisienne puis revient à Lille après avoir accepté un poste d’ingénieur. Sélectionné en équipe du Nord, « il sait utiliser ses équipiers les mieux placés ».
Jean Labbé (arrière) : 1,80m, 88 kilos. Ancien d l’ICAM, assez lent mais imprenable sur les ballons hauts, comme ses proportions l’indiquent, « son sens de la place en font un arrière difficile à passer ».
Georges Fontaine (arrière) : 1,70m, 68 kilos. Il est le plus jeune de l’équipe, et basketteur depuis 3 ans seulement. Sélectionné avec l’équipe du Nord quelques jours avant, il a refusé pour préparer la finale avec ses équipiers : « bel esprit de club ». Oui mais l’esprit régional…?
Face aux champions en titre Rémois, l’OL a fort à faire. 3 000 personnes ont pris place dans aux arènes de Lutèce, et on y assiste à « la plus belle des finales » (L’Auto), « un match épique » (Le Miroir des Sports). Seuls deux points séparent les deux équipes à 5 minutes du terme, mais les Rémois creusent l’écart en fin de match et s’imposent 36-28. En dépit de « paniers réussis dans des positions exceptionnelles » et de la qualité du capitaine Fonteyne, l’OL n’a pas résisté mais aucun doute : « la progression du basket est significative (…) Nous sommes loin des recettes de grandeur astronomique des grandes épreuves de football et de rugby, mais on aurait tort de conclure que la minorité actuelle de ce sport est une chose définitivement acquise » (Le Miroir des Sports, 23 mai 1933).
Un an après, revoilà les Lillois : la section basket, présidée par Henri Kretzschmar – qui sera un des acteurs de la création du LOSC, s’est de nouveau hissée en finale du championnat ! Championne du Nord, elle a ensuite terminé en tête de la « poule B » (le champion de la « poule A » est l’autre finaliste) en écartant l’AS Bon Conseil (46-17), les Cheminots Rennais (66-21), JA Charleville (55-19), l’USCPO – aucune idée de ce que c’est – (32-31), puis le Stade Français en demi-finale (43-31)
Le 5 titulaire a été modifié depuis la saison précédente. Charles Fonteyne, Jean Tirlimont et Georges Fontaine sont toujours là ; leurs nouveaux équipiers sont :
Pierre Boel (avant) : 1,85 m, 22 ans, sélectionné en équipe du Nord et remplaçant en équipe nationale ; « déconcerte ses adversaires par sa façon spéciale de shooter. Particulièrement redoutable sous le panier » (Les Sports du Nord, 28 avril 1934).
Roger Charlet (arrière) : 22 ans. Sélectionné en équipe du Nord ; « joueur calme, pratiquant l’interception avec bonheur, contre-attaque et marque souvent de loin ».
Face aux Lillois se présente le Foyer Alsacien Mulhouse, qui a déjà été sacré 7 fois, mais qui a perdu de sa superbe depuis trois ans (1924, 1925, 1926, 1928, 1929, 1930, 1931). C’est ce qui fait dire à la presse nordiste que, cette fois, « l’issue paraît devoir être favorable » (Les Sports du Nord).
Au niveau national, L’Auto fait aussi des « blanc cerclé rouge » leurs favoris, rappelant que, l’année précédente, « ils s’inclinèrent mais ils donnèrent l’impression que leur tour viendrait (…) Il y a de meilleurs individualités à Mulhouse, mais l’Olympique Lillois est supérieur par sa cohésion et sa conception du jeu ».
Au stade Roland-Garros, 1 500 spectateurs sont présents, parmi lesquels Marin, ministre de la santé publique l’éducation physique. Il y a davantage de supporters Alsaciens que Nordistes ; les joueurs de Mulhouse sont « encouragés dans leur patois régional par un assez grand nombre de spectateurs » (Miroir des Sports).
Les deux équipes jouent avec leurs qualités habituelles : les Lillois shootent « sans parcimonie », quitte à avoir du déchet important, mais ils trouvent ainsi fréquemment le grand Boel ; « du reste, Boel n’avait pas attendu cette finale pour atteindre quelque renommée, puisque, parmi les quinze cents spectateurs présents, on entendait assez souvent les exhortations qui lui étaient adressées : « Allez, Gobe-Mouche,» surnom qui répondait parfaitement aux talents de l’avant nordiste » (Miroir des Sports).
Le début de match est équilibré : 5-5, 10-10, 12-12, 13-13, 15-15. Et, à la mi-temps (il semble qu’il y ait deux périodes), les Dogues mènent 17 à 16. Le Miroir des Sports note un jeu « plaisant », mais parfois « haché » : selon l’hebdomadaire, l’arbitre est « exagérément pointilleux, se croyant obligé d’expliquer au public le pourquoi de ses innombrables coups de sifflet, dont certains furent bien mal accueillis, et cela avec juste raison ».
À la reprise, après une dizaine de minutes sur le même rythme, les Lillois prennent un net ascendant physique et réalisent un 32-9 dans les 15 dernières minutes. À l’arrivée, l’OL remporte la finale 51-28, et Boel inscrit à lui seul 25 points.
Pour l’Auto, « il n’y a pas de contestations possibles (…) cette saison, après avoir dominé toutes les équipes, l’OL s’octroie le titre de brillante façon. Le Foyer de Mulhouse a été un adversaire à sa main, mais rien ne doit diminuer la victoire des Dogues lillois (…) l’équipe la plus complète et surtout la mieux au point imposa son jeu à son adversaire en moins bonne condition physique ; ce dernier, voyant le match perdu, ne se soucia même plus de la marque ».
Un résumé très détaillé et pas chiant du tout de la finale (revue Basket-ball) :
Plus simple (L’Auto) :
Cette victoire est celle du dirigeant de la section basket de l’OL ; pour l’Auto, « Monsieur Kretzschmar, comme dirigeant, a droit à une grande part de ce succès, car il a su donner à son équipe cet esprit de camaraderie et de sacrifice qui fait les champions ». Dans la presse régionale, on souligne qu’il est le « grand animateur de la balle au panier dans notre région, il s’est toujours dépensé sans compter pour son club et la victoire d’hier n’est qu’une récompense légitime des sacrifices qu’il a toujours su s’imposer pour faire progresser le basket nordiste » (Les Sports du Nord).
En 1935, l’OL, pour la troisième fois consécutive, arrive jusqu’en finale ; mais il est battu par un autre club de Mulhouse.
Comme pour la section football, la section basket de l’OL, quand la guerre commence, a une existence qui n’est pas très clairement déterminée. En 1943, l’OL, rebaptisé OICL (comme en football), se hisse en finale interzones. En février 1944, on trouve sa trace à Paris, où il perd un match par forfait, au moment où on ne sait pas si l’OL/OICL a une existence juridique.
Après-guerre, le LOSC comptera également une section basket très bien placée au niveau nationale jusqu’en 1960, avant que la section ne redescende en division régionale puis que des soucis financiers ne la fassent disparaître en 1972, laissant place au Lille-Basket-Club.
Posté le 26 avril 2024 - par dbclosc
Lille/Metz 1939, le match qui n’eut jamais lieu
Été 1939 : la nouvelle saison de Division Nationale se prépare en dépit de la menace d’un conflit imminent. Fin août, les Dogues de l’Olympique Lillois doivent recevoir Metz. Mais, bien qu’arrivés seulement le 31 mai 1940, les Allemands arrivent avant les Grenats dans la capitale des Flandres. Mauvais signe.
« Allez l’OL ! » : pour qui se passionne depuis des années pour le football lillois, ce cri, scandé à pleins poumons par des milliers de supporters des Dogues, est un incontournable d’un après-midi footballistique sur les bords de la Deûle. Mais quand il est repris ce 3 novembre 1939, il prend une dimension particulière.
Au stade Victor-Boucquey, un match oppose deux équipes de militaires : celle, française, du premier corps, et celle, anglaise, de la Royal Air Force. Côté français, rien que des vedettes nordistes, soit évoluant dans les clubs du coin (OL : Défossé, Cheuva ; Fives : Jadrejak ; Lens : Marek, Siklo ; Roubaix : Urbaniak , Kups – qui lui est Polonais), soit revenus au bercail depuis quelques semaines (Duhamel, Nicolas). Le public s’est empressé de venir voir ces footballeurs-militaires nordistes, qui ont rarement l’occasion de fournir une exhibition commune, dépassant les rivalités régionales. Mais c’est la première fois depuis la fin de l’été que le public lillois a l’occasion de voir un match de football. Lors de l’entrée des deux équipes sur le terrain, un frisson parcourt la foule : « les nombreux gars du Nord cantonnés eurent une douce émotion lorsque l’équipe du premier corps pénétra sur le terrain, vêtue du maillot blanc cerclé de rouge de l’Olympique Lillois » (Le Grand Echo).
On l’aura compris : la mobilisation générale, décrétée le 1er septembre, a interrompu toute activité sportive. Beaucoup de footballeurs sont désormais des militaires, et ceux de la région se sont unis pour affronter leurs alliés anglais, présents sur le sol national. Et puisque la guerre ne semble pas (encore) prendre le chemin des champs de bataille, pourquoi ne pas rejouer ? La réapparition du maillot de l’OL, rangé au placard depuis des semaines, est une belle surprise de la part des « régionaux », qui suscite en retour une belle ovation du public. Elle symbolise le fol espoir d’un retour à la normale ; à défaut, et de façon plus réaliste, elle vient très ponctuellement éclairer un quotidien qui s’est brusquement assombri. Retournons quelques mois en arrière.
De Metz à Metz
28 mai 1939 : à Metz, l’OL vient obtient un match nul (0-0) pour son dernier match de championnat 1938/1939. C’est encore une saison réussie pour les Dogues, même si des clubs comme Sète, Marseille ou le Racing ont sans doute montré davantage de qualités et constance depuis l’avènement du professionnalisme. Les Lillois terminent à la cinquième place, tout en étant parvenus à se hisser en finale de la Coupe de France.
Début juin, les Lillois disputent un tournoi à Marseille avec l’OM, Sète, et le RC Paris. Après avoir battu Sète (2-1), ils s’inclinent en finale contre Marseille (1-4). Un dernier amical à La Gantoise, perdu 0-1, conclut la saison 1938/1939 de l’OL.
Au cours de l’été, les nouvelles classiques tombent : mi-juillet, l’Olympique Lillois communique sur le prix des abonnements, et annonce un premier match amical contre Breda le 20 août. Et un peu plus tard, la calendrier préparé par le Groupement est annoncé : les Dogues commenceront la saison le 27 août au stade Victor-Boucquey, contre Metz.
On n’arrête pas le progrès
Il règne une certaine légèreté à Lille durant cet été 1939. En effet, le 14 mai, l’Exposition du Progrès Social est ouverte.
Jusqu’à octobre, à Lille et à Roubaix, cette exposition est une sorte d’exposition universelle miniature, où des régions françaises, quelques pays voisins (Belgique, Luxembourg, Pays-Bas, et même Allemagne) viennent mettre en avant de récentes évolutions notamment technologiques, urbanistiques, et architecturales. En outre, les colonies sont également mises en scène pour mettre en avant l’Empire français : et voici, dans la ville des Dogues, des chameaux, dromadaires, et autres éléphants, que peut admirer le président Albert Lebrun, venu inaugurer la fête le 5 juin, un joli Luna Park (une ducasse).
L’objectif de cette Exposition est de montrer que les régions dévastées par la guerre 14-18 se sont relevées et sont désormais tournées vers un monde nouveau, fait d’équipements collectifs, de villes assainies, où le sport occupe une place importante. En somme, il s’agit de marquer symboliquement la fin de la Grande Guerre et de ses effets.
L’entrée de l’Exposition se fait à l’extrémité du Boulevard Louis XIV, via une Porte d’Honneur en acier de 45 mètres de haut, qui donne sur une espèce de village géant où apparaît d’abord le bâtiment principal de l’annuelle Foire commerciale (détruit en 1993), appelé Grand Palais, de 30 mètres de hauteur, et qui a donné son nom à l’actuel Grand Palais (qui n’est pas situé exactement sur l’endroit du bâtiment précédent).
Ainsi, sur une vaste surface située de la gare Saint-Sauveur à la gare Lille-Flandres, en suivant globalement le tracé des anciens remparts, Lille est le centre d’une intense activité de propagande visant à promouvoir la « modernité ».
L’esprit festif de cette exposition tranche avec climat international, particulièrement électrique, de cet été. Depuis plusieurs années, à la suite de divers événements qu’on ne va pas retracer ici, un conflit d’envergure semble inévitable. Il l’est désormais à ce point que, désormais, les journaux titrent non pas sur la probabilité du conflit, mais sur les diverses stratégies qu’il faudra adopter quand on y sera : qui a la meilleure flotte, en cas de guerre maritime ? Qui et par où les Allemands comptent attaquer leurs voisins ? Peut-on compter sur le soutien des Russes ? L’alliance entre l’Allemagne et l’Italie est-elle sincère ?
Le Tournoi de l’Exposition, ancêtre du Challenge Emile-Olivier
Dans les deux villes nordistes, sont greffés à l’Exposition proprement dite des activités sportives et récréatives. À Lille, l’érection d’une piscine et d’un stade, grâce au jumelage de l’Union des Sociétés de Gymnastique de France, permet aux sportifs de démontrer leurs talents et ainsi prouver que l’effort de « regénération des corps » entamé après-guerre a porté ses fruits.
Clou sportif de l’Exposition : est annoncé seulement début août ce que la presse nordiste qualifie de « véritable coup d’envoi de la saison nordiste ». Et pour cause : il s’agit d’un tournoi réunissant les quatre équipes de la région engagés dans le championnat 1938/1939 : l’’Olympique Lillois, le Sporting Club Fivois, l’Excelsior Roubaix-Tourcoing et le Racing Club de Lens. Ainsi, les samedi 12 et dimanche 13 août, dans un stade aménagé dans l’enceinte même de l’Exposition, l’équipe gagnante remportera le Coupe de l’Exposition du Progrès Social, et nul doute que ce sera « un énorme succès populaire ». La coupe sera remise par Albert Mahieu, sénateur du Nord, vice-président du Sénat, et président de l’Exposition. Un peu moins d’un an plus tard, il fera partie des parlementaires votant les pleins pouvoirs à Pétain (comme 85% d’entre eux)1. Mais en attendant : football, nous voilà.
Au niveau de l’organisation, c’est assez simple : deux demi-finales le samedi et, le dimanche, la petite finale suivie de la grande. Dans leur grande sagesse, les organisateurs prévoient que la petite finale aura lieu entre les deux battus du samedi, et que la grande finale opposera les deux vainqueurs.
Le tirage au sort a décidé des matches suivants :
Samedi à 15h : SC Fivois/RC Lens
Samedi à 17h : O. Lillois/E. Roubaix-Tourcoing
Petit point réglementaire : en cas d’égalité dans les demi-finales, le gagnant sera désigné par tirage au sort. En cas de résultat nul dans la finale, on jouera une prolongation de 30 minutes divisée en deux périodes 15 minutes. Et si c’est encore égalité ? « Le comité d’organisation verrait alors ce qu’il convient d’envisager pour l’attribution de la Coupe » précise Le Grand Echo du Nord.
Ce tournoi estival, exceptionnellement greffé à un événement d’envergure, deviendra près de 40 ans plus tard un rituel annuel, avec quelques variantes das un premier temps : de 1977 à 1988, le Tournoi de la Communauté Urbaine de Lille permettait souvent à deux équipes nordistes, accompagnées de belles équipes étrangères, de terminer leur préparation ; puis, de 1992 à 1998, le Challenge Emile-Olivier a quant à lui uniquement opposé les meilleures équipes nordistes.
Fives au top, l’OL en difficulté
Samedi 12 août 1939, Fives et Lens alignent les joueurs suivants :
Fives : Cros ; Fabreguettes, Méresse ; Bourbotte, Kapta, Laune ; Nowicki, Doly, Bihel, Van Caeneghem, Waggi (Wawrzeniak de son vrai nom)
Lens : Evin ; Mathieu, Beaucourt ; Ourdouillier, Lewandowski, Calinski ; Dugauguez, Spechtl, François, Pruss, Melul.
Voici pour le match de 17h :
OL : Dupont ; Vandooren, Szezesny ; Carly, Cheuva, Cleau ; Delannoy, Winckelmans, Koranyi. Muller, Bigot.
Excelsior : Gonzalès ; Arana, Dhulst ; Cholle, Thomas, Walravens ; Renard, Hiltl, Sécember, Buge, Liétard.
Selon le Grand Echo, près de 5 000 spectateurs assistent aux deux matches. Pour accéder au stade, les amateurs doivent se munir d’un billet spécial en plus d’un billet pour l’Exposition. Cela fait partie des « trois combinaisons intéressantes pour visiter l’Exposition ».
« On s’attendait à un succès de curiosité. Que valent nos team ? Qu’est-ce que le stade de l’Expo ? Le public s’est vite trouvé chez lui et a si vite reconnu ses équipes qu’au bout de 10 minutes il vibrait comme aux plus beaux jours du championnat »
Sur le terrain, Fives bat Lens 3-1 (Bihel, Doly, Waggi/Specht).
Ensuite, OL et Excelsior font match nul 1-1 (Koranyi/Hiltl sp). Il faut donc recourir à un tirage au sort, et qui gagne bien sûr… ?
La grande finale opposera donc Fives à l’Excelsior, et la petite Lille à Lens.
Notons que le pénalty obtenu par l’Excelsior est consécutif à une nouveauté dans le règlement. Cette nouveauté est diffusée durant tout l’été aux arbitres, joueurs et amateurs de football. Les joueurs de l’OL et du SCF ont ainsi communément assisté à une conférence le 7 août au café du Pélican, Grand’Place. Voici ce qu’écrit le Grand Echo quant à la nouvelle règle :
« En vue de rendre le jeu plus scientifique, plus intelligent, plus « fair-play » et, par suite, moins brutal, il a été décidé que l’arbitre ne devait plus tolérer la « charge », même correcte, contre un adversaire qui n’est pas en possession du ballon ou qui ne tente pas définitivement de jouer le ballon. Cette décision ne causerait aucune émotion dans le monde du football si l’infraction à cette nouvelle réglementation n’était sanctionnée que d’un « coup franc » simple. Mais toute charge, même correcte, qui n’est pas exécutée à bon escient, devra être sanctionnée d’un « coup franc » direct ou d’un « penalty » si la faute est commise dans la surface de réparation. Ajoutons qu’un joueur qui veut barrer un adversaire peut toujours avoir recours à l’obstruction qui reste permise ».
Il est amusant de lire qu’une charge « même correcte », est maintenant considéré comme « incorrecte ». En revanche, reste tolérée une pratique qui passerait aujourd’hui pour une sérieuse incorrection : la simple « obstruction ». Ces règles semblent tomber sous le sens avec nos yeux contemporains, mais rappelons que le football est, à l’origine, un jeu bien plus brutal, voire violent, qu’il ne l’est aujourd’hui, où presque tous les contacts sont désormais considérés comme fautifs. Il était donc possible de faire tomber à terre un adversaire qui n’était même pas en possession du ballon. Dans les faits, il semble que cette règle ait mis du temps à être intégralement appliquée, puisque lors d’un match de coupe Lille/Lens en 1949 dont nous avons parlé ici, une des techniques des Dogues était libérer le passage du porteur de balle en mettant à terre les adversaires qui pourraient se trouver sur leur chemin. Une pratique rigolote très clairement illustrée sur cette photo :
En petite finale, Lens et Lille se présentent de la sorte :
OL : Dupont ;Vandooren, Secesny ; Rémy, Cheuva, Cléau ; Dangléan, Stefaniak,Koranyi, Muller, Bigot.
RCL : Mathieu, Beaucourt ; Calinski, Pruas, Hadelberger, Boucher, Ourdonillier, Stanis, Specht, François
Lens s’impose 2-1 (Stanis, Boucher/Mathieu csc ou Koranyi selon les sources).
Pour la finale, Fives et Roubaix-Tourcoing alignent les joueurs suivants :
SCF : Cros ; Fabreguettes, Méresse ; Bourbotte, Kapta, Laune ; Novicki, Doly, Bihel, Prouff, Waggi.
Excelsior : Gonzalès ; Aréna, Dhults ; Cholle, Dubois,Walravens ; Tobia, Hiltl, Sécember, Buge, Filez.
Les Fivois gagnent 5-1 (Kapta sp, Prouff, Wagi, Bihel, Bihel/Buge) et remportent donc le tournoi ; « aussitôt le match terminé, les joueurs, en cortège, musique en tête précédés de la Coupe, et entourés de supporters enthousiastes, parcoururent les allées de l’Exposition et se rendirent sur le terre- plein du Théâtre de Plein Air. Et pour clôturer, on sabla le champagne ».
Quels enseignements tirer du tournoi ? Difficile à dire, car l’OL ne disposait pas encore de ses recrues (Da Rui, Moré, Kalocsaï), le RCL n’avait ni Siklo ni Marek. Mais le SCF évoluait aussi sans sa recrue annoncée, Finta. Mais au niveau de l’affluence, le Grand Echo estime que près de 10 000 personnes sont venues sur les deux jours, et le public nordiste semble impatient que le championnat reprenne. Au passage, on note que le principal club de la ville peut encore ajouter un stade à la liste de ceux dans lesquels il a joué « à domicile ».
Par la suite, la préparation des deux clubs lillois confirme la tendance : l’OL ne fait que match nul contre Valenciennes (2-2) puis ne bat Breda « que » 1-0, alors que l’Excelsior avait battu les Néerlandais la veille par 3 à 1. En outre, l’arrivée des recrues tarde. Les Dogues se renforceront-ils ? Quant au SCF, il termine sa préparation en gagnant largement sur le terrain de l’Union Saint-Gilloise (5-0).
C’est reparti comme en 14
Arrive enfin la semaine de reprise du championnat. La belle préparation des Fivois est notamment attribuée à l’arrivée de René Bihel – futur avant-centre du LOSC – auquel l’Auto consacre un article le 24 août.
Dimanche 27, l’OL recevra Metz, tandis que Fives ira à Saint-Etienne.Chez les Dogues, on se méfie beaucoup de l’équipe de Metz, qui a recruté deux internationaux d’Europe centrale : un gardien hongrois (ou Autrichien – c’est-à-dire Allemand – selon les sources) et un demi tchécoslovaque – c’est-à-dire un peu Allemand aussi. Les lorrains comptent aussi d’autres internationaux, français (Fosset, Marchal, Rohrbacher, Kowalezyk), néerlandais (Bakhuys), et hongrois (Weiskopf).
Mais à mesure qu’avance la semaine, l’Auto annonce que certains clubs professionnels font face à des effectifs tronqués, car plusieurs joueurs sont déjà mobilisés.
En milieu de semaine, la nouvelle tombe : les matches de D1 qui devaient se dérouler dimanche 27 sont remis à une date ultérieure. Le lendemain, la Ligue du Nord annonce une remise pour tous les matches de niveau amateur dans la région.
Même les pages de l’Auto se remplissent progressivement des actualités internationales tandis que, même dans la presse régionale, les dernières tractations diplomatiques occupent une grande partie des journaux.
À partir de l’invasion de la Pologne, la place du football dans les journaux est réduite à la portion congrue. La mobilisation générale est décrétée. L’Exposition du Progrès Social ferme ses portes précipitamment. Son bâtiment principal sera bombardé quelques mois plus tard. Puis, comme en 1914, c’est par quelques lignes elliptiques que l’on obtient des nouvelles des footballeurs mobilisés.
En septembre, un lecteur inquiet du Grand Echo adresse cette lettre à l’OL :
Où sont donc les Dogues ? Difficile de le savoir. Le Grand Echo rapporte que Gabriel Caullet, le président du club, serait démissionnaire, puis aurait disparu. Pourtant, après quelques semaines, le football reprend. Le championnat de D1 aussi, mais sans certains clubs, dont l’Olympique Lillois, alors que le Sporting Fivois est bien là.
Cette période de l’histoire du club est très peu claire. Y a-t-il encore une section football à l’OL ? Si oui, où est-elle ? Pourquoi le championnat – ou ce qui est désigné comme tel – se fait-il sans les Dogues ? Le souvenir de 1914 a-t-il poussé les dirigeants à se retirer d’eux-mêmes, avant que les événements n’empirent ? L’OL était-il en difficulté financière, comme cela était fréquemment rapporté depuis deux ans… ?
Toujours est-il qu’on ne reverra pas le maillot de l’OL avant le 3 novembre 1939, jour de ce match entre militaires. Le club, sous cette appellation, aura donc joué le dernier match de son histoire professionnelle à Metz, en mai 1939. On retrouvera les Dogues dans un autre monde.
Note :
1 Notons que A. Mahieu est expulsé de Vichy en 1941 pour avoir tenu des « propos injurieux » à l’égard de Pétain et pour avoir critiqué Darlan. Sans que ceci ne soit la conséquence de cela, il est mort en 1943.
Posté le 16 avril 2024 - par dbclosc
2002, Aston Villa acte 2 : Le LOSC dans son jardin anglais
Après le match nul de l’aller, on ne se fait pas trop d’illusions sur les chances du LOSC à se hisser en finale de la coupe Intertoto, d’autant qu’un très mauvais départ en championnat a subitement semé le doute. Et pourtant, après un match maîtrisé, les Dogues s’imposent 2-0 et poursuivent leur aventure.
Le LOSC est resté sur une impression très positive après le match aller : en arrachant un nul à la dernière minute, il semblait n’avoir pas renoncé à ses valeurs de combativité qui en ont fait sa marque de fabrique depuis quelques années. Symboliquement, c’est le meilleur représentant de ces valeurs qui a égalisé, Fernando D’Amico, comme si, en dépit des changements de l’été, l’état d’esprit des Dogues était intact.
Oui, mais : pour la reprise de la D1, le LOSC a pris une méchante claque à domicile. 0-3 à la maison, ce n’était pas arrivé depuis août 1995 (face à Guingamp). Entretemps, il y avait eu pire (0-4 contre Auxerre, mars 1996 ; contre Montpellier, mars 1997). On est d’accord pour admettre qu’il faut un peu de temps pour s’ajuster, mais on n’était plus habitués à ce genre de contre-performances. Dès lors, c’est toute l’interprétation d’une préparation qui semblait réussie qui est revue : et si le LOSC avait été bouffé physiquement par l’Intertoto ? Et si le LOSC n’avait rencontré que de faibles adversaires ? Et surtout, et si le LOSC avait rompu avec son passé récent, fait de réussite et d’exploits permanents ?
Du côté des joueurs, on est remontés après ce sale résultat. Le nouveau capitaine, Grégory Wimbée, prend sur lui le manque de réactivité de l’équipe contre Bordeaux : « les anciens dont je fais partie n’ont pas assumé leur statut. Tout le monde s’encourageait . Même à 0-3, chacun a cherché à réagir, mais de façon trop individuelle. Il aura fallu dire stop à un moment, analyser ce qui n’allait pas et trouver une réponse collective ». De manière générale, la presse s’interroge sur le « manque de leaders » dans l’effectif lillois. Si Greg Wimbée et Djezon Boutoille sont restés – ils ont d’ailleurs longuement parlé dans le vestiaire après le match, de même que Claude Puel – et que Fernando D’Amico, par sa manière de jouer, a également une faculté à faire réagir ses équipiers (il a pris un jaune grossier juste après le 0-3 puis est allé provoquer Pauleta après que le Portugais a manqué un pénalty en fin de match), les autres anciens sont de nature plus discrète (Fahmi, Landrin, Pichot).
Quoi qu’il en soit, pour le gardien lillois, « nous sommes obligés de nous reprendre immédiatement. Et cette réaction se fera par le jeu ». Quant à Djezon Boutoille, il aurait voulu jouer dès dimanche pour effacer la gifle bordelaise.
Avec cette alerte, faut-il laisser tomber l’Intertoto et se centrer sur le championnat pour éviter de se retrouver en fond de classement ? Ce n’est pas l’idée de Claude Puel, qui est satisfait de jouer 4 jours après cette déroute, et pour se qualifier en Angleterre : « ça va permettre de se recentrer immédiatement sur l’essentiel. Nous y allons avec l’ambition de jouer la qualification. Après le résultat de l’aller, il faudra marquer au moins un but, mais ça ne me semble pas impossible (…) Jouer Aston Villa pour préparer le championnat ne servirait à rien. Si c’était le cas, autant rester à la maison »
Comme à l’aller, mais en ayant en tête que les Anglais seront encore mieux préparés, les Dogues s’attendent à un « combat », selon Djezon Boutoille : « ils vont être agressifs, ils vont chercher à nous bouger dans les duels aériens. Mais si on fait un grand match, on passera. Une qualification serait le meilleur moyen d’oublier Bordeaux, et de préparer Le Havre ».
Puel emmène un groupe de 19 joueurs à Birmingham : tout le monde est disponible, hormis deux joueurs encore non-qualifiés pour l’Europe (Manchev et Baciu). Les Lillois logent dans le « cadre verdoyant » de l’hôtel Marriott. À Villa Park, ils pourront compter sur le soutien d’une centaine de supporters, dont 70 venus en bus avec le groupe « Tous avec le LOSC » et les Doggies. Dans les bus se trouvent le papa et le frère d’Hector Tapia, ainsi que le papa de Fernando D’Amico, qui passe probablement le trajet derrière le chauffeur en lui hurlant d’aller plus vite.
Mercredi 7 août : les Lillois découvrent le stade aux alentours de 19h10, pour un match prévu à 20h45 (heure française, 5h45 heure australienne le lendemain pour information). Villa Park peut accueillir 43 000 spectateurs, et on devrait en compter 25 000 ce soir. Claude Puel aligne une composition que la Voix du Nord qualifie de « prudente » : en effet, cinq défenseurs, deux milieux défensifs, un relais, deux milieux et un attaquant, il ne faut pas s’attendre à jouer l’offensive. Voici la composition :
Wimbée
Chalmé, Delpierrre, Fahmi, Rafael, Tafforeau ;
N’Diaye, Landrin, Bonnal, Brunel ;
Moussilou
Comme à l’aller, Moussilou occupe l’attaque, ce qui est aussi une manière de faire tourner mais, surtout, Puel se prive de six joueurs qu’on imagine titulaires ordinairement : Tapia, Boutoille, Pichot, Sterjovski, Be. Cheyrou et D’Amico sont sur le banc. L’entrée des joueurs se fait sur un « concert de cuivres qui n’aurait pas dépareillé avant un combat de gladiateurs à Rome ».
Djezon Boutoille n’avait pas tort : les Anglais donnent le ton dès la première minute avec un coup de Vassel donné à Delpierre. Le défenseur lillois, blessé à la pommette ; sort se faire soigner, ce qui occasionne un premier long arrêt de jeu. C’est le début d’un match perturbé par de nombreuses échauffourées.
Au niveau du jeu, Brunel tente une première offensive (9e), mais Lille est dominé, battu dans les airs, et se montre incapable de ressortir proprement le ballon durant les 20 premières minutes. Il faut cependant attendre la demi-heure de jeu pour voir une première grosse occasion pour les Locaux : Crouch passe facilement Fahmi et frappe : Rafael renvoie en catastrophe le ballon devant la ligne (mais il n’était peut-être pas cadré). Barry (35e) puis Crouch (39e) tentent encore leur chance, mais Wimbée est vigilant.
« Dans ces conditions, 0-0 à la pause semblait déjà une opération juteuse » lit-on dans la Voix du Nord. Alors, que dire de la suite ? Au moment où l’on entre dans les arrêts de jeu, le LOSC obtient un coup-franc, que l’on ose qualifier de « bon » que parce qu’il est loin du but de Wimbée. À 30 mètres du but anglais, Fahmi tente sa chance : le mur dévie et le ballon entre doucement dans le but d’Enckkelman, pris à contrepied. 1-0 pour Lille ! Le but sur France Bleu Nord :
Fahmi, en dépit d’une lourde frappe, n’avait jamais marqué sur coup-franc avec le LOSC. S’il en a beaucoup frappés en D2, il n’était d’ailleurs que très rarement le tireur attitré depuis deux ans, Bruno Cheyrou et Johnny Ecker ayant pris le relais. Leur départ aura permis de débloquer le compteur du Marocain, un peu chanceusement.
0-1 à la pause après une telle première période, les Anglais ont de quoi ruminer. Apparemment pas trop remis de ce coup de massue, ils en prennent un deuxième dès le retour des vestiaires. Avec nonchalance, la défense perd le ballon, ce qui profite à Brunel qui frappe du droit : le gardien repousse dans l’axe, où surgit Bonnal, qui inscrit le deuxième but lillois (0-2, 46e) ! La belle affaire se précise pour le LOSC, qui doit désormais encaisser 3 buts sans en marquer pour être éliminé.
On constate assez vite que les Anglais n’ont pas le même allant qu’en première période. On peut sans doute l’expliquer par les deux buts encaissés à deux moments-clés, mais aussi par le fait qu’ils comptent une semaine de préparation en moins. Vassel (54e) puis Crouch (61e) tentent bien de réveiller le stade, mais c’est très timide. De plus, Puel bétonne en faisant entrer Be. Cheyrou à la place de Bonnal (61e). La réussite est clairement du côté lillois : à la 68e minute, un coup-franc d’Hadji, dévié par le mur, surprend Wimbée qui parvient à s’emparer du ballon avec l’aide de la transversale. Et pour montrer que les Dogues sont toujours dangereux, Brunel manque le 0-3 en ne redressant pas suffisamment son ballon après avoir échappé au gardien (70e). Brunel et Moussilou sortent ensuite, remplacés par Boutoille et Sterjovski (71e).
Il ne se passe alors plus grand chose au niveau du jeu. En tribunes, on entend une Marseillaise à la 78e minute. Et les Anglais entament un autre match, fait de provocations et de tacles très limites : on assiste à une « fin de match houleuse et pourrie par le jeu dur des Anglais ». Après une nouvelle sortie sur Boutoille, Djezon reste à terre : Sylvain N’Diaye hurle auprès de l’arbitre et est expulsé (90e). Boutoille sort : sa cheville – encore – est touchée, et le LOSC finit à 10.
Lille s’impose et se qualifie pour la finale. Cette qualification valide les choix de Claude Puel qui, sans renoncer à quelque ambition, avait largement fait tourner. Après match, les sourires contrastent avec les mauvaises mines qui avaient suivi le match contre Bordeaux. Le coach souligne que « même s’il n’y avait pas eu la qualification, ce match m’aurait donné satisfaction car les gars ont été réceptifs aux consignes et ont su gommer pas mal d’imperfections. Ils ont réussi un match à l’opposé de celui de Bordeaux ».
Quant au président Seydoux, il est encore content : « l’équipe avait le devoir de réagir. Elle l’a fait et de fort belle façon. Il n’y a quand même pas beaucoup d’équipes françaises qui ont le bonheur de gagner en Angleterre par deux buts d’écart. Le groupe a retrouvé toutes ses qualités, son esprit, et c’est le plus important. Quand on perd un match en affichant ses valeurs, tout simplement parce que l’adversaire est plus fort, c’est moins grave. Mais contre Bordeaux, ça n’avait pas été le cas. À la limite, ce départ désastreux aura peut-être été un mal pour un bien. Il a obligé les joueurs à se remettre en question ».
Le propos de Seydoux est toutefois bien hâtif, et ne doit pas qu’à la grande méconnaissance qu’il a du football, qui lui fait faire quelques premières sorties médiatiques assez maladroites. Si, dans l’immédiat, le LOSC se rassure effectivement (0-0 au Havre, puis victoire 1-0 contre Stuttgart lors de la finale aller à Grimonprez), il rechute très vite en championnat (nouvelle défaite 0-3 à domicile, contre Nice) et ne remporte son premier match qu’à la 6e journée. Entretemps, le LOSC n’est pas parvenu à se qualifier pour la coupe de l’UEFA (défaite 2-0 à Stuttgart).
Si le LOSC connaîtra un bel automne, il traversera une grosse crise durant l’hiver qui rappelle qu’on ne passe pas d’une ère à une autre sans en payer le prix : le LOSC s’en sort finalement en toute fin de championnat, notamment en battant Rennes.
La valeur de cette double confrontation contre Aston Villa est difficile à évaluer : placée au cœur de l’été, à un moment où les différences de préparation peuvent aboutir à des résultats trompeurs, dans une compétition qui est une coupe d’Europe mais assez peu prestigieuse, au moment où de nouveaux effectifs prennent leurs marques, cet aspect étant très poussé du côté du LOSC en 2002, on lui attribue rétrospectivement une grande partie de la responsabilité du début de saison manquée du LOSC, sans qu’on ne puisse précisément déterminer dans quelles proportions cette croyance est fondée ou non.
Deux ans plus tard, le parcours Intertoto du LOSC suivi d’une superbe saison (2e) montrera qu’on peut tout à fait concilier cette coupe avec un championnat réussi. Dès lors, on peut raisonnablement considérer que cette demi-finale de 2002 reflète ce que sera le LOSC 2002/2003 : un club et une équipe en transition, avec toute l’inconstance sportive que ça implique. Mais elle aura tout de même vu le LOSC se qualifier contre des Anglais, chez eux, et constitue à ce titre une belle ligne sur la carte de visite européenne du club, désormais bien fournie.
Un résumé du match (France 3) :
Toutes les citations sont extraites de la Voix du Nord ou de la Voix des Sports.
Posté le 9 avril 2024 - par dbclosc
2002, Aston Villa acte 1 : Lille entretient l’espoir sur le fil
Au cours de l’été 2002, le LOSC est engagé en coupe Intertoto, après s’être classé 5e en 2001/2002. Pour se qualifier en coupe UEFA, il faut remporter trois confrontations aller/retour. La première a été facilement remportée face aux modestes Roumains de Bistrita (2-0 ; 1-0). Un obstacle d’une tout autre envergure se présente pour la demi-finale : Aston Villa.
C’est une nouvelle ère pour le LOSC : après près de quatre années de réussite totale depuis l’arrivée de Vahid Halilhodzic au cours desquelles le LOSC est remonté en D1 et a immédiatement découvert la coupe d’Europe, les principales têtes de l’organigramme sont parties. Les départs de Francis Graille, de Pierre Dréossi et de Vahid Halilhodzic questionnent : si le club a connu une exceptionnelle réussite sportive, sa structuration n’a pas suivi au même rythme, et beaucoup reste encore à construire. En outre, une partie des cadres des précédentes années s’en est allée, ne laissant pas passer l’occasion de signer le contrat de leur vie : on pense notamment à Bakari, Cheyrou, Cygan et Ecker. Restent néanmois quelques cadres tels que Wimbée, Fahmi, Pichot, N’Diaye ou D’Amico. Ce chamboulement va-t-il couper l’élan des Dogues, et les reléguer aux places médiocres auxquelles il s’est habitué depuis des décennies ?
L’arrivée de Claude Puel semble constituer la garantie d’une certaine continuité, du moins sur la forme : travail et rigueur sont ses maîtres-mots. Mais le recrutement est la grande inconnue : sur le papier, les nouvelles arrivées ne sont pas très excitantes, même si elles sont présentées comme prometteuses : Chalmé, Bonnal, Campi, Fortuné et surtout, devant, la paire Manchev/Tapia (+ Abidal en septembre).
Le groupe apparaît rajeuni est moins expérimenté. On va de toute façon rapidement être fixé, car la reprise est précoce : coupe Hitoto oblige, le LOSC reprend mi-juin. Grâce à l’indice français, les Dogues commencent la coupe UEFA dès le troisième tour, ce qui équivaut aux quarts de finale. La formule est originale puisqu’il existe trois tableaux parallèles au bout desquels chaque vainqueur se qualifie pour l’UEFA, ce qui aboutit donc à trois équipes qualifiées en UEFA via l’Intertoto. Pour Lille, le premier match, à Bistrita, se jouera le 20 juillet. En attendant le LOSC réalise deux stages de préparation (10 jours au Touquet et 10 jours à Capbreton) ponctués de quatre matches amicaux au cours desquels celui qui fait la meilleure impression est le Chilien Hector Tapia.
Pas de problème pour la première confrontation, alors qu’on craignait, comme souvent dans cette coupe, que les équipes supposées meilleures aient du retard dans leur préparation : Lille s’impose en Roumanie (2-0, Boutoille et Brunel) puis à Grimonprez-Jooris (1-0, D’Amico).
Place désormais à Aston Villa, club d’un calibre qui correspond mieux à ce qu’on attend d’une coupe d’Europe.
Aston Villa, club situé à Birmingham, au centre de l’Angleterre. Ancienne ville industrielle, elle a la deuxième plus peuplée du Royaume-Uni, après Londres, et avant Glasgow. On s’en fout ? Oui. Le club a un prestigieux passé européen : il a en effet gagné la coupe d’Europe des clubs champions en 1982 (face au Bayern Münich), puis la supercoupe d’Europe (face à Barcelone, vainqueur de la C2) dans la foulée.
En 2002, Villa n’est pas un épouvantail, au sein d’une Premier League qui n’est pas aussi dominante qu’aujourd’hui. En première division anglaise depuis 1988, Aston Villa a terminé 8e du championnat 2001/2002, à 37 points du champion, Arsenal. Le bilan : 12 victoires, 14 nuls, 12 défaites, ce qui est somme toute moyen, et qui mérite donc de foutre en l’air une partie de sa préparation avec l’Intertoto. L’équipe est qualifiée d’« inconstante » par la Voix des Sports, qualificatif qui doit valoir pour toutes les équipes de tous les championnats au monde qui terminent huitièmes.
Mais, par principe, on se méfie des Anglais (sportivement). Parmi ses quelques vedettes, Aston Villa compte le Turc Alpay, les Suédois Mellberg et Allbäck (arrivé à l’intersaison), le Colombien Juan Pablo Angel, l’Anglais Darius Vassel (titulaire à la coupe du monde 2002), le Ghanéen Boateng, le Marocain (Youssouf) Hadji et le « vieux » Paul Merson, 34 ans, qui, entre quelques problèmes d’alcool et de drogue, joue encore parfois au football, à moins qu’il ne faille en conclure que tout cela conserve. Dans l’effectif, est également arrivé de Portsmouth Peter Crouch, qui pour le moment n’est qu’un grand dadais qui ne marque pas trop de buts, avant qu’il ne devienne le grand dadais qui marque beaucoup de buts. Bref, voilà des noms « connus mais pas trop », ce qui fait de Villa un favori contre lequel on a des chances.
Mais, preuve s’il en faut que ça ne va pas être de la tarte, lors du tour précédent, Villa était opposé à Zürich : au match aller, les Suisses se sont imposés 2-0. Et au retour à la maison, les Anglais ont gagné 3-0. Et, tellement sûrs de leur force, entre le match aller et le match retour, des dirigeants chargés de la logistique sont venus visiter les installations de Grimonprez-Jooris. Renverser Zürich n’est pas non plus l’exploit du siècle, mais les Lillois sont prévenus.
Pour Claude Puel, on aura affaire à « deux matches intéressants » et « il faudra nécessairement être vigilants ». Voilà pour les banalités. L’entraîneur lillois craint néanmoins que le calendrier de cette confrontation ne soit un handicap par rapport à des Anglais qui reprennent plus tardivement leur championnat. Pour le LOSC, l’aller se joue entre le retour du match précédent et la première journée de championnat (contre Bordeaux). Et le retour se jouera entre les première et deuxième (au Havre) journées de championnat : « on risque de manquer de fraîcheur. Ces matches contre Aston Villa sont donc un peu mal placés ». Et comme l’écrit la Voix des Sports, « on ne prend jamais un Anglais de haut, fût-il légèrement en retard dans ses travaux d’approche ! ».
31 juillet 2002, les choses sérieuses commencent ! Il fait beau à Lille et on compte environ 15 000 spectateurs au stade Grimonprez-Jooris dont 600 Anglais, qui se font d’abord remarquer en sifflant copieusement la présentation de la nouvelle recrue du LOSC : Vladimir Manchev. Pas encore qualifié (tout comme les deux équipes d’ailleurs), il devrait pouvoir jouer samedi contre Bordeaux. Il y a eu un doute car il avait perdu son passeport, qui a été retrouvé par le personnel de l’hôtel Alliance, où il loge, dans un couloir.
La Voix du Nord note une apparente bizarrerie : « typiquement anglais, l’échauffement d’Aston Villa. Éparpillés dans leur moitié de terrain, les joueurs de Graham Taylor ont, en effet, donné l’impression de faire n’importe quoi ». Ceux qui se connaissent en profitent pour se saluer : Hadji et Wimbée (centre de formation de Nancy), Hadji et Fahmi (sélection marocaine).
Voici la composition lilloise :
Wimbée ;
Pichot, Fahmi, Delpierre, Tafforeau ;
Chalmé, D’Amico, N’Diaye, Brunel ;
Sterjovski, Moussilou
Une seule recrue (Chalmé) et, comme on pouvait le prévoir avec Puel, confiance aux jeunes avec les titularisations de Delpierre et de Moussilou (qui a été lancé par Vahid en janvier 2002 mais n’est plus réapparu en équipe 1 jusqu’à Bistrita)
À 19h30, l’arbitre croate donne le coup d’envoi.
Le LOSC (en gris) semble vouloir emballer le match mais l’adversité est d’un autre calibre que ce qu’ont proposé les Roumains : « l’organisation anglaise – cohérente, rigoureuse, et même parfois implacable – a tempéré très vite les ardeurs d’un LOSC pourtant bien en jambes ». La première période est donc surtout l’occasion d’observer ce que veut faire Claude Puel : en l’occurrence, on remarque surtout les tentatives de combinaisons sur les côtés, avec Pichot/Chalmé à droite, et Tafforeau/Brunel à gauche.
Le match est équilibré, et on a l’impression que les Anglais gèrent à leur rythme. Les Anglais sont les premiers à se créer quelques situations chaudes (tête de Taylor, 15e ; centre tendu de Samuel manqué d’un rien par Hitzlsperger, 16e). Du côté lillois, on attend le dernier quart d’heure pour approcher le but anglais avec conviction : après une ouverture vers Sterjovski mal gérée par le gardien, Brunel tente de loin mais ça passe à côté (31e) ; puis le même Brunel tente un lob face au gardien alors que c’était probablement la dernière chose à tenter, et ça finit tranquillement en 6 mètres (37e). Juste avant la pause, une frappe de D’Amico n’inquiète pas l’équipe adverse. 0-0 à la pause : ce n’est pas simple et ce n’est pas folichon devant.
La deuxième période part sur les mêmes bases : ça ronronne et seules quelques tentatives lointaines ou maladroites ponctuent un jeu qui se passe principalement en milieu de terrain. Puel fait alors entrer Bonnal à la place de Brunel (61e) puis, dix minutes plus tard, Tapia et Boutoille aux places de Chalmé et de Moussilou. Dans la foulée, Tafforeau sauve un ballon très chaud (72e) puis, sur un corner, Taylor marque en se jetant après une tête repoussée par Wimbée (76e).
On sent alors les Lillois proches de la rupture. Si les entrées des nouveaux offensifs apportent un peu d’énergie, ça ne semble pas suffisant (tête de Tapia, 86e). Mais, dans le temps additionnel, sur une ultime attaque, Boutoille réussit un dribble côté droit, il centre au deuxième poteau où se trouve Tapia, qui remise de la tête dans l’axe. Aux 6 mètres, D’Amico se jette et égalise de la tête (1-1, 92e). Le but sur France Bleu Nord :
Le match se termine sur ce nul. Un but dans le temps additionnel grâce au concours de deux entrants : faut-il voir un signe de continuité avec l’époque Halilhodzic ? Après le Vahid Time, le Puel Time ? Alors que quelques craintes s’étaient déjà manifestées du côté des supporters, ce but tardif est la meilleure des réponses personnes qui doutent, les vraies comme les fausses sceptiques. Grégory Wimbée : « que le public soit rassuré, on va continuer à mouiller le maillot. Ce groupe a toujours faim, et il a encore envie de réaliser de belles choses. La réussite continuera-t-elle à nous sourire comme elle l’a fait dans le passé ? Ce paramètre-là, on ne le maîtrise pas, mais la réussite, il faut savoir la forcer, et nous sommes habités par la rage de gagner ».
Le nouveau président, Michel Seydoux, est content : « l’entraîneur change, les hommes et la tactique aussi. Pourtant l’état d’esprit est toujours là. Quelle joie ! ». Plus froid et mesuré, Claude Puel note qu’« égaliser dans les dernières secondes, c’est toujours très fort. Dans le cas présent, c’est aussi très important. Nous gardons en effet toutes nos chances en vue du retour à Birmingham. Le LOSC a aussi montré de la qualité dans son jeu. Ce fut un match solide, structuré. L’équipe a su en outre dévoiler une grande force de caractère. Elle est, en définitive, dans la continuité de ce qu’elle fait depuis plusieurs saisons ». Fernando D’Amico, le meilleur buteur de la saison, signale aussi que, contrairement à ce qu’on redoutait, ce match arrive au bon moment, à la veille de reprendre en D1 : « finalement, ce match est bienvenu car il nous a mis dans le bon rythme ».
Du côté d’Aston Villa, on est aussi satisfait. L’entraîneur, Graham Taylor, déclare qu’il « aurai[t] signé tout de suite avant le match pour un tel résultat »
Face à une équipe solide, avec un but encaissé à la maison qui vaudra double en cas d’égalité, ce nul n’est évidemment pas le meilleur des résultats, mais le LOSC n’a pas hypothéqué ses chances de poursuivre la compétition. Rendez-vous à Villa Park dans une semaine. Entretemps, la D1 aura repris avec la réception de Bordeaux.
Un résumé du match (France 3) :
Toutes les citations sont extraites de la Voix du Nord ou de la Voix des Sports (juillet-août 2002)