Posté le 9 avril 2024 - par dbclosc
2002, Aston Villa acte 1 : Lille entretient l’espoir sur le fil
Au cours de l’été 2002, le LOSC est engagé en coupe Intertoto, après s’être classé 5e en 2001/2002. Pour se qualifier en coupe UEFA, il faut remporter trois confrontations aller/retour. La première a été facilement remportée face aux modestes Roumains de Bistrita (2-0 ; 1-0). Un obstacle d’une tout autre envergure se présente pour la demi-finale : Aston Villa.
C’est une nouvelle ère pour le LOSC : après près de quatre années de réussite totale depuis l’arrivée de Vahid Halilhodzic au cours desquelles le LOSC est remonté en D1 et a immédiatement découvert la coupe d’Europe, les principales têtes de l’organigramme sont parties. Les départs de Francis Graille, de Pierre Dréossi et de Vahid Halilhodzic questionnent : si le club a connu une exceptionnelle réussite sportive, sa structuration n’a pas suivi au même rythme, et beaucoup reste encore à construire. En outre, une partie des cadres des précédentes années s’en est allée, ne laissant pas passer l’occasion de signer le contrat de leur vie : on pense notamment à Bakari, Cheyrou, Cygan et Ecker. Restent néanmois quelques cadres tels que Wimbée, Fahmi, Pichot, N’Diaye ou D’Amico. Ce chamboulement va-t-il couper l’élan des Dogues, et les reléguer aux places médiocres auxquelles il s’est habitué depuis des décennies ?
L’arrivée de Claude Puel semble constituer la garantie d’une certaine continuité, du moins sur la forme : travail et rigueur sont ses maîtres-mots. Mais le recrutement est la grande inconnue : sur le papier, les nouvelles arrivées ne sont pas très excitantes, même si elles sont présentées comme prometteuses : Chalmé, Bonnal, Campi, Fortuné et surtout, devant, la paire Manchev/Tapia (+ Abidal en septembre).
Le groupe apparaît rajeuni est moins expérimenté. On va de toute façon rapidement être fixé, car la reprise est précoce : coupe Hitoto oblige, le LOSC reprend mi-juin. Grâce à l’indice français, les Dogues commencent la coupe UEFA dès le troisième tour, ce qui équivaut aux quarts de finale. La formule est originale puisqu’il existe trois tableaux parallèles au bout desquels chaque vainqueur se qualifie pour l’UEFA, ce qui aboutit donc à trois équipes qualifiées en UEFA via l’Intertoto. Pour Lille, le premier match, à Bistrita, se jouera le 20 juillet. En attendant le LOSC réalise deux stages de préparation (10 jours au Touquet et 10 jours à Capbreton) ponctués de quatre matches amicaux au cours desquels celui qui fait la meilleure impression est le Chilien Hector Tapia.
Pas de problème pour la première confrontation, alors qu’on craignait, comme souvent dans cette coupe, que les équipes supposées meilleures aient du retard dans leur préparation : Lille s’impose en Roumanie (2-0, Boutoille et Brunel) puis à Grimonprez-Jooris (1-0, D’Amico).
Place désormais à Aston Villa, club d’un calibre qui correspond mieux à ce qu’on attend d’une coupe d’Europe.
Aston Villa, club situé à Birmingham, au centre de l’Angleterre. Ancienne ville industrielle, elle a la deuxième plus peuplée du Royaume-Uni, après Londres, et avant Glasgow. On s’en fout ? Oui. Le club a un prestigieux passé européen : il a en effet gagné la coupe d’Europe des clubs champions en 1982 (face au Bayern Münich), puis la supercoupe d’Europe (face à Barcelone, vainqueur de la C2) dans la foulée.
En 2002, Villa n’est pas un épouvantail, au sein d’une Premier League qui n’est pas aussi dominante qu’aujourd’hui. En première division anglaise depuis 1988, Aston Villa a terminé 8e du championnat 2001/2002, à 37 points du champion, Arsenal. Le bilan : 12 victoires, 14 nuls, 12 défaites, ce qui est somme toute moyen, et qui mérite donc de foutre en l’air une partie de sa préparation avec l’Intertoto. L’équipe est qualifiée d’« inconstante » par la Voix des Sports, qualificatif qui doit valoir pour toutes les équipes de tous les championnats au monde qui terminent huitièmes.
Mais, par principe, on se méfie des Anglais (sportivement). Parmi ses quelques vedettes, Aston Villa compte le Turc Alpay, les Suédois Mellberg et Allbäck (arrivé à l’intersaison), le Colombien Juan Pablo Angel, l’Anglais Darius Vassel (titulaire à la coupe du monde 2002), le Ghanéen Boateng, le Marocain (Youssouf) Hadji et le « vieux » Paul Merson, 34 ans, qui, entre quelques problèmes d’alcool et de drogue, joue encore parfois au football, à moins qu’il ne faille en conclure que tout cela conserve. Dans l’effectif, est également arrivé de Portsmouth Peter Crouch, qui pour le moment n’est qu’un grand dadais qui ne marque pas trop de buts, avant qu’il ne devienne le grand dadais qui marque beaucoup de buts. Bref, voilà des noms « connus mais pas trop », ce qui fait de Villa un favori contre lequel on a des chances.
Mais, preuve s’il en faut que ça ne va pas être de la tarte, lors du tour précédent, Villa était opposé à Zürich : au match aller, les Suisses se sont imposés 2-0. Et au retour à la maison, les Anglais ont gagné 3-0. Et, tellement sûrs de leur force, entre le match aller et le match retour, des dirigeants chargés de la logistique sont venus visiter les installations de Grimonprez-Jooris. Renverser Zürich n’est pas non plus l’exploit du siècle, mais les Lillois sont prévenus.
Pour Claude Puel, on aura affaire à « deux matches intéressants » et « il faudra nécessairement être vigilants ». Voilà pour les banalités. L’entraîneur lillois craint néanmoins que le calendrier de cette confrontation ne soit un handicap par rapport à des Anglais qui reprennent plus tardivement leur championnat. Pour le LOSC, l’aller se joue entre le retour du match précédent et la première journée de championnat (contre Bordeaux). Et le retour se jouera entre les première et deuxième (au Havre) journées de championnat : « on risque de manquer de fraîcheur. Ces matches contre Aston Villa sont donc un peu mal placés ». Et comme l’écrit la Voix des Sports, « on ne prend jamais un Anglais de haut, fût-il légèrement en retard dans ses travaux d’approche ! ».
31 juillet 2002, les choses sérieuses commencent ! Il fait beau à Lille et on compte environ 15 000 spectateurs au stade Grimonprez-Jooris dont 600 Anglais, qui se font d’abord remarquer en sifflant copieusement la présentation de la nouvelle recrue du LOSC : Vladimir Manchev. Pas encore qualifié (tout comme les deux équipes d’ailleurs), il devrait pouvoir jouer samedi contre Bordeaux. Il y a eu un doute car il avait perdu son passeport, qui a été retrouvé par le personnel de l’hôtel Alliance, où il loge, dans un couloir.
La Voix du Nord note une apparente bizarrerie : « typiquement anglais, l’échauffement d’Aston Villa. Éparpillés dans leur moitié de terrain, les joueurs de Graham Taylor ont, en effet, donné l’impression de faire n’importe quoi ». Ceux qui se connaissent en profitent pour se saluer : Hadji et Wimbée (centre de formation de Nancy), Hadji et Fahmi (sélection marocaine).
Voici la composition lilloise :
Wimbée ;
Pichot, Fahmi, Delpierre, Tafforeau ;
Chalmé, D’Amico, N’Diaye, Brunel ;
Sterjovski, Moussilou
Une seule recrue (Chalmé) et, comme on pouvait le prévoir avec Puel, confiance aux jeunes avec les titularisations de Delpierre et de Moussilou (qui a été lancé par Vahid en janvier 2002 mais n’est plus réapparu en équipe 1 jusqu’à Bistrita)
À 19h30, l’arbitre croate donne le coup d’envoi.
Le LOSC (en gris) semble vouloir emballer le match mais l’adversité est d’un autre calibre que ce qu’ont proposé les Roumains : « l’organisation anglaise – cohérente, rigoureuse, et même parfois implacable – a tempéré très vite les ardeurs d’un LOSC pourtant bien en jambes ». La première période est donc surtout l’occasion d’observer ce que veut faire Claude Puel : en l’occurrence, on remarque surtout les tentatives de combinaisons sur les côtés, avec Pichot/Chalmé à droite, et Tafforeau/Brunel à gauche.
Le match est équilibré, et on a l’impression que les Anglais gèrent à leur rythme. Les Anglais sont les premiers à se créer quelques situations chaudes (tête de Taylor, 15e ; centre tendu de Samuel manqué d’un rien par Hitzlsperger, 16e). Du côté lillois, on attend le dernier quart d’heure pour approcher le but anglais avec conviction : après une ouverture vers Sterjovski mal gérée par le gardien, Brunel tente de loin mais ça passe à côté (31e) ; puis le même Brunel tente un lob face au gardien alors que c’était probablement la dernière chose à tenter, et ça finit tranquillement en 6 mètres (37e). Juste avant la pause, une frappe de D’Amico n’inquiète pas l’équipe adverse. 0-0 à la pause : ce n’est pas simple et ce n’est pas folichon devant.
La deuxième période part sur les mêmes bases : ça ronronne et seules quelques tentatives lointaines ou maladroites ponctuent un jeu qui se passe principalement en milieu de terrain. Puel fait alors entrer Bonnal à la place de Brunel (61e) puis, dix minutes plus tard, Tapia et Boutoille aux places de Chalmé et de Moussilou. Dans la foulée, Tafforeau sauve un ballon très chaud (72e) puis, sur un corner, Taylor marque en se jetant après une tête repoussée par Wimbée (76e).
On sent alors les Lillois proches de la rupture. Si les entrées des nouveaux offensifs apportent un peu d’énergie, ça ne semble pas suffisant (tête de Tapia, 86e). Mais, dans le temps additionnel, sur une ultime attaque, Boutoille réussit un dribble côté droit, il centre au deuxième poteau où se trouve Tapia, qui remise de la tête dans l’axe. Aux 6 mètres, D’Amico se jette et égalise de la tête (1-1, 92e). Le but sur France Bleu Nord :
Le match se termine sur ce nul. Un but dans le temps additionnel grâce au concours de deux entrants : faut-il voir un signe de continuité avec l’époque Halilhodzic ? Après le Vahid Time, le Puel Time ? Alors que quelques craintes s’étaient déjà manifestées du côté des supporters, ce but tardif est la meilleure des réponses personnes qui doutent, les vraies comme les fausses sceptiques. Grégory Wimbée : « que le public soit rassuré, on va continuer à mouiller le maillot. Ce groupe a toujours faim, et il a encore envie de réaliser de belles choses. La réussite continuera-t-elle à nous sourire comme elle l’a fait dans le passé ? Ce paramètre-là, on ne le maîtrise pas, mais la réussite, il faut savoir la forcer, et nous sommes habités par la rage de gagner ».
Le nouveau président, Michel Seydoux, est content : « l’entraîneur change, les hommes et la tactique aussi. Pourtant l’état d’esprit est toujours là. Quelle joie ! ». Plus froid et mesuré, Claude Puel note qu’« égaliser dans les dernières secondes, c’est toujours très fort. Dans le cas présent, c’est aussi très important. Nous gardons en effet toutes nos chances en vue du retour à Birmingham. Le LOSC a aussi montré de la qualité dans son jeu. Ce fut un match solide, structuré. L’équipe a su en outre dévoiler une grande force de caractère. Elle est, en définitive, dans la continuité de ce qu’elle fait depuis plusieurs saisons ». Fernando D’Amico, le meilleur buteur de la saison, signale aussi que, contrairement à ce qu’on redoutait, ce match arrive au bon moment, à la veille de reprendre en D1 : « finalement, ce match est bienvenu car il nous a mis dans le bon rythme ».
Du côté d’Aston Villa, on est aussi satisfait. L’entraîneur, Graham Taylor, déclare qu’il « aurai[t] signé tout de suite avant le match pour un tel résultat »
Face à une équipe solide, avec un but encaissé à la maison qui vaudra double en cas d’égalité, ce nul n’est évidemment pas le meilleur des résultats, mais le LOSC n’a pas hypothéqué ses chances de poursuivre la compétition. Rendez-vous à Villa Park dans une semaine. Entretemps, la D1 aura repris avec la réception de Bordeaux.
Un résumé du match (France 3) :
Toutes les citations sont extraites de la Voix du Nord ou de la Voix des Sports (juillet-août 2002)
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