Posté le 29 avril 2024 - par dbclosc
Avril 1934 : l’Olympique Lillois champion de France… de basket
Le 29 avril 1934, un an après leurs collègues footballeurs, les basketteurs de l’Olympique Lillois remportent le titre national, après être déjà parvenus pour la première fois en finale l’année précédente. En raison de la popularité bien moindre du basket-ball, l’événement reste assez confidentiel.
L’Olympique Lillois, club omnisports créé en 1902, est surtout connu pour sa section football, notamment Trophéïste de France 1914 et championne du premier championnat professionnel en 1933 (toujours disponible dans les bonnes librairies). Sa section basket a été créée en 1924, peu après que le basket connaisse un premier gain de popularité en France.
En France, le basket connaît des évolutions institutionnelles assez similaires à celles qu’on observe en football : éclaté en plusieurs fédérations avant la première guerre mondiale, il gagne en popularité durant le conflit grâce à la présence de soldats américains et connaît une première forme d’unification en 1921 avec l’organisation d’un premier championnat national (amateur) remporté en 1922 par… un club lillois ! Il s’agit de l’Institut Catholique d’Arts et Métiers (ICAM), qui compte de nos jours plusieurs antennes en France mais qui a été fondé à Lille.
Par la suite, l’organisation des championnats changera régulièrement, avec deux inflexions majeures en 1949 (plus grande ouverture à des clubs hors-région parisienne) puis en 1987 (professionnalisme).
Revenons à nos Lillois : assez rapidement, la section basket de l’OL se hisse au niveau de l’élite nationale puisqu’on la retrouve déjà en finale du championnat de France 1933. Pour y parvenir, l’OL a d’abord été champion du Nord, avant de passer par des barrages puis de se retrouver dans un quatuor final. En demi-finale, l’OL a éliminé Saint-Charles d’Alfortville rapidement réduit à 4 après qu’un de ses joueurs a lancé à l’arbitre un « qualificatif osé » (A la page, 27 avril 1933). Résultat : 54 à 24 pour ceux qu’on appelle aussi les Dogues.
Les basketteurs lillois sont réputés lents, mais plus grands, plus athlétiques, avec une défense très solide et une capacité à shooter « à la mulhousienne » (L’Auto, 21 mai 1933), expression qu’on n’a pas tout à fait comprise, mais signalons que le Foyer Alsacien Mulhouse domine le basket français depuis la moitié des années 1920, et qu’à la lecture de certains résumés, il semble que les Lillois sont particulièrement adroits quand ils tirent de loin. Bref, on construit peu, on bourrine de loin et on gagne : en somme, les caractéristiques des basketteurs lillois ressemblent fort à celles que la presse rapporte au sujet des footballeurs de l’OL, tant en 1914 qu’en 1933.
En 1933, les 5 joueurs de l’OL qui jouent la finale de championnat contre le Foyer de Reims sont :
Charles Fonteyne (avant, capitaine) : 1,70m, 66 kilos, 25 ans. International français, il est le créateur, à 16 ans, de la section basket de l’OL. « De la classe » selon l’Auto.
Jean Tirlimont (avant) : 1,80m, 76 kilos. Lillois depuis 5 ans, il est un « joueur consciencieux, très adroit de loin ».
André Vix (centre) : 1,78m, 74 kilos. Ancien joueur de l’ICAM évoqué plus haut, il joue ensuite en région parisienne puis revient à Lille après avoir accepté un poste d’ingénieur. Sélectionné en équipe du Nord, « il sait utiliser ses équipiers les mieux placés ».
Jean Labbé (arrière) : 1,80m, 88 kilos. Ancien d l’ICAM, assez lent mais imprenable sur les ballons hauts, comme ses proportions l’indiquent, « son sens de la place en font un arrière difficile à passer ».
Georges Fontaine (arrière) : 1,70m, 68 kilos. Il est le plus jeune de l’équipe, et basketteur depuis 3 ans seulement. Sélectionné avec l’équipe du Nord quelques jours avant, il a refusé pour préparer la finale avec ses équipiers : « bel esprit de club ». Oui mais l’esprit régional…?
Face aux champions en titre Rémois, l’OL a fort à faire. 3 000 personnes ont pris place dans aux arènes de Lutèce, et on y assiste à « la plus belle des finales » (L’Auto), « un match épique » (Le Miroir des Sports). Seuls deux points séparent les deux équipes à 5 minutes du terme, mais les Rémois creusent l’écart en fin de match et s’imposent 36-28. En dépit de « paniers réussis dans des positions exceptionnelles » et de la qualité du capitaine Fonteyne, l’OL n’a pas résisté mais aucun doute : « la progression du basket est significative (…) Nous sommes loin des recettes de grandeur astronomique des grandes épreuves de football et de rugby, mais on aurait tort de conclure que la minorité actuelle de ce sport est une chose définitivement acquise » (Le Miroir des Sports, 23 mai 1933).
Un an après, revoilà les Lillois : la section basket, présidée par Henri Kretzschmar – qui sera un des acteurs de la création du LOSC, s’est de nouveau hissée en finale du championnat ! Championne du Nord, elle a ensuite terminé en tête de la « poule B » (le champion de la « poule A » est l’autre finaliste) en écartant l’AS Bon Conseil (46-17), les Cheminots Rennais (66-21), JA Charleville (55-19), l’USCPO – aucune idée de ce que c’est – (32-31), puis le Stade Français en demi-finale (43-31)
Le 5 titulaire a été modifié depuis la saison précédente. Charles Fonteyne, Jean Tirlimont et Georges Fontaine sont toujours là ; leurs nouveaux équipiers sont :
Pierre Boel (avant) : 1,85 m, 22 ans, sélectionné en équipe du Nord et remplaçant en équipe nationale ; « déconcerte ses adversaires par sa façon spéciale de shooter. Particulièrement redoutable sous le panier » (Les Sports du Nord, 28 avril 1934).
Roger Charlet (arrière) : 22 ans. Sélectionné en équipe du Nord ; « joueur calme, pratiquant l’interception avec bonheur, contre-attaque et marque souvent de loin ».
Face aux Lillois se présente le Foyer Alsacien Mulhouse, qui a déjà été sacré 7 fois, mais qui a perdu de sa superbe depuis trois ans (1924, 1925, 1926, 1928, 1929, 1930, 1931). C’est ce qui fait dire à la presse nordiste que, cette fois, « l’issue paraît devoir être favorable » (Les Sports du Nord).
Au niveau national, L’Auto fait aussi des « blanc cerclé rouge » leurs favoris, rappelant que, l’année précédente, « ils s’inclinèrent mais ils donnèrent l’impression que leur tour viendrait (…) Il y a de meilleurs individualités à Mulhouse, mais l’Olympique Lillois est supérieur par sa cohésion et sa conception du jeu ».
Au stade Roland-Garros, 1 500 spectateurs sont présents, parmi lesquels Marin, ministre de la santé publique l’éducation physique. Il y a davantage de supporters Alsaciens que Nordistes ; les joueurs de Mulhouse sont « encouragés dans leur patois régional par un assez grand nombre de spectateurs » (Miroir des Sports).
Les deux équipes jouent avec leurs qualités habituelles : les Lillois shootent « sans parcimonie », quitte à avoir du déchet important, mais ils trouvent ainsi fréquemment le grand Boel ; « du reste, Boel n’avait pas attendu cette finale pour atteindre quelque renommée, puisque, parmi les quinze cents spectateurs présents, on entendait assez souvent les exhortations qui lui étaient adressées : « Allez, Gobe-Mouche,» surnom qui répondait parfaitement aux talents de l’avant nordiste » (Miroir des Sports).
Le début de match est équilibré : 5-5, 10-10, 12-12, 13-13, 15-15. Et, à la mi-temps (il semble qu’il y ait deux périodes), les Dogues mènent 17 à 16. Le Miroir des Sports note un jeu « plaisant », mais parfois « haché » : selon l’hebdomadaire, l’arbitre est « exagérément pointilleux, se croyant obligé d’expliquer au public le pourquoi de ses innombrables coups de sifflet, dont certains furent bien mal accueillis, et cela avec juste raison ».
À la reprise, après une dizaine de minutes sur le même rythme, les Lillois prennent un net ascendant physique et réalisent un 32-9 dans les 15 dernières minutes. À l’arrivée, l’OL remporte la finale 51-28, et Boel inscrit à lui seul 25 points.
Pour l’Auto, « il n’y a pas de contestations possibles (…) cette saison, après avoir dominé toutes les équipes, l’OL s’octroie le titre de brillante façon. Le Foyer de Mulhouse a été un adversaire à sa main, mais rien ne doit diminuer la victoire des Dogues lillois (…) l’équipe la plus complète et surtout la mieux au point imposa son jeu à son adversaire en moins bonne condition physique ; ce dernier, voyant le match perdu, ne se soucia même plus de la marque ».
Un résumé très détaillé et pas chiant du tout de la finale (revue Basket-ball) :
Plus simple (L’Auto) :
Cette victoire est celle du dirigeant de la section basket de l’OL ; pour l’Auto, « Monsieur Kretzschmar, comme dirigeant, a droit à une grande part de ce succès, car il a su donner à son équipe cet esprit de camaraderie et de sacrifice qui fait les champions ». Dans la presse régionale, on souligne qu’il est le « grand animateur de la balle au panier dans notre région, il s’est toujours dépensé sans compter pour son club et la victoire d’hier n’est qu’une récompense légitime des sacrifices qu’il a toujours su s’imposer pour faire progresser le basket nordiste » (Les Sports du Nord).
En 1935, l’OL, pour la troisième fois consécutive, arrive jusqu’en finale ; mais il est battu par un autre club de Mulhouse.
Comme pour la section football, la section basket de l’OL, quand la guerre commence, a une existence qui n’est pas très clairement déterminée. En 1943, l’OL, rebaptisé OICL (comme en football), se hisse en finale interzones. En février 1944, on trouve sa trace à Paris, où il perd un match par forfait, au moment où on ne sait pas si l’OL/OICL a une existence juridique.
Après-guerre, le LOSC comptera également une section basket très bien placée au niveau nationale jusqu’en 1960, avant que la section ne redescende en division régionale puis que des soucis financiers ne la fassent disparaître en 1972, laissant place au Lille-Basket-Club.
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