Archiver pour juin 2024
Posté le 25 juin 2024 - par dbclosc
Lille a gagné, Po(i)lonais !
En prélude à la saison 1983/1984, le LOSC remporte le septième tournoi du Stadium Nord, en battant en finale le RC Lens. Pour se hisser en finale, il fallu battre une sélection nationale : celle de la Pologne. Mais ces quelques coups d’éclat ne modifient pas grand chose à la morosité générale qui entoure le club.
Après sa crise du printemps 1983, le LOSC entend repartir sur de meilleures bases. Cependant, cet épisode a laissé des traces : aucun des joueurs en fin de contrat n’a souhaité rester au club. En dépit de l’aide substantielle de la mairie, il reste difficile d’attirer les grands talents espérés pour parvenir à l’objectif d’un « LOSC européen », énoncé par Pierre Mauroy quelques semaines auparavant. Dès lors il faudra s’appuyer sur le travail du centre de formation, l’une des rares satisfactions du club, depuis son ouverture en 1978. Froger, P. Guion, Prissette, les frères Plancque, R. Garcia, Meudic, Mottet : ces joueurs formés ou lancés en D1 au LOSC ont de quoi satisfaire Jean Parisseaux, le directeur du centre. Au cours de l’intersaison, Froger est ainsi désigné par Hervé Leroy, de la Voix du Nord, comme le « gamin qui monte » (sauf en 1998).
Autre éclaircie : début juin, alors même que la saison n’était pas terminé, le LOSC a trouvé l’« attaquant étranger » qu’il cherchait : c’est le Yougoslave Dusan Savic, 28 ans, arrivé de Gijon. Il est pourtant le deuxième buteur du championnat yougoslave 1982/1983 avec 13 buts marqués. Mais il a rejoint l’Espagne en décembre, c’est-à-dire qu’il a mis ses 13 buts en quelques semaines ! Malheureusement, il dit ne pas s’être adapté à la vie espagnole. De plus, il avait envie de vivre en France : c’est peut-être aussi parce que son épouse, Marina, est professeure d’italien et de français.
Pour la reprise le 26 juin, le LOSC s’entraîne à Grimonprez-Jooris : il faut dire qu’il ne dispose pas de terrain d’entraînement digne de ce nom… Neuf nouveaux Dogues sont présents. De gauche à droite : Matrisciano, Robin, Thomas, Savic, Vandeputte, Bureau, Carré, Ricort et Denis.
Après quelques jours au rythme de trois entraînements par semaine, Arnaud Dos Santos montre une certaine satisfaction : « depuis la reprise, j’ai moi-même été surpris de la farouche volonté des joueurs. Tout le monde s’est remis à la tâche avec entrain. L’espace d’une semaine, nous n’avons pas chômé ». Avec son nouveau capitaine, Didier Christophe, le LOSC traduit ces bonnes dispositions par une première victoire en match amical, contre Roubaix (2-1). D’une frappe de 30 mètres en fin de match, Savic est déjà buteur.
La première composition 1983/1984 :
S. Plancque, Christophe, Denis, Péan, Froger, Mottet
Bureau, Savic, P. Guion, Robin, Ricort
Le clou de la préparation est le Tournoi du Stadium Nord ou Tournoi de la CUDL. Pour sa septième édition, ses participants sont : le LOSC (pour la cinquième fois), Lens (pour la troisième fois) l’Antwerp et, pour la première fois, une équipe nationale : la Pologne.
Sur le papier, l’équipe polonaise a fière allure : troisième du dernier mondial, elle y a sorti la Belgique avant de perdre face à l’Italie, puis de battre le France dans le match de classement. Le pays se place aussi dans le football européen en plaçant le Widzew de Lodz en demi finale de Coupe des Clubs champions en 1983, tandis que Zbigniew Boniek évolue à la Juventus de Turin. Dirigée par Antoni Piechniczek, la sélection ne confirme toutefois pas son beau parcours en coupe du monde. Dans la phase qualificative pour l’Euro 1984, sa qualification est déjà fortement compromise après deux défaites face au Portugal et deux nuls contre la Finlande puis en Union soviétique. L’ambition de sa sélection est dès lors de préparer, déjà, la coupe du monde 1986, avec un effectif dont la moyenne d’âge est de 22 ans. La fédération a alors décidé d’envoyer sa sélection faire une petite tournée européenne qui, après être passée par l’Allemagne de l’Ouest, l’Espagne, Sochaux et Vichy, s’achève dans le nord de la France. Voilà de quoi divertir un peu une population polonaise en « état de siège » depuis décembre 1981, au motif que l’opposition n’est pas d’accord avec le gouvernement.
À Villeneuve d’Ascq, les Polonais sont privés de deux de leurs vedettes : Boniek, qui a besoin de souffler après une saison éprouvante à Turin ; et Smolarek, qui s’est cassé la clavicule.
Le tournoi se joue sur deux journées, les 7 et 12 juillet. Voici quelques éléments de règlement :
_Il y aura 4 matches : deux demi-finales, une « petite » finale (entre les deux vaincus des demi-finales) et une finale (entre les deux vainqueurs…)
_Les affiches sont fixées par tirage au sort (et par des punaises) : en demi-finale, c’est obligatoirement un club français contre une équipe étrangère (Lille et Lens sont donc dans le même chapeau).
_Durant un match, on peut effectuer 3 remplacements + 1 (gardien de but).
_Un joueur exclu ne peut pas être remplacé
_En cas d’égalité : tirs aux buts. Pour la grande finale, c’est prolongation + tirs aux buts.
Le tirage au sort désigne les deux matches suivants : Lens/Antwerp et Lille/Pologne. Ça ne satisfait pas grand monde car, selon la Voix du Nord, la Pologne semble favorite et le LOSC n’a « peut-être pas tiré le bon numéro ».
Quant aux Lensois, ils auraient bien aimé affronter les Polonais, en raison des liens qui unissent le bassin minier et l’immigration polonaise, et qui s’est traduite par une sur-représentation des Polonais parmi les joueurs étrangers du RC Lens (Eugeniusz Faber, Ryszard Grzegorczyk, Henryk Maculewicz, Joachim Marx, Louis Polonia…), en plus de ceux ayant une ascendance polonaise (Stanislas Golinski, Jean Levandowski, Léon Gorczewski, Robert Budzynski, les Mankowski…), tradition toujours en cours. D’ailleurs, Janusz Kupcewicz, présent dans la sélection polonaise au Tournoi, a failli signer à Lens en 1982. Le RC Lens 1983 compte encore deux Polonais dans son effectif : Roman Ogaza et Miroslav Tlokinski, ainsi qu’Arnold Sowinski dans son staff. En outre, l’équipe de Pologne est prise en charge par un certain M. Gorski, habituel transporteur du RCL, dans deux fourgons « Sang & Or ».
Si l’on ajoute à cette liste le fameux Pistedeski, de Noeux-les-Mines, on comprend que les liens entre la région lensoise et la Pologne furent bienvenus. Peut-être que les deux équipes se retrouveront en finale ?
En attendant, l’entraîneur lensois, Gérard Houillier, se réjouit de participer à un tournoi « proche du niveau du championnat ». Son équipe est prête après un stage au Touquet, logeant dans un hôtel où il souligne qu’on est toujours « bien reçu », et la nourriture est « excellente ». Qu’on en juge : les Sang & Or ont eu droit à « des crudités, une escalope aux champignons et une tarte maison ».
Le public lillois, lui, ne fait que peu de cas des Polonais : « c’est un peu notre tournoi » déclare Dos Santos, qui aimerait réaliser « un truc » (probablement le gagner. Le LOSC l’a déjà fait en 1980 et 1981). Avant le match, il craint le mauvais départ : « j’aimerais être plus vieux de deux heures. Certes, il ne s’agit que d’un tournoi amical mais si nous prenons un carton – il faut bien l’envisager compte tenu de la valeur de l’adversaire – je crains de fâcheuses répercussions sur le moral des troupes ».
Au LOSC, il y a deux absents pour le match contre la Pologne : Péan et Gousset sont retenus au bataillon de Joinville. Kourichi est transférable, alors se pose une question sur la défense centrale qui sera alignée. Or, les dirigeants lillois semblent avoir une petite idée : selon la Voix du Nord, on voit apparaître sur leurs visages un « sourire énigmatique » quand la question leur est posée.
Le Tournoi débute le 7 juillet à 19h avec LOSC/Pologne. Environ 10 000 spectateurs sont présents. Une partie d’entre eux est probablement arrivée par le métro, fonctionnel entre République et 4 Cantons depuis le mois de mai.
Après que les supporters ont pu se procurer le poster couleur de Lille et Lens pour la modique somme de 10 francs, le mystère de la défense centrale est levé avec la présence d’un « superbe d’atlhète d’un mètre quatre-vingt-neuf en provenance de Split », qui était présent la veille à l’entraînement. Il se nomme Boro Primorac, est Yougoslave, et serait arrivé au LOSC par l’entremise de Savic, ainsi que grâce à l’aide de Muslin et d’Olarevic. À l’essai, il sera aligné avec Thierry Froger en défense centrale. Voici les compositions :
Lille :
Mottet ;
Denis, Primorac, Froger, Thomas ;
Christophe, S. Plancque, Ricort, Guion ;
Savic, Bureau.
Pologne :
Mlynarczyk ;
Gunia ; Wojcicki, Dolny, Jalocha ;
Buncol, Kupcewicz, Krol, Palasz ;
Okonski, Iwan.
Sur le terrain, le LOSC fait bonne impression : dans le premier quart d’heure, une frappe de Guion frôle la lucarne, mais les Polonais répliquent avec Palasz qui manque le but d’un rien. Le jeu se dilue ensuite en milieu de terrain ; quelques occasions ponctuent la première période, comme une frappe de Jalocha dans le petit filet (30e), un tir à côté de Guion (41e), ou une bonne balle gâchée par Okoski. Tuile pour les Polonais : Gunia et Bancol sont sortis blessés.
Crédits photo : Photo Narodowiec/J-Pierre Krzyzanowski.
Merci à Arnaud Mahieu pour la transmission !
La seconde période est bien moins emballante, en dépit d’une occasion précoce d’Okonski, qui butte sur Mottet après une grosse erreur défensive (48e). Christophe réplique avec deux tirs non cadrés aux alentours de l’heure de jeu. Il faut attendre la fin de match pour trouver l’ouverture : ouverture de Christophe pour Savic ; croyant au hors-jeu, la défense hésite, et le nouvel avant-centre lillois lobe tranquillement le gardien (82e ). « Quelle décontraction dans ce geste ! » note la Voix du Nord. La fin de match, avec des Polonais sur les rotules, est très tranquille : Lille est en finale !
Après le match, on retient la très bonne prestation du dernier venu, Primorac. Dos Santos se réjouit d’avoir vu « un très bon joueur possédant de gros arguments sur le plan physique et une technique au-dessus de la moyenne. Ses qualités majeurs : rigueur sur l’homme, efficacité dans le jeu aérien, excellente relance… Bref, le défenseur qu’il nous faut ! ». La presse régionale aussi ne tarit pas d’éloges à son sujet : « une bête, un colosse, un joueur comme il en existe peu en Europe » ; « sur le terrain, il domine tout le monde, la nonchalance personnalisée, une présence de tous les instants. Tout à fait ce qu’il manquait à la charnière centrale du LOSC » ; « après Lydéric et Phineart, Lille possède enfin son troisième géant ». Aux côtés de Péan, Gousset et Froger, la Voix du Nord estime que le LOSC n’a pas trop de souci à se faire sur le plan défensif.
Quant à Savic, il a encore marqué sur sa seule occasion, comme lors du match face à Roubaix, et Ricort est apparu comme un très bon meneur de jeu : « l’attaque a dévoilé beaucoup de promesses. Avec Bureau, Savic et Guion, nous possédons à présent des attaquants vifs, rapides, capables de désarçonner une défense » note Dos Santos. Alors, tout va bien ? « Dos » souhaite encore que ses défenseurs prennent plus d’initiatives offensives, et que Christophe prenne ses marques dans un nouveau rôle et un style de jeu différent.
Gardons-nous cependant de nous enflammer : la Pologne a offert une prestation très moyenne qui ne doit pas qu’à la qualité supposée du LOSC. Manifestement fatigués après avoir beaucoup voyagé depuis plusieurs semaines, les Polonais n’ont pas offert la prestation attendue.
Dans l’autre match, on commence avec un gag, car un contrôleur ne reconnait pas Houillier et lui empêche l’accès aux vestiaires : « halte là, on ne rentre pas » résume la Voix du Nord.
Après un nul 2-2 entre Lens et l’Antwerp, les Lensois l’emportent aux tirs aux buts, dans ce qui a été le meilleur match de la soirée, grâce à un « football rapide, agréable à l’œil, nettement plus incisif, nettement plus rythmé » que celui de 19h.
Voici donc une finale Lille/Lens : c’est ce que le public nordiste espérait : « une équipe nationale et un club européen servis en amuse-gueule à un public venu d’abord assister au derby nordiste : avouez que cela ne manquait pas de sel ».
Les Lillois peuvent-ils gagner ? En face d’eux, se présente une équipe européenne, 4e en 82/83, et qui semble avoir intelligemment recruté (Tlokinski, Marsiglia,Tempet, Ogaza). Pour Dos Santos, Houillier est un exemple, et l’équipe lensoise est un redoutable adversaire : « les Lensois jouent avec une fraîcheur, un dynamisme et une vivacité de gestes assez étonnants ». L’entraîneur du LOSC considère même que le RCL peut se mêler à la lutte pour le titre. La Voix du Nord voit d’un côté une équipe brillante, avec des certitudes et, de l’autre, un LOSC en quête d’identité, avec de nouveaux joueurs et un style de jeu à bâtir. Dès lors, en dépit de la victoire contre la Pologne, le journal n’est pas très optimiste pour les Dogues : « sans chercher à jouer les pronostiqueurs de café du commerce, disons que ce sera très, très difficile ». Certes, il y a eu quelques mouvements intéressants face aux Polonais, mais sur un rythme trop léger, ce que reconnaît volontiers Dos Santos : « nous ne savons pas, à l’heure actuelle, emballer un match ». Houillier, quant à lui, a prévenu : « devant un public majoritairement lillois, nous devrons séduire et convaincre. Je veux que l’on dise : ‘Lens, c’est quand même quelque chose’ ».
Cette deuxième journée de Tournoi se déroule donc le 12 juillet. A la mi-temps des matches, ambiance assurée grâce à la présence des « Gilles », membres de la kermesse de la bière de Maubeuge, qui viendront distraire le public.
Dans un match « ennuyeux au possible », la Pologne bat les Belges d’Anvers 2-1. « Une victoire à oublier » pour la Voix du Nord. Merci d’être venus1! La plus forte réaction du public (« de Lensois, surtout ») s’est faite lorsque les Lillois sont arrivés pour s’entraîner derrière le but de Mlynarczyk.
Le matin du match, une fantaisie est annoncée dans la Voix du Nord : Primorac ayant dû rentrer en Croatie, son contrat n’est toujours pas signé. Alors les dirigeants lillois mettraient un autre joueur à l’essai en défense : le Belge Daniël De Cubber, qui a notamment joué la finale de coupe UEFA avec le FC Bruges en 1976. Mais, finalement, le lendemain, on apprend qu’il n’a « pas jugé bon de se déplacer », probablement parce que la signature de Primorac est imminente. La défense centrale est alors composée de Froger et de Péan (qui a eu une permission). Est annoncée la présence de Robin arrière gauche qui, en deuxième période, devrait jouer à la place de S. Plancque, suspendu pour la première journée de championnat à Nancy. Côté lensois, Tempet prend la place d’Huard dans le but. Ci-dessous les compositions.
Lille :
Mottet ;
Denis, Péan, Froger, Robin ;
Christophe, S. Plancque, Ricort ;
Bureau, Savic, P. Guion.
Lens :
Tempet ;
Pagal, Tirloit, Leprovost, Marsiglia ;
Tlokinski, Piette, Krawczyk ;
Brisson, Ogaza, Xuereb.
À mesure que Pologne/Antwerp avançait, le Stadium se remplissait, et ce sont près de 16 000 personnes qui assistent au premier derby de la saison. Le match démarre fort, avec une occasion d’entrée pour Tlokinski puis, coup sur coup, Savic est fauché deux fois (5e et 6e) mais « l’arbitre, M. Swirog, avait sûrement ôté de son répertoire le mot pénalty ». « Les Lillois continuèrent d’attaquer à jet continu », mais après ce « bombardement initial », c’est bien Tlokinsi qui se présente seul face à Mottet, mais il cafouille (7e). Puis Brisson (12e) et Piette (16e) tirent à côté. Sur une nouvelle tentative, Savic est à la réception d’un centre court de Bureau, qui lui-même avait été trouvé par Ricort (1-0, 17e)
« Quel contraste avec le match d’ouverture ! » : le public ne s’ennuie pas en voyant deux équipes jouer l’offensive. Après un nouveau pénalty oublié (faute de Tirloit sur Bureau), Tlokinski gagne un duel de la tête à proximité du but lillois, et Piette en profite pour conclure du gauche (1-1, 32e). Juste avant la pause, une frappe puissante de Bureau passe au-dessus.
Dès la reprise, les Dogues reprennent l’avantage : le ballon part de Mottet, est relayé par Christophe qui ouvre à droite vers Bureau ; le centre est repris de la tête par Savic, qui semble profiter d’une hésitation de Tempet, qui a finalement effleuré le ballon tout en l’enlevant de la tête de son arrière Pagal (2-1, 47e) : une « fameuse action, un fameux but illustrant parfaitement les capacités de l’attaquant yougoslave ».
Puis Péan, après un relais avec Bureau, trouve très facilement Guion sur la gauche, parti dans le dos de la défense. À l’entrée de la surface, il frappe et le ballon file dans la lucarne d’un Tempet bien passif (3-1, 55e). Lille parvient alors à contrôler le jeu en milieu de terrain puis, quand Lens accélère de nouveau, il trouve l’ouverture grâce à Ozaga (3-2, 72e). Une bonne partie du public croit que le ballon est passé à côté, à cause d’un trou dans le filet, mais Lens est bien revenu à un but des Lillois.
La fin de match reste agréable avec un dernier raid de Meudic (78e) et une ultime tentative de Tlokinski (87e) : Lille gagne et remporte son troisième tournoi !
Un résumé du match :
« Ah, la belle finale ! », sourit la Voix des Sports. Peu de temps morts, deux équipes orientées vers l’offensive, un match joué à une « allure folle »… De quoi augurer, enfin d’un « grand départ » pour le LOSC ? On le croit. « Quelque chose a changé au LOSC » lit-on dans la Voix du Nord, notamment devant : trois buts « d’une rare pureté », issues d’actions « magnifiquement orchestrées ». En dépit de nombreux départs, le LOSC semble mieux armé et le nom de Savic a déjà été scandé. Va-t-on retrouver l’attaque prolifique de la saison 1978/1979 ?
Un dernier match amical, à Brest, perdu 1-3 (avec un nouveau but de Savic), ne change rien à l’optimisme ambiant, si loin des profondeurs dans lesquelles semblait s’être embourbé le LOSC trois mois auparavant.
Mi-juillet, à la veille de la reprise, Pierre Diéval, de la Voix du Nord, écrit ces lignes comme une profession de foi dont devraient s’emparer les dirigeants loscistes :
« C’est avec empressement que nous tournerons cette page peu glorieuse de l’histoire du football lillois. Avant d’effacer de notre esprit les moments difficiles, formulons un souhait pour que le club au passé si riche aille désormais de l’avant et ne déçoive plus ses fidèles.
Messieurs les dirigeants, ne commettez plus d’erreurs dans vos choix, manifestez aussi plus de chaleur dans vos relations avec vos joueurs. En un mot, donnez à votre club une vie, un ambiance qui – hélas – n’existent pas encore. Soyez enfin plus rigoureux dans votre approche des problèmes quotidiens afin que votre crédibilité ne subisse pas trop de fluctuations ! Des farces comme celle du mois de mai dernier jettent sur vous et votre équipe une ombre fortement préjudiciable. Oublions cette saison acide mais, de grâce, bâtissez du solide ! ».
En coulisses, on note durant l’été une innovation notable : suite à un audit au sein du club, le club structure sa communication et ses relations publiques ; Patrick Robert est nommé directeur de l’information, Philippe Cronel responsable de l’animation. Au-delà des joyeusetés immédiatement visibles (lancers de ballons, nouveau magazine « Score »…) , il s’agit surtout pour le club de professionnaliser et d’entretenir son image après l’épisode du printemps.
Mais sportivement, en dépit d’une première victoire prometteuse à Nancy (2-1), le LOSC poursuivra son surplace. Durant la saison, les conditions d’entraînement restent déplorables, les Dogues sont englués dans le ventre mou en championnat, sont éliminés de la coupe par Caen (D3), Didier Christophe remet son capitanat, et le nombre de spectateurs est en chute libre.
Bref, on a beau commencer une saison en battant les Polonais (poil au nez), il en faudra bien plus pour être convaincu.
Note :
1 La Pologne achève sa tournée par une victoire face à Valenciennes, au Touquet (2-1)
Posté le 23 juin 2024 - par dbclosc
Printemps 1983 : le LOSC fait sa crise
Au printemps 1983, alors que le LOSC pourrait se contenter d’une médiocrité sportive bien ancrée depuis 25 ans, il va se plonger tout seul dans une crise institutionnelle qui révèle ses relations ambivalentes avec la municipalité, acteur et soutien indispensable, mais dont les modalités d’intervention dans le club se font souvent sur un mode conflictuel. Les ponctuels espoirs nouveaux sont toujours suivis de déceptions et, pour l’attractivité du LOSC, il faudra repasser.
En mars 1983, la France se rend aux urnes : il s’agit des premières élections municipales organisées depuis les lois de décentralisation de 1982, qui donnent davantage de pouvoir aux autorités locales (avec notamment la création de l’échelon régional), et notamment aux maires. Cette mesure est portée par le ministre de l’Intérieur, Gaston Deferre, membre du gouvernement de Pierre Mauroy, maire de Lille.
Précisément, à Lille, Pierre Mauroy est réélu. Lors de la mise en place de son conseil municipal, on remarque la désignation d’un adjoint aux sports, Albert Matrau. Jusque là, rien que du très classique. Puis l’équipe municipale innove en créant le poste de délégué au LOSC. Cette mission est confiée à un conseiller municipal, Daniel Choquel, médecin de profession, ce qui explique qu’on le nomme souvent « Docteur Choquel ».
Depuis 1980, le LOSC est une Société Anonyme d’Economie Mixte (SAEM), un système dont il a été le pionnier dans le football professionnel. Pour résumer les choses, une SAEM est une société détenue par une association support (le club) et une collectivité locale (ici, la mairie). La gestion du club est ainsi élargie, et le pouvoir municipal dispose d’une influence variable, qui en théorie est de la simple supervision, mais qui peut très bien se transformer en une attitude très interventionniste selon les circonstances et l’humeur des uns et des autres. Et apparemment, après ces élections municipales, l’humeur est à une reprise en main.
A ce moment-là, Jacques Dewailly est le président du club. Jacques Amyot et Roger Deschodt en sont les directeurs généraux. En tant que « délégué » au LOSC, Daniel Choquel occupe désormais le poste de vice-président. Par ailleurs, Charles Samoy, depuis une dizaine d’années, le directeur sportif ; et, depuis l’été 1982, Arnaud Dos Santos, succédant à José Arribas, a pris les rênes de l’équipe professionnelle.
Jacques Amyot et Roger Deschodt
En ce mois de mars, sur le plan sportif, le LOSC est dans le ventre mou. Après des débuts très poussifs, le LOSC réalise un superbe automne en gagnant 12 places en 8 matches puis se retrouve 8e à la trêve. Mais il décide de ne plus trop prendre de points en 1983 et dégringole dangereusement à la 14e place, à seulement deux points des 18e et 19e.
Sur le terrain (défaite dans le derby fin janvier), dans le vestiaire (Gemmrich est suspendu un mois pour « propos très désobligeants envers l’entraîneur » – il joue peu car il ne marque pas), dans les tribunes (fin février, contre Monaco, une partie du public entonne « Dos Santos, démission » et « Samoy au poteau »), et au sujet de l’avenir des joueurs (Bergeroo, Muslin, Dréossi, Grumelon, Marsiglia et Delemer sont en fin de contrat, et le club n’est pas disposé à garder Verel et Françoise) : les signaux sont assez inquiétants. Ce dernier point l’est d’autant plus qu’une nouvelle réglementation limite la possibilité de recruter (hors fins de contrat) à seulement deux joueurs (et uniquement des fins de contrats) + un transfert payant possible (ou un étranger). Seule éclaircie : le LOSC est qualifié pour les huitièmes de coupe de France.
Le changement, c’est maintenant
C’est alors que la Voix du Nord fait part de possibles « gros changements dans les structures du LOSC ». Au programme, probablement, Samoy deviendrait manager général (ses attributions seraient donc réduites), et arriverait un directeur sportif. Mais aussi des choses bien mystérieuses et non révélées car « ça nous paraît si énorme, si grandiose, que nous n’y croyons pas », écrit le quotidien ; toutefois, ce dernier parle d’un « directeur sportif et d’un entraîneur qui, naguère, travaillaient dans le même club » ; en ajoutant : « une façon comme une autre de se mettre au vert ».
Fin mars, les noms sont lâchés : les deux hommes en question sont Robert Herbin et Bernard Gardon, qui ont en effet été ensemble à Saint-Etienne, le premier ayant été l’entraîneur du second.
Problème : Roger Deschodt, l’un des directeurs du LOSC, dit qu’il n’est pas au courant et se déclare « ébahi » : « nous n’avons eu aucun contact avec Robert Herbin et Bernard Gardon. Lors de la réunion du comité de gestion du club, jeudi dernier, nous n’avons pas évoqué le problème de l’encadrement technique, ni même celui de l’entraîneur. Même si le nom d’Herbin a été prononcé au cours de cette réunion, ce n’est pas dans cette perspective ».
On a tout de mal du mal à imaginer qu’Herbin ait été évoqué pour le poste de concierge de Grimonprez-Jooris. D’où viennent ces rumeurs, pourquoi Herbin apparait dans une discussion de l’équipe dirigeante, pourquoi Deschodt semble découvrir tout ça, qui sait quoi, qui pense quoi ? C’est le début du bazar.
Robert Herbin apportera au LOSC toute sa sagesse
Le premier à réagir est Samoy, qui pressent que les événements tournent franchement en sa défaveur, tout en l’apprenant par la presse : « je ne sais pas qui se cache derrière les insinuations parues ces derniers jours à propos de la venue possible au LOSC de Robert Herbin et de Bernard Gardon, mais sachez que ces procédés me choquent profondément ». Il déclare qu’il a toujours défendu Arnaud Dos Santos devant le comité directeur, alors même que l’entraîneur ne dispose pas de conditions de travail idéales. Parmi elles : un terrain d’entraînement inondé quasiment tout l’hiver, qui contraint l’équipe à s’entraîner en face du stade, à côté de la station-essence, soit sur le terrain en schiste, soit sur le terrain boueux d’à côté. Il ajoute : « certaines personnes ont peut-être envie de déstabiliser le club. C’est curieux et regrettable car Nono ne mérite pas un tel affront. Le LOSC est à la veille de gros remous si, d’aventure, ces gens persistent. Je n’hésiterai pas à monter en première ligne et cela fera mal ! Le football lillois n’a sûrement pas besoin de tels scandales ». Il rappelle que le club est confronté à la nécessité de renouveler des contrats (parmi les fins de contrat, seul Delemer ne se verra rien proposer), et que ces remous ne vont certainement pas donner envie aux joueurs de prolonger.
Pour un LOSC européen
Le 7 avril, les choses sont censées s’éclaircir car Daniel Choquel donne une conférence de presse. À ses côtés se trouve Dewailly, qui ne dit pas grand chose. Durant plus d’une heure, Choquel expose ses ambitions : il s’agit de dynamiser le club et de le rendre crédible. Même s’il sera difficile de retrouver le lustre d’antan du LOSC, l’idée est de doter le club de structures solides garantissant son avenir, de poursuivre la politique de jeunes (qui marche bien depuis l’ouverture du centre de formation), de motiver les supporters, bref, de donner une âme au club. Il apporte la parole de Pierre Mauroy : il faut bâtir un grand LOSC, un LOSC « européen ». Jusque là, tout le monde souscrit : ce sont des bonnes nouvelles.
Et puis Dewailly prend la parole et évoque une situation financière « critique », que seule une victoire improbable en coupe de France permettrait d’améliorer. Ou alors un effort conséquent de la municipalité, que Choquel garantit.
Arrive ensuite l’épineuse question du staff. Selon Choquel, Dos Santos devrait partir. Le Doc explique que Dos Santos a, dans son contrat, une clause de résiliation valable chaque année. Dewailly annonce que des contacts vont être pris avec Robert Herbin pour le remplacer. Bizarre d’annoncer qu’on va faire avant de faire, mais soit. En tout cas, le souhait de Mauroy est d’avoir un entraîneur « français » (ce qu’il a déjà, soit dit en passant).
Sur la direction sportive, il reviendra à Amyot et à Deschodt de se charger du recrutement : on cherche notamment un buteur, « étranger » cette fois (ce que le club a déjà, soit dit en passant – Verel). Dès lors Samoy aura moins d’influence, et devra se contenter de prospecter. Il lui est reproché notamment deux échecs : Gemmrich, et Kourichi, qui a du mal pour sa première saison au LOSC. Pour Choquel, « ce n’est pas le désavoeu de Charly Samoy, mais le constat d’une non-réussite » : tout est dans la nuance. En tout cas, ce qui était jusque là à l’état de rumeur prend une tournure officielle.
Et en fin de conférence, Choquel sort un nouveau truc de son chapeau : il va contacter Aimé Jacquet.
Samoy en émoi
Bien évidemment, ces nouvelles mettent en furie Samoy. L’encore directeur sportif du LOSC prédit un avenir sombre pour le club : « on a remis en cause mes responsabilités, mes fonctions de directeur sportif que j’exerce depuis 11 ans (…) Ces projets me désolent profondément parce qu’ils vont à l’encontre des intérêts du club. Ils me condamnent par ailleurs, ainsi qu’Arnaud Dos Santos. Ce n’est pas très élégant (…) L’improvisation est toujours dangereuse en football ! À plus ou moins longue échéance, le LOSC risque hélas d’être éclaboussé par cette crise, voire d’être confronté à des problèmes aussi graves que ceux de Saint-Etienne (…) Si je ne suis plus qu’un agent de liaison, je rencontrerai les responsables du club afin de négocier mon départ ».
Et pas à n’importe quel prix : Charly est ravi de préciser qu’il a un « contrat illimité » avec le LOSC ; « au mieux, on peut me demander d’activer mon préavis d’un an… ». Cela tombe mal : Samoy déclare qu’il venait de prendre contact avec un buteur allemand de D1, de 23 ans, mesurant 1 mètre 92, et deux jeunes (dont un de Cherbourg). Du lourd !
Et du côté d’Arnaud Dos Santos, même fond de pensée, même si la forme est plus modérée. Il précise d’abord qu’il n’existe aucune clause de résiliation le concernant : « c’est faux, archi-faux. J’ai un contrat de 3 ans, point final ».
Dès lors, il annonce aussi qu’il faudra négocier. Et pour le reste, « à quoi bon m’emporter ? Cela ne réglerait pas grand chose au problème. On ne me fait plus confiance, voilà tout ». Celui que la Voix du Nord présente comme discret, droit, et attaché à certaines valeurs morales regrette un « procédé pas élégant. Il aurait été tellement simple de venir me voir. Je ne suis pas borné et, les critiques, si elles sont fondées, ne me font pas peur. Seulement voilà, il faut être courageux et savoir affronter les gens de face. Là est le problème ».
« Dos » prend la défense de Samoy : « le recrutement, c’est une affaire collective. Sans entrer dans le détail, je peux vous affirmer que Charly n’a jamais pris une décision seul. Il y a toujours eu concertation au moins avec 3 ou 4 personnes au préalable ».
Enfin, le moustachu précise que ses ambitions restent limitées par la qualité de son effectif : « je me suis rendu compte très vite que nous ne possédions pas un groupe susceptible de décrocher la lune. Notre attaque était trop faible pour espérer damer le pion aux meilleurs. Cependant, je n’ai jamais cédé au découragement. On ne peut surtout pas me reprocher d’avoir débrayé sous prétexte que les résultats ne suivaient pas ». Alors oui, le classement n’est pas à la hauteur de ce que les dirigeants ont souhaité en début de saison, mais ceux-ci semblent s’être exprimés hâtivement.
Samoy et Dos Santos mettent de nouveau en avant un point : tout ça ne va pas inciter les joueurs en fin de contrat à prolonger l’aventure lilloise.
Sur le terrain, le LOSC se rend à Bordeaux. Choquel a la bonne idée d’y rejoindre les joueurs : selon la Voix du Nord, il a reçu un « accueil glacial » du staff. En tentant une « manœuvre d’approche à l’hôtel », il a essuyé un « échec ». Durant le repas du midi, Samoy se lève et part manger à la table d’à côté. Le LOSC s’incline 2-0 en Gironde, et la VDN constate que « les rapports techniciens/dirigeants n’existent plus désormais. Ou presque plus. En un mot, la crise couve (…) « cette crise n’a pas fini d’alimenter la chronique. Hélas ».
Ah, et Choquel en a profité pour voir Jacquet : l’entraîneur de Bordeaux l’a gentiment éconduit, en indiquant qu’il venait de prolonger à Bordeaux : voilà une information intéressante qu’il aurait été opportun de connaître au préalable.
Le bordel est total : on dégage les gens en place, et on ne trouve personne pour venir.
Tout s’arrange…
Le 12 avril, une réunion du comité de gestion, censée détendre les relations, est organisée à Saint-André, au siège de la société de Dewailly. Au bout de 4 heures, un communiqué est transmis à la presse. Il en ressort que :
1) Le président de la SAEM (Dewailly) accorde toute sa confiance aux directeurs généraux (Amyot et Deschodt)
2) Lors de sa conférence du 7 avril, Choquel n’a émis qu’une « opinion personnelle ».
3) Charly Samoy reste directeur sportif et administratif, en charge des pourparlers et des négociations sur les « opérations de prospection, de recrutement et de transfert ». Ses décisions sont effectives après accord des directeurs généraux.
4) Arnaud Dos Santos bénéficie de toute la confiance des dirigeants, pour cette saison et pour l’avenir.
Hé ben : tout ça pour en arriver là, ça valait le coup. Pour la Voix du Nord, « la farce a pris fin de la façon la plus inattendue mais aussi – hélas – la plus décevante qui soit. Elle ne fait rire personne tant son scénario est médiocre. Pitoyable même. Près de 4 heures de spectacle pour une conclusion fade, sans relief, qui de toute évidence jette une ombre sur des acteurs ne donnant pas l’impression de maîtriser totalement leur sujet ». Samoy se réjouit que le « putsch [ait] échoué » ; Dos Santos est également satisfait mais reste préoccupé par ces histoires de fin de contrat.
La thèse des deux voix au LOSC reste toutefois assez pertinente : pourquoi la position de Choquel est-elle désavouée alors qu’on la pensait issue d’une délibération collective, et quelle a été prononcée en présence de Dewailly, qui a donné l’impression de la valider ? Tout cela laisse penser que le club manque de rigueur en coulisses.
…en fait, non
Le 15 avril, une victoire contre Martigues, qualifiant le LOSC pour les quarts de finale de coupe de France, détend l’atmosphère. Avant le match, Amyot et Deschodt se sont exprimés sur Fréquence Nord « afin que cessent les remous qui agitent actuellement notre club » : ils rappellent (ou informent) que le pouvoir de décision leur appartient, et personne d’autre. Fin de l’histoire ? Non bien sûr.
Car trois jours après, coucou le revoilou, Choquel revient à la charge. Et il annonce triomphalement que sa position n’était pas une position personnelle, mais bien celle de la mairie ! Il ajoute, comme si ça ne suffisait pas : « si, au LOSC, on ne comprend pas que les avis de la mairie seront désormais prépondérants et que bien des choses doivent changer, il est vraisemblable que l’on évoluera vers une épreuve de force ». Une nouvelle conférence de presse est prévue, pour on ne sait pas quand. En attendant, tous ont tout le loisir de tergiverser bien comme il faut.
Une nouvelle rassurante dans la grisaille : en battant Bastia (2-0), Lille a fait un grand pas vers le maintien, alors qu’il reste 5 journées. Avant le match, le comité directeur du LOSC s’est réuni, et en est ressortie une position forte : « les patrons, c’est nous. Si la mairie dicte ses exigences, nous partirons ».
On se demande si la mairie, qui s’est engagée à donner beaucoup d’argent, ne voudrait pas que ceux qu’elle estime avoir failli s’en aillent. Le fonctionnement de la SAEM semble désormais se diriger vers une surveillance rapprochée. Mais comment les personnes a priori compétentes, si ce n’est dans la gestion, au niveau sportif, peuvent recruter, faire signer des contrats, sans connaître les limites de leur action ?
Mauroy calme le jeu
Finalement, il semble que la grande réconciliation arrive le 20 avril : Choquel se montre moins radical et propose un pouvoir partagé, une « une formule de commandement mixte », selon ses dires. Il réitère la volonté municipale d’une équipe ambitieuse ; la mairie propose un plan de financement de 4 ans, soumis en conseil municipal en juillet.
Mi-mai, une réception est organisée en mairie ; fidèle à lui-même et à son rapport contrarié au football, Pierre Mauroy félicite chaudement les Dogues : « la fin de saison arrive, avec des chiffres, symboles implacables de vos folles attaques… et de vos défaillances ». Il poursuit : « ici plus qu’ailleurs, nous savons que vous n’êtes pas des machines à gagner. Nous ne sommes pas des condottieres du sport1. Si nous l’étions, nous n’aurions pas créé une SEM. Nous aimons chaleureusement notre club, ses dirigeants (qui sont des amis), ses animateurs, ses supporters, ses médecins… », allusion bien sûr à Choquel.
Le maire de Lille convoque ensuite l’histoire, rappelant que le LOSC a un glorieux passé et que, jusqu’au sein de son gouvernement, il compte un « fana du LOSC » : Jacques Delors, alors ministre de l’économie.
L’heure n’est donc plus au mélange des genres : « il y a eu quelques petits ronds dans une eau limpide. Chassons ces petits problèmes et oublions. Sachez cependant que nous vous aimons trop pour être là uniquement pour payer, mais à aucun moment nous ne serons là pour diriger ou nous immiscer dans la technique du club ». Mauroy annonce les chiffres : 336 millions de centimes d’aide pour cette année (si on en croit le convertisseur de l’INSEE, ça équivaut à environ 1,2 millions d’euros), contre 276 l’année précédente, soit une augmentation de 20%, « car nous savons que, malgré le centre de formation, il est indispensable que les joueurs viennent d’ailleurs, suivant les règles et les dérèglements que vous connaissez », manière d’en rajouter une couche sur un football qu’il n’aime pas – et parfois à juste titre.
Le maire donne la médaille de la ville à Bergeroo (« le plus fidèle »), Dewailly offre un fanion à Mauroy, et on passe au champagne alors qu’il est 10h : « faut avoir de l’estomac ! » pour la Voix du Nord.
Dès lors, financièrement, tout semble réglé. Le LOSC a de l’argent. Sportivement, la saison s’achève sans histoire avec, tout de même, un parcours jusqu’en demi-finale en coupe de France.
Mais cet épisode n’a-t-il pas nuit à l’image du club ? Bergeroo annonce son départ, officiellement pour se rapprocher de sa région d’origine. Rien à voir donc avec le fait qu’il s’est plaint durant la saison de se défoncer les jambes et les genoux sur des terrains d’entraînement pourris. Tous les autres en fin de contrat – Muslin, Dréossi, Grumelon, Delemer et Marsiglia – partent aussi. Il n’y a plus qu’à recruter mais « recruter devient une affaire de prince du pétrole » note la Voix du Nord. Pressenti, Baronchelli a un salaire trop élevé à Nantes pour que le LOSC puisse s’aligner. Lille a bien une idée avec deux Hongrois : Tibor Nyilasi et Andras Torocsik. Mais ils ont été récemment condamnés pour « éthylisme ». De quoi faire une crise de foie ? Au LOSC, on n’a même pas besoin d’alcool pour faire une crise de foie, et même trois fois, quatre fois, cinq fois…
Note :
1 Au Moyen-Âge, en Italie, un condottiere était un chef d’armée de mercenaires.
Posté le 4 juin 2024 - par dbclosc
Le croisement du Dogue et du Sanglier : à propos du projet de fusion entre Lille et Sedan (1962)
Invraisemblable nouvelle en mai 1962 : le LOSC et le principal club de Sedan, l’Union Athlétique Sedan-Torcy (UAST, futur Club Sportif Sedan-Ardennes) vont fusionner et former l’Union Sportive du Nord-Est ! Ce complot mort-né révèle les grandes difficultés que traverse le LOSC après ses premières années de gloire.
Selon la Voix du Nord, c’est un « péril mortel » qui pèse sur le LOSC en ce mois de mai 1962 : le « club le plus prestigieux de notre région » serait en passe de disparaître. Comment en est-on arrivé là ?
Après sa glorieuse décennie d’après-guerre, achevée en 1955 par le gain d’une cinquième coupe de France, le LOSC est rentré dans le rang. Pire que ça : il est devenu un club quelconque, qui oscille désormais entre D1 et D2. Ses meilleurs joueurs sont progressivement vendus, notamment Jean Vincent, pour une somme record, après la première relégation en 1956. Après un retour dans l’élite, nouvelle relégation en 1959. Contesté, accusé d’avoir grévé les finances du club en agissant en autocrate et d’avoir dilapidé le précieux héritage du Sporting Club de Fives et de l’Olympique Lillois, le président Louis Henno, adulé hier, remet sa démission.
Mais dans l’immédiat, pas grand-chose ne change. Sportivement, le LOSC ne remonte pas, malgré les nominations au poste d’entraîneur des anciennes gloires (Jacques Delepaut en 1958, Jules Vandooren en 1959). En 1961, c’est la plus éminente d’entre elles, Jean Baratte, qui arrive sur le banc des Dogues. Mais la saison 61/62 est monotone : le LOSC reste englué dans le ventre mou. Financièrement, le club semble au plus mal : on parle d’une dette de 50 MF.
Mais au-delà du cas losciste, c’est l’ensemble du football français qui fait sa crise : manque d’intérêt du public, modèles financiers déficitaires, équipe nationale en berne.
Le 12 mai, le président du LOSC, Pierre Kles, lance un cri d’alarme : AAAAAAH !
Le club n’a plus d’argent et, selon lui, il lui est impossible qu’il poursuive sur les actuelles bases dirigeantes. Il semble que la crise est devenue ingérable lorsque qu’il a été impossible pour le club de régler une échéance liée au transfert d’Aleksandar Petakovic, un attaquant arrivé en septembre 1961. Le LOSC ne peut pas payer, et devra donc le vendre, tout comme ses meilleurs joueurs tels que Enzo Zamparini ou René Fatoux.
Face à cet état de faits, diverses rumeurs courent : pour sauver le LOSC, des commerçants seraient prêts à s’unir, des supporters se mobiliseraient, l’officiel comité des supporters serait prêt à intervenir. De plus, un comité de remplacement serait en gestation, ce qui suppose de faire place nette, c’est-à-dire que tous ses membres démissionnent.
Aucune personnalité ne s’est manifestée pour reprendre le club. Comme l’écrit Jean Chantry, de la Voix du Nord, « Le LOSC n’est pas mort, car il vit encore. Mais il est bien malade ».
Que faire quand on n’a pas davantage d’informations mais qu’il faut remplir un journal ? On va interroger des gens « dans la rue, au comptoir des cafés », ce qui est souvent une très mauvaise idée. Sur une pleine page (une « enquête » prétend le quotidien), sont présentées différentes remarques sur l’avenir du LOSC.
Ainsi, Henri Leblond, mieux connu par le surnom « Biloute1 », hôtelier place de la gare, souhaite un retour de Louis Henno à la tête du club, puis pose une question : « la municipalité subventionne – et fort largement – les théâtres municipaux. Pourquoi pas une équipe de football ? ». Notons que le LOSC a joué son premier match en nocturne à domicile en 1961. Cela fait dire à Biloute qu’à l’avenir, on pourra plus facilement jouer le soir, et ainsi « la sortie dominicale au bois de Phalempin est donc possible ».
Charles Kus, un ancien joueur de l’UST en de la fin des années 30 (en D2), suggère d’adopter la formule du Real de Madrid en recrutant quelque 15 ou 20 000 actionnaires dans la région lilloise, qui chacun verserait annuellement une somme de 20 nouveaux francs.
Marceau Sommerlynck, depuis son café-tabac du faubourg de Douai, confesse qu’il ne fréquente plus le stade Henri-Jooris : « « le spectacle n’est jamais beau quand une équipe faible essaie de se maintenir à tout prix : on joue dur pour prendre des points en début de saison et on bétonne pour ne pas en perdre top en fin de saison ». Lui n’envisage pas de soutien municipal pour le club : « un club pro, c’est une entreprise commerciale qui doit assurer un bilan équilibré. Si ce bilan n’est pas équilibré, c’est qu’il y a un vice d’organisation ! ».
Allez Marceau, la p’tite sœur ! Et vive l’alcool dans le football lillois !
Un étudiant en médecine considère que le LOSC peut disparaître. Il préconise une fusion avec le CORT.
Bref, chacun y va de son avis, et finalement on n’apprend rien de très intéressant, si ce n’est que le LOSC suscite manifestement encore de l’intérêt. Et que la Voix du Nord avait besoin de se moquer :
« Mme Ginette Van Houtte est receveuse à bord du Tramway « B », ce qui n’est absolument pas incompatible avec le football. Car Mme Van Houtte aime le football et, chaque semaine, elle s’intéresse aux résultats de… l’équipe des Traminots lillois.
Mme Van Houtte, qui est fivoise, ne se souvient pas de la grande équipe des années qui ont précédé la guerre, mais comme le LOSC a hérité pour moitié de la tradition du SC Fivois, elle s’est (modérément) attachée au LOSC, et ne veut pas qu’il disparaisse.
« Il faut faire quelque chose » dit-elle, mais elle ne sait pas quoi. »
Le 17 mai, le président du LOSC est reçu par le maire de Lille, Augustin Laurent. Il en ressort avec la promesse que la situation du club sera évoquée lors du prochain conseil municipal. De plus, il a proposé que soit organisée une souscription publique, à laquelle la mairie apporte sa caution morale, ça ne mange pas de pain, mais aussi, tout de même, un peu d’argent : « les nombreux amis de votre club ne voudront certainement pas manquer de témoigner la sympathie qu’ils portent au LOSC. La mairie de Lille, pour sa part, s’inscrirait en tête de liste, afin de prouver l’intérêt qu’elle porte à votre club », souligne le maire.
C’est toujours ça de pris, mais difficile d’y voir autre chose qu’un petit dépannage très provisoire, et d’imaginer que les problèmes de trésorerie s’envoleront avec la contribution de quelques généreux supporters.
Mais pendant que semble se dessiner une vague solution locale, le comité lillois discute par ailleurs, et une rumeur enfle le vendredi 18 mai : le LOSC fusionnerait avec Sedan ! Le nouveau club se nommera Union Sportive du Nord-Est.
Il s’avère que lors d’une réunion du comité directeur de la Ligue Nationale, dans l’après-midi, les présidents du LOSC et de l’UAST, Pierre Kles et Lucien Laurant, auraient décidé d’unir leurs destinées sportives. Car Sedan est aussi dans la mouise : voilà des mois que le club ardennais cherche un soutien municipal qu’il n’obtient pas.
Le soir-même, il se trouve que Sedan joue son dernier match de championnat… à Lens. La presse nordiste se précipite alors vers l’entraîneur des Sangliers, Louis Dugauguez, qui confirme le projet.
La nouvelle tombe donc officiellement le 19 mai :
Dans la presse nordiste, on peine à y croire : « la nouvelle est, a priori, ahurissante. Lille fusionne avec Sedan. Lancée comme cela, tout à trac, elle est incroyable, invraisemblable ». Et pourtant… !
Mais après ces considérations de sidération, la Voix du Nord trouve quelques avantages à cette idée. Le projet de protocole d’accord part du principe, en substance, que Lille n’a plus d’équipe et que Sedan n’a plus de club.
Dès lors, Sedan apporte à Lille « une équipe de grande classe » – qui est en D1 – et Lille apporte à Sedan « son public, sa renommée, et son stade ». Autrement dit, une équipe abandonnée par son public et sa municipalité – Sedan – s’exile chez un club structuré et soutenu localement mais qui n’a plus de bons joueurs – Lille. Il s’agit bien d’un recentrage de l’activité à Lille, car il est prévu que pour un match joué à Sedan, deux se tiennent à Lille.
Bien entendu, on regrette que cette idée d’union ne se réalise pas à une échelle plus locale, par exemple avec « Roubaix, Lens et même Valenciennes », mais elle paraît somme toute novatrice « à l’heure européenne ». On n’a pas trop compris cet argument, sauf si on considère que Sedan est au Luxembourg… ?
La Voix du Nord prend alors fait et cause pour le projet, indiquant qu’il faut bien s’adapter à la réalité économique : de toute façon, « la notion locale est aujourd’hui dépassée, atomisée ». D’ailleurs, il paraît que Rouen et Le Havre préparent quelque chose de similaire, et il faut bien admettre que Nîmes est désormais « le porte-fanion du Gard », et non d’une ville. Ainsi, « cette solution d’avant-garde est, tout compte fait, un pied-de-nez aux gens rétrogrades et cloîtrés et esclaves d’un chauvinisme borné (…) Qu’importe le nom si le football est beau (…) Sentimentalement, on regrettera presque la disparition du club losciste, encore que les sections amateurs garderont leur autonomie et qu’à tout moment, chacun pourra retourner à la situation antérieure (…) Certes, on éprouve un serrement au cœur. Il est dommage d’aller chercher loin ce que l’on aurait aimé trouver chez soi. Mais l’argent commande bien des choses, au vingtième siècle ».
Le comité directeur du LOSC a donné son assentiment, sous réserve d’un accord complet sur le protocole à établir. Le LOSC, tel qu’on l’a connu, s’apprête donc probablement à disparaître.
En réalité, il ALLAIT AVOIL’ 18 ans
Mais qu’en pensera le public lillois ? Du côté des joueurs, on s’incline 0-2 le soir-même au Red Star. La Voix du Nord commente : « il se pourrait que les bruits de fusion aient eu une répercussion involontaire sur le moral des joueurs qui, contrairement à leurs habitudes, pratiquèrent sans harmonie ».
Mais dès le mardi 22, volte-face : la presse annonce que le projet est déjà abandonné. Finalement, du côté lillois, le comité directeur n’a pas approuvé la démarche du président.
Voici le communiqué fourni à la presse :
« Le comité directeur du Lille O.S.C, réuni lundi 21 mai 1962 pour décider du principe de la fusion des sections professionnelles de football de Lille et de Sedan, après avoir entendu son président M. Kles, lui exposer que ladite fusion ne pourrait intervenir qu’après un accord complet sur un protocole à établir, déclare.
1) Ne pas donner suite au projet émanant de l’U.S. Sedan-Torcy ;
2) De maintenir le Lille O.S.C. dans le giron des clubs professionnels »
Dès le samedi 19, Kles a été mis en minorité par son comité directeur, qui ne voulait pas voir le LOSC disparaître. Il a alors remis sa démission… qui a été refusée. Décidément, il n’obtient rien de ce qu’il souhaite. La réunion a été houleuse, mais on en reste là avec, pour seule aide, cette souscription, qui n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan de dettes du club. Aucune autre solution n’est proposée.
La rapidité des opérations a de quoi laisser circonspect : Kles est-il à ce point désespéré ? Cherchait-il à créer une réaction ? Tout ceci n’est-il qu’une mise en scène du comité directeur pour mettre la pression sur la mairie, car après tout, Kles peut-il agir seul ? Ou n’y a-t-il réellement pas d’autre recours ?
Du côté de Sedan, on est déçu : dans les Ardennes aussi, rien n’est réglé. Lucien Laurant estime que « de nos deux misères, on pouvait faire un beau mariage. Nous avons la santé, Lille avait la beauté. Mais ce n’était peut être pas une idée dans l’eau. Une évolution des esprits permettra peut-être, plus tard, de reprendre la question, et d’établir des rapports concrets. C’est certainement dommage pour le public lillois qui perd la possibilité de retrouver une grande équipe ». Il avance aussi qu’à terme, cette fusion se serait certainement transformé en absorption en faveur du LOSC, eu égard au protocole envisagé : « laissez-moi vous dire que si le public lillois craignait une absorption du LOSC, il faisait fausse route car nous n’aurions pu, à brève échéance, être les majoritaires de cette entente. Le 2-1 (deux matches à Lille, un à Sedan) serait devenu un 3-0 par l’écrasante supériorité des recettes lilloises qui auraient fatalement fait pencher la balance vers Lille ».
Même son de cloche du côté de Louis Dugauguez : « cinq millions de recette par match à Lille, deux à Sedan. Cela fait, mensuellement, à Lille, 10 millions de recettes, contre deux à Sedan. À ce rythme, si les Lillois sont intelligents, nous passerons très vite à Lille. On ne peut pas lutter contre la loi des nombres, l’attraction des masses. Nous le savons, mais il n’y a pas d’autre solution pour nous. Aujourd’hui, nous ne craignons rien, mais dans deux, trois ans, avec la nouvelle répartition des recettes du championnat (chacun garde sa recette), nous serons exsangues. Alors voyons plus loin que le bout de notre nez, et essayons de sauver notre équipe. À Lille, elle vivra ».
Fernando D’Amico à la poursuite de Louis Dugauguez
(Source : Le Monde)
Mais désormais, le LOSC oppose un non catégorique. « Nous ne pouvions pas saborder notre club, laisser disparaître le LOSC » entend-on du côté du comité directeur. Ce à quoi la Voix du Nord rétorque que le sabordage est en train de se réaliser, et ce depuis plusieurs années : « chacun n’est-il pas l’artisan de sa fortune… ou de son infortune ? ». « Et si Sedan change d’avis, et dénonce l’entente ? » s’inquiète Jean Denis, pressenti à la présidence.
Et maintenant ?
Rien n’a changé, et le LOSC doit verser une caution de 6MF pour le 6 juin. Il y a bien toujours cette souscription publique. Une seule nouveauté, sur le plan sportif : la confiance à Jean Baratte est renouvelée pour la saison 1962/1963. Du moins, s’il y a une équipe à entraîner…
Dans la presse, on établit des parallèles entre les affaires commerciales et le sport. La Voix du Nord note que « on voit disparaître beaucoup d’usines, de commerces, qui datent de l’époque de grand-papa, qui s’allient à des maisons plus fortes, qui les soutiennent autant qu’elles les absorbent (…) il faut croire que l’évolution sportive est plus lente que l’évolution commerciale ». Du côté de Lens et de Valenciennes, également concernés par des problèmes de trésorerie, on repousse l’idée de fusion. Albert Huis, le président du Racing, envoie le communiqué suivant :
« Lens ne méconnaît pas les difficultés que connaissent certains clubs, et déplore certaines folies commises actuellement dans le football français. Mais en ce qui concerne une éventuelle fusion du RC Lens avec tout autre club, le club minier repousse catégoriquement cette idée qui n’aurait d’autre effet que de réduire le nombre de rencontres au stade Bollaert et éloignerait les sportifs. Lens souhaite, au contraire, intensifier son action sur le plan local et forme le vœu que sa municipalité, les groupements commerciaux, comprendront l’intérêt qu’ils ont à apporter au club une aide encore plus substantielle ».
Pour la Voix du Nord, cette option ne peut être que temporaire : « nous persistons à croire pourtant qu’un jour, il faudra bien y venir. Mais cela est une autre histoire, et il faudra que tombent des barrières désuètes, anachroniques ».
Pour compléter le concours Lépine du grand n’importe quoi, le RC Lens préconise des « jumelages ». Le club estime le déficit du football français à 1 milliard 300 millions d’anciens francs, la faute à un trop grand nombre de joueurs professionnels. Il s’agit de surmonter le souci psychologique (disparition d’un club) et le souci financier (dettes) : dans une même région, deux clubs peuvent se « jumeler ». Ils gardent leur autonomie juridique et financière, mais les professionnels et les stagiaires, tout en étant propriété exclusive de leurs clubs respectifs, seraient qualifiés indifféremment pour les deux clubs pour les rencontres de championnat. Cette double appartenance leur permettra de jouer dans les deux clubs, avec une priorité pour le club dans lequel ils ont signé leur contrat. On limiterait ce genre d’opération à 4 par match, le paiement des salaires se ferait au prorata des matches joués mais faudrait régler ça entre les deux clubs jumelés, ça réduirait le nombre de joueurs professionnels de 15 à 20%, et donc leurs charges sociales, et on aurait un championnat de meilleur niveau… Bref.
Le 25 mai, tombe enfin une bonne nouvelle : trois clubs, « émus par la situation du LOSC », proposent de venir jouer gracieusement à Henri-Jooris, en laissant l’entièreté des recettes aux Dogues. Il s’agit de Reims, du Racing de Paris, et de Valenciennes, qui constituent ainsi une « amitié rentable ». Et le FC Liège, contre qui un match était prévu de longue date le 30 mai, agira de la même manière, en venant avec ses internationaux belges : Guy Delhasse, Yves Baré, Jean-Marie Letawé, Victor Wegria.
Le 26 mai, le championnat de D2 s’achève avec un festival offensif : le LOSC bat Boulogne 6-3 (Lion, Tison, Zamparini, Fatoux, Zamparini, Petit/Baraffe, Douglas, Raspotnik). Le nombre de spectateurs ? 2 334 spectateurs. Autant dire que ce n’est pas avec cette affluence que le LOSC remplira les caisses…
Pour ouvrir le bal des (Fernando d’A)amicaux à Henri-Jooris, le LOSC affronte donc d’abord le FC Liège, le 30 mai. Mais « si un courant sentimental s’était manifesté en faveur de l’autonomie », il n’y a pas grand-monde dans les gradins, quelque chose comme 4 000 spectateurs. Pourtant, Lille a fait bonne figure face au quatrième du championnat belge : 2-2.
Le 3 juin, alors que la région lilloise est frappée par une vague de froid, le terrain est dégelé (!) pour recevoir Reims dans l’après-midi. Les Rémois, pourtant très sollicités avant de partir en tournée en Amérique du Sud, ont tenu à se déplacer à Lille, avec Kopa, Vincent, Wendling, Colonna ou encore Siatka. Les Champenois jouent au petit trot et le LOSC ouvre rapidement la marque par Lion (8e) ; « La gentillesse des Rémois était telle qu’un vieux supporter losciste cria peu avant la pause : Merci Reims ! Vas-y maintenant ! ». Mais « mieux vaut perdre un match et aider un ami tant financièrement que psychologiquement » : devant 6 000 personnes, Lille s’offre un succès de prestige. « Tout le monde était content : les Lillois qui avaient gagné, les Rémois qui n’avaient pas laissé trop de plumes, et la galerie qui avait assisté à une partie de bonne qualité dans l’ensemble ».
Le 6 juin, devant 5 000 personnes, le LOSC bat le Racing (4-0). Et enfin, le 14, Valenciennes vient gagner 4-1.
4 000 à 6 000 spectateurs lors de chaque match, les recettes sont bien maigres. Alors, dans l’immédiat, et comme ce sera souvent le cas jusqu’aux années 1990, la municipalité vient à la rescousse du LOSC. Elle lui fournit 7 millions (70 000 nouveaux francs est-il précisé) pour boucler la saison et repartir en 62/63. Au conseil municipal, les oppositions se font entendre : Landré (communiste) s’élève contre l’attribution à une société sportive qu’il estime mal gérée ; Minne (droite), ancien maire éphémère, n’est pas spécialement contre mais estime qu’on ne va pas aller loin avec 7MF.
L’équipe municipale n’est pas en désaccord avec ces remarques. Mais elle estime qu’il n’est pas possible d’ignorer la situation du LOSC. Elle lui a déjà consenti des prêts et participé à la rénovation de son stade.
Le 4 août 1962, le LOSC débute sa saison comme il avait terminé la précédente : défaite 1-4 en amical face à Valenciennes.
Grâce à des investissements de Jean Denis, le LOSC connait un répit sans éclat : il remporte le titre de D2 en 1964 puis reste 3 ans dans l’élite. Mais en 1967, nouveaux problèmes, nouvelle relégation, et le LOSC s’enfonce au point de plus parvenir à payer ses joueurs. Comme d’autres, il abandonne le professionnalisme en 1969.
Le point final d’une décennie à s’engluer (des Ardennes).
Note :
1 Biloute tenait Le Napoléon, face à la gare. Il était aussi gardien de buts de « l’équipe des 100 kg » de Lille : fourchette très basse pour lui, qui en pesait 140. Lors de son décès, début 1976, le Journal du LOSC salue ainsi sa mémoire : « grand buveur de bière, ardent supporter du LOSC, ami sincère, Biloute était une figure légendaire de notre région ».
NB : Les Sedannais s’en sortent en 1962 grâce à une souscription. Ils finiront par fusionner, avec le Racing Club de Paris, en 1967. Descendu en D2 en 1971, le club fera régulièrement l’ascenseur entre D1, D2 et D3 lors des années suivantes.