Archiver pour septembre 2024
Posté le 26 septembre 2024 - par dbclosc
Jean-Marie Aubry et les pénalties (Top 5)
Autres temps, autres mœurs : la sortie violente du gardien de but.
Venu d’Angers en 1995, Jean-Marie Aubry s’installe dans le but des Dogues lors de la 10e journée du championnat 1995/1996, contre Le Havre. Il prend la place de Jean-Claude Nadon, gardien du LOSC depuis 1989, qui fait les frais d’un début de saison catastrophique (seulement 2 points marqués) auquel il n’est pas étranger, à cause de quelques grossières et inhabituelles erreurs.
À partir de ce moment, et jusqu’en 1998, Aubry jouera 104 matches avec l’équipe lilloise, ne laissant sa place que ponctuellement pour diverses raisons (maintien de Nadon en coupe de France 95/96, 4 matches ; blessure en février 1997, 2 matches ; blessure en août 1997, 4 matches ; blessure en janvier 98, 3 matches ; brouille avec Froger au printemps 1998, 1 match).
Avec Aubry dans les buts, le LOSC a concédé 14 pénalties. On en sait pas trop si ce chiffre est dans la moyenne de ce que peut concéder un club sur trois saisons, mais à vue de nez comme ça, ça nous semble beaucoup. C’est sans doute plus normal si on rapporte ce chiffre à la situation losciste de l’époque : entre 1995 et 1998, le LOSC connaît un maintien miraculeux, une descente, et une non-remontée. On peut aisément concevoir qu’une équipe qui joue le bas de tableau deux saisons sur trois puisse concéder un nombre élevé de pénalties.
Voilà la répartition des pénalties concédés par le LOSC avec Aubry dans les buts :
_4 en 95/96 (Bastia, Saint-Etienne (2), Monaco) ;
_4 en 96/97 (Rennes, Nantes (2), Monaco)
_6 en 97/98. Alors qu’il s’agit de la saison où le LOSC termine 4e de D2… Mais il faut dire qu’à l’extérieur, l’équipe de Thierry Froger n’était guère performante ! Ces 6 pénalties sont d’ailleurs tous concédés hors de nos bases (Saint-Etienne, Wasquehal, Louhans-Cuiseaux, Martigues, Nancy, Beauvais).
Avec son mètre 76, son physique est plus proche de celui de Jean-Pierre Mottet que de celui de Grégory Wimbée : agile, il a tendance à bondir de manière spectaculaire, comme le faisait son prédécesseur moustachu. Mais cette explosivité a un pendant négatif : quand ce n’est pas fait régulièrement, le choc peut être brutal. Et cela s’est plusieurs fois vérifié avec Jean-Marie Aubry. Sur les 14 pénalties concédés quand il a gardé la cage du LOSC, il en a directement provoqués 5. Et, à chaque fois, on peut dire que ça a été spectaculaire et, en étant un peu méchants, sacrément grossier : sorties non maîtrisées, pas vraiment utiles ou franchement dangereuses, voici notre top 5 des pénalties concédés par JMA. Ayez bien en tête qu’il n’a concédé aucun carton pour ces fautes.
N°5 : Lille/Nantes, octobre 1996
Allez, là, ce n’est pas encore bien méchant. Toutefois, le Nantais Makélélé, d’ailleurs peu connu pour ses qualités de finisseur, ne partait pas vraiment vers le but et ne pouvait pas espérer grand chose de mieux qu’une sortie manquée du gardien. But de N’Doram, et score final de 3-3.
N°4 : Wasquehal/Lille, septembre 1997
Superbe alignement de la défense losciste, qui laisse échapper deux wasquehaliens dans son dos. Là, on peut considérer que la faute est le « bon » geste, car c’était certainement but de W. Loko derrière. Mais tout de même, c’est un bon gros fauchage. Premier but de Wasquehal contre Lille, et 1-1 à la fin.
N°3 : Lille/Rennes, août 1996
Wiltord est en angle fermé et semble partir dans la direction opposée au but ? Pour Aubry, ce n’est pas une raison suffisante pour ne pas se jeter les deux pieds en avant sur l’attaquant rennais ! Égalisation de Guivarc’h, mais le LOSC s’impose 3-1.
N°2 : Bastia/Lille, décembre 1995
Attention, ça devient violent. Déjà 3-0 pour les Corses, il n’y a plus rien à perdre alors amusons-nous : balle dans le dos de la défense, sortie à contretemps et saut les deux pieds en avant au niveau du torse, le tout sans toucher le ballon, du grand art. Drobjnak transforme, et sacrée rouste pour les Dogues (0-4).
Ce qui sublime la séquence, c’est d’oser contester.
N°1 : Lille-Monaco, janvier 1996
Chaque point compte pour ce LOSC englué en fond de classement. Lille ne part pas vraiment favori et, pour mettre encore moins de chances de son côté, se retrouve à 10 dès la 20e minute (expulsion de Collot). Le match est pourtant équilibré, jusqu’au moment où Ikpeba parvient enfin à échapper à la défense des Dogues. Le dribble de l’attaquant monégasque est parfaitement exécuté. Et là, c’est le sacrifice ultime.
Comme tous ceux qu’il a tirés contre Lille, Sonny Anderson manque le pénalty. Pour couronner le tout, le gardien lillois fonce vers Anderson et, tête contre tête, exécute une simulation qui aboutit à l’un des plus gros bordels vu à Grimonprez-Jooris, avec dans le premier rôle un Thierry Rabat qui frappe tout ce qui lui passe sous la main. Verdict : carton rouge pour… Anderson. Beau joueur, Aubry annonce après le match : « c’est vrai qu’il y a peut-être eu un peu de provocation de ma part ». Score final, 0-0.
Pour être tout à fait complet, sur les 14 pénalties auxquels Aubry a fait face, 11 ont été marqués. Les 3 échecs sont : Moravcik (Saint-Etienne en décembre 1995, transversale) ; le pénalty d’Anderson ci-dessus et… Anderson (Monaco, avril 1997. Le seul qu’Aubry ait détourné).
Rendez-nous notre foot des années 90 !
Posté le 12 septembre 2024 - par dbclosc
Penauds face aux pénos stéphanois
Deux en mai + deux en août + deux en décembre : l’année civile 1995 a vu le LOSC concéder six pénalties en trois confrontations face à l’AS Saint-Etienne (ASSE). Tout est bon pour entretenir le complot contre le LOSC !
Loi 14 des lois du jeu : « un penalty (coup de pied de réparation) est accordé si un joueur commet une faute passible d’un coup franc direct dans sa propre surface de réparation ou en dehors du terrain dans le cadre du jeu, comme décrit dans les Lois 12 et 13 ». Pour être tiré, « le ballon doit être immobile et positionné sur le point de penalty ». Précision amusante : « un but peut être marqué directement sur penalty ». Le point de pénalty étant situé à 11 mètres du but et tout autre joueur devant être situé à au moins 9,15 mètres du ballon, on comprend que cette sanction a de fortes probabilités de générer un but. Il n’est donc pas recommandé d’en concéder.
Mais on ne sait que trop bien que le complot contre le LOSC passe souvent par Saint-Etienne : en 1989, l’arbitre De Pandis avait quasiment offert une passe décisive aux Stéphanois.
En 1995, complot oblige, le LOSC concède neuf pénalties1, dont six sont sifflés en faveur de Saint-Etienne. Et comme par hasard, sur la même période, le LOSC n’en bénéficie que d’un (Friis-Hansen contre Lens).
Consolation : en dépit de ces six coups de pied de réparation, Lille n’a pas perdu face aux Verts ! Il faut dire que deux d’entre eux n’ont pas été convertis. Et qu’en plus, le LOSC a marqué, ce qui restait à l’époque un petit événement. Retour sur les trois confrontations de 1995.
Saint-Etienne/Lille, mai 1995 (3-3)
Cela fait partie des matches que le LOSC a (presque) renversés : menés 1-3 à la 89e, les Dogues repartent avec un nul miraculeux. Déjà parce que le scénario du match est étonnant ; et ensuite parce que, avant cette 35e journée, le LOSC n’avait marqué que 21 buts, dont… 5 à l’extérieur.
C’est un match de la peur en cette soirée de printemps à Geoffroy-Guichard : 18es (35 points), les Verts reçoivent Lille, 16e (38 points). Après un début de saison très correct (5e au quart du championnat), Sainté est mal en point, notamment après le départ à l’automne de son buteur allemand, Roland Wolfarth, qui avait inscrit 8 buts en 10 matches de championnat. Mais à domicile c’est à peu près correct : 9 victoires, 4 nuls et 4 défaites.
Et le gros problème, c’est que le LOSC est affreux à l’extérieur : en 17 déplacements, il n’a pas gagné et n’a pris que 5 points (soit autant que son nombre de buts marqués, si vous suivez bien). On ne donne donc pas cher de la peau des lillois.
Dès la 7e minute, une défense lilloise en pleine confiance laisse faire un changement d’aile, se laisse dribbler (belle figure esthétique de Leclercq), et laisse Aulanier seul au point de pénalty : 1-0. Avant la pause, Friis-Hansen se fait avoir par un crochet de Camara : pénalty transformé par Laurent Blanc (2-0).
À la 72e, alors qu’entretemps Sibierski a réduit l’écart, Camara passe encore, Friis-Hensen fait de nouveau faute, et Blanc transforme de la même manière (3-1).
Alors que les Verts sont proches à plusieurs reprises de marquer un nouveau but, le scénario du match est extrêmement favorable aux Lillois, avec deux buts aux 89e (Moreau csc) et 93e (Sibierski) minutes. Ils maintiennent donc l’écart avec leur adversaire du soir, avant de se sauver lors de la journée suivante. Saint-Etienne finira 18e mais sera repêché en raison de l’interdiction faite à l’OM de retrouver la D1.
Saint-Etienne/Lille, août 1995 (1-1)
Troisième journée de championnat : après un mercato désastreux, le LOSC construit le pire départ en championnat de son histoire : il faudra en effet attendre la 10e journée pour gagner.
Mais en attendant, malgré déjà deux défaites, on est encore persuadé que Pingel et Simba vont former un duo de choc devant. Notons que Saint-Etienne n’est guère mieux loti avec sa petite pépite brésilienne Cuca (qui marquera tout de même 3 buts).
À la 23e minute, sous les yeux de Pascal Cygan, qui joue son premier match en D1, Hitoto fait faute sur Séchet ; Moravcik transforme (1-0).
70e minute : perte de balle de Friis-Hansen, Carrez accroche le maillot de Cuca : pénalty, bien évidemment. Heureusement, le Brésilien fait une belle passe qui permet à Jean-Claude Nadon d’effectuer son seul arrêt de la saison.
À 10 minutes de la fin, Sibierski égalise, inscrivant au passage son 3e but de la tête en 4 mois sur ce but. Notons au passage la belle intervention de Coupet. Merci Greg, rendez-vous en mai 2011 !
Lille-Saint-Etienne, décembre 1995 (1-1)
Belle affiche à Grimonprez-Jooris entre le 18e et le 15e : Lille, 18e défense, 19e attaque ; Saint-Etienne, 19e défense, 8e attaque (pas mal !). Quelle nullité prendra le dessus sur l’autre ? Eh bien c’est l’attaque lilloise, dès la 6e minute : débordement et centre de Becanovic, intervention-fantôme de Coupet puis de deux arrières, reprise de Boutoille, 1-0 !
Mais 3 minutes plus tard, Leclercq fait faute dans la surface de réparation : pénalty. Moravcik transforme du gauche, puis du droit, l’arbitre ayant fait retirer (1-1).
À la demi-heure, belle obstruction de Cygan sur Thimothée : Moravcik envoie cette fois sur la barre d’Aubry.
Match nul, sauvetage in extremis pour Lille en fin de saison, tandis que les Verts, récompensés pour leur persévérance, sont cette fois autorisés à descendre en D2. Mais nous les retrouverons bien vite.
En effet, comme les Dogues rejoignent les Verts en D2 pour la saison 97/98, c’est l’occasion de vérifier si le complot perdure. Dès la première journée, les deux clubs s’affrontent.
5e minute : débordement de Collot, passe à Duncker dans la surface, qui est bousculé, pénalty !!! Samuel Lobé le transforme et, sans conteste, l’engrenage maléfique est rompu.
Mais 15 minutes plus tard, l’arbitre, M. Léon, revient aux fondamentaux : centre de Guillou vers Lagrange, et devinez quoi…?
Bob Senoussi a raison : mieux vaut en rire. A ce moment là, à la grosse louche, sur les 250 dernières minutes des confrontations entre le LOSC et l’ASSE, les Verts ont obtenu 7 pénalties, soit un toutes les 35 minutes. A l’échelle d’une saison de 34 matches, à ce rythme, une équipe en obtiendrait alors 87 ce qui, sans être impossible, semble nettement improbable, à moins de jouer avec 5 Gervinho devant.
Démonstration est faite : sombre fin de XXe siècle.
N’oublions pas que le complot stéphanois par les pénalties a eu une suite, puisque Lille est éliminé à Saint-Etienne en demi-finale de coupe de la Ligue, aux tirs aux buts, en 2013.
En championnat, il faudra attendre plus de 20 ans pour retrouver trace d’un pénalty stéphanois contre Lille. Mais très perfidement, en ce mois de novembre 2017, c’est Jonathan Bamba qui le transforme ; puis Remy Cabella la saison suivante, en octobre. Ces mauvais coups contraignent ces deux joueurs à arriver au LOSC avec un solde négatif, ce qui peut générer des tensions avec les supporters.
Fort heureusement, Peyrelade (1999), Cabaye (décembre 2007, décembre 2009) puis Eder (mai 2016) ont permis au LOSC d’également marquer sur pénalty contre l’ASSE. Avant, il fallait remonter à Philippe Périlleux pour trouver la trace d’un tel événement (mai 1990).
Vous constaterez donc qu’en 35 ans, le LOSC est dans l’incapacité ne serait-ce que d’égaler ce que Saint-Etienne a fait en quelques mois.
Alors, en 1995, défense à chier ou complot ? Chacun se fera son opinion.
Note :
1 Outre les Stéphanois, Andersson (Caen), N’Doram (Nantes – raté) et Drobjnak (Bastia) ont tiré un pénalty face à Lille.
Toutes les vidéos ont été mises en ligne sur la chaîne Youtube de ASSE Memories (le compte X est ici)
Posté le 7 septembre 2024 - par dbclosc
Ces Diables de Lillois : les Dogues au Heysel en avril 1934
Fait exceptionnel dans la vie de l’Olympique Lillois en avril 1934 : si le champion de France en titre a l’habitude de jouer contre de grandes équipes étrangères, il affronte pour la première fois une sélection nationale. Ce sera celle, voisine, des Diables Rouges de Belgique.
Les liens entre la Belgique et l’Olympique Lillois sont presque aussi anciens que la création du club lui-même : la proximité de la frontière a fait de Lille une ville privilégiée pour que des liens se développent.
Rijsel-sur-Deûle
Avant même que l’OL n’existe, des clubs belges rendent visite au nord de la France ; ayant un temps d’avance dans leur développement, ils sont considérés comme les meilleurs au niveau continental. Ainsi, dès 1898, la première édition du Challenge international du Nord voit s’affronter quelques clubs français, la plupart nordistes (Iris Club Lillois, SC Tourcoing, US Tourcoing, RC Roubaix…) à des clubs étrangers, exclusivement belges (Football Club Brugeois, Daring de Bruxelles, Racing Club de Bruxelles, Léopold Club Bruxelles).
Jusqu’en 1908, ce tournoi annuel – que rejoint l’Olympique Lillois en 1903 – est remporté à 10 reprises par des belges, Union Saint-Gilloise en tête (3 victoires). Pendant un temps, jusqu’en 1913, les clubs nordistes ne peuvent plus jouer de matches internationaux1 : mais les liens demeurent, et Jooris, dont les responsabilités à l’OL vont croissant – il était en effet entre autres boulanger industriel – garde un œil attentif sur ce qui se passe chez les Belges. Ainsi, en 1912, le recrutement – ou plutôt l’enlèvement – d’Alphonse Six, joueur de l’Union Saint-Gilloise, est indéniablement dû à cette proximité. Au-delà de l’aspect purement sportif, l’évolution des clubs nordistes (supportérisme, projets de stade, militantisme pour la reconnaissance du football en tant qu’enjeu d’intérêt social…) s’est faite pour partie par mimétisme avec ce qui se passait en Belgique.
C’est donc grâce à ces liens de voisinage que le football nordiste, juste avant la guerre, s’est affirmé comme un des meilleurs, si ce n’est le meilleur, de France, ce qui a permis à Lille d’accueillir le premier match de l’équipe de France hors de Paris : c’était en janvier 1914… contre la Belgique, évidemment.
Après-guerre, les liens persistent durant un temps mais ont tendance à se raréfier. Surtout, ils n’ont plus leur prestige d’antan. L’émulation suscitée avant-guerre a été brisée par le conflit. Dans les années 1920, les clubs nordistes ne brillent pas dans la seule compétition nationale (la Coupe de France), ce qui rend plus complexe l’organisation de matches contre des Belges qui, eux, semblent retrouver plus rapidement leur niveau. Mais les Nordistes montent en puissance, avec une présence de plus en plus tardive dans la compétition : quart de finale pour l’OL en 1927, 1928, puis 1932, et pour l’Excelsior Roubaix en 1931 ; demi finale pour Dunkerque-Malo en 1929, puis pour le RC Roubaix en 1932.
Le foot ne perd pas le Nord
L’avènement du professionnalisme en France en 1932 correspond donc à un moment où le Nord a en partie comblé le retard subi depuis 15 ans. Lors de cette première saison professionnelle, les trois clubs nordistes (Lille, Fives, E. Roubaix) font rapidement bonne figure. Les confrontations amicales de l’OL contre ce qui est alors considéré comme la crème du foot européen, l’Europe centrale, montrent que le Nord, s’il ne gagne pas, rivalise de nouveau (défaites 2-4 contre Sparta Prague en novembre, 0-1 en février contre First Vienna, 1-2 en avril contre Admira de Vienne, nul 1-1 en janvier contre les Roumains d’Oradea).
Au printemps, le succès de l’OL dans le championnat de France, et le choc E. Roubaix/RC Roubaix en finale de coupe, replacent objectivement le Nord en très bonne place sur la carte footballistique nationale.
En 1933/1934, l’Olympique Lillois confirme ce retour au sommet : le 11 avril 1934, retour en Belgique, mais pour y affronter l’équipe nationale ! Après un nul Nord/Allemagne de l’Ouest en février (3-3), le printemps international a débuté début avril avec un tournoi entre l’OL, Tournai et Malines (à Tournai), Fives/Fribourg le 7, et ont été fixés un Nord/Sunderland fin avril puis un OL/Polgon Lviv (deuxième du championnat de Pologne en 1933) début mai.
A, A’, B… ?
En Belgique, l’Union Saint-Gilloise vient d’enlever son 10e titre national. Ses joueurs sont donc fortement représentés dans l’équipe nationale. Mais celle-ci n’est pas très en forme, la faute à qui ? En partie aux Lillois : trois d’entre eux (les Olympiens Défossé et Vandooren, le Fivois Libérati), membres de l’équipe de France, sont venus gagner à Bruxelles en janvier. En février, les Belges ont obtenu un pénible nul (4-4) à Dublin, face à l’équipe de l’Etat libre d’Irlande, en éliminatoire de la coupe du monde. Puis en mars, en amical, les Diables ont perdu 9-3 chez leurs voisins néerlandais. Autant dire que, face à une équipe qui n’est pas une sélection nationale, on attend des Belges qu’ils gagnent et rassurent un peu avant de jouer la coupe du monde en Italie.
Pour l’OL, affronter une sélection est une première. Du côté belge, même s’il s’agit d’un match de l’équipe nationale, ce match n’a pas de caractère officiel : c’est une rencontre amicale hors-calendrier et hors-agenda, qui ne figure pas dans le palmarès de l’équipe des Diables Rouges. Celle-ci s’autorise quelques rencontres officieuses contre des équipes de niveau national.
À vrai dire, il y a un doute sur le statut de cette équipe belge : il existe une équipe A’ depuis 1924, mais les coupures de presse relatives à ce match n’en font pas mention. Le Grand Echo rapporte que le seul club qui a battu les Diables est Sochaux, en 1930. Rencontre non comptabilisée officiellement mais jamais présentée comme ayant été celle d’une équipe « B »… A priori, c’est donc bien l’équipe A des Diables Rouges que l’OL affronte, d’autant que les joueurs sélectionnés sont à peu près les mêmes que lors du précédent match officiel, et que lors du suivant (officiel).
Ce match est organisé à l’occasion de l’annuelle Marche de l’Armée, ce qui peut aussi constituer un gage de solennité de l’événement, qui justifie qu’on aligne son équipe première.
Il sera précédé d’autres festivités, notamment, une course, un match de basket et un autre de volley. La fête sera présidée par un représentant du Roi des Belges (le général du Roy de Blicquy). Celui-ci, depuis deux mois, s’appelle Léopold III, tout juste intronisé après que son père, Albert Ier, est parvenu à avoir un accident d’alpinisme au Plat pays.
Des Dogues déforcés
Les Dogues viennent de se faire sortir de la coupe de France au stade des demi-finales, contre Sète (à Colombes). Dans l’autre demi-finale, le RC Roubaix (D2, finaliste la saison précédente) a été éliminé par Marseille. L’espoir d’une deuxième finale nordiste consécutive s’envole.
Vandooren face à un attaquant Sétois (Miroir des Sports)
En championnat, l’OL est encore bien placé car, à 4 journées de la fin, il n’est qu’à deux points du leader sétois. Mais le championnat est très serré et Marseille, Fives, Antibes et même l’Excelsior Roubaix sont dans la course au titre.
Au niveau de l’effectif, Delannoy est absent. En effet, il est dans une période militaire et n’a pas obtenu de permission de ses chefs. C’est donc l’Autrichien Windner qui joue avant-centre. Vandooren et Winckelmans se sont blessés lors du précédent match à Sète (demi-finale de coupe de France) et ne pourront pas non plus tenir leur place. Ils sont remplacés par Théry et Laurent. Quant à Simonyi, il est momentanément mis à pied pour « manque d’activité » à Sète. McGowan, lui, est laissé au repos à l’issue d’une « éprouvante saison ». Voilà donc l’OL fort diminué, d’autnat que son entraîneur, le Belge Robert De Veen, confie à la Dernière Heure que ses joueurs viennent « sans enthousiasme ».
Le match est prévu à 20h00 ; le Grand Echo du Nord indique que les Lillois se mettent en route à 13h, et que « de nombreuses voitures automobiles et quelques autocars transporteront joueurs, dirigeants et supporters vers la capitale belge ». Une chose est donc sûre : aucun de ces Lillois n’est responsable de la disparition du panneau des « Juges intègres » des frères Van Eyck, qui a été volé dans la nuit du 10 au 11 avril dans la cathédrale de Gand. À ce jour, on ne l’a toujours pas retrouvé.
Voici la composition lilloise :
Défossé ;
Beaucourt (cap.), Théry ;
Meurisse, McGowan, Delassus ;
Decottignies, Lutterlock, Windner, Laurent, Béranger.
L’équipe proposée par le Comité Belge de Sélection :
Badjou (Daring Bruxelles) ;
Pappaert et Smellinckx (Union Saint-Gilloise) ;
Peeraer (Antwerp), Welkenhuysen et Claessens (Union Saint-Gilloise) ;
Versyp (FC Bruges), Voorhoof (Lierse), Lamoot (Daring Bruxelles), Vanden Eynde et Van Caelenberg (Union Saint-Gilloise), Van Beeck (Antwerp)
L’arbitre est néerlandais.
Et la lumière fût (de bière)
Au coup d’envoi, la nuit tombe. Mais pas de panique ! Ce match se joue en nocturne, une innovation depuis le début des années 1930 dans les stades les plus modernes. Si l’on en croit les premiers compte-rendu, la lumière artificielle nécessiterait un temps d’adaptation, dès lors favorable aux Belges. Ainsi, en 1932, le Sparta Prague, avant de passer par Lille, avait aussi joué au Heysel et ses joueurs s’étaient plaints de la lumière.
Or, selon le Grand Echo, « le football aux lumières ne semble pas particulièrement familier aux Lillois » : en effet, le début du match est brouillon, et le Soir note même un « jeu assez incohérent » de la part des Dogues. Le ciel s’assombrit un peu plus quand, à la 9e minute,Vanden Eynde trouve Van Beeck, qui remise vers Lamoot, qui crochète et conclut (1-0). Quelques instants après, une combinaison Versyp/Van Caelenberg aboutit encore (2-0 , 13e). « On put croire que les Français allaient au devant d’un écrasement » note le Grand Echo. Lille ne se montre guère dangereux, mais son gardien veille : « un « save » de Défossé est très applaudi » (Le Soir).
Juste avant la pause, les Lillois reviennent après une erreur de Classens dont profite Windner (2-1, 41e). On en reste là jusqu’à la pause.
Dès la reprise, Windener marque de nouveau, mais le but est justement refusé pour un hors-jeu. Ce n’est que partie remise pour les Dogues qui, après un centre de Béranger, égalisent par Decottignies (2-2, 61e).
Le Lillois Decottignies (à gauche), en janvier contre Sochaux (Miroir des Sports)
La Belgique prend alors le jeu à son compte. Défossé repousse quelques assauts, puis est sauvé par sa transversale (64e). Mais une minute plus tard, Van Beeck trouve Vandern Eynde, qui conclut du gauche (3-2, 65e). Limités, les Dogues cèdent de nouveau après un cafouillage dont profite Van Caelenberg (4-2, 79e).
On croit alors le match plié, mais Laurent surprend tout le monde en crochetant puis en frappant de loin (4-3, 86e). Les dernières minutes sont marquées par quelques cafouillages devant le but belge, et il s’en faut de peu pour que Badjou n’aille chercher le ballon au fond de ses filets une quatrième fois, ce qui pour un Belge équivaut à une fois + une fois + une fois + une fois. Les Belges s’imposent 4-3.
Les deux équipes en avril 1934 (La Dernière Heure)
Les presses nordiste et belge s’accordent : pour la première, « le jeu ne fut guère de grande classe », « rares furent les instants où il dépassa une honnête moyenne » ; pour la seconde, « ce n’est que par instants que la rencontre a été intéressante » (La Dernière Heure). Selon elle, l’OL « n’a pas laissé l’impression d’une forte équipe », est « bon en technique mais lent en exécution », mais a de solides circonstances atténuantes en raison des nombreuses absences dans son effectif.
Ainsi s’achève la première opposition entre l’OL et une sélection nationale. Dans les jours qui suivent, les Lillois s’inclinent de nouveau face à Sète, cette fois en championnat (0-1). Les Dogues finiront quatrièmes du championnat, à seulement deux points de Sète, et derrière le Sporting Club de Fives (deuxième).
Un « match-revanche » est mis en place en mai 1935. Cette fois, il est parfois fait mention de l’équipe « B » des Diables, sans que ce ne soit très clair. Au stade Victor-Boucquey, Dogues et Diables se séparent sur un 2-2.
Après-guerre, en 1946, le LOSC se rendra à Saint-Gilles pour y affronter, très explicitement cette fois, l’équipe « B » de Belgique.
Note :
1 A cette époque, il existe plusieurs fédérations de football sur le territoire national. L’OL appartient à l’USFSA – Union des Sociétés Sportives de Sports Athlétiques – et c’est cette fédération qui représente la France auprès de la FIFA. Son représentant est d’ailleurs André Billy, le président de l’Olympique Lillois. Or, en 1908, Billy, défenseur de l’amateurisme, croit pouvoir faire un putsch auprès de la FIFA, défenseure d’une professionnalisation. En démissionnant , il pense emporter avec lui de nombreux soutiens étrangers. Sauf que pas grand monde ne le suit, et l’USFSA est exclue de la FIFA. C’est une autre fédération qui représente alors la France. Concrètement, cela interdit désormais à l’USFSA d’organiser des rencontres internationales.