Posté le 17 janvier 2025 - par dbclosc
Lille-Nice 1996 : le sauvetage se dessine
Au printemps 1996, le LOSC signe à Grimonprez-Jooris une victoire capitale en vue de son maintien. Mais aussi pour sa propre survie.
« Quand on n’a pas les moyens de battre une équipe comme celle de Martigues ce soir, il faut regarder la réalité en face.
C’est-à-dire ?
C’est-à-dire que ce sera très difficile pour nous… »
Ce samedi soir 9 avril 1996, la 34e journée de D1 vient de s’achever et l’entraîneur du LOSC, Jean-Michel Cavalli, a de quoi être abattu : son équipe s’est encore inclinée, cette fois à Martigues, dernier, qui n’avait pas gagné depuis début décembre. Et pourtant, avant le match, le LOSC avait décrété une « opération-commando », dans le sillage de son capitaine, Thierry Rabat : « mon rôle en tant qu’ancien, c’est de rassurer tout le monde. Les gars se posent tellement de questions ! Sur le terrain, on devra être forts, très forts, et tout faire pour ne pas avoir de regrets. En étant sérieux, bien organisés, on peut ramener quelque chose. L’idéal serait de leur planter un but très vite. Cela nous permettrait de jouer tranquillement, sans pression excessive ».
Un but arrivera en effet assez vite (17e), mais il sera l’oeuvre d’un Martégal, dont la frappe de 30 mètres surprend Aubry. Incapable de réagir ni même de se créer une occasion sérieuse, le LOSC offre encore un piteux visage, alors même que les Sudistes ne sont guère plus brillants. Ce bel extrait du match situe le niveau :
Pour couronner le tout, les Dogues perdent les pédales : Rabat, capitaine exemplaire, est expulsé (72e), de même qu’Arnaud Duncker (79e). Point positif : Lille n’a pas encaissé à 9 contre 11, et seules 3 000 personnes ont assisté au triste spectacle.
Cette 16e défaite de la saison place le LOSC dans une bien mauvaise posture : avec seulement 30 points, il est 19e. Le 17e et premier non-relégable, Saint-Etienne, n’est qu’à 2 points, mais la dynamique lilloise est très inquiétante. En effet, les Dogues n’ont pris que 2 points sur les 7 derniers matches, n’ont marqué que 2 fois, et n’ont pas marqué depuis 517 minutes…
Les Lillois ont pourtant été capables de quelques coups d’éclat au cours de la saison, avec des victoires à Auxerre, à Nantes, et une certaine solidité à domicile à partir de l’automne. Seulement, le LOSC traîne comme un boulet le départ catastrophique de sa saison (2 points en 9 matches).
Il reste 4 matches : le LOSC a un avantage tout relatif : il recevra trois fois à Grimonprez-Jooris (où il n’a gagné que 3 fois en 16 matches…). Et c’est bien là qu’il faudra prendre les points car il n’y a évidemment rien à espérer du déplacement à Paris, qui joue encore le titre avec Auxerre, et qui s’est hissé en finale de C2.
Tout se jouera donc contre Nice, 36 points, pas encore sauvé ; Lyon, en milieu de tableau, qui n’a plus rien à craindre ni à espérer ; et Bordeaux, décevant en championnat, mais finaliste de C3, qui a dans son effectif quelques joueurs intéressants comme Dugarry, Lizarazu, ou Zidane (et Friis-Hansen).
Le scénario le plus optimiste pour se maintenir avec un minimum de points serait de gagner 2 matches à la maison, et d’espérer que les autres laissent (beaucoup) de plumes.
Pour la 35e journée, c’est donc Nice qui se présente. A l’aller, le LOSC a réussi l’exploit de s’incliner après avoir ouvert le score à la 86e minute. Battre les Aiglons est une condition nécessaire et pas suffisante pour se maintenir. Et autant dire qu’en cas de défaite, la saison sera probablement terminée.
Le LOSC se présente ainsi :
Aubry ;
Leclercq, Carrez, Lévenard, Cygan ;
Hitoto ;
Collot, Sibierski, Abed ;
Boutoille, Simba.
Ça ne fait pas rêver, mais on peut sans doute compter sur Sibierski, valeur sûre, déjà auteur de 8 buts ; depuis son arrivée, Denis Abed, bien qu’un peu lent, apporte une indéniable touche technique et frappe remarquablement les coups de pied arrêtés ; Boutoille a le mérite de se bouger, même s’il marque peu ; Collot est capable de déborder et de frapper de loin ; Hitoto ratisse bien au milieu. Pour le reste, c’est un peu au petit bonheur la chance.
Mais qui sait ? Notre avant-centre, Simba, marquera peut-être son 3e but de la saison.
3 points ne donneraient pas qu’une bouffée d’air sportive au LOSC. Les déclarations de Bernard Lecomte, président du club, sont en effet sans équivoque. Le plan qu’il a mis en place, qui consiste à rembourser les dettes et à retrouver des fonds propres pour juin 1998 tient toujours, mais à une condition : il faut rester en D1. Une descente en D2 ferait s’effondrer l’objectif économique, et probablement que le LOSC ne saurait y survivre.Misant sur sa formation depuis quelques années, le club est contraint de progressivement laisser partir ses cadres et joueurs expérimentés (Fichaux, Buisine, Assadourian, Bonalair… puis Friis-Hansen en cours de saison), ou ses quelques rares vedettes (Andersson). C’est le prix à payer… sans garantie que cela fonctionne. Mais il n’y a pas le choix : les garder garantirait pour le coup une masse salariale incompatible avec les objectifs économiques.
Entre encouragement envers ses joueurs, demande de soutien du public, mais inquiétude quant à l’avenir du club, Lecomte se démène et en appelle au sursaut : « sur le plan financier, l’objectif est atteint : nos engagements vis-à-vis de la DNCG, de la ville, du tribunal de commerce, sont respectés. Nous remboursons nos emprunts au rythme convenu ; nous allons reconstituer nos capitaux propres. Si nous continuons ainsi jusque 1998, le club sera complètement assaini. J’ai fait le maximum, et je veux que cette métropole lilloise se dote du club qu’elle mérite. Mais ce n’est plus entre mes mains. Ce n’est plus entre mes pieds surtout ! C’est entre les pieds des joueurs, alors qu’il y aillent, nom d’une pipe ! ».
Dans une ambiance crispée, devant 7 316 spectateurs, le LOSC est plutôt conquérant. Sur un coup-franc d’Abed, une tête de Simba au point de pénalty est repoussé par Létizi du bout des doigts (7e). Sait-on jamais, Cédric Carrez lève la main vers le juge de touche afin qu’il indique un but, mais ça ne marche pas. Seul un lointain coup-franc de Martin permet à Aubry de se réchauffer.
Bonne nouvelle au quart d’heure : blessé, Lévenard sort. Mauvaise nouvelle au quart d’heure : Meszöly entre.
La délivrance arrive à la 33e minute : un long ballon de Leclercq, depuis son camp, arrive dans l’arc de cercle de la surface niçoise, et est mal renvoyé de la tête. Simba récupère aux 20 mètres, tente le une-deux avec Abed qui lui remet dans l’axe, et miracle : contrôle de la cuisse d’Amara, missile du gauche, et le ballon file en lucarne ! Quel joli but ! Y a des soirs comme ça. Simba a toutefois tenu, comme d’habitude, à se casser la figure après avoir touché le ballon.
Juste avant la pause, un coup-franc d’Abed tape l’extérieur du poteau niçois.
En seconde période, Létizi brille à deux reprises sur des frappes de Collot, puis d’Abed. La fin de match est dramatique et décousue : les Niçois poussent pour égaliser, et les Lillois placent quelques contres. Une tête de Mangione aux six mètres est renvoyée par le poteau : sur le contre, Machado et Boutoille se retrouvent seuls face à Létizi, mais « Néné » panique et envoie un vieux tir largement à côté.
À la dernière minute, les Niçois balancent un long ballon vers l’avant : Aubry sort de façon imprudente hors de sa surface mais parvient à toucher le ballon de la tête ; cependant, la balle poursuit sa course vers le but, Mangione prolonge de la tête et Meszöly sauve en catastrophe.
Ce fut encore laborieux, mais Lille a gagné ! De plus, Gueugnon et Saint-Etienne n’ont pris qu’un point, chez eux. Le LOSC gagne alors une place, et est à égalité de points avec le 17e.
« Le fil n’est pas rompu » titre la Voix des Sports. Le constat n’était pas évident après la défaite à Martigues. Joueurs et entraîneur soulignent comme la semaine a été positive : ils estiment en effet avoir ressenti une mobilisation pour sauver le club : « je voudrais remercier tous les gens qui, dans la semaine, nous ont apporté des témoignages de sympathie » souligne Cavalli ; de son côté, Aubry note que « cette victoire, c’est celle de tout le club. Elle n’est pas à mettre au seul crédit des joueurs. Pendant toute la semaine, le président et les dirigeants ont été très proches de nous. Ils ont réussi à faire passer un message très positif et le résultat est là ». Au fond du vestiaire, la Voix des Sports note que Simba « n’en finissait pas de raconter son but, rare et cher ». Tu m’étonnes, ça arrive si peu souvent ! Il se projette déjà vers le match à Paris et indique que ce serait « formidable » de marquer à Paris « sur une bicyclette ». Oui, oui… On a entendu cette promesse toute la saison.
Le lendemain, Bernard Lecomte s’invite dans le JT régional et, profitant de l’espoir suscité par cette victoire, en remet une couche sur la nécessaire mobilisation autour du club :
« Nous avons fait un travail considérable depuis deux ans. Nous avons le satisfecit de la DNCG et du Tribunal de commerce. Nous reconstitutions la santé financière de ce club et nous devrions être assainis en 1998. Alors nous sommes en colère lorsque, sur le plan sportif, ça met l’édifice en péril. Le LOSC reste un club subventionné, par la communauté urbaine, par la région. Si nous devions descendre en D2, il y a aurait indéniablement un gros problème financier. Je le signale ici après mon cri d’alarme dans la presse : l’équation financière serait tout autre. Je ne dis pas qu’elle sera insoluble, mais elle sera très difficile à résoudre. Et là, on verra si le mouvement de sympathie et d’engouement que je sens autour du LOSC se concrétisera sur le plan financier.
Ça voudrait dire qu’il peut y avoir un dépôt de bilan ?
Les risques ne sont pas exclus. Je m’acharnerai à ce que ça n’arrive pas. Mais on a besoin de l’aide de beaucoup de monde. En attendant, la solution, c’est de marquer des buts. C’est en jouant en D1 que nous pourrons continuer à retrouver une santé financière ».
On connaît la suite : victoire invraisemblable à Paris, puis nouvelle victoire contre Lyon lors de la 37e journée, et voilà le LOSC maintenu avant même la dernière journée ! Le LOSC signe ainsi en 3 semaine un tiers de ses victoires de la saison, et marque un quart de ses points. Des 35e, 36e et 37e journées inespérées qui trouveront un lointain écho lors de la saison 2017/2018, où le LOSC se maintient là aussi de justesse grâce à 3 victoires consécutives sorties d’on ne sait où, et qui auraient sans doute condamné le club, encore merci Gégé.
En attendant, le LOSC est sauvé et, avec une saison supplémentaire en D1 (et la vente de Sibierski pour 8MF – une fortune à l’époque pour un club comme le LOSC), pourra désormais supporter économiquement une relégation. Ce dont il ne va pas se priver, dès 1997 !
Les extraits d’interview et images sont issus de médias régionaux (La Voix du Nord, La Voix des Sports, France 3)
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