Posté le 27 janvier 2025 - par dbclosc
1930, 1931 : Lille/Feyenoord Rotterdam, premières
En 1930 puis en 1931, l’Olympique Lillois affronte à deux reprises l’équipe néerlandaise du Feyenoord Rotterdam. À cette période, le Nord, et le club de Jooris en particulier, retrouve progressivement son lustre d’antan et se place comme l’un des fers de lance des transformations à venir dans le football français.
Il aura bien fallu une dizaine d’années : le Nord est de retour sur la carte du football français. Alors qu’il en était le chef de file avant la guerre, notamment grâce au triomphe lillois de 1914, le conflit mondial stoppe cette émulation et l’heure est à la reconstruction.
La relégation sportive du Nord est objectivable à travers les piètres performances de l’équipe de la Ligue du Nord, mais surtout à travers la seule compétition nationale de l’époque : la coupe de France, créée en 1917. Si le RC Calais et l’US Tourcoing parviennent à en atteindre les huitièmes de finale en 1921, il faut attendre la fin des années 1920 pour retrouver deux performances remarquables : en 1928, l’Olympique Lillois atteint les quarts de finale (et ne s’incline que lors d’un match rejoué contre le CA Paris), de même qu’Amiens, qui a sorti l’Olympique de Marseille, double tenant du titre (4-4 puis 3-2). En 1929, cinq club nordistes se hissent jusqu’en huitièmes ; en 1929, un quart de finale oppose Dunkerque-Malo à Boulogne-sur-mer puis, en 1930, au même stade, on assiste à un Dunkerque/Amiens ! Entretemps, l’US Tourcoing, championne du Nord 1928, se qualifie pour un vague ersatz de championnat de France à l’issue duquel il ne s’incline qu’en finale, contre le Stade Français.
Décembre 1928 : l’équipe du Nord bat les professionnels du Rapid de Vienne
Le Grand Echo du Nord, 31 décembre 1928
Le football nordiste semble donc avoir mangé son pain noir durant ces années 1920, qui n’ont été éclaircies que via quelques confrontations amicales prestigieuses, comme celle de l’Olympique Lillois contre le Real Madrid en 1925, au moment précis où l’OL connaît un sacré creux dans le championnat du Nord (dernier titre en 1922, 4e en 1925, 7e en 1926)
L’Olympique Lillois renoue avec le titre régional en 1929. S’il le cède de nouveau en 1930 (au profit de l’Excelsior Roubaix), son comité directeur directeur est confiant et est toujours aussi actif : à l’aube de la nouvelle saison 1930/1931, il annonce ainsi « la collaboration d’un certain nombre de grands entraîneurs qui viendront, à tour de rôle, donner des conseils précieux aux joueurs des différentes équipes de l’OL » (Le Grand Echo, 12 septembre). C’est une innovation considérable, à une époque où le rôle d’entraîneur est peu clair (dans les faits, le capitaine de l’équipe était considéré comme tel, comme l’ont été Jean Ducret avant-guerre ou Maurice Douchet après-guerre) voire inexistant.
Il présente aussi un alléchant programme d’avant-saison, preuve de la capacité intacte de Jooris à attirer les meilleures équipes à Lille : le Club Athlétique de Paris, champion de Paris (24 août), le FC Mulhouse, champion d’Alsace, et qui a battu le CA Paris en amical, 4-1 (27 août), puis Sète, vainqueur de la coupe de France (4 septembre). Par ailleurs, le 31 août, l’équipe 1 de Vitry viendra affronter une équipe mixte de l’OL, notamment composée de juniors, qui ont brillamment remporté la coupe du Nord au printemps. Parmi eux, deux piliers de l’équipe championne de France en 1933 : Pierre Beaucourt et Jacques Delannoy.
1930 : championnat de France universitaire, équipe de Lille scolaire.
On reconnaît Pierre Beaucourt, troisième joueur debout en partant de la gauche
Agence Rol. Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, EI-13 (1696)
Les Dogues recevront ces équipes non pas au stade de l’avenue de Dunkerque, mais au stade Victor-Boucquey. La décision a été prise mi-août suite au décès, le 3 juin, de Victor Boucquey, 65 ans, vice-président d’honneur de l’OL, dans un accident de voiture du côté de Reims.
Mais, en dernière minute, l’OL avance sa reprise : il annonce en effet avoir été invité au tournoi d’Ostende, qui met aux prises l’US Tourquennoise, le Feyenoord Rotterdam, le FC Bruges et, donc, les Dogues. On aura Feyenoord/OL et UST/FC Bruges.
Le Grand Echo l’annonce d’emblée : « l’Olympique Lillois aura la tâche très dure, car il est opposé au vainqueur probable du tournoi. Ce grand club hollandais est titulaire de la coupe de Hollande 1930 ; il a été 6 fois champion de Hollande ». Il faudra batailler dur : « l’enjeu est une coupe de grande valeur offerte par le président d’honneur de l’Association Sportive Ostendaise, M. De Clerck ».
La fameuse coupe de Hollande
© AFP 2016 KENZO TRIBOUILLARD
Le match OL/Feyenoord se tient le 15 août. 5 jours avant, l’UST est venu se prendre 5 buts par Bruges, qui file en finale. Tot ziens l’UST !
3 000 personnes garnissent les tribunes du stade ostendais. Les principaux dirigeants de l’OL (Jooris, Caullet, Decraene, Vérone, Hochaert) sont présents, ainsi que des supporters qui ont « fait le déplacement en nombre ». Leur président est un certain M. Froehly.
Les compositions :
Feyenoord Rotterdam :
Van Kale ;
Dyk, Bul ;
Oyen, B-J. Pauwwe, J. Pauwwe ;
Burg, Van Heel, Groenendyck, Barendright, De Greef.
Olympique Lillois :
Vandeputte ;
Duponchel, Théry ;
Meurisse, Barett, Berry ;
Duval, Locoche, Varga, Winckelmans, Vandevelde.
L’OL est privé de Cheuva, qui s’est blessé à l’entraînement.
L’OL gagne le toss : c’est déjà ça de pris, surtout que le vent souffle dans le sens de la longueur et que le soleil gênera l’un des gardiens. Coup d’envoi donné à 17h32.
D’entrée, le quotidien régional remarque que l’équipe est « lourde » et que certains joueurs ont « quelques livres à perdre » d’ici la reprise du championnat. Les Néerlandais font preuve d’une meilleure technique et d’une plus grande vitesse que les Olympiens. Avec grande indulgence, le Grand Echo note que « le début de saison invite aux loupés et, de part et d’autre, on en commet ». Le jeu est fermé et on s’approche peu des buts, sauf Théry qui envoie maladroitement vers son gardien qui s’en sort chanceusement. Première tuile au quart d’heure : Winckelmans est blessé. Et sort du terrain. Peu après, l’avant-centre néerlandais envoie un tir de 20 mètres qui trompe Vandeputte (1-0, 17e).
Revoilà Winckelmans, mais « il souffre et il ne sera plus guère utile » ; un « figurant » selon la revue Football. Après un bel arrêt du « petit Louis » (Vandeputte), c’est au tour de Meurisse d’être touché. Mais cette fois, rien de grave et on reprend. Les Dogues se montrent plus séduisant mais, sur un contre, « la défense lilloise est débordée », et l’avant-centre et l’intérieur droit se retrouvent seuls face au gardien lillois (2-0, 31e). la dernière occasion lilloise de la première période est pour… Winckelmans qui, seul, réussit une figure lamentable et place à côté. Pauvre de lui !
Feyenoord/Go Ahead dans les années 1930. Illustration sur paquet de cigarettes N.V. The Vittoria Egypt Cigarette Company, Auteur inconnu
Le coup d’envoi de la seconde période est sifflé à 18h28. On s’est un peu réorganisé côté lillois avec Duponchelle désormais demi-gauche et Berry arrière droit. Mais, cette fois, les Néerlandais ont le vent dans le dos et vont en profiter « de traîtresse façon » car « les Hollandais shootent sous tous les angles ». Traîtres ! Finalement, une série de passe entre avant arrive à l’intérieur gauche qui marque (3-0, minute non précisée).
Trois minutes plus tard, le score est de 4-1 : Lille a d’abord réduit l’écart par Duval (3-1), avant que l’intérieur gauche ne marque le même but qu’il avait marqué 3 minutes avant (4-1, minute non précisée). Lille marque encore par Vandevelde, bien servi par Varga (4-2, minute non précisée. Chiant hein ?).
Feyenoord est alors très dominateur, « grandement aidé par le vent. Les essais au but pleuvent, fort imprécis ». Vandeputte sauve quelques ballons puis, sur une contre-attaque, Varga lance Duval sur l’aile droite ; son centre est mal renvoyé par Van Kale et Vandevelde suit (4-3, 73e). La fin de match est ouverte, et Duval (ou Vandevelde selon Football) est proche d’égaliser en tout fin de match.
Feyenoord Rotterdam s’impose 4-3.
Le Grand Echo du Nord, 17 août 1930
Selon le Grand Echo, les Lillois ont mis du temps à démarrer mais on eu le mérite de réagir au moment où on imaginait plutôt qu’ils allaient s’effondrer : « la tenue fut tout simplement remarquable en seconde mi-temps ». Selon André Messelin – le journaliste – Vandeputte a été le meilleur lillois : il a d’ailleurs été applaudi par l’ensemble du public. Berry, qui joué a plusieurs postes, s’est également distingué, et Théry a bien rattrapé en seconde période ses erreurs de la première. Quant à Barett, nouveau venu, il a été très discret, mais « on sent que le gaillard a de la classe » (Football). À 10, Lille ne perd que d’un but face à une belle équipe : « être battu dans de telles conditions est un résultat plus qu’honorable » (Football). Ainsi, « l‘exhibition des olympiens est satisfaisante et surtout pleine de promesses ».
Bruges gagne ensuite le tournoi.
L’Olympique Lillois poursuit alors brillamment sa préparation : en effet, il écarte le champion de Paris (2-0), Sète, le vainqueur de la coupe (11-3 !) et, entretemps, Mulhouse (2-1) dans un match requalifié sur le tard comme faisant partie de la « Coupe Sochaux » ou « Coupe Peugeot ». Celle-ci, lancée à l’initiative de Jean-Pierre Peugeot, fondateur du FC Sochaux, vise à réunir les meilleures équipes du pays afin de constituer un championnat national, et de mettre la pression sur la fédération pour que le football français devienne enfin professionnel.
Il faut dire que « l’amateurisme marron » – c’est-à-dire le fait que des joueurs officiellement amateurs soit dans les faits rémunérés pour leur activité de footballeur – pollue le football français depuis des années. Le FC Sochaux ne se cache d’ailleurs plus de rémunérer ses joueurs, dont beaucoup d’étrangers. À Lille, on sait que dès avant-guerre, des joueurs étaient rémunérés, et Jooris a même été condamné pour faits d’amateurisme marron en 1924. Pour cette première édition, Sochaux bat l’OL en finale (6-1), mais les Lillois se consolent largement avec le gain d’un nouveau championnat du Nord au printemps 1931.
L’Olympique Lillois contre Mulhouse, fin août 1930 (Le Grand Echo, 1er septembre 1930)
Au cours de la saison, en janvier 1931, le principe de la mise en place d’un championnat professionnel est adopté, et est également créé un statut du « club autorisé à utiliser des joueurs professionnels ». Sur cet aspect, Jooris est très ambigu : en tant que président de l’OL, il est certainement un partisan du professionnalisme ; mais en tant que président de la Ligue du Nord, il voit le professionnalisme comme un manque à gagner pour la région, dans laquelle les matches mettant aux prises Lille, Roubaix, Tourcoing et, dans une moindre mesure, Dunkerque-Malo et Amiens, attirent facilement 10 000 personnes (avec de bonnes recettes à la clé).
On sait ce qui décidera finalement l’OL a adhérer au championnat professionnel à l’été 1932, mais Jooris est en tout cas toujours aux premières loges des débats qui agitent le football national, et l’Olympique Lillois est toujours considéré comme l’une des pointures en France. En témoigne son nouvel engagement pour la deuxième et dernière édition de la coupe Sochaux en 1931/1932.
Finale de coupe Sochaux 1931, Sochaux-Lille (6-1)
Le Miroir des Sports, 19 mai 1931
En prélude à cette dernière saison non-professionnelle, l’OL reçoit d’abord l’Union Saint-Gilloise le 24 août et s’incline (1-4).
Puis, le 30 août, au stade Victor-Boucquey, un an après leur précédente confrontation, le Feyenoord Rotterdam et les Dogues se retrouvent.
Rapidement mené 0-2, l’OL revient par Cheuva (25e), égalise par Varga (52e) puis prend l’avantage grâce, encore, à Cheuva (61e). Les Néerlandais égalisent à la 65e (3-3), mais Lille repasse devant par Varga (4-3, 71e). Les Néerlandais égalisent à la 80e. Score final : 4-4.
La Croix du Nord, 31 août 1931
44 ans plus tard, le Feyenoord Rotterdam sera de retour à Lille, pour un match historique. Comme en 1930, les Néerlandais pointent leur nez au moment où le LOSC connaît quelques changements au niveau de son enceinte – cela étant, c’est arrivé pas mal de fois : en ce 28 octobre 1975, le successeur de l’Olympique Lillois inaugure son nouveau stade, baptisé Grimonprez-Jooris. Les deux équipes se séparent sur un nul (1-1).
La Voix du Nord, 28 octobre 1975
Dusé face à Vreijsen
La Voix du Nord, 29 octobre 1975
Et 50 ans après cette inauguration (94 ans après sa première venue dans le Nord), le Feyenoord Rotterdam retrouve Lille, cette fois à la Décathlon Arena Stade Pierre-Mauroy-15M-par-an, pour un match de Ligue des Champions.
D’autres « premières » (OL, équipe du Nord, ou LOSC)
Milan AC (1919)
Celtic Glasgow (1921, 1934)
Real Madrid (1925)
Sparta Prague (1932)
Diables Rouges (1934)
Clyde of Glasgow (1935)
Chelsea (1950)
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