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Posté le 18 janvier 2023 - par dbclosc
Nantes/Anderlecht, premier match de football au Stadium Nord
En janvier 1977, les amateurs de football voient pour la première fois se jouer un match de football dans un stade tout neuf : le Stadium Nord de Villeneuve d’Ascq. Il met aux prises deux grandes équipes : Anderlecht, champion d’Europe, et Nantes, alors en tête du championnat français. Quelques à-côtés cocasses du match symbolisent déjà le rapport contrarié du Stadium avec le football.
C’est le 18 janvier 1977 que le Stadium-Nord rencontre le ballon rond pour la première fois. Inauguré après 3 ans de travaux le 27 juin 1976, le stade qu’on appelait initialement Complexe olympique Lille-Est est d’une capacité de 30 000 places. Sa construction était programmée depuis 1964 dans la ville de Lille-Est, devenue en 1970 commune de Villeneuve d’Ascq, et le schéma d’urbanisme prévoyait un stade polyvalent destiné à accueillir des compétitions d’athlétisme de haut niveau et… les matchs du LOSC. Mais le LOSC, club professionnel le plus proche, n’a pas les honneurs d’étrenner les nouvelles installations. Les Dogues ne découvriront le Stadium qu’en 1979, contre Beveren, pour la troisième édition du tournoi de la communauté urbaine de Lille (CUDL).
Il faut dire qu’en 1974, le maire de Lille, Pierre Mauroy, annonce pour sa ville un nouveau stade de 25 000 places, construit à une vitesse record et inauguré en octobre 1975. Certes, il y a urgence : le stade Henri-Jooris, en bois, est vétuste, et le canal de la Deûle doit être agrandi, comme c’est prévu depuis les années 1950. Il n’empêche que l’annonce du maire de Lille est une surprise, puisqu’un stade a priori très moderne est en passe de sortir de terre à quelques kilomètres de là.
Comment expliquer cette épidémie d’érections chez nos élus ?
Un peu d’histoire politique
La CUDL est présidée depuis 1971 par Arthur Notebart, maire de Lomme. Mais ce n’est qu’un lot de consolation, reçu des mains du président précédent, le maire de Lille Augustin Laurent, car Arthur Notebart avait l’intention de lui succéder au beffroi de Lille, avant qu’il ne lui préfère Pierre Mauroy.
Arthur Notebart et Pierre Mauroy sont les deux poids lourds de la puissante fédération socialiste du Nord, qu’il ont même codirigée de 1968 à 1971. Mais tout oppose les deux hommes à partir de 1971 : anti-communiste, Notebart a été mis en minorité après s’être opposé à Mitterrand et à sa stratégie d’« union de la gauche » lors du congrès d’Épinay. Le président de la CUDL s’emploie désormais à empêcher la montée en puissance locale de celui qui vient d’être nommé numéro 2 du PS. Il a pour cela deux leviers : son poste de président de la communauté urbaine, et la présidence du conseil d’administration de l’établissement public qui a en charge l’aménagement de Lille-Est.
Pierre Mauroy, quant à lui, s’efforce d’affirmer la place centrale de la ville de Lille dans la métropole, face à Roubaix-Tourcoing et à Villeneuve d’Ascq, où s’établissent la plupart des universités et des entreprises innovantes. L’échec de la fusion de Lille et de Villeneuve d’Ascq en 1972 est vécu comme un affront, que Pierre Mauroy impute en partie à Arthur Notebart. Cet échec conduit les socialistes lillois à vouloir maintenir sur leur territoire tous les équipements qui symbolisent la centralité de la Ville dans la métropole.
Ce n’est donc pas uniquement guidé par des considérations sportives que Pierre Mauroy s’oppose au départ du LOSC pour Villeneuve d’Ascq, mais bien pour tenter de consolider son assise municipal et tenter de conquérir le leadership métropolitain. Le LOSC, destiné à être résident du Stadium, est finalement tributaire de ces rivalités politiques, et le Stadium en est la principale victime.
Le Stadium Nord n’aura donc pas de club de football résident, du moins à ses débuts. La première compétition sportive qui s’y déroule est le tournoi européen cadet de hockey-sur-gazon le 30 avril 1976. Puis, au cours des semaines suivantes, le Stadium est l’hôte de compétitions régionales, inter-régionales et nationales d’athlétisme, qui seront la discipline-phare de l’équipement.
Quant au football, il faut attendre quelques mois. Le 4 janvier 1977, la presse régionale annonce un « match de prestige », un « match de gala » au Stadium-Nord, destiné à promouvoir le nouvel équipement métropolitain et, qui sait, montrer au yeux du public qu’il pourrait alors très bien accueillir le LOSC, si jamais les majorités politiques venaient à se modifier. Ce match opposera l’équipe française de Nantes à l’équipe belge d’Anderlecht. Dans un premier temps, les organisateurs du avaient songé à organiser un Bayern Munich/Saint-Etienne, mais cette idée leur a été déconseillée en raison des tarifs exigés par les Allemands (la Voix du Nord évoque « 30 millions de centimes »), et ensuite parce que l’équipe bavaroise « ne donne aucun spectacle… Elle se calfeutre en défense… et elle laisse venir l’adversaire. Ce n’est pas ce que l’on attend d’un match de prestige. Surtout à ce prix ! », écrit Jean Chantry. Quant aux Stéphannois, ils s’expriment par le biais de leur président, Roger Rocher : « nous refusons les matches amicaux ; nos finances n’en ont pas besoin – heureusement – et nos joueurs évitent le plus possible les déplacements ». Eh bien ce sera Nantes/Anderlecht !
Anderlecht, Anderlecht champion
La Voix du Nord présente Anderlecht comme « une des plus brillantes équipes du moment ». il faut dire que les Belges ont remporté la C2 en 1976 en battant West Ham 4-2, la supercoupe d’Europe dans la foulée, puis se sont de nouveau hissés en finale en 1977. Le quotidien régional prévoit une opposition de style entre une équipe nantaise qui symbolise jeunesse et dynamisme », et une d’Anderlecht qui représente « expérience et réalisme ».
La Voix du Nord, qui annonce le match autant qu’elle en assure la promotion, promet que le néerlandais d’Anderlecht, Robert Rensembrick est « un programme à lui tout seul », « au moins aussi fort que le Cruyff des meilleurs années ». Rien que ça ! Les Bruxellois se présentent aussi avec Van der Elst, pas encore 20 ans, meilleur buteur de l’équipe (et deux fois buteur contre West Ham en finale de coupe d’Europe, Rensenbrick marquant les deux autres). Jean Thissen, blessé depuis un mois, est annoncé de retour dans la défense des « Mauves ». L’entraîneur des Belges, Raymond Goethals, considère que son équipe doit s’imposer car « Nantes n’a pas encore fait ses preuves au niveau européen ».
Les Canaris prennent leur envol
Nantes, de son côté, est perçu comme la « meilleure équipe française, la plus riche sur le plan offensif ». Les Canaris sont entraînés depuis quelques mois par l’ancien dogue Jean Vincent, qui a pris la succssion de José Arribas, désormais à Marseille, et futur entraîneur du LOSC. Après des débuts laborieux, le travail de Jean Vincent est salué : il est « virevoltant, primesautier, insaisissable », notamment grâce à sa capacité à faire confiance, en tant que titulaires, aux jeunes joueurs qu’Arribas avait lancés : Pécout, Baronchelli et Amisse, tous trois aux Jeux Olympiques de Montréal quelques mois plus tôt. Conséquence : le polonais Robert Gadocha, blessé en début de saison, a bien du mal à retrouver sa place et, vexé, négocie un transfert aux Etats-Unis. Jean Vincent est donc parvenu à poser son empreinte sur cete équipe, et prend ce match contre Anderlecht très au sérieux : « nous jouerons à fond car, d’abord, nous devons nous forger un palmarès international. Ensuite, chaque dimanche, nous allons devoir livrer un match de coupe. C’est normal : Saint-Etienne s’en plaint, mais durant toute ma carrière à Lille, puis à Reims, chaque semaine nous étions attendus poings en avant. Tout cela, nos jeunes doivent l’apprendre. Et ils doivent jouer chaque match à fond. Imaginez la tête que ferait notre public si nous rentrions mercredi matin avec quatre ou cinq buts belges dans nos valises… »
Rendez-vous manqué
Bonne nouvelle : on annonce une « pelouse agréable et sèche », non pas que la météo soit spécialement favorable, mais la pelouse et la terre seront séchées grâce à un système de tuyaux de chauffage installés lors de la construction du stade : quelle modernité ! Aucun doute : les spectateurs vont découvrir, fascinés, ce « merveilleux stade » et, parmi eux, le kop d’Anderlecht, « si drôle » car, paraît-il, il chante « des airs français ».
8 à 10 000 spectateurs sont attendus au Stadium en ce mercredi 4 janvier.
Oui mais… Il n’y aura personne. À 17h30, les responsables de l’organisation se rendent à l’évidence : il est impossible de jouer. La cause ? Le brouillard « si dense que des tribunes on apercevait à peine la premières lignes de touche. Et les puissants projecteurs n’y pouvaient rien changer »
Les Nantais, qui étaient arrivés en début d’après-midi via Bruxelles, leur avion n’ayant pu se poser à Lesquin, en sont quittes pour un retour en Belgique et un retour à Nantes le soir même.
Quant aux Anderlechtois, ils ne sont jamais arrivés à Villeneuve d’Ascq : ils ont été prévenus du report de match alors qu’ils étaient bloqués sur l’autoroute depuis une heure à 50 kilomètres de Bruxelles.
Le match est reporté au 18 janvier et la première fois entre le football et le Stadium est un rendez-vous manqué.
Humour à gogo
Entre le 4 et le 18 janvier, les deux équipes ont gagné en championnat : pour la reprise après la trêve, Nantes a battu Bastia 3-1 (Bargas, Michel, Sahnoun) alors que le score était de 0-1 à la… 84e. Si bien que les Nantais sont désormais leaders de D1, ce qui fait dire à la Voix que les organisateurs « ont eu du nez », et que le temps de domination de Saint-Etienne est bel et bien passé.
Et il y a apparemment une bonne ambiance chez les Nantais : descendus à l’hôtel Novotel, les joueurs font un canular à leur entraîneur, en le faisant appeler à la réception. Bien évidemment, quand Jean Vincent s’y pointe, il n’y a personne. Or, cette bonne blague survient à peu près au moment où a lieu le tirage au sort de la coupe de France. Et puisqu’il a été trompé, Jean Vincent réunit ses joueurs et leur annonce qu’ils devront affronter Fontainebleau, alors qu’il vient d’être informé que ce sera Nantes/Toulouse. Un quart d’heure plus tard, une radio évoque Nantes/Toulouse… Eclat de rire général.
Du côté d’Anderlecht, les « banlieusards bruxellois » (sic) ont battu le Beveren de Jean-Marie Pfaff 2-0, grâce à un doublé de Rensenbrinck, ce qui autorise la Voix du Nord à écrire : « il laissa le gardien Pfaff… tout paf ! ».
Des Sang & Or sur le terrain
Dans les buts, Munaro a remplacé Ruiter depuis la trêve car ce dernier a fait des déclarations « désobligeantes » à l’endroit de son entraîneur, Raymond Goethals ; « mais les spectateurs ne perdront pas au change : Munaron est un jeune géant très athlétique. Les assidus des tournois de Croix et Roubaix se souviennent d’ailleurs de lui ».
Voici les compositions annoncées :
Finalement, Ruiter est titulaire. Le Nord lui réussit puisque c’est à Henri-Jooris qu’il avait été testé par Anderlecht quelques années avant, ce qui lui avait permis de décrocher un contrat au RSCA.
Après la victoire, en lever de rideau, de la communauté urbaine contre la police (2-1), le public est estimé à 12 000 spectateurs, soit bien plus que ce qui avait été prévu, ce qui permettra de compenser partiellement la perte de « 3 millions de centimes » liée au report du match. Mais quelques sifflets descendent des tribunes car les joueurs de Nantes et d’Anderlecht tardent à entrer sur le terrain alors que la température est de 0° : « par ce froid, un quart d’heure d’attente, c’est long… ». La raison de ce retard est très surprenante : en arrivant au stade, l’intendance nantaise se rend compte qu’elle s’est trompée de maillots… Les maillots sont ceux d’il y a 3 ans. Ce ne serait pas forcément un problème si le sponsor n’avait pas changé entretemps : les Nantais sont désormais soutenus par Europe 1.
Que faire alors ? Trouver des maillots sur lesquels figure le logo de la station. Et qui a ça ? Le Racing Club de Lens ! L’affaire est vite arrangée, le Racing prête un jeu de maillots, et voilà comment le stade métropolitain de Lille accueille pour sa première footballistique des Nantais habillés en Sang & Or !
Les deux équipes se séparent sur un nul, 1-1. Selon la presse, Nantes a largement dominé, et a réussi son match « au-delà de ses espérances ». Sahnoun s’est particulièrement distingué : il est le « pourvoyeur de l’équipe et eut des actions techniques remarquables ». Vincent considère que « nous méritions de gagner et nous aurions très pu le faire si Tintin avait marqué le second qu’il avait au bout du pied ». Tintin contre Bruxelles, voilà qui est très étonnant. Même Goethals salue la qualité des Nantais : « quelle vivacité, quelle jeunesse dans cette équipe. Défensivement, elle est moins forte que Saint-Etienne mais, offensivement, Nantes m’a paru nettement supérieur à l’équipe championne de France. Voilà Jean Vincent paré pour quelques années avec une équipe de cette qualité »
Anderlecht s’est montré plutôt décevant et n’a jamais cherché à emballer le match. Quant au petit génie Rensembrick, « il se contenta de jouer son petit Hitchcock, se gardant le plaisir d’apparaître quelques instants dans un coin du match. Du talent ? Bien sûr, mais au compte-gouttes ! »
Du côté de l’organisation, on montre sa satisfaction et son envie d’organiser d’autres matches de football. La possibilité de la venue d’une autre grosse équipe européenne contre une sélection nordiste est envisagée.
Mais plutôt en été puisque « les spectateurs ne manquaient pas de courage car, par un froid de canard aussi intense qu’hier, il fallait vraiment aimer le football pour se déplacer en plein vent, à cette heure-là ».
Dans un monde qui change, voilà une belle constante depuis 1977.
Les extraits de presse sont tirés de La Voix du Nord et de La Voix des Sports, janvier 1977.
Posté le 21 décembre 2022 - par dbclosc
Lille/Bastia 2000 : contexte chaud, Valois fait le show, Noël au chaud
Le 21 décembre 2000, le LOSC bat Bastia 1-0, grâce à un but d’un revenant : Jean-Louis Valois. Ainsi s’achève une formidable année civile pour le club, qui se place deuxième à la trêve. Pourtant, le match a failli ne pas avoir lieu : peu avant le match, le président du club corse a été pris dans une échauffourée dans les couloirs de Grimonprez-Jooris.
Après trois ans en D2, on ne donnait pas forcément très cher de la peau du LOSC lorsqu’il retrouve l’élite à l’été 2000. Même si le club a survolé le championnat en 1999/2000, les souvenirs des décennies sans saveur persistent, et le recrutement de l’été n’a pas soulevé d’enthousiasme délirant. Les ambitions sont donc modestes, et on se satisfera largement d’un maintien sur le fil, pour reprendre des habitudes bien ancrées. Pourtant, le LOSC se place rapidement dans le haut du classement, surtout après deux matches en septembre, à Saint-Etienne puis contre Lens. Dans un championnat certes serré, les Dogues se placent régulièrement parmi les 6 premiers, et se permettent même d’être deuxièmes au soir de la 13e journée, après une victoire sur Toulouse (1-0).
Début décembre, à cinq jours d’intervalle, Lille bat le leader Sedan (2-0), puis le PSG (2-0), un match qui a été rejoué après avoir été interrompu à 1-1. Suit un nul à Metz (1-1) qui place le LOSC au pied du podium alors que se profile le dernier match de l’année civile, contre Bastia. Surprenant promu, Lille profite et se dit que les points pris ne sont plus à prendre : à coup sûr, des temps plus difficiles arriveront, les « gros » reprendront progressivement les premières places, et le LOSC rentrera dans le rang : pourquoi pas 15e ? C’est sur cette base plus réaliste que Luc Dayan, le président du club depuis mars, a budgetisé l’exercice 2000/2001.
Dayan, l’univers parallèle
Les bons résultats de l’équipe permettent de s’enlever un fardeau et de structurer le club, en voyant grand à moyen voire court terme. La privatisation est présentée comme un processus d’autonomisation vis-à-vis de la mairie, marquée par différentes étapes qui symboliseraient la « modernité ». Début décembre, Luc Dayan, annonce ainsi dans la Voix du Nord qu’il espère prochainement « signer l’acte de vente d’un immeuble dans le centre-ville qui aura pour objectif d’être un centre de vie du club avec une partie commerces, une brasserie, une salle de fitness. Si tout va bien, nous ouvrirons en fin de saison ». Il parle de « l’entreprise LOSC », de la cession de 25% du capital du club à des entreprises régionales, et de la possibilité d’attribuer des stock-options aux joueurs, indépendamment d’une éventuelle entrée en bourse : « notre principe serait de fidéliser les joueurs avec des actions donnant droit à une plus-value en fonction des résultats financiers du club, au cas où ils effectueraient l’intégralité de leur contrat. Les 10% d’actions seraient ponctionnées sur les 72% que possédera bientôt notre société, Socle ». Bien parlé président, voilà le football qu’on aime ! Il est aussi question d’un nouveau stade (ou d’un aménagement de Grimonprez-Jooris) « à l’horizon 2003 », une tâche que Dayan cède volontiers aux acteurs publics, probablement parce qu’il n’est pas certain de faire de la thune avec ça. Privatisons les profits, socialisons les pertes, le LOSC est un club moderne !
La Voix du Nord, 8 décembre 2000
Le « contexte corse » s’exporte à Lille
En attendant, Luc Dayan va devoir revenir à des réalités bien plus terre-à-terre et montrer autre chose pour rivaliser avec Bernard Lecomte, qui vient d’être désigné « dirigeant de l’année » par France Football : ce jeudi 21 décembre, Lille/Bastia doit commencer à 20h30. Mais le président lillois arrive un peu plus tôt que prévu, en catastrophe, dès 19h45 : il se retrouve face au président du Sporting Club de Bastia, François Nicolaï, griffé sur une joue, les chaussures et le pantalon couverts de terre. Une demie heure auparavant, il aurait été pris à partie par des stadiers du LOSC, qui l’auraient envoyé par terre, et l’un d’eux lui aurait même asséné un coup de tête, occasionnant un beau roulé-boulé sur la pelouse boueuse. En riposte, quatre dirigeants corses « faisant valoir la loi du Talion » auraient roué de coups un stadier. La Voix du Nord, présente juste après les échauffourées, interroge les deux parties, qui n’ont pas l’air d’accord : selon un agent de sécurité, « ils n’avaient pas les cartes valables pour entrer sur le terrain on a voulu les empêcher ». François Nicolaï, lui, attend Luc Dayan de pied ferme : « si le président Dayan ne m’explique pas pourquoi la sécurité s’est conduite ainsi, on ne jouera pas. Si ces messieurs souhaitent régler le problème corse, ils doivent voir avec Matignon », référence au Premier Ministre, Lionel Jospin qui, depuis quelques mois, a fort à faire avec la Corse, quelques mois après l’assassinat du Préfet Eyrignac suivi de la toute belle aventure des paillotes brûlées, qui a conduit au renvoi du préfet suivant, Bernard Bonnet, dont les fans de foot connaissent davantage la fille, Anne-Laure (authentique)
Selon la Voix, « le visage marqué du président bastiais met mal à l’aise les dirigeants lillois ». Très énervé, Nicolaï tente de joindre le président de la Ligue, Gérard Bourgoin, et dépose une réclamation auprès de M. Glochon, l’arbitre du match. Enfin, il assure vouloir porter plainte pour « coups et blessures volontaires ».
Arrive alors Luc Dayan qui, après un moment d’échange avec son homologue, se présente devant la presse : « c’est désastreux. Je suis extrêmement triste. Je présente mes excuses au président Nicolaï ».
Apparemment, personne ne comprend réellement ce qu’il s’est passé : « il y a des mécanismes qui m’échappent, je veux savoir » affirme Dayan. Pendant ce temps, les joueurs sortent pour s’échauffer et sont mis au courant. Vahid Halilhodzic, informé de l’incident, prend à part Frédéric Antonetti, l’entraîneur du SCB, puis déclare seulement : « ce qui s’est passé est anormal. Il n’y a aucun problème entre les deux clubs. Là-bas, nous avons été reçus superbement bien ». Apparemment, la diplomatie de Dayan et d’Halilhodzic a permis de faire retomber la tension : le match aura lieu.
Jean-Louis Valois, de Calais à Bastia
Du côté du LOSC, Cygan, blessé à un mollet, est absent depuis quelques semaines. Manquent aussi Laurent Peyrelade, Bruno Cheyrou et Edvin Murati. Devant, la nouvelle vedette, Sterjovski, est titularisée aux côtés de Beck et de Boutoille. Au milieu, Vahid surprend son monde en ne titularisant pas Sylvain N’Diaye : Landrin prend sa place à la récupération avec D’Amico. Sur l’aile gauche, un revenant : Jean-Louis Valois qui, jusqu’alors, n’avait fait que 6 entrées en jeu, pour 74 minutes jouées. Joueur essentiel en 98/99 (29 matches dont 27 titularisations, 5 buts), Jean-Louis Valois reste un élément important de l’année du titre de D2 (25 matches dont 12 titularisations) au cours de laquelle il inscrit deux buts particulièrement marquants : d’abord, contre Guingamp, de la tête, pour une victoire dans un match au sommet (2-0), puis contre Valence, dans le match de l’officialisation de la montée, où il envoie une frappe en lucarne qui provoque un envahissement de terrain et une brève interruption du match.
Si son pied gauche a beaucoup apporté en D2, Jean-Louis Valois semble faire partie ce ces rares joueurs du LOSC qui ne parviennent pas à performer au niveau supérieur. D’ailleurs, lorsqu’il jouait à Auxerre, il n’a fait que 2 petites apparitions en D1, pour seulement 23 minutes jouées (en 96/97). Il faut dire aussi que, cette année, il ne semble pas avoir la confiance d’Halilhodzic qui, à son poste, a recruté durant l’été Murati, qui lui-même sera progressivement barré par l’éclosion de Bruno Cheyrou. Si l’on ajoute à cela la belle surprise Sterjovski, la satisfaction Beck dans son jeu si spécifique, l’explosion de Bakari en 2001, et le fait que le statut de Collot fait de lui le favori pour entrer en fin de match, il reste peu de place devant pour Valois.
Mais alors, pourquoi se retrouve-t-il titulaire ce soir là ? Pour répondre à cette question, il faut remonter à janvier 2000, presque un an auparavant.
Buteur contre Guingamp, novembre 1999
Le 22 janvier 2000, sans Vahid Halilhodzic, malade, le LOSC s’incline en 32e de finale de coupe de France, à Calais, pensionnaire de quatrième division (1-1 ; 6-7 aux tirs aux buts). Même si le parcours ultérieurs des Calaisiens peut relativiser la portée de cette défaite, c’est un affront pour Halilhodzic. 11 mois après, il n’a pas oublié ; le 17 décembre 2000, la réserve du LOSC reçoit Calais, qui est alors largement en tête (44 points en 14 journées, 0 défaite1), alors que les Lillois sont 16es, n’ont gagné que deux fois, et auraient bien besoin de points. L’occasion est trop belle : Halilhodzic envoie en réserve tous ses pros qui n’ont pas joué la veille à Metz ! Dès lors, l’équipe d’Eric Guérit est renforcée par 9 professionnels : Allibert, Hammadou, Delpierre, Santini, les frères Cheyrou, Valois, Dernis et Beck. Ils sont tous titulaires pour ce match au Stadium Nord, et seuls Dumont et Michalowski complètent le 11 de départ, sous les yeux d’Halilhodzic, qui n’a manifestement pas digéré l’élimination. Sont également présents en tribunes : Mottet, Lambert, Cygan, Sterjovski, Pichot, N’Diaye et Bakari.
La Voix des Sports, 18 décembre 2000
Et ce qui devait arriver arrive : même si Calais se montre dangereux en premier avec un sauvetage d’Hammadou sur la ligne devant Lefebvre (2e), Beck ouvre le score (38e), Valois double la mise (59e). Le capitaine calaisien, sans réussite, envoie ensuite un pénalty dans les nuages (75e), avant que Jean-Louis Valois ne marque encore (83e, 92e). 4-0, avec un triplé de Valois : l’affront n’est sans doute pas lavé, mais probablement que « Vahid content ».
La Voix des Sports, 18 décembre 2000
Valois buteur, le LOSC dauphin
Triplé contre Calais : voilà comment Jean-Louis Valois a gagné sa place pour ce match contre Bastia. Voilà la composition du LOSC : Wimbée ; Pichot, Fahmi, Ecker, Pignol ; D’Amico, Landrin, Valois ; Boutoille, Sterjovski, Beck.
Dans un match sans grand attrait, Lille domine globalement et se crée des occasions par Beck (tête repoussée par Durand) ou Boutoille (frappe au-dessus). En seconde période, l’éclair vient de Djezon Boutoille qui, servi par Pichot, crochète un défenseur et centre au second poteau ; le ballon surmonte le gardien de Bastia et, au second poteau… Jean-Louis Valois reprend du plat du pied gauche et conclut (1-0, 70e). Luc, voilà une action qui amène une belle plus-value !
Le but sur Fréquence Nord :
Pour la 10e fois en 22 journées, Lille gagne et compte 37 points à la trêve. Et comme Sedan et Bordeaux ont perdu, le LOSC se place deuxième : les Dogues se muent en dauphins (de Nantes, 2 points devant).
S’il est encore un peu tôt pour s’emballer, les fantômes du passé semblent envolés. L’équipe est sur sa lancée des deux dernières années et paraît solide, au moins pour assurer un maintien tranquille. Elle a déjà marqué 2 points de plus que sur l’entièreté de sa dernière saison en D1, en 96/97 (qui, en outre, comptait 4 journées supplémentaires) ! Le LOSC peut passer Noël au chaud. Et on est loin de s’imaginer que le meilleur reste à venir. En revanche, du côté de Bastia, on s’inquiète pour François Nicolaï qui, le lendemain du match, est hospitalisé après avoir été pris d’un malaise lors d’une réunion pour évoquer les événements de Grimonprez-Jooris.
Épilogue
Jean-Louis Valois ne sera qu’un acteur très intermittent de la formidable fin de saison du LOSC. Il ne jouera plus qu’en janvier, pour deux entrées en jeu, et 14 minutes jouées. Il part ensuite du côté de l’Angleterre et de l’Ecosse.
Le lendemain de Lille/Bastia, le LOSC porte plainte contre X, ce qui permet l’ouverture d’une enquête judiciaire. Selon Luc Dayan, « nous sommes responsables de ce qui se passe chez nous, et donc de la sécurité des visiteurs. François Nicolaï, que je connais bien, est très affecté, de même que les stadiers. Je souhaite montrer à tous que personne à Lille n’est de mauvaise foi et permettre ainsi que ce genre de problème ne se reproduise plus ». En janvier 2001, le club est sanctionné par la commission de discipline de la LNF à 500.000 francs d’amende et à un match de suspension de terrain avec sursis. Élégamment, le club fait appel. La sanction est confirmée en février. On s’en fout, on est en tête du championnat.
Un résumé du match (France 3 Nord-Pas-de-Calais) :
1 La victoire est à 4 points, le nul à 2, et la défaite (hors forfait) à 1.
Posté le 18 décembre 2022 - par dbclosc
Georges Heylens : « Lille, c’était pas mal, hein ? »
Georges Heylens, ce sont cinq années de la vie du LOSC dans les années 1980. Pas forcément les plus glorieuses, mais de celles qui ont laissé des souvenirs marquants chez les supporters qui les ont vécues. Rencontre avec un morceau d’histoire.
« C’était notre quartier ici, notre rue » : depuis une table de La Tribune, une brasserie populaire du cœur d’Anderlecht, où nous avions rendez-vous, Georges Heylens semble regarder au-dehors avec nostalgie. Juste à côté se trouve la rue de Formanoir, où il avait une boutique d’articles de sports, de 1961 à 2014, qu’a dirigée son fils Stéphane : « on était livreurs de l’équipe d’Anderlecht, et de l’équipe nationale. À l’époque, à Bruxelles, il n’y avait pas de boutique de sports. On a été pionniers là-dessus ».
Les Heylens vivent toujours à Anderlecht, « leur » commune. À quelques dizaines de mètres se trouve le Lotto Park – anciennement stade Constant Van Den Stock – l’antre des « Mauves », où Georges Heylens a réalisé l’entièreté de sa carrière de joueur professionnel, de 1960 à 1973, avec 7 titres de champions de Belgique et trois coupes, glanant au passage 67 sélections avec les Diables Rouges. Les Diables, justement, ont été éliminés la veille de la coupe du monde : « pas de chance » juge-t-il laconiquement. Une élimination au premier tour, comme en 1970 au Mexique, où Georges Heylens était arrière droit de l’équipe nationale : « c’était autre chose, ça n’avait rien à voir avec aujourd’hui… ».
On sent que les souvenirs s’effacent peu à peu, mais Stéphane, « [son] patron, [son] secrétaire » se charge de stimuler la mémoire de son père, désormais 81 ans : « je crois que j’ai eu une belle carrière ». Une carrière notamment passé par le LOSC, de 1984 à 1989.
L’arrivée à Lille
Après avoir été contraint de stopper prématurément sa carrière de footballeur à l’âge de 31 ans en raison d’une blessure à la jambe, Georges Heylens a entraîné l’Union Saint-Gilloise (73-75), Courtrai (75-77), Alost (78-83), puis le petit club de Seraing, qu’il a mené jusqu’à la 5e place du championnat belge en 1984. A cette occasion, il est élu « entraîneur de l’année » en Belgique.
Pendant ce temps, les dirigeants loscistes cherchent un nouvel entraîneur après le départ d’Arnaud Dos Santos. Jean Parisseaux ne souhaite pas quitter la formation des Dogues et, alors que l’on s’attend à la signature du Hongrois Pazmandy, on apprend le 22 juin que le FC Seraing est placé en liquidation judiciaire, et son entraîneur, licencié. Le LOSC saute sur l’occasion et fait signer un contrat d’un an à celui qui a mené si haut ce petit club de la banlieue liégeoise : « on a eu beaucoup d’ennuis financiers à Seraing. J’avais rencontré les dirigeants du LOSC à plusieurs reprises, et la mise en liquidation a tout changé ».
Direction le Nord de la France pour Heylens, alors qu’on le disait sollicité par Lausanne, Benfica et le PSG. Le précède une réputation qui colle bien à la région : travail et rigueur.
Le LOSC des années 1980
« Mes trois premières années à Lille ont été super. Par la suite, on s’est essoufflés. Le LOSC était un club familial. Je n’en garde que des bons souvenirs : Dewailly, Samoy, Parisseaux, Amyot, Robert… Des gens très biens. Sur le plan personnel, j’ai habité La Madeleine la première année, puis le quartier Vauban, et Lambersart. Lille, c’était pas mal, hein ? ».
« Avec moi, ça s’est moins bien passé avec Bernard Gardon. Mais c’est du passé ». On se rappelle en effet les circonstances rocambolesques du départ de Georges Heylens en 1989, dont on peut supposer qu’il avait été fortement « encouragé » par le directeur sportif de l’époque, Bernard Gardon, qui tenait à faire signer Gérard Houiller… qui n’était pas libre.
Sur le terrain, les années 1980 ne sont certainement pas les plus glorieuses du club ; elles oscillent entre le moyen et quelques éclaircies, le temps d’un bon parcours en coupe, ou pour admirer la technique de quelques vedettes « on a tout de même eu de très bons joueurs : Périlleux, Angloma, Lama, Mobati, Pelé, les frères Plancque… Avec ces joueurs-là, je pense qu’on aurait dû mieux faire, au moins atteindre une fois une coupe d’Europe ».
Grimonprez-Jooris n’a en effet que trop rarement vibré durant cette période, hormis, par exemple, lors du retournement de situation contre Bordeaux en coupe en 1985 (1-3 ; 5-1) : « oui mais on se fait éliminer derrière. J’ai davantage de regrets sur notre parcours en coupe en 1987 [Lille est éliminé en quarts par Bordeaux 1-3 ; 2-1]. On n’est pas passés loin de la demi, et le tableau me semblait plus abordable » ; ou lors d’une victoire contre le PSG en janvier 1986 : « le match avait été joué une première fois, et interrompu à 5 minutes de la fin à cause d’un problème d’éclairage. Il y avait 1-1, et on était très contents. Il a fallu tout rejouer ! Luis Fernandez était en colère de rejouer… Et on a gagné 2-0 ! »
« Je me rappelle aussi qu’on avait la possibilité de partir loin, assez longtemps, car il y avait une vraie trêve de quelques semaines en hiver. On est allés au Niger, au Cameroun. On est aussi allés en Guyane, chez Bernard Lama ».
« Il y avait une grande rivalité avec Lens. D’ailleurs, peu après mon arrivée, le quarantième anniversaire du club coïncidait avec la réception des Lensois. On a gagné 2-0 ! Et on a gagné aussi une ou deux fois à Bollaert… Dont une fois 4 à 1. On m’avait dit que Lille n’avait pas gagné là-bas depuis 20 ans »
Les deux entraîneurs nordistes sur RVN, avant le derby de septembre 1984
« J’ai été le premier à ouvrir la filière scandinave au LOSC, avec la venue de Kim Vilfort. Malheureusement, il n’a pas trop réussi à Lille ».
Le duo Desmet/Vandenbergh
« J’ai eu du plaisir à les avoir ces deux-là ! » S’il est bien un duo qui a marqué les années Heylens, c’est celui formé par ses deux compatriotes. Au cours de l’été 1986, les dirigeants du LOSC sont orientés vers la Belgique par leur entraîneur. Signe, dans un premier temps, Filip Desmet, révélation de la saison à Waregem, qui a joué une demi-finale de C2. Puis Heylens s’envole pour le Mexique, cette fois en tant que consultant pour Sports 80 (devenu Sports Magazine). La Belgique se classe quatrième, avec le même Desmet, et Erwin Vandenbergh, meilleur buteur du championnat belge en 1980, 1981 et 1982, et Soulier d’Or 1981.
Peu après la coupe du monde, Vandenbergh signe au LOSC (et Heylens rempile cette fois pour 3 ans) : « Vandenbergh avait été mis sur la liste des transferts par Anderlecht. Je l’ai su… ». La promesse d’une attaque de feu qui, là aussi, n’a finalement brillé que de façon intermittente, comme on l’a évoqué ici ou ici.
« La venue de Desmet et de Vandenbergh a fait venir pas mal de Belges à Grimonprez-Jooris : beaucoup venaient de Moucron, de Courtrai, de Menin, ou de Waregem. Le LOSC a toujours eu des liens privilégiés avec la Belgique ».
Après le LOSC, Georges Heylens a vite rebondi, d’abord au Berschoot puis, entre autres, à Charleroi (où il a retrouvé Desmet, et a participé au Tournoi de Liévin 1992), Malines ou Seraing, avec qui il a participé au fameux « tournoi de Liévin » en 1994. à l’issue de la saison 1993/1994, le petit club liégeois découvre la coupe d’Europe : « on a joué un tour d’UEFA contre le Dynamo Moscou. On a été battus 3-4 à la maison, et on rate un pénalty pour égaliser. Au retour, on gagne 1-0 là-bas. Insuffisant, malheureusement… Roger Lukaku, le père de Romelu, a tiré sur la latte à la dernière minute ! »
Après bien d’autres expériences, en Belgique et ailleurs, Georges Heylens a tiré sa révérence après une dernière pige chez les filles du White Star Fémina (club de Woluwé-Saint-Lambert), en 2015 : « au cours d’une rencontre d’anciens, j’ai rencontré le président du club, qui m’a proposé de m’occuper des féminines deux fois par semaine, de 20h à 22h. Ce sont souvent des étudiantes, donc il faut leur aménager des horaires. J’ai accepté avec plaisir ».
Georges Heylens suit toujours attentivement les performances du LOSC et d’Anderlecht, même s’il se rend de moins en moins au stade « quand les deux clubs se sont affrontés en Ligue des Champions en 2006, on a été invités à Anderlecht par les dirigeants d’Anderlecht, et à Lille par les dirigeants du LOSC. En 2014, Patrick Robert nous a invités pour les 70 ans du LOSC. J’espère qu’on a laissé de bons souvenirs. Saluez bien tout le monde à Lille... »
Merci à Stéphane et Georges Heylens pour leur disponibilité
Une sélection d’articles sur les années Heylens :
1984-1986 : quand le David lillois tyrannisait le Goliath Lensois
Erwin Vandenbergh, la classe belge
Quand Soler et Bureau semaient la terreur. Retour sur 40 jours de feu (1986)
Les succulents Lille-Lens de l’été 1986
La coupe de la Ligue 1986 des Loscistes
1986-1987 : quand le LOSC retrouve l’ambifion
Eté 1987, les premiers pas de Christophe Galtier au LOSC
Le tournoi CIFOOT de l’hiver 1987 : l’histoire d’un quadruple complot contre le LOSC
Le LOSC 1988/1989 : le Robin des Bois de la D1
Comment Gérard Houllier n’a pas signé au LOSC
Santini ouvre l’ère des vaches maigres
Posté le 2 décembre 2022 - par dbclosc
Jean Baratte, sportif « touche-à-tout » de l’OICL
Si l’on connaît bien les exploits footballistiques de Jean Baratte, c’est principalement pour les nombreux buts qu’il a marqués dès ses débuts au haut niveau, à l’OICL. Mais Jean Baratte a également gardé les buts de l’OICL lors d’un derby contre Fives en mai 1943. Alors qu’il n’a pas encore 20 ans, ce fils de sportif est également champion de tennis avec l’OICL ! Il a de qui tenir : son père est un personnage reconnu de la vie sportive lambersartoise.
La première mention de Jean Baratte dans la presse écrite remonte au 19 août 1928. Ce jour-là, on apprend dans Le Grand Echo que les fêtes du 15 août à Lambersart ont rassemblé un grand nombre de familles et d’enfants dans les avenues Soubise et de l’Hippodrome, où étaient organisés des activités telles que des lancers de ballons, un « jeu de ciseaux », un concours de cerceaux et un concours de trottinette, remporté par le petit Jean Baratte, 5 ans.
En 1928, le nom de Jean Baratte n’est pourtant pas inconnu pour les sportifs du Nord, et plus particulièrement pour celles et ceux de Lambersart. En effet, le père de l’enfant est une figure locale, non seulement parce qu’il est le propriétaire de la guinguette « La Laiterie de l’Hippodrome », situé au 128 avenue de l’Hippodrome, lieu réputé pour recevoir des événements tantôt mondains, tantôt populaires ; mais aussi parce que dès qu’un événement sportif est organisé à Lambersart, il n’est pas loin : et cet homme s’appelle aussi Jean Baratte. Dans la presse des années 1920 et 1930, on trouve ainsi régulièrement son dans les pages sportives de la presse régionale. Sa passion première est le rugby : il est d’ailleurs un des meilleurs éléments du « quinze » de l’Iris-Club de Lambersart. Cela lui vaut une sympathique réputation, d’autant que son commerce, situé entre l’hippodrome de Lambersart, le terrain de l’avenue de Dunkerque, et le terrain de l’Iris, est au cœur d’un espace sportif d’où démarrent de nombreuses épreuves. Ainsi, en janvier 1927, le Grand Echo indique que le coup d’envoi championnat du Nord de cross cyclo-pédestre est donné le 27 à 9 heures, « avenue de l’hippodrome, à hauteur de « la laiterie », tenue par le sportif si connu M. Jean Baratte » (31 janvier).
Mais on le sait également président actif du Vélo-Club Lillois à partir de l’année 1926 (Le Grand Echo du Nord, 16 décembre 1925). Jean Baratte père est ainsi impliqué dans l’organisation d’épreuves cyclistes, comme en 1927, où il organise la course de vitesse de l’« omnium interclubs », qui consiste en un « match de vitesse » sur l’avenue Pasteur à Lambersart (entre la Laiterie et l’Hippodrome). À cette occasion, on peut encore lire dans le Grand Echo la sympathie que suscite Jean Baratte, qualifié de « sympathique rugbyman de l’Iris Club » (23 juillet). L’année suivante, il profite du passage du tour de France cycliste à Lambersart pour faire partie de l’organisation de la sécurité qui permet de « transformer le carrefour de l’avenue de l’hippodrome en une cité en réduction pimpante et ordonnée » (Le Grand Echo, 14 juillet 1929).
On lui connaît une troisième passion : la moto. Jean Baratte est en effet membre du « Moto Sporting Club ». À ce tire, il est aussi l’organisateur d’événements, comme le cross moto pédestre du 10 mars 1929, pour lequel le Grand Echo souligne que tout renseignement est à prendre auprès de lui (22 févier 1929). En tant que membre de ce club, il fait aussi partie de la délégation qui remet à une association de « gueules cassées » un chèque pris sur les bénéfices d’une compétition sportive qu’il a contribué à mettre en place (12 juillet 1928). Le 2 août 1931, il est président du comité d’organisation de courses motocyclistes sur prairie, sur le terrain de l’Iris Club Lillois, avenue de l’hippodrome.
Le Grand Echo, 30 juillet 1931
En 1933, il est l’« âme et cheville ouvrière » (3 juillet 1933) d’une journée de « dirt track » (course de motos sur piste en terre), sur le terrain du Colysée.
Mais Jean Baratte n’est pas qu’organisateur : en tant que motard, il remporte en avril 1929, le même jour qu’un nouveau titre de champion du Nord pour l’OL, le « rallye-ballon du printemps ».
Sur sa moto de marque Terrot, il remporte une course entre Lille et le bassin minier lensois dans laquelle concourraient « vingt autos de toutes marques et une demi-douzaine de motos » (22 avril 1929).
Jean Baratte est donc aussi évoqué comme « champion motocycliste bien connu » (18 juillet 1930), cette fois à l’occasion d’un fait divers : sa tante de 60 ans, qui vit aussi à La Laiterie, est renversée par une voiture, devant la guinguette.
Sur sa moto, Jean Baratte est régulièrement chargé de s’occuper des « pédards1 » qui pourraient gêner les courses cyclistes. Ainsi, dans le Grand Echo du 28 juillet 1929, on peut lire que « notre ami Jean Baratte sera le seul motocycliste officiel du 16e circuit minier. Nous savons comment M. Baratte accomplit la tâche délicate qui consiste à avertir les usagers de la route du passage de la course, et à assurer les dégagements de la route. Quant à convaincre les pédards du dangers qu’il font courir à eux-mêmes et aux coureurs. Jean baratte a le doigté voulu pour parvenir à ses fins en ne recourant aux moyens extrêmes que lorsqu’il y est absolument obligé » : il fait de même lors du 8e Paris/Lille cycliste en mai 1930 avec sa « fidèle Terrot » (12 mai)
Enfin, Jean Baratte est parfois arbitre de football (comme lors de Ronchin-Thumesnil/Ennevelin en mars 1932) et s’implique dans les épreuves d’athlétisme : le 4 mai 1935, le Grand Echo fournit les indications d’itinéraire du « critérium des Italiens » entre Lille et Cassel, sur les conseils de Jean Baratte, parti en repérage sur sa moto. La Croix du Nord signale dès juillet 1934 qu’il est président du jury des annuels championnats d’athlétisme de l’Union de Flandre, qui se déroulent à Lambersart.
Voilà donc pourquoi, avant même les exploits footballistiques du fils, le nom de Jean Baratte est familier aux sportifs nordistes. Les multiples engagements sportifs du père ont même conduit à la création de la « coupe Jean Baratte » à partir de 1931 : à l’occasion de l’annuelle « coupe Bélière », une épreuve d’athlétisme, elle récompense certaines catégories « Junior ». Et à partir de 1934, le « challenge Jean Baratte », en football, met aux prises des équipes de jeunes de la région.
Au niveau de la diversité des activités, Jean Baratte fils a donc de qui tenir ! C’est en 1935 qu’on retrouve sa trace dans la presse : en effet, dans l’édition du 25 juin, le Grand Echo nous informe de l’obtention de son Certificat d’Études Primaires. Qu’en est-il côté sportif ? Dans un portrait que lui consacre la France Socialiste le 3 novembre 1943, on comprend que Jeannot est voué à faire du sport : « le fait de naître aux portes d’un stade ne peut que vous prédisposer à le fréquenter un jour. Et ce fut vers celui de l’Iris Club Lambersart que Jean Baratte, dès qu’il put déjouer la surveillance de sa mère, fit sa première escapade ». « Il ferait un excellent demi de mêlée » disait de lui son père. Et en effet, le journal souligne malicieusement que « le petit Jean passait son temps à se faufiler au travers des palissades mal ajustées du stade, ou au travers des jambes des clients dans la salle bruyante de l’estaminet paternel ». Mais l’enfant, dès qu’il put se servir habilement de ses mains, ne manifeste aucun intérêt pour le ballon ovale : il opte pour le football.
« C’est un manchot ton fils, peuchère ! Ironisa un coéquipier de Baratte père, un méridional qui ne comprenait pas qu’on puisse jouer autrement qu’avec les mains, voire avec les poings », rapporte le journal. Mais l’enfant montre aussi un intérêt pour le tennis et « fait des balles » contre un mur, avec une raquette bien trop lourde pour lui : « et un jour, sur l’unique court de l’ICL, les modestes tennismen du club s’aperçurent avec stupeur que le « manchot » possédait un redoutable coup droit et un honnête revers. Admis sur le cours, Jean Baratte ne tarda pas à y mystifier tout le monde, jeunes et moins jeunes, et s’achemina de victoires en victoires vers le titre de champion du Nord junior ».Avec l’équipe des « Jeunes du Nord » (Football) pour un match contre les « Jeunes du Sud » Le Miroir des Sports, 22 février 1942
Parallèlement, Jean signe ses premiers succès footballistiques : avec l’Iris, il enlève le championnat du Nord des Minimes, puis des Juniors. Si bien que lorsque les Dogues de l’OL se rattachent au petit Iris, ils trouvent en ce jeune homme une graine de champion. Dès la saison 1941/1942, il s’impose comme avant-centre de l’OICL, et arrive avec les « dogues irisés » jusqu’en finale de la zone interdite, où les Lillois s’inclinent contre Lens.
Les Sports du Nord, 21 mars 1942, à la veille de la finale Lille/Lens
Durant l’été 1942, tout en préparant sa saison de footballeur à l’OICL, Jean Baratte devient champion des Flandres de tennis ! Présenté par M. Brun directeur sportif de l’OICL, comme « le plus talentueux [des amateurs de l'OICL] » (La France Socialiste, 15 août 1942), la diversité de ses activités lui vaut le surnom de « touche-à-tout » : « ils se distingue aussi bien sur les terrains de football que sur les courts de tennis souligne M. Brun. Ne vient-il pas d’enlever la finale du championnat des Flandres Juniors, en battant Lecomte par 6-2, 6-4 ? »
La France Socialiste, 15 août 1942
Les Sports du Nord, 15 août 1942
Si bien qu’à l’automne 1942, dans la presse nationale, Jean baratte est plutôt présenté comme un tennisman qui, en plus, joue au football.
Le Miroir des Sports, 26 octobre 1942
Au cours de la saison 1942-1943, Jean Baratte fait de nouveau la preuve de sa polyvalence, mais au sein du même sport. En effet, en mai 1943, l’absence du titulaire habituel dans les buts, Julien Da Rui, l’amène à occuper la cage de l’OICL lors du derby OICL/SCF en mai 1943 (on en a parlé ici) ! L’épisode de la coupe de France 1952 est plus connu : en demi-finale, en raison de la blessure de Val, l’habituel titulaire, et du manque de confiance placé en D’Archangelo, le remplaçant, Jean Baratte avait été titularisé dans les buts du LOSC. Cette configuration s’est présentée une dernière fois en mars 1956, alors que Jean Baratte est désormais joueur du CO Roubaix-Tourcoing en D2 : on le retrouve dans le but lors d’un déplacement au Havre.
À l’aube de la saison 1943-1944, celle des équipes fédérales, la France Socialiste nous apprend que l’entraîneur de l’équipe de Lille-Flandres, Demeillez, a placé Baratte sur l’aile : « là aussi, en quelques matches, le jeune prodige de Lambersart s’est hissé sans peine à la hauteur des meilleurs « intérieurs » du moment » (3 novembre 1943). La même édition du journal relate que Jean fréquente toujours le petit stade de ses premiers pas, et qu’il participe régulièrement aux entraînements des hockeyeurs… et des rugbymen de l’OICL ! « Cette préparation physique fait de Baratte un véritable marathonien (…) M. Baratte peut se consoler d’avoir perdu un demi de mêlée en découvrant un grand inter ».
Ses performances lors de la saison 1942/1943 avec l’OICL, confirmées en 1943/1944 avec l’équipe fédérale Lille-Flandres, ancrent Jean Baratte dans une discipline principale : le football. Pour le plus grand bonheur de Lille.
Note :
1 « En 1898, le mot chauffard entrait dans notre langue. Composé à l’aide de chauffeur et du suffixe péjoratif -ard, il est, hélas, toujours en usage, l’espèce des conducteurs imprudents et dangereux ne semblant pas en voie de disparition. Quelques années plus tard, sur ce modèle, on créait à partir de pédaler le nom pédard qui désignait, comme l’indique fort bien le dictionnaire Larousse de 1923, à la page 818, un « cycliste grossier, maladroit, dangereux pour les autres » (https://www.academie-francaise.fr/va-donc-eh-pedard)
Posté le 22 novembre 2022 - par dbclosc
Quand Daniel Leclercq envisageait de rejoindre le LOSC
Peu après son éviction du RCL à l’automne 1999, Daniel Leclercq a fait de l’oeil au LOSC, qui caracolait alors en tête de la D2. Une offre de services restée sans suite, mais qui illustrait le renouveau du club.
30 septembre 1999 : grâce à Nouma et Delporte, Lens bat Tel-Aviv 2-1 au stade Bollaert. Après le nul de l’aller (2-2), le Racing se qualifie pour le prochain tour de la coupe UEFA. Mais ce sera sans son entraîneur qui, à l’issue du match, est évincé, à moins qu’il n’ait donné sa démission – ce point n’ayant jamais été très clair. Quoi qu’il en soit, il est toujours surprenant de partir après une victoire (mais le LOSC n’est pas en reste car c’est également arrivé à Bruno Metsu en 1993) et, surtout, après avoir donné à Lens durant son mandat deux titres – les mauvaises langues aiment rappeler que ce sont les seuls, oubliant que le Racing a remporté trois magnifiques coupes Drago (1959, 1960, 1965), une prestigieuse coupe de l’Amitié (1962), et a vu son piston droit sélectionné en équipe de France (2022).
L’annonce du décès de Daniel Leclercq, en novembre 2019, a légitimement suscité une grande émotion à Lens, mais aussi dans toute la région, car Leclercq est également passé avec réussite par Valenciennes en tant que joueur (1961-1970 ; 1983-1984) et entraîneur (2003-2005). Mais à Lille aussi, les hommages ont été nombreux : le club s’était même fendu d’un tweet, largement relayé et commenté positivement par des supporters du LOSC.
Capture d’écran Twitter
Cela étant, Leclercq n’a pas attendu de mourir pour susciter une quasi-unanimité autour de lui, à Lille, alors même que son statut de faiseur de titres à Lens pourrait susciter de la défiance : certes, quand Lens a été champion (1998), le LOSC n’évoluait pas en D1, et peut-être peut-on considérer que ce titre a été vécu de loin par les Lillois. Mais plus probablement, sa carrière fait de lui un homme respecté, tant il a marqué le football par ses qualités de joueur, en inventant une sorte de poste mixant libéro et meneur de jeu où sa qualité de passe a fait merveille, et en prônant durant sa vie professionnelle des valeurs telles que le travail et l’humilité, ce qui semble coïncider avec l’individu qu’il était, et qui colle aussi aux fameuses « valeurs de la région » que Lillois et Lensois partagent largement.
La meilleure patte gauche du Pas-de-Calais. Extrait d’un derby en février 1981
Daniel Leclercq aurait pu marquer davantage les Lillois s’il avait rejoint le LOSC ; précisément, il en a été question au cours de cette saison 1999/2000. Désormais libre, il profite de ce moment de calme, tout en exposant ses projets dans une interview donnée à la Voix du Nord (VDN) en janvier 2000. Il rappelle les principes auxquels il est attaché (« famille », « amis », « professionnalisme », « passion », « maillot », « région », « public »). Et il n’hésite pas à montrer son intérêt pour les Dogues, en particulier pour leur entraîneur, Vahid Halilhodzic.
La Voix du Nord, 14 janvier 2000
Pour le moment, Daniel Leclercq a retrouvé une activité de consultant, pour TPS puis pour Canal +. Et il affirme que si son premier match dans cette nouvelle activité était Lille/Sochaux, ce n’est sûrement pas par hasard : c’est par « fibre régionale » soutient la VDN. Il est vrai que Daniel Leclercq, quel que soit le club dans lequel il était, a toujours manifesté de l’intérêt pour les clubs régionaux. À Lille, on se rappelle qu’il était souvent présent à Grimonprez-Jooris. Et on se rappelle aussi qu’il était présent lors d’un match amical d’avant-saison à Tourcoing entre le LOSC et Anderlecht (2-3), à l’issue duquel il avait affirmé toute sa sympathie pour les Dogues, espérant qu’ils rejoignent la D1 au plus vite. Leclercq affirme qu’après Lille/Sochaux, « tous les joueurs lillois étaient venus me remercier pour le mot d’encouragement que je leur avais envoyé en début de saison ».
« Je ne manque pas de propositions, les plus sérieuses, actuellement, venant de Dubaï, de Fenerbahçe, ou de l’équipe nationale d’Algérie. Cependant, je ne suis pas pressé ». Surtout, Leclercq est plutôt attiré par le LOSC qui, depuis l’arrivée de Vahid Halilhodzic en septembre 1998, a retrouvé beaucoup de crédibilité : sur leur lancée d’une saison 98/99 terminée en trombe où la montée s’est dérobée à la différence de buts, les Dogues cartonnent et devraient cette fois retrouver l’élite. Au moment de l’interview (23 journées jouées en D2), le LOSC a 16 points d’avance sur le 4e. De quoi avoir envie de découvrir un nouveau club du Nord ? « Lille, c’est le seul club nordiste que je n’ai pas encore fait (…) J’ai noué des contacts sérieux avec Vahid, qui est très sensible et attaché à des valeurs. C’est tout simplement un homme du Nord ! Sachant tout ce qui l’attend en D1, je me verrai bien lui donner un petit coup de main ».
Document rarissime : Daniel Leclercq 1) dans les couloirs de Grimonprez-Jooris 2) qui sourit
L’offre de services peut sembler étonnante : d’abord parce qu’elle ne semble manifestement pas motivée par des questions financières, ce qui est original dans le milieu ; ensuite parce que Leclercq reste malgré tout étiqueté « lensois » et, même s’il a la côte, c’est une autre chose de le voir intégrer le LOSC (aussi bien pour les supporters des LOSC que des Sang & Or). Comme on a dû le dire à l’époque au « Druide » : « rejoindre le LOSC, c’est Astérix et périls » ; et enfin parce qu’a priori, le LOSC n’est pas demandeur et a trouvé une formule qui, sportivement, fonctionne enfin. Certes, le processus de privatisation est lancé depuis quelques semaines, et il amènera probablement son lot de changements. Mais quand bien même Daniel Leclercq devrait intégrer le club, son palmarès et son aura peuvent-ils l’amener ailleurs qu’à une place de n°1 ? Peut-il cohabiter avec Halilhodzic ? Halilhodzic peut-il cohabiter avec qui que ce soit ?
Photo Jean Chaumont/Voix du Nord
Daniel Leclercq ne rejoindra jamais le LOSC, et n’y exercera aucune fonction, officielle en tout cas. On peut toutefois penser que l’amitié nouée avec Halilhodzic a pu servir de conseil officieux pour Vahid.
À cette époque, l’important pour le LOSC est bien de constater qu’il est de nouveau attractif, et si des hommes de valeur semblent prêts à lui prêter main-forte, c’est probablement qu’il est sur la bonne voie.
Posté le 16 novembre 2022 - par dbclosc
Mersey beaucoup Divock ! Origi, l’improbable idole d’Anfield Road
Huit ans après sa signature et sept ans après son arrivée de retour de prêt à Liverpool, Divock Origi a quitté les bords de la Mersey pour rejoindre le Milan AC. Bien qu’il n’ait jamais été un titulaire indiscutable chez les Reds, que son temps de jeu était même famélique depuis 2018, il les quitte en laissant aux supporters un souvenir impérissable. En cause, sa capacité, déjà montrée à Lille et en sélection nationale, à réaliser des coups d’éclat au moment où il le fallait.
Le 2 février 2013, Roooonny Roodelin cède sa place à un jeune joueur de 17 ans sobrement intitulé Divock Origi, lequel fait là ses débuts avec l’équipe première du LOSC. A vingt minutes de la fin, les Lillois sont en fâcheuse posture, puisqu’ils sont menés à domicile par 1 à 0 contre Troyes, 18ème avant la rencontre. Cinq minutes plus tard, Origi reprend de la tête un centre de Dimitri Payet et permet aux Lillois d’égaliser. Des débuts en fanfare pour le jeune Belge. Le score ne bougera plus. Il aura en tout cas fallu très peu de temps à Divock pour se faire remarquer.
Le nom d’Origi n’est alors pas tout à fait inconnu du monde du football. Son père Mike (Origi donc) est ainsi un ancien international ayant compilé pas moins de 120 sélections avec l’équipe du Kenya. Il a par ailleurs passé 14 saisons en professionnel en Belgique, y disputant 434 rencontres pour 105 buts marqués. Son prénom, ne nous en cachons pas, nous paraît en revanche alors peu familier. Et pour cause : il a été inventé par ses parents (1). Toujours est-il que le fils de Mike commence à se faire un prénom et qu’il prend une importance croissante dans le 8-1-1 de René Girard, disputant 35 matches toutes compétitions confondues en 2013/2014 (15 comme titulaire) pour 6 buts inscrits, dont 5 après la trêve hivernale.
Ces performances suffisent à faire de lui l’invité surprise de la sélection belge à la Coupe du Monde 2014 au Brésil. A tout juste 19 ans et 7 buts inscrits en pro, Origi bénéficie du forfait de Christian Benteke, le sélectionneur Marc Wilmots considérant que les deux joueurs présentent un profil comparable. Ses performances dépassent les espérances, Divock marquant notamment le but de la victoire contre la Russie qualifiant les Diables rouges pour les huitièmes de finale. Origi apparaît comme une valeur montante du football et Liverpool, qui observait déjà le Lillois depuis quelques mois, le fait signer en juillet contre un montant de 12,6 millions d’euros. Il est immédiatement prêté à Lille.
Après un début de carrière presque idéal, Divock Origi montre les premiers signes de son irrégularité. S’il marque son 4ème but de la saison contre Wolfsbourg le 2 octobre 2014, il reste ensuite muet 23 matches de suite toutes compétitions confondues, et ce jusqu’au 15 mars 2015. Ce jour-là, Divock ne se contente pas de débloquer son compteur mais inscrit carrément un hat-trick (38è, 63è, 72è), doublant son total de buts inscrits en championnat en 34 minutes. Le match est assez symbolique de la carrière de Divock, marquée par des coups d’éclat comme celui-ci et une relative monotonie le plus souvent.
Toujours présents dans les grands rendez-vous des Reds
Origi rejoint alors Liverpool à l’été 2015, découvrant le troisième maillot rouge de sa carrière après ceux du LOSC et des Diables. Il rejoint les Reds en même temps que Christian Benteke qu’il avait suppléé en sélection un an plus tôt et qui est son principal concurrent à la pointe de l’attaque. Il n’y est pas titulaire pour sa première saison et y est même quasiment ignoré par Brendan Rodgers, Origi se contentant d’une seule entrée en jeu en Premier League jusqu’au licenciement du technicien anglais le 4 octobre. Les cartes sont rebattues avec l’arrivée de Jurgen Klopp et Divock brille à l’occasion, claquant un triplé en quart de finale de League Cup sur le terrain de Southampton (1-6) ou sonnant la révolte lors d’un quart de finale d’Europa League contre Dortmund très mal embarqué (0-2 après 10 minutes, 1-1 à l’aller) mais finalement remporté (4-3). Les circonstances du derby remporté (4-0) contre Everton en avril contribuent également à alimenter son aura naissante auprès des supporters : il ouvre d’abord le score peu avant la mi-temps, puis sort blessé en début de seconde période suite à un tacle assassin de Ramiro Funes Mori, ce sacrifice involontaire entraînant l’expulsion de l’Argentin. Origi termine la saison avec 10 buts.
En 2016/2017, Origi débute encore comme remplaçant avant de devenir brièvement titulaire à la faveur de ses belles performances. Entre le 26 novembre et le 28 janvier, Origi marque ainsi 6 fois en 16 rencontres, dont 10 comme titulaire. Il reprendra pourtant bien vite sa place sur le banc des remplaçants mais trouvera toujours le moyen de se rappeler aux bons souvenirs des supporters. Ainsi, alors qu’il reste sur deux mois sans avoir marqué, Divock choisit le match du derby contre Everton pour retrouver le chemin des filets. Le 1er avril, il ne lui faut que 3 minutes après son entrée en jeu pour marquer le but du break en faveur des Reds (3-1). Cette performance lui vaudra de terminer les deux derniers mois de la saison comme titulaire. Ce seront les derniers sous ce statut.
Depuis cette saison 2016/2017, le temps de jeu de Divock Origi n’a cessé de décroître. Prêté à Wolfsburg la saison suivante, il passe ensuite 4 saisons à jouer les deuxièmes ou troisièmes choix. Origi dispute ainsi 49 % du temps de jeu toutes compétitions confondues de Liverpool en 2016/2017, puis 14 %, 32 %, 11 % et 11 % entre 2018 et 2022. Son temps de jeu en Premier League est particulièrement faible : il n’est ainsi présent que 11 %, 21 %, 5 % et 3 % du temps de jeu de cette compétition sur les quatre dernières saisons, pour une moyenne de 9,9 %.
Et pourtant, si Origi connaît un temps de jeu particulièrement faible à partir de 2018, c’est sur cette période qu’il acquière définitivement son statut de chouchou d’Anfield Road. En décembre 2018, il confirme d’abord que le derby lui convient particulièrement bien. Avant ce match, l’international belge avait dû se contenter de 11 minutes de jeu contre l’Etoile Rouge de Belgrade en tout et pour tout. un supporter annonce même qu’il se fera tatouer « Divock » si celui-ci marque contre Everton (2). Klopp le fait entrer à la place de Firmino à la 84è (Origi, pas le supporter) contre Everton alors que le score et nul et vierge. Au bout du temps additionnel (90è+6), Divock est à l’affût sur un ballon mal maîtrisé par Pickford, marquant dans le but vide et faisant chavirer de bonheur Anfield. Le supporter respectera son engagement.
- Il est tatoué ce supporter ?
- Bé ouais qu’il est à moué !
De joueur populaire, Origi devient carrément un héros en fin de saison, d’abord lors de la remontada du 7 mai 2019 contre le Barça en demi-finale de Ligue des champions. Battus 3-0 au Camp Nou, les Liverpuldiens se remettent dans le bon sens dès la 7ème minute grâce à l’ouverture du score. Revenant à la hauteur de leur adversaire à la faveur d’un doublé de Wijnaldum, les Reds se qualifient finalement grâce à leur avant-centre du jour qui inscrit également son doublé (79è). Trois semaines plus tard en finale, Origi marque le but du break en fin de match (2-0, 87è) assurant le titre européen aux siens ! Avec 7 buts en 693 minutes, il finit la saison avec un ratio d’un buts toutes les 96 minutes bien meilleur que ceux de Salah (1/161 minutes), Mané (1/165) et Firmino (1/213), et, comme on l’a vu, pas contre des équipes en bois.
Les supporters de Liverpool après le but d’Origi en finale de LDC
Bien qu’il joue très peu, Origi continuera à faire ce qu’il faut pour entretenir son statut d’improbable idole d’Anfield Road. Le 4 décembre 2018, un an et 2 jours après son but décisif contre Everton, Origi récidive, inscrivant même un doublé (5-2). Fin 2021, Origi montre encore qu’il est un vrai supersub : entré à 20 minutes du terme d’un déplacement sur le terrain de Wolverhampton, il donne la victoire aux siens au bout du suspense (0-1, 90è+4). A l’issue du match, Klopp déclare qu’ « Origi, la légende […] est un joueur de football incroyable […]. C’est un but que nous avons souvent vu à l’entraînement. J’espère qu’il trouvera un manager qui le fera plus jouer que moi » (3). Après le derby contre Everton an avril, Klopp est encore dithyrambique avec son avant-centre. «Il a été impliqué sur les deux buts. Tout ce qu’on a fait en deuxième mi-temps n’aurait pas eu lieu sans Divock. Le groupe vit grâce aux garçons qui ne jouent pas toujours, ce sont les joueurs les plus forts. C’est une légende sur et en dehors du terrain. C’est un footballeur fantastique pour moi, c’est un attaquant de classe mondiale, notre meilleur finisseur. Il l’a toujours été et tout le monde vous dira la même chose. » (4) L’hommage de l’entraîneur allemand contraste ainsi avec le peu de temps qu’il lui accorde : pour sa dernière saison à Liverpool joue en effet en tout et pour tout … 126 minutes en Premier League, pour 3 buts inscrits !
Origi à Milan, j’aurais dit moins
Cet été Divock Origi a enfin quitté Liverpool où il aura marqué 41 buts, soit un total relativement modeste sur 6 saisons. Bien entendu, il ne pouvait que rejoindre un club dont le maillot comporte du rouge. Ce sera finalement le maillot rossonero de l’ambitieux Milan AC, vainqueur du dernier scudetto. Il vient ainsi compléter une attaque composée des « vieux » Olivier Giroud (35 ans) et Zlatan Ibrahimovic (40 ans), de l’ancien dogue Rafael Leao et d’Ante Rebic.
C’est d’abord avec Giroud et Ibrahimovic que Divock est en concurrence (5). Sur le papier, deux concurrents de ce calibre pour un seul poste d’avant-centre lui fait risquer de prolonger ses habitudes à tâter du banc. Concrètement, Ibrahimovic est blessé jusqu’au début de l’année prochaine et il n’est de surcroît pas éternel. En outre, le Milan à AC doit disputer pas moins de 21 rencontres en 13 semaines jusqu’au 13 novembre, dernière date du calendrier de Serie A jusqu’à la trêve qui précède la Coupe du Monde. Dans cette configuration, Origi n’est pas de trop et aura vraisemblablement un temps de jeu conséquent.
A 27 ans, l’avant-centre belge a peut-être enfin l’occasion de quitter son statut d’éternel remplaçant et de s’imposer dans une équipe qui a vocation à disputer la Ligue des Champions avec régularité.C’est en parallèle peut-être également une opportunité pour relancer une carrière en sélection qui semble au point mort et qu’on ne pouvait qu’imaginer plus belle au regard de la précocité de ses débuts et de ses performances d’alors : le 12 novembre, cela fera 8 ans qu’il a inscrit son dernier but avec les Diables Rouges. Sauf, bien sûr, s’il faisait partie des sélectionnés surprise du rassemblement de septembre et qu’il lui prenait d’en mettre un aux Gallois ou aux Néerlandais.
FC Notes :
(1) https://www.dhnet.be/sports/football/diablesrouges/2014/06/23/mike-origi-il-a-ete-le-premier-divock-au-monde-NKOCTQ4PEFA35CMHVXXLN62PNM/ Notons que le site namekun.com nous en dit un peu plus sur la personnalité des Divock. On n’a pas tout compris, peut-être que vous pourrez nous éclairer : « Profondément indépendante, vive, rapide et entreprenant la nature. Frank et diriger vous ne voulez pas prendrez des détours et ne supporte pas l’hypocrisie »
(5) Rebic joue également avant-centre, mais il joue très souvent ailier gauche.
Posté le 1 août 2022 - par dbclosc
1994 : un pâle derby pour commencer
En 1994/1995, la saison s’ouvre sur un derby. Aussi indigeste que les précédents, il donne aussi un bon aperçu des rares qualités lilloises de cette année-là.
Tout commence par une boutade (de Dijon) dans les colonnes de la Voix du Nord en juin 1994 : « et si on ouvrait le championnat avec un derby ? Ce serait sympa, et les gens seraient contents ». Le propos est de Gervais Martel, président du Racing Club de Lens. Quelques jours après, par un curieux hasard, la Ligue Nationale publie le calendrier de la saison 1994/1995. Première journée : Lens/Lille ! À l’époque, Gervais est également numéro 1 de l’Union des Clubs Professionnels de Football (UCPF), le syndicat patronal des présidents de clubs, mais cela n’a probablement rien à voir.
La World Cup est à peine terminée que le championnat de D1 reprend le 28 juillet, avec un Bordeaux/Nice en ouverture. Le lendemain, les deux équipes du Nord-Pas-de-Calais présentes en D1 s’affrontent donc déjà. Lens/Lille en ouverture : c’était déjà le cas en 1946. Depuis quelques années, Boulogne a largement perdu de sa superbe, Valenciennes traverse une période fort chaotique et, en D2, Dunkerque ne vise pas la montée. Le RCL et le LOSC apparaissent alors comme les deux équipes régionales les plus régulières au haut niveau.
Lille est dans l’élite depuis 1978 et y survit sans gloire depuis bien longtemps ; Lens, après bien des soucis financiers, est de retour en D1 depuis 1991 et y fait bonne figure, en étant systématiquement classé dans la première moitié de tableau. Ce derby est donc « redevenu un classique » pour la Voix du Nord. Cela étant, « le jeu proposé n’a jamais atteint des sommets » ; il a même atteint des profondeurs longtemps inexploitées, comme à l’automne 1992. Sur les quatre derniers derbies, trois ont accouché d’un pauvre 0-0, le quatrième s’étant soldé par un 1-1 bien maigrichon. Pour la Voix du Nord, il serait bon de « prendre enfin de la hauteur ».
Peut-on assister à autre chose qu’une nouvelle purge ? À vrai dire, même si une nouvelle saison apporte toujours son lot d’espoirs, on peut en douter. Les deux clubs sont dans une période, au mieux, médiocre. Lens vient de se sortir d’une période délicate financièrement et sportivement, et a un palmarès vierge (incluons tout de même 3 titres de D2, 3 coupes Drago, deux finales de coupe de France et, depuis quelques jours, la coupe d’été 1994), et n’est pas encore le brillant club qu’il sera, précisément, à partir de cette saison 1994/1995, prélude à une fin de décennie où il inaugurera enfin son armoire à trophées ; quant au LOSC, rien à signaler depuis le milieu des années 1950 hormis quelques titres de D2 : il court toujours après son lustre d’antan et, depuis quelques années, survit tant bien que mal en D1, sans argent et sans ambition. Comme le résume la Voix du Nord, le RCL est « toujours à la recherche d’une ligne significative sur sa carte de visite », et les Dogues sont « sans cesse hantés par le souvenir d’un glorieux passé, à la recherche d’un second souffle qu’ils tentent désespérément d’attraper depuis des lustres ». Il est donc fort probable que ce soit, une fois encore, plus animé entre supporters qu’entre joueurs.
Fidèle à sa politique sportive illisible depuis la fin des années 1980, le LOSC a encore fait un grand nettoyage à l’intersaison : nouveau président (Bernard Lecomte, depuis avril), nouvel entraîneur (Jean Fernandez, avec Jean-Michel Cavalli pour adjoint), nouveau staff (retour de Jean-Noël Dusé à la formation), nouveaux joueurs, tous libres (Duncker, Etschélé, Farina, Foulon, Hitoto, Lévenard, Lykke, Pérez).
Le contraste avec la stabilité qui se dessine à Lens est frappant : depuis six ans, Gervais Martel a progressivement remis le club sur des bons rails ; Patrice Bergues, considéré comme un caractère calme et travailleur, depuis deux ans, a fait son trou en D1 ; et le Racing n’a recruté que trois joueurs à l’intersaison : Marc-Vivien Foé, Mickaël Debève et Joël Tiéhi. Même si l’entraîneur du LOSC a une carte de visite plus fournie, notamment depuis son passage à Marseille, Lens apparaît comme le favori de ce derby, et nourrit même quelques ambitions pour cette saison au cours de laquelle il « pourrait jouer les trouble-fête ». En effet, notamment dans le domaine offensif, la VDN considère que Lens est supérieurement armé grâce à ses « flèches noires » (sic – il s’agit de Tiéhi et Boli, meilleur buteur du championnat 93/94, à égalité avec Ouédec et Djorkaeff) et à ses créateurs (Laigle et Meyrieu). Pour le derby, les Sang & Or seront seulement privés de Déhu, suspendu. Wallemme, qui revient de blessure, sera aligné.
Les Lillois se présentent au complet. Plusieurs formules ont été testées durant la préparation, mais il semble que le Danois Lykke soit amené à être le nouveau libéro. Parmi les autres recrues, Hitoto devrait tenir une place centrale à la récupération, et Christian Pérez est attendu comme l’animateur des attaques lilloises. À Bollaert, les Dogues devraient évoluer à 5 derrière. Pas vraiment de bon augure pour le spectacle, et la Voix du Nord supplie : « les souvenirs de la dernière saison et de la précédente laissent un goût saumâtre à la bouche. Alors messieurs, faites-vous plaisir. De grâce, jouez ! ». Et, pour inciter les équipes à jouer, la D1 adopte désormais le principe de la victoire à 3 points.
Voici la composition lilloise :
Une première mauvaise surprise attend les Dogues le jour J : la lettre de sortie de Lykke n’a été envoyée par la fédération danoise à la fédération française que le matin même du match. Or, les règlements de la Ligue Nationale de Football énoncent que ce délai doit être au minimum de 24h. Jean Fernandez est donc privé d’un de ses renforts et doit, en dernière minute, faire reculer Jakob Friis-Hansen en libéro.
Du côté de Lens : Warmuz ; Sikora, Magnier, Wallemme, Adjovi-Boco ; Arsène, Laigle, Debève, Meyrieu ; Tiéhi, Boli.
30 000 personnes sont présentes et, comme nous l’évoquait Roger Hitoto : « on arrive à Lens, les supporters étaient chauds. Et quand j’entre dans le stade, gros coup de pression qui commence à monter… Je dis « mamma mia, ça va être quelque chose » ».
Le LOSC subit très vite une nouvelle déconvenue : après 4 minutes, Christian Pérez ressent une douleur derrière la cuisse et doit sortir. Pas de libéro, un meneur de jeu en moins, et un remplacement déjà utilisé (on peut en faire deux maximum) : « dans le genre scénario catastrophe, l’équipe de Jean Fernandez a été servie ». Arnaud Duncker entre en jeu et se place aux côtés de Roger Hitoto : le LOSC passe de défensif à ultra-défensif.
Comme on pouvait le craindre, il ne se passe pas grand chose sur le terrain : Lille joue pour tenir le 0-0 et, en face, « c’est un Lens « petit bras » que les hommes de Jean Fernandez croisaient sur leur route », et les Lensois font preuve de « cruelles lacunes » au milieu. Le LOSC tente quelques percées par Assadourian mais « le derby, comme d’habitude, s’enfonçait dans la grisaille ». À la demi-heure de jeu, entre des Lillois repliés et des Lensois qui n’emballent pas le match, on ne note toujours aucune occasion ! « Les lillois géraient les opérations à leur rythme. C’est-à-dire, le plus souvent, à la vitesse d’un escargot. Mais que dire de leurs rivaux ! En panne d’inspiration, en panne de tout ».
Finalement, le principal acteur de cette première période est l’arbitre, Alain Sars. Dans la lignée des consignes données pour la coupe du monde, la D1 se veut désormais plus sévère à l’égard des contestataires, des fautes d’anti-jeu, et impose désormais le rouge direct pour tout tacle par derrière non-maîtrisé. Dès la 6e minute, Lévenard est averti pour avoir poussé le ballon alors que l’arbitre avait sifflé ; puis Arsène (20e) pour avoir fauché Sibierski, et Meyrieu (22e), pour une faute sur Leclercq, reçoivent un jaune ; après une altercation, Wallemme et Garcia sont également avertis (31e) ; et Leclercq, pour avoir stoppé irrégulièrement Laigle, reçoit lui aussi son jaune (36e). À la pause, le score est de 0-0. Le public lensois peut enfin donner de la voix à la mi-temps grâce aux adieux de Robby Slater : ce rouquin s’offre un tour d’honneur.
Patrice Bergues opère un changement à la pause : Wilson Oruma remplace Hervé Arsène. Cela ne change pas la physionomie du match : « le jeune nigérian sollicitait bien ses partenaires, mais il ne recevait en guise de réponses que des passes tordues. Au LOSC, on relevait la même indigence » ; alors, « au retour des vestiaires, on retomba dans la monotonie ».
Après une heure de jeu, Lévenard fauche Tiéhi et reçoit un deuxième avertissement : « à 10, on ne donnait pas cher des chances lilloises dans ce match », d’autant que Bergues en profite dans la foulée pour dynamiser son attaque en lançant Omam-Biyik à la place de Tiéhi (64e). Mais Lens ne parvient toujours pas à prendre le jeu à son compte, et l’expulsion a pour effet, dans un premier temps, de cadenasser encore davantage le match. En effet, Assadourian a quitté son poste en attaque pour marquer Debève au milieu : « le ronron pouvait reprendre ».
Curieusement, après quelques minutes d’adaptation, Lille relève la tête. Un premier tir de Garcia finit dans la tribune (70e). Quelques minutes plus tard, après une récupération d’Hitoto, Garcia joue un une-deux avec Assadourian et se présente face à Warmuz ; Wallemme semble bousculer l’attaquant lillois, et l’arbitre donne un pénalty au LOSC. Cela semble sévère, mais M. Sars est est cohérent dans son arbitrage. Déjà buteur à Bollaert lors du derby 93/94, Clément Garcia se fait justice lui-même en prenant Warmuz à contre-pied (0-1, 72e).
« Le LOSC était en train de réussir son fabuleux pari » : même s’il fait (non-) jeu égal avec Lens, dans ces circonstances, voir Lille ouvrir la marque est une belle performance. Lens réagit timidement par Meyrieu (77e) puis Adjovi-Boco (79e), mais rien qui n’inquiète franchement les Dogues. Jean Fernandez bétonne ce qu’il est encore possible de bétonner en faisant entrer Dindeleux à la place d’Assadourian (80e). Et après un « raid lillois lumineux », Sibierski manque le 0-2 en tirant au-dessus (85e) !
Finalement, à la faveur d’un coup-franc, les locaux égalisent : Meyrieu enroule fort au premier poteau et, selon la Voix du Nord, Nadon n’est « pas assez attentif ». Le ballon frappe le poteau, rebondit sur Nadon et, d’après l’arbitre, entre dans le but avant que Leclercq ne dégage (1-1, 87e). Peut-être que si Nadon avait été encore moins attentif, il n’aurait pas bougé et alors le ballon ne serait pas rentré… Selon les sources, le but est attribué à Jean-Claude Nadon ou à Frédéric Meyrieu. La LFP le donne à Meyrieu. Mais le ballon est-il seulement entré… ?
La fin de match est plus difficile pour Lille, dans un stade survolté, mais ça tient : le match se termine sur un nul 1-1.
A chaud, les Lillois sont très satisfaits. Jean Fernandez estime que son équipe a fait « un bon match. Nous étions venus pour obtenir un résultat, nous l’avons ». Clément Garcia : « je marque, mais c’est toute l’équipe qui a su obtenir ce résultat. L’équipe a su bien se regrouper en défense, surtout après l’expulsion de Lévenard. Nous avons prouvé que nous étions un groupe soudé et solide. C’est ce mental qui nous a permis d’obtenir le nul. Ce point n’est pas volé : nous avons fait jeu égal avec les Lensois ».
Inversement, les Lensois sont déçus, à commencer par Patrice Bergues : « nous n’avons pas été bons. Nous n’avons surtout pas d’excuse à chercher. Nous n’avons pas joué assez vite et assez précis pour troubler cette équipe lilloise bien regroupée. Ce but en contre nous pendait au nez. Heureusement qu’il y a ce coup-franc car je ne sais pas comment nous aurions pu revenir ». De la même manière, Gervais Martel considère que « la déception est adoucie par l’égalisation. Cela aurait fait désordre de perdre.. ».
Dans la presse du surlendemain, avec un peu de recul, la frustration semble avoir gagné les rangs lillois. Fernandez estime finalement que « si on m’avait dit avant le coup d’envoi que nous pourrions prendre un point, je signais tout de suite. Mais ce matin (le lendemain du match), je me suis réveillé avec des regrets. Beaucoup de regrets. J’ai le sentiment qu’on a laissé filer une opportunité. Le LOSC menait au score et Lens ne s’était pas créé d’occasion. Toutes les conditions étaient réunies pour que nous allions au bout. Il aura fallu une faute, pas évidente du tout – je m’en suis expliqué avec M. Sars – de Dindeleux sur Meyrieu, pour remettre Lens à flots. Quand on prend un coup-franc comme ça, je râle ».
Si Jean Fernandez regrette à juste titre d’avoir encaissé un but tardif et bête, le schéma tactique mis en place et le scénario du match révèlent aussi sa prudence, dont on ne sait pas toujours si elle correspond à ce qu’on peut tirer de mieux de cet effectif, ou si elle est le reflet de la frilosité de l’entraîneur lillois.
Comme nous l’avait confié Roger Hitoto, ce match était très significatif de la philosophie de jeu du coach lillois :
« Comme le disait Fernandez, je me rappelle : il ne fallait pas perdre ce match. Il ne fallait pas perdre ! Match nul, tout ce que vous voulez, mais on doit rentrer chez nous sans avoir perdu. Et le schéma qu’il a mis en place était défensif. Il ne voulait pas que les milieux de terrain montent trop. Comme j’aimais bien aller de l’avant, il m’a dit « tu prends ton joueur et tu restes là. Tu prends, tu donnes, tu prends, tu donnes ». Il jouait beaucoup la prudence, et ça lui a donné raison, puisque ce match là a bien tourné. On est restés bien solides et on ne repart pas bredouille (…)
Il avait mis un bloc, avec en plus 2 ou 3 joueurs qui avaient la liberté de faire ce qu’ils voulaient devant. Mais il fallait d’abord des travailleurs derrière pour les libérer. Et nous, au milieu de terrain, c’était très limité au niveau du jeu offensif, on pouvait rarement apporter un plus. Donc OK, on fermait, on pouvait sortir avec un match nul et parfois il y a une occasion qu’on arrivait à mettre au fond, mais lui son schéma, c’était la prudence, il ne fallait pas prendre de but. Si on ne gagne pas, on ne perd pas. On repart avec 1-0, ça suffit (…)
C’est vrai qu’à un moment, c’est un peu embêtant, parce qu’il y a des situations où tu sais que tu peux apporter davantage, mais le coach t’a demandé de rester à ta place. Mais Jean Fernandez arrivait à faire passer un message avec rigueur »
Mais si le LOSC se montrait plus offensif, aurait-il la même solidité défensive ? Aurait-il, dans la suite de la saison, autant gagné 1-0 ? Au cours de la saison 1994/1995, le LOSC saura se montrer efficace, à défaut d’être spectaculaire. Ses joueurs sont attachants et combattifs, à défaut d’être des génies du ballon. C’est là le reflet sportif des difficultés financières du club, et il faudra s’en contenter pendant quelques années encore. Comme le résume la Voix du Nord, « au moins, le match ne s’était pas terminé sur un 0-0. Mais où était le plaisir ? Nulle part ».
Un résumé du match (TF1) :
Nos articles sur d’autres matches de la saison 1994/1995 :
Lille/PSG (mars 1995) : Fernandez bat Fernandez
Lille/Lens (mai 1995) : Un derby plein d’espoirs
Posté le 23 juillet 2022 - par dbclosc
Qui c’est la meilleure ? Évidemment, c’est Demeyere !
Six ans après son arrivée, Silke Demeyere quitte le LOSC. Grâce à sa longévité à Lille, elle est désormais la joueuse la plus capée du club. Et, rien qu’avec son style, elle aura marqué l’histoire du club. Retour sur la carrière de celle qu’on a adorée.
C’est le cœur serré et proche de la crise de larmes que nous avons appris la nouvelle il y a quelques semaines : Silke Demeyere s’en va. Après six saisons chez les Dogues, elle s’engage avec Le Havre, en compagnie de Salomé Elisor. Retrouver la D1 est pour elle une juste récompense tant elle a fait preuve durant son séjour lillois d’une régularité exemplaire. Et si nous nous sommes attelés depuis 2017 à proposer des comptes-rendus des matches de l’équipe féminine, quelques interviewes avec des joueuses et les coaches, avec la volonté de mettre en lumière les performances des joueuses et leurs conditions de travail, nul doute que Silke n’y est pas pour rien.
Photo Marc Van Ceunebroeck/LOSC.fr
En effet, c’est au cours de la saison 2016/2017 que, par curiosité et sans grande ambition, nous nous sommes pointés sur l’annexe du Stadium pour aller voir jouer le « LOSC féminine », qui était alors dans sa deuxième année d’existence, en D2. Immédiatement, c’est Silke Demeyere qui nous a épatés : activité incessante à son poste de n°6, récupérations, relances, organisation du jeu, combativité, pugnacité. Dès notre premier compte-rendu à l’occasion d’un match contre La Roche, nous n’étions pas avares de compliments à son égard, citons-nous : « mention spéciale pour Silke Demeyere : celle-là, c’est un crack : une activité débordante, teigneuse, un grand nombre de ballons récupérés, au-dessus techniquement. Silke Demeyere, t’es la meilleure ». Six ans après, nous avons pour la première fois acheté un maillot du LOSC : il est floqué « Demeyere »2, bien évidemment. Les habitué(e)s de nos comptes-rendus savent combien nous la mettons en valeur et combien le running-gag de la composition d’équipe où elle est partout reflète la façon dont on perçoit ses matches. Comment en est-on arrivé là ?
Une dernière fois, pour le plaisir
Sans être totalement le fruit du hasard, la venue de Silke à Lille est un heureux accident : en 2016, l’entraîneur du LOSC, Jérémie Descamps, et le manager, Jules-Jean Leplus, entendent parler d’une joueuse belge qui joue au Lierse. Ils visionnent une vidéo de la finale de coupe de Belgique opposant le Lierse à Anderlecht pour se faire une idée. La joueuse en question inscrit un doublé et permet à son équipe de l’emporter 2-1. Séduits, ils se rendent ensuite sur place pour observer directement cette fille qui s’appelle… Jana Coryn. L’affaire est réglée avec Coryn, qui s’engage avec Lille. Mais les observateurs lillois ont aussi noté la présence de celle qui est à l’époque milieu offensive sur le côté gauche : elle s’appelle Silke Demeyere et, figurez-vous, c’est la meilleure. L’affaire est également vite réglée, d’autant que le Lierse féminines se dissout. Le LOSC peut donc entamer la saison 2016/2017 avec trois belges qui en forment la colonne vertébrale : derrière, Maud Coutereels, solide comme un roc ; au milieu, Silke Demeyere, teigneuse à souhait ; devant, Jana Coryn, prolifique avant-centre.
Photo Marc Van Ceunebroeck/LOSC.fr
Avant l’épisode de son transfert à Lille, Silke Demeyere a logiquement effectué sa carrière en Belgique. Footballeuse dès l’âge de 9 ans, c’est son frère qui, le premier, subit ses tacles rageurs dans le jardin familial, du côté de Waregem ; plus tard, elle joue dans la cour de l’école avec principalement des garçons, tout en s’engageant parallèlement dans d’autres sports : tennis, judo, natation, gymnastique. Mais le foot prend rapidement le dessus et Silke s’engage à Harelbeke, dans une équipe déjà entièrement féminine. À 15 ans, elle intègre l’équipe première du SW Ladies Harelbeke et est sélectionnée dans les catégories jeunes de l’équipe nationale. Elle gagne à Harelbeke un premier trophée national. En 2009, elle monte d’un cran en rejoignant le nouveau club de Zulte-Waregem, issu d’une fusion, où elle rencontre déjà Jana Coryn, puis se dirige vers le Club de Bruges en 2012, où elle ne dit pas trop fort qu’elle est surtout une supportrice d’Anderlecht ! Le séjour brugeois de Silke (2012-2015) correspond aux années de la Beneleague : il s’agissait d’un championnat réunissant les meilleures équipes belges et néerlandaises. Parmi les moments forts qu’elle retient de Bruges, on note notamment une victoire sur le terrain de l’Ajax en avril 2015 (2-1), ainsi que deux finales de coupe (qui, elle, reste nationale), malheureusement perdues contre le Standard en 2014 (0-5) puis contre le Lierse en 2015 (0-1).
Un drôle de décor… Photo Marc Van Ceunebroeck/LOSC.fr
À l’issue de cette saison 2014/2015, face au désinvestissement des dirigeants brugeois pour leur section féminine, Silke file au Lierse, 7e de la dernière édition de Beneleague et deuxième club belge au classement, derrière le Standard, champion. Le championnat redevient national et le Lierse se classe deuxième, derrière Anderlecht. En coupe, la troisième tentative est la bonne : cette fois, l’équipe de Silke l’emporte contre Anderlecht (2-1) avec, nous l’écrivions plus haut, un doublé de Jana Coryn. C’est également au cours de cette saison qu’elle est convoquée régulièrement en sélection et qu’elle obtient sa seule sélection avec les Red Flames, l’équipe nationale belge.
Silke avec les Red Flames en mai 2015
Photo David Catry/Sportpix.be
Signer en deuxième division française après une année ponctuée par un titre national peut apparaître comme un choix étonnant, mais Silke Demeyere avait envie de découvrir un nouvel environnement, et qui lui permettait cependant de résider chez elle, à Harelbeke, à une demi-heure de Lille. Elle bénéficie ainsi de la proximité entre Lille et la Belgique, que le LOSC a souvent exploitée dans son histoire, en recrutant uniquement des joueurs offensifs (du moins, jusqu’à Onana1) ; chez les femmes, le LOSC change de stratégie : si Jana Coryn perpétue la tradition des avants Belges, Maud Coutereels, en défense centrale, casse cette habitude. Quant à Silke Demeyere, elle se positionne un cran plus bas qu’au poste qui l’a révélée en Belgique : elle est désormais milieue défensive, récupératrice, devant la défense centrale et à la relance pour les joueuses plus offensives, derrière Rachel Saïdi, positionnée en n°10
À Lille, Silke devient rapidement une pièce-maîtresse de l’équipe de Descamps. Bien que dans une division « inférieure », Silke estimait dans l’interview qu’elle nous a donnée que le jeu était « plus physique, plus agressif ». Après une saison marquée par un final rocambolesque, le LOSC découvre la D1 en 2017 !
Photo Marc Van Ceunebroeck/LOSC.fr
Un doute subsiste lors des premiers matches de la saison 2017/2018, au cours desquels Silke n’est pas toujours titulaire : on voit plus souvent Julie Pasquereau alignée aux côtés de Jessica Lernon ou d’Héloïse Mansuy, qui jouaient parfois au milieu à cette époque. Mais tout rentre rapidement dans l’ordre et Silke offre les mêmes prestations en D1 qu’en D2, harcelant ses adversaires et récupérant des ballons de façon parfois franchement comique, sans que l’on comprenne bien comment elle a pu faire. En février 2018, elle inscrit même son premier but en D1 face à Fleury… de la tête !
Ce but illustre assez bien les qualités de la joueuses : en dépit d’un physique pas très impressionnant (elle n’est ni grande ni imposante), Silke a la faculté de prendre le dessus sur des adversaires qui, en apparence, semblent bien mieux dotées qu’elle… On la voit ainsi souvent gagner des duels aériens face à des joueuses qui font deux têtes de plus qu’elle.
La description, sobre, du but sur notre site
Cette réalisation survient juste après un stage de la sélection nationale auquel Silke a participé (comme Jana Coryn et Maud Coutereels), mais c’est à ce jour sa dernière apparition avec les Red Flames, ce qui reste une déception et, de notre point de vue, une anomalie, du moins tant qu’elle évoluait en première division.
Toujours essentielle au LOSC, elle contribue à maintenir l’équipe en D1 grâce à une ultime victoire à Bordeaux qui permet de se placer 6e dans un championnat très serré (derrière Lyon, Paris et Montpellier).
À l’orée de la saison 2018, l’arrivée de Dominique Carlier suscite la même interrogation que la saison précédente sur la place dévolue à Silke. Il semble qu’initialement, le nouveau coach n’ait pas trop compté sur elle avant de se raviser devant l’évidence de ses qualités. La saison en D1 est difficile, et la fin de saison riche en émotions après la reprise de l’équipe par Rachel Saïdi ne permet malheureusement pas de maintenir le LOSC en D1. Dans cette saison contrastée, le LOSC atteint la finale de coupe de France : Lille s’incline avec les honneurs (1-3) face aux Lyonnaises. À l’origine du but lillois de Sarr, une phase de jeu typique de Silke : récupération à terre et relance vers l’attaquante.
En deuxième division, l’effectif lillois est fortement renouvelé et rajeuni, mais Silke reste et en devient même la doyenne, à 27 ans ! La direction du LOSC comme la joueuse ont semble-t-il trouvé un intérêt réciproque à poursuivre l’aventure : Silke fait ainsi partie des cinq joueuses qui bénéficient d’un contrat fédéral (ils sont alors limités à 5 en D2), ce qui montre bien la considération que lui porte le club, lui facilitant ainsi le quotidien. Rappelons en effet que Silke, qui a une formation de prof de sport, fait quelques petits boulots (notamment des remplacements de profs) avant que le club ne sécurise un peu mieux sa vie professionnelle. Régulièrement capitaine, elle évolue parfois en position plus offensive, comme elle l’avait fait en Belgique. On la retrouve ainsi régulièrement buteuse (le plus souvent du pied gauche), et notamment au stade Bollaert, face à Arras (du pied droit !). La saison est interrompue en mars 2020 au moment où le LOSC avait encore un mince espoir d’accrocher la montée.
Passons sur la saison 2020/2021, au cours de laquelle seuls 5 matches ont été joués. En dépit des légitimes doutes que la situation révèle sur l’intérêt accordé aux footballeuses de deuxième division (pendant que la D1 joue et que d’autres sports masculins et féminins, même à niveau inférieur, jouent), Silke se réengage avec le LOSC en 2021/2022, n°10 dans le dos. Elle marque dès la troisième journée au bout du temps additionnel (encore de la tête !) et est distinguée après le match contre Vendenheim en novembre, après avoir joué son 100e match pour le LOSC. Au terme d’une saison enfin complète en D2, le LOSC ne parvient pas à accrocher la montée. L’heure du départ est arrivée. Avec Silke, c’est la dernière Belge du LOSC qui s’en va.
Photo Marc Van Ceunebroeck/LOSC.fr
La trajectoire de Silke Demeyere se confond ainsi en grande partie avec celle de la section féminine du LOSC, avec ses diverses émotions, positives (le titre de D2 en 2017, la finale de coupe en 2019) et négatives (la des ente en 2019, les non-remontées). Individuellement, elle aura fait profiter le public lillois de sa hargne et, soulignons-le aussi, de ses qualités techniques (geste préférée : le passement de jambe et-je-me-retourne-hop-t’as-rien-vu). Après six saisons, elle est la plus capée du club et est ainsi la Marceau Sommerlynck au féminin : elle a joué 117 matches officiels (dont 109 comme titulaire) : 39 en D1 et 64 en D2 et 14 en coupe. Elle a inscrit 14 buts (1 en D1, 11 en D2, et 3 en coupe), a pris 18 cartons jaunes (et n’a jamais été expulsée !). très régulière dans ses performances, elle reste sur une série impressionnante puisqu’elle n’a pas raté un match depuis novembre 2019 (contre Saint-Etienne, où elle était suspendue). Et si on remonte un peu plus loin, ce match contre l’ASSE est le seul qu’elle a raté depuis décembre 2018 !
Après le match de Nantes en mars, Patrick Robert lui remet le trophée de « joueuse du mois » /Photo DBC
Au-delà de la joueuse, on souhaite aussi souligner qu’on a énormément apprécié la personne, aussi agressive sur un terrain qu’avenante et abordable en dehors. C’est d’ailleurs ce décalage qui contribue à l’apprécier. Heureux Havrais ! Silke : merci pour ce passage au LOSC. On te souhaite toute la réussite dans tes futurs projets !
Grand merci à Marc Van Ceunebroeck pour ses photos, et à Arnaud Mahieu pour ses statistiques.
Le reportage du LOSC à l’occasion du 100e match de Silke :
1 Vandenbergh (en équipe première du LOSC en 1986), Desmet (1986), Van Der Heyden (1998), Mirallas (2004), Hazard (2007), Bruno (2011), Klonaridis (2012), Origi (2013), Guillaume (2015) sont en effet tous attaquants ou milieux offensifs.
En remontant plus loin, Jean Lechantre (belge naturalisé français en 1944) était aussi attaquant. Seul Robert Meuris (1955) était défenseur, mais il avait les deux nationalités, française et belge.
Chez les femmes, Chrystal Lermusiaux (2018) a poursuivi la norme des belges défensives.
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Posté le 25 juin 2022 - par dbclosc
Gourvennec, « l’échec » de qui ?
La saison écoulée du LOSC permet sans doute de davantage mesurer les attentes autour du LOSC que d’émettre une opinion sur le degré de compétence de Jocelyn Gourvennec. Sur un terrain si miné, un autre aurait-il fait beaucoup mieux ?
« Fin de la collaboration entre le LOSC et Jocelyn Gourvennec » : c’est par un communiqué ainsi titré que le LOSC a annoncé qu’il mettait à la porte son entraîneur, seulement 11 mois après son arrivée. L’issue de la « collaboration » ne semblait plus guère faire de doute depuis quelques semaines, au regard de l’absence de communication du club sur le sujet, et notamment après l’annulation de la rencontre Létang/Gouvennec prévue le 23 mai, puis de la circulation de rumeurs précises sur la venue de Paulo Fonseca. Voilà qui met fin à un désamour entre le désormais ancien entraîneur du LOSC et, manifestement, une partie non négligeable du public lillois, qui a manifesté son mécontentement de plus en plus bruyamment après la défaite contre Lens (1-2) en avril, prélude à une fin de saison franchement décevante, en témoigne l’incapacité à produire quelque chose à domicile face aux trois relégués : 0-0 contre Metz, Saint-Etienne et Bordeaux.
Parmi la diversité des opinions émises, ressort une tendance générale qui semble faire consensus : le bilan est moyen en L1, et bon (et même « historique ») en Ligue des Champions. Et, au-delà des résultats, ont été pointés la piètre qualité de jeu, le manque d’animation offensive, ou une communication jugée maladroite. Gourvennec ayant été pointé du doigt durant toute la saison, son départ valide la thèse selon laquelle il serait le responsable du relatif décrochage du LOSC. Autrement dit : il a échoué, il n’a pas été à la hauteur et même, selon certains, il est « incompétent » et serait une « erreur de casting ».
Nous sommes d’accord : globalement, la saison n’a pas été emballante. Cependant, la relation de causalité entre les résultats du LOSC et le travail de Jocelyn Gourvennec nous paraît bien moins directe et simpliste qu’une simple équation : résultats moyens = entraîneur moyen. Tout se passe comme s’il y avait un consensus sur l’idée que les résultats ne seraient que le reflet et la résultante de du travail entre un entraîneur et ses joueurs. Or, si cette dimension n’est évidemment pas négligeable, elle est un élément parmi d’autres à prendre en compte pour tenter d’estimer les qualités de coach de Gourvennec, autrement dit : tenter d’apporter son apport propre, qu’il soit positif ou négatif. Et, avec un peu d’honnêteté, parvenir à satisfaire cette ambition relève davantage de la gageure, et invalide une bonne partie des jugements définitifs portés à son égard à l’issue de son expérience lilloise.
On oublie un peu vite ce pénalty volontairement raté face à Grégory Wimbée
Gourvennec et la frustration relative
Il y a un an, on pouvait anticiper que cette saison serait moyenne, ou en tout cas serait perçue comme telle, avec ou sans Gourvennec. Fin 2020, le changement inattendu de présidence a redéfini le projet du club, à l’aune de moyens plus réalistes (et sans doute plus honnêtes) ; si ce changement n’a pas brisé la dynamique sportive en cours de saison et a permis d’aller jusqu’au titre, on peut faire l’hypothèse que la réplique sportive de cette secousse de « gouvernance » s’est manifestée à l’orée de la saison 2021/2022. En effet, l’été 2021 correspond à la fin d’une période de 3 ans, une durée considérée comme « un cycle », au cours de laquelle, grâce à un groupe relativement stable, il a été possible de bâtir un projet commun. La fin de l’aventure Galtier constitue une rupture autant sportive que symbolique : les succès sont tant associés à sa personne que son départ donne l’illusion de tourner le dos au succès. Sous-entendu : le nouveau président se prive – par manque de compétence, de conviction, d’expérience, ou la faute à un caractère ingérable entre autres explications psychologisantes – d’un entraîneur qui a emmené le LOSC au sommet, pour prendre un entraîneur au palmarès moins prestigieux. Mais c’est là la traduction concrète des moyens du club à cet instant ! L’illusion consiste à croire que tout se joue au niveau de la personnalité des entraîneurs alors que, si l’on regarde de manière plus globale, il se peut que ce ne soit pas le départ d’un homme (Galtier) qui provoque la baisse de régime du LOSC, mais que le départ d’un homme résulte de l’anticipation par celui-ci de la baisse de standing d’un club : c’est bien parce que certains savent qu’ils ne pourront pas aller plus haut qu’ils préfèrent quitter le club à l’apogée de ce qu’ils pourront y faire. Attribuer au départ de Galtier et à l’arrivée de Gourvennec la cause des (relatifs) malheurs du LOSC nous semble donc revenir à inverser cause et conséquence : le départ de Galtier (l’arrivée de Gourvennec) est une conséquence (ou un symptôme) de dynamiques profondes au sein du club. Galtier – dont on sait d’ailleurs pas s’il ne serait pas parti même sans changement de présidence – anticipant une saison moyenne s’en va et s’évite une peu reluisante comparaison. La façon dont il négocie son intersaison tend à confirmer l’hypothèse qu’il supporte mal que son environnement de travail ne soit pas nickel et qu’il est un excellent politique, de ceux qui parviennent à négocier de bonnes conditions de travail avant de donner son accord.
Ainsi, il était presque prévu que le club connaisse une phase de reflux. À tort ou à raison, beaucoup d’observateurs considèrent que Lille a « sur-performé », thèse alimentée par l’idée que des joueurs évoluaient en 2020/2021 « à 110% » (voire plus), et le contraste entre les performances de Burak Yilmaz d’une saison sur l’autre ne permet pas de la contredire. Au-delà de ces théories impossibles à étayer dans un sens ou dans l’autre, on peut davantage soutenir qu’il est déstabilisant pour des joueurs d’être venus à Lille sur la base d’un projet qui, quelques temps après, n’est plus le même et est, de leur point de vue, sans doute moins attractif. Certains sont partis, souhaitant peut-être garder de Lille les images intactes du succès. Ceux qui restent peuvent légitimement avoir du mal à admettre qu’il sera difficile de faire mieux. Les performances sur le terrain peuvent traduire cette adaptation. De la même manière, on peut estimer qu’il y a une forme de décrochage relatif du public, qui doit aussi se remobiliser autour du neuf, croire en de nouvelles personnes, et à un nouveau projet.
Et cette transition est d’autant plus difficile quand elle coïncide avec une période de réussite. En effet, la saison 2020/2021 a été si aboutie, et ponctuée par un titre, qu’il est impossible de faire mieux. À moins de s’appeler le PSG, aucun club français n’a remporté un titre deux fois consécutivement depuis la période de domination lyonnaise sur le football français. La période post-titre, qui s’ouvre symboliquement avec le départ de Galtier et l’arrivée de Gourvennec, succède alors à une période si faste que l’on sait que les émotions qu’elle a procurée seront difficiles à égaler. Dès lors, la frustration et la déception causées par la saison 2020/2021 était écrite d’avance : l’inévitable comparaison entre le passé et le présent ne peut se faire qu’au détriment du présent.
N’oublions cependant pas que, sans le Covid, le LOSC aurait probablement connu quelques départs majeurs dès l’été 2020, notamment de tous ceux en fin de contrat en 2022 (car il y a moins de marges de négociations possibles quand il ne reste qu’un an de contrat, cf Maignan et Soumaré). Le LOSC a finalement obtenu un effectif avec des moyens qu’il n’avait pas, et ça l’a tellement plombé financièrement que le proprio a été viré. C’est donc avec cet effectif improbable que le LOSC est champion : c’est sympa, mais ça peut pas devenir un référentiel. La thèse de l’heureux accident aurait pu s’imposer plus vite dans les esprits pour s’éviter de rêver trop grand.
Ainsi, après une période faste, quand les résultats ne sont pas là, la colère prend rapidement le dessus. Elle se cristallise sur ceux qui, nouvellement arrivés, incarnent le club, et particulièrement l’entraîneur. Tout s’accorde alors pour que le LOSC se retrouve en situation de générer de la frustration relative, un concept ancien de sociologie qui a notamment permis d’analyser les mobilisations collectives et qui part d’un constat a priori contre-intuitif : dans une société donnée, le plus souvent souvent, ce ne sont pas les plus démunis qui se révoltent et s’engagent dans une action collective. La grille d’analyse est assez simple à appréhender : les frustrations relatives désignent un état de tension entre des satisfactions attendues et des satisfactions refusées, ce qui crée des insatisfactions et alimente un potentiel de mécontentement et d’action collective. La frustration, c’est donc un décalage entre ce que des individus se considèrent comme en droit d’attendre et ce qu’ils reçoivent effectivement. La frustration est dite relative car elle n’est pas absolue : on est frustrés relativement à des attentes qui ne se réalisent pas. Après tout, quand on termine 10e, cela signifie que 10 clubs ont fait moins bien : y a-t-il, dans l’absolu, matière à sombrer dans le catastrophisme ? Sans doute pas mais, relativement au statut de club champion en titre, ou même « seulement » de club habitué à l’Europe, c’est moins acceptable. C’est ce qui explique, en partie, que l’entraîneur du LOSC ait été particulièrement ciblé, alors que, à notre connaissance, les entraîneurs de Lorient ou de Brest n’ont pas eu à subir le même traitement même si, dans l’absolu, leur situation est plus compliquée. C’est pourquoi, selon la théorie de la frustration relative, des groupes « privilégiés » peuvent ressentir davantage de « frustrations », et donc être en position de se mobiliser davantage qu’un groupe plus démuni. Ici, c’est bien le titre qui crée des attentes qui, au regard de la situation nouvelle du LOSC, ne peuvent être assumées. La frustration relative se crée dans ce différentiel. En quelque sorte, plus on est haut, plus la chute est douloureuse : quand Létang affirme avoir récupéré un club en faillite, si au lieu d’injecter 50M€ à son arrivée, il décide de vendre, le LOSC n’est probablement pas champions et la perception de chute est moins grande…
Le précédent 2002/2003
Ce que nous avons vécu lors de la saison 2021/2022 présente bon nombre de similitudes avec la saison 2002/2003, et nous en avons abondamment parlé dans cet article : résultats en dents de scie qui deviennent franchement catastrophiques au cours de l’hiver, un jeu insuffisant, un entraîneur (Claude Puel) considéré comme trop discret, un président (Michel Seydoux) qui découvre le métier, semble perdu et a une communication maladroite (notamment sur le projet de « Grand Stade »), un public hostile… Au LOSC, le contraste avec le passé récent était saisissant. Rappeler aujourd’hui que Claude Puel et Michel Seydoux ont été conspués pendant 6 mois à chaque match du LOSC à domicile (avec, en prime, quelques semaines où le mécontentement s’est de nouveau manifesté vers novembre-décembre 2003 après une série de 12 matches sans victoire) peut faire sourire. Comment expliquer que Claude Puel et Michel Seydoux, qui ont amené le LOSC plusieurs fois en Ligue des Champions, et même à un titre national en 2011 – Puel n’y est pas étranger – aient été considérés comme « incompétents » au point que leur démission a été réclamée pendant plusieurs mois ? N’étaient-ils donc pas les mêmes hommes ?
Dans un club sportif s’entremêlent des enjeux humains, sportifs, économiques et politiques. un changement d’hommes ne peut se réduire à un changement d’organigramme, avec des individus interchangeables où les nouveaux arrivés n’auraient qu’à faire fructifier un heureux héritage. Or, à chaud, on regarde souvent les successions, quand elles ne se traduisent pas par une réussite sportive, comme si les nouveaux dirigeants faisaient n’importe quoi du trésor qu’on leur a offert sur un plateau. Or, qu’a-t-il été reproché à l’époque à Michel Seydoux et à Claude Puel ? Bien sûr, d’avoir des résultats moyens, et même mauvais, plus qu’en 2021/2022 : 14e, le LOSC n’a assuré son maintien qu’au soir de la 37e journée. Mais aussi de ne pas avoir su créer d’identité de jeu, d’être allés chercher des joueurs au niveau douteux (Bonnal, Tapia, Fortuné, Campi, Chalmé – sa première année était une catastrophe) tout en ayant « bradé » les « actifs » du club (Cygan, Cheyrou et Bakari), au point qu’on se demandait quel était ce président qui se laissait taper sur les doigts par la mairie (sur la question du futur stade), et si Puel n’avait pas été champion avec Monaco en 2000 que parce qu’il a bénéficié d’un effectif exceptionnel.
Le recul que l’on a désormais sur les années Puel et Seydoux permet de voir la saison 2002/2003 comme une transition, difficile, après une période de réussite. Entre 1999 et 2002, le club a survolé la deuxième division, s’est ensuite placé aux 3e puis 5e places du championnat, a brillamment découvert l’Europe, grâce à une équipe vaillante dont les performances sont inséparables de son charismatique entraîneur, Vahid Halilhodzic. Une période exceptionnelle, tant elle a été faste sportivement, et d’autant plus belle qu’elle succédait à 40 ans de déceptions (on aurait donc ici en sens inverse une maximisation de la satisfaction relative). À des années-lumières de ce qu’il a été dans les années 1990, le LOSC a été attractif, et les politiques et le public sont revenus à Grimonprez-Jooris. Comment rivaliser avec cette période ? Dès lors, la frustration et de la déception causées par la saison 2002/2003 étaient écrites d’avance, aussi car on s’habitue vite à un train de vie plus confortable. Et cela n’a finalement pas grand chose à voir avec les qualités et les défauts de Claude Puel qui, dans ce contexte, ne sont qu’une variable parmi d’autres pour expliquer les résultats du LOSC et leur perception. Quand on connaît la suite, on sait bien que la compétence de Claude Puel n’était pas en cause.
Il est d’ailleurs étonnant que Jocelyn Gourvennec ait vécu, à 19 ans d’intervalle, la même mésaventure que Claude Puel : se prendre une rouste contre son prédécesseur, avec son nouveau club : on se rappelle que le LOSC a pris 0-4 à la maison contre le Nice de Galtier, et Puel avait pris 1-5 chez les Rennes qu’Halilhodzic venait de reprendre, avec des joueurs qui avaient semblé tétanisés d’affronter l’entraîneur qui les avaient menés si haut (on en a parlé ici). Et on se rappelle qu’il avait fallu compter sur l’ingéniosité des organisateurs pour éviter un triomphe à Halilhodzic lors du match retour, alors que le LOSC jouait sa peau. Ces défaites n’ont pu que renforcer le contraste et valider l’évidente apparence d’un entraîneur « compétent » d’un côté, « incompétent » de l’autre.
Au-delà des hommes, c’est donc le contexte qui explique en grande partie des saisons 2002/2003 et 2021/2022 médiocres. Cette grille de lecture ne fonctionne qu’en partie sur la saison 2017/2018 : en effet, une frustration pêut également se faire ressentir entre les paillettes promises par l’arrivée de Bielsa et ce qu’on en a vu mais, à l’inverse, les méthodes de gestion humaine et financière de l’équipe dirigeante font apparaître des stratégies individuelles, volontaires, plus clairement identifiables, et manifestement grossièrement néfastes.
Notre propos est donc de dire que replacer le LOSC à un moment de son histoire et de son développement permet d’avoir une autre grille de lecture des performances sportives. Cela n’exonère pas les dirigeants de leurs responsabilités, mais c’est autre chose. En l’occurrence, on peut aussi tout à fait comprendre qu’il y a une phase de « prise de rôle » pour Michel Seydoux et Olivier Létang, plus ou moins novices, qui les conduisent à quelques maladresses et à devenir le réceptacle des diverses frustrations, mais c’est peut-être l’inévitable prix à payer dans ce genre de configuration.
Quant à Claude Puel – à propos duquel Michel Seydoux a par la suite souligné sa chance de l’avoir eu, reconnaissant à mots couverts que Puel l’avait presque formé – et à Jocelyn Gourvennec, ils subissent eux aussi en partie un lourd héritage et une succession difficile à assumer. Mais il est indéniable que, si l’on en croit les témoignages des joueurs de l’époque et de cette année, même dans la tempête, ils ont su maintenir un équilibre dans le groupe – si l’on excepte l’épisode Ben Arfa – nécessaire à sa survie, et c’est bien dans cette phase complexe où le coach ne peut encore complètement faire passer ses vues et son style qu’ils peuvent faire preuve de leur professionnalisme.
Gourvennec particulièrement mal servi
Au-delà des changements structurels au sein du club, on peut aussi rappeler quelques éléments qui, pour le moins, n’ont pas placé Jocelyn Gourvennec dans une situation favorable.
L’annonce de sa venue a été faite le lundi 5 juillet 2021 : un moment tardif, postérieur à la reprise du groupe professionnel, que Gourvennec a rejoint en stage aux Pays-Bas. Pas vraiment l’idéal pour un premier contact, et une impression de devoir déjà rattraper du temps perdu alors que la saison a à peine commencé. Rappelons que cette nomination tardive est due aux atermoiements autour du départ de Christophe Galtier, que le LOSC ne voulait pas lâcher sans obtenir d’indeminité de transfert, ce qui a retardé toute officialisation. Dans cette affaire, tout et son contraire ont été dits sur l’honnêteté de l’un (Létang) et de l’autre (Galtier), mais l’honnêteté incite à exonérer Gourvennec de toute responsabilité dans cette affaire qui, bien malgré lui, lui a fait manquer son intronisation, comme un prof qui arriverait en retard pour surveiller le DS le plus important de l’année qu’il a préparé à ses élèves.
Gourvennec est aussi « victime », à son corps défendant, des noms ronflants qui ont circulé pour succéder à Galtier, notamment Blanc, Favre et Ranieri. Si toutes les rumeurs n’étaient pas fondées (Ranieri est tout de même venu à Luchin), elles ont là aussi contribué au sentiment de frustration relative évoqué plus haut. Difficile de savoir si ces rumeurs étaient lancées par des agents (probablement), mais l’absence de communication du club pour les taire a eu pour effet de les entretenir voire de les crédibiliser. Et si ces rumeurs ne sont pas fondées, après tout, un club doit-il s’abaisser à les démentir ? Quand on annonce Blanc ou Ranieri et que débarque Gourvennec, on ne peut qu’être surpris, voire déçu, là encore par décalage avec ce à quoi on cru pouvoir prétendre. Et domine le sentiment que Gourvennec est un choix par défaut. Mais, quoi qu’il en soit, Jocelyn Gourvennec n’y est encore pour rien : lui venait avec son parcours qui, pour relativiser ce qui a été dit et écrit, était tout de même loin d’être ridicule. Ce avec quoi l’auteur d’une pétition – vite retirée mais très médiatisée – contre l’arrivée de Gourvennec n’avait pas l’air d’accord. On peut aussi comprendre qu’arriver dans de telles conditions laisse quelque trace.
Le 0-4 concédé contre Nice, dès la deuxième journée, n’a fait qu’ajouter de l’eau au moulin de la thèse de l’erreur de casting. Même si on se désole de cette défaite, affronter si précocement celui qui a fait du LOSC un champion, qui connait par cœur son effectif, qui fait ombrage à son successeur (et probablement même si celui-ci avait été plus « prestigieux »), ne laissait que peu de chances à Lille cet après-midi là. Les similitudes avec le Rennes/Lille de novembre 2002 sont tout de même frappantes, comme si le même phénomène s’était reproduit. Ce « pêché originel » d’août 2021 a été suivi d’une indulgence toujours plus réduite à l’égard du coach lillois, si l’on excepte le parcours en coupe d’Europe et une bonne période en championnat à la fin de l’hiver.
On parlait plus haut de joueurs qui auraient « surperformé » en 2020/2021. À l’inverse, on peut estimer que le LOSC a sous-performé cette saison. Si l’outil ne convainc pas tout le monde, les calculs du LOSC de Gourvennec en expected goals et expected points montrent un net différenciel entre occasions créées et converties tant par les attaquants du LOSC que par les équipes adverses ; le hic, c’est que ce différentiel est largement négatif pour le LOSC, et largement positif pour ses adversaires. Pour le dire autrement : Lille se crée beaucoup d’occasions mais marque relativement peu ; et Lille concède peu d’occasions mais encaisse relativement beaucoup. Si l’on en croit le site de référence, le LOSC « auraît dû » se classer deuxième cette année… Ainsi, cette saison, la qualité des occasions créées n’a pas tant changé que ça, et c’est peut-être en partie grâce Gourvennec qui, déclarant s’inscrire dans les pas de Galtier, a maintenu une forme d’équilibre dans l’équipe. Ce qui a changé, c’est la finition des attaquants, et ça ne peut pas être que de la faute du coach.
Le classement L1 2021/2022 avec calcul des XG et XPTS sur https://understat.com/league/Ligue_1
Enfin, on a reproché à Gourvennec de ne pas savoir donner d’animation offensive au LOSC, en oubliant un peu vite que mis à part la saison 2018/2019 et un automne 2021 de folie, ce point a toujours été un problème avec Galtier !
Que l’on s’entende bien : on ne sait pas si Jocelyn Gourvennec est un bon ou un mauvais entraîneur, et on aimerait avoir les compétences pour prétendre émettre un avis, si tant est qu’on puisse mesurer et objectiver la compétence d’un entraîneur. Mais la décision du LOSC de se séparer de son entraîneur nous paraît pour le moins brutale, et s’inscrit dans la continuité d’une année où tous les maux de l’équipe semblent lui avoir été attribués, comme si on en arrivait à une conclusion largement partagée sans qu’une quelconque démonstration n’ait été faite. Et, dès 2021, il était prévisible qu’on ne puisse pas répondre clairement à cette interrogation au bout d’un an. Le moment que traverse le club semble trop parasité pour que l’on puisse isoler le travail propre de l’entraîneur d’un ensemble de dynamiques sur lesquelles il n’a pas de prise et qui l’empêchent d’imposer son style.
Credit: Getty Images/Romain Perrocheau
On le répète : personne ne peut se satisfaire de la saison écoulée, des résultats obtenus, de l’envie manifestée, du jeu proposé, d’avoir perdu trois derbies, et un entraîneur ne peut être exonéré de toute responsabilité, mais la cristallisation de ces problèmes sur la personne de Jocelyn Gourvennec ne nous paraît pas complètement juste, tant les critères d’évaluation de sa contribution propre sont noyés dans un ensemble de paramètres. Ainsi, nous ressentons un décalage entre d’un côté l’ampleur de la colère, sa cible, et de l’autre la situation réelle, à envisager dans un environnement plus général que la vitrine que sont les résultats du terrain. Dès lors, la responsabilité personnelle de Gourvennec dans les rendements moyens du LOSC en championnat est très complexe à établir. Corollairement, son apport et son mérite sur la belle campagne de Ligue de Champions sont tout autant difficiles à déterminer avec précision. Ce décalage soulève surtout la question du niveau des joueurs en fonction des matches, des compétitions, et de leurs ambitions personnelles. Et on ne les juge pas non plus : souvenous-nous seulement, comme évoqué avant, par qui, avec quel projet et avec quelles valeurs ils ont été recrutés.
En résumé, le départ de Gourvennec – au passage, bien plus élégant que celui de Galtier – en dit moins sur lui-même et sur la saison du LOSC que sur la façon dont il et elle sont perçues relativement, c’est à dire en comparaison de critères qui les relèguent, forcément. Le titre obtenu, la succession de Galtier, l’usure de joueurs au niveau exceptionnel en 2020/2021, le changement de direction et de projet, une arrivée de Gourvennec chaotique et contestée, ont cumulativement suscité des attentes impossibles à satisfaire. Dans une telle configuration, le club aurait-il dû davantage assumer une saison de transition pour réduire le sentiment d’attente et donc, de frustration ? Stratégie inaudible en termes de communication, sans doute, d’autant plus à une période où tout signe de « faiblesse » est réputé faire fuir les investisseurs et, partant, risquerait de mettre le club en péril.
L’an dernier, à pareille époque, on se réjouissait de retrouver une direction saine dans ses méthodes, indépendamment de la question des moyens financiers. Manifestement, cette direction soit considère qu’elle a fait un mauvais choix avec Gourvennec, soit le fait sauter pour orienter la perception d’une saison moyenne vers son entraîneur (les deux hypothèses ne sont pas exclusives l’une de l’autre). Avec ce départ, elle se retrouve désormais potentiellement nue : soit le successeur de Gourvennec fera mieux que lui, et cela confortera les contempteurs du Breton dans leurs convictions ; soit ça se passera moins bien et alors les regards se tourneront inéluctablement vers la responsabilité de la direction, jusque là relativement épargnée, et qui n’a cette fois pas intérêt à placer le nouvel entraîneur sur un siège éjectable, car elle est désormais assise sur le même.
Mais prenons d’ores et déjà les paris : après une saison « moyenne », les critères de perception de la saison à venir ont déjà changé. Cette fois, elle n’a même pas commencé qu’elle semble déjà plus belle !
En résumé, réclamer la démission ou croire en l’incompétence des nouveaux venus après seulement quelques semaines ou quelques mois nous semble mettre de côté les raisons structurelles et collectives qui permettent d’apporter un éclairage sur le décrochage relatif d’un club, qu’on ne peut résumer à l’action d’un homme ou deux. En 2003 comme en 2022.
Posté le 20 juin 2022 - par dbclosc
LOSC/Wasquehal, le derby oublié de l’histoire ?
De 1997 à 2000, le « derby du Nord », c’était Lille/Wasquehal. Les six confrontations entre les deux équipes n’ont pas laissé un impérissable souvenir. Est-ce juste, et quelles pistes d’explications peut-on avancer ?
Bien peu de personnes évoqueraient aujourd’hui avec nostalgie les grandes soirées opposant Wasquehal à Lille. Ce derby appartient cependant bien à l’histoire, dans le sens où il fait partie des événements passés ; et il a été historique en 1997, ne serait-ce que parce qu’il était inédit à ce niveau. Mérite-t-il pour autant que sa mémoire soit cultivée ?
Comme nous l’avons vu dans les articles que nous avons consacrés à chaque confrontation, les matches entre le LOSC et l’ESW n’ont donné lieu à aucun débordement ni à aucune sortie verbale déplacée ; au contraire, dirigeants, joueurs et supporters, dans la victoire comme dans la défaite, semblent avoir constamment exprimé du respect voire de l’admiration pour leurs adversaires, et cela s’est toujours traduit concrètement par des animations d’avant-match festives et colorées. Même le ralliement de l’Entente au RC Lens n’a déclenché aucune animosité dans le camp lillois. Si l’on s’en tient à ces constats, on peut être étonnés que ce qui semble correspondre à l’imagerie traditionnelle des fameuses tout autant qu’éculées « valeurs du Nord » n’ait pas davantage marqué les esprits. Mais n’est-ce pas justement parce que ce derby n’a suscité aucune agressivité qu’il indiffère ? Il est vrai qu’on se rappelle plus volontiers des débordements et des passions qui ont pu entourer l’ambiance d’autres derbies, et on peut remonter loin : derbies « métropolitains » entre Olympique Lillois, US Tourcoing et Racing Club de Roubaix, « terriens » contre « maritimes » ou « mineurs », Olympique Lillois contre Fives dans l’entre-deux-guerres, puis les confrontations, bien entendu, entre Lille et Lens, mais aussi, certaines, parfois houleuses, entre Lille et Boulogne. Si c’était la raison principale du relatif oubli des Lille/Wasquehal, on serait tentés de dire que Lille/Wasquehal n’est pas entré dans l’histoire pour de bien mauvaises raisons. Mais si, à une période où les derbies du Nord se sont raréfiés, l’irruption d’une confrontation inattendue n’a pas suscité d’élan particulier, il faut sans doute en trouver les raisons ailleurs, en élargissant la perspective et en cumulant les explications qui, toutes, mettent finalement en avant une absence de conflictualité qui constitue tout de même un élément essentiel des derbies.
_Six matches pour entrer dans l’histoire, c’est peu. Certes, il suffit parfois d’une action d’éclat (ou d’un but). Mais, entre deux clubs, comme nous l’écrivions, sans passif et sans passé commun, trois saisons n’ont pas suffi à en faire un rendez-vous incontournable, surtout dans un contexte où les identités territoriales se sont amenuisées : ici, pas de concurrences industrielles semblables comme celles de Lille, Roubaix et Tourcoing, « minières » entre Lens, Bully ou Noeux-les-Mines, ou entre « textiles » et « mineurs ». À une époque où est martelée l’idée de la « métropolisation » des territoires (même abstraite dans les faits, le seul fait de l’énoncer peut avoir des effets cognitifs et la faire exister), supporters de Lille et de Wasquehal ont probablement davantage de similitudes que de différences, ou ont intérêt à le croire. Le football ne peut donc pas traduire des différences culturelles marquées.
L’Entente Sportive de Wasquehal au challenge Emile-Olivier le 23 juillet 1998
Photo tirée de l’ouvrage de Gilbert Hocq et Jacques Verhaeghe, Le football nordiste, Nord-Pas-de-Calais et Picardie, Editions Sutton, 2019
_Dans cette lignée « territoriale », si on part du principe que les supporters vivent à proximité du club qu’ils soutiennent, il est probable que les supporters de l’une des équipes soient au moins sympathisants de l’autre. La montée de Wasquehal, en 1997, avait été saluée comme le succès d’une bande de copains travailleurs : la Voix du Nord le rappelait récemment pour le 25e anniversaire de cet événement. Difficile de s’opposer à ce que véhicule cette image. L’Entente, trop proche de son grand voisin, a probablement manqué d’un soutien populaire plus important et clairement distinct de celui porté au LOSC.
_Ce rendez-vous a été d’autant moins incontournable qu’il a souvent donné lieu à des rencontres étriquées, au jeu fermé, au cours desquelles l’événement a souvent été de parvenir à ouvrir le score. Six matches, 11 buts marqués (6 par Lille, 5 par Wasquehal), 3 nuls, deux victoires pour Lille et une pour Wasquehal : tel est le bilan chiffré des confrontations professionnelles entre Lille et Wasquehal. Le LOSC y aura fait preuve d’une remarquable régularité, en marquant systématiquement une fois, pas plus, pas moins, avec 6 buteurs différents (Cygan, Lobé, Koot, Valois, Agasson, Landrin).
_Le derby semble avoir toujours été considéré comme un événement provisoire, dans le sens où le LOSC n’était pas à sa place. Lillois et Wasquehaliens ont toujours affirmé que le LOSC devait évoluer en D1, tandis qu’on croit même percevoir du côté de Wasquehal que le professionnalisme est vécu comme une aventure elle-même provisoire, dont il faut profiter. Entre 1997 et 2000, le LOSC, entre l’agrandissement de son stade, l’apuration de ses dettes et la privatisation, s’est construit un avenir loin des préoccupations wasquehaliennes. En ce sens, il n’y a pas eu de projection faisant de LOSC/ESW un derby qui finirait par devenir un classique. À moyen terme, c’est même le projet métropolitain, et donc le retour d’intérêts communs, qui semble dessiner l’horizon.
_Wasquehal n’a jamais cherché à doubler le LOSC : le LOSC a toujours été considéré comme « le gros », et Wasquehal « le petit ». La présence de l’ESW en D2 a même été qualifiée de « belle anomalie » par la Voix du Nord. Même si cette posture a aussi été entretenue par l’ESW pour se dégager de toute pression, elle était sincère et, de toute façon, assez peu contestable. Autrement dit, en restant sagement à sa place, l’ESW n’a pas froissé son voisin, même après avoir pactisé avec Lens. Ainsi, l’Entente n’a pas pris la place des grands déchus de la région qu’étaient à l’époque Dunkerque, Boulogne, Noeux-les-Mines ou Valenciennes. En avait-elle seulement les moyens ou l’envie ?
_On se rend compte également que les confrontations ont souvent été parasitées par des événements extérieurs qui réduisaient l’importance relative du derby. En l’occurrence, la crise de résultats du LOSC durant les saisons 97/98 et 98/99 a fait passer l’urgence de prendre des points devant la possibilité de vivre un derby. La dimension régionale du match d’août 1998, marqué par l’agression dont a été victime Thierry Froger dans la semaine le précédant, a quant à elle été complètement éclipsée.
Cela semble finalement assez commun a bon nombres d’autres derbies que, probablement, on idéalise. Après tout, la presse rappelle souvent que les derbies sont rarement des grands matches, tout en entretenant la référence à un âge d’or qui, peut-être, n’a pas vraiment existé, et constitue davantage une projection nostalgique de notre rapport au foot.
En définitive, l’apparition et la courte existence d’un nouveau derby n’ont pas modifié grand chose, comme si la relatif désintérêt qu’il a suscité venait confirmer de manière paradoxale que la « vraie » rivalité régionale est désormais avec Lens. Cela montre aussi que la passion autour d’un derby ne se décrète pas par simple proximité géographique, et que la confrontation a d’autant plus de valeur qu’elle s’inscrit dans une histoire et un environnement général qui lui donnent du sens.
Dès lors, cela n’a que ponctuellement perturbé des évolutions de grande ampleur aujourd’hui très visibles, et notamment l’avènement du LOSC comme un club métropolitain, qui a désormais peu d’attaches avec la ville de Lille mais recrute son public dans un bassin assez large. En revanche, cette domination territoriale ne s’est que peu traduite, ou alors ponctuellement, en fonction de la politique sportive du LOSC, par la valorisation de jeunes issus de la région. La récente signature au LOSC d’Issam Rezig apparaît dès lors comme une exception dans les relations entre les deux clubs – même si Wasquehal Foot n’est pas exactement l’ESW – , et on aurait tendance à espérer que cela reste une exception et que le LOSC attire des jeunes locaux avant qu’ils n’atteignent l’âge de 22 ans. Pour l’anecdote, Issam Rezig est né un peu plus de deux mois après la dernière confrontation professionnelle entre Wasquehal et Lille.
Il n’y aura qu’un blog comme celui-ci pour exhumer le souvenir de rencontres qui ne sont pas restées dans les mémoires. Mais finalement, le poser avec ces lignes les fait (un peu) entrer dans l’histoire…
Pour tester ses connaissances sur le derby, on peut s’amuser à répondre à ce quiz que nous avons élaboré.
La série complète :
Lille/Wasquehal, nouveau derby professionnel
1/6 ESW-LOSC (1-1, 8 octobre 1997) : Le LOSC gâche déjà
2/6 LOSC-ESW (1-1, 14 mars 1998) : L’impuissance lilloise
3/6 ESW-LOSC (0-1, 29 août 1998) Un poing puis trois points
4/6 LOSC-ESW (1-1, 12 décembre 1998) : Toujours les mêmes travers
5/6 LOSC-ESW (1-0, 7 septembre 1999) : Le LOSC inarrêtable
6/6 ESW-LOSC (2-1, 5 février 2000) : Wasquehal inscrit son nom au palmarès
Bilan : LOSC/Wasquehal, le derby oublié de l’histoire ?