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Posté le 12 septembre 2024 - par dbclosc
Penauds face aux pénos stéphanois
Deux en mai + deux en août + deux en décembre : l’année civile 1995 a vu le LOSC concéder six pénalties en trois confrontations face à l’AS Saint-Etienne (ASSE). Tout est bon pour entretenir le complot contre le LOSC !
Loi 14 des lois du jeu : « un penalty (coup de pied de réparation) est accordé si un joueur commet une faute passible d’un coup franc direct dans sa propre surface de réparation ou en dehors du terrain dans le cadre du jeu, comme décrit dans les Lois 12 et 13 ». Pour être tiré, « le ballon doit être immobile et positionné sur le point de penalty ». Précision amusante : « un but peut être marqué directement sur penalty ». Le point de pénalty étant situé à 11 mètres du but et tout autre joueur devant être situé à au moins 9,15 mètres du ballon, on comprend que cette sanction a de fortes probabilités de générer un but. Il n’est donc pas recommandé d’en concéder.
Mais on ne sait que trop bien que le complot contre le LOSC passe souvent par Saint-Etienne : en 1989, l’arbitre De Pandis avait quasiment offert une passe décisive aux Stéphanois.
En 1995, complot oblige, le LOSC concède neuf pénalties1, dont six sont sifflés en faveur de Saint-Etienne. Et comme par hasard, sur la même période, le LOSC n’en bénéficie que d’un (Friis-Hansen contre Lens).
Consolation : en dépit de ces six coups de pied de réparation, Lille n’a pas perdu face aux Verts ! Il faut dire que deux d’entre eux n’ont pas été convertis. Et qu’en plus, le LOSC a marqué, ce qui restait à l’époque un petit événement. Retour sur les trois confrontations de 1995.
Saint-Etienne/Lille, mai 1995 (3-3)
Cela fait partie des matches que le LOSC a (presque) renversés : menés 1-3 à la 89e, les Dogues repartent avec un nul miraculeux. Déjà parce que le scénario du match est étonnant ; et ensuite parce que, avant cette 35e journée, le LOSC n’avait marqué que 21 buts, dont… 5 à l’extérieur.
C’est un match de la peur en cette soirée de printemps à Geoffroy-Guichard : 18es (35 points), les Verts reçoivent Lille, 16e (38 points). Après un début de saison très correct (5e au quart du championnat), Sainté est mal en point, notamment après le départ à l’automne de son buteur allemand, Roland Wolfarth, qui avait inscrit 8 buts en 10 matches de championnat. Mais à domicile c’est à peu près correct : 9 victoires, 4 nuls et 4 défaites.
Et le gros problème, c’est que le LOSC est affreux à l’extérieur : en 17 déplacements, il n’a pas gagné et n’a pris que 5 points (soit autant que son nombre de buts marqués, si vous suivez bien). On ne donne donc pas cher de la peau des lillois.
Dès la 7e minute, une défense lilloise en pleine confiance laisse faire un changement d’aile, se laisse dribbler (belle figure esthétique de Leclercq), et laisse Aulanier seul au point de pénalty : 1-0. Avant la pause, Friis-Hansen se fait avoir par un crochet de Camara : pénalty transformé par Laurent Blanc (2-0).
À la 72e, alors qu’entretemps Sibierski a réduit l’écart, Camara passe encore, Friis-Hensen fait de nouveau faute, et Blanc transforme de la même manière (3-1).
Alors que les Verts sont proches à plusieurs reprises de marquer un nouveau but, le scénario du match est extrêmement favorable aux Lillois, avec deux buts aux 89e (Moreau csc) et 93e (Sibierski) minutes. Ils maintiennent donc l’écart avec leur adversaire du soir, avant de se sauver lors de la journée suivante. Saint-Etienne finira 18e mais sera repêché en raison de l’interdiction faite à l’OM de retrouver la D1.
Saint-Etienne/Lille, août 1995 (1-1)
Troisième journée de championnat : après un mercato désastreux, le LOSC construit le pire départ en championnat de son histoire : il faudra en effet attendre la 10e journée pour gagner.
Mais en attendant, malgré déjà deux défaites, on est encore persuadé que Pingel et Simba vont former un duo de choc devant. Notons que Saint-Etienne n’est guère mieux loti avec sa petite pépite brésilienne Cuca (qui marquera tout de même 3 buts).
À la 23e minute, sous les yeux de Pascal Cygan, qui joue son premier match en D1, Hitoto fait faute sur Séchet ; Moravcik transforme (1-0).
70e minute : perte de balle de Friis-Hansen, Carrez accroche le maillot de Cuca : pénalty, bien évidemment. Heureusement, le Brésilien fait une belle passe qui permet à Jean-Claude Nadon d’effectuer son seul arrêt de la saison.
À 10 minutes de la fin, Sibierski égalise, inscrivant au passage son 3e but de la tête en 4 mois sur ce but. Notons au passage la belle intervention de Coupet. Merci Greg, rendez-vous en mai 2011 !
Lille-Saint-Etienne, décembre 1995 (1-1)
Belle affiche à Grimonprez-Jooris entre le 18e et le 15e : Lille, 18e défense, 19e attaque ; Saint-Etienne, 19e défense, 8e attaque (pas mal !). Quelle nullité prendra le dessus sur l’autre ? Eh bien c’est l’attaque lilloise, dès la 6e minute : débordement et centre de Becanovic, intervention-fantôme de Coupet puis de deux arrières, reprise de Boutoille, 1-0 !
Mais 3 minutes plus tard, Leclercq fait faute dans la surface de réparation : pénalty. Moravcik transforme du gauche, puis du droit, l’arbitre ayant fait retirer (1-1).
À la demi-heure, belle obstruction de Cygan sur Thimothée : Moravcik envoie cette fois sur la barre d’Aubry.
Match nul, sauvetage in extremis pour Lille en fin de saison, tandis que les Verts, récompensés pour leur persévérance, sont cette fois autorisés à descendre en D2. Mais nous les retrouverons bien vite.
En effet, comme les Dogues rejoignent les Verts en D2 pour la saison 97/98, c’est l’occasion de vérifier si le complot perdure. Dès la première journée, les deux clubs s’affrontent.
5e minute : débordement de Collot, passe à Duncker dans la surface, qui est bousculé, pénalty !!! Samuel Lobé le transforme et, sans conteste, l’engrenage maléfique est rompu.
Mais 15 minutes plus tard, l’arbitre, M. Léon, revient aux fondamentaux : centre de Guillou vers Lagrange, et devinez quoi…?
Bob Senoussi a raison : mieux vaut en rire. A ce moment là, à la grosse louche, sur les 250 dernières minutes des confrontations entre le LOSC et l’ASSE, les Verts ont obtenu 7 pénalties, soit un toutes les 35 minutes. A l’échelle d’une saison de 34 matches, à ce rythme, une équipe en obtiendrait alors 87 ce qui, sans être impossible, semble nettement improbable, à moins de jouer avec 5 Gervinho devant.
Démonstration est faite : sombre fin de XXe siècle.
N’oublions pas que le complot stéphanois par les pénalties a eu une suite, puisque Lille est éliminé à Saint-Etienne en demi-finale de coupe de la Ligue, aux tirs aux buts, en 2013.
En championnat, il faudra attendre plus de 20 ans pour retrouver trace d’un pénalty stéphanois contre Lille. Mais très perfidement, en ce mois de novembre 2017, c’est Jonathan Bamba qui le transforme ; puis Remy Cabella la saison suivante, en octobre. Ces mauvais coups contraignent ces deux joueurs à arriver au LOSC avec un solde négatif, ce qui peut générer des tensions avec les supporters.
Fort heureusement, Peyrelade (1999), Cabaye (décembre 2007, décembre 2009) puis Eder (mai 2016) ont permis au LOSC d’également marquer sur pénalty contre l’ASSE. Avant, il fallait remonter à Philippe Périlleux pour trouver la trace d’un tel événement (mai 1990).
Vous constaterez donc qu’en 35 ans, le LOSC est dans l’incapacité ne serait-ce que d’égaler ce que Saint-Etienne a fait en quelques mois.
Alors, en 1995, défense à chier ou complot ? Chacun se fera son opinion.
Note :
1 Outre les Stéphanois, Andersson (Caen), N’Doram (Nantes – raté) et Drobjnak (Bastia) ont tiré un pénalty face à Lille.
Toutes les vidéos ont été mises en ligne sur la chaîne Youtube de ASSE Memories (le compte X est ici)
Posté le 7 septembre 2024 - par dbclosc
Ces Diables de Lillois : les Dogues au Heysel en avril 1934
Fait exceptionnel dans la vie de l’Olympique Lillois en avril 1934 : si le champion de France en titre a l’habitude de jouer contre de grandes équipes étrangères, il affronte pour la première fois une sélection nationale. Ce sera celle, voisine, des Diables Rouges de Belgique.
Les liens entre la Belgique et l’Olympique Lillois sont presque aussi anciens que la création du club lui-même : la proximité de la frontière a fait de Lille une ville privilégiée pour que des liens se développent.
Rijsel-sur-Deûle
Avant même que l’OL n’existe, des clubs belges rendent visite au nord de la France ; ayant un temps d’avance dans leur développement, ils sont considérés comme les meilleurs au niveau continental. Ainsi, dès 1898, la première édition du Challenge international du Nord voit s’affronter quelques clubs français, la plupart nordistes (Iris Club Lillois, SC Tourcoing, US Tourcoing, RC Roubaix…) à des clubs étrangers, exclusivement belges (Football Club Brugeois, Daring de Bruxelles, Racing Club de Bruxelles, Léopold Club Bruxelles).
Jusqu’en 1908, ce tournoi annuel – que rejoint l’Olympique Lillois en 1903 – est remporté à 10 reprises par des belges, Union Saint-Gilloise en tête (3 victoires). Pendant un temps, jusqu’en 1913, les clubs nordistes ne peuvent plus jouer de matches internationaux1 : mais les liens demeurent, et Jooris, dont les responsabilités à l’OL vont croissant – il était en effet entre autres boulanger industriel – garde un œil attentif sur ce qui se passe chez les Belges. Ainsi, en 1912, le recrutement – ou plutôt l’enlèvement – d’Alphonse Six, joueur de l’Union Saint-Gilloise, est indéniablement dû à cette proximité. Au-delà de l’aspect purement sportif, l’évolution des clubs nordistes (supportérisme, projets de stade, militantisme pour la reconnaissance du football en tant qu’enjeu d’intérêt social…) s’est faite pour partie par mimétisme avec ce qui se passait en Belgique.
C’est donc grâce à ces liens de voisinage que le football nordiste, juste avant la guerre, s’est affirmé comme un des meilleurs, si ce n’est le meilleur, de France, ce qui a permis à Lille d’accueillir le premier match de l’équipe de France hors de Paris : c’était en janvier 1914… contre la Belgique, évidemment.
Après-guerre, les liens persistent durant un temps mais ont tendance à se raréfier. Surtout, ils n’ont plus leur prestige d’antan. L’émulation suscitée avant-guerre a été brisée par le conflit. Dans les années 1920, les clubs nordistes ne brillent pas dans la seule compétition nationale (la Coupe de France), ce qui rend plus complexe l’organisation de matches contre des Belges qui, eux, semblent retrouver plus rapidement leur niveau. Mais les Nordistes montent en puissance, avec une présence de plus en plus tardive dans la compétition : quart de finale pour l’OL en 1927, 1928, puis 1932, et pour l’Excelsior Roubaix en 1931 ; demi finale pour Dunkerque-Malo en 1929, puis pour le RC Roubaix en 1932.
Le foot ne perd pas le Nord
L’avènement du professionnalisme en France en 1932 correspond donc à un moment où le Nord a en partie comblé le retard subi depuis 15 ans. Lors de cette première saison professionnelle, les trois clubs nordistes (Lille, Fives, E. Roubaix) font rapidement bonne figure. Les confrontations amicales de l’OL contre ce qui est alors considéré comme la crème du foot européen, l’Europe centrale, montrent que le Nord, s’il ne gagne pas, rivalise de nouveau (défaites 2-4 contre Sparta Prague en novembre, 0-1 en février contre First Vienna, 1-2 en avril contre Admira de Vienne, nul 1-1 en janvier contre les Roumains d’Oradea).
Au printemps, le succès de l’OL dans le championnat de France, et le choc E. Roubaix/RC Roubaix en finale de coupe, replacent objectivement le Nord en très bonne place sur la carte footballistique nationale.
En 1933/1934, l’Olympique Lillois confirme ce retour au sommet : le 11 avril 1934, retour en Belgique, mais pour y affronter l’équipe nationale ! Après un nul Nord/Allemagne de l’Ouest en février (3-3), le printemps international a débuté début avril avec un tournoi entre l’OL, Tournai et Malines (à Tournai), Fives/Fribourg le 7, et ont été fixés un Nord/Sunderland fin avril puis un OL/Polgon Lviv (deuxième du championnat de Pologne en 1933) début mai.
A, A’, B… ?
En Belgique, l’Union Saint-Gilloise vient d’enlever son 10e titre national. Ses joueurs sont donc fortement représentés dans l’équipe nationale. Mais celle-ci n’est pas très en forme, la faute à qui ? En partie aux Lillois : trois d’entre eux (les Olympiens Défossé et Vandooren, le Fivois Libérati), membres de l’équipe de France, sont venus gagner à Bruxelles en janvier. En février, les Belges ont obtenu un pénible nul (4-4) à Dublin, face à l’équipe de l’Etat libre d’Irlande, en éliminatoire de la coupe du monde. Puis en mars, en amical, les Diables ont perdu 9-3 chez leurs voisins néerlandais. Autant dire que, face à une équipe qui n’est pas une sélection nationale, on attend des Belges qu’ils gagnent et rassurent un peu avant de jouer la coupe du monde en Italie.
Pour l’OL, affronter une sélection est une première. Du côté belge, même s’il s’agit d’un match de l’équipe nationale, ce match n’a pas de caractère officiel : c’est une rencontre amicale hors-calendrier et hors-agenda, qui ne figure pas dans le palmarès de l’équipe des Diables Rouges. Celle-ci s’autorise quelques rencontres officieuses contre des équipes de niveau national.
À vrai dire, il y a un doute sur le statut de cette équipe belge : il existe une équipe A’ depuis 1924, mais les coupures de presse relatives à ce match n’en font pas mention. Le Grand Echo rapporte que le seul club qui a battu les Diables est Sochaux, en 1930. Rencontre non comptabilisée officiellement mais jamais présentée comme ayant été celle d’une équipe « B »… A priori, c’est donc bien l’équipe A des Diables Rouges que l’OL affronte, d’autant que les joueurs sélectionnés sont à peu près les mêmes que lors du précédent match officiel, et que lors du suivant (officiel).
Ce match est organisé à l’occasion de l’annuelle Marche de l’Armée, ce qui peut aussi constituer un gage de solennité de l’événement, qui justifie qu’on aligne son équipe première.
Il sera précédé d’autres festivités, notamment, une course, un match de basket et un autre de volley. La fête sera présidée par un représentant du Roi des Belges (le général du Roy de Blicquy). Celui-ci, depuis deux mois, s’appelle Léopold III, tout juste intronisé après que son père, Albert Ier, est parvenu à avoir un accident d’alpinisme au Plat pays.
Des Dogues déforcés
Les Dogues viennent de se faire sortir de la coupe de France au stade des demi-finales, contre Sète (à Colombes). Dans l’autre demi-finale, le RC Roubaix (D2, finaliste la saison précédente) a été éliminé par Marseille. L’espoir d’une deuxième finale nordiste consécutive s’envole.
Vandooren face à un attaquant Sétois (Miroir des Sports)
En championnat, l’OL est encore bien placé car, à 4 journées de la fin, il n’est qu’à deux points du leader sétois. Mais le championnat est très serré et Marseille, Fives, Antibes et même l’Excelsior Roubaix sont dans la course au titre.
Au niveau de l’effectif, Delannoy est absent. En effet, il est dans une période militaire et n’a pas obtenu de permission de ses chefs. C’est donc l’Autrichien Windner qui joue avant-centre. Vandooren et Winckelmans se sont blessés lors du précédent match à Sète (demi-finale de coupe de France) et ne pourront pas non plus tenir leur place. Ils sont remplacés par Théry et Laurent. Quant à Simonyi, il est momentanément mis à pied pour « manque d’activité » à Sète. McGowan, lui, est laissé au repos à l’issue d’une « éprouvante saison ». Voilà donc l’OL fort diminué, d’autnat que son entraîneur, le Belge Robert De Veen, confie à la Dernière Heure que ses joueurs viennent « sans enthousiasme ».
Le match est prévu à 20h00 ; le Grand Echo du Nord indique que les Lillois se mettent en route à 13h, et que « de nombreuses voitures automobiles et quelques autocars transporteront joueurs, dirigeants et supporters vers la capitale belge ». Une chose est donc sûre : aucun de ces Lillois n’est responsable de la disparition du panneau des « Juges intègres » des frères Van Eyck, qui a été volé dans la nuit du 10 au 11 avril dans la cathédrale de Gand. À ce jour, on ne l’a toujours pas retrouvé.
Voici la composition lilloise :
Défossé ;
Beaucourt (cap.), Théry ;
Meurisse, McGowan, Delassus ;
Decottignies, Lutterlock, Windner, Laurent, Béranger.
L’équipe proposée par le Comité Belge de Sélection :
Badjou (Daring Bruxelles) ;
Pappaert et Smellinckx (Union Saint-Gilloise) ;
Peeraer (Antwerp), Welkenhuysen et Claessens (Union Saint-Gilloise) ;
Versyp (FC Bruges), Voorhoof (Lierse), Lamoot (Daring Bruxelles), Vanden Eynde et Van Caelenberg (Union Saint-Gilloise), Van Beeck (Antwerp)
L’arbitre est néerlandais.
Et la lumière fût (de bière)
Au coup d’envoi, la nuit tombe. Mais pas de panique ! Ce match se joue en nocturne, une innovation depuis le début des années 1930 dans les stades les plus modernes. Si l’on en croit les premiers compte-rendu, la lumière artificielle nécessiterait un temps d’adaptation, dès lors favorable aux Belges. Ainsi, en 1932, le Sparta Prague, avant de passer par Lille, avait aussi joué au Heysel et ses joueurs s’étaient plaints de la lumière.
Or, selon le Grand Echo, « le football aux lumières ne semble pas particulièrement familier aux Lillois » : en effet, le début du match est brouillon, et le Soir note même un « jeu assez incohérent » de la part des Dogues. Le ciel s’assombrit un peu plus quand, à la 9e minute,Vanden Eynde trouve Van Beeck, qui remise vers Lamoot, qui crochète et conclut (1-0). Quelques instants après, une combinaison Versyp/Van Caelenberg aboutit encore (2-0 , 13e). « On put croire que les Français allaient au devant d’un écrasement » note le Grand Echo. Lille ne se montre guère dangereux, mais son gardien veille : « un « save » de Défossé est très applaudi » (Le Soir).
Juste avant la pause, les Lillois reviennent après une erreur de Classens dont profite Windner (2-1, 41e). On en reste là jusqu’à la pause.
Dès la reprise, Windener marque de nouveau, mais le but est justement refusé pour un hors-jeu. Ce n’est que partie remise pour les Dogues qui, après un centre de Béranger, égalisent par Decottignies (2-2, 61e).
Le Lillois Decottignies (à gauche), en janvier contre Sochaux (Miroir des Sports)
La Belgique prend alors le jeu à son compte. Défossé repousse quelques assauts, puis est sauvé par sa transversale (64e). Mais une minute plus tard, Van Beeck trouve Vandern Eynde, qui conclut du gauche (3-2, 65e). Limités, les Dogues cèdent de nouveau après un cafouillage dont profite Van Caelenberg (4-2, 79e).
On croit alors le match plié, mais Laurent surprend tout le monde en crochetant puis en frappant de loin (4-3, 86e). Les dernières minutes sont marquées par quelques cafouillages devant le but belge, et il s’en faut de peu pour que Badjou n’aille chercher le ballon au fond de ses filets une quatrième fois, ce qui pour un Belge équivaut à une fois + une fois + une fois + une fois. Les Belges s’imposent 4-3.
Les deux équipes en avril 1934 (La Dernière Heure)
Les presses nordiste et belge s’accordent : pour la première, « le jeu ne fut guère de grande classe », « rares furent les instants où il dépassa une honnête moyenne » ; pour la seconde, « ce n’est que par instants que la rencontre a été intéressante » (La Dernière Heure). Selon elle, l’OL « n’a pas laissé l’impression d’une forte équipe », est « bon en technique mais lent en exécution », mais a de solides circonstances atténuantes en raison des nombreuses absences dans son effectif.
Ainsi s’achève la première opposition entre l’OL et une sélection nationale. Dans les jours qui suivent, les Lillois s’inclinent de nouveau face à Sète, cette fois en championnat (0-1). Les Dogues finiront quatrièmes du championnat, à seulement deux points de Sète, et derrière le Sporting Club de Fives (deuxième).
Un « match-revanche » est mis en place en mai 1935. Cette fois, il est parfois fait mention de l’équipe « B » des Diables, sans que ce ne soit très clair. Au stade Victor-Boucquey, Dogues et Diables se séparent sur un 2-2.
Après-guerre, en 1946, le LOSC se rendra à Saint-Gilles pour y affronter, très explicitement cette fois, l’équipe « B » de Belgique.
Note :
1 A cette époque, il existe plusieurs fédérations de football sur le territoire national. L’OL appartient à l’USFSA – Union des Sociétés Sportives de Sports Athlétiques – et c’est cette fédération qui représente la France auprès de la FIFA. Son représentant est d’ailleurs André Billy, le président de l’Olympique Lillois. Or, en 1908, Billy, défenseur de l’amateurisme, croit pouvoir faire un putsch auprès de la FIFA, défenseure d’une professionnalisation. En démissionnant , il pense emporter avec lui de nombreux soutiens étrangers. Sauf que pas grand monde ne le suit, et l’USFSA est exclue de la FIFA. C’est une autre fédération qui représente alors la France. Concrètement, cela interdit désormais à l’USFSA d’organiser des rencontres internationales.
Posté le 14 juillet 2024 - par dbclosc
Adresse à M. Macron : pour un gouvernement de Dogues !
Face à la situation institutionnelle française après les récentes élections, l’Elysée décrète une situation de blocage qu’il a provoquée parce que sinon-c’est-la-gauche-qui-passe. Que faire alors ?
M. Macron, en ce jour de fête nationale, Drogue, Bière et Complot contre le LOSC vous offre un gouvernement sur un plateau !
Et puisque certaines rumeurs envoient Marine Tondelier à Matignon, une réaction s’impose : il est en effet inconcevable d’imaginer une supportrice lensoise gouverner le pays. Pourquoi ne supporte-t-elle pas les Verts ? Quelle incohérence ! Et on s’étonne que le pays aille mal.
Que les constitutionnalistes intégristes – et ils sont nombreux – ne nous en veuillent pas : on sait qu’en théorie, il revient au Premier Ministre de composer le gouvernement, mais la pratique est un peu différente, et avec Macron, bon.
Ça veut contourner tout le monde par la droite, mais le ballon se retrouve à gauche,
gros malin
Nous avons déjà évoqué dans quelle mesure le LOSC peut influencer la vie politique, comment losciser la vie, et nous avions donné quelques consignes de vote en 2017. En reprenant quelques-unes de ces idées et en nous adaptant à la situation actuelle, voici nos propositions, qui répondent à la demande d’un gouvernement d’union.
Ce gouvernement n’est pas paritaire, et pour cause : au LOSC, on n’aime pas les scores de parité, on gagne !
En guise de pièce à conviction supplémentaire quant à son attractivité, nous verrons en fin d’article que notre gouvernement, avec quelques-uns de ses membres les plus éminents, peut facilement évoluer dans un audacieux 4-3-3, preuve indéniable que nous présentons des politiques de terrain.
Premier.e Ministre : Aubry
C’est une grande innovation avec un Premier Ministre de genre neutre, à une époque où il suffit d’aller en mairie pour changer de sexe, comme l’énonçait fort justement un chroniqueur de Cnews (ou le président de la République, on ne sait plus).
En réalité, notre Premier.e Ministre est un binôme : il s’agit de Martine Aubry, maire de Lille, supportrice du LOSC ; et de Jean-Marie Aubry, gardien du but des Dogues entre 1995 et 1998.
D’après notre consultante, Ingrid Maucroizet, cette alliance assure à la France une « bonne connaissance des dossiers« , ainsi que l’assurance d’une maison bien gardée, à l’image d’une cage de but inviolée.
« J’ai décidé de dissoudre le RC Lens »
Ce duo pose une orientation gouvernementale plutôt à gauche, vu que Jean-Marie Aubry était gaucher.
La nomination de l’ancien keeper losciste est aussi une astuce vis-à-vis des sympathisants du RN, dont il existe une forte concentration du côté du bassin minier : si on leur dit « Jean-Marie est Premier Ministre », ils ne chercheront pas plus loin que le bout de leur nez et seront contents.
Poste sur le terrain pour Jean-Marie Aubry : gardien.
Ministre de la Jeunesse et des Sports : André Santini
Nous suggérons de confier ce portefeuille à Dédé car il est le plus vieux (83 ans) et probablement le moins sportif de notre gouvernement ; or, en tant qu’amateurs de football, et particulièrement du pénalty, nous aimons prendre le public à contre-pied.
André Santini présente en outre l’avantage d’avoir un patronyme composé du nom de deux joueurs du LOSC : Benjamin André et Didier Santini.
Ministre de l’alimentation : Jean-François Copé
Profitant des récentes élections pour ressortir sa trombine que tout le monde avait oubliée à la télé, Jean-François « pain au chocolat » Copé s’est refait une santé médiatique.
Sa nomination constituerait un clin d’œil évident à Alain Copé, losciste de 1970 à 1972.
Plus précisément, M. Copé serait spécialisé dans la récupération, étape indispensable après l’effort sportif. Diététique, soins du corps, gestion du stress : notre récupérateur politique professionnel fera un excellent ministre récupérateur.
Poste sur le terrain : récupérateur.
Ce ministère est complété par un secrétariat d’Etat à la gastronomie au feu de bois, dirigé par Kévin Malcuit, un délégué à la cuisine asiatique, Neném, et un préposé au beurre, descendant de Jean Baratte.
Adick Koot et Jean Debuf renforceront cette équipe pour former le prometteur duo Koot-Debuf qui a déjà fait ses preuves sur le sujet.
« Messieurs les secrétaires d’Etat, je Neném pas, cette Koot-Debuf est vraiment mal cuite ! »
Ministre de la guerre : Anne-Sophie Roquette
« Si tu veux la paix, fais gaffe à ton cul » disait le philosophe. Puisque que le monde part en cacahuète, nous devons être armés. Mme Roquette sera particulièrement en charge de l’Ukraine et de Gaza.
À ses côtés, le secrétaire d’Etat Michel Bastos étudiera les possibilités d’envahir la Russie.
Poste d’Anne-Sophie : milieu explosive.
Ministre de la Défense : Pascal Cygan
Infranchissable !
Poste : défenseur central.
Ministre de la culture : Jonathan Ikoné
Il connait tout.
Le ministère de la culture étant situé rue de Valois, n’oublions pas que nul n’est censé ignorer Valois : Jean-Louis Valois sera secrétaire d’Etat aux noms de rue.
Manon Guitard et Jonathan Bamba assureront l’organisation annuelle de la fête de la musique.
Ministre du logement : Caroline La Villa
Elle travaille déjà sur le chantier du 8e stade « à domicile » du LOSC, au stade du « Henno » en août 2024.
Elle sera associée à Jonathan Delaplace, secrétaire d’État à l’aménagement urbain.
Ministres de l’économie : Marc-Antoine Fortuné et Louis Bourgeois
Notez que nous ressuscitons les morts.
Dans une économie mise à mal par Bruno Le Maire, et dans un contexte de crise de l’Etat-providence, Gérard Lopez sera intégré à ce ministère en tant que secrétaire d’Etat au déficit. Actuellement retenu à Bordeaux où il fait preuve de toute sa maestria, il faudra le convaincre de se lancer dans un nouveau challenge déficitaire.
Poste de Gérard Lopez : dans la défense-passoire.
Ministre de la solidarité et des personnes âgées : Pépé
Dans le sillage de Claude Papi et de Mémé Jacquet.
Poste sur le terrain : pas très offensif.
Ministres des cultes : Eric Decroix, Jonathan David, Slavo Muslin
Pour une cohabitation pacifique entre catholiques, juifs et musulmans.
Dans les premiers jours de la formation du gouvernement, un hommage sera rendu à Jules Bigot.
Ministres des anciens combattants : Lucas Chevalier et Mattéo Makhabe
Matteo Makhabe présente sans doute le profil idéal pour rendre l’hommage qu’ils méritent à ceux qui sont morts pour la France. Lucas Chevalier développera pour sa part une politique tournée vers les très anciens combattants.
Ministre de l’éducation sexuelle : Morgane Nicoli.
Parce qu’il faut commencer gentiment. Roger Boli lui sera associé et aura la responsabilité de l’équipement sur ces questions d’éducation sexuelle.
Rôle sur le terrain : force de pénétration (des défenses adverses)
Ministre de l’inaction climatique : Michaël Frey
Le grand Suisse sera assisté par quatre secrétaires d’Etat : au réchauffement climatique (Claude Fichaux) ; au soleil (Gérard Soler) ; à la crème solaire « écran total » (Pelé) ; pour lutter contre les problèmes de sécheresse qui s’aggravent, qui de mieux que Junior Tallo comme secrétaire d’État aux nappes phréatiques et aux zones aquifères ?
Ministre du droit des femmes : Amadou Onana
Il travaillera en étroite collaboration avec le ministère de l’inaction climatique car « y a du soleil et Onana » (darladidadada)
Le cabinet promouvra Pascal Françoise au poste de secrétaire d’Etat aux prénoms féminins ; quant à Pierre-Alain Frau (« Madame » en allemand), sa mission consistera à s’occuper de sa cousine Germaine.
Un axe franco-allemand renforcé grâce à « Pierre-Alain Frau Merkel »
Ministre de l’identité nationale : Marine Ducoin
Un nom bien de chez nous.
Poste : extrême-ailière droite
Ministres du tourisme : Jean-Paul Delemer, Jacky Montagne, Marcel Campagnac
Delemer, natif de Lambersart, est déjà surnommé « Delemer du Nord » par la presse satirique.
Jacky Montagne sera particulièrement attentif à l’équipement des randonneurs, comme en témoigne son leitmotiv : « tout schuss du combien ? »
Quant à Marcel, il est l’assurance d’une belle campagne (électorale).
Ministre de la cause animale : Bernard Lama
Notre ancien gardien de but sera à n’en pas douter un excellent défenseur des Camélidés, mais aussi des félins, en souvenir de son surnom. Son directeur de cabinet, Martin Terrier, s’occupera de la faune des forêts tandis qu’Hervé Renard sera en charge des espèces femelles. Marc Devaux, finalement écarté, rumine dans son coin (coin).
Poste d’Hervé Renard : Renard des surfaces.
Ministre de la Fahmi : Abdelilah Fahmi
On évitera les blagues racistes sur le regroupement familial.
Ministres de la pêche : Bernard Gardon et Laurent Pichon
Pour les assister, Olivier Létang s’occupera de l’aménagement des plans d’eau, et Jean-Louis Thétard de la qualité de l’eau.
Ministre de la santé : André Strappe
Allez, un strap et c’est reparti !
À ses côtés, Noémie Mouchon sera promue à l’Observatoire de lutte contre le rhume.
Poste de Noémie Mouchon : dans un couloir pour enrhumer ses adversaires
Ministre de l’éducation nationale : Robert Lemaître
Nous restaurerons l’autorité des instituteurs et revaloriserons leur salaire.
De gros moyens seront mis sur l’apprentissage des mathématiques dès l’école primaire, grâce au concours des secrétaires d’Etat Johnny Ecker (géométrie), Cédric Carrez et Roger Carré (tracé des carrés), Younousse Sankharé (ronds et triangles) Alphonse Six (calcul mental), et Bernard Lecomte (calcul des budgets et stratégie comptable à long terme).
L’étude des textes littéraires sera confiée à Jean II Makoun, qui porte le même prénom que La Fontaine.
Younousse Sankharé/Younousse avec un carré
Ministres des parfums : Lorena Azzaro et Julie Rabanne
On ne sait pas encore bien à quoi servira ce ministère, mais un argumentaire sera prêt pour la déclaration de politique générale. Nous envisageons une collaboration avec Gérard Lopez (voir plus haut) pour vérifier si l’argent qui sort du LOSC n’a pas d’odeur.
Ministre de la bonne humeur : Roger Hitoto
Blagues d’Hitoto à volonté !
Exemple : pourquoi Toto le Lensois se rend chez le coiffeur ? Pour enfin avoir une coupe !
Roger se retient de pouffer de rire
Porte-parole du gouvernement : Penjamin Bavard
Poste sur le terrain : second poteau.
Notre gouvernement de terrain :
On remarque aisément que tous les pans de la société sont représentés et que certaines valeurs-clé sont mises en avant : défense, autorité, animaux, sexualité, féminisme, santé, personnes âgées, finance, communication : c’est la preuve d’un gouvernement résolument offensif, qui quadrillera parfaitement le terrain. Couloir droit, couloir gauche, chacun y trouvera son compte et, en cas d’offensive adverse, notre récupérateur saura toujours trouver une solution, fût-elle contre l’esprit des institutions.
M. Macron, le destin de la France est entre vos pieds.
Vive la République et, surtout, vive le LOSC !
Posté le 25 juin 2024 - par dbclosc
Lille a gagné, Po(i)lonais !
En prélude à la saison 1983/1984, le LOSC remporte le septième tournoi du Stadium Nord, en battant en finale le RC Lens. Pour se hisser en finale, il fallu battre une sélection nationale : celle de la Pologne. Mais ces quelques coups d’éclat ne modifient pas grand chose à la morosité générale qui entoure le club.
Après sa crise du printemps 1983, le LOSC entend repartir sur de meilleures bases. Cependant, cet épisode a laissé des traces : aucun des joueurs en fin de contrat n’a souhaité rester au club. En dépit de l’aide substantielle de la mairie, il reste difficile d’attirer les grands talents espérés pour parvenir à l’objectif d’un « LOSC européen », énoncé par Pierre Mauroy quelques semaines auparavant. Dès lors il faudra s’appuyer sur le travail du centre de formation, l’une des rares satisfactions du club, depuis son ouverture en 1978. Froger, P. Guion, Prissette, les frères Plancque, R. Garcia, Meudic, Mottet : ces joueurs formés ou lancés en D1 au LOSC ont de quoi satisfaire Jean Parisseaux, le directeur du centre. Au cours de l’intersaison, Froger est ainsi désigné par Hervé Leroy, de la Voix du Nord, comme le « gamin qui monte » (sauf en 1998).
Autre éclaircie : début juin, alors même que la saison n’était pas terminé, le LOSC a trouvé l’« attaquant étranger » qu’il cherchait : c’est le Yougoslave Dusan Savic, 28 ans, arrivé de Gijon. Il est pourtant le deuxième buteur du championnat yougoslave 1982/1983 avec 13 buts marqués. Mais il a rejoint l’Espagne en décembre, c’est-à-dire qu’il a mis ses 13 buts en quelques semaines ! Malheureusement, il dit ne pas s’être adapté à la vie espagnole. De plus, il avait envie de vivre en France : c’est peut-être aussi parce que son épouse, Marina, est professeure d’italien et de français.
Pour la reprise le 26 juin, le LOSC s’entraîne à Grimonprez-Jooris : il faut dire qu’il ne dispose pas de terrain d’entraînement digne de ce nom… Neuf nouveaux Dogues sont présents. De gauche à droite : Matrisciano, Robin, Thomas, Savic, Vandeputte, Bureau, Carré, Ricort et Denis.
Après quelques jours au rythme de trois entraînements par semaine, Arnaud Dos Santos montre une certaine satisfaction : « depuis la reprise, j’ai moi-même été surpris de la farouche volonté des joueurs. Tout le monde s’est remis à la tâche avec entrain. L’espace d’une semaine, nous n’avons pas chômé ». Avec son nouveau capitaine, Didier Christophe, le LOSC traduit ces bonnes dispositions par une première victoire en match amical, contre Roubaix (2-1). D’une frappe de 30 mètres en fin de match, Savic est déjà buteur.
La première composition 1983/1984 :
S. Plancque, Christophe, Denis, Péan, Froger, Mottet
Bureau, Savic, P. Guion, Robin, Ricort
Le clou de la préparation est le Tournoi du Stadium Nord ou Tournoi de la CUDL. Pour sa septième édition, ses participants sont : le LOSC (pour la cinquième fois), Lens (pour la troisième fois) l’Antwerp et, pour la première fois, une équipe nationale : la Pologne.
Sur le papier, l’équipe polonaise a fière allure : troisième du dernier mondial, elle y a sorti la Belgique avant de perdre face à l’Italie, puis de battre le France dans le match de classement. Le pays se place aussi dans le football européen en plaçant le Widzew de Lodz en demi finale de Coupe des Clubs champions en 1983, tandis que Zbigniew Boniek évolue à la Juventus de Turin. Dirigée par Antoni Piechniczek, la sélection ne confirme toutefois pas son beau parcours en coupe du monde. Dans la phase qualificative pour l’Euro 1984, sa qualification est déjà fortement compromise après deux défaites face au Portugal et deux nuls contre la Finlande puis en Union soviétique. L’ambition de sa sélection est dès lors de préparer, déjà, la coupe du monde 1986, avec un effectif dont la moyenne d’âge est de 22 ans. La fédération a alors décidé d’envoyer sa sélection faire une petite tournée européenne qui, après être passée par l’Allemagne de l’Ouest, l’Espagne, Sochaux et Vichy, s’achève dans le nord de la France. Voilà de quoi divertir un peu une population polonaise en « état de siège » depuis décembre 1981, au motif que l’opposition n’est pas d’accord avec le gouvernement.
À Villeneuve d’Ascq, les Polonais sont privés de deux de leurs vedettes : Boniek, qui a besoin de souffler après une saison éprouvante à Turin ; et Smolarek, qui s’est cassé la clavicule.
Le tournoi se joue sur deux journées, les 7 et 12 juillet. Voici quelques éléments de règlement :
_Il y aura 4 matches : deux demi-finales, une « petite » finale (entre les deux vaincus des demi-finales) et une finale (entre les deux vainqueurs…)
_Les affiches sont fixées par tirage au sort (et par des punaises) : en demi-finale, c’est obligatoirement un club français contre une équipe étrangère (Lille et Lens sont donc dans le même chapeau).
_Durant un match, on peut effectuer 3 remplacements + 1 (gardien de but).
_Un joueur exclu ne peut pas être remplacé
_En cas d’égalité : tirs aux buts. Pour la grande finale, c’est prolongation + tirs aux buts.
Le tirage au sort désigne les deux matches suivants : Lens/Antwerp et Lille/Pologne. Ça ne satisfait pas grand monde car, selon la Voix du Nord, la Pologne semble favorite et le LOSC n’a « peut-être pas tiré le bon numéro ».
Quant aux Lensois, ils auraient bien aimé affronter les Polonais, en raison des liens qui unissent le bassin minier et l’immigration polonaise, et qui s’est traduite par une sur-représentation des Polonais parmi les joueurs étrangers du RC Lens (Eugeniusz Faber, Ryszard Grzegorczyk, Henryk Maculewicz, Joachim Marx, Louis Polonia…), en plus de ceux ayant une ascendance polonaise (Stanislas Golinski, Jean Levandowski, Léon Gorczewski, Robert Budzynski, les Mankowski…), tradition toujours en cours. D’ailleurs, Janusz Kupcewicz, présent dans la sélection polonaise au Tournoi, a failli signer à Lens en 1982. Le RC Lens 1983 compte encore deux Polonais dans son effectif : Roman Ogaza et Miroslav Tlokinski, ainsi qu’Arnold Sowinski dans son staff. En outre, l’équipe de Pologne est prise en charge par un certain M. Gorski, habituel transporteur du RCL, dans deux fourgons « Sang & Or ».
Si l’on ajoute à cette liste le fameux Pistedeski, de Noeux-les-Mines, on comprend que les liens entre la région lensoise et la Pologne furent bienvenus. Peut-être que les deux équipes se retrouveront en finale ?
En attendant, l’entraîneur lensois, Gérard Houillier, se réjouit de participer à un tournoi « proche du niveau du championnat ». Son équipe est prête après un stage au Touquet, logeant dans un hôtel où il souligne qu’on est toujours « bien reçu », et la nourriture est « excellente ». Qu’on en juge : les Sang & Or ont eu droit à « des crudités, une escalope aux champignons et une tarte maison ».
Le public lillois, lui, ne fait que peu de cas des Polonais : « c’est un peu notre tournoi » déclare Dos Santos, qui aimerait réaliser « un truc » (probablement le gagner. Le LOSC l’a déjà fait en 1980 et 1981). Avant le match, il craint le mauvais départ : « j’aimerais être plus vieux de deux heures. Certes, il ne s’agit que d’un tournoi amical mais si nous prenons un carton – il faut bien l’envisager compte tenu de la valeur de l’adversaire – je crains de fâcheuses répercussions sur le moral des troupes ».
Au LOSC, il y a deux absents pour le match contre la Pologne : Péan et Gousset sont retenus au bataillon de Joinville. Kourichi est transférable, alors se pose une question sur la défense centrale qui sera alignée. Or, les dirigeants lillois semblent avoir une petite idée : selon la Voix du Nord, on voit apparaître sur leurs visages un « sourire énigmatique » quand la question leur est posée.
Le Tournoi débute le 7 juillet à 19h avec LOSC/Pologne. Environ 10 000 spectateurs sont présents. Une partie d’entre eux est probablement arrivée par le métro, fonctionnel entre République et 4 Cantons depuis le mois de mai.
Après que les supporters ont pu se procurer le poster couleur de Lille et Lens pour la modique somme de 10 francs, le mystère de la défense centrale est levé avec la présence d’un « superbe d’atlhète d’un mètre quatre-vingt-neuf en provenance de Split », qui était présent la veille à l’entraînement. Il se nomme Boro Primorac, est Yougoslave, et serait arrivé au LOSC par l’entremise de Savic, ainsi que grâce à l’aide de Muslin et d’Olarevic. À l’essai, il sera aligné avec Thierry Froger en défense centrale. Voici les compositions :
Lille :
Mottet ;
Denis, Primorac, Froger, Thomas ;
Christophe, S. Plancque, Ricort, Guion ;
Savic, Bureau.
Pologne :
Mlynarczyk ;
Gunia ; Wojcicki, Dolny, Jalocha ;
Buncol, Kupcewicz, Krol, Palasz ;
Okonski, Iwan.
Sur le terrain, le LOSC fait bonne impression : dans le premier quart d’heure, une frappe de Guion frôle la lucarne, mais les Polonais répliquent avec Palasz qui manque le but d’un rien. Le jeu se dilue ensuite en milieu de terrain ; quelques occasions ponctuent la première période, comme une frappe de Jalocha dans le petit filet (30e), un tir à côté de Guion (41e), ou une bonne balle gâchée par Okoski. Tuile pour les Polonais : Gunia et Bancol sont sortis blessés.
Crédits photo : Photo Narodowiec/J-Pierre Krzyzanowski.
Merci à Arnaud Mahieu pour la transmission !
La seconde période est bien moins emballante, en dépit d’une occasion précoce d’Okonski, qui butte sur Mottet après une grosse erreur défensive (48e). Christophe réplique avec deux tirs non cadrés aux alentours de l’heure de jeu. Il faut attendre la fin de match pour trouver l’ouverture : ouverture de Christophe pour Savic ; croyant au hors-jeu, la défense hésite, et le nouvel avant-centre lillois lobe tranquillement le gardien (82e ). « Quelle décontraction dans ce geste ! » note la Voix du Nord. La fin de match, avec des Polonais sur les rotules, est très tranquille : Lille est en finale !
Après le match, on retient la très bonne prestation du dernier venu, Primorac. Dos Santos se réjouit d’avoir vu « un très bon joueur possédant de gros arguments sur le plan physique et une technique au-dessus de la moyenne. Ses qualités majeurs : rigueur sur l’homme, efficacité dans le jeu aérien, excellente relance… Bref, le défenseur qu’il nous faut ! ». La presse régionale aussi ne tarit pas d’éloges à son sujet : « une bête, un colosse, un joueur comme il en existe peu en Europe » ; « sur le terrain, il domine tout le monde, la nonchalance personnalisée, une présence de tous les instants. Tout à fait ce qu’il manquait à la charnière centrale du LOSC » ; « après Lydéric et Phineart, Lille possède enfin son troisième géant ». Aux côtés de Péan, Gousset et Froger, la Voix du Nord estime que le LOSC n’a pas trop de souci à se faire sur le plan défensif.
Quant à Savic, il a encore marqué sur sa seule occasion, comme lors du match face à Roubaix, et Ricort est apparu comme un très bon meneur de jeu : « l’attaque a dévoilé beaucoup de promesses. Avec Bureau, Savic et Guion, nous possédons à présent des attaquants vifs, rapides, capables de désarçonner une défense » note Dos Santos. Alors, tout va bien ? « Dos » souhaite encore que ses défenseurs prennent plus d’initiatives offensives, et que Christophe prenne ses marques dans un nouveau rôle et un style de jeu différent.
Gardons-nous cependant de nous enflammer : la Pologne a offert une prestation très moyenne qui ne doit pas qu’à la qualité supposée du LOSC. Manifestement fatigués après avoir beaucoup voyagé depuis plusieurs semaines, les Polonais n’ont pas offert la prestation attendue.
Dans l’autre match, on commence avec un gag, car un contrôleur ne reconnait pas Houillier et lui empêche l’accès aux vestiaires : « halte là, on ne rentre pas » résume la Voix du Nord.
Après un nul 2-2 entre Lens et l’Antwerp, les Lensois l’emportent aux tirs aux buts, dans ce qui a été le meilleur match de la soirée, grâce à un « football rapide, agréable à l’œil, nettement plus incisif, nettement plus rythmé » que celui de 19h.
Voici donc une finale Lille/Lens : c’est ce que le public nordiste espérait : « une équipe nationale et un club européen servis en amuse-gueule à un public venu d’abord assister au derby nordiste : avouez que cela ne manquait pas de sel ».
Les Lillois peuvent-ils gagner ? En face d’eux, se présente une équipe européenne, 4e en 82/83, et qui semble avoir intelligemment recruté (Tlokinski, Marsiglia,Tempet, Ogaza). Pour Dos Santos, Houillier est un exemple, et l’équipe lensoise est un redoutable adversaire : « les Lensois jouent avec une fraîcheur, un dynamisme et une vivacité de gestes assez étonnants ». L’entraîneur du LOSC considère même que le RCL peut se mêler à la lutte pour le titre. La Voix du Nord voit d’un côté une équipe brillante, avec des certitudes et, de l’autre, un LOSC en quête d’identité, avec de nouveaux joueurs et un style de jeu à bâtir. Dès lors, en dépit de la victoire contre la Pologne, le journal n’est pas très optimiste pour les Dogues : « sans chercher à jouer les pronostiqueurs de café du commerce, disons que ce sera très, très difficile ». Certes, il y a eu quelques mouvements intéressants face aux Polonais, mais sur un rythme trop léger, ce que reconnaît volontiers Dos Santos : « nous ne savons pas, à l’heure actuelle, emballer un match ». Houillier, quant à lui, a prévenu : « devant un public majoritairement lillois, nous devrons séduire et convaincre. Je veux que l’on dise : ‘Lens, c’est quand même quelque chose’ ».
Cette deuxième journée de Tournoi se déroule donc le 12 juillet. A la mi-temps des matches, ambiance assurée grâce à la présence des « Gilles », membres de la kermesse de la bière de Maubeuge, qui viendront distraire le public.
Dans un match « ennuyeux au possible », la Pologne bat les Belges d’Anvers 2-1. « Une victoire à oublier » pour la Voix du Nord. Merci d’être venus1! La plus forte réaction du public (« de Lensois, surtout ») s’est faite lorsque les Lillois sont arrivés pour s’entraîner derrière le but de Mlynarczyk.
Le matin du match, une fantaisie est annoncée dans la Voix du Nord : Primorac ayant dû rentrer en Croatie, son contrat n’est toujours pas signé. Alors les dirigeants lillois mettraient un autre joueur à l’essai en défense : le Belge Daniël De Cubber, qui a notamment joué la finale de coupe UEFA avec le FC Bruges en 1976. Mais, finalement, le lendemain, on apprend qu’il n’a « pas jugé bon de se déplacer », probablement parce que la signature de Primorac est imminente. La défense centrale est alors composée de Froger et de Péan (qui a eu une permission). Est annoncée la présence de Robin arrière gauche qui, en deuxième période, devrait jouer à la place de S. Plancque, suspendu pour la première journée de championnat à Nancy. Côté lensois, Tempet prend la place d’Huard dans le but. Ci-dessous les compositions.
Lille :
Mottet ;
Denis, Péan, Froger, Robin ;
Christophe, S. Plancque, Ricort ;
Bureau, Savic, P. Guion.
Lens :
Tempet ;
Pagal, Tirloit, Leprovost, Marsiglia ;
Tlokinski, Piette, Krawczyk ;
Brisson, Ogaza, Xuereb.
À mesure que Pologne/Antwerp avançait, le Stadium se remplissait, et ce sont près de 16 000 personnes qui assistent au premier derby de la saison. Le match démarre fort, avec une occasion d’entrée pour Tlokinski puis, coup sur coup, Savic est fauché deux fois (5e et 6e) mais « l’arbitre, M. Swirog, avait sûrement ôté de son répertoire le mot pénalty ». « Les Lillois continuèrent d’attaquer à jet continu », mais après ce « bombardement initial », c’est bien Tlokinsi qui se présente seul face à Mottet, mais il cafouille (7e). Puis Brisson (12e) et Piette (16e) tirent à côté. Sur une nouvelle tentative, Savic est à la réception d’un centre court de Bureau, qui lui-même avait été trouvé par Ricort (1-0, 17e)
« Quel contraste avec le match d’ouverture ! » : le public ne s’ennuie pas en voyant deux équipes jouer l’offensive. Après un nouveau pénalty oublié (faute de Tirloit sur Bureau), Tlokinski gagne un duel de la tête à proximité du but lillois, et Piette en profite pour conclure du gauche (1-1, 32e). Juste avant la pause, une frappe puissante de Bureau passe au-dessus.
Dès la reprise, les Dogues reprennent l’avantage : le ballon part de Mottet, est relayé par Christophe qui ouvre à droite vers Bureau ; le centre est repris de la tête par Savic, qui semble profiter d’une hésitation de Tempet, qui a finalement effleuré le ballon tout en l’enlevant de la tête de son arrière Pagal (2-1, 47e) : une « fameuse action, un fameux but illustrant parfaitement les capacités de l’attaquant yougoslave ».
Puis Péan, après un relais avec Bureau, trouve très facilement Guion sur la gauche, parti dans le dos de la défense. À l’entrée de la surface, il frappe et le ballon file dans la lucarne d’un Tempet bien passif (3-1, 55e). Lille parvient alors à contrôler le jeu en milieu de terrain puis, quand Lens accélère de nouveau, il trouve l’ouverture grâce à Ozaga (3-2, 72e). Une bonne partie du public croit que le ballon est passé à côté, à cause d’un trou dans le filet, mais Lens est bien revenu à un but des Lillois.
La fin de match reste agréable avec un dernier raid de Meudic (78e) et une ultime tentative de Tlokinski (87e) : Lille gagne et remporte son troisième tournoi !
Un résumé du match :
« Ah, la belle finale ! », sourit la Voix des Sports. Peu de temps morts, deux équipes orientées vers l’offensive, un match joué à une « allure folle »… De quoi augurer, enfin d’un « grand départ » pour le LOSC ? On le croit. « Quelque chose a changé au LOSC » lit-on dans la Voix du Nord, notamment devant : trois buts « d’une rare pureté », issues d’actions « magnifiquement orchestrées ». En dépit de nombreux départs, le LOSC semble mieux armé et le nom de Savic a déjà été scandé. Va-t-on retrouver l’attaque prolifique de la saison 1978/1979 ?
Un dernier match amical, à Brest, perdu 1-3 (avec un nouveau but de Savic), ne change rien à l’optimisme ambiant, si loin des profondeurs dans lesquelles semblait s’être embourbé le LOSC trois mois auparavant.
Mi-juillet, à la veille de la reprise, Pierre Diéval, de la Voix du Nord, écrit ces lignes comme une profession de foi dont devraient s’emparer les dirigeants loscistes :
« C’est avec empressement que nous tournerons cette page peu glorieuse de l’histoire du football lillois. Avant d’effacer de notre esprit les moments difficiles, formulons un souhait pour que le club au passé si riche aille désormais de l’avant et ne déçoive plus ses fidèles.
Messieurs les dirigeants, ne commettez plus d’erreurs dans vos choix, manifestez aussi plus de chaleur dans vos relations avec vos joueurs. En un mot, donnez à votre club une vie, un ambiance qui – hélas – n’existent pas encore. Soyez enfin plus rigoureux dans votre approche des problèmes quotidiens afin que votre crédibilité ne subisse pas trop de fluctuations ! Des farces comme celle du mois de mai dernier jettent sur vous et votre équipe une ombre fortement préjudiciable. Oublions cette saison acide mais, de grâce, bâtissez du solide ! ».
En coulisses, on note durant l’été une innovation notable : suite à un audit au sein du club, le club structure sa communication et ses relations publiques ; Patrick Robert est nommé directeur de l’information, Philippe Cronel responsable de l’animation. Au-delà des joyeusetés immédiatement visibles (lancers de ballons, nouveau magazine « Score »…) , il s’agit surtout pour le club de professionnaliser et d’entretenir son image après l’épisode du printemps.
Mais sportivement, en dépit d’une première victoire prometteuse à Nancy (2-1), le LOSC poursuivra son surplace. Durant la saison, les conditions d’entraînement restent déplorables, les Dogues sont englués dans le ventre mou en championnat, sont éliminés de la coupe par Caen (D3), Didier Christophe remet son capitanat, et le nombre de spectateurs est en chute libre.
Bref, on a beau commencer une saison en battant les Polonais (poil au nez), il en faudra bien plus pour être convaincu.
Note :
1 La Pologne achève sa tournée par une victoire face à Valenciennes, au Touquet (2-1)
Posté le 23 juin 2024 - par dbclosc
Printemps 1983 : le LOSC fait sa crise
Au printemps 1983, alors que le LOSC pourrait se contenter d’une médiocrité sportive bien ancrée depuis 25 ans, il va se plonger tout seul dans une crise institutionnelle qui révèle ses relations ambivalentes avec la municipalité, acteur et soutien indispensable, mais dont les modalités d’intervention dans le club se font souvent sur un mode conflictuel. Les ponctuels espoirs nouveaux sont toujours suivis de déceptions et, pour l’attractivité du LOSC, il faudra repasser.
En mars 1983, la France se rend aux urnes : il s’agit des premières élections municipales organisées depuis les lois de décentralisation de 1982, qui donnent davantage de pouvoir aux autorités locales (avec notamment la création de l’échelon régional), et notamment aux maires. Cette mesure est portée par le ministre de l’Intérieur, Gaston Deferre, membre du gouvernement de Pierre Mauroy, maire de Lille.
Précisément, à Lille, Pierre Mauroy est réélu. Lors de la mise en place de son conseil municipal, on remarque la désignation d’un adjoint aux sports, Albert Matrau. Jusque là, rien que du très classique. Puis l’équipe municipale innove en créant le poste de délégué au LOSC. Cette mission est confiée à un conseiller municipal, Daniel Choquel, médecin de profession, ce qui explique qu’on le nomme souvent « Docteur Choquel ».
Depuis 1980, le LOSC est une Société Anonyme d’Economie Mixte (SAEM), un système dont il a été le pionnier dans le football professionnel. Pour résumer les choses, une SAEM est une société détenue par une association support (le club) et une collectivité locale (ici, la mairie). La gestion du club est ainsi élargie, et le pouvoir municipal dispose d’une influence variable, qui en théorie est de la simple supervision, mais qui peut très bien se transformer en une attitude très interventionniste selon les circonstances et l’humeur des uns et des autres. Et apparemment, après ces élections municipales, l’humeur est à une reprise en main.
A ce moment-là, Jacques Dewailly est le président du club. Jacques Amyot et Roger Deschodt en sont les directeurs généraux. En tant que « délégué » au LOSC, Daniel Choquel occupe désormais le poste de vice-président. Par ailleurs, Charles Samoy, depuis une dizaine d’années, le directeur sportif ; et, depuis l’été 1982, Arnaud Dos Santos, succédant à José Arribas, a pris les rênes de l’équipe professionnelle.
Jacques Amyot et Roger Deschodt
En ce mois de mars, sur le plan sportif, le LOSC est dans le ventre mou. Après des débuts très poussifs, le LOSC réalise un superbe automne en gagnant 12 places en 8 matches puis se retrouve 8e à la trêve. Mais il décide de ne plus trop prendre de points en 1983 et dégringole dangereusement à la 14e place, à seulement deux points des 18e et 19e.
Sur le terrain (défaite dans le derby fin janvier), dans le vestiaire (Gemmrich est suspendu un mois pour « propos très désobligeants envers l’entraîneur » – il joue peu car il ne marque pas), dans les tribunes (fin février, contre Monaco, une partie du public entonne « Dos Santos, démission » et « Samoy au poteau »), et au sujet de l’avenir des joueurs (Bergeroo, Muslin, Dréossi, Grumelon, Marsiglia et Delemer sont en fin de contrat, et le club n’est pas disposé à garder Verel et Françoise) : les signaux sont assez inquiétants. Ce dernier point l’est d’autant plus qu’une nouvelle réglementation limite la possibilité de recruter (hors fins de contrat) à seulement deux joueurs (et uniquement des fins de contrats) + un transfert payant possible (ou un étranger). Seule éclaircie : le LOSC est qualifié pour les huitièmes de coupe de France.
Le changement, c’est maintenant
C’est alors que la Voix du Nord fait part de possibles « gros changements dans les structures du LOSC ». Au programme, probablement, Samoy deviendrait manager général (ses attributions seraient donc réduites), et arriverait un directeur sportif. Mais aussi des choses bien mystérieuses et non révélées car « ça nous paraît si énorme, si grandiose, que nous n’y croyons pas », écrit le quotidien ; toutefois, ce dernier parle d’un « directeur sportif et d’un entraîneur qui, naguère, travaillaient dans le même club » ; en ajoutant : « une façon comme une autre de se mettre au vert ».
Fin mars, les noms sont lâchés : les deux hommes en question sont Robert Herbin et Bernard Gardon, qui ont en effet été ensemble à Saint-Etienne, le premier ayant été l’entraîneur du second.
Problème : Roger Deschodt, l’un des directeurs du LOSC, dit qu’il n’est pas au courant et se déclare « ébahi » : « nous n’avons eu aucun contact avec Robert Herbin et Bernard Gardon. Lors de la réunion du comité de gestion du club, jeudi dernier, nous n’avons pas évoqué le problème de l’encadrement technique, ni même celui de l’entraîneur. Même si le nom d’Herbin a été prononcé au cours de cette réunion, ce n’est pas dans cette perspective ».
On a tout de mal du mal à imaginer qu’Herbin ait été évoqué pour le poste de concierge de Grimonprez-Jooris. D’où viennent ces rumeurs, pourquoi Herbin apparait dans une discussion de l’équipe dirigeante, pourquoi Deschodt semble découvrir tout ça, qui sait quoi, qui pense quoi ? C’est le début du bazar.
Robert Herbin apportera au LOSC toute sa sagesse
Le premier à réagir est Samoy, qui pressent que les événements tournent franchement en sa défaveur, tout en l’apprenant par la presse : « je ne sais pas qui se cache derrière les insinuations parues ces derniers jours à propos de la venue possible au LOSC de Robert Herbin et de Bernard Gardon, mais sachez que ces procédés me choquent profondément ». Il déclare qu’il a toujours défendu Arnaud Dos Santos devant le comité directeur, alors même que l’entraîneur ne dispose pas de conditions de travail idéales. Parmi elles : un terrain d’entraînement inondé quasiment tout l’hiver, qui contraint l’équipe à s’entraîner en face du stade, à côté de la station-essence, soit sur le terrain en schiste, soit sur le terrain boueux d’à côté. Il ajoute : « certaines personnes ont peut-être envie de déstabiliser le club. C’est curieux et regrettable car Nono ne mérite pas un tel affront. Le LOSC est à la veille de gros remous si, d’aventure, ces gens persistent. Je n’hésiterai pas à monter en première ligne et cela fera mal ! Le football lillois n’a sûrement pas besoin de tels scandales ». Il rappelle que le club est confronté à la nécessité de renouveler des contrats (parmi les fins de contrat, seul Delemer ne se verra rien proposer), et que ces remous ne vont certainement pas donner envie aux joueurs de prolonger.
Pour un LOSC européen
Le 7 avril, les choses sont censées s’éclaircir car Daniel Choquel donne une conférence de presse. À ses côtés se trouve Dewailly, qui ne dit pas grand chose. Durant plus d’une heure, Choquel expose ses ambitions : il s’agit de dynamiser le club et de le rendre crédible. Même s’il sera difficile de retrouver le lustre d’antan du LOSC, l’idée est de doter le club de structures solides garantissant son avenir, de poursuivre la politique de jeunes (qui marche bien depuis l’ouverture du centre de formation), de motiver les supporters, bref, de donner une âme au club. Il apporte la parole de Pierre Mauroy : il faut bâtir un grand LOSC, un LOSC « européen ». Jusque là, tout le monde souscrit : ce sont des bonnes nouvelles.
Et puis Dewailly prend la parole et évoque une situation financière « critique », que seule une victoire improbable en coupe de France permettrait d’améliorer. Ou alors un effort conséquent de la municipalité, que Choquel garantit.
Arrive ensuite l’épineuse question du staff. Selon Choquel, Dos Santos devrait partir. Le Doc explique que Dos Santos a, dans son contrat, une clause de résiliation valable chaque année. Dewailly annonce que des contacts vont être pris avec Robert Herbin pour le remplacer. Bizarre d’annoncer qu’on va faire avant de faire, mais soit. En tout cas, le souhait de Mauroy est d’avoir un entraîneur « français » (ce qu’il a déjà, soit dit en passant).
Sur la direction sportive, il reviendra à Amyot et à Deschodt de se charger du recrutement : on cherche notamment un buteur, « étranger » cette fois (ce que le club a déjà, soit dit en passant – Verel). Dès lors Samoy aura moins d’influence, et devra se contenter de prospecter. Il lui est reproché notamment deux échecs : Gemmrich, et Kourichi, qui a du mal pour sa première saison au LOSC. Pour Choquel, « ce n’est pas le désavoeu de Charly Samoy, mais le constat d’une non-réussite » : tout est dans la nuance. En tout cas, ce qui était jusque là à l’état de rumeur prend une tournure officielle.
Et en fin de conférence, Choquel sort un nouveau truc de son chapeau : il va contacter Aimé Jacquet.
Samoy en émoi
Bien évidemment, ces nouvelles mettent en furie Samoy. L’encore directeur sportif du LOSC prédit un avenir sombre pour le club : « on a remis en cause mes responsabilités, mes fonctions de directeur sportif que j’exerce depuis 11 ans (…) Ces projets me désolent profondément parce qu’ils vont à l’encontre des intérêts du club. Ils me condamnent par ailleurs, ainsi qu’Arnaud Dos Santos. Ce n’est pas très élégant (…) L’improvisation est toujours dangereuse en football ! À plus ou moins longue échéance, le LOSC risque hélas d’être éclaboussé par cette crise, voire d’être confronté à des problèmes aussi graves que ceux de Saint-Etienne (…) Si je ne suis plus qu’un agent de liaison, je rencontrerai les responsables du club afin de négocier mon départ ».
Et pas à n’importe quel prix : Charly est ravi de préciser qu’il a un « contrat illimité » avec le LOSC ; « au mieux, on peut me demander d’activer mon préavis d’un an… ». Cela tombe mal : Samoy déclare qu’il venait de prendre contact avec un buteur allemand de D1, de 23 ans, mesurant 1 mètre 92, et deux jeunes (dont un de Cherbourg). Du lourd !
Et du côté d’Arnaud Dos Santos, même fond de pensée, même si la forme est plus modérée. Il précise d’abord qu’il n’existe aucune clause de résiliation le concernant : « c’est faux, archi-faux. J’ai un contrat de 3 ans, point final ».
Dès lors, il annonce aussi qu’il faudra négocier. Et pour le reste, « à quoi bon m’emporter ? Cela ne réglerait pas grand chose au problème. On ne me fait plus confiance, voilà tout ». Celui que la Voix du Nord présente comme discret, droit, et attaché à certaines valeurs morales regrette un « procédé pas élégant. Il aurait été tellement simple de venir me voir. Je ne suis pas borné et, les critiques, si elles sont fondées, ne me font pas peur. Seulement voilà, il faut être courageux et savoir affronter les gens de face. Là est le problème ».
« Dos » prend la défense de Samoy : « le recrutement, c’est une affaire collective. Sans entrer dans le détail, je peux vous affirmer que Charly n’a jamais pris une décision seul. Il y a toujours eu concertation au moins avec 3 ou 4 personnes au préalable ».
Enfin, le moustachu précise que ses ambitions restent limitées par la qualité de son effectif : « je me suis rendu compte très vite que nous ne possédions pas un groupe susceptible de décrocher la lune. Notre attaque était trop faible pour espérer damer le pion aux meilleurs. Cependant, je n’ai jamais cédé au découragement. On ne peut surtout pas me reprocher d’avoir débrayé sous prétexte que les résultats ne suivaient pas ». Alors oui, le classement n’est pas à la hauteur de ce que les dirigeants ont souhaité en début de saison, mais ceux-ci semblent s’être exprimés hâtivement.
Samoy et Dos Santos mettent de nouveau en avant un point : tout ça ne va pas inciter les joueurs en fin de contrat à prolonger l’aventure lilloise.
Sur le terrain, le LOSC se rend à Bordeaux. Choquel a la bonne idée d’y rejoindre les joueurs : selon la Voix du Nord, il a reçu un « accueil glacial » du staff. En tentant une « manœuvre d’approche à l’hôtel », il a essuyé un « échec ». Durant le repas du midi, Samoy se lève et part manger à la table d’à côté. Le LOSC s’incline 2-0 en Gironde, et la VDN constate que « les rapports techniciens/dirigeants n’existent plus désormais. Ou presque plus. En un mot, la crise couve (…) « cette crise n’a pas fini d’alimenter la chronique. Hélas ».
Ah, et Choquel en a profité pour voir Jacquet : l’entraîneur de Bordeaux l’a gentiment éconduit, en indiquant qu’il venait de prolonger à Bordeaux : voilà une information intéressante qu’il aurait été opportun de connaître au préalable.
Le bordel est total : on dégage les gens en place, et on ne trouve personne pour venir.
Tout s’arrange…
Le 12 avril, une réunion du comité de gestion, censée détendre les relations, est organisée à Saint-André, au siège de la société de Dewailly. Au bout de 4 heures, un communiqué est transmis à la presse. Il en ressort que :
1) Le président de la SAEM (Dewailly) accorde toute sa confiance aux directeurs généraux (Amyot et Deschodt)
2) Lors de sa conférence du 7 avril, Choquel n’a émis qu’une « opinion personnelle ».
3) Charly Samoy reste directeur sportif et administratif, en charge des pourparlers et des négociations sur les « opérations de prospection, de recrutement et de transfert ». Ses décisions sont effectives après accord des directeurs généraux.
4) Arnaud Dos Santos bénéficie de toute la confiance des dirigeants, pour cette saison et pour l’avenir.
Hé ben : tout ça pour en arriver là, ça valait le coup. Pour la Voix du Nord, « la farce a pris fin de la façon la plus inattendue mais aussi – hélas – la plus décevante qui soit. Elle ne fait rire personne tant son scénario est médiocre. Pitoyable même. Près de 4 heures de spectacle pour une conclusion fade, sans relief, qui de toute évidence jette une ombre sur des acteurs ne donnant pas l’impression de maîtriser totalement leur sujet ». Samoy se réjouit que le « putsch [ait] échoué » ; Dos Santos est également satisfait mais reste préoccupé par ces histoires de fin de contrat.
La thèse des deux voix au LOSC reste toutefois assez pertinente : pourquoi la position de Choquel est-elle désavouée alors qu’on la pensait issue d’une délibération collective, et quelle a été prononcée en présence de Dewailly, qui a donné l’impression de la valider ? Tout cela laisse penser que le club manque de rigueur en coulisses.
…en fait, non
Le 15 avril, une victoire contre Martigues, qualifiant le LOSC pour les quarts de finale de coupe de France, détend l’atmosphère. Avant le match, Amyot et Deschodt se sont exprimés sur Fréquence Nord « afin que cessent les remous qui agitent actuellement notre club » : ils rappellent (ou informent) que le pouvoir de décision leur appartient, et personne d’autre. Fin de l’histoire ? Non bien sûr.
Car trois jours après, coucou le revoilou, Choquel revient à la charge. Et il annonce triomphalement que sa position n’était pas une position personnelle, mais bien celle de la mairie ! Il ajoute, comme si ça ne suffisait pas : « si, au LOSC, on ne comprend pas que les avis de la mairie seront désormais prépondérants et que bien des choses doivent changer, il est vraisemblable que l’on évoluera vers une épreuve de force ». Une nouvelle conférence de presse est prévue, pour on ne sait pas quand. En attendant, tous ont tout le loisir de tergiverser bien comme il faut.
Une nouvelle rassurante dans la grisaille : en battant Bastia (2-0), Lille a fait un grand pas vers le maintien, alors qu’il reste 5 journées. Avant le match, le comité directeur du LOSC s’est réuni, et en est ressortie une position forte : « les patrons, c’est nous. Si la mairie dicte ses exigences, nous partirons ».
On se demande si la mairie, qui s’est engagée à donner beaucoup d’argent, ne voudrait pas que ceux qu’elle estime avoir failli s’en aillent. Le fonctionnement de la SAEM semble désormais se diriger vers une surveillance rapprochée. Mais comment les personnes a priori compétentes, si ce n’est dans la gestion, au niveau sportif, peuvent recruter, faire signer des contrats, sans connaître les limites de leur action ?
Mauroy calme le jeu
Finalement, il semble que la grande réconciliation arrive le 20 avril : Choquel se montre moins radical et propose un pouvoir partagé, une « une formule de commandement mixte », selon ses dires. Il réitère la volonté municipale d’une équipe ambitieuse ; la mairie propose un plan de financement de 4 ans, soumis en conseil municipal en juillet.
Mi-mai, une réception est organisée en mairie ; fidèle à lui-même et à son rapport contrarié au football, Pierre Mauroy félicite chaudement les Dogues : « la fin de saison arrive, avec des chiffres, symboles implacables de vos folles attaques… et de vos défaillances ». Il poursuit : « ici plus qu’ailleurs, nous savons que vous n’êtes pas des machines à gagner. Nous ne sommes pas des condottieres du sport1. Si nous l’étions, nous n’aurions pas créé une SEM. Nous aimons chaleureusement notre club, ses dirigeants (qui sont des amis), ses animateurs, ses supporters, ses médecins… », allusion bien sûr à Choquel.
Le maire de Lille convoque ensuite l’histoire, rappelant que le LOSC a un glorieux passé et que, jusqu’au sein de son gouvernement, il compte un « fana du LOSC » : Jacques Delors, alors ministre de l’économie.
L’heure n’est donc plus au mélange des genres : « il y a eu quelques petits ronds dans une eau limpide. Chassons ces petits problèmes et oublions. Sachez cependant que nous vous aimons trop pour être là uniquement pour payer, mais à aucun moment nous ne serons là pour diriger ou nous immiscer dans la technique du club ». Mauroy annonce les chiffres : 336 millions de centimes d’aide pour cette année (si on en croit le convertisseur de l’INSEE, ça équivaut à environ 1,2 millions d’euros), contre 276 l’année précédente, soit une augmentation de 20%, « car nous savons que, malgré le centre de formation, il est indispensable que les joueurs viennent d’ailleurs, suivant les règles et les dérèglements que vous connaissez », manière d’en rajouter une couche sur un football qu’il n’aime pas – et parfois à juste titre.
Le maire donne la médaille de la ville à Bergeroo (« le plus fidèle »), Dewailly offre un fanion à Mauroy, et on passe au champagne alors qu’il est 10h : « faut avoir de l’estomac ! » pour la Voix du Nord.
Dès lors, financièrement, tout semble réglé. Le LOSC a de l’argent. Sportivement, la saison s’achève sans histoire avec, tout de même, un parcours jusqu’en demi-finale en coupe de France.
Mais cet épisode n’a-t-il pas nuit à l’image du club ? Bergeroo annonce son départ, officiellement pour se rapprocher de sa région d’origine. Rien à voir donc avec le fait qu’il s’est plaint durant la saison de se défoncer les jambes et les genoux sur des terrains d’entraînement pourris. Tous les autres en fin de contrat – Muslin, Dréossi, Grumelon, Delemer et Marsiglia – partent aussi. Il n’y a plus qu’à recruter mais « recruter devient une affaire de prince du pétrole » note la Voix du Nord. Pressenti, Baronchelli a un salaire trop élevé à Nantes pour que le LOSC puisse s’aligner. Lille a bien une idée avec deux Hongrois : Tibor Nyilasi et Andras Torocsik. Mais ils ont été récemment condamnés pour « éthylisme ». De quoi faire une crise de foie ? Au LOSC, on n’a même pas besoin d’alcool pour faire une crise de foie, et même trois fois, quatre fois, cinq fois…
Note :
1 Au Moyen-Âge, en Italie, un condottiere était un chef d’armée de mercenaires.
Posté le 4 juin 2024 - par dbclosc
Le croisement du Dogue et du Sanglier : à propos du projet de fusion entre Lille et Sedan (1962)
Invraisemblable nouvelle en mai 1962 : le LOSC et le principal club de Sedan, l’Union Athlétique Sedan-Torcy (UAST, futur Club Sportif Sedan-Ardennes) vont fusionner et former l’Union Sportive du Nord-Est ! Ce complot mort-né révèle les grandes difficultés que traverse le LOSC après ses premières années de gloire.
Selon la Voix du Nord, c’est un « péril mortel » qui pèse sur le LOSC en ce mois de mai 1962 : le « club le plus prestigieux de notre région » serait en passe de disparaître. Comment en est-on arrivé là ?
Après sa glorieuse décennie d’après-guerre, achevée en 1955 par le gain d’une cinquième coupe de France, le LOSC est rentré dans le rang. Pire que ça : il est devenu un club quelconque, qui oscille désormais entre D1 et D2. Ses meilleurs joueurs sont progressivement vendus, notamment Jean Vincent, pour une somme record, après la première relégation en 1956. Après un retour dans l’élite, nouvelle relégation en 1959. Contesté, accusé d’avoir grévé les finances du club en agissant en autocrate et d’avoir dilapidé le précieux héritage du Sporting Club de Fives et de l’Olympique Lillois, le président Louis Henno, adulé hier, remet sa démission.
Mais dans l’immédiat, pas grand-chose ne change. Sportivement, le LOSC ne remonte pas, malgré les nominations au poste d’entraîneur des anciennes gloires (Jacques Delepaut en 1958, Jules Vandooren en 1959). En 1961, c’est la plus éminente d’entre elles, Jean Baratte, qui arrive sur le banc des Dogues. Mais la saison 61/62 est monotone : le LOSC reste englué dans le ventre mou. Financièrement, le club semble au plus mal : on parle d’une dette de 50 MF.
Mais au-delà du cas losciste, c’est l’ensemble du football français qui fait sa crise : manque d’intérêt du public, modèles financiers déficitaires, équipe nationale en berne.
Le 12 mai, le président du LOSC, Pierre Kles, lance un cri d’alarme : AAAAAAH !
Le club n’a plus d’argent et, selon lui, il lui est impossible qu’il poursuive sur les actuelles bases dirigeantes. Il semble que la crise est devenue ingérable lorsque qu’il a été impossible pour le club de régler une échéance liée au transfert d’Aleksandar Petakovic, un attaquant arrivé en septembre 1961. Le LOSC ne peut pas payer, et devra donc le vendre, tout comme ses meilleurs joueurs tels que Enzo Zamparini ou René Fatoux.
Face à cet état de faits, diverses rumeurs courent : pour sauver le LOSC, des commerçants seraient prêts à s’unir, des supporters se mobiliseraient, l’officiel comité des supporters serait prêt à intervenir. De plus, un comité de remplacement serait en gestation, ce qui suppose de faire place nette, c’est-à-dire que tous ses membres démissionnent.
Aucune personnalité ne s’est manifestée pour reprendre le club. Comme l’écrit Jean Chantry, de la Voix du Nord, « Le LOSC n’est pas mort, car il vit encore. Mais il est bien malade ».
Que faire quand on n’a pas davantage d’informations mais qu’il faut remplir un journal ? On va interroger des gens « dans la rue, au comptoir des cafés », ce qui est souvent une très mauvaise idée. Sur une pleine page (une « enquête » prétend le quotidien), sont présentées différentes remarques sur l’avenir du LOSC.
Ainsi, Henri Leblond, mieux connu par le surnom « Biloute1 », hôtelier place de la gare, souhaite un retour de Louis Henno à la tête du club, puis pose une question : « la municipalité subventionne – et fort largement – les théâtres municipaux. Pourquoi pas une équipe de football ? ». Notons que le LOSC a joué son premier match en nocturne à domicile en 1961. Cela fait dire à Biloute qu’à l’avenir, on pourra plus facilement jouer le soir, et ainsi « la sortie dominicale au bois de Phalempin est donc possible ».
Charles Kus, un ancien joueur de l’UST en de la fin des années 30 (en D2), suggère d’adopter la formule du Real de Madrid en recrutant quelque 15 ou 20 000 actionnaires dans la région lilloise, qui chacun verserait annuellement une somme de 20 nouveaux francs.
Marceau Sommerlynck, depuis son café-tabac du faubourg de Douai, confesse qu’il ne fréquente plus le stade Henri-Jooris : « « le spectacle n’est jamais beau quand une équipe faible essaie de se maintenir à tout prix : on joue dur pour prendre des points en début de saison et on bétonne pour ne pas en perdre top en fin de saison ». Lui n’envisage pas de soutien municipal pour le club : « un club pro, c’est une entreprise commerciale qui doit assurer un bilan équilibré. Si ce bilan n’est pas équilibré, c’est qu’il y a un vice d’organisation ! ».
Allez Marceau, la p’tite sœur ! Et vive l’alcool dans le football lillois !
Un étudiant en médecine considère que le LOSC peut disparaître. Il préconise une fusion avec le CORT.
Bref, chacun y va de son avis, et finalement on n’apprend rien de très intéressant, si ce n’est que le LOSC suscite manifestement encore de l’intérêt. Et que la Voix du Nord avait besoin de se moquer :
« Mme Ginette Van Houtte est receveuse à bord du Tramway « B », ce qui n’est absolument pas incompatible avec le football. Car Mme Van Houtte aime le football et, chaque semaine, elle s’intéresse aux résultats de… l’équipe des Traminots lillois.
Mme Van Houtte, qui est fivoise, ne se souvient pas de la grande équipe des années qui ont précédé la guerre, mais comme le LOSC a hérité pour moitié de la tradition du SC Fivois, elle s’est (modérément) attachée au LOSC, et ne veut pas qu’il disparaisse.
« Il faut faire quelque chose » dit-elle, mais elle ne sait pas quoi. »
Le 17 mai, le président du LOSC est reçu par le maire de Lille, Augustin Laurent. Il en ressort avec la promesse que la situation du club sera évoquée lors du prochain conseil municipal. De plus, il a proposé que soit organisée une souscription publique, à laquelle la mairie apporte sa caution morale, ça ne mange pas de pain, mais aussi, tout de même, un peu d’argent : « les nombreux amis de votre club ne voudront certainement pas manquer de témoigner la sympathie qu’ils portent au LOSC. La mairie de Lille, pour sa part, s’inscrirait en tête de liste, afin de prouver l’intérêt qu’elle porte à votre club », souligne le maire.
C’est toujours ça de pris, mais difficile d’y voir autre chose qu’un petit dépannage très provisoire, et d’imaginer que les problèmes de trésorerie s’envoleront avec la contribution de quelques généreux supporters.
Mais pendant que semble se dessiner une vague solution locale, le comité lillois discute par ailleurs, et une rumeur enfle le vendredi 18 mai : le LOSC fusionnerait avec Sedan ! Le nouveau club se nommera Union Sportive du Nord-Est.
Il s’avère que lors d’une réunion du comité directeur de la Ligue Nationale, dans l’après-midi, les présidents du LOSC et de l’UAST, Pierre Kles et Lucien Laurant, auraient décidé d’unir leurs destinées sportives. Car Sedan est aussi dans la mouise : voilà des mois que le club ardennais cherche un soutien municipal qu’il n’obtient pas.
Le soir-même, il se trouve que Sedan joue son dernier match de championnat… à Lens. La presse nordiste se précipite alors vers l’entraîneur des Sangliers, Louis Dugauguez, qui confirme le projet.
La nouvelle tombe donc officiellement le 19 mai :
Dans la presse nordiste, on peine à y croire : « la nouvelle est, a priori, ahurissante. Lille fusionne avec Sedan. Lancée comme cela, tout à trac, elle est incroyable, invraisemblable ». Et pourtant… !
Mais après ces considérations de sidération, la Voix du Nord trouve quelques avantages à cette idée. Le projet de protocole d’accord part du principe, en substance, que Lille n’a plus d’équipe et que Sedan n’a plus de club.
Dès lors, Sedan apporte à Lille « une équipe de grande classe » – qui est en D1 – et Lille apporte à Sedan « son public, sa renommée, et son stade ». Autrement dit, une équipe abandonnée par son public et sa municipalité – Sedan – s’exile chez un club structuré et soutenu localement mais qui n’a plus de bons joueurs – Lille. Il s’agit bien d’un recentrage de l’activité à Lille, car il est prévu que pour un match joué à Sedan, deux se tiennent à Lille.
Bien entendu, on regrette que cette idée d’union ne se réalise pas à une échelle plus locale, par exemple avec « Roubaix, Lens et même Valenciennes », mais elle paraît somme toute novatrice « à l’heure européenne ». On n’a pas trop compris cet argument, sauf si on considère que Sedan est au Luxembourg… ?
La Voix du Nord prend alors fait et cause pour le projet, indiquant qu’il faut bien s’adapter à la réalité économique : de toute façon, « la notion locale est aujourd’hui dépassée, atomisée ». D’ailleurs, il paraît que Rouen et Le Havre préparent quelque chose de similaire, et il faut bien admettre que Nîmes est désormais « le porte-fanion du Gard », et non d’une ville. Ainsi, « cette solution d’avant-garde est, tout compte fait, un pied-de-nez aux gens rétrogrades et cloîtrés et esclaves d’un chauvinisme borné (…) Qu’importe le nom si le football est beau (…) Sentimentalement, on regrettera presque la disparition du club losciste, encore que les sections amateurs garderont leur autonomie et qu’à tout moment, chacun pourra retourner à la situation antérieure (…) Certes, on éprouve un serrement au cœur. Il est dommage d’aller chercher loin ce que l’on aurait aimé trouver chez soi. Mais l’argent commande bien des choses, au vingtième siècle ».
Le comité directeur du LOSC a donné son assentiment, sous réserve d’un accord complet sur le protocole à établir. Le LOSC, tel qu’on l’a connu, s’apprête donc probablement à disparaître.
En réalité, il ALLAIT AVOIL’ 18 ans
Mais qu’en pensera le public lillois ? Du côté des joueurs, on s’incline 0-2 le soir-même au Red Star. La Voix du Nord commente : « il se pourrait que les bruits de fusion aient eu une répercussion involontaire sur le moral des joueurs qui, contrairement à leurs habitudes, pratiquèrent sans harmonie ».
Mais dès le mardi 22, volte-face : la presse annonce que le projet est déjà abandonné. Finalement, du côté lillois, le comité directeur n’a pas approuvé la démarche du président.
Voici le communiqué fourni à la presse :
« Le comité directeur du Lille O.S.C, réuni lundi 21 mai 1962 pour décider du principe de la fusion des sections professionnelles de football de Lille et de Sedan, après avoir entendu son président M. Kles, lui exposer que ladite fusion ne pourrait intervenir qu’après un accord complet sur un protocole à établir, déclare.
1) Ne pas donner suite au projet émanant de l’U.S. Sedan-Torcy ;
2) De maintenir le Lille O.S.C. dans le giron des clubs professionnels »
Dès le samedi 19, Kles a été mis en minorité par son comité directeur, qui ne voulait pas voir le LOSC disparaître. Il a alors remis sa démission… qui a été refusée. Décidément, il n’obtient rien de ce qu’il souhaite. La réunion a été houleuse, mais on en reste là avec, pour seule aide, cette souscription, qui n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan de dettes du club. Aucune autre solution n’est proposée.
La rapidité des opérations a de quoi laisser circonspect : Kles est-il à ce point désespéré ? Cherchait-il à créer une réaction ? Tout ceci n’est-il qu’une mise en scène du comité directeur pour mettre la pression sur la mairie, car après tout, Kles peut-il agir seul ? Ou n’y a-t-il réellement pas d’autre recours ?
Du côté de Sedan, on est déçu : dans les Ardennes aussi, rien n’est réglé. Lucien Laurant estime que « de nos deux misères, on pouvait faire un beau mariage. Nous avons la santé, Lille avait la beauté. Mais ce n’était peut être pas une idée dans l’eau. Une évolution des esprits permettra peut-être, plus tard, de reprendre la question, et d’établir des rapports concrets. C’est certainement dommage pour le public lillois qui perd la possibilité de retrouver une grande équipe ». Il avance aussi qu’à terme, cette fusion se serait certainement transformé en absorption en faveur du LOSC, eu égard au protocole envisagé : « laissez-moi vous dire que si le public lillois craignait une absorption du LOSC, il faisait fausse route car nous n’aurions pu, à brève échéance, être les majoritaires de cette entente. Le 2-1 (deux matches à Lille, un à Sedan) serait devenu un 3-0 par l’écrasante supériorité des recettes lilloises qui auraient fatalement fait pencher la balance vers Lille ».
Même son de cloche du côté de Louis Dugauguez : « cinq millions de recette par match à Lille, deux à Sedan. Cela fait, mensuellement, à Lille, 10 millions de recettes, contre deux à Sedan. À ce rythme, si les Lillois sont intelligents, nous passerons très vite à Lille. On ne peut pas lutter contre la loi des nombres, l’attraction des masses. Nous le savons, mais il n’y a pas d’autre solution pour nous. Aujourd’hui, nous ne craignons rien, mais dans deux, trois ans, avec la nouvelle répartition des recettes du championnat (chacun garde sa recette), nous serons exsangues. Alors voyons plus loin que le bout de notre nez, et essayons de sauver notre équipe. À Lille, elle vivra ».
Fernando D’Amico à la poursuite de Louis Dugauguez
(Source : Le Monde)
Mais désormais, le LOSC oppose un non catégorique. « Nous ne pouvions pas saborder notre club, laisser disparaître le LOSC » entend-on du côté du comité directeur. Ce à quoi la Voix du Nord rétorque que le sabordage est en train de se réaliser, et ce depuis plusieurs années : « chacun n’est-il pas l’artisan de sa fortune… ou de son infortune ? ». « Et si Sedan change d’avis, et dénonce l’entente ? » s’inquiète Jean Denis, pressenti à la présidence.
Et maintenant ?
Rien n’a changé, et le LOSC doit verser une caution de 6MF pour le 6 juin. Il y a bien toujours cette souscription publique. Une seule nouveauté, sur le plan sportif : la confiance à Jean Baratte est renouvelée pour la saison 1962/1963. Du moins, s’il y a une équipe à entraîner…
Dans la presse, on établit des parallèles entre les affaires commerciales et le sport. La Voix du Nord note que « on voit disparaître beaucoup d’usines, de commerces, qui datent de l’époque de grand-papa, qui s’allient à des maisons plus fortes, qui les soutiennent autant qu’elles les absorbent (…) il faut croire que l’évolution sportive est plus lente que l’évolution commerciale ». Du côté de Lens et de Valenciennes, également concernés par des problèmes de trésorerie, on repousse l’idée de fusion. Albert Huis, le président du Racing, envoie le communiqué suivant :
« Lens ne méconnaît pas les difficultés que connaissent certains clubs, et déplore certaines folies commises actuellement dans le football français. Mais en ce qui concerne une éventuelle fusion du RC Lens avec tout autre club, le club minier repousse catégoriquement cette idée qui n’aurait d’autre effet que de réduire le nombre de rencontres au stade Bollaert et éloignerait les sportifs. Lens souhaite, au contraire, intensifier son action sur le plan local et forme le vœu que sa municipalité, les groupements commerciaux, comprendront l’intérêt qu’ils ont à apporter au club une aide encore plus substantielle ».
Pour la Voix du Nord, cette option ne peut être que temporaire : « nous persistons à croire pourtant qu’un jour, il faudra bien y venir. Mais cela est une autre histoire, et il faudra que tombent des barrières désuètes, anachroniques ».
Pour compléter le concours Lépine du grand n’importe quoi, le RC Lens préconise des « jumelages ». Le club estime le déficit du football français à 1 milliard 300 millions d’anciens francs, la faute à un trop grand nombre de joueurs professionnels. Il s’agit de surmonter le souci psychologique (disparition d’un club) et le souci financier (dettes) : dans une même région, deux clubs peuvent se « jumeler ». Ils gardent leur autonomie juridique et financière, mais les professionnels et les stagiaires, tout en étant propriété exclusive de leurs clubs respectifs, seraient qualifiés indifféremment pour les deux clubs pour les rencontres de championnat. Cette double appartenance leur permettra de jouer dans les deux clubs, avec une priorité pour le club dans lequel ils ont signé leur contrat. On limiterait ce genre d’opération à 4 par match, le paiement des salaires se ferait au prorata des matches joués mais faudrait régler ça entre les deux clubs jumelés, ça réduirait le nombre de joueurs professionnels de 15 à 20%, et donc leurs charges sociales, et on aurait un championnat de meilleur niveau… Bref.
Le 25 mai, tombe enfin une bonne nouvelle : trois clubs, « émus par la situation du LOSC », proposent de venir jouer gracieusement à Henri-Jooris, en laissant l’entièreté des recettes aux Dogues. Il s’agit de Reims, du Racing de Paris, et de Valenciennes, qui constituent ainsi une « amitié rentable ». Et le FC Liège, contre qui un match était prévu de longue date le 30 mai, agira de la même manière, en venant avec ses internationaux belges : Guy Delhasse, Yves Baré, Jean-Marie Letawé, Victor Wegria.
Le 26 mai, le championnat de D2 s’achève avec un festival offensif : le LOSC bat Boulogne 6-3 (Lion, Tison, Zamparini, Fatoux, Zamparini, Petit/Baraffe, Douglas, Raspotnik). Le nombre de spectateurs ? 2 334 spectateurs. Autant dire que ce n’est pas avec cette affluence que le LOSC remplira les caisses…
Pour ouvrir le bal des (Fernando d’A)amicaux à Henri-Jooris, le LOSC affronte donc d’abord le FC Liège, le 30 mai. Mais « si un courant sentimental s’était manifesté en faveur de l’autonomie », il n’y a pas grand-monde dans les gradins, quelque chose comme 4 000 spectateurs. Pourtant, Lille a fait bonne figure face au quatrième du championnat belge : 2-2.
Le 3 juin, alors que la région lilloise est frappée par une vague de froid, le terrain est dégelé (!) pour recevoir Reims dans l’après-midi. Les Rémois, pourtant très sollicités avant de partir en tournée en Amérique du Sud, ont tenu à se déplacer à Lille, avec Kopa, Vincent, Wendling, Colonna ou encore Siatka. Les Champenois jouent au petit trot et le LOSC ouvre rapidement la marque par Lion (8e) ; « La gentillesse des Rémois était telle qu’un vieux supporter losciste cria peu avant la pause : Merci Reims ! Vas-y maintenant ! ». Mais « mieux vaut perdre un match et aider un ami tant financièrement que psychologiquement » : devant 6 000 personnes, Lille s’offre un succès de prestige. « Tout le monde était content : les Lillois qui avaient gagné, les Rémois qui n’avaient pas laissé trop de plumes, et la galerie qui avait assisté à une partie de bonne qualité dans l’ensemble ».
Le 6 juin, devant 5 000 personnes, le LOSC bat le Racing (4-0). Et enfin, le 14, Valenciennes vient gagner 4-1.
4 000 à 6 000 spectateurs lors de chaque match, les recettes sont bien maigres. Alors, dans l’immédiat, et comme ce sera souvent le cas jusqu’aux années 1990, la municipalité vient à la rescousse du LOSC. Elle lui fournit 7 millions (70 000 nouveaux francs est-il précisé) pour boucler la saison et repartir en 62/63. Au conseil municipal, les oppositions se font entendre : Landré (communiste) s’élève contre l’attribution à une société sportive qu’il estime mal gérée ; Minne (droite), ancien maire éphémère, n’est pas spécialement contre mais estime qu’on ne va pas aller loin avec 7MF.
L’équipe municipale n’est pas en désaccord avec ces remarques. Mais elle estime qu’il n’est pas possible d’ignorer la situation du LOSC. Elle lui a déjà consenti des prêts et participé à la rénovation de son stade.
Le 4 août 1962, le LOSC débute sa saison comme il avait terminé la précédente : défaite 1-4 en amical face à Valenciennes.
Grâce à des investissements de Jean Denis, le LOSC connait un répit sans éclat : il remporte le titre de D2 en 1964 puis reste 3 ans dans l’élite. Mais en 1967, nouveaux problèmes, nouvelle relégation, et le LOSC s’enfonce au point de plus parvenir à payer ses joueurs. Comme d’autres, il abandonne le professionnalisme en 1969.
Le point final d’une décennie à s’engluer (des Ardennes).
Note :
1 Biloute tenait Le Napoléon, face à la gare. Il était aussi gardien de buts de « l’équipe des 100 kg » de Lille : fourchette très basse pour lui, qui en pesait 140. Lors de son décès, début 1976, le Journal du LOSC salue ainsi sa mémoire : « grand buveur de bière, ardent supporter du LOSC, ami sincère, Biloute était une figure légendaire de notre région ».
NB : Les Sedannais s’en sortent en 1962 grâce à une souscription. Ils finiront par fusionner, avec le Racing Club de Paris, en 1967. Descendu en D2 en 1971, le club fera régulièrement l’ascenseur entre D1, D2 et D3 lors des années suivantes.
Posté le 29 avril 2024 - par dbclosc
Avril 1934 : l’Olympique Lillois champion de France… de basket
Le 29 avril 1934, un an après leurs collègues footballeurs, les basketteurs de l’Olympique Lillois remportent le titre national, après être déjà parvenus pour la première fois en finale l’année précédente. En raison de la popularité bien moindre du basket-ball, l’événement reste assez confidentiel.
L’Olympique Lillois, club omnisports créé en 1902, est surtout connu pour sa section football, notamment Trophéïste de France 1914 et championne du premier championnat professionnel en 1933 (toujours disponible dans les bonnes librairies). Sa section basket a été créée en 1924, peu après que le basket connaisse un premier gain de popularité en France.
En France, le basket connaît des évolutions institutionnelles assez similaires à celles qu’on observe en football : éclaté en plusieurs fédérations avant la première guerre mondiale, il gagne en popularité durant le conflit grâce à la présence de soldats américains et connaît une première forme d’unification en 1921 avec l’organisation d’un premier championnat national (amateur) remporté en 1922 par… un club lillois ! Il s’agit de l’Institut Catholique d’Arts et Métiers (ICAM), qui compte de nos jours plusieurs antennes en France mais qui a été fondé à Lille.
Par la suite, l’organisation des championnats changera régulièrement, avec deux inflexions majeures en 1949 (plus grande ouverture à des clubs hors-région parisienne) puis en 1987 (professionnalisme).
Revenons à nos Lillois : assez rapidement, la section basket de l’OL se hisse au niveau de l’élite nationale puisqu’on la retrouve déjà en finale du championnat de France 1933. Pour y parvenir, l’OL a d’abord été champion du Nord, avant de passer par des barrages puis de se retrouver dans un quatuor final. En demi-finale, l’OL a éliminé Saint-Charles d’Alfortville rapidement réduit à 4 après qu’un de ses joueurs a lancé à l’arbitre un « qualificatif osé » (A la page, 27 avril 1933). Résultat : 54 à 24 pour ceux qu’on appelle aussi les Dogues.
Les basketteurs lillois sont réputés lents, mais plus grands, plus athlétiques, avec une défense très solide et une capacité à shooter « à la mulhousienne » (L’Auto, 21 mai 1933), expression qu’on n’a pas tout à fait comprise, mais signalons que le Foyer Alsacien Mulhouse domine le basket français depuis la moitié des années 1920, et qu’à la lecture de certains résumés, il semble que les Lillois sont particulièrement adroits quand ils tirent de loin. Bref, on construit peu, on bourrine de loin et on gagne : en somme, les caractéristiques des basketteurs lillois ressemblent fort à celles que la presse rapporte au sujet des footballeurs de l’OL, tant en 1914 qu’en 1933.
En 1933, les 5 joueurs de l’OL qui jouent la finale de championnat contre le Foyer de Reims sont :
Charles Fonteyne (avant, capitaine) : 1,70m, 66 kilos, 25 ans. International français, il est le créateur, à 16 ans, de la section basket de l’OL. « De la classe » selon l’Auto.
Jean Tirlimont (avant) : 1,80m, 76 kilos. Lillois depuis 5 ans, il est un « joueur consciencieux, très adroit de loin ».
André Vix (centre) : 1,78m, 74 kilos. Ancien joueur de l’ICAM évoqué plus haut, il joue ensuite en région parisienne puis revient à Lille après avoir accepté un poste d’ingénieur. Sélectionné en équipe du Nord, « il sait utiliser ses équipiers les mieux placés ».
Jean Labbé (arrière) : 1,80m, 88 kilos. Ancien d l’ICAM, assez lent mais imprenable sur les ballons hauts, comme ses proportions l’indiquent, « son sens de la place en font un arrière difficile à passer ».
Georges Fontaine (arrière) : 1,70m, 68 kilos. Il est le plus jeune de l’équipe, et basketteur depuis 3 ans seulement. Sélectionné avec l’équipe du Nord quelques jours avant, il a refusé pour préparer la finale avec ses équipiers : « bel esprit de club ». Oui mais l’esprit régional…?
Face aux champions en titre Rémois, l’OL a fort à faire. 3 000 personnes ont pris place dans aux arènes de Lutèce, et on y assiste à « la plus belle des finales » (L’Auto), « un match épique » (Le Miroir des Sports). Seuls deux points séparent les deux équipes à 5 minutes du terme, mais les Rémois creusent l’écart en fin de match et s’imposent 36-28. En dépit de « paniers réussis dans des positions exceptionnelles » et de la qualité du capitaine Fonteyne, l’OL n’a pas résisté mais aucun doute : « la progression du basket est significative (…) Nous sommes loin des recettes de grandeur astronomique des grandes épreuves de football et de rugby, mais on aurait tort de conclure que la minorité actuelle de ce sport est une chose définitivement acquise » (Le Miroir des Sports, 23 mai 1933).
Un an après, revoilà les Lillois : la section basket, présidée par Henri Kretzschmar – qui sera un des acteurs de la création du LOSC, s’est de nouveau hissée en finale du championnat ! Championne du Nord, elle a ensuite terminé en tête de la « poule B » (le champion de la « poule A » est l’autre finaliste) en écartant l’AS Bon Conseil (46-17), les Cheminots Rennais (66-21), JA Charleville (55-19), l’USCPO – aucune idée de ce que c’est – (32-31), puis le Stade Français en demi-finale (43-31)
Le 5 titulaire a été modifié depuis la saison précédente. Charles Fonteyne, Jean Tirlimont et Georges Fontaine sont toujours là ; leurs nouveaux équipiers sont :
Pierre Boel (avant) : 1,85 m, 22 ans, sélectionné en équipe du Nord et remplaçant en équipe nationale ; « déconcerte ses adversaires par sa façon spéciale de shooter. Particulièrement redoutable sous le panier » (Les Sports du Nord, 28 avril 1934).
Roger Charlet (arrière) : 22 ans. Sélectionné en équipe du Nord ; « joueur calme, pratiquant l’interception avec bonheur, contre-attaque et marque souvent de loin ».
Face aux Lillois se présente le Foyer Alsacien Mulhouse, qui a déjà été sacré 7 fois, mais qui a perdu de sa superbe depuis trois ans (1924, 1925, 1926, 1928, 1929, 1930, 1931). C’est ce qui fait dire à la presse nordiste que, cette fois, « l’issue paraît devoir être favorable » (Les Sports du Nord).
Au niveau national, L’Auto fait aussi des « blanc cerclé rouge » leurs favoris, rappelant que, l’année précédente, « ils s’inclinèrent mais ils donnèrent l’impression que leur tour viendrait (…) Il y a de meilleurs individualités à Mulhouse, mais l’Olympique Lillois est supérieur par sa cohésion et sa conception du jeu ».
Au stade Roland-Garros, 1 500 spectateurs sont présents, parmi lesquels Marin, ministre de la santé publique l’éducation physique. Il y a davantage de supporters Alsaciens que Nordistes ; les joueurs de Mulhouse sont « encouragés dans leur patois régional par un assez grand nombre de spectateurs » (Miroir des Sports).
Les deux équipes jouent avec leurs qualités habituelles : les Lillois shootent « sans parcimonie », quitte à avoir du déchet important, mais ils trouvent ainsi fréquemment le grand Boel ; « du reste, Boel n’avait pas attendu cette finale pour atteindre quelque renommée, puisque, parmi les quinze cents spectateurs présents, on entendait assez souvent les exhortations qui lui étaient adressées : « Allez, Gobe-Mouche,» surnom qui répondait parfaitement aux talents de l’avant nordiste » (Miroir des Sports).
Le début de match est équilibré : 5-5, 10-10, 12-12, 13-13, 15-15. Et, à la mi-temps (il semble qu’il y ait deux périodes), les Dogues mènent 17 à 16. Le Miroir des Sports note un jeu « plaisant », mais parfois « haché » : selon l’hebdomadaire, l’arbitre est « exagérément pointilleux, se croyant obligé d’expliquer au public le pourquoi de ses innombrables coups de sifflet, dont certains furent bien mal accueillis, et cela avec juste raison ».
À la reprise, après une dizaine de minutes sur le même rythme, les Lillois prennent un net ascendant physique et réalisent un 32-9 dans les 15 dernières minutes. À l’arrivée, l’OL remporte la finale 51-28, et Boel inscrit à lui seul 25 points.
Pour l’Auto, « il n’y a pas de contestations possibles (…) cette saison, après avoir dominé toutes les équipes, l’OL s’octroie le titre de brillante façon. Le Foyer de Mulhouse a été un adversaire à sa main, mais rien ne doit diminuer la victoire des Dogues lillois (…) l’équipe la plus complète et surtout la mieux au point imposa son jeu à son adversaire en moins bonne condition physique ; ce dernier, voyant le match perdu, ne se soucia même plus de la marque ».
Un résumé très détaillé et pas chiant du tout de la finale (revue Basket-ball) :
Plus simple (L’Auto) :
Cette victoire est celle du dirigeant de la section basket de l’OL ; pour l’Auto, « Monsieur Kretzschmar, comme dirigeant, a droit à une grande part de ce succès, car il a su donner à son équipe cet esprit de camaraderie et de sacrifice qui fait les champions ». Dans la presse régionale, on souligne qu’il est le « grand animateur de la balle au panier dans notre région, il s’est toujours dépensé sans compter pour son club et la victoire d’hier n’est qu’une récompense légitime des sacrifices qu’il a toujours su s’imposer pour faire progresser le basket nordiste » (Les Sports du Nord).
En 1935, l’OL, pour la troisième fois consécutive, arrive jusqu’en finale ; mais il est battu par un autre club de Mulhouse.
Comme pour la section football, la section basket de l’OL, quand la guerre commence, a une existence qui n’est pas très clairement déterminée. En 1943, l’OL, rebaptisé OICL (comme en football), se hisse en finale interzones. En février 1944, on trouve sa trace à Paris, où il perd un match par forfait, au moment où on ne sait pas si l’OL/OICL a une existence juridique.
Après-guerre, le LOSC comptera également une section basket très bien placée au niveau nationale jusqu’en 1960, avant que la section ne redescende en division régionale puis que des soucis financiers ne la fassent disparaître en 1972, laissant place au Lille-Basket-Club.
Posté le 26 avril 2024 - par dbclosc
Lille/Metz 1939, le match qui n’eut jamais lieu
Été 1939 : la nouvelle saison de Division Nationale se prépare en dépit de la menace d’un conflit imminent. Fin août, les Dogues de l’Olympique Lillois doivent recevoir Metz. Mais, bien qu’arrivés seulement le 31 mai 1940, les Allemands arrivent avant les Grenats dans la capitale des Flandres. Mauvais signe.
« Allez l’OL ! » : pour qui se passionne depuis des années pour le football lillois, ce cri, scandé à pleins poumons par des milliers de supporters des Dogues, est un incontournable d’un après-midi footballistique sur les bords de la Deûle. Mais quand il est repris ce 3 novembre 1939, il prend une dimension particulière.
Au stade Victor-Boucquey, un match oppose deux équipes de militaires : celle, française, du premier corps, et celle, anglaise, de la Royal Air Force. Côté français, rien que des vedettes nordistes, soit évoluant dans les clubs du coin (OL : Défossé, Cheuva ; Fives : Jadrejak ; Lens : Marek, Siklo ; Roubaix : Urbaniak , Kups – qui lui est Polonais), soit revenus au bercail depuis quelques semaines (Duhamel, Nicolas). Le public s’est empressé de venir voir ces footballeurs-militaires nordistes, qui ont rarement l’occasion de fournir une exhibition commune, dépassant les rivalités régionales. Mais c’est la première fois depuis la fin de l’été que le public lillois a l’occasion de voir un match de football. Lors de l’entrée des deux équipes sur le terrain, un frisson parcourt la foule : « les nombreux gars du Nord cantonnés eurent une douce émotion lorsque l’équipe du premier corps pénétra sur le terrain, vêtue du maillot blanc cerclé de rouge de l’Olympique Lillois » (Le Grand Echo).
On l’aura compris : la mobilisation générale, décrétée le 1er septembre, a interrompu toute activité sportive. Beaucoup de footballeurs sont désormais des militaires, et ceux de la région se sont unis pour affronter leurs alliés anglais, présents sur le sol national. Et puisque la guerre ne semble pas (encore) prendre le chemin des champs de bataille, pourquoi ne pas rejouer ? La réapparition du maillot de l’OL, rangé au placard depuis des semaines, est une belle surprise de la part des « régionaux », qui suscite en retour une belle ovation du public. Elle symbolise le fol espoir d’un retour à la normale ; à défaut, et de façon plus réaliste, elle vient très ponctuellement éclairer un quotidien qui s’est brusquement assombri. Retournons quelques mois en arrière.
De Metz à Metz
28 mai 1939 : à Metz, l’OL vient obtient un match nul (0-0) pour son dernier match de championnat 1938/1939. C’est encore une saison réussie pour les Dogues, même si des clubs comme Sète, Marseille ou le Racing ont sans doute montré davantage de qualités et constance depuis l’avènement du professionnalisme. Les Lillois terminent à la cinquième place, tout en étant parvenus à se hisser en finale de la Coupe de France.
Début juin, les Lillois disputent un tournoi à Marseille avec l’OM, Sète, et le RC Paris. Après avoir battu Sète (2-1), ils s’inclinent en finale contre Marseille (1-4). Un dernier amical à La Gantoise, perdu 0-1, conclut la saison 1938/1939 de l’OL.
Au cours de l’été, les nouvelles classiques tombent : mi-juillet, l’Olympique Lillois communique sur le prix des abonnements, et annonce un premier match amical contre Breda le 20 août. Et un peu plus tard, la calendrier préparé par le Groupement est annoncé : les Dogues commenceront la saison le 27 août au stade Victor-Boucquey, contre Metz.
On n’arrête pas le progrès
Il règne une certaine légèreté à Lille durant cet été 1939. En effet, le 14 mai, l’Exposition du Progrès Social est ouverte.
Jusqu’à octobre, à Lille et à Roubaix, cette exposition est une sorte d’exposition universelle miniature, où des régions françaises, quelques pays voisins (Belgique, Luxembourg, Pays-Bas, et même Allemagne) viennent mettre en avant de récentes évolutions notamment technologiques, urbanistiques, et architecturales. En outre, les colonies sont également mises en scène pour mettre en avant l’Empire français : et voici, dans la ville des Dogues, des chameaux, dromadaires, et autres éléphants, que peut admirer le président Albert Lebrun, venu inaugurer la fête le 5 juin, un joli Luna Park (une ducasse).
L’objectif de cette Exposition est de montrer que les régions dévastées par la guerre 14-18 se sont relevées et sont désormais tournées vers un monde nouveau, fait d’équipements collectifs, de villes assainies, où le sport occupe une place importante. En somme, il s’agit de marquer symboliquement la fin de la Grande Guerre et de ses effets.
L’entrée de l’Exposition se fait à l’extrémité du Boulevard Louis XIV, via une Porte d’Honneur en acier de 45 mètres de haut, qui donne sur une espèce de village géant où apparaît d’abord le bâtiment principal de l’annuelle Foire commerciale (détruit en 1993), appelé Grand Palais, de 30 mètres de hauteur, et qui a donné son nom à l’actuel Grand Palais (qui n’est pas situé exactement sur l’endroit du bâtiment précédent).
Ainsi, sur une vaste surface située de la gare Saint-Sauveur à la gare Lille-Flandres, en suivant globalement le tracé des anciens remparts, Lille est le centre d’une intense activité de propagande visant à promouvoir la « modernité ».
L’esprit festif de cette exposition tranche avec climat international, particulièrement électrique, de cet été. Depuis plusieurs années, à la suite de divers événements qu’on ne va pas retracer ici, un conflit d’envergure semble inévitable. Il l’est désormais à ce point que, désormais, les journaux titrent non pas sur la probabilité du conflit, mais sur les diverses stratégies qu’il faudra adopter quand on y sera : qui a la meilleure flotte, en cas de guerre maritime ? Qui et par où les Allemands comptent attaquer leurs voisins ? Peut-on compter sur le soutien des Russes ? L’alliance entre l’Allemagne et l’Italie est-elle sincère ?
Le Tournoi de l’Exposition, ancêtre du Challenge Emile-Olivier
Dans les deux villes nordistes, sont greffés à l’Exposition proprement dite des activités sportives et récréatives. À Lille, l’érection d’une piscine et d’un stade, grâce au jumelage de l’Union des Sociétés de Gymnastique de France, permet aux sportifs de démontrer leurs talents et ainsi prouver que l’effort de « regénération des corps » entamé après-guerre a porté ses fruits.
Clou sportif de l’Exposition : est annoncé seulement début août ce que la presse nordiste qualifie de « véritable coup d’envoi de la saison nordiste ». Et pour cause : il s’agit d’un tournoi réunissant les quatre équipes de la région engagés dans le championnat 1938/1939 : l’’Olympique Lillois, le Sporting Club Fivois, l’Excelsior Roubaix-Tourcoing et le Racing Club de Lens. Ainsi, les samedi 12 et dimanche 13 août, dans un stade aménagé dans l’enceinte même de l’Exposition, l’équipe gagnante remportera le Coupe de l’Exposition du Progrès Social, et nul doute que ce sera « un énorme succès populaire ». La coupe sera remise par Albert Mahieu, sénateur du Nord, vice-président du Sénat, et président de l’Exposition. Un peu moins d’un an plus tard, il fera partie des parlementaires votant les pleins pouvoirs à Pétain (comme 85% d’entre eux)1. Mais en attendant : football, nous voilà.
Au niveau de l’organisation, c’est assez simple : deux demi-finales le samedi et, le dimanche, la petite finale suivie de la grande. Dans leur grande sagesse, les organisateurs prévoient que la petite finale aura lieu entre les deux battus du samedi, et que la grande finale opposera les deux vainqueurs.
Le tirage au sort a décidé des matches suivants :
Samedi à 15h : SC Fivois/RC Lens
Samedi à 17h : O. Lillois/E. Roubaix-Tourcoing
Petit point réglementaire : en cas d’égalité dans les demi-finales, le gagnant sera désigné par tirage au sort. En cas de résultat nul dans la finale, on jouera une prolongation de 30 minutes divisée en deux périodes 15 minutes. Et si c’est encore égalité ? « Le comité d’organisation verrait alors ce qu’il convient d’envisager pour l’attribution de la Coupe » précise Le Grand Echo du Nord.
Ce tournoi estival, exceptionnellement greffé à un événement d’envergure, deviendra près de 40 ans plus tard un rituel annuel, avec quelques variantes das un premier temps : de 1977 à 1988, le Tournoi de la Communauté Urbaine de Lille permettait souvent à deux équipes nordistes, accompagnées de belles équipes étrangères, de terminer leur préparation ; puis, de 1992 à 1998, le Challenge Emile-Olivier a quant à lui uniquement opposé les meilleures équipes nordistes.
Fives au top, l’OL en difficulté
Samedi 12 août 1939, Fives et Lens alignent les joueurs suivants :
Fives : Cros ; Fabreguettes, Méresse ; Bourbotte, Kapta, Laune ; Nowicki, Doly, Bihel, Van Caeneghem, Waggi (Wawrzeniak de son vrai nom)
Lens : Evin ; Mathieu, Beaucourt ; Ourdouillier, Lewandowski, Calinski ; Dugauguez, Spechtl, François, Pruss, Melul.
Voici pour le match de 17h :
OL : Dupont ; Vandooren, Szezesny ; Carly, Cheuva, Cleau ; Delannoy, Winckelmans, Koranyi. Muller, Bigot.
Excelsior : Gonzalès ; Arana, Dhulst ; Cholle, Thomas, Walravens ; Renard, Hiltl, Sécember, Buge, Liétard.
Selon le Grand Echo, près de 5 000 spectateurs assistent aux deux matches. Pour accéder au stade, les amateurs doivent se munir d’un billet spécial en plus d’un billet pour l’Exposition. Cela fait partie des « trois combinaisons intéressantes pour visiter l’Exposition ».
« On s’attendait à un succès de curiosité. Que valent nos team ? Qu’est-ce que le stade de l’Expo ? Le public s’est vite trouvé chez lui et a si vite reconnu ses équipes qu’au bout de 10 minutes il vibrait comme aux plus beaux jours du championnat »
Sur le terrain, Fives bat Lens 3-1 (Bihel, Doly, Waggi/Specht).
Ensuite, OL et Excelsior font match nul 1-1 (Koranyi/Hiltl sp). Il faut donc recourir à un tirage au sort, et qui gagne bien sûr… ?
La grande finale opposera donc Fives à l’Excelsior, et la petite Lille à Lens.
Notons que le pénalty obtenu par l’Excelsior est consécutif à une nouveauté dans le règlement. Cette nouveauté est diffusée durant tout l’été aux arbitres, joueurs et amateurs de football. Les joueurs de l’OL et du SCF ont ainsi communément assisté à une conférence le 7 août au café du Pélican, Grand’Place. Voici ce qu’écrit le Grand Echo quant à la nouvelle règle :
« En vue de rendre le jeu plus scientifique, plus intelligent, plus « fair-play » et, par suite, moins brutal, il a été décidé que l’arbitre ne devait plus tolérer la « charge », même correcte, contre un adversaire qui n’est pas en possession du ballon ou qui ne tente pas définitivement de jouer le ballon. Cette décision ne causerait aucune émotion dans le monde du football si l’infraction à cette nouvelle réglementation n’était sanctionnée que d’un « coup franc » simple. Mais toute charge, même correcte, qui n’est pas exécutée à bon escient, devra être sanctionnée d’un « coup franc » direct ou d’un « penalty » si la faute est commise dans la surface de réparation. Ajoutons qu’un joueur qui veut barrer un adversaire peut toujours avoir recours à l’obstruction qui reste permise ».
Il est amusant de lire qu’une charge « même correcte », est maintenant considéré comme « incorrecte ». En revanche, reste tolérée une pratique qui passerait aujourd’hui pour une sérieuse incorrection : la simple « obstruction ». Ces règles semblent tomber sous le sens avec nos yeux contemporains, mais rappelons que le football est, à l’origine, un jeu bien plus brutal, voire violent, qu’il ne l’est aujourd’hui, où presque tous les contacts sont désormais considérés comme fautifs. Il était donc possible de faire tomber à terre un adversaire qui n’était même pas en possession du ballon. Dans les faits, il semble que cette règle ait mis du temps à être intégralement appliquée, puisque lors d’un match de coupe Lille/Lens en 1949 dont nous avons parlé ici, une des techniques des Dogues était libérer le passage du porteur de balle en mettant à terre les adversaires qui pourraient se trouver sur leur chemin. Une pratique rigolote très clairement illustrée sur cette photo :
En petite finale, Lens et Lille se présentent de la sorte :
OL : Dupont ;Vandooren, Secesny ; Rémy, Cheuva, Cléau ; Dangléan, Stefaniak,Koranyi, Muller, Bigot.
RCL : Mathieu, Beaucourt ; Calinski, Pruas, Hadelberger, Boucher, Ourdonillier, Stanis, Specht, François
Lens s’impose 2-1 (Stanis, Boucher/Mathieu csc ou Koranyi selon les sources).
Pour la finale, Fives et Roubaix-Tourcoing alignent les joueurs suivants :
SCF : Cros ; Fabreguettes, Méresse ; Bourbotte, Kapta, Laune ; Novicki, Doly, Bihel, Prouff, Waggi.
Excelsior : Gonzalès ; Aréna, Dhults ; Cholle, Dubois,Walravens ; Tobia, Hiltl, Sécember, Buge, Filez.
Les Fivois gagnent 5-1 (Kapta sp, Prouff, Wagi, Bihel, Bihel/Buge) et remportent donc le tournoi ; « aussitôt le match terminé, les joueurs, en cortège, musique en tête précédés de la Coupe, et entourés de supporters enthousiastes, parcoururent les allées de l’Exposition et se rendirent sur le terre- plein du Théâtre de Plein Air. Et pour clôturer, on sabla le champagne ».
Quels enseignements tirer du tournoi ? Difficile à dire, car l’OL ne disposait pas encore de ses recrues (Da Rui, Moré, Kalocsaï), le RCL n’avait ni Siklo ni Marek. Mais le SCF évoluait aussi sans sa recrue annoncée, Finta. Mais au niveau de l’affluence, le Grand Echo estime que près de 10 000 personnes sont venues sur les deux jours, et le public nordiste semble impatient que le championnat reprenne. Au passage, on note que le principal club de la ville peut encore ajouter un stade à la liste de ceux dans lesquels il a joué « à domicile ».
Par la suite, la préparation des deux clubs lillois confirme la tendance : l’OL ne fait que match nul contre Valenciennes (2-2) puis ne bat Breda « que » 1-0, alors que l’Excelsior avait battu les Néerlandais la veille par 3 à 1. En outre, l’arrivée des recrues tarde. Les Dogues se renforceront-ils ? Quant au SCF, il termine sa préparation en gagnant largement sur le terrain de l’Union Saint-Gilloise (5-0).
C’est reparti comme en 14
Arrive enfin la semaine de reprise du championnat. La belle préparation des Fivois est notamment attribuée à l’arrivée de René Bihel – futur avant-centre du LOSC – auquel l’Auto consacre un article le 24 août.
Dimanche 27, l’OL recevra Metz, tandis que Fives ira à Saint-Etienne.Chez les Dogues, on se méfie beaucoup de l’équipe de Metz, qui a recruté deux internationaux d’Europe centrale : un gardien hongrois (ou Autrichien – c’est-à-dire Allemand – selon les sources) et un demi tchécoslovaque – c’est-à-dire un peu Allemand aussi. Les lorrains comptent aussi d’autres internationaux, français (Fosset, Marchal, Rohrbacher, Kowalezyk), néerlandais (Bakhuys), et hongrois (Weiskopf).
Mais à mesure qu’avance la semaine, l’Auto annonce que certains clubs professionnels font face à des effectifs tronqués, car plusieurs joueurs sont déjà mobilisés.
En milieu de semaine, la nouvelle tombe : les matches de D1 qui devaient se dérouler dimanche 27 sont remis à une date ultérieure. Le lendemain, la Ligue du Nord annonce une remise pour tous les matches de niveau amateur dans la région.
Même les pages de l’Auto se remplissent progressivement des actualités internationales tandis que, même dans la presse régionale, les dernières tractations diplomatiques occupent une grande partie des journaux.
À partir de l’invasion de la Pologne, la place du football dans les journaux est réduite à la portion congrue. La mobilisation générale est décrétée. L’Exposition du Progrès Social ferme ses portes précipitamment. Son bâtiment principal sera bombardé quelques mois plus tard. Puis, comme en 1914, c’est par quelques lignes elliptiques que l’on obtient des nouvelles des footballeurs mobilisés.
En septembre, un lecteur inquiet du Grand Echo adresse cette lettre à l’OL :
Où sont donc les Dogues ? Difficile de le savoir. Le Grand Echo rapporte que Gabriel Caullet, le président du club, serait démissionnaire, puis aurait disparu. Pourtant, après quelques semaines, le football reprend. Le championnat de D1 aussi, mais sans certains clubs, dont l’Olympique Lillois, alors que le Sporting Fivois est bien là.
Cette période de l’histoire du club est très peu claire. Y a-t-il encore une section football à l’OL ? Si oui, où est-elle ? Pourquoi le championnat – ou ce qui est désigné comme tel – se fait-il sans les Dogues ? Le souvenir de 1914 a-t-il poussé les dirigeants à se retirer d’eux-mêmes, avant que les événements n’empirent ? L’OL était-il en difficulté financière, comme cela était fréquemment rapporté depuis deux ans… ?
Toujours est-il qu’on ne reverra pas le maillot de l’OL avant le 3 novembre 1939, jour de ce match entre militaires. Le club, sous cette appellation, aura donc joué le dernier match de son histoire professionnelle à Metz, en mai 1939. On retrouvera les Dogues dans un autre monde.
Note :
1 Notons que A. Mahieu est expulsé de Vichy en 1941 pour avoir tenu des « propos injurieux » à l’égard de Pétain et pour avoir critiqué Darlan. Sans que ceci ne soit la conséquence de cela, il est mort en 1943.
Posté le 16 avril 2024 - par dbclosc
2002, Aston Villa acte 2 : Le LOSC dans son jardin anglais
Après le match nul de l’aller, on ne se fait pas trop d’illusions sur les chances du LOSC à se hisser en finale de la coupe Intertoto, d’autant qu’un très mauvais départ en championnat a subitement semé le doute. Et pourtant, après un match maîtrisé, les Dogues s’imposent 2-0 et poursuivent leur aventure.
Le LOSC est resté sur une impression très positive après le match aller : en arrachant un nul à la dernière minute, il semblait n’avoir pas renoncé à ses valeurs de combativité qui en ont fait sa marque de fabrique depuis quelques années. Symboliquement, c’est le meilleur représentant de ces valeurs qui a égalisé, Fernando D’Amico, comme si, en dépit des changements de l’été, l’état d’esprit des Dogues était intact.
Oui, mais : pour la reprise de la D1, le LOSC a pris une méchante claque à domicile. 0-3 à la maison, ce n’était pas arrivé depuis août 1995 (face à Guingamp). Entretemps, il y avait eu pire (0-4 contre Auxerre, mars 1996 ; contre Montpellier, mars 1997). On est d’accord pour admettre qu’il faut un peu de temps pour s’ajuster, mais on n’était plus habitués à ce genre de contre-performances. Dès lors, c’est toute l’interprétation d’une préparation qui semblait réussie qui est revue : et si le LOSC avait été bouffé physiquement par l’Intertoto ? Et si le LOSC n’avait rencontré que de faibles adversaires ? Et surtout, et si le LOSC avait rompu avec son passé récent, fait de réussite et d’exploits permanents ?
Du côté des joueurs, on est remontés après ce sale résultat. Le nouveau capitaine, Grégory Wimbée, prend sur lui le manque de réactivité de l’équipe contre Bordeaux : « les anciens dont je fais partie n’ont pas assumé leur statut. Tout le monde s’encourageait . Même à 0-3, chacun a cherché à réagir, mais de façon trop individuelle. Il aura fallu dire stop à un moment, analyser ce qui n’allait pas et trouver une réponse collective ». De manière générale, la presse s’interroge sur le « manque de leaders » dans l’effectif lillois. Si Greg Wimbée et Djezon Boutoille sont restés – ils ont d’ailleurs longuement parlé dans le vestiaire après le match, de même que Claude Puel – et que Fernando D’Amico, par sa manière de jouer, a également une faculté à faire réagir ses équipiers (il a pris un jaune grossier juste après le 0-3 puis est allé provoquer Pauleta après que le Portugais a manqué un pénalty en fin de match), les autres anciens sont de nature plus discrète (Fahmi, Landrin, Pichot).
Quoi qu’il en soit, pour le gardien lillois, « nous sommes obligés de nous reprendre immédiatement. Et cette réaction se fera par le jeu ». Quant à Djezon Boutoille, il aurait voulu jouer dès dimanche pour effacer la gifle bordelaise.
Avec cette alerte, faut-il laisser tomber l’Intertoto et se centrer sur le championnat pour éviter de se retrouver en fond de classement ? Ce n’est pas l’idée de Claude Puel, qui est satisfait de jouer 4 jours après cette déroute, et pour se qualifier en Angleterre : « ça va permettre de se recentrer immédiatement sur l’essentiel. Nous y allons avec l’ambition de jouer la qualification. Après le résultat de l’aller, il faudra marquer au moins un but, mais ça ne me semble pas impossible (…) Jouer Aston Villa pour préparer le championnat ne servirait à rien. Si c’était le cas, autant rester à la maison »
Comme à l’aller, mais en ayant en tête que les Anglais seront encore mieux préparés, les Dogues s’attendent à un « combat », selon Djezon Boutoille : « ils vont être agressifs, ils vont chercher à nous bouger dans les duels aériens. Mais si on fait un grand match, on passera. Une qualification serait le meilleur moyen d’oublier Bordeaux, et de préparer Le Havre ».
Puel emmène un groupe de 19 joueurs à Birmingham : tout le monde est disponible, hormis deux joueurs encore non-qualifiés pour l’Europe (Manchev et Baciu). Les Lillois logent dans le « cadre verdoyant » de l’hôtel Marriott. À Villa Park, ils pourront compter sur le soutien d’une centaine de supporters, dont 70 venus en bus avec le groupe « Tous avec le LOSC » et les Doggies. Dans les bus se trouvent le papa et le frère d’Hector Tapia, ainsi que le papa de Fernando D’Amico, qui passe probablement le trajet derrière le chauffeur en lui hurlant d’aller plus vite.
Mercredi 7 août : les Lillois découvrent le stade aux alentours de 19h10, pour un match prévu à 20h45 (heure française, 5h45 heure australienne le lendemain pour information). Villa Park peut accueillir 43 000 spectateurs, et on devrait en compter 25 000 ce soir. Claude Puel aligne une composition que la Voix du Nord qualifie de « prudente » : en effet, cinq défenseurs, deux milieux défensifs, un relais, deux milieux et un attaquant, il ne faut pas s’attendre à jouer l’offensive. Voici la composition :
Wimbée
Chalmé, Delpierrre, Fahmi, Rafael, Tafforeau ;
N’Diaye, Landrin, Bonnal, Brunel ;
Moussilou
Comme à l’aller, Moussilou occupe l’attaque, ce qui est aussi une manière de faire tourner mais, surtout, Puel se prive de six joueurs qu’on imagine titulaires ordinairement : Tapia, Boutoille, Pichot, Sterjovski, Be. Cheyrou et D’Amico sont sur le banc. L’entrée des joueurs se fait sur un « concert de cuivres qui n’aurait pas dépareillé avant un combat de gladiateurs à Rome ».
Djezon Boutoille n’avait pas tort : les Anglais donnent le ton dès la première minute avec un coup de Vassel donné à Delpierre. Le défenseur lillois, blessé à la pommette ; sort se faire soigner, ce qui occasionne un premier long arrêt de jeu. C’est le début d’un match perturbé par de nombreuses échauffourées.
Au niveau du jeu, Brunel tente une première offensive (9e), mais Lille est dominé, battu dans les airs, et se montre incapable de ressortir proprement le ballon durant les 20 premières minutes. Il faut cependant attendre la demi-heure de jeu pour voir une première grosse occasion pour les Locaux : Crouch passe facilement Fahmi et frappe : Rafael renvoie en catastrophe le ballon devant la ligne (mais il n’était peut-être pas cadré). Barry (35e) puis Crouch (39e) tentent encore leur chance, mais Wimbée est vigilant.
« Dans ces conditions, 0-0 à la pause semblait déjà une opération juteuse » lit-on dans la Voix du Nord. Alors, que dire de la suite ? Au moment où l’on entre dans les arrêts de jeu, le LOSC obtient un coup-franc, que l’on ose qualifier de « bon » que parce qu’il est loin du but de Wimbée. À 30 mètres du but anglais, Fahmi tente sa chance : le mur dévie et le ballon entre doucement dans le but d’Enckkelman, pris à contrepied. 1-0 pour Lille ! Le but sur France Bleu Nord :
Fahmi, en dépit d’une lourde frappe, n’avait jamais marqué sur coup-franc avec le LOSC. S’il en a beaucoup frappés en D2, il n’était d’ailleurs que très rarement le tireur attitré depuis deux ans, Bruno Cheyrou et Johnny Ecker ayant pris le relais. Leur départ aura permis de débloquer le compteur du Marocain, un peu chanceusement.
0-1 à la pause après une telle première période, les Anglais ont de quoi ruminer. Apparemment pas trop remis de ce coup de massue, ils en prennent un deuxième dès le retour des vestiaires. Avec nonchalance, la défense perd le ballon, ce qui profite à Brunel qui frappe du droit : le gardien repousse dans l’axe, où surgit Bonnal, qui inscrit le deuxième but lillois (0-2, 46e) ! La belle affaire se précise pour le LOSC, qui doit désormais encaisser 3 buts sans en marquer pour être éliminé.
On constate assez vite que les Anglais n’ont pas le même allant qu’en première période. On peut sans doute l’expliquer par les deux buts encaissés à deux moments-clés, mais aussi par le fait qu’ils comptent une semaine de préparation en moins. Vassel (54e) puis Crouch (61e) tentent bien de réveiller le stade, mais c’est très timide. De plus, Puel bétonne en faisant entrer Be. Cheyrou à la place de Bonnal (61e). La réussite est clairement du côté lillois : à la 68e minute, un coup-franc d’Hadji, dévié par le mur, surprend Wimbée qui parvient à s’emparer du ballon avec l’aide de la transversale. Et pour montrer que les Dogues sont toujours dangereux, Brunel manque le 0-3 en ne redressant pas suffisamment son ballon après avoir échappé au gardien (70e). Brunel et Moussilou sortent ensuite, remplacés par Boutoille et Sterjovski (71e).
Il ne se passe alors plus grand chose au niveau du jeu. En tribunes, on entend une Marseillaise à la 78e minute. Et les Anglais entament un autre match, fait de provocations et de tacles très limites : on assiste à une « fin de match houleuse et pourrie par le jeu dur des Anglais ». Après une nouvelle sortie sur Boutoille, Djezon reste à terre : Sylvain N’Diaye hurle auprès de l’arbitre et est expulsé (90e). Boutoille sort : sa cheville – encore – est touchée, et le LOSC finit à 10.
Lille s’impose et se qualifie pour la finale. Cette qualification valide les choix de Claude Puel qui, sans renoncer à quelque ambition, avait largement fait tourner. Après match, les sourires contrastent avec les mauvaises mines qui avaient suivi le match contre Bordeaux. Le coach souligne que « même s’il n’y avait pas eu la qualification, ce match m’aurait donné satisfaction car les gars ont été réceptifs aux consignes et ont su gommer pas mal d’imperfections. Ils ont réussi un match à l’opposé de celui de Bordeaux ».
Quant au président Seydoux, il est encore content : « l’équipe avait le devoir de réagir. Elle l’a fait et de fort belle façon. Il n’y a quand même pas beaucoup d’équipes françaises qui ont le bonheur de gagner en Angleterre par deux buts d’écart. Le groupe a retrouvé toutes ses qualités, son esprit, et c’est le plus important. Quand on perd un match en affichant ses valeurs, tout simplement parce que l’adversaire est plus fort, c’est moins grave. Mais contre Bordeaux, ça n’avait pas été le cas. À la limite, ce départ désastreux aura peut-être été un mal pour un bien. Il a obligé les joueurs à se remettre en question ».
Le propos de Seydoux est toutefois bien hâtif, et ne doit pas qu’à la grande méconnaissance qu’il a du football, qui lui fait faire quelques premières sorties médiatiques assez maladroites. Si, dans l’immédiat, le LOSC se rassure effectivement (0-0 au Havre, puis victoire 1-0 contre Stuttgart lors de la finale aller à Grimonprez), il rechute très vite en championnat (nouvelle défaite 0-3 à domicile, contre Nice) et ne remporte son premier match qu’à la 6e journée. Entretemps, le LOSC n’est pas parvenu à se qualifier pour la coupe de l’UEFA (défaite 2-0 à Stuttgart).
Si le LOSC connaîtra un bel automne, il traversera une grosse crise durant l’hiver qui rappelle qu’on ne passe pas d’une ère à une autre sans en payer le prix : le LOSC s’en sort finalement en toute fin de championnat, notamment en battant Rennes.
La valeur de cette double confrontation contre Aston Villa est difficile à évaluer : placée au cœur de l’été, à un moment où les différences de préparation peuvent aboutir à des résultats trompeurs, dans une compétition qui est une coupe d’Europe mais assez peu prestigieuse, au moment où de nouveaux effectifs prennent leurs marques, cet aspect étant très poussé du côté du LOSC en 2002, on lui attribue rétrospectivement une grande partie de la responsabilité du début de saison manquée du LOSC, sans qu’on ne puisse précisément déterminer dans quelles proportions cette croyance est fondée ou non.
Deux ans plus tard, le parcours Intertoto du LOSC suivi d’une superbe saison (2e) montrera qu’on peut tout à fait concilier cette coupe avec un championnat réussi. Dès lors, on peut raisonnablement considérer que cette demi-finale de 2002 reflète ce que sera le LOSC 2002/2003 : un club et une équipe en transition, avec toute l’inconstance sportive que ça implique. Mais elle aura tout de même vu le LOSC se qualifier contre des Anglais, chez eux, et constitue à ce titre une belle ligne sur la carte de visite européenne du club, désormais bien fournie.
Un résumé du match (France 3) :
Toutes les citations sont extraites de la Voix du Nord ou de la Voix des Sports.
Posté le 9 avril 2024 - par dbclosc
2002, Aston Villa acte 1 : Lille entretient l’espoir sur le fil
Au cours de l’été 2002, le LOSC est engagé en coupe Intertoto, après s’être classé 5e en 2001/2002. Pour se qualifier en coupe UEFA, il faut remporter trois confrontations aller/retour. La première a été facilement remportée face aux modestes Roumains de Bistrita (2-0 ; 1-0). Un obstacle d’une tout autre envergure se présente pour la demi-finale : Aston Villa.
C’est une nouvelle ère pour le LOSC : après près de quatre années de réussite totale depuis l’arrivée de Vahid Halilhodzic au cours desquelles le LOSC est remonté en D1 et a immédiatement découvert la coupe d’Europe, les principales têtes de l’organigramme sont parties. Les départs de Francis Graille, de Pierre Dréossi et de Vahid Halilhodzic questionnent : si le club a connu une exceptionnelle réussite sportive, sa structuration n’a pas suivi au même rythme, et beaucoup reste encore à construire. En outre, une partie des cadres des précédentes années s’en est allée, ne laissant pas passer l’occasion de signer le contrat de leur vie : on pense notamment à Bakari, Cheyrou, Cygan et Ecker. Restent néanmois quelques cadres tels que Wimbée, Fahmi, Pichot, N’Diaye ou D’Amico. Ce chamboulement va-t-il couper l’élan des Dogues, et les reléguer aux places médiocres auxquelles il s’est habitué depuis des décennies ?
L’arrivée de Claude Puel semble constituer la garantie d’une certaine continuité, du moins sur la forme : travail et rigueur sont ses maîtres-mots. Mais le recrutement est la grande inconnue : sur le papier, les nouvelles arrivées ne sont pas très excitantes, même si elles sont présentées comme prometteuses : Chalmé, Bonnal, Campi, Fortuné et surtout, devant, la paire Manchev/Tapia (+ Abidal en septembre).
Le groupe apparaît rajeuni est moins expérimenté. On va de toute façon rapidement être fixé, car la reprise est précoce : coupe Hitoto oblige, le LOSC reprend mi-juin. Grâce à l’indice français, les Dogues commencent la coupe UEFA dès le troisième tour, ce qui équivaut aux quarts de finale. La formule est originale puisqu’il existe trois tableaux parallèles au bout desquels chaque vainqueur se qualifie pour l’UEFA, ce qui aboutit donc à trois équipes qualifiées en UEFA via l’Intertoto. Pour Lille, le premier match, à Bistrita, se jouera le 20 juillet. En attendant le LOSC réalise deux stages de préparation (10 jours au Touquet et 10 jours à Capbreton) ponctués de quatre matches amicaux au cours desquels celui qui fait la meilleure impression est le Chilien Hector Tapia.
Pas de problème pour la première confrontation, alors qu’on craignait, comme souvent dans cette coupe, que les équipes supposées meilleures aient du retard dans leur préparation : Lille s’impose en Roumanie (2-0, Boutoille et Brunel) puis à Grimonprez-Jooris (1-0, D’Amico).
Place désormais à Aston Villa, club d’un calibre qui correspond mieux à ce qu’on attend d’une coupe d’Europe.
Aston Villa, club situé à Birmingham, au centre de l’Angleterre. Ancienne ville industrielle, elle a la deuxième plus peuplée du Royaume-Uni, après Londres, et avant Glasgow. On s’en fout ? Oui. Le club a un prestigieux passé européen : il a en effet gagné la coupe d’Europe des clubs champions en 1982 (face au Bayern Münich), puis la supercoupe d’Europe (face à Barcelone, vainqueur de la C2) dans la foulée.
En 2002, Villa n’est pas un épouvantail, au sein d’une Premier League qui n’est pas aussi dominante qu’aujourd’hui. En première division anglaise depuis 1988, Aston Villa a terminé 8e du championnat 2001/2002, à 37 points du champion, Arsenal. Le bilan : 12 victoires, 14 nuls, 12 défaites, ce qui est somme toute moyen, et qui mérite donc de foutre en l’air une partie de sa préparation avec l’Intertoto. L’équipe est qualifiée d’« inconstante » par la Voix des Sports, qualificatif qui doit valoir pour toutes les équipes de tous les championnats au monde qui terminent huitièmes.
Mais, par principe, on se méfie des Anglais (sportivement). Parmi ses quelques vedettes, Aston Villa compte le Turc Alpay, les Suédois Mellberg et Allbäck (arrivé à l’intersaison), le Colombien Juan Pablo Angel, l’Anglais Darius Vassel (titulaire à la coupe du monde 2002), le Ghanéen Boateng, le Marocain (Youssouf) Hadji et le « vieux » Paul Merson, 34 ans, qui, entre quelques problèmes d’alcool et de drogue, joue encore parfois au football, à moins qu’il ne faille en conclure que tout cela conserve. Dans l’effectif, est également arrivé de Portsmouth Peter Crouch, qui pour le moment n’est qu’un grand dadais qui ne marque pas trop de buts, avant qu’il ne devienne le grand dadais qui marque beaucoup de buts. Bref, voilà des noms « connus mais pas trop », ce qui fait de Villa un favori contre lequel on a des chances.
Mais, preuve s’il en faut que ça ne va pas être de la tarte, lors du tour précédent, Villa était opposé à Zürich : au match aller, les Suisses se sont imposés 2-0. Et au retour à la maison, les Anglais ont gagné 3-0. Et, tellement sûrs de leur force, entre le match aller et le match retour, des dirigeants chargés de la logistique sont venus visiter les installations de Grimonprez-Jooris. Renverser Zürich n’est pas non plus l’exploit du siècle, mais les Lillois sont prévenus.
Pour Claude Puel, on aura affaire à « deux matches intéressants » et « il faudra nécessairement être vigilants ». Voilà pour les banalités. L’entraîneur lillois craint néanmoins que le calendrier de cette confrontation ne soit un handicap par rapport à des Anglais qui reprennent plus tardivement leur championnat. Pour le LOSC, l’aller se joue entre le retour du match précédent et la première journée de championnat (contre Bordeaux). Et le retour se jouera entre les première et deuxième (au Havre) journées de championnat : « on risque de manquer de fraîcheur. Ces matches contre Aston Villa sont donc un peu mal placés ». Et comme l’écrit la Voix des Sports, « on ne prend jamais un Anglais de haut, fût-il légèrement en retard dans ses travaux d’approche ! ».
31 juillet 2002, les choses sérieuses commencent ! Il fait beau à Lille et on compte environ 15 000 spectateurs au stade Grimonprez-Jooris dont 600 Anglais, qui se font d’abord remarquer en sifflant copieusement la présentation de la nouvelle recrue du LOSC : Vladimir Manchev. Pas encore qualifié (tout comme les deux équipes d’ailleurs), il devrait pouvoir jouer samedi contre Bordeaux. Il y a eu un doute car il avait perdu son passeport, qui a été retrouvé par le personnel de l’hôtel Alliance, où il loge, dans un couloir.
La Voix du Nord note une apparente bizarrerie : « typiquement anglais, l’échauffement d’Aston Villa. Éparpillés dans leur moitié de terrain, les joueurs de Graham Taylor ont, en effet, donné l’impression de faire n’importe quoi ». Ceux qui se connaissent en profitent pour se saluer : Hadji et Wimbée (centre de formation de Nancy), Hadji et Fahmi (sélection marocaine).
Voici la composition lilloise :
Wimbée ;
Pichot, Fahmi, Delpierre, Tafforeau ;
Chalmé, D’Amico, N’Diaye, Brunel ;
Sterjovski, Moussilou
Une seule recrue (Chalmé) et, comme on pouvait le prévoir avec Puel, confiance aux jeunes avec les titularisations de Delpierre et de Moussilou (qui a été lancé par Vahid en janvier 2002 mais n’est plus réapparu en équipe 1 jusqu’à Bistrita)
À 19h30, l’arbitre croate donne le coup d’envoi.
Le LOSC (en gris) semble vouloir emballer le match mais l’adversité est d’un autre calibre que ce qu’ont proposé les Roumains : « l’organisation anglaise – cohérente, rigoureuse, et même parfois implacable – a tempéré très vite les ardeurs d’un LOSC pourtant bien en jambes ». La première période est donc surtout l’occasion d’observer ce que veut faire Claude Puel : en l’occurrence, on remarque surtout les tentatives de combinaisons sur les côtés, avec Pichot/Chalmé à droite, et Tafforeau/Brunel à gauche.
Le match est équilibré, et on a l’impression que les Anglais gèrent à leur rythme. Les Anglais sont les premiers à se créer quelques situations chaudes (tête de Taylor, 15e ; centre tendu de Samuel manqué d’un rien par Hitzlsperger, 16e). Du côté lillois, on attend le dernier quart d’heure pour approcher le but anglais avec conviction : après une ouverture vers Sterjovski mal gérée par le gardien, Brunel tente de loin mais ça passe à côté (31e) ; puis le même Brunel tente un lob face au gardien alors que c’était probablement la dernière chose à tenter, et ça finit tranquillement en 6 mètres (37e). Juste avant la pause, une frappe de D’Amico n’inquiète pas l’équipe adverse. 0-0 à la pause : ce n’est pas simple et ce n’est pas folichon devant.
La deuxième période part sur les mêmes bases : ça ronronne et seules quelques tentatives lointaines ou maladroites ponctuent un jeu qui se passe principalement en milieu de terrain. Puel fait alors entrer Bonnal à la place de Brunel (61e) puis, dix minutes plus tard, Tapia et Boutoille aux places de Chalmé et de Moussilou. Dans la foulée, Tafforeau sauve un ballon très chaud (72e) puis, sur un corner, Taylor marque en se jetant après une tête repoussée par Wimbée (76e).
On sent alors les Lillois proches de la rupture. Si les entrées des nouveaux offensifs apportent un peu d’énergie, ça ne semble pas suffisant (tête de Tapia, 86e). Mais, dans le temps additionnel, sur une ultime attaque, Boutoille réussit un dribble côté droit, il centre au deuxième poteau où se trouve Tapia, qui remise de la tête dans l’axe. Aux 6 mètres, D’Amico se jette et égalise de la tête (1-1, 92e). Le but sur France Bleu Nord :
Le match se termine sur ce nul. Un but dans le temps additionnel grâce au concours de deux entrants : faut-il voir un signe de continuité avec l’époque Halilhodzic ? Après le Vahid Time, le Puel Time ? Alors que quelques craintes s’étaient déjà manifestées du côté des supporters, ce but tardif est la meilleure des réponses personnes qui doutent, les vraies comme les fausses sceptiques. Grégory Wimbée : « que le public soit rassuré, on va continuer à mouiller le maillot. Ce groupe a toujours faim, et il a encore envie de réaliser de belles choses. La réussite continuera-t-elle à nous sourire comme elle l’a fait dans le passé ? Ce paramètre-là, on ne le maîtrise pas, mais la réussite, il faut savoir la forcer, et nous sommes habités par la rage de gagner ».
Le nouveau président, Michel Seydoux, est content : « l’entraîneur change, les hommes et la tactique aussi. Pourtant l’état d’esprit est toujours là. Quelle joie ! ». Plus froid et mesuré, Claude Puel note qu’« égaliser dans les dernières secondes, c’est toujours très fort. Dans le cas présent, c’est aussi très important. Nous gardons en effet toutes nos chances en vue du retour à Birmingham. Le LOSC a aussi montré de la qualité dans son jeu. Ce fut un match solide, structuré. L’équipe a su en outre dévoiler une grande force de caractère. Elle est, en définitive, dans la continuité de ce qu’elle fait depuis plusieurs saisons ». Fernando D’Amico, le meilleur buteur de la saison, signale aussi que, contrairement à ce qu’on redoutait, ce match arrive au bon moment, à la veille de reprendre en D1 : « finalement, ce match est bienvenu car il nous a mis dans le bon rythme ».
Du côté d’Aston Villa, on est aussi satisfait. L’entraîneur, Graham Taylor, déclare qu’il « aurai[t] signé tout de suite avant le match pour un tel résultat »
Face à une équipe solide, avec un but encaissé à la maison qui vaudra double en cas d’égalité, ce nul n’est évidemment pas le meilleur des résultats, mais le LOSC n’a pas hypothéqué ses chances de poursuivre la compétition. Rendez-vous à Villa Park dans une semaine. Entretemps, la D1 aura repris avec la réception de Bordeaux.
Un résumé du match (France 3) :
Toutes les citations sont extraites de la Voix du Nord ou de la Voix des Sports (juillet-août 2002)