Archive pour la catégorie ‘Complot contre le LOSC’
Posté le 4 mai 2022 - par dbclosc
Le LOSC à 9 (1995-2022)
Comme le dit le proverbe : « le football est un sport qui se joue à 11 contre 11, et à la fin l’arbitre sort des cartons rouges ». Passons en revue les fois où le LOSC s’est retrouvé à 9 depuis 1995.
La saison 2021/2022 est décidément riche en émotions et nous incite à nous replonger dans les statistiques les plus folles : avant Paris, depuis quand n’avions-nous pas pris 5 buts en championnat à domicile1 ? Depuis quand avions nous fait un zéro sur six contre Lens en championnat2 ? Quel était le précédent match au cours duquel on nous a refusé 3 buts dans un même match3 ? Quand un arbitre a-t-il sifflé deux ou trois pénalties contre nous4 ? Avant Tiago Djalo, quel lillois avait marqué deux csc au cours d’une même saison5 ?
Et depuis quand le LOSC n’avait-il pas terminé un match à 9 pour cause d’expulsions ? Après avoir évoqué les matches au cours desquels le LOSC a joué face à 9 adversaires, ce remarquable cru 2021/2022 nous permet de répondre à cette question, en nous appuyant sur les données en championnat depuis 1995.
9 avril 1996, Martigues-Lille (1-0) : Thierry Rabat et Arnaud Duncker
Le LOSC est mal en point et vient de se prendre une gifle à domicile par le futur champion auxerrois (0-4). Par bonheur, il a la chance de se relancer en se rendant chez la lanterne rouge, Martigues, qui ne peut plus compter que sur un miracle pour se maintenir. Juste avant le match, le président du club de Martigues, Denis Lankar, a publiquement donné les noms de 8 de ses joueurs jugés « indésirables » : de quoi mettre en confiance tout le monde. Dans ce contexte, bien entendu, Martigues ouvre le score par David Mazzoncini (17e). Poisse : Lévenard, blessé, doit céder sa place à Meszoly à la demi-heure. Quelle incroyable époque ! Et Lille se montre incapable de réagir, comme bien souvent cette saison. Pourtant, le matin du match, Thierry Rabat confiait à la Voix du Nord : « mon rôle en tant qu’ancien, c’est de rassurer tout le monde. Les gars se posent tellement de questions ! Sur le terrain, on devra être forts, très forts, et tout faire pour ne pas avoir de regrets. En étant sérieux, bien organisés, on peut ramener quelque chose » (La Voix du Nord, 9 avril 1996). Face à l’un de ses anciens clubs, Thierry Rabat ne ramène aucun point mais un carton rouge après un deuxième avertissement (72e). 7 minutes plus tard, Arnaud Duncker l’imite (79e). Lille termine à 9 et s’enfonce au classement (19e). Puis 3 victoires consécutives, dont une miraculeuse à Paris, permettront finalement au club de rester en D1.
12 novembre 1999, Lille-Guingamp (2-0) : Grégory Wimbée et Jean-Louis Valois
Après deux saisons en D2, le LOSC semble cette fois bien parti pour retrouver la D1. En recevant son dauphin guingampais pour la dernière journée des matches « Aller », le LOSC a l’occasion de frapper un grand coup en prenant 11 points d’avance sur les Bretons. Les Dogues confirment leur statut en menant à la pause grâce à un but de Jean-Louis Valois. Mais, en seconde période, le match bascule avec l’expulsion de Grégory Wimbée pour une main hors de sa surface (53e) suivie dans la foulée par l’exclusion de Tasfaout après un beau numéro de Fernando D’Amico (54e). À 10 contre 10 et avec Christophe Landrin dans les buts pour la deuxième fois en 15 jours (après Sochaux, où Wimbée a été expulsé dans les mêmes conditions), Lille n’est pas inquiété et double même la mise par Boutoille (76e). À la fin d’un match très heurté, Jean-Louis Valois s’offre un petit plaisir en allant tacler par derrière le genou d’un arrière guingampais : il est directement expulsé et Lille finit à 9.
Lors des chaudes retrouvailles au match retour, trois joueurs sont de nouveaux expulsés : Bruno Cheyrou et Yannick Baret après une bagarre générale, puis Claude Michel pour une agression sur D’Amico.
21 avril 2000, Sochaux-Lille (2-0) : Jean-Louis Valois et Pascal Cygan
Lille va retrouver la D1 : c’est officiel depuis fin mars et une victoire contre Valence. Derrière, Guingamp devrait suivre, et la troisième place est convoitée par Sochaux qui, après un mauvais début de saison malgré un recrutement clinquant (Ferri et Drobjnak), effectue une belle remontée. Comme au match aller, le LOSC va buter sur les Doubistes, la faute à un but précoce de Frau (4e). Alors que le LOSC semble en capacité de revenir, le match bascule en début de seconde période : maladroitement, Valois pose ses crampons sur le torse de Meriem et est expulsé ; Pascal Cygan, qui conteste, est également sorti par l’arbitre. À 9 contre 11, le LOSC ne revient pas et encaisse même un autre but de Frau (81e). Sochaux est ainsi la seule équipe à avoir pris 6 points au LOSC en 1999/2000.
10 août 2002, Le Havre-Lille (0-0) : Grégory Wimbée et Nicolas Bonnal
Les débuts de Claude Puel à Lille sont compliqués : si le club est bien engagé en coupe Intertoto, une compétition dont tout le monde se fout, le LOSC a entamé le championnat par une rouste à la maison (0-3 contre Bordeaux). Ce déplacement chez le promu est donc l’occasion de se rassurer. Mais c’était sans compter sur Grégory Wimbée qui, en début de seconde période, s’offre sa quatrième expulsion sous le maillot lillois, toujours pour une main hors de la surface (48e). Lille tient cependant le 0-0. En fin de match, Nicolas Bonnal, entré 4 minutes auparavant, insulte l’arbitre, qui arrête le jeu et l’expulse (89e). Le LOSC de Puel prend son premier point.
15 août 2004, Marseille-Lille (3-0) : Rafaël Schmitz et Benoît Angbwa
Après une victoire inaugurale contre Auxere (2-0), le LOSC se rend à Marseille qui prétend avoir de grandes ambitions avec les recrutements, entre autres, de Pegguy Luyindula, Benoît Pedretti et Bixente Lizarazu. En difficulté, le Lille cède en fin de première période sur une frappe de Bamogo mal maîtrisée par Sylva (39e). Après la pause, tout espoir de revenir semble anéanti pour le LOSC en raison de l’expulsion de Rafaël, fautif sur Marlet en position de dernier défenseur (58e). Lille maintient toutefois l’écart d’un but, mais Angbwa est à son tour expulsé pour un tacle par derrière sur Luyindula qu’il a en plus le tort de contester (84e). Après le match, Claude Puel qualifiera élégamment le geste de son défenseur de « tacle à l’africaine ». À 9, Lille finit par céder avec deux buts aux 89e et 94e minutes (3-0).
5 avril 2014, Toulouse-Lille (1-2) : Franck Béria et Pape Souaré
Le LOSC est chiant mais le LOSC gagne : oui, René Girard, on parle de vous. En se déplaçant à Toulouse, mal classé, Lille a l’occasion d’asseoir sa position sur le podium. Et ça part bien avec un but de Roux (26e) puis un pénalty généreusement accordé à Béria et transformé par Kalou (42e). Lille gère en seconde période mais, en deux minutes, les Dogues se retrouvent à 9 : Franck Béria (68e) puis Pape Souaré (70e) reçoivent tour à tour un second avertissement pour des tacles non maîtrisés. Avec deux joueurs de moins, Girard bétonne (encore plus) en sortant Martin et Roux et en faisant entrer Sidibé et Meïté. Toulouse ne parvient à réduire l’écart qu’au bout du temps additionnel (93e), et Lille repart de Toulouse avec 3 points.
Résumé du match sur Youtube :
25 février 2017, Lille-Bordeaux (2-3) : Julian Palmieri et Rio Mavuba
Après l’éviction d’Antonetti et un nouvel intérim assuré par Patrick Collot, Franck Passi est désormais sur le banc du LOSC. Avec son nouveau coach, le LOS a gagné à Caen et a pris u peu d’avance sur la zone de relégation. Pour sa première à Pierre-Mauroy, Passi défie les Bordealais entraînés par Gourvennec. Menés à la pause, les Dogues ont renversé la tendance grâce à De Préville (66e) puis Eder (67e). Bordeaux revient (78e) et, dans la foulée, Palmieri, qui avait pris un jaune en première période pour avoir poussé Gajic, arrive en retard sur Ounas et se fait sortir. sanction immédiate : deux minutes plus tard, Bordeaux prend l’avantage en supériorité numérique. En toute fin de match, Rio Mavuba, entré en jeu à la 80e, s’agace après une main supposé d’un bordelais dans sa surface, conteste et insulte l’arbitre. Il prend coup sur coup deux jaunes et obtient la première et seule expulsion de sa carrière. Bravo !
Résumé du match sur Youtube :
23 janvier 2022, Lille-Lens (2-3) : Chloé Pierel et Chloé Marty
En ce début d’année 2022, quatre équipes se tiennent dans un mouchoir de poche dans le groupe A de la D2 féminine : Nantes, Le Havre, Lille et Metz. Les Lilloises, qui ont affiché leurs ambitions en début de saison après deux années tronquées par le Covid, ont l’espoir d’écarter leurs voisines pour poursuivre leur bon championnat. Au match aller, les Lensoises avaient fêté le 0-0 comme une victoire : il serait donc bienvenu de gagner cette fois-ci, devant un maigre public en raison de nouvelles restrictions sanitaires. En première mi-temps, tout semble aller au mieux avec un avantage de 2-1 pour les Lilloises à la pause. Puis tout déraille : Lens renverse la situation en quelques minutes (2-3), et les Lilloises ne trouvent pas de solution. Trompée par un protège-tibia non attaché qui se met à voler, l’arbitre expulse Chloé Pierel à la 79e. Dans une fin de match tendue que l’arbitre peine à maîtriser (12 minutes de temps additionnel), Chloé Marty tente de stopper Diop qui part au but. Les deux joueuses se tirent le maillot, mais c’est la lilloise qui est sanctionnée : à 9, Lille perd le derby. On en a fait un compte-rendu ici.
Troyes-Lille, 1er mai 2022 : Renato Sanches et Burak Yilmaz
La qualification en 8e de finale de Ligue des Champions peine à masquer une saison globalement vécue comme décevante. Certes, après un titre, il était difficile de faire mieux, mais le jeu proposé, le manque d’animation offensive, le manque d’implication de certains joueurs, leur propension manifeste à choisir les matches, l’incapacité de l’équipe à marquer contre des adversaires supposément plus faibles, et les sorties pas toujours adroites des dirigeants ont fini par agacer les supporters. Malgré une série intéressante après une déroute face à Paris en février, la saison s’achève dans la déception et la défiance. En se rendant à Troyes, le LOSC garde toutefois une chance de jouer l’Europe, à condition (non suffisante) de s’y imposer. Hélas, ce match ressemble à une caricature des travers de l’équipe : impuissance offensive , et des joueurs qui tombent dans le premier piège venu. En fin de première période, sur l’une des seules incursions troyennes, un pénalty est très généreusement accordé et transformé. Mené, le LOSC ne parvient pas à se révolter par le jeu et ses joueurs contestent. En début de deuxième période, Renato Sanches est averti pour contestation, ce qui a pour effet curieux de générer chez lui une gestuelle signifiant « mets des lunettes ». En dépit de la mise en garde de l’arbitre, il poursuit et est expulsé (50e). Quelques minutes après, et alors que Lille a concédé un autre pénalty, Burak Yilmaz réalise un tacle par derrière, sans doute plus maladroit que méchant, mais qui entraîne une expulsion qui n’est pas scandaleuse (68e). En voilà deux qui auront réalisé une belle dernière !
Cerise sur l’Hitoto : Lille encaisse un troisième pénalty en fin de match.
La Roche-Lille, 30 octobre 2022 : Aurore Paprzycki et Nesryne El Chad
A l’intersaison, l’équipe féminine du LOSC a recruté des profils qui semblent avoir manqué lors de la saison précédente : avec quelques joueuses plus expérimentées (Rabanne, Rougement, Salaun), le LOSC espère retrouver l’élite, et il serait temps, car la concurrence est de plus en plus forte. Après 6 journées, Lille est dans les clous : 5 victoires et une défaite (contre Metz). Le déplacement à La Roche, en bas de tableau, est cependant toujours piégeux, en raison du contentieux qui lie les deux équipes depuis 2017. Quelques mois avant, les dogues s’y étaient déjà inclinées… Devant un public bouillant et un entraîneur adverse provocateur, le match est tout d’abord équilibré sur le terrain (2-2 à la pause) avant que les rapports ne s’enveniment et que le LOSC ne craque (2-4). En fin de match, plusieurs bagarres éclatent, et l’arbitre expulse trois joueuses, dont deux lilloises, Paprzycki et El Chad. Dans la confusion, l’arbitre expulse en réalité El Chad à tort, puisque c’est Mouchon qui aurait dû l’être. Les sanctions sont lourdes : 10 matches de suspension pour Paprzycki, 9 pour Mouchon et… 5 pour El Chad !
La défaite et ses circonstances semblent alors de bien mauvais augure sur la capacité de l’équipe à assumer ses ambitions. Fort heureusement, les Lilloises reprennent très vite leur marche en avant.
Bonus 1 : 17 juillet 2021, Courtrai-Lille : Tiago Djalo et Xeka
Se retrouver à 9 est rare : se retrouver à 9 sans avoir fait de faute sur un adversaire l’est encore plus. C’est pourtant ce que parvient à réaliser le LOSC, et en plus lors d’un match amical, lors de la préparation de cette saison 2021/2022, décidément à marquer d’une pierre blanche (ou rouge) : Tiago Djalo et Xeka en viennent aux mains à la mi-temps, le premier nommé ayant apparemment mal pris une remarque de son coéquipier. Les deux jours sont expulsés et, à 9, Lille égalise face à Courtrai (1-1).
Bonus 2 : 4 novembre 2001, Lyon-Lille : Sylvain N’Diaye et Grégory Tafforeau
Lille mène 2-1 à Lyon lorsque Sylvain N’Diaye est expulsé à la 40e minute. Sur le coup-franc, le ballon se retrouve côté gauche de la défense lilloise, dans les pieds de Grégory Tafforeau. Surgit alors violemment Florent Laville qui, miraculeusement, ne reçoit pas de deuxième avertissement. Problème : Tafforeau est blessé et doit sortir se faire soigner. Avec deux joueurs de moins, Lille encaisse l’égalisation dans les secondes qui suivent. De nouveau à 10 contre 11, le LOSC finira par s’incliner (2-4).
FC Notes :
1 Lille/Bordeaux (4-5), janvier 2012
2 1981/1982 : victoires de Lens 1-0 à Bollaert puis 3-0 à Grimonprez-Jooris
3 Lille/Sochaux (1-2), décembre 2001. Voir ici : http://droguebierecomplotlosc.unblog.fr/2016/04/03/merci-derrien/
4 Trois pénalties : a priori, jamais. Deux pénalties sur la période récente (liste non-exhaustive) : Bordeaux/Lille (1-1, septembre 2011 : un réussi puis un sur le poteau), Lille/Toulouse (1-2, décembre 2018), Nantes/Lille(2-3, mars 2019 : un réussi puis un au-dessus), Toulouse/Lille (2-1, octobre 2019 : un réussi, puis un au-dessus), Salzburg/Lille (septembre 2021).
5 Oumar Dieng en 1993/1994. Voir ici : http://droguebierecomplotlosc.unblog.fr/2022/04/12/histoires-de-csc-en-defaveur-du-losc/
Posté le 12 avril 2022 - par dbclosc
Histoires de CSC (en défaveur du LOSC)
Dimanche 10 avril 2022, Tiago Djalo a marqué contre son camp. Qui le lui en tiendrait rigueur ? Le même jour, des millions de Français en faisaient autant. Pourtant, marquer contre son camp reste une pratique socialement stigmatisée. Revenons sur quelques histoires autour des maladresses de nos Dogues.
C’est toujours drôle tant que ça n’arrive qu’aux autres. Mais cela n’arrive pas qu’aux autres : si nos statistiques sont à jour, en championnat, le LOSC a encaissé 74 buts de ses propres joueurs depuis la saison 1965/1966. Consolons-nous en constatant que, sur la même période, et toujours en championnat, les Dogues ont bénéficié à 66 reprises de la maladresse ou de la malchance de leurs adversaires. C’est sur cette période, et uniquement en championnat, que s’appuie cet article.
On peut alors rapidement comprendre que Tiago Djalo s’inscrit dans une lignée prestigieuse, puisqu’on retrouve au palmarès de la pratique des noms tels que Bernard Gardon, Nourredine Kourichi, Boro Primorac, Pascal Cygan, Eric Abidal, ou encore José Fonte.
Deux CSC dans la saison :
Le polyvalent défenseur portugais, déjà buteur dans le mauvais sens en janvier à Brest, inscrit surtout son nom au registre des doubles buteurs contre leur camp par saison, ce qui n’est pas inédit au LOSC. On trouve en effet cinq précédents depuis 1965 :
Bernard Stakowiak en 1966/1967, buteur contre Saint-Etienne et Angers.
Thierry Denneullin en 1978/1979 (PSG et Laval)
Dominique Thomas en 1985/1986 (Nantes, Auxerre)
Eric Prissette 1986/1987 (Le Havre, Metz)
Oumar Dieng en 1993/1994 (Sochaux, Saint-Etienne)
Tiago Djalo en 2021/2022 (Brest, Angers)
Notons que Oumar Dieng a particulièrement marqué les esprits en marquant ses deux CSC à trois semaines d’intervalle, ce qui laisse très souvent de lui le souvenir d’un serial buteur CSC, alors qu’il s’agit là de ses deux seuls avec le LOSC, auquel on peut ajouter un autre CSC avec le PSG.
Ses buts font régulièrement partie des bêtisiers des années 1990, tant ils sont jolis, ou particulièrement grossiers, au choix.
Extraits vidéo Les plus beaux buts de la saison 1993/1994
Le classement des meilleurs buteurs CSC du LOSC :
On ne fait pas mieux que trois buts, ce qui est une performance bien suffisante, que Tiago Djalo a égalée en mars 2023.
Les meilleurs buteurs sont Bernard Stakowiak (Saint-Etienne 1966, Angers 1967, Saint-Etienne 1968), Alain Grumelon (Quimper 1978, Nîmes 1978, Laval 1980), Dominique Thomas (Nantes 1985, Auxerre 1986, Marseille 1993), Jean-Luc Buisine (Metz 1988, Lyon 1990, Nantes 1992) et Aurélien Chedjou (Lyon 2008, Rennes 2011, PSG 2013)
Ah c’est plus facile de faire des petits ponts sur Zlatan
Saluons également ceux qui ont marqué deux buts : Alain De Martigny (Nice 1975, Brest 1977), Thierry Denneullin (Paris 1978, Laval 1978), Eric Prissettte (Le Havre 1986, Metz 1986), Oumar Dieng (Sochaux 1994, Saint-Etienne 1994), Fabien Leclercq (Metz 1994, Lyon 1994), Stéphane Pichot (Lyon 2001, Bordeaux 2003), Grégory Tafforeau (Toulouse 2007, Caen 2007), Adil Rami (Lorient 2008, Bordeaux 2010), Junior Alonso (Monaco 2017, Guingamp 2018), Zeki Celik (Nantes 2019, Lyon 2020), José Fonte (Lyon 2021, Lens 2023)
Bien Stéphane, on va te confier la responsabilité de nos jeunes !
Le meilleur total sur une saison : 5
Les Dogues réalisent une remarquable peformance lors de la saison 1993/1994 : outre les deux buts d’Oumar Dieng déjà évoqués, les Lillois marquent trois autres buts à Jean-Claude Nadon par Jean-Jacques Étamé (Cannes), Kennet Andersson (Bordeaux) et Fabien Leclercq (Metz) : 5 CSC sur 52 buts encaissés, c’est pas mal.
Le Suédois est bon de la tête, mais pour compenser il est nul des pieds
Dix ans plus tard, le LOSC n’est pas loin de réitérer sa performance : en 2003/2004, Eric Abidal (Sochaux), Stéphane Pichot (Bordeaux), Stathis Tavlaridis (PSG), et Jean II Makoun (Strasbourg) fournissent un bel effort mais n’atteignent que le total de quatre CSC.
Notons aussi les belles saisons à trois buts : 1966/1967 (Stakowiak, Guy, Stakowiak), 1978/1979 (Grumelon, Denneullin, Denneullin), 1985/1986 (Primorac, Thomas, Thomas), 1988/1989 (Daoré,Buisine, Zappia), 1992/1993 (Buisine, Tihy, Thomas), 2001/2002 (Pichot, Ecker, Bakari), 2008/2009 (Chedjou, Rami, Malicki), 2017/2018 (Ballo-Touré, Junior Alonso, Malcuit) et 2019/2020 (Celik, Gabriel, Reinildo).
Moins connu que son but à Parme : la tentative d’extérieur pied gauche qui se transforme en intérieur, dans le but de Wimbée
Les gardiens aussi ont le droit de connaître la joie du buteur
A l’inverse, certaines saisons sont vierges de CSC. La plus récente est 2018/2019.
De 2010 à 2015, les Dogues marquent au moins un but par saison contre leur camp. C’est la plus longue série en la matière.
Les csc jumeaux
En octobre 2008, Aurélien Chedjou égalise pour l’OL : à reculons, il touche la balle tirée d’un coup-franc du haut de son crâne et trompe Malicki.
En mars 2023, but similaire à Lens : coup-franc depuis la droite de la défense lilloise, Fonte saute en reculant et dévie de l’arrière de la tête, ça finit au fond.
Ils ont marqué contre leur camp lors de leurs débuts avec le LOSC :
On a déjà évoqué les joueurs du LOSC qui ont marqué pour leur première dans cet article ; en bonus, nous proposions deux cas particuliers, qui ont toute leur place ici : les buteurs pour leur première, mais contre leur camp ! Ils sont deux : Grégory Wimbée (Guingamp, 1998) et Stathis Tavlaridis (PSG, 2004), qui trompe… Wimbée.
Wimbée et Tavlaridis unis à jamais
Ils ont marqué contre leur camp et pour le LOSC dans le même match :
En décembre 1966, le LOSC se rend à Rennes et mène rapidement 2-0 grâce à Georges Peyroche (5e) puis à André Guy (11e). Pris de pitié pour les bretons, André Guy décide de les relancer en fin de match, en trompant lui-même Samoy (1-2, 80e) et réalisant donc une sorte de doublé. Le score ne bouge plus.
En mars 2002, Dagui Bakari ouvre malencontreusement le score en faveur d’Auxerre, de la tête, avant d’égaliser quelques minutes plus tard, toujours de la tête. Ce soir-là, le LOSC s’incline 2-3 à Grimonprez.
En mars 2013, Salomon Kalou marque rapidement contre Evian, mais les Savoyards égalisent juste avant la pause. En seconde période, les visiteurs prennent un avantage définitif grâce à une malencontreuse déviation de Kalou dans son propre but.
Ce genre de petite plaisanterie est aussi arrivé à l’un de nos adversaires : en septembre 1979, Bordeaux ouvre la marque contre Lille par Alain Giresse (47e). Mais les Dogues égalisent à la 77e par… Alain Giresse. Score final : 1-1.
Le buteur décisif et le buteur pour la beauté du geste
En février 2007 à Toulouse, puis en octobre 2007 à Caen, le LOSC s’incline à chaque fois 0-1 à cause de l’opportunisme du même buteur, Grégory Tafforeau, qui traînait dans les six mètres.
Voilà un buteur décisif, ce qui est moins le cas de Fabien Leclercq, qui ne marque contre son camp que quand le LOSC en prend quatre à la maison (Metz 0-4, Lyon 1-4), ce qui atténue la portée de ses erreurs.
Le CSC esthétique
Il y a tout de même de belles réussites : à Marseille, en mai 1993, Thomas réalise une superbe tête plongeante qui se fiche dans la lucarne de Nadon.
Un but qui rappelle celui marqué, quelques années plus tard, par Gaël Sanz contre Louhans-Cuiseaux : une superbe tête plongeante au premier poteau sur corner.
Buteur dans le derby
Qui ne rêve pas de marquer dans le derby ? Le 5 septembre 1965, le Lillois Vincent Navarro marque pour Lens, et les deux équipes se séparent sur le score de 1-1.
Depuis 1965, les Lensois sont bien plus généreux puisqu’ils nous ont offert quatre buts (Rabier, Wallemme, Rool, Coulibaly). Merci bien !
Les principaux bénéficiaires :
Saint-Etienne et Lyon profitent à fond de la générosité lilloises (6 buts en leur faveur). Lors de la saison du dernier titre, le LOSC a marqué contre son camp à l’aller (Celik) et au retour (Fonte)
Marquer contre son camp à l’aller et au retour, c’est ce dont a bénéficié Marseille en 2019/2020, avec Gabriel au Vélodrome, puis Reinildo à Pierre-Mauroy. Au total, Lille a marqué 5 fois pour l’OM.
Viennent ensuite, avec 4 buts, Metz, Monaco et le PSG.
Les avants-centre buteurs
S’il est logiquement plus fréquent que les buteurs contre leur camp soient défenseurs, le LOSC fait régulièrement la preuve que ses attaquants sont de redoutables (Hervé) renards des deux surfaces puisque André Guy (Rennes 1966), Alain De Martigny (Nice 1975, Brest 1977), Hervé Gauthier (Sochaux 1976), Pascal Françoise (Saint-Etienne, 1981), Kennet Andersson (Bordeaux 1994), Dagui Bakari (Auxerre 2002), Salomon Kalou (Evian 2013) et Nolan Roux (Marseille 2014) ont tous marqué dans les cages lilloises.
Ils n’ont marqué avec le maillot lillois que contre leur camp :
Ils font partie de ces Dogues au solde négatif avec le LOSC : incapables de marquer dans le but adverse, ils comblent leur frustration en marquant du mauvais côté.
Les mauvais élèves sont Stéphane Pichot (Lyon 2001 et Bordeaux 2003), Alain Doaré (Marseille, 1988), Fernando Zappia (Montpellier 1989), Gaël Sanz (Louhans-Cuiseaux, 1997), Riad Hammadou (Le Mans, 1998), Grégory Malicki (Monaco, 2009), Fodé Ballo-Touré (Dijon, 2017) et Kévin Malcuit (Sainté, 2018). Mention spéciale pour Eric Abidal, qui ne marque avec le LOSC que contre son camp (Sochaux, 2003) puis se permet de marquer contre le LOSC en coupe de Ligue avec Lyon.
Bravo à Reinildo, qui a quitté le LOSC la conscience tranquille juste après avoir enfin marqué du bon côté : il avait marqué contre son camp contre Marseille en février 2020.
Les CSC tardifs
Plus un but est marqué tardivement, plus il a de probabilités de faire basculer une rencontre : ce principe général vaut aussi pour les buts contre son camp. En novembre 1990, Jean-Luc Buisine en fait l’amère expérience : alors que le score est de 1-1, il trompe Nadon à la 87e, et Lyon s’impose 2-1.
Quant à Frédéric Dindeleux, buteur contre son camp à la 89e minute à Nice en 1995, il offre le but de la victoire aux Aiglons alors que le LOSC avait ouvert le score… trois minutes plus tôt.
Quant à Alain Doaré, il a sans doute cru que son malencontreux but de la 91e offrirait le point du nul à Marseille en 1988 ; mais sur l’engagement, Lille part à l’abordage et Huard concède un pénalty que Mobati transforme (2-1, 92e), et Lille l’emporte sur le fil.
Les CSC précoces
« Rien de tel qu’un CSC pour démarrer un match » : voilà une phrase que l’on n’entend jamais. Et pour cause, Jean-Luc Buisine peut témoigner que marquer dans son but dès la 2e minute risque de vous plomber un match. Ce 7 octobre 1992, Nantes s’impose 4-0.
Nourredine Kourichi pourra à moitié confirmer l’adage : à Paris en octobre 1983, il marque contre son camp dès la première minute ! La défense lilloise en prendra 3 autres… mais l’attaque en marquera 5, et Lille gagne 5-4 au Parc !
La liste complète :
1965/1966 : Vincent Navarro (Lille/Lens, 1-1, 5 septembre 1965)
1966/1967 : Bernard Stakowiak (Saint-Etienne/Lille, 4-1, 20 novembre 1966), André Guy (Rennes/Lille, 1-2, 11 décembre 1966), Bernard Stakowiak (Angers/Lille, 2-1, 8 janvier 1967)
1967/1968 : Pierre Michelin (Monaco/Lille, 3-1, 8 octobre 1967), Bernard Stakowiak (Saint-Etienne/Lille, 3-0, 14 juin 1968)
1968/1969 : Néant
1969/1970 :
1970/1971 : Néant
1971/1972 : Mamadou N’Diaye (Bordeaux/Lille, 3-1, 17 mars 1972)
1972/1973 : Néant
1973/1974 : Néant
1974/1975 : Alain de Martigny (Lille/Nice, 4-2, 19 avril 1975)
1975/1976 : Néant
1976/1977 : Hervé Gauthier (Sochaux/Lille, 4-2, 29 octobre 1976), Bernard Gardon (Rennes/Lille, 3-1, 20 novembre 1976)
1977/1978 : Alain De Martigny (Brest-Lille, 2-2, 7 octobre 1977), Alain Grumelon (Lille/Quimper, 3-2, 20 mai 1978)
1978/1979 : Alain Grumelon (Lille/Nîmes, 1-1, 3 septembre 1978), Thierry Denneullin (Lille/Paris FC, 4-2, 22 septembre 1978 ; Laval/Lille, 3-3, 9 décembre 1978)
1979/1980 : Néant
1980/1981 : Alain Grumelon (Laval/Lille, 4-2, 12 août 1980)
1981/1982 : Pascal Françoise (Lille/Saint-Etienne, 3-4, 22 septembre 1981), René Bochi (Lille/Strasbourg, 1-1, 17 octobre 1981)
1982/1983 : Néant
1983/1984 : Nourredine Kourichi (PSG/Lille, 4-5, 22 octobre 1983)
1984/1985 : Néant
1985/1986 : Boro Primorac (Metz/Lille, 4-0, 3 septembre 1985), Dominique Thomas (Nantes/Lille, 5-1, 21 décembre 1985 ; Auxerre/Lille, 2-0, 11 avril 1986)
1986/1987 : Eric Prissette (Le Havre/Lille, 1-1, 22 août 1986 ; Metz/Lille, 3-0, 12 novembre 1986)
1987/1988 : Néant
1988/1989 : Alain Daoré (Lille/Marseille, 2-1, 23 juillet 1988) Jean-Luc Buisine (Metz/Lille, 3-1, 6 août 1988), Fernando Zappia (Lille/Montpellier, 3-1, 8 octobre 1988)
1989/1990 : Néant
1990/1991 : Buisine (Lyon/Lille, 2-1, 24 novembre 1990)
1991/1992 : Néant
1992/1993 : Jean-Luc Buisine (Nantes/Lille, 4-0, 7 octobre 1992), Benoit Tihy (Lille/Monaco, 1-1, 14 avril 1993), Dominique Thomas (Marseille/Lille, 4-1, 15 mai 1993)
1993/1994 : Jean-Jacques Etamé (Cannes/Lille, 2-1, 11 août 1993), Oumar Dieng (Saint-Etienne/Lille, 2-1, 19 février 1994 ; Sochaux-Lille, 1-0, 11 mars 1994), Kennet Andersson (Lille/Bordeaux, 1-1, 25 février 1994), Fabien Leclercq (Lille/Metz, 0-4, 23 avril 1994)
1994/1995 : Fabien Leclercq (Lille/Lyon, 1-4, 10 septembre 1994)
1995/1996 : Frédéric Dindeleux (Nice/Lille, 2-1, 8 novembre 1995)
1996/1997 : Néant
1997/1998 : Gaël Sanz (Lille/Louhans-Cuiseaux, 3-1, 29 avril 1998)
1998/1999 : Grégory Wimbée (Lille/Guingamp, 1-2, 8 août 1998), Riad Hammadou (Lille/Le Mans, 3-3,
1999/2000 : Néant
2000/2001 : Pascal Cygan (Troyes/Lille, 2-1, 13 janvier 2000)
2001/2002 : Stéphane Pichot (Lyon/Lille, 4-2, 4 novembre 2001), Johnny Ecker (Montpellier/Lille, 2-0, 5 janvier 2002), Dagui Bakari (Lille/Auxerre, 2-3, 23 mars 2002)
2002/2003 : Néant
2003/2004 : Eric Abidal (Sochaux/Lille, 2-1, 30 août 2003), Stéphane Pichot (Bordeaux/Lille, 2-1, 6 décembre 2003), Stathis Tavlaridis (PSG/Lille, 1-0, 10 janvier 2004), Jean II Makoun (Lille/Strasbourg, 0-1, 24 avril 2004)
2004/2005 : Néant
2005/2006 : Néant
2006/2007 : Grégory Tafforeau (Toulouse/Lille, 1-0, 10 février 2007)
2007/2008 : Grégory Tafforeau (Caen/Lille, 1-0, 20 octobre 2007), Nicolas Plestan (Lille/Nice, 1-1, 10 novembre 2007)
2008/2009 : Aurélien Chedjou (Lyon/Lille, 2-2, 17 octobre 2008), Adil Rami (Lille/Lorient, 29 novembre 2008), Grégory Malicki (Lille/Monaco, 2-1, 22 février 2009)
2009/2010 : Néant
2010/2011 : Adil Rami (Lille/Bordeaux, 1-1, 27 novembre 2010), Aurélien Chedjou (Lille/Rennes, 3-2, 29 mai 2011)
2011/2012 : Franck Béria (Nancy/Lille, 1-1, 6 août 2011), David Rozenhal (Saint-Etienne/Lille, 1-3, 10 septembre 2011)
2012/2013 : Aurélien Chedjou (PSG/Lille, 1-0, 27 janvier 2013), Salomon Kalou (Lille/Evian, 1-2, 16 mars 2013)
2013/2014 : Marko Basa (PSG/Lille, 2-2, 22 décembre 2013)
2014/2015 : Nolan Roux (Marseille/Lille, 2-1, 21 décembre 2014)
2015/2016 : Néant
2016/2017 : Junior Alonso (Monaco/Lille, 4-0, 14 mai 2017)
2017/2018 : Fodé Ballo-Touré (Dijon/Lille, 3-0, 16 décembre 2017), Junior Alonso (Lille-Guingamp, 2-2, 14 avril 2018), Kévin Malcuit (Saint-Etienne/Lille, 5-0, 19 mai 2018)
2018/2019 : Néant
2019/2020 : Zeki Celik (Lille/Nantes, 2-1, 11 août 2019), Gabriel (Marseille/Lille, 2-1, 2 novembre 2019), Reinildo (Lille/Marseille, 1-2, 16 février 2020)
2020/2021 : Zeki Celik (Lille/Lyon, 1-1, 1er novembre 2020), José Fonte (Lille/Lyon, 2-3, 25 avril 2021)
2021/2022 : Tiago Djalo (Brest-Lille, 2-0, 22 janvier 2022 ; Angers/Lille, 1-1, 10 avril 2022)
2022/2023 : Bafodé Diakité (Lorient/Lille, 2-1, 2 octobre 2022) ; Tiago Djalo (Lille-Brest, 2-1, 24 février 2023) ; José Fonte (Lens-Lille, 1-1, 4 mars 2023)
Posté le 1 avril 2022 - par dbclosc
LOSC/Bordeaux 2001/2002 : le LOSC au courage
Lors de la saison 2001/2002, la confrontation entre Lille et Bordeaux prévue le 22 décembre est d’abord reportée en raison d’une abondante averse de neige, puis jouée mi-janvier, à un moment où les Dogues ne vont pas très bien.
L’année 2001 s’achève et le LOSC savoure sa nouvelle réussite : après une formidable troisième place en mai, une belle campagne de Ligue des Champions, le club a été reversé en UEFA et a déjà éliminé la Fiorentina. En championnat, le LOSC a été leader jusque début novembre et pointe avant ce match contre Bordeaux à la quatrième place (mais avec le même nombre de points que le deuxième). Bref tout va bien et le club peut ramasser les récompenses de France Football, qui vient d’en faire le « club de l’année » ; Halilhodzic est l’« entraîneur de l’année » ; quant à Francis Graille, il est désigné « dirigeant de l’année ».
On se doute bien que cette période dorée risque de s’achever un jour ou, a minima, d’être un peu moins brillante. Il semble que ce moment soit arrivé en cette fin d’année. Dés novembre, Pascal Cygan a eu quelques soucis avec son entraîneur ; puis Sylvain N’Diaye a provoqué la colère du même Vahid en évoquant son envie de répondre aux sollicitations de la sélection sénégalaise (et donc de participer à la CAN en janvier). En décembre, le LOSC a connu quelques accrocs : élimination à domicile en coupe de la Ligue contre Nancy (D2) 0-2 ; élimination en coupe de France à Libourne 0-2 ; et une première défaite à domicile en championnat contre Sochaux dans des circonstances particulières, mais qui ont mis en lumière un inhabituel manque de sérénité du LOSC.
Épisode 1 : l’hiver tombe sur Grimonprez-Jooris
En ce 22 décembre 2001, outre le fait que ma soeur a 20 ans et un jour, c’est le premier jour de l’hiver : place à Bordeaux ! À l’aller, le LOSC était allé chercher un bon nul (0-0) en Gironde, trois jours après s’être imposé à Parme. Si décembre est agité, Lille vient tout de même de s’imposer à Lorient en semaine (4-2), tandis que Bordeaux est 6e, à 5 points du LOSC.
Vers 18h30, tout semble en ordre pour terminer l’année en beauté, en dépit de la température fraîche (1°). Mais à un peu plus d’une heure du coup d’envoi, il se met à neiger à gros flocons. Une petite averse de neige avait déjà traversé la métropole en milieu de journée, mais sans blanchir les sols ; cette fois, il neige franchement et, outre une visibilité très réduite, la pelouse de Grimonprez-Jooris est entièrement couverte de neige, au moment où les deux équipes commencent leur échauffement. Les stadiers sortent alors pelles et balais, parvenant difficilement à dégager les lignes du terrain et à les recouvrir de peinture rouge. Dans les gradins, on patiente, et comme le club a eu la bonne idée de lancer un concours destinés à ceux qui viennent déguisés en Père Noël, on s’amuse bien.
Mais il neige toujours très fort et, désormais, une couche de deux centimètres recouvre l’herbe. Il devient alors peu probable que le match puisse être joué ce soir. L’attitude des joueurs du LOSC confirme ce pressentiment : Bakari improvise un combat de lutte avec « le jeune Malicki », et c’est le début d’une mini-bataille de boules de neige. Les Dogues rentrent aux vestiaires hilares, puis la composition des deux équipes est annoncée par Anne-Sophie « Madame météo » Roquette.
On apprend alors que l’arbitre, Damien Ledentu, ne donnera pas le coup d’envoi du match à 20h : il demande un délai d’une demi-heure pour se décider. À 19h50, la neige se raréfie, mais le terrain est maintenant dans un état « catastrophique » selon la Voix du Nord. La Voix du Nord croit savoir que les Bordelais verraient d’un bon œil un report, car ils ont déjà joué en semaine un match compliqué sur un terrain gelé, chez eux contre Marseille (0-0).
Dans les tribunes, l’hypothèse du report est quasiment actée : la rumeur d’un match joué le lendemain à 15h circule même.
À 20h30, Damien Ledentu a pris sa décision : « à partir du moment où la sécurité des joueurs n’est pas assurée, il est hors de question que le match ait lieu. En plus, le ballon ne roule pas bien, et la visibilité est très mauvaise ». Cette décision est publiquement officialisée par… Vahid Halilhodzic, revenu sur le terrain, qui s’empare du micro d’Anne-Sophie et en profite pour souhaiter la bonne année ! « Le sorcier bosniaque n’a certes pas arrêté la neige, mais il a par ses mots fait oublier que [les spectateurs] étaient venus pour rien. Finalement, à Lille, il se passe toujours quelque chose ». Les joueurs réapparaissent pour une nouvelle bataille et un tour d’honneur.
Crédits photos : Images d’action / Rudy l’homme
La décision a l’air de satisfaire tout le monde, comme Vahid Halilhodzic : « je pense que l’arbitre a eu raison d’annuler même si mes gars voyaient ce match comme un cadeau pour la fin d’année. Je suis triste uniquement pour ça. Les conditions étaient très difficiles. Je suis navré pour le public, mais aussi pour mes joueurs qui étaient vraiment très motivés. Ils avaient tous très bien récupéré du match de mercredi à Lorient et avaient à cœur de faire le spectacle ».
Le LOSC annonce immédiatement que les billets seront soit remboursés, soit échangés, histoire de faire oublier le report de Lille/PSG de la saison précédente, où les spectateurs avaient dû repayer leur place (y compris les abonnés), avec une remise de 30%1.
Point positif de cet épisode hivernal : le LOSC venait de lancer de nouveaux bonnets, avec une belle campagne publicitaire : la Voix du Nord constate que de nombreux spectateurs quittent le stade en passant par la boutique pour en acquérir.
Voilà donc le LOSC en vacances, rendez-vous en 2002 !
Épisode 2 : le LOSC tente de sortir de l’hiver
Le match Lille/Bordeaux est fixé au mercredi 16 janvier. Depuis le jour de la remise, quelques événements ont agité la vie losciste : Vahid Halilhodzic est au repos forcé après une chute aux sports d’hiver, le LOSC a perdu à Montpellier puis contre Lens, Patrick Collot a pris sa retraite, et le mercato du club est désespérément au point mort. Désormais sixième, le LOSC a abandonné, s’il en avait, ses espoirs d’attraper une des deux premières places. Et pendant que le LOSC perdait ses deux premiers matches de 2002, Bordeaux les gagnait, passant donc devant les Dogues. Après une année de succès et six derniers mois intensifs, le LOSC est à l’arrêt, et ce n’est plus dans les habitudes de la maison !
Deux défaites consécutives en championnat : ce n’était arrivé que deux fois sous l’ère Halilhodzic : en septembre 2000 (Bastia 0-1 puis Troyes 1-2) et début novembre 2001, lorsque le LOSC perdit son invincibilité dans cette saison 2001/2002 en perdant successivement à Lyon (2-4) puis à Auxerre (1-2).
Quant aux performances à domicile, si l’on inclut les coupes nationales, nous voilà à quatre défaites consécutives…
Ce match contre les Girondins est alors « le virage à ne pas manquer » selon la Voix du Nord (16 janvier). La température est toujours fraîche mais le temps est sec ; le terrain a beaucoup souffert du derby et est en mauvais état. Le LOSC, privé de ses africains (Bassir, Fahmi, N’Diaye, Olufadé), et de ses blessés (Ecker, Be. Cheyrou), se présente avec la composition suivante, devant 18 000 spectateurs :
Wimbée, Pichot, Delpierre, Cygan, Tafforeau ; Michalowski, D’Amico, Landrin, Br. Cheyrou, Sterjovski, Bakari.
L’arbitre se nomme Roberto Rosetti, et il est italien : les arbitres français étant retenus par leur stage annuel de remise en forme à Quiberon, la Ligue a fait appel à la main-d’oeuvre étrangère pour diriger les trois matches en retard de ce mercredi.
Les Dogues se montrent les premiers avec un centre de Sterjovski repris de la tête par Cheyrou, et dégagé en corner par Jemmali… de la main : ça ne se siffle pas en Italie. Dans la foulée, un tir de Bruno Cheyrou inquiète de nouveau la défense bordelaise mais Ramé repousse de la poitrine (13e). Dans l’ensemble, Lille tente de mettre en palce un football cohérent en tentant de surmonter ses difficultés techniques, tandis que Bordeaux joue avec davantage de maîtrise. De la tête, Dugarry contraint Wimbée à une belle manchette (18e). Sur un mouvement rapide bordelais, Delpierre commet une grossière faute sur Dhorasoo : c’est un pénalty que transforme Pierre-Michel Paulette, mieux connu sous le nom de Pedro Miguel Pauleta (0-1, 29e).
Lille réagit avec un coup-franc de Cheyrou boxé par Ramé (39e), mais le LOSC souffre d’un « grave déficit technique » qui le contraint à rejoindre les vestiaires avec un but de retard.
En seconde période, Lille reste brouillon mais campe dans le camp adverse. Un nouveau coup-franc de Cheyrou est arrêté par Ramé sous sa barre (53e). La générosité des Dogues est récompensée à la 72e : Pichot envoie un long ballon vers Sterjovski à l’entrée de la surface. Ramé sort mais percute violemment son défenseur Alain Roche, du genou ; son dégagement approximatif est alors repris à 22 mètres par Djezon Boutoille, tout juste entré en jeu, qui réussit l’exploit de marquer un but de la tête encore plus lointain que celui que Laurent Peyrelade avait inscrit la saison précédente au même gardien (1-1, 72e). Voilà une « action peut être pas très claire mais drôlement rentable ». C’est le dernier but marqué par Djezon Boutoille en première division, et son avant-dernier avec le LOSC (il marquera en intertoto lors de l’été 2002). Le voici sur Fréquence Nord :
Alors que l’on croit que le LOSC a fait le plus dur, Bordeaux repart de l’avant après une longue interruption consécutive à la blessure de Roche et, sur un centre de Jemmali, Pauleta réussit entre Pichot et Cygan un rapide enchaînement contrôle/frappe qui trompe Wimbée au premier poteau, avec l’aide d’un sale rebond (1-2, 78e).
Pauleta marque ici deux des 11 buts qu’il a inscrits contre le LOSC en championnat durant sa carrière. Seul Rennes (12) en a encaissés davantage en D1/L1.
Cette fois, on croit que Lille ne s’en sortira pas ; mais, même en difficulté, même approximatif, même laborieux, Lille pousse et Cygan, montré du doigt après la défaite dans le derby en raison d’une passe raté qui a abouti au but lensois, reprend de la tête un corner de Murati (2-2, 90e).
Bakari a même une balle de match, mais il se montre maladroit (91e). Comme en 2000/2001, Lille/Bordeaux s’achève sur un nul 2-2.
La Voix du Nord résume ainsi la prestation du LOSC, marquée par un état d’esprit retrouvé :
« Menés à deux reprises au score et souvent en difficulté face à des adversaires bordelais maîtres de leurs nerfs et surtout de leur technique, les Lillois n’eurent jamais vraiment leurs aises dans un match qui ne leur offrit guère d’ouvertures et les confina trop souvent dans un rôle obscur. Mais avec leur fierté comme guide, ils ne baissèrent jamais pavillon, même quand les événements leur étaient franchement défavorables. Mieux, alors qu’on les croyait atteints moralement après un deuxième but terrible de Pauleta, Pascal Cygan – symbole de la résistance nordiste – réussit l’impossible exploit : arracher le nul à une belle équipe girondine ».
Djezon Boutoille salue une « victoire morale » : « on savait que nous n’étions pas très bien… Le fait d’être revenu deux fois est un signe révélateur : ce soir, on a retrouvé le collectif lillois. Et le but de Pascal est un autre symbole… ». Mais le second buteur lillois, lui, rumine encore le derby : « nous commencions à cogiter et le groupe avait le dos au mur. Aussi, même si nous n’avons pas été excellents, il est essentiel que le LOSC ait retrouvé ses valeurs. Mon but ? À quoi bon le raconter ? Je peux vous rappeler l’autre… ».
Un résumé du match :
Note :
1 Ce match a été interrompu à la 63e minute. Le règlement de la Ligue prévoit qu’un billet reste valable si un match est arrêté en première période, et qu’un match à rejouer après interruption en seconde période est payant. Mais dans les faits, le club dispose d’une certaine latitude. Dans le cas présent, Pierre Dréossi avait répondu aux supporters qui espéraient la gratuité que le LOSC n’en avait pas les moyens, évoquant des dépenses liées à la mobilisation exceptionnelle des forces de police pour un match classé « sensible » (300 000 francs), la réimpression des tickets (2 500 francs), le paiement de celles et ceux qui tiennent les guichets, la mise au vert des joueurs (25 000 francs), le paiement des secouristes ( 3 000 francs), et l’éclairage. Coût total estimé de l’organisation du match : 800 000 francs. La décision de proposer des billets réduits à 30% est donc présentée comme répondant à la nécessité de financer les coûts de l’organisation du match tout en faisant un geste à destination des supporters.
Posté le 16 février 2022 - par dbclosc
Claude Guedj, le président intérimaire
C’est un des records nationaux que détient toujours le LOSC : le mandat présidentiel le plus court de l’élite française. Lors de l’intersaison 1990, après les rebondissements liés à l’éventualité d’une reprise du LOSC par Bernard Tapie, c’est finalement Claude Guedj qui arrive à la tête du club. Il va vite signer un « record à l’envers » : 13 jours de présidence. Pour la stabilité du club, on verra plus tard.
Rappel des faits : en 1990, le ton de la mairie a soudainement changé à l’égard du LOSC. Le début de mandat (suite aux élections municipales de 1989) ayant conduit à la nomination de Paul Besson aux sports (et donc à la présidence officieuse du LOSC) a été marqué par des roucoulades entre le club et la mairie, qui ont se sont rapidement estompées pour faire apparaître une réalité qui n’envisage pas vraiment un avenir commun. La mairie en a assez d’éponger la dette, et aimerait que le LOSC se trouve un repreneur privé. Après bien des atermoiements, c’est le groupe Tapie, représenté localement par Bruno Flocco, qui a semblé devoir tenir la corde pendant quelques semaines, plutôt que le groupe régional représenté par Luc Doublet, considéré comme peu crédible : on a traité ce rapprochement dans ce premier puis ce deuxième article.
Guedj, le troisième homme
La piste s’étant évaporée, pour des raisons pas complètement déterminées (un mélange entre une estimation de la situation du LOSC plus compliquée que prévue, le manque de garanties financières du repreneur pressenti, et la méfiance de la mairie à l’égard de méthodes jugées trop brutales, comme en ont témoigné les quelques prises de parole publiques de Flocco), le nom d’un troisième homme apparaît alors : celui de Claude Guedj.
Claude Guedj est le PDG de CRIT-Interim, qui compte 3 000 salariés et revendique un chiffre d’affaires de 10 MF. Selon les informations de la Voix du Nord (19 mai), il envisagerait de conserver la structure de la SAEM en l’état, et souhaiterait un montage financier « équilibré » (tant qu’à faire) au sein duquel ville et collectivités locales maintiennent leurs participations. Curieusement, on n’entend plus parler de la dette abyssale du LOSC : faut-il comprendre que la mairie l’a une nouvelle fois réglée ?
Ce n’est pas encore officiel, mais il semble bien que Claude Guedj soit le futur président du LOSC. Il est interviewé dans l’édition du 19 mai.
Êtes-vous d’ores et déjà le futur président du LOSC ?
Il reste encore quelques points de détail à régler, mais c’est en très bonne voie.
Quel est votre plan ?
Il est trop tôt pour en dévoiler les grandes lignes. J’ai l’intention de me rendre à Lille, lundi ou mardi, afin d’étudier la situation sur le terrain. L’objectif est d’assainir et de renforcer. Si je prends les rênes, il faudra que les gens suivent. Il y a besoin d’un grand coup de fouet.
Faut-il s’attendre à un coup de balai ?
Si je prenais à la lettre tout ce que j’ai entendu jusqu’ici, il faudrait se séparer de tout le monde. Mais je ne vous cache pas que ce qui est entré par une oreille est ressorti par l’autre. J’arriverai au LOSC sans idée préconçue. Je considère, de toute façon, que ces problèmes sont secondaires dans l’immédiat.
N’avez-vous pas le sentiment d’arriver tard ?
Un peu, mais ce n’est pas de mon fait. Des dossiers comme ceux-là demandent du temps. J’ai d’ailleurs dû accélérer la cadence ces derniers jours afin que les choses avancent dans le bon sens.
Comment allez-vous gérer le LOSC ?
Les comptes indiquent qu’il faut 60 millions de francs par an pour boucler, sans déficit, le budget losciste. Et l’on s’aperçoit que, chaque année, il manque 15 millions de francs. Le premier rôle du président sera de réunir cette somme. Puis d’appliquer des méthodes d’entreprise.
Et si l’on vous dit recrutement, que répondez-vous ?
Qu’il faut définir le montant de l’enveloppe nécessaire. Il est certain que nous prenons le train en marche. J’ai, pour ma part, une ou deux touches. D’autres s’y ajouteront.
Vos sociétés ont-elles des ramifications dans le Nord ?
Nous avons une dizaine d’agences à Valenciennes, Dunkerque, Lille, Béthune, Maubeuge. Plus une entreprise de robotique et une autre de nettoyage industriel dans la région de Douai.
La planche à voile, c’est également vous ?
Avec la CRIT D2, nous avons été trois années de suite champions du monde. En 83, nous avons aussi trusté les titres nationaux dans de nombreux pays.
Avez-vous pratiqué le sport ?
En compétition, uniquement la course à pied. J’étais un spécialiste du 1000m. Mais j’ai approché d’autres disciplines dans ma prime jeunesse, comme le football.
Cette dernière activité est devenue une passion chez vous ?
Je ne fais jamais rien si je ne me sens pas attiré au départ. Il faut que j’aime pour me donner pleinement. Ceci étant, il convient de garder la tête froide, compte tenu des enjeux à défendre.
Quel est votre trait de caractère principal ?
Je suis ch… et très mauvais perdant ! »
Un constat s’impose : on ne risque pas d’être submergés par le flot d’informations. On espère que les journalistes de la Voix du Nord en sont conscients et qu’ils publient ce type d’entretien pour justement mettre en avant, sans le dire explicitement, la vacuité du propos.
Un chef pour cheffer
Quoi qu’il en soit, l’arrivée de Claude Guedj, ne serait-ce que parce qu’elle signifie que le LOSC aura un président et qu’il y aura sûrement du changement, est perçue positivement dans la Voix des Sports (21 mai) qui, via André Soleau, se fend d’un éditorial intitulé « Chef d’orchestre » vantant l’idée d’un homme à poigne qui viendrait remettre de l’ordre dans la maison LOSC : et quoi de mieux pour cela qu’un spécialiste du nettoyage et du gardiennage ? On lit ainsi : « le porte-drapeau du football nordiste avait besoin qu’on le lave, qu’on le gratte, qu’on le décape, qu’on le récure, qu’on le ravale ; bref : qu’on le purifie. Autant utiliser les services d’un spécialiste-maison et qu’on supprime les frais de déplacement ». Le programme est vaste : « s’accommoder du passif, moderniser les structures, consolider le capital joueurs, recréer un climat de confiance, se débarrasser d’une étiquette de looser ». Puis vient le moment de l’appel à l’homme providentiel, qui détiendrait dans sa personne un « pouvoir » qu’il parviendrait à imposer : « contrairement à ce que pensait l’ancienne équipe dirigeante, le pouvoir se mérite et ne doit pas se diluer dans des directions collégiales et des réunions-dortoir où chacun refait le monde entre le saumon fumé et les profiteroles. L’homme fort doit imposer pour mieux mobiliser (…) Le phénomène Tapie en est la vivante illustration. Le personnage est discutable, mais on ne peut nier son efficacité ». Nous ne manquerons pas de signaler que si ce genre de propos concernait la politique, ce serait drôlement flippant, mais soyons indulgents et considérons qu’il faut voir dans le désir de pouvoir personnel une critique du fonctionnement actuel du LOSC, dont le fonctionnement institutionnel semble avoir pour effet de de neutraliser mutuellement ses composantes, et donc de paralyser toute avancée du club. Alors André Soleau penche pour le pouvoir solo, tel un De Gaulle fatigué par les lourdeurs de la IVe République et qui met en place une Constitution qui attribue des pouvoirs prépondérants au président de la République, parce qu’il faut bien avancer. Selon l’éditorialiste, la méthode du chef a déjà fait ses preuves : il attribue la récente résurrection des basketteurs de Gravelines aux « coups de sang de Jean Galle », et l’aventure de Valenciennes (qui a joué les barrages d’accession à la D1) aux « colères de Georges Peyroche ». Et tant pis si cela génère quelques excès car « la principale faiblesse du LOSC, ces dernières années, fut d’être inodore et incolore (…) mieux vaut les odeurs fortes du renouveau que l’antichambre aseptisée du néant ».
Caricature de Honoré Bonnet, La Voix des Sports, 21 mai 1990
Les joueurs sont partis en vacances sans savoir où va le club, comme Alain Fiard : « je ne sais pas où l’on va. En fait, je ne me sens pas trop concerné par cette affaire. Je ne sais pas ce que comptent faire les repreneurs, mais je ne risque pas grand chose : je suis en fin de contrat. Je ne suis pas demandeur mais néanmoins prêt à discuter ».
Claude Guedj entre Paul Besson et François Sénéchal. Patrick Robert semble plus soucieux…
Claude Guedj « entre en présidence » lundi 21 mai 1990, ce qui n’est pas encore une officialisation, mais une première prise de contact. Il reçoit à 10h30, au stade Grimonprez-Jooris, Georges Honoré, Bernard Gardon et Jacques Santini, de retour de prospection au Danemark. Paul Besson fait l’intermédiaire et le guide. La Voix du Nord rapporte que ces hommes ont fait un « tour d’horizon » des chantiers du club. Entre autres : les transferts et la fidélisation du public. Claude Guedj demande « une note » pour vendredi. Et, avant de filer au Havre pour des affaires, il accorde un nouvel entretien au journal (22 mai).
Maintenant que vous avez fait le tour du propriétaire, dîtes-nous ce qui vous a attiré à Lille ?
Plusieurs raisons ont dicté mon choix. Lille n’est pas loin de Paris et comme j’ai beaucoup d’activités dans la région, je pourrais me rendre libre assez souvent. Par ailleurs, je crois que le Nord a un très fort potentiel au niveau du public. Enfin, j’ai préféré repousser les offres précises qui m’avaient été faites par l’OGC Nice, en raison des prises de position de Jacques Médecin. Compte tenu de mes origines, il était impossible que je sois en harmonie avec le club et le maire de la ville.
Vous parlez du public losciste : qu’attendez-vous de lui ?
Je ne suis pas convaincu que tous les Lillois se rendent vraiment compte de la chance qui est la leur de posséder un club évoluant en première division. Il faut davantage de monde au stade, plus d’abonnés. Nous allons nous y employer.
Mais pour cela, il est nécessaire d’améliorer le rendement de l’équipe, non ?
Recruter est indispensable mais il est trop tôt pour citer des noms. J’ai quelques contacts avec des joueurs français et étrangers. Ceci étant, il ne faut pas se précipiter. Il sera toujours temps d’effectuer les choix appropriés, le moment venu. Y compris après le début de la saison.
Quelle position souhaitez-vous adopter vis-à-vis des gens en place ?
Ils sont là et j’ai le souci de travailler avec eux. À la condition, évidemment, qu’ils acceptent de suivre le changement qui va s’opérer. Pour l’instant, je garde donc le staff tel qu’il est mais je lui demande de modifier ses méthodes. De ne plus se comporter comme à l’époque des anciens dirigeants.
Quelle perspective avez-vous pour le LOSC ?
Je veux le voir progresser. Doucement d’abord, puis plus nettement. Mais il faudra pour cela que tout le monde mette la main à la pâte. Les industriels, les entrepreneurs, etc. La ville, elle, a déjà beaucoup donné. Est-ce vraiment normal que les collectivités soient à ce point sollicitées ? Le véritable football professionnel a besoin d’indépendance. Il est trop facile d’aller, sans cesse, frapper à la porte de la mairie en disant : il nous manque tant.
Que pensez-vous de la situation financière du club nordiste ?
Il y a plus mauvais que cela.
Quel sera le montant de votre participation ?
Si le prochain budget n’est pas bouclé, il sera du ressort du président d’apporter la différence. Ce sera une partie de ma participation.
À quand fixez-vous les prochaines grandes échéance loscistes ?
Il est toujours délicat de donner des objectifs précis. Mais si l’on doit penser à réussir, l’échéance européenne de 1992-1993 me semble intéressante. Quelqu’un me faisait remarquer aujourd’hui que, dans un rayon de 300 kilomètres autour de Lille, il y avait 60 millions d’habitants. Vous voyez qu’il y a vraiment quelque chose à faire !
Avec qui avez-vous l’intention de diriger la manœuvre ?
Nous allons former une équipe avec le Dr Paul Besson, Jean-François Duprez et François Sénéchal. Théoriquement, Bruno Flocco doit aussi participer. Mais j’espère qu’il y aura d’autres hommes de bonne volonté. Je tiens à ce que ce comité de direction reste ouvert. Je le répète, toutes les contributions seront les bienvenues. Le club lillois a fait l’objet de beaucoup de critiques, depuis quelques années. Il est temps de lui donner une autre image. Nous sommes là pour relever ce pari.
Comme ce n’est pas encore très précis, et que le seul effet est que Jocelyn Angloma fait jouer sa clause libératoire, le mouvement va venir d’un joueur.
Périlleux donne l’alarme
Dans la Voix du Nord du 23 mai, Philippe Périlleux exprime au nom des joueurs son exaspération face aux incertitudes sur l’avenir du club et de ses équipiers.
Quel goût vous laisse la saison écoulée ?
Une fois de plus, nous sommes passés à côté de choses intéressantes. En coupe de France, où nous aurions dû retrouver Marseille, et en championnat où cette 17e place me reste en travers de la gorge.
Le problème numéro 1 a été le comportement de l’équipe à l’extérieur. Comment l’analysez-vous ?
J’y vois deux raisons principales. Primo, dans l’esprit, nous n’avons jamais eu la préparation adéquate. Deuxio, certains n’ont pas fait ce qu’il fallait. Les erreurs défensives ont été beaucoup trop nombreuses.
Ce qui signifie que l’effectif était déséquilibré ?
Absolument. En début de saison, le principal souci des dirigeants a été de diminuer la masse salariale. Le LOSC restait sur une 8e place et d’aucun ont cru que la carte jeunes, ajoutée à des renforts de niveau deuxième division, allait suffire. On a vu le résultat. Qu’on me comprenne bien : l’intégration des jeunes peut être une bonne chose, mais à condition de ne pas en appeler trop et de ne pas leur confier des postes-clés. C’est bien beau de s’extasier en disant que Lille a la plus jeune défense centrale du championnat, mais ça ne donne pas de points.
Pour vous, le risque était trop grand ?
Dans le contexte difficile de la fin de championnat, par exemple, fallait-il lancer lancer un stoppeur de 17 ans ? Même si Fabien Leclercq est prometteur, même si Eric Decroix, à un poste de libéro où il faut une expérience consommée, a effectué d’énormes progrès, même si Oumar Dieng a fait le maximum, je suis obligé de constater que nous avons, sans cesse, évolué sur le fil du rasoir. Et je me pose des questions. Pourquoi a-t-on systématiquement repoussé Eric Prissette ? Pour beaucoup de joueurs, cette mise à l’écart restera une énigme. Le cas de Jean-Luc Buisine est un peu différent, mais lui aussi aurait été utile.
Bref, tout n’a pas été comme vous le souhaitiez ?
Il y a 6 ans que je suis là et, chaque saison, je fais le même constat. Le bilan est plus que mitigé, les promesses sont toujours pour le lendemain : je suis un peu fatigué de tout cela.
D’autant qu’il y a eu, ces derniers mois, d’autres situations mal réglées. L’affaire du joker, par exemple, a beaucoup amusé mais ça n’a pas fait de bien. Et je ne m’explique toujours pas comment on n’a pas agi différemment dans le cas d’Erwin Vandenbergh. Tout le monde a été perdant. Le joueur, dont le rendement n’a pas été à la hauteur, le club qui a perdu pas mal d’argent puisqu’il s’agissait du plus gros salaire, et l’équipe, qui a joué avec une attaque amoindrie.
Christophe Galtier a souligné le manque d’ambiance cette année. Partagez-vous cette opinion ?
Oui. S’il n’y a jamais eu de problèmes majeurs dans le groupe, il existait quand même plusieurs clans, essentiellement à cause de certaines épouses de joueurs qui ne s’entendaient pas. Mais le club aurait pu faire un effort, apporter sa pierre à l’édifice. Georges Heylens, par exemple, organisait des soirées pour resserrer les liens. Rien de tel, cette fois.
Comment voyez-vous l’avenir ?
Tout va dépendre des décisions à venir. J’ai appris que Jocelyn Angloma partait pour le PSG. Je sais que l’on a fait à Alain Fiard des propositions indignes de lui. Je n’ai aucune garantie quant au maintien d’Abedi Pelé. Il y a vraiment de quoi être inquiet, car le LOSC s’en est sorti de justesse cette année. Autant dire que la voie est toute tracée si on agit comme l’an dernier en recrutant uniquement des joueurs venant de la seconde division.
Où se situent les besoins ?
Il faut revoir l’axe complet de l’équipe et, à partir de là, effectuer quelques retouches sur les côtés. Mais il est nécessaire d’agir vite. De ne pas, une fois de plus, travailler sur le moyen terme.
Un tel projet vous motiverait ?
Bien sûr. Si l’on m’assure que les meilleurs éléments seront conservés et qu’on va y ajouter untel et untel, je serai ravi. Mais pour l’instant, le silence est toujours de rigueur.
Vous le regrettez ?
Et comment. Les joueurs sont directement concernés à ce que je sache. Pourtant, on les laisse de côté. Nos informations, nous les puisons dans les journaux. Après le dernier match à Caen, nous avons seulement eu droit à quelques mots dans le bus. Point final.
Quelle est votre position vis-à-vis des propositions dont vous faites l’objet ?
J’aimerais en parler avec qui de droit, mais à quelle porte faut-il frapper ? Je sais que, jusqu’ici, la réponse du club a toujours été « Périlleux n’est pas transférable ». Bordeaux a téléphoné plusieurs fois, le PSG a proposé 7 millions de francs, d’autres ont manifesté leur intérêt. Sans que je sois, au moins, tenu au courant par les dirigeants.
Vous regrettez d’avoir signé un contrat qui court encore sur deux ans ?
Aujourd’hui, je m’en mords les doigts. Parce que je n’ai aucune certitude quant à la volonté de bâtir, enfin, un LOSC différent. Et aussi parce que crains d’avoir beaucoup de regrets plus tard. Je suis à un âge où il n’est plus temps de tergiverser. J’accepte les responsabilités, je me connais mieux, et j’ai vraiment envie de connaître autre chose que des saisons en demi-teinte. Alors, ou le LOSC comprend mes ambitions et me laisse partir, ou il met les moyens pour construire une équipe capable de tenir un rang intéressant.
Avez-vous quelque chose à dire aux repreneurs ?
Une seule : qu’ils m’appellent !
L’appel de Philippe Périlleux a été entendu : une réunion a été organisée entre lui-même, Claude Guedj, Paul Besson (ville), François Sénéchal (La Redoute), Bruno Flocco (Testut) et l’avocat Guy Lefort qui avait notamment défendu le club lors de « l’affaire Pelé ». Sans Bernard Gardon, donc, laissé à l’écart. Mais on ne sait pas vraiment ce qui s’y est dit. L’urgence, pour le moment, est que l’organigramme ait une existence légale : une assemblée générale est convoquée pour réunir le conseil d’administration de la SAEM. On devrait alors arriver à début juin et, d’ici là, Claude Guedj annonce qu’il souhaite être parvenu à susciter un élan du côté des entreprises régionales. Un doute survient alors : cela signifie que les apports de La Redoute et d’Auchan ne suffisent donc pas ? Ou que les deux partenaires ne comptent pas aller plus loin ?
La Voix du Nord rapporte aussi que Gardon, « déconnecté », aimerait savoir où il va, et que s’annonce une rencontre Guedj/Santini.
Recrues : de vagues pistes
Du côté des transferts, les premières rumeurs circulent : l’OM voudrait Pelé et propose 2M + Meyrieu + Thys + Vercruysse + un emplacement à l’année sur le Vieux Port pour le navire LOSC à la dérive. Guedj tente de se montrer ferme dans un premier temps, puis accepte un rendez-vous à Paris avec Bernard Tapie le 27 mai. Le « manager » du Ghanéen, Christian Durancie, sort la même rengaine que lors de l’intersaison précédent: « à deux reprises, dans le passé, il a dû évoluer sans être au mieux moralement. À Mulhouse, où il ne se plaisait pas, et au stade Vélodrome, au temps de la concurrence avec Foerster et Allofs. Or, dans ces cas-là, il perd toute sa spontanéité. Les Lillois feraient bien d’y réfléchir ». Les Lillois, désormais échaudés par le rendement de Vandenbergh lors de la saison écoulée, seront peut-être moins intransigeant que l’été dernier.
Du côté des recrues, le nom de Robby Langers revient : luxembourgeois, il engagé pour encore deux ans à Nice, avec qui il vient de marquer 17 buts. Nice n’a pas encore terminé sa saison : les Aiglons sont en effet engagés dans les barrages, pour leur survie dans l’élite. Et, par ailleurs, il se murmure que le club est de toute façon menacé de rétrogradation administrative. Guedj, qui a ses entrées à Nice, où il est le sponsor principal, est ainsi à l’affût et souhaite s’investir personnellement sur ce dossier qu’on dit bien avancé. On entrevoit pour la première fois de la part de Guedj un éventuel apport au club.
Mais, problème : après avoir perdu en barrage aller à Strasbourg (1-3), Nice s’impose au retour 6-0, avec en première période un quadruplé de… Robby Langers. Or, Lille a besoin d’un avant-centre mais du genre « qui marque pas trop de buts quand même », car sa côte risquerait vite d’atteindre un montant à la hauteur duquel le LOSC ne pourra pas s’aligner.
Tout cela reste tout de même extrêmement confus. Alors que l’arrivée d’un nouvel homme, supposément fort, était censée clarifier le présent du LOSC, à défaut de l’avenir pour le moment, la situation est plus brouillonne que jamais. Comme souvent, c’est le moment que choisit Georges Heylens, avec qui les relations avec la Voix du Nord doivent être très bonnes, pour jeter un regard amer sur ce qui se passe : « ce qui arrive aujourd’hui n’est que la continuité de ce qui a été brisé à mon départ. On ne peut impunément bâcler les choses comme cela a été fait et jeter par la fenêtre ce qui avait été patiemment mis en place sans qu’il y ait des retombées » (28 mai).
Les premiers doutes
Dans Nord-Eclair (2 juin), on peut lire : « quel mépris ! On avait craint l’arrivée de Bernard Tapie et de ses méthodes expéditives. Mais au moins auraient-elles eu le courage de la clarté. Or, aujourd’hui, tout est flou. Mais, depuis l’arrivée de Claude Guedj, les valeurs essentielles qui donnent son identité à notre région n’en sont pas moins oubliées, ignorées, bafouées ». Bruno Flocco se retire discrètement.
Le 5 juin, les nouvelles autour du club ne sont pas meilleures : Claude Ghidalia, patron de RMGP, qui a assuré la régie publicitaire du LOSC depuis 2 ans, annonce son départ et le justifie en évoquant la mauvaise voie qu’est en train de prendre le LOSC : « pour construire, il faut connaître parfaitement le milieu du football, ce qui n’est pas le cas de Claude Guedj. A-t-on déjà vu un chef d’orchestre ignorant les notes de musique ? Je m’aperçois qu’il n’y a pas de stratégie, pas de clarté (…) On a reproché à la solution Bernard Tapie de ne pas être nordiste. Mais Claude Guedj est implanté à Paris à ce que je sache (…) Qui a mis en relation Claude Guedj et Paul Besson, alors que d’autres processus étaient engagés ? Le premier, avec qui j’ai des relations commerciales, m’a appelé pour me demander de lui ménager une entrevue avec le second. Deux heures après, c’était fait, et, quelques jours plus tard, Claude Guedj était sur le devant de la scène. Paul Besson s’est tellement pressé que je me demande s’il avait encore la possibilité d’agir autrement. J’ai d’ailleurs conseillé à Claude Guedj, s’il est coopté, de s’entourer d’un maximum de garde-fous (…)
Il fallait réunir 50 entrepreneurs à 1 MF par an sur une durée de 2 saisons, et leur proposer un concept de communication qui leur permette d’avoir un retour sur investissement. Sous le sigle EPN (Entreprises Pour le Nord), il était possible de les fédérer, en tenant le langage de la vérité. La formule de l’ASR (association à statut renforcé) qui engage la responsabilité des dirigeants du club comme dans une entreprise commerciale, est très motivante. Les décideurs auraient suivi (…) On ne distingue aucune ligne directrice, ni sportive, ni financière. Les annonceurs sentent ça. Certaines entreprises venues sur mon nom ont perdu toute confiance. Le crédit et l’image sont altérés. Je suis persuadé que ceux qui se font des papouilles à la direction du club, qui se donnent du « cher ami » seront divisés avant 3 mois. Ils la joueront alors sur le thème « c’est pas moi, c’est lui » ».
En dépit de ce contexte, Claude Guedj est officiellement investi nouveau PSG de la SAEM, c’est-à-dire président du LOSC, le 5 juin 1990. Il annonce la nomination à ses côtés de Paul Besson au poste de directeur général adjoint, et de François Sénéchal à celui de vice-président. Jean-François Duprez et Guy Lefort deviendront aussi vice-président lors de la prochaine AG du club, le 25 juin. Santini, Honoré et Gardon sont maintenus, et donc on peut enfin se tourner vers l’avenir, avec une enveloppe de recrutement comprise entre 9 à 12 MF pour 2 ou 3 joueurs, dans l’éventualité où Lille garderait tout le monde : « on ne va pas loin avec ça » commente la Voix du Nord, rabat-joie. On sait désormais que Langers est trop cher : foutus barrages. La direction du LOSC vise une place dans les 12 premiers, et finir 10e serait « merveilleux »
Le LOSC dans l’impasse
Depuis plusieurs semaines, on annonce que le LOSC va tourner le dos à des années de gestions moyenne et de manque d’ambition sportive. Mais au-delà des discours annonçant des changements à une date indéterminée, on ne voit concrètement rien venir. Aucune information ne filtre sur les finances du club, sur sa dette, et sur les apports de la nouvelle équipe de direction. Pire : le club perd ses joueurs et ses partenaires, et les administratifs subissent reproches sur reproches de la part du nouveau président. Début juin, c’est cette fois Christophe Galtier qui fait valoir une clause dans son contrat lui permettant de racheter sa dernière année lilloise pour 1MF : « il a préféré la sécurité à l’aventure, le palpable à l’hypothétique » (8 juin). À une époque où les mouvements de joueurs sont bien moins nombreux que de nos jours, le coup est rude, après le départ d’Angloma. On craint alors une réaction en chaîne : Fiard, qui est en fin de contrat, a donné un accord de principe pour une prolongation, mais conditionnée au maintien de certains joueurs, dont Galtier. Le LOSC n’a pas d’attaquants, et perd ses défenseurs. Et on ne sait toujours pas ce que fera Pelé, pour qui Marseille vient de transmettre une offre de 12 MF qui, eu égard à la situation du LOSC, mérite tout de même d’être étudiée.
On apprend en outre que les salaires de mai n’ont pas encore été honorés. Le ton change alors dans la presse, où l’excitation de la nouveauté laisse place à l’inquiétude et à un certain agacement : « il est évident que le LOSC n’a aucune chance de sauver sa peau si l’on continuer à le miner de l’intérieur, à confier des leviers de commande à des gens qui n’ont pas la moindre idée des pratiques les plus courantes et multiplient les erreurs grossières comme s’il s’agissait de jouer au chamboule-tout » (8 juin).
André Soleau commet un nouvel éditorial, cette fois intitulé « Au feu ! » (8 juin). Selon lui, « l’existence même des Dogues est menacée. Les joueurs quittent le navire ». Mais on reconnaît la qualité d’un éditorialiste à soudainement vouer aux gémonies les hommes que l’on portait aux nues quelques jours avant, alors que rien n’a fondamentalement changé, hormis la direction du vent : « les deux décideurs sont Claude Guedj et Paul Besson. Ils ne connaissent pas grand chose des pratiques en vigueur dans le football professionnel. Pour ainsi dire, rien. Or, c’est sur eux que repose toute la stratégie puisque Santini et Gardon ont été, plus ou moins officiellement, écartés. On imagine d’ici le tableau :
« je prendrais bien ce grand blond avec une chaussure noire. Qu’en penses-tu ?
Si tu veux Paulo. Mais ça coûte combien ?
Bof ! »
Et dans une dizaine de jours, on reprend l’entraînement… On ne frise pas le ridicule, on nage dedans. Pierre Mauroy annonçait, hier à Paris, qu’il voyait le LOSC européen pour 1993. Nous, nous le distinguons très nettement en deuxième division, en 1991 ».
Il faut croire qu’André Soleau a eu vent de ce qui se trame au sein du club. Dans l’édition du 12 juin, la Voix du Nord rappelle que les salaires de mai ne sont toujours pas versés. Guedj renverrait la responsabilité de la situation vers Besson, en expliquant en qu’il n’a pas à s’occuper de ce qui est antérieur à sa nomination. Ce doit être ça les « méthodes d’entreprise » promises ! En attendant, Claude Guedj fait la tournée des médias pour tenter de séduire le public : invité sur Fréquence Nord, il reçoit même les encouragements, en direct de… Bernard Tapie ! Nanard l’assure : « le nouveau président du LOSC vit un moment qui ressemble à celui que j’ai connu à l’OM quand je suis arrivé. Des moments difficiles dans un monde tourné vers le passé, qui n’accepte pas facilement les nouvelles têtes ». Pas sûr que ce soutien compte dans la région, et les salariés du LOSC apprécieront…
Un dossier avance : deux Nielsen seraient sur le point d’arriver du Danemark. Georges « puisqu’on me demande mon avis, je le donne » Heylens déclare : « quand on va chercher un joueur à l’étranger, il faut prendre du haut de gamme ou rien. Un Eric Prissette, un Jean-Luc Buisine, valent tous les Nielsen du monde. C’était bien la peine de les écarter ! » (15 juin).
Un départ et un record
La reprise du groupe professionnel est prévue lundi 18 juin. Durant le week-end qui précède, la Voix du Nord indique que les joueurs vont être accueillis par le président. Et le doute grandit : « il est permis de se demander si Claude Guedj est l’homme de la situation. Depuis que son nom a circulé dans les couloir de Grimonprez-Jooris, quelles garanties a-t-il données ? Après quelques semaines d’observation, on attend toujours qu’il présente un projet charpenté, voire qu’il trace simplement une ligne directrice. Mais on n’en sait pas davantage, pas plus que l’on connaît le montant de son engagement personnel, ce qui est pour le moins fâcheux » (17 et 18 juin). Tant fâcheux que, dans la journée du dimanche 17 juin, Claude Guedj a finalement donné sa démission, ou disons plutôt qu’il a été prié de partir par les autres membres de la direction.
La Voix des Sports du 18 juin revient abondamment sur l’événement qui est certainement « un record toutes catégories » : officiellement, Claude Guedj sera resté président du LOSC durant 13 jours, un peu plus si l’on prend en compte son arrivée physique. Et il n’aura pas eu le temps de voir le moindre joueur. « Divergences de vue dans les politiques à mener, dans le choix des méthodes et des hommes ? Un peu de tout cela, sans doute » : depuis son arrivée, Claude Guedj n’avait rien modifié, à part le fait d’avoir introduit un management autoritaire et méprisant. Il avait d’abord annoncé 10 MF d’apport personnel, puis 7, puis 3, puis 2… Finalement, il n’a apporté aucune garantie et « à cette allure-là, c’est le LOSC qui aurait fini par lui prêter de l’argent » ; au rayon transferts, on est presque au point mort. L’hebdomadaire sportif considère tout de même que cette éviction bienvenue est due à la modernisation du LOSC : « la nouvelle équipe de dirigeants a compris qu’elle faisait fausse route. Elle a reconnu son erreur et tranché aussitôt dans le vif. Nul ne s’en plaindra. Naguère, ce genre de plaisanterie coûtait des années d’errance (…) l’arrivée de quelques chefs d’entreprises régionaux a semble-t-il changé les mentalités et modernisé l’appareil administratif ». Finalement, au moment où Brest, Reims ou Mulhouse sont au bord de la faillite, le LOSC n’a perdu que du temps.
La Voix des Sports reproduit une partie du communiqué de départ de Claude Guedj :
« En acceptant, le 5 juin, la présidence du LOSC, je relevais un challenge : devenir européen en 1993 pour répondre au souhait de Pierre Mauroy, maire de Lille.
Ce laps de temps devait permettre de réorganiser, administrativement et financièrement, le club qui ne possédait pas de secrétaire général ou de directeur administratif, pas de direction comptable ; une perte d’exploitation de 15 MF pour la saison 89/90 soit un passif cumulé de de l’ordre de 90 à 100 MF.
Pour la prochaine saison, j’avais prévu un budget compris entre 50 et 60 MF dont 3 MF apportés par mon entreprise (…)
Ce budget prévisionnel ne peut se réaliser compte tenu de la position de certains qui veulent des résultats avant même d’apporter de l’argent. Cela revient à dire : « augmenter les dettes et on verra après ». Or, j’ai toujours appris que pour dépenser un franc, il faut d’abord l’avoir (…)
Le moindre transfert était compris entre 3 et 10 MF. Malheureusement, les assurances qui m’avaient été données quant à la participation des industriels locaux n’ont pas été concrétisées alors que ces recettes devaient constituer les premiers fonds. Il manquerait donc les 12 MF des industriels (…)
Au plan de la gestion, les mesures que j’ai voulu prendre pour fermer les rames du gaspillage ont provoqué un climat d’opposition au sein du club (…)
Il aurait fallu que l’équipe de direction reste soudée, que les promesses de concours financiers soient tenues, que les ambitions personnelles s’effacent devant l’intérêt du LOSC et de son avenir.
De ces ambitions personnelles, pour ma part, je n’en ai jamais eues.
Je m’en vais »
Caricature de Honoré Bonnet, La Voix des Sports, 18 juin 1990
« Constat amer d’un homme qui manquait, visiblement, de connaissances sur le football professionnel » estime la Voix des Sports, qui saluait justement l’arrivée d’un « entrepreneur » deux semaines avant.
Le nouveau président du LOSC s’appelle donc Guy Lefort, 49 ans. La Voix du Nord est contente car Lefort est présenté non seulement comme un « amoureux du LOSC », mais aussi comme un « sportif » : footballeur jusqu’en junior, champion de France universitaire de handball, tennisman classé, et skieur. Et puis il a un lien de parenté avec Guy Lefort, ancien joueur de Fives qui a donné son nom au stade Lambersart. Lefort confirme qu’avec Guedj, « le message et les méthodes ne passaient pas ». Quant aux finances, ce n’est pas encore clarifié puisque le nouveau président annonce : « je n’apporte pas un centime, mais seulement mon tonus ». Ce qui sous-entend qu’il y a des promesses de financement par ailleurs, ce que semblent confirmer des déclarations de Pierre Mauroy : « nous ferons connaître, le 9 juillet, l’effort que la ville effectuera en faveur du LOSC. Je souhaite que celui-ci soit poursuivi et accentué. Mais il ne faudra pas s’en tenir là. La région a l’intention de s’engager comme elle l’a fait jusqu’ici. La communauté urbaine viendra, peut être, nous aider. Mais les collectivités territoriales ne doivent pas être seules. Il est nécessaire que d’autres partenaires se manifestent. Nous voulons une grande équipe demain ? Cela n’ira pas sans risques, aujourd’hui »
Pour la Voix du Nord, cet intersaison est « consternant ». Les joueurs ont repris l’entraînement « le visage fermé » ; « le plus gênant réside dans la démarche consternante de ceux qui mettent en avant l’intérêt supérieur du club avec une boîte d’allumettes dans leur poche. S’ils aiment à ce point les flammes, qu’ils brûlent un cierge ! ».
Au moins, l’arrivée des Danois est officialisée, Périlleux et Fiard devraient rester, et on parle d’un toulousain : Assadourian. Pelé, lui, partira.
Pour tenter d’effacer un peu ce triste épisode, la direction du LOSC convie les supporters à Grimonprez-Jooris début juillet pour un entraînement public et une présentation des joueurs, avec Joël Alain au micro. Un millier de personnes répondent présents dans une ambiance bon enfant et scandent le nom de Pelé, pas encore officiellement parti. Pierre Mauroy se veut rassurant : « nous voulons un grand club à Lille, il est temps de gagner ».
Après le conseil municipal du 10 juillet, on comprend qu’il revient encore aux collectivités publiques de faire des efforts pour le LOSC. Aux 3 MF et quelques déjà votés s’ajoutent 2MF et la mairie garantira à hauteur de 50% un prêt de 20 MF . Le rapporteur indique qu’à l’avenir, il faudra porter l’effort non pas à 5 mais à 10 MF, et inciter la région et la communauté urbaine à donner davantage, pour avoir un budget de 160 MF supporté pour moitié par la collectivité, et l’autre moitié par le privé. Au conseil municipal, le Parti Communiste regrette la lourdeur des chiffres et craint que les ambitions du club n’augmentent l’ardoise à l’avenir. Et après tout, il n’y a aucune garantie que ces nouvelles dépensent remettent le LOSC sur de bons rails… Du côté de l’opposition de droite, Alex Türk considère qu’il y a deux 2 solutions : déposer le bilan ou aller de l’avant. C’est cette deuxième option qu’il défend, « en croisant les doigts et en touchant du bois… ». Pour Mauroy, « il y a, en effet, deux positions : ou décider qu’il n’y aura plus de football professionnel à Lille, et il m’arrive d’en avoir la tentation, mais les Lillois ne nous le pardonneraient pas… Ou il faut une équipe de football et une équipe en première division. Nous ne pouvons pas reculer ».
Le problème reste que la SEM est endettée à hauteur de 40 MF. Si le LOSC déposait le bilan, il faudrait rembourser. La fuite en avant continuera donc, en prenant des risques, mais comment faire autrement ?
Mi-juillet, Guy Lefort et Bernard Gardon organisent une conférence de presse destinée à montrer l’unité du LOSC. Le président déclare qu’il a des assurances sur l’avenir du LOSC depuis la tenue du conseil municipal. Il aimerait désormais mobiliser les entreprises régionales via une régie interne. Il est déjà parvenu à louer les loges 300 000 francs cette saison contre 120 000 francs la saison précédente, ce qui constitue a priori une belle escroquerie : « nous voulons réussir ce à quoi Gervais Martel est parvenu. Il est anormal que le Racing en soit à 12 MF de recettes publicitaires, contre 2,2 pour le LOSC en 90/91 ». Le prix des abonnements va augmenter. Le président s’attend à deux saisons difficiles sportivement.
Puis, lors du CA devant désigner Guy Lefort officiellement président, on lui fait aimablement remarquer que la présidence d’une SEM n’est pas compatible avec la profession d’avocat. Nouveau coup de Balay : Pierre Balay devient alors officiellement président (mais dans les faits c’est Guy Lefort).
Enhardis par la vitalité de leur club, et dans la lignée de matches amicaux encourageants, les joueurs du LOSC se hissent à la 6e place en 1990/1991.
Dès lors, persuadée qu’il existe un effet de vases communicants entre instabilité de la gouvernance et performance sportive, la direction du LOSC met en place un plan quadriennal d’instabilité administrative : une belle réussite (sans les résultats sportifs).
Posté le 31 janvier 2022 - par dbclosc
9 000 spectateurs à Grimonprez… Guichets fermés !
L’événement est suffisamment rare à l’époque pour être souligné : en décembre 1994, le LOSC joue à guichets fermés à Grimonprez-Jooris. À l’origine de ce retour en force du public, une opération commerciale montée Peugeot, sponsor du club. Mais tout ne se passe pas comme prévu.
On le sait : le LOSC est pionnier. Ce 17 décembre 1994, le club franchit un nouveau palier dans l’innovation marketing, en proposant une affiche à guichets fermés, dans un stade à moitié vide. Cette démonstration de force commerciale consiste ainsi à n’établir qu’un vague lien entre l’affluence dans le stade et la décision de ne pas ouvrir ses guichets. Décryptons cette stratégie.
Nous sommes fin 1994. Lille végète entre le ventre mou et la zone de relégation depuis plusieurs saisons. Depuis des années, le public a déserté les travées de Grimonprez-Jooris hormis, de temps en temps, pour jeter un œil sur un adversaire prestigieux. Cette saison 1994/1995 ne change rien à cette triste routine : même si l’équipe tourne assez bien à la maison, l’affluence oscille officiellement entre 5 415 (Nice en octobre) et 7 642 (Nantes en août) spectateurs. Autant dire que ce n’est pas, un soir de décembre, la venue de Sochaux, dernier du classement, qui risque d’améliorer la moyenne. Lors des deux précédentes années, la venue des Doubistes a attiré 4 526 (en 1993/1994) et 3 968 (en 1992/1993) spectateurs…
Et pourtant : la veille du match, la Voix du Nord annonce que ce Lille/Sochaux se jouera « devant des tribunes copieusement garnies ». En effet, les 13 500 places du stade Grimonprez-Jooris sont prises ! En voici la raison : la semaine précédent le match, Peugeot, sponsor du club, a acheté toutes les places disponibles, une fois retirés les invitations et les abonnements (soit 9 750 places). Officiellement, il s’agit, pour la marque automobile, de « mettre en place une opération pour Noël, qui s’adresse à tout le monde, et pas seulement à des VIP. C’est un geste de convivialité, un cadeau aux Lillois en période de fêtes. Qu’on ne s’y trompe pas, ce ne sera pas la fête de Peugeot, mais bien la fête du football » d’après les responsables marketing de la direction régionale. À l’entrée du stade et dans les tribunes, les « plack-band », un groupe venu des Pays-bas, mettront de l’ambiance. De plus, Peugeot proposera après le match un « show laser ». Pour la Voix du Nord (16 décembre), c’est un « joli coup ».
Grimonprez-Jooris à guichets fermés, c’est en effet un événement. Quelques mois auparavant, le futur champion parisien était venu à Lille devant « seulement » 10 593 spectateurs ; en remontant à la saison précédente (1992/1993), c’est le derby contre Lens qui avait attiré le plus de monde : 12 589 personnes. La Voix du Nord estime que le dernier match joué à guichets fermés à Grimonprez remonte à 1986, avec la venue de Marseille (23 457 spectateurs).
Mais alors, quand on voit l’affluence de 1986 (et on se rappelle que 25 578 spectateurs sont venus voir Saint-Etienne en 1979), pourquoi le stade ne peut-il accueillir que 13 500 personnes et pourquoi n’est-il plus possible d’acheter de places ? Ce sont les nouvelles normes sécuritaires, adoptées depuis les années 1980 après diverses catastrophes, qui ont contraint le LOSC à réduire la capacité du stade, presque de moitié : ce sera donc 13 500 places. M. Hubau, le responsable de la sécurité, avance quelques explications : « la structure du stade n’est évidemment pas en cause. En revanche, les bouches d’évacuation du public n’ont pas été jugées suffisantes dans les rapports établis par les sapeurs-pompiers. Des solutions devraient être vite trouvées par le biais d’ouvertures à même la pelouse, comme on en voit sur de nombreux stades ». Ainsi, bien qu’à guichets fermés, Grimonprez-Jooris ne donnera pas l’impression d’être plein, mais l’affluence sera tout de même exceptionnelle !
Selon la Voix, un stade entier acheté par un partenaire privé, c’est une grande première. Du moins en D1 puisque récemment, Nancy a reçu Le Mans devant 23 000 personnes avec le concours de l’Est Républicain, des magasins Leclerc et de Renault. Dans le journal est relaté un extrait de l’Est Républicain à propos de ce Nancy/Le Mans : « il faisait pourtant froid et il y avait du brouillard. Mais les gens sont venus nombreux, souvent en famille. Le père qui venait habituellement seul est venu avec femme et enfants. Et il y a eu une très bonne ambiance ». On rappelle aussi que, dernièrement, il y a eu des « opérations portes ouvertes » à Paris (lors du titre en avril 1994) et à Lens (lors de barrages en 1991), mais la Ligue est intervenue, officiellement pour « préserver l’équité sportive ». Là, c’est à l’initiative d’un sponsor, donc c’est très différent !
Lorsque l’opération a été décidée, Alain Tirloit, alors responsable commercial du LOSC, a eu une petite appréhension : « nous pourrions juger de cette façon du véritable impact qu’avait encore le LOSC dans la métropole… Mais j’avais la crainte que toutes les places ne soient pas prises ! ». Mais tout va bien : toutes les places achetées par Peugeot ont été distribuées, via des concessions ou via des clubs partenaires du LOSC.
Mais Alain Tirloit et ses collègues du club ne devraient-ils pas davantage craindre un complot contre le LOSC ? En effet, personne ne semble s’inquiéter que Peugeot remplisse un stade pour voir jouer… son partenaire historique ! Rappelons en effet que le FCSM a été fondé en 1928 à l’initiative de deux ouvriers de Peugeot, avec l’aide de Jean-Pierre Peugeot en personne, parce qu’une usine est située à Sochaux depuis 1912. Les Doubistes (ce qui rime d’ailleurs avec « complotistes ») ont déjà prouvé par le passé toute leur perfidie : la première « Coupe Sochaux » a ainsi permis au FCSM d’humilier l’Olympique Lillois 6-1 lors de la finale en 1931 !
La Voix du Nord donne la parole au directeur régional de Peugeot, qui n’est autre que Jean-Claude Plessis, ancien président de l’AS brestoisoise, qui assure : « à Lille, nous nous sentons plus Lillois que Sochaliens ». On est priés de le croire. La preuve : Jean-Claude Plessis sera le président du FCSM de 1999 à 2008.
Dernière contrariété avant la fête : l’écoulement des places s’étant fait par des canaux non-traditionnels, de nombreux acheteurs potentiels n’ont pu trouver leur bonheur au secrétariat du LOSC. Une affichette les en informe.
C’est le jour J. La Voix du Nord s’amuse : « le LOSC qui refuse des spectateurs. Un 1er avril, tout le monde aurait cru à une bonne blague » (17 décembre). Ce match est l’occasion de retrouvailles : depuis une semaine, Jacques Santini a remplacé Silvester Takac sur le banc sochalien. Le nouvel entraîneur sochalien, qui « avait plutôt l’habitude de recevoir devant des banquettes vides, quand il était Lillois, manifestera sans doute un certain étonnement en entrant sur la pelouse ». Santini retrouvera cinq joueurs lillois, déjà là quand il entraînait les Dogues : Assadourian, Friis-Hansen, Leclercq, Nadon et Rollain. Tout le monde salue le football-champagne prôné par Jacquot lors de ses années lilloises, comme Fabien Leclercq : « c’est vrai que Jacques Santini était plutôt porté sur le jeu défensif mais le club n’a jamais eu d’aussi bons résultats que lorsqu’il était là ».
Mais le plus drôle est l’anecdote rapportée par la Voix du Nord : dans la semaine, Jean Fernandez inscrit sur un tableau la probable composition de l’équipe de Sochaux pour le match. Jakob Friis-Hansen le reprend alors en disant qu’il y a une petite erreur : « devant la surprise de son coach, le libéro danois expliqua avec humour que les deux attaquants doubistes joueraient juste devant Cassard [le gardien] » (17 décembre). Bel hommage !
Fernandez donne deux principales consignes à ses joueurs : marquer vite pour obliger Sochaux à se découvrir, et séduire, pour faire revenir le nombreux public. Le LOSC reste sur un match considéré comme bon à Strasbourg. Pensez donc: Lille n’a pas perdu, et a même mis un but (1-1). Pour affronter les Sochaliens, on peut compter sur les retours de Sibierski, Foulon, Garcia, Carrez, Leclercq et Pérez, absents en Alsace. Lévenard, Hitoto et Rollain sont blessés.
Jacques Santini, quant à lui, est privé de Weber, Vos, Gnako, Mendy et Cuervo, c’est-à-dire beaucoup d’éléments offensifs. Mais il n’y avait peut-être pas besoin de cela pour que la Voix du Nord mette en exergue sa « phrase du jour », signée Jean Fernandez : « ce que je sais, c’est que Jacques Santini va fermer ». Place au spectacle !
Mais en dépit de la présence très visible de Pierre Mauroy, pour la première fois de la saison, le stade donne une drôle d’impression pour un match « à guichets fermés ». Bien sûr, seules 13 500 places peuvent être pourvues, donc des sièges sont vides. Et même s’il y a manifestement plus de monde que d’habitude, il y a tout de même un paquet de sièges vides…
En fait, de nombreux titulaires de billets ne se sont pas déplacés. Ce qui fait que l’on pouvait estimer le nombre de spectateurs présents, selon la Voix du Nord, « à près de 9 000, pas davantage. Navrant ! ». Et bien dommage pour celles et ceux qui souhaitaient acheter une place !
_Deux billets pour Lille-Sochaux s’il vous plaît !
_Il n’y a plus de places !
_Mais le stade est à moitié vide… ?
_C’est guichets fermés ! Voyez avec Peugeotroisansix !
De surcroît, aux abords du stade, certains titulaires de billets gratuits ont tenté… de les vendre : « il n’y a pas de petits bénéfices. Tout aussi navrant ! ».
Et voilà comment on joue à guichets fermés avec environ 15 000 sièges vacants.
Le 11 de départ : Nadon ; Duncker, Dindeleux, Carrez, Bonalair ; Etschélé, Friis-Hansen, Sibierski, Pérez ; Assadourian, Farina.
Sur le terrain, on va vite constater que les absents n’ont pas forcément tort. En dépit d’une chandelle de Sibierski qui ne passe pas loin du but de Cassard (11e) et de quelques dribbles de Perez, on observe dans l’ensemble « trop de timidité, trop d’à-peu-près. Du déjà-vu en somme ». Sochaux se montre avec une tête de Prat dégagée par Dindeleux (20e). Peu après, sur un corner de Perez, Carrez dévie pour Sibierski : Cassard est pris à contre-pied mais Piton dégage sur sa ligne. Sur ce, s’installe le « ronron habituel », à la fois dû au manque d’imagination des Dogues, et à un adversaire qui a installé un « véritable mur » : « Santini n’a jamais été un adepte du hourra football. Mais là, l’ex patron des Dogues avait été encore plus loin. À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Dans un tel contexte, la vivacité et l’inspiration sont des atouts de poids. Malheureusement, les hommes de Jean Fernandez en étaient dépourvus ».
L’arbitre siffle la pause, et le public en profite pour siffler toute la première période : les joueurs rentrent aux vestiaires sous des huées logiquement plus bruyantes que d’habitude. L’opération séduction n’est pas en marche ! La Voix du Nord a une pensée émue pour les petits ramasseurs de balle (venus de Landas) qui, en raison du nombre et de la qualité des tirs, « n’eurent guère l’occasion de se réchauffer les mains ».
Mais « une mi-temps chasse l’autre… heureusement ». Le LOSC semble être revenu avec de meilleures intentions : Assad centre vers Farina, qui reprend de peu à côté (49e) ; Carrez tire un coup-franc dans le mur, Duncker suit mais oublie de frapper (55e). Et c’est au moment où on croit les Lillois proche de marquer que Baudry, de l’autre côté, se retrouve seul face à Jean-Claude Nadon, qui repousse brillamment la plus grosse occasion du match (57e). Suite à ce sérieux avertissement, la Voix du Nord constate « un milieu de terrain engourdi, une attaque anonyme, à l’image de son avant centre Farina ». Pire, on bascule dans un « match indigeste ». Pour tenter de dynamiser son attaque, Fernandez fait entrer Garcia et Boutoille, aux places de Perez et Etschélé.
Puis, miracle : enfin « un mouvement collectif cohérent » : Carrez sert Duncker, qui trouve Assadourian à l’entrée de la surface. Il sert parfaitement Sibierski, lancé au point de pénalty, qui conclut (1-0, 66e). Ouf !
Extrait Les plus beaux buts du championnat de France 94/95, TF1 Vidéos
Le match devient alors un peu plus ouvert. Garcia, qui a remplacé Estchélé, bute sur Cassard (75e). En toute fin de match, Farina (87e, 90e) et Bonalair (89e) auraient pu alourdir le score, mais cela aurait mis en péril le record de victoires 1-0 à domicile que le LOSC vise cette saison-là.
« Programme minimum », « match sans grand relief », « joueurs le plus souvent aux abonnés absents », mais cela fait 3 points et, en 1994, on s’en contente bien ! À défaut d’être franchement méritée, la victoire n’est pas imméritée. Pendant que le show laser bat son plein, Jean Fernandez, lucide, déclare : « on n’a pas fait un bon match (…) ça a été tout de même assez laborieux. Sochaux était venu pour prendre un point et tenter d’obtenir le 0-0 ». Jacques Santini se rend compte de la tâche qu’il a à accomplir : « il n’y a que 8 jours que je suis là et c’est la première fois que je vois mon équipe à l’oeuvre. Il y a eu trop de ballons perdus, trop d’approximations dans son jeu ? C’est la raison pour laquelle je pense que le LOSC mérite sa victoire ». On n’oublie pas de saluer Jean-Claude Nadon, notamment pour son arrêt vers l’heure de jeu, comme Antoine Sibierski (« ce n’est pas moi qu’il faut féliciter en premier, mais bien Jean-Claude, qui fut l’auteur de deux arrêts spectaculaires » et Jean Fernandez « le tournant du match, ne l’oublions pas, c’est l’arrêt de Jean-Claude Nadon en début de deuxième mi-temps ».
Dans la Voix des Sports datée du lundi 19 décembre, on met en avant, à défaut d’un jeu léché et spectaculaire, les « valeurs morales » de cette équipe lilloise, finalement assez attachante, et qui a tout de même un meilleur visage que celui affiché lors des deux dernières saisons : « privé de force de pénétration, le LOSC se raccroche donc à ses qualités morales, et elles sont grandes cette saison, pour noyer le poisson et mener à bien ses missions ». Avec 24 points à la trêve, Lille est dans le bon tempo. L’hebdomadaire souligne qu’indépendamment du jeu, encore laborieux, on sent une meilleure ambiance dans le groupe lillois, qui évoque volontiers le travail effectué, ainsi que des objectifs qui paraissent clairs et auxquels il adhère. Jean Fernandez et Bernard Lecomte sont à ce titre salués pour avoir installé « une ambiance, un environnement propice à une remise à flots bénéfique sur le plan moral ».
Et il est vrai que même si le LOSC connaîtra encore quelques frayeurs sportives durant la saison, il fera preuve aussi de belles performances à domicile tandis que, sur le plan financier, Bernard Lecomte dévoile progressivement une vision stratégique qui faisait cruellement défaut au club. Et même si elle ne s’annonce pas réjouissante, la transparence est appréciée.
Quant à l’opération de drague envers le public, si on a perfidement souligné ses quelques ratés, il n’est pas dit que, même à 9 000, elle n’ait pas été un succès, ne serait-ce que parce qu’il a permis un à public jeune d’assister à un match de football dans de bonnes conditions, et sans considération pour la qualité du jeu, pourtant sévèrement jugée dans la presse. L’auteur de cet article a d’ailleurs fait partie, via son club de foot, des bénéficiaires de l’opération. Dans l’immédiat, les affluences n’ont pas explosé, oscillant entre 5 415 (Metz en février) et 12 000 (PSG en mars) jusqu’à la fin de la saison. Mais officiellement, ce Lille/Sochaux est la meilleure affluence de la saison, puisque 13 500 billets ont effectivement été vendus, et c’est ce qu’indiquent aujourd’hui les sites spécialisés.
Si cette action est ici l’oeuvre d’un sponsor privé, on peut aussi toutefois y voir les prémices d’une plus grande considération accordée au public, qui sera un des marqueurs de la présidence Lecomte – même si, bien sûr, tout n’a pas été rose – avec des tarifs attractifs et des formules d’abonnement originales, qui permettront au LOSC, pourtant en D2, de battre ensuite chaque année son record du nombre d’abonnés, à partir de la saison 1997/98.
Par la suite, les résultats du club faciliteront le retour du public, au point de faire passer 13 500 spectateurs pour une affluence ridicule.
Partenariat LOSC/Peugeot lors de la saison 1995/1996
Posté le 22 janvier 2022 - par dbclosc
Complot hivernal (2/2) : le LOSC cueilli à froid
Le LOSC aura tout fait pour reporter le derby prévu à Grimonprez-Jooris en janvier 2002, mais rien n’y aura fait : comme on pouvait s’y attendre, Lille s’incline… sur un but imputable aux conditions météorologiques.
La première partie du complot hivernal est ici.
La neige et le froid causent bien des soucis aux Lillois au cours de cet hiver 2001/2002. Après la défaite contre Sochaux sur un terrain gelé en décembre, après l’accident de ski de Vahid Halilhodzic, après la défaite à Montpellier pour entamer 2002, le LOSC, qui s’entraîne dans des conditions difficiles en raison du froid persistant, s’apprête désormais à recevoir son voisin lensois, le vendredi 11 janvier. Mais, durant la semaine précédant le match, il existe une grande incertitude sur le tenue du match, précisément en raison de la rigueur hivernale.
Seule certitude : Vahid Halilhodzic, qui a fait une apparition mardi 8 à l’entraînement, sera de retour au stade, et probablement sur le banc, même s’il l’on se demande encore si le confort d’un siège en tribune officielle ne siérait pas davantage au convalescent. La Ligue Nationale de Football (LNF) a en tout cas fait savoir qu’elle considérait que Vahid avait purgé sa suspension (consécutive à l’après-match de Sochaux) à Montpellier : ben évidemment !
Le mardi 8 janvier, la Voix du Nord nous apprend que la pelouse de Grimonprez-Jooris est gelée à 5 -6 centimètres de profondeur. Il gèle en effet sur Lille tous le matins depuis le 28 décembre (de -7° à 0° le matin), avec une tendance à l’accentuation du froid depuis le 1er janvier. Et les rares fois où le thermomètre passe en positif durant la journée ne suffisent pas à écarter les doutes sur la possibilité du match. Bruno Baronchelli, évoquant la séance d’entraînement de la veille où un peu de soleil a permis de dégeler les zones dégagées, explique : « tout le monde s’est attaché à jouer. Il y a tellement longtemps que nous n’avions pas eu l’occasion de le faire. Pourtant, ce fut délicat sur une véritable patinoire. Si le ballon roulait effectivement bien, le terrain n’était dégelé qu’en surface et ce n’était vraiment pas l’idéal sur une pelouse souple au dessus et très dures en dessous ». Ce 8 janvier, le groupe part s’entraîner sur un terrain synthétique à Villeneuve d’Ascq. En l’état, le derby est considéré par le journal comme « compromis », « hypothétique ». La tendance passe ensuite à « improbable » dans l’édition du lendemain.
Il est en effet prévu, pour les trois prochaines nuits, des températures entre -7° et -9°, et pas de température positive en journée. Une décision est censée être prise jeudi 10 en cours de journée, lors de la visite d’un délégué de la Ligue Nationale : « il prendra une décision qui devrait être celle du report » (La Voix du Nord, 9 janvier). Selon Jean-Claude Grandclaude, un des responsables de la société Torève à Templemars chargée de l’entretien du terrain, « actuellement, la pelouse est dégelée sur 7 à 8 centimètres. Jouer serait donc possible même si ce serait embêtant pour le gazon. En revanche, si le froid revient en force, ce ne sera pas jouable ». Le 10, un intrigant spectacle a lieu à Grimonprez-Jooris.
Le délégué envoyé par la LNF s’appelle Louis Ortega. En début d’après-midi, il arpente la pelouse du stade en compagnie de Vahid Halilhodzic et de Pierre Dréossi, ce qui semble curieux. N’est-il pas censé faire cela seul ? Que cherchent à faire Dréossi et halilhodzic en l’accompagnant ?
Au bout de 30 minutes d’inspection, il est surpris de trouver une dizaine de journalistes à proximité des bancs : quelques jours avant, après le même travail à Sedan, personne ne s’était intéressé à son expertise. Il déclare : « la pelouse est gelée sur 15 à 20 centimètres, à l’exception d’une bande le long de la tribune présidentielle [note DBC : la plus exposée au soleil], mais elle est verte, bien plate et ne présente pas de bosses. Je conseille donc de maintenir le match. On peut prendre le risque ». À la question d’éventuelles pressions qu’il aurait reçues, il répond qu’il a agi en toute indépendance, « sinon je ne serais pas crédible ». La décision de M. Ortega étonne : si une telle question est posée, c’est bien parce qu’il apparaît aux yeux des journalistes que la pelouse n’est visiblement pas praticable.
Coup de théâtre deux heures plus tard : Francis Graille, prenant à témoin Pierre Dréossi, affirme qu’avant de faire son rapport, M. Ortega pensait, comme eux, que le terrain était impraticable. Pierre Dréossi confirme : « il a dit : « le terrain est complètement gelé, ce n’est pas jouable. Et quand il a téléphoné à la Ligue, on lui a demandé : « c’est gelé mais est-ce vert ? Est-ce plat ? ». Selon le directeur général du LOSC, le délégué de la Ligue aurait alors changé d’avis. Ou plutôt, il applique les critères d’évaluation de la Ligue, qui auraient changé. Très concrètement, cette décision, qualifiée plutôt de « non-décision » par Francis Graille, fait désormais reposer la décision sur les épaules de l’arbitre du match, M. Garibian.
Mais alors, si le récit des dirigeants lillois est vrai, comment expliquer cette volte-face ? Pierre Dréossi évoque des « pressions » : « après maintes pressions, la Ligue a laissé la possibilité à l’arbitre de décider de jouer ou non. Ils ont mis beaucoup de temps à se décider, alors que le terrain, gelé à 90%, est dangereux. La Ligue a un problème de calendrier ; le nôtre, c’est la sécurité des joueurs, mais on n’a ni plus ni moins d’intérêt que Lens à jouer ».
En attendant, les seules pressions visibles sont plutôt celles des Lillois : la présence du trio dirigeant (Graille/Dréossi/Halilhodzic) et son discours laisse planer l’idée que Lille n’a pas trop envie de jouer… Conscients que l’équipe a un coup de mois bien depuis un mois et avec l’absence de nombreux joueurs, blessés ou sélectionnés, on verrait sans doute d’un bon œil un report de quelques semaines !
Selon la Voix du Nord (11 janvier), « à Paris », tout est fait pour que le match ait lieu. Comprendre : le match étant diffusé sur Canal +, la LNF ne souhaite pas que son partenaire soit de nouveau privé d’une retransmission télévisée, les reports de matches s’étant accumulés depuis mi-décembre. Et du côté du LOSC, on est apparemment convaincu par cette version : « on est dans un monde d’argent auquel on participe » affirme Francis Graille. Il avance clairement que la pression vient de la Ligue, pas de Canal.
Prenant de nouveau les journalistes à témoin, en espérant que tout cela soit relayé dans les journaux du lendemain, a priori jour de match, Francis Graille les invite en soirée à Grimonprez, qu’il fait éclairer partiellement, afin que chacun puisse littéralement tâter le terrain. Commentaire de la Voix du Nord : « curieuse impression : l’herbe n’est pas gelée mais, en-dessous, c’est du béton ! ». On demande au président s’il n’y avait pas moyen de protéger la pelouse en amont. Justement, Francis Graille revient de Lyon, où une bâche a été posée sur la pelouse de Gerland ; il explique que la bâche est restée collée au terrain à cause du gel, et Lyon/Troyes est reporté. Autant dire qu’il n’y a pas grand chose à faire hormis, selon Gervais Martel, équiper les stades de pelouses chauffantes, comme c’est le cas à Sochaux, où ça a coûté 910 000€ : « mais on ne peut décemment pas en demander plus aux collectivités locales » souligne ce grand gestionnaire. Gervais « euh » Martel suit par ailleurs cette histoire avec beaucoup de recul et de sagesse : « je suis mal placé pour parler puisque le match n’a pas lieu dans nos installations mais à Lille. Par conséquent, je ne peux pas porter de jugement en la matière (…) Les lillois et le délégué de la Ligue nationale sont les seuls juges de cette affaire. Nous leur faisons confiance ». Sur le fond, Gervais Martel « préférerai[t] jouer. Mais je n’aimerais pas qu’il y ait des blessures ». Bruno Baronchelli tient à peu près le même discours : « s’il faut jouer, on jouera. Et si l’on a de la chance, on n’aura pas de blessés ! ».
Avant de partir, Francis Graille dit ne pas vouloir recourir à la mairie pour obtenir un arrêt municipal d’interdiction du terrain ; dire cela publiquement, c’est probablement un gros appel de phares pour solliciter un arrêt municipal d’interdiction du terrain. Ainsi s’achève une journée au cours de laquelle un mauvais feuilleton a tenu tout le monde en haleine, pour finalement aboutir à une décision reportée.
Vendredi 11 janvier : il n’a pas gelé pendant la nuit. En journée, la température atteint 7°, et il devrait geler de nouveau à partir de la fin d’après-midi. Suffisant pour jouer ?
Aux alentours de midi, Pascal Garibian inspecte la pelouse et, dès cet instant, il apparaît qu’elle est considérée comme praticable. On devrait donc jouer, sauf cataclysme météorologique.
Après un dernier repérage à 20h, la décision de jouer est prise : « la pelouse est inégale en certains endroits, mais c’est un terrain d’hiver tout à fait jouable ».
Après le brillant épisode des atermoiements du délégué la veille, la LNF publie immédiatement un communiqué qui ressemble à une justification que personne n’avait demandée, comme s’il fallait se rattraper de quelque chose : « Pascal Garibian a décidé, souverainement, que la rencontre Lille/Lens pouvait avoir lieu ». Commentaire de la Voix du Nord (12 janvier) : « souverain, l’arbitre a en effet certainement pris la bonne décision. Mais tout cela n’effacera pas l’éventail de questions soulevées, ces derniers jours, notamment au sujet de certaines pressions émanant de la télévision, ou d’ailleurs ».
Reste, pour les joueurs, à choisir les chaussures adéquates : certains endroits du terrain sont entièrement gelés (le long des Honneurs notamment), d’autres laissent entrevoir un brin de souplesse. Le toss est est effectué juste après l’échauffement, avant que les joueurs ne rentrent au vestiaire, pour ne pas à avoir à changer d’équipement en dernière minute en cas d’inversion des camps.
Le match peut donc commencer, mais la plupart des spectateurs et spectatrices ignorent qu’un autre complot contre le LOSC est en cours. Si un millier de lensois arrive « régulièrement » avec 18 cars, une centaine d’autres arrivent à Lille sans billet. Ils sont repoussés par la police aux alentours du stade après quelques bagarres. Puis la boutique du LOSC devient un théâtre d’affrontements, dans lequel on compte un blessé. Le groupe lensois est repoussé dans le Vieux-Lille. Bonne idée : « le groupe des « sans billets » s’est alors déchaîné sur un établissement fréquenté par des supporteurs lillois » : des véhicules sont dégradés et deux vitrines du bar-brasserie « À Faidherbe » volent en éclats. Bilan : un blessé léger, soigné sur place, qui a finalement pu assister au match. 80 personnes, toutes supportrices de Lens et membres des « Red Tigers », sont arrêtées.
Vahid Halilhodzic, assez peu mobile et tirant une tronche pas possible, est de retour. La saison précédente, Lille était allé à Lens pour confirmer sa première place. Un an après, Lens vient pour consolider sa place de leader, devant 20 191 spectateurs.
« Rendez-nous encore plus fiers de vous » lit-on en Secondes Basse, preuve que les quelques accrocs de ces dernières semaines n’ont pas entamé la relation entre le LOSC et ses supporters. Depuis la remontée, le LOSC n’a pas perdu un derby : deux victoires en 2000/2001 et un nul à l’aller.
Le match est pauvre en occasions. Sur un tel terrain, pas de miracle : les joueurs font ce qu’ils peuvent. Le match est équilibré, et le LOSC, qui peut compter sur le retour de D’Amico, fait bonne figure. Quelques escarmouches de part et d’autres ne permettent pas encore de débloquer le tableau d’affichage. Signalons que Johnny Ecker sort à la pause, mal remis d’un choc avec Sikora. Verdict : quatre côtes cassées. Décidément…
Dans ce genre de configuration, l’équipe la plus en réussite confirme que tout lui sourit : peu avant l’heure de jeu, Cygan, trompé par le terrain bosselé, manque sa passe en retrait à Grégory Wimbée et lance Moreira qui n’a plus qu’à transmettre à Diouf, qui conclut (0-1). Merci le terrain, merci le gel, merci la Ligue, merci Garibian, merci le complot !
En dépit de deux occasions pour Bakari (68e) et Sterjovski (71e), le LOSC s’incline et confirme sa perte de vitesse : inefficacité offensive, cadeaux derrière, fatigue, blessures, absences… Le LOSC traverse des doutes comme il n’en avait pas connus depuis un long moment.
Un résumé du match (Téléfoot) :
Le lundi suivant, Vahid Halilhodzic est de retour à l’entraînement. Il s’agit de préparer le match contre Bordeaux, à rejouer. Si Lille est encore laborieux, il égalise… à la 89e (2-2). Les habitudes reviennent progressivement. Et Djezon Boutoille, auteur de la première égalisation, déclare : « vous ne le saviez pas… je suis un homme du froid ! ». Ouf, on aperçoit la fin du complot hivernal.
Posté le 21 janvier 2022 - par dbclosc
Complot hivernal (1/2) : Le « planté de bâton » version Vahid Halilhodzic
Le 28 décembre 2001, en vacances en famille à Val d’Isère, Vahid Halilhodzic, le coach du LOSC, subit une lourde chute à ski. L’un de ses bâtons se plante parfaitement, mais pas où il faut. Bilan : quatre côtes cassées et un poumon perforé.
22 décembre 2001, 19h15 : en ce deuxième jour d’hiver, la neige se met à tomber subitement et abondamment sur Lille. Le match Lille/Bordeaux, qui devait clore l’année 2001 de football, est reporté à l’année prochaine. Voilà ainsi les Dogues en vacances anticipées de deux heures et, surtout, en vacances bien méritées.
Même si le mois de décembre a vu arriver la première défaite du LOSC à domicile cette saison, sur un terrain déjà gelé qui a surtout refroidi la clairvoyance de l’arbitre ce soir-là, et même si Lille y a été éliminé des deux coupes, les supporters des Dogues ont de quoi être comblés. Pour son retour en D1, Lille a en effet terminé 3e du championnat après avoir lutté pour le titre (presque) jusqu’au bout, s’est qualifié pour la Ligue des Champions, y a fait un parcours très honorable, et a déjà éliminé la Fiorentina de la coupe UEFA où il a été reversé. En championnat, les Dogues on été en tête jusque début novembre, et pointent à la 4e place, à égalité de points avec le 2e, au moment de cette trêve (avec, donc, un match en moins).
Cette exceptionnelle année 2001 vient d’ailleurs d’être récompensée par France Football : Lille y est désigné « club de l’année », Vahid Halihodzic « entraîneur de l’année » et Francis Graille « dirigeant de l’année » ! Alors ce ne sont pas quelques flocons et un match précédemment perdu sur terrain gelé qui vont jeter un froid sur l’euphorie ambiante.
Et pourtant : l’hiver, voilà l’ennemi ! La réussite du LOSC étant trop insupportable aux yeux de certains, les complotistes s’attaquent à la première cause de ladite réussite : l’entraîneur, Vahid Halilhodzic.
Le 23 décembre, accompagné de son épouse et ses deux enfants, Vahid Halilhodzic débarque à Val d’Isère. Les festivités de Noël se passent au mieux jusqu’au vendredi 28, jour où Vahid, se retrouve tout schuss (au fait : tout schuss du combien ?) sur la piste noire Oreiller-Kill.
Et ski devait arriver arriva : Vahid se casse violemment la figure.
Que s’est-il passé ? Selon la Voix du Nord (30 et 31 décembre), « une épaisse couche brumeuse enveloppait les pistes. Dans ces conditions difficiles, il a vu trop tard un obstacle, l’a heurté et est tombé lourdement. Il s’est retrouvé à terre avec le poids du corps sur le coude et le bâton. C’est ce dernier qui a causé les blessures dont il souffre ». L’enquête se précise dans l’édition du 2 janvier 2002 qui évoque une « bosse traitresse », mais Libération (31 décembre) parle d’ « un trou ».
Sans avoir perdu connaissance en dépit d’une « vive douleur », Vahid est secouru par un pisteur qui l’enveloppe dans une coquille : il est emmené en hélicoptère vers l’hôpital de Bourg-Saint-Maurice où on lui diagnostique quatre côtes fracturées, l’une d’elles ayant perforé un poumon. Le personnel médical s’inquiète un temps de la possibilité d’une hémorragie interne, qui est finalement écartée. Le soir-même, Vahid est opéré d’un pneumothorax, puis on lui pose un drain.
Déjà victime d’un accident de voiture peu avant le match à Lyon en novembre, ce qui l’avait obligé à porter une minerve durant plusieurs jours, Vahid vit décidément dangereusement. Et, cette fois, il sera difficile de rester à proximité du terrain. On l’annonce immobilisé pour plusieurs semaines, et probablement absent du banc du LOSC pour au moins un mois. Bonne nouvelle : sauf complications, il ne gardera pas de séquelles de cet accident : « si, dans un premier temps, il a accusé le coup, dépité de s’être ainsi mis hors d’état de travailler, il a vite repris le dessus moralement » note la Voix du Nord.
Le président du club, Francis Graille, court immédiatement à son chevet et se montre rassurant : c’est moins grave que ce que nous avons craint. Nous avons eu très peur mais, pour l’avoir vu, je sais qu’il va déjà beaucoup mieux. Le plus dur sera de l’obliger à penser d’abord à lui et à sa santé. À se soigner. Car son esprit est déjà au club. D’ailleurs, pendant les deux heures que j’ai passées avec lui, nous avons travaillé… ». Vahid devrait rester deux jours à Bourg-Saint-Maurice, avant d’être rapatrié en ambulance vers le CHR de Lille. Dimanche 30, Vahid reçoit la visite de Marcel Campagnac (chargé du recrutement et de la supervision des adversaires), de Pierre Dréossi (directeur général du club) et de Patrick Collot qui, parti en vacances comme milieu de terrain, revient en 2002 dans l’encadrement aux côtés de Marcel Campagnac.
La Voix du Nord, 31 décembre 2001. Sympa l’illustration !
À Grimonprez-Jooris, la reprise de l’entraînement reste fixée au lundi 1er janvier, jour où Vahid voyage en ambulance. Les deux séances du jour sont dirigées par les adjoints d’Halilhodzic : Bruno Baronchelli, Marcel Campagnac, Philippe Lambert et Jean-Noël Dusé. Selon la Voix du Nord, ils font face à des joueurs interrogatifs, qui leur posent une question insidieuse : « leur entraîneur avait-il le droit de pratiquer le ski, un sport qui leur est interdit ? ». Nous n’avons pas la réponse mais, même en ambulance, Vahid est très présent puisque le quotidien indique que Baronchelli a « plusieurs conversations avec lui alors que l’ambulance roulait sur l’autoroute aux alentours de Reims ». Si Bruno Baronchelli sera en première ligne sur le banc pour le prochain match à Montpellier (et, de toute façon, Vahid aurait été suspendu suite à sa colère après le match contre Sochaux), Vahid continuera à composer l’équipe : « nous avons préparé ces entraînements tous les quatre et nous avons été en contact avec Vahid comme nous en avions l’habitude » souligne initials BB ; « nous n’avons pas encore discuté de ce qui sera mis en place pour le match de Montpellier. Au lieu de se trouver dans les tribunes, puisqu’il était suspendu, il sera juste un petit peu plus loin ! Pour moi, cette situation n’a rien de frustrant. Chacun tient son rôle et l’entraîneur, c’est Vahid ! ».
Sur un terrain gelé et enneigé, les séances sont qualifiées de « toniques », avec « footing puis fractionnés ».
Du côté des joueurs, on ne semble pas perturbé outre mesure. La seule menace qui pointe est l’éventualité d’un démobilisation du groupe. Les joueurs savent aussi que leurs résultats vont être scrutés et, inévitablement, une défaite sera imputée à l’absence du chef. Comme le dit Bruno Cheyrou, « certains seront tentés de trouver une faille dans notre solidarité si les victoires ne suivent pas. C’est la première chose que Bruno Baronchelli nous a dite ce matin (…) Nous n’avons pas besoin de prétextes pour rester unis. Je sais que le téléphone va chauffer entre lui et le reste du staff technique. Le club est prêt à palier ce genre de mésaventure et nous assumerons parfaitement cette situation, tout en espérant un retour rapide de notre entraîneur ». Grégory Wimbée abonde : « si on lâchait quoi que ce soit à l’entraînement, nous ne serions pas crédibles. Une telle attitude aurait signifié en outre que tout ce qui a pu être dit et écrit concernant la force morale de notre groupe n’était qu’un gros mensonge ! ». Et l’aîné des frangins essaie de trouver un petit avantage à la situation : « disons que les excès de nervosité du coach seront moins sensibles quand ses ordres nous seront communiqués par ses adjoints ».
On rappelle aussi que ce n’est pas la première fois qu’Halilhodzic est absent : il avait déjà été hospitalisé en novembre 1998 pour des problèmes d’oreille interne, et le LOSC s’était imposé sans lui, à Caen (1-0).
Et l’entraîneur, grippé, avait également manqué le déplacement à Calais en coupe de France, en janvier 2000. Cette fois, le LOSC avait été éliminé.
Si l’absence momentanée de son entraîneur, à qui le drain est enlevé le 2 janvier, ne semble donc pas constituer un souci majeur au LOSC, l’hiver apporte tout de même son lot de préoccupations.
Premièrement, l’effectif compte quelques blessés : D’Amico est absent depuis fin novembre en raison de douleurs aux adducteurs et, durant cette semaine de reprise, Boutoille, Fahmi, Landrin, Beck et Cygan connaissent quelques alertes diverses. L’année 2001, et notamment les mois d’octobre et novembre, durant lesquels Lille a beaucoup joué, ont laissé des traces. Comme le résume Fernando : « c’est la première fois que je suis contraint à un arrêt aussi long. Jamais, jusque là, je n’avais été indisponible plus d’une semaine. Mais c’est une évidence, j’étais un peu fatigué. Nous avons beaucoup joué et j’ai fini par en payer le prix ».
Ensuite, en ce début d’année, Lille est privé de Murati, qui a joué en sélection nationale, et d’Olufadé, déjà en sélection pour la CAN. Après le match de Montpellier, Fahmi, Bassir et N’Diaye rejoindront aussi la compétition.
Également, Vahid aimerait des renforts. Et Lille ne trouve pas. Divers noms sont avancés mais ils sont trop coûteux pour le club.
Enfin, la neige et le gel ne quittent pas Lille. Le LOSC s’entraîne sur des terrains de très mauvaise qualité. Bruno Baronchelli explique : « notre seul vrai souci est l’état du terrain. Nos conditions d’entraînement sont éprouvantes ». Le groupe est contraint de jouer… sans ballon « et ce n’est vraiment pas la meilleure façon de préparer un match » note très justement l’adjoint n°1, dont on perçoit ici toutes les qualités de technicien ; « Mais pour le reste, nous n’improvisons rien. Les séances correspondent à ses souhaits, à sa méthode, à la manière dont il veut nous voir fonctionner. Je ne sens aucune pression supplémentaire parce qu’il n’est pas là. C’est simplement une situation à gérer. Les joueurs nous aident beaucoup en se montrant très coopératifs, très solidaires. Ils réagissent très bien, sont très corrects dans leur attitude ».
Pendant ce temps, Vahid, au CHR de Lille depuis le 1er, a demandé une télévision et un magnétoscope dans sa chambre. On suppose qu’il a aussi demandé des cassettes, du coup. Djezon Boutoille lui a rendu visite et apporte quelques nouvelles : « il souffrait, mais j’ai quand même trouvé devant moi un homme avec une forte envie de revenir. Pour lui changer les idées, je l’ai taquiné un peu avec son histoire de chute de ski. « Dites-moi, coach, c’est une faute professionnelle ? ». Il a rigolé.. ». Quel énergumène ce Djezon !
La sortie est prévu le 4, et Vahid envisage déjà de retourner au stade le 11 c’est-à-dire… le jour du derby.
Le groupe effectue une dernière séance d’entraînement le 5 au matin. Vahid téléphone après l’entraînement : via le haut parleur, le groupe lillois a reçoit des encouragements et des consignes. L’après-midi, l’effectif s’envole pour Montpellier, sans avoir très bien préparé le match ; non pas en raison de l’absence du coach, mais parce que les conditions climatiques ont empêché de travailler tactiquement. Bruno Baronchelli précise : « je regrette simplement que nous n’ayons pu insister sur l’approche tactique du match en raison du gel. Mais les joueurs connaissent assez leur sujet pour être en mesure de répondre à toutes les sollicitations ». Sur place, BB admet que l’absence de Vahid sur le banc n’est certainement pas un atout pour le LOSC, tant il représente un poids important dans la gestion des événements. Concrètement, « Vahid va suivre le match à la télévision. Et s’il a des remarques à formuler, il nous téléphonera ; ce qui est normal, car je n’ai pas le pouvoir de décision. Le décideur, c’est toujours lui. Je me considère surtout comme un messager de Vahid. Son discours, je le transmettrai avec mes mots, mais c’est lui qui l’aura bâti ; le but final étant que les garçons ne soient pas perturbés par son absence ».
Voilà la composition de départ :
Wimbée ; Pichot, Delpierre, Cygan, Ecker, Tafforeau ; Michalowski, N’Diaye, Br. Cheyrou ; Sterjovski, Bakari.
La dernière fois que Lille s’est déplacé à Montpellier, ça s’est bien passé : le 19 octobre 1996, le LOSC s’impose 1-0 grâce à un but de David Garcion. Depuis lors, Lille a passé 3 ans en D2, puis Montpellier est descendu quand Lille est monté. Les retrouvailles entre les deux clubs, au match aller, ont été animées : à 10, le LOSC a marqué grâce à deux buts inscrits dans le temps additionnel. Manifestement, ce scénario est resté en travers de la gorge des Montpelliérains. La Voix du Nord (6 et 7 janvier 2002) rapporte qu’« aux quelques frictions qui ont émaillé la rencontre de Grimonprez-Jooris vinrent s’ajouter hier soir de véritables agressions. Le montpelliérain a le sang chaud : le lillois l’a appris à ses dépens : la semelle traîne dangereusement, les duels sont âpres.. Dommage que de telles scènes aient encore la vedette sur des terains de football ».
Au niveau du jeu, Wimbée intervient d’entrée devant Silvestre (1e) puis Maoulida (17e). Lille réplique timidement par Sterjovski (9e) puis Bakari, prolongeant un coup-franc de Cheyrou (15e). Sur le banc, Lambert et Baronchelli donnent de la voix : « les deux techniciens lillois ne se dérobèrent pas ».
21e minute : Bruno Cheyrou lance Sterjovski qui emmène son ballon de la poitrine, et se retrouve seul face à Riou. L’Australien parvient à faire passer le ballon sous le gardion adverse, mais Silvestre revient et écarte le ballon… de la main. Mais l’arbitre ne le voit pas et ne donne qu’un corner pour les Lillois, dont la chance est passée. Quelques minutes après, Carooti récupère un ballon à 25 mètres : sa frappe, manquée, surprend Wimbée, qui est en outre trompé par un rebond devant lui (1-0, 26e).
En seconde période, le LOSC, « assez éloigné de ses standards habituels », ne semble pas en mesure de revenir. Et encaisse même un nouveau but-gag à la 62e : après un corner, Johnny Ecker tente de dégager de l’extérieur du pied gauche, mais le ballon file dans la direction opposée, directement dans les filets de Wimbée (2-0). En dépit de quelques offensives apportées par Bassir en fin de match, le LOSC s’incline 0-2.
Un résumé du match (Téléfoot) :

Certes, Lille a pris deux buts, « pas ordinaires » selon Francis Graille. Et certes, Lille aurait dû obtenir un pénalty à 0-0, et Vahid le pointe : « ce que je regrette, c’est que Silvestre a commis un pénalty qui n’a pas été reconnu par l’arbitre. Même si nous n’avons pas fait un gros match offensivement, il y avait de quoi faire un résultat… ».
Mais au-delà, la Voix des Sports (7 janvier) a trouvé un LOSC qui n’a « pas affiché la même maîtrise que d’habitude : duels perdus, occasions ratées, idées moins claires… », « légère, très légère érosion dans le domaine crucial des duels et des attaques de balle ». On croirait presque revivre le début d’année 2001, au cours duquel le LOSC avait perdu trois fois consécutivement (coupe de la Ligue, coupe de France et championnat), en montrant d’inquiétant signes de fébrilité, avant de se ressaisir. On croirait là que le LOSC a perdu la réussite qui l’accompagne depuis des mois. Les deux buts encaissés semblent montrer que quelque chose a tourné. Sur le premier but, Gregory Wimbée explique : « Carotti frappe dans la terre avant de tirer et la trajectoire de la balle est déviée une première fois. Quand le ballon touche le sol devant moi, sa trajectoire change à nouveau. Après, c’est très difficile de réagir ». « S’il fallait inventer un contraire à la baraka, Wimbée pourrait être celui-là, tant le gardien du LOSC a joué de malchance » commente la Voix des Sports.
Alors, faut-il conclure qu’en l’absence de Vahid, le LOSC a perdu son porte-bonheur ? À vrai dire, le LOSC est plutôt dans la continuité d’un mois de décembre où les premiers signes de fatigue se sont manifestés, comme on l’a rappelé en début d’article. À cet égard, faire de l’absence de Vahid la cause principale de la défaite à Montpellier est abusif. Le groupe a beaucoup donné sur l’année 2001 (et on peut remonter encore plus tôt) et connaît un bon coup de mou, comme s’il devait digérer sa soudaine réussite et son exposition nouvelle, ce que confirmera d’ailleurs tout ce mois de janvier : la première victoire du LOSC en 2002 ne surviendra que le 16 février, à Nantes.
Et surtout, l’hiver n’en finit pas de causer des torts au club, torts qui ont un effet boule de neige : les conditions d’entraînement à Lille ne permettent pas de travailler la tactique, et fragilisent le physique des joueurs. Après ce match contre Montpellier, Baronchelli répète que « le fait que nous n’ayons pas pu travailler tactiquement durant la semaine à cause du gel a pesé très lourd. L’absence de Vahid n’a pas eu d’influence. Elle n’a rien changé à notre façon d’aborder les matches. Ce qui nous a manqué, c’est la possibilité de travailler les duels à l’entraînement ! ».
Mardi 8, la direction du LOSC annonce un entraînement à huis-clos. Le derby se profile (si la météo le permet), mais on devine facilement ce que ce huis-clos signifie : voilà le retour de Vahid ! Il se rend tout d’abord dans les vestiaires pour discuter avec les joueurs, mais ne dirige pas la séance qui suit. Il l’observe au bord du terrain… bien au chaud dans la voiture de son épouse ! Encore très diminué, il se prête ensuite de bonne grâce à quelques échanges avec les supporters, ravis de le retrouver.
Bruno Cheyrou commente le retour de Vahid : « vous le connaissez aussi bien que moi ! Il est très professionnel et travailleur. Aussi ne pouvait-il pas résister plus longtemps à l’envie de venir nous voir et nous parler. Il nous a simplement demandés de rester mobilisés et d’effacer notre défaite à Montpellier par un résultat positif dans le derby »
Vahid Halilhodzic n’est pas encore en état de diriger les entraînements. Mais, vendredi 11, il retrouve sa place sur le banc pour le match contre Lens. Un match au cours duquel l’hiver n’en finit pas de comploter contre le LOSC.
Posté le 6 janvier 2022 - par dbclosc
1971 : L’hydre complotiste perd une tête
En novembre 1971, une étape importante dans l’enquête relative au complot contre le LOSC est franchie, avec l’arrestation d’un malfaiteur qui en voulait au club. Une action bienvenue mais malheureusement insuffisante pour éradiquer toutes les ramifications du complot.
Quelle malédiction frappe donc le LOSC ? Depuis sa création en 1944, le club ne cesse de cumuler des déboires et des déconvenues qui créent un faisceau d’indices, comme on dit dans les milieux policiers et judiciaires, très mobilisés sur la question.
Que l’on en juge par ces quelques éléments, tous traités sur notre blog, probablement motivés par la jalousie créée par la réussite du club après-guerre :
_depuis 1945, on considère que les championnats dits « de guerre » ne comptent pas vraiment, et donc on se permet de sous-évaluer les buts lillois marqués par Jean Baratte en mettant de côté ses performances avec l’OICL, l’équipe fédérale de Lille-Flandres et le LOSC 1944/1945 ;
_en février 1946, face à un LOSC bien parti pour gagner le titre, on fait s’écrouler le toit du stade Henri-Jooris en plein derby en espérant un retrait de points (qui n’arrivera pas) ;
_en septembre 1946, le LOSC, champion en titre, encaisse mystérieusement 3 buts dans les 10 dernières minutes du derby et concède le nul ;
_en novembre 1946, le capitaine François Bourbotte est licencié dans d’étranges conditions ;
_en 1947, le LOSC, régulièrement classé 3e du championnat, est relégué à la 4e place pour un prétexte fallacieux ;
_en mai 1948, Le LOSC se prend 3-8 à Saint-Etienne : étrange…
_en 1949, le LOSC, bien parti pour enlever son deuxième titre de champion, en est privé car on fait rejouer le match que Reims, concurrent du LOSC, était en train de perdre ;
_en 1951, les Lillois parviennent en finale de coupe latine avec 250 minutes de jeu dans les jambes et doivent affronter un adversaire qui a joué 90 minutes avec un jour de repos supplémentaire ; et, de plus, l’UEFA décide que cette coupe d’Europe « ne compte pas pour de vrai ».
_en 1954, le président Henno se fait berner par un légionnaire tchécoslovaque qui prétend être le Hongrois Zacharias, le recrute et ne remplace finalement pas Van Der Hart, et le LOSC chute ;
_au printemps 1955, des comploteurs informent l’ASSE qu’il faut piquer le jeune Jean Oleksiak au LOSC car il n’y a pas de contrat de non-sollicitation, et Lille perd un grand espoir ;
_en août 1955, des forces anti-LOSC infiltrent le club et convainquent Douis, Lefèvre et Vincent de faire grève et contribuent à faire exploser le groupe cette saison-là ;
_en septembre 1955, le LOSC perd deux fois 1-7 à quatre jours d’intervalle : bizarre !
_en 1956, la guerre d’Algérie mobilise des joueurs qui ne peuvent participer à la lutte pour le maintien, et le barrage aller contre Valenciennes est fixé par le Groupement sur terrain « neutre »… au stade Bollaert. Le LOSC est relégué ;
_en 1958, le LOSC se prend 1-6 à la maison contre le RC Paris : suspect !
_en 1959, quand le LOSC doit sauver sa peau, une barre transversale cède, déconcentre tout le monde et le score de 0-0 condamne le club à la D2 ;
_en 1960, le LOSC, en D2, obtient un héroïque nul à Lens après prolongation l’année où le règlement de la coupe Drago prévoit qu’on départage les équipes au nombre de corners ;
_en 1970, Lille se prend 0-7 dans le derby à Lens :
Et la liste n’est pas exhaustive… ! Les premiers actes malveillants n’ont pas fait réagir : « pas de chance ! », « coïncidences ! » disait-on alors, avec une insouciance qui se démarque peu de l’inconscience. Mais leur récurrence a finalement mis la puce à l’orteil des enquêteurs de la très réputée police lilloise, sollicitée par des lanceurs d’alertes. En effet, le caractère systémique des attaques portées contre le club ne pouvait qu’aboutir à ce constat : il y a bel et bien un complot contre le LOSC. D’où vient-il ? Qui tire les ficelles ? Pour quelles motivations ?
Dès la fin des années 1940, de nombreux suspects ont été pris observés et espionnés. Ne dit-on d’ailleurs pas que l’expression « prendre en filature » provient de la volonté de la police lilloise d’appréhender les comploteurs anti-LOSC au sein des usines textiles de la ville ? Mais cela n’a rien donné. Les autorités se sont alors tournées vers une autre région que nous ne nommerons pas des raisons évidentes de confidentialité, mais dans laquelle on soupçonnait que les potentiels complotistes avaient « mauvaise mine ».
Et puis, comme cela arrive souvent avec les bandits et criminels de grande envergure, ils tombent après une bête affaire…
Samedi 30 octobre 1971 : le club organise « le bal du LOSC » dans la ville. Officiellement, l’événement n’a pas été organisé pour attirer les complotistes, mais on peut le révéler aujourd’hui : c’était un piège. Un piège dans lequel est tombé Gérard Viart, 29 ans. N’écoutant que ses plus bas instincts, il attend patiemment la fin de la soirée pour s’attaquer à Jean Houte, qui repartait tranquillement avec la recette de la soirée. L’individu est appréhendé quelques jours plus tard, comme le rapporte la Voix du Nord datée des 7 et 8 novembre 1971 :
Cette arrestation suscite un immense élan d’espoir parmi la population lilloise, éprise de justice : enfin, ce qui semblait inexplicable depuis 27 ans – le complot contre le LOSC – était en passe d’être résolu, et on devait ces odieuses manigances à une famille bien sous tous rapports et au-dessus de tout soupçon : la famille Viart, autant dire nos voisins, nos frères, nos soeurs !
Dans les locaux de la police lilloise, M. Viart a été confronté, comme le permettaient les lois de l’époque, à la procédure dite d’« amende honorable », qui consiste à répéter 59 fois « Le LOSC est beau, le LOSC est grand, tu portes nos couleurs comme on porte un enfant ».
Le refus manifeste de l’individu a été interprété comme un aveu de culpabilité. Désespérément muet, M. Wiart n’a pas fourni davantage d’éléments sur le complot contre le LOSC et ses réseaux.
Car il est vite apparu que M. Wiart n’a pas agi seul. Si cette prise a pu laisser entrevoir la fin du complot, sa persistance a ramené tout le monde à l’évidence : les forces du complot sont nombreuses, bien organisées et, pour ainsi dire, insaisissables. Ainsi, seulement 6 mois après l’arrestation de M. Wiart, le LOSC retournait en D2. Finalement, cette arrestation, d’abord salvatrice, a montré l’ampleur et la capacité de nuisance d’une hydre aux capacités régénératrices. Faut-il se résigner… ?
Les merveilleuses possibilités de l’Internet nous ont permis de découvrir que M. Gérard Viart est décédé le 15 mars 2006 à Frelinghien.
En guise d’ultime hommage, les puissances du complot organisent à la va-vite, le soir-même, un plan diabolique pour saboter les chances du LOSC qui se déplace à Séville, en 8e de finale de retour d’UEFA. Vainqueurs 1-0 à l’aller, les Dogues sont réduits à 10 dès la 26e minute avec l’expulsion de Mathieu Bodmer, encaissent un but trois minutes après puis un deuxième à la 45e.
Lille est éliminé : une ultime vengeance, près de 35 ans après, d’une arrestation jamais digérée par les forces du complot, et qui sonne comme un avertissement pour les générations futures.
Posté le 17 décembre 2021 - par dbclosc
« Puel, Seydoux, démission ! »
Des résultats en dents de scie qui deviennent franchement catastrophiques, un jeu insuffisant, un entraîneur considéré comme trop discret, un président qui découvre le métier et semble perdu, un public hostile… Au LOSC, le contraste avec le passé récent est saisissant.
Nous sommes au début de l’année 2003 : Claude Puel et Michel Seydoux font face à ce qu’on pouvait deviner à l’été 2002 après trois années exceptionnelles : des lendemains qui déchantent. Mais en sont-ils responsables ?
Janvier 2003 : le LOSC traverse une zone de turbulences.
Le début de saison avait été mauvais : certes, Lille parvient jusqu’en finale d’Intertoto, mais cette coupe, dans sa configuration et à cette date, propose une opposition assez aléatoire quant à la qualité et au niveau de préparation des adversaires. En championnat, après deux lourdes défaites à domicile, il faut attendre la 5e journée pour enfin marquer un but (Delpierre, à Strasbourg), et la 6e pour gagner (contre le PSG). Après ces débuts poussifs, le LOSC adopte un rythme de croisière intéressant qui le voit souvent vaincre à domicile, y compris contre les « gros » (3-0 contre Marseille, 2-1 contre Lyon), et prendre quelques points à l’extérieur (nuls à Lens et à Monaco, victoire à Sedan). Bien sûr, il y a encore quelques trous d’air (lourde défaite 1-5 à Rennes, incapacité à garder un avantage de deux buts contre Auxerre et à Ajaccio, avec deux nuls 2-2), mais on peut les attribuer à de nouvelles dispositions de jeu pas encore tout à fait appréhendées. À la trêve, les Dogues ont 28 points : devant, L’Europe n’est qu’à 5 points, le leader est à 7 points ; et derrière, la zone de relégation est à 10 points. Bref, c’est très correct.
Mais en janvier 2003, si, en coupe, les Dogues avancent, les voilà bloqués en championnat. Des défaites à Nice le 10 (0-2) puis contre Strasbourg le 22 (0-1) et à Paris le 29 (0-1), couplées à un match remis le 15 (Troyes) font que le LOSC fait du surplace. Et au-delà des seuls résultats, Lille semble en manque de rythme, ne propose plus grand chose au niveau du jeu, et rate des occasions en or telles que celles de Manchev à la fin du match contre Strasbourg.
Reports sur reports
Mais le LOSC va avoir l’occasion de se relancer le samedi 1er février en recevant la lanterne rouge, complètement larguée, Montpellier. Mais ce qui ressemble à l’adversaire idéal ne vient pas : en raison de fortes chutes de neige depuis la veille sur la métropole lilloise (un délégué de la Ligue constate 12 centimètres de neige sur la pelouse de Grimonprez dès le vendredi après-midi), de nouveau prévues durant tout le week-end, le match est reporté. Lille n’avance donc pas et a désormais deux matches en retard.
12 cm après avoir enfoncé son truc dans la neige, un résultat honorable
Place désormais à un déplacement à Guingamp. Mais en raison de fortes pluies et d’un terrain inondé, le match est lui aussi reporté ! À l’inquiétude comptable liée au manque de résultats s’ajoute une inquiétude liée manque de match quant à la santé des joueurs. Santé psychologique d’abord car, comme l’indique la Voix du Nord, le match contre Montpellier était « un match sur lequel les joueurs comptaient beaucoup pour se refaire une santé morale et dont le report a été ressenti comme une frustration » (4 février) ; Claude Puel explique que « ce n’est pas évident pour les joueurs de se préparer mentalement pour un match et de voir à chaque fois le soufflé retomber au dernier moment » (5 février). Et santé physique car, en raison d’une neige persistante à Lille, voilà déjà une semaine que le groupe lillois alterne entre surfaces d’entraînement qui ne sont pas idéales : neige, salle, et synthétique. Or, le coach rappelle que le risque de blessures est accru quand on change de surface, et attribue les récentes blessures de D’Amico, Fahmi et Pichot à ces conditions de travail.
« Tiens, puisqu’il neige, on va jouer au rugby »
Si le LOSC dégringole, on peut toutefois considérer que le classement est un trompe-l’oeil. Avec désormais 3 matches de retard, Lille est virtuellement dans un ventre mou assez rassurant. Mais ce n’est que virtuel, car rien ne garantit que le LOSC gagnera ces matches, et le doute s’installe au vu des récentes prestations, pas franchement emballantes. De plus, il faut maintenant composer avec un calendrier réaménagé, sachant que Lille est la dernière équipe de Ligue 1 engagée dans les deux coupes nationales. La perspective de jouer des matches rapprochés constitue une nouvelle problématique à gérer pour Claude Puel : « nous devons en être conscients : nous n’avons pas bien négocié notre début d’année. Nous n’avons pas su nous hisser au niveau de jeu qui doit être le nôtre. C’est pour le retrouver que nous travaillons. Mais sans jouer, il est difficile de savoir où nous en sommes. Notre calendrier est passé d’un extrême à l’autre. Nous nous retrouvons dans cette situation paradoxale de n’avoir pas assez joué, de chercher des repères et de risquer de manquer de rythme alors qu’on se demandait à la reprise dans quel état de fatigue nous sortirions de cette période » (5 février)
Le tournant du derby
Le calendrier offre maintenant la réception de Lens. Faut-il considérer qu’un derby, dans ces circonstances, est l’occasion idéale de se relancer ? Encore faut-il que le match ait lieu, car il a tant neigé le week-end précédent que la tenue du match est incertaine jusqu’à la veille. Et le gel, lui, n’est pas parti. Le 7 février, la Voix du Nord indique cependant une tendance « favorable » : le terrain a été déneigé et il s’avère que le terrain n’a pas trop souffert car « la couche de neige semble avoir agi comme une protection thermique »
Les Lensois sont dans le ventre mou, bien en deçà des standards qui les ont conduits à la deuxième place l’année précédente. Sur le terrain, sablé par endroits, il n’y a pas photo : Lille n’y est pas et se présente dans la continuité de ses récentes sorties. L’adversaire n’a pas à forcer pour ouvrir le score (Song, 42e). Dans la foulée, le LOSC rate sa désormais traditionnelle occasion en or : Abidal, à 6 mètres du but de Gugusse Warmuz, trouve le moyen de tirer à côté. Le collectif lillois est pauvre, Fortuné sort dès la pause, Manchev ne fait pas mieux, et Makoun et Moussilou, lancés en seconde période, sont bien trop tendres. En seconde période, Lens, sans forcer, accroît l’écart (Vairelles, 75e). Résumé du match :
Le public, qui grondait déjà face au triste spectacle, commence alors à se lâcher. La Voix du Nord souligne qu’à 0-2, les premiers « Seydoux, démission » partent des Secondes basses, et apparaissent quelques banderoles sur lesquelles on peut lire « honneur » et « devoir ».
Seydoux particulièrement visé
Plus que l’entraîneur, c’est d’abord Michel Seydoux qui est la principale cible du courroux de certains supporters. Car, parallèlement aux difficultés sportives que traverse le LOSC, le président est confronté à l’héritage de l’éternelle question du stade. Or, cette problématique devient très concrète à partir de janvier. Et, sur ce point, Seydoux se montre hésitant et maladroit.
Ainsi, on apprend en janvier que les travaux pour rénover Grimonprez-Jooris (puisque c’est l’option choisie à cette date) devraient début au cours de l’été. Et, puisque le LOSC a refusé que cette agrandissement se fasse par tranches, il sera impossible d’y jouer pendant 18 mois. Le LOSC doit faire connaître ses intentions à la Ligue avant le 1er mars : alors, où jouer ?
La mairie, via Pierre de Saintignon, premier adjoint de Tartine au brie, assure qu’il n’y a aucun problème car Lille peut aller au Stadium de Villeneuve d’Ascq. Mais, pour Michel Seydoux, aller au Stadium, c’est « prendre un risque sportif ». Hors de question pour le président de migrer vers « un stade d’athlétisme, pas de foot ».
Seulement, on apprend que les aménagements nécessaires pour que le Stadium soit aux normes de la Ligue 1 (au niveau de l’éclairage notamment) ne le rendront pas disponible avant… décembre 2003. Michel Seydoux lance alors publiquement une idée qui fait s’étrangler à peu près tout le monde : « bâtir un stade commun à Lille et Lens ». Selon Seydoux, « il y a une notion de solidarité régionale », un concept dont on n’avait pas eu vent jusqu’alors.
Se rendant compte de sa bévue, ne serait-ce que par ce qu’elle a suscité des réactions hostiles de supporters des deux camps (s’il y a une solidarité régionale, elle est plutôt là), Michel Seydoux déclare autoritairement et unilatéralement que le LOSC jouera à Grimonprez-Jooris en 2003/2004 ! Il convoque une conférence de presse le 10 février qui va tendre les relations avec la mairie et brouiller les intentions de Michel Seydoux.
Le ton monte avec la mairie
Curiosité : la conférence de presse porte un nom. Elle s’intitule Un grand club pour une grande métropole !, tout un programme. Michel Seydoux y formule ses interrogations et ses souhaits quant à « Grimonprez-Jooris II » : pas question de jouer au Stadium, et impossibilité de jouer à Lens. Et il n’a pas l’air d’être emballé par l’extension de Grimonprez, au point qu’on se demande s’il ne se prépare pas une porte de sortie : « il est important de savoir si l’on veut faire un grand stade à Lille. Sinon, le projet de l’entreprise est remis en cause ». Manifestement remonté et ayant l’intention de ne plus subir une situation dont il a le sentiment qu’elle lui échappe, il demande des « états généraux sur l’avenir du LOSC » !
L’initiative est très mal perçue par la mairie. Saintignon réagit durement, rappelle qu’il existe une convention signée en mai 2002 qui prévoit l’agrandissement de Grimonprez, et qu’il est hors de question de s’assoir dessus : « Dayan et Graille étaient demandeurs de l’extension. Elle a été finalisée avec Michel Seydoux. Des états généraux ? Ça n’a aucun sens. C’est hallucinant ! On se moque du choix contractuel, des 10 millions de francs dépensés par les architectes, et on lance à la cantonade, comme s’il n’y avait pas eu de convention, qu’on reste à Grimonprez-Jooris. On aura l’occasion de remettre les points sur les i avec les dirigeants du LOSC ». Le premier adjoint poursuit et contre-attaque sévèrement : « pour faire une grande équipe, il faut que chacun prenne ses responsabilités. Les pouvoirs publics ont montré qu’ils les prenaient. Il suffisait d’assister au derby samedi pour se rendre compte que d’autres n’ont pas investi sur les joueurs comme il le fallait ». C’est petit et mesquin que Saintignon s’immisce dans le sportif, mais le message de la mairie est clair : ce Michel Seydoux n’est pas très compétent. Qui est donc ce président qui dénonce un protocole qu’il a lui-même signé ?
Le grand bond en arrière
On voit alors surgir dans la presse des titres que l’on croyait rangés au rang des souvenirs de la fin des années 1980 et du début des années 1990 : « Ubu est toujours roi » ; « le LOSC s’en sortira-t-il un jour ? ». Certains supporters commencent même à être « hyper-inquiets » en voyant ce LOSC décrépir sur le terrain, et dont la boussole ne fonctionne plus très bien en dehors.
Face à la fronde qui monte, Seydoux se drape dans sa vertu de celui qui ose poser les bonnes questions : « j’ai parlé d’états généraux : c’est un mot trop ambitieux, il fait peur » (14 février). Ça fait peut-être peur, mais ça laisse surtout indifférent, car personne ne reprend au vol l’appel présidentiel, hormis l’association « Sauvons la Citadelle », qui revendique 200 adhérents et se dit tout à fait prête à exposer ses arguments contre l’extension du stade ! Bien joué !
Seul un élu réagit à la proposition du président du LOSC : il s’agit d’Olivier Henno, maire de Saint André et conseiller communautaire. Il adresse une lettre ouverte à « Nicolas » (sic) Seydoux : pas très populaire le Mich ! En voici quelques extraits (Voix du Nord du 14 février) :
« M. Seydoux peine à exprimer ce qu’il souhaite vraiment. Veut-il être le promoteur d’un stade porté par des capitaux privés ? Qu’il le dise et qu’on sorte enfin des non-dits (…)
Chiche pour évoquer la question du stade dans ces états généraux, mais chiche aussi pour discuter de la situation sportive et financière. Qu’a-t-on fait des recettes de la Champion’s League et à quoi a servi l’argent de la vente des meilleurs joueurs en juin ? »
C’est le grand chelem pour Michel Seydoux : souhaitant reprendre la main, ses initiatives ne reçoivent en retour qu’indifférence ou contre-attaques qui le poussent à se placer sur le terrain des finances du club. En toile de fond est exposée sur la place publique la question du « trésor de guerre » dont Michel Seydoux s’est vanté dans la presse au cours de l’été 2002. Même en retirant certains frais liés au budget de fonctionnement du club, à l’entretien du stade, ou au fonctionnement du centre de formation, il resterait plusieurs millions que Michel Seydoux déclare publiquement garder en réserve en cas de pépin, mais le propos de M. Henno sous-entend que l’argent serait parti vers les actionnaires. Bref, on est proche de l’accusation de patron-voyou par ce gros gauchiste (UDF) qu’est Olivier Henno.
Agacé, Seydoux répond qu’on peut « vérifier les chiffres auprès du greffe du tribunal de commerce ». La Voix du Nord, de son côté, souligne que l’exercice 2001/2002 a été déficitaire à hauteur de 5,7M€, et que le budget prévisionnel de cette saison 2002/2003, basée sur une optimiste 17e place, est négatif (-7,4M€). De plus, en dépit d’une balance positive quant à l’achat/vente de joueurs (+10,5M€), le LOSC se serait endetté, comme d’autres clubs de L1, à hauteur de 15M€ depuis la remontée.
Bref, si « trésor de guerre » il y a eu, il se peut qu’il ait déjà fondu. Se pose donc la question de l’avoir évoqué publiquement, en suscitant des attentes démesurées et vite douchées par des mercatos très moyens (ici et là), et en jetant le soupçon sur, au mieux, la radinerie de Seydoux ou, au pire, la privatisation des gains.
C’est donc aussi à l’aune de ces sorties publiques, pas franchement à son avantage, que Michel Seydoux cristallise la colère d’une partie du public : le voilà désigné principal responsable des mercatos ratés, d’un argent prétendument dilapidé, et apparemment on est désormais SDF.
Une trajectoire à la 96/97
C’est dans cette joyeuse ambiance que Lille retrouve les terrains : voici la coupe de France. Lille se déplace chez une équipe de L2, Lorient. Alors, on passe ? Eh bien non, on perd 0-1, sur un but marqué à la 90e. Dans l’absolu, au vu du calendrier qui attend le LOSC, ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle. En revanche, sur le contenu, il n’y a pas de quoi être rassuré : les Lillois sont « incapables de prendre le jeu à leur compte », « bridés par un manque flagrant de consistance offensive », avec des « gestes empruntés, lenteurs répétitives, maladresses récurrentes devant le but adverse », et « Manchev et Sterjovski [sont] inexistants ». Voilà qui confirme de « sinistres perspectives » (La Voix du Nord, 18 février)
La Voix des Sports, 18 février
Place maintenant au premier match en retard : déplacement à Troyes, dernier. Dans la presse, on s’interroge sur le contraste entre un jeu lillois si plaisant à l’automne, et si pauvre aujourd’hui. Ce décalage n’est pas sans rappeler la saison 1996/1997, au cours de laquelle le LOSC comptait 29 points à la trêve de Noël, grâce à jeu fort agréable, avant de ne marquer que 6 points en 1997, avec une équipe complètement à la rue. À l’arrivée, c’était la D2. Ce déplacement à Troyes apparaît donc comme le « virage à ne pas manquer » car des supporters l’expriment clairement : « moi, je vous le dis, et vous pouvez l’écrire, le LOSC jouera en Ligue 2 la saison prochaine » (19 février).
On joue depuis 3 minutes au stade de l’Aube, et ça démarre fort : faute de Fahmi, pénalty et but pour Troyes. Puis les deux équipes font jeu égal, ce qui n’est pas rassurant pour le LOSC quand on joue contre la lanterne rouge. En seconde période, Manchev rate « une de ces occasions que l’on qualifie généralement d’immanquables » (La Voix du Nord, 20 février) : après avoir dribblé le gardien troyens, il tire sur le seul arrière placé sur la ligne… En seconde période, Lille ne monte plus grand chose et s’incline finalement 0-2. Après son remplacement, Landrin balance un grand coup de pied dans des bouteilles d’eau juste devant Puel : quand rien ne va, c’est toujours bienvenu. On voit N’Diaye et Boutoille « fustiger un Manchev passif » (La Voix du Nord, 21 février). Malgré le retour de D’Amico, « personne n’a été capable de sonner la révolte » (la Voix du Nord, 20 février). Nous voilà à 6 défaites consécutives dont une en coupe, avec 0 but marqué. Au coup de sifflet, les supporters lillois présents en tribunes expriment de nouveau leur colère.
Après le match, une cinquantaine de supporters lillois attendent joueurs et dirigeants à proximité du car lillois. À leur arrivée, les « mouillez le maillot », « les touristes à la maison », « Seydoux démission » « incompétent », « Seydoux, Puel, responsables », « Le LOSC en super D2 », fusent.
La Voix du Nord aimerait que ça bouge
Devant la presse, Claude Puel apparaît compréhensif, mais aussi ferme : « que les supporters soient mécontents et qu’ils le manifestent est tout à fait normal… (…) Les appels à la démission ne m’intéressent pas. L’essentiel, à mes yeux, est que l’équipe redécolle enfin »
Alors que tout le monde s’inquiète et que la presse régionale sort sa plus belle collection de titres alarmistes, Michel Seydoux semble encore une fois en décalage. Il affirme tout d’abord que « l’hiver pose un problème au LOSC » avec la question des terrains d’entraînement. Soit, mais il faut faire avec, et il n’est pas certain que le LOSC soit le seul club que la météo handicape au quotidien. Il tente ensuite la métaphore animale, plus ou moins volontairement drôle (ou pas) : « il faut retrouver un élan pour faire sourire le chat noir ». L’élan à venir serait plutôt celui qui va migrer de Sibérie tant il continue de faire froid à Lille ! Et enfin, sur l’avenir, le président se montre attentiste : « on n’envisage rien. Après tout, on peut aussi avoir un nouveau départ, comme notre adversaire du jour ».
Au surlendemain de la défaite, la Voix du Nord semble elle-même commencer à douter de la capacité de Michel Seydoux et de Claude Puel à sortir le LOSC de cette crise. Un article de Pierre Diéval pointe « un patron sans culture football », qui « manque de vécu dans le milieu ».
Cette inexpérience expliquerait que Michel Seydoux ait fait un « recrutement limité » et ne perçoive pas les problèmes : « à Troyes, les propos, volontiers badins, de Michel Seydoux, semblèrent souvent en décalage par rapport à l’urgence de la situation ». Pierre Diéval s’agace ainsi que « Seydoux noie le poisson avec des pirouettes verbales » et avance qu’« il n’est pas exclu que la direction du club soit amenée, tôt ou tard, à remettre en cause sa collaboration avec Claude Puel ». Ce propos est à replacer dans le contexte de logiques journalistiques qui souhaiteraient qu’il se passe absolument quelque chose et qu’on agisse pour agir, mais le doute est bien là, et la pression sur le duo Puel/Seydoux également.
Un léger mieux
Après le match de Troyes, les Lillois partent directement dans le Sud, du côté de Cassis, pour préparer le match de championnat à Marseille. Ce mini-stage a vocation a faire oublier l’hiver du Nord, et également à souder le groupe dans la difficulté.
Malheureusement, sur le terrain, Lille perd encore (0-2), ce qui nous conduit à un total de 7 défaites (dont une en coupe) consécutives sans marquer. Néanmoins, contrairement aux sorties précédentes, Lille a bien joué. La Voix des Sports souligne « deux buts heureux » pour les Marseillais, un un état d’esprit de retour du côté les Lillois. Si ça ne rapporte toujours pas de points faut-il croire que le malade est en voie de guérison ?
Dans la semaine précédent la préparation du prochain match (réception de Monaco), les différentes sections de supporters sont invitées à rencontrer à Grimonprez Michel Seydoux, Claude Puel et Grégory Wimbée, représentant des joueurs. À en croire la Voix du Nord, tous les sujets épineux ont été abordés (l’ambiance dans le vestiaire, la tactique, le stade, le mercato, l’avenir du LOSC) et la dialogue a été fluide. Grégory Wimbée assure que « l’ambiance est excellente » ; Claude Puel le garantit : « j’ai la chance de travailler avec des joueurs réceptifs et travailleurs ».
Cette rencontre, prévue de longue date et pas directement liée aux circonstances du moment, vise aussi à désamorcer d’éventuels débordements. Depuis quelques jours, la direction a pris des mesures avec la présence de vigiles à l’entraînement, qui permettraient par exemple d’éviter une « Froger 1998 ». La Voix du Nord évoque aussi l’éventualité d’un envahissement de terrain contre Monaco tout en signalant, en bon auxiliaire du message des autorités, que « les supporters lillois sont des gens raisonnables : ils ont conscience que pareils agissements condamneraient un peu plus encore leur équipe » (1er mars 2003).
« Vahid ! Vahid ! »
Pour ce match contre Monaco, le LOSC peut compter sur une affluence nombreuse : 14 870 personnes se retrouvent à Grimonprez pour voir un adversaire qui reste sur 12 matches sans défaite. Comme à Marseille, Lille joue bien. Mais c’est encore insuffisant : Giuly marque le premier (0-1, 47e), puis Nonda double la mise (0-2, 85e). Événement : Lille marque enfin par Christophe Landrin (1-2, 87e) ! Lille n’avait pas marqué en championnat depuis 628 minutes et un but de Matthieu Delpierre contre Le Havre en décembre. Quelques minutes d’espoir pour arracher le nul sont ensuite douchées par un dernier but monégasque en contre (1-3, Nonda, 90e).
Certes, les Lillois sont« plus malheureux que fautifs » (La Voix des Sports, 3 mars 2003) : la presse régionale salue la qualité du jeu lillois par séquences et l’« abnégation » et la volonté des joueurs (hormis Bonnal « particulièrement maladroit » et « désespérément atone ») ; même Didier Deschamps, l’entraîneur de l’ASM, admet le « réalisme » de son équipe. Mais Lille encaisse sur les rares percées de Monaco, bute sur un bon gardien et, comme d’habitude, Sterjovski tire sur le poteau (à 0-2). Bref, « les Lillois n’ont pas démérité. Mais, une fois de plus, ils ont perdu ». Le LOSC n’avance donc toujours pas.
La Voix des Sports, 3 mars 2003
En tribunes, le public encourage plutôt ses joueurs… jusqu’au temps additionnel, où de nombreux « Vahid ! Vahid ! » et « « Seydoux, démission » sont scandés de toutes parts. Dans une moindre mesure, la tête de Puel est aussi réclamée : « ulcérée, la frange la plus dure des supporteurs lillois, qui s’en prenait aussi aux joueurs, n’admettait pas que son club ait pu, une nouvelle fois, s’incliner, et qu’il soit aujourd’hui de plus en plus englué dans ses insuffisances » (La Voix du Nord, 2 mars 2003)
La Voix des Sports rapporte « de féroces attaques verbales », qu’elle comprend par le décalage, si rapide, entre une période de rêve et des temps plus difficiles : « il faut comprendre le public. Les souvenirs chauds de la période européenne du LOSC affleurent encore dans l’esprit de tous les supporters. C’était beau. C’était inespéré. C’était comme dans un rêve ».
La presse régionale décrit un président « calme dans la tempête ». Seydoux, toujours surprenant, préfère mettre en avant le fait que… Lille a marqué : « ce soir, on a repris goût au but. Nous avions besoin de connaître de nouveau cette sensation ».
Quant à l’avenir, le propos présidentiel reste toujours aussi énigmatique : « on pense forcément à toutes les éventualités. Mais si on y va (en L2), on y sera ! Personnellement, je ne démissionnerai pas. Si j’ai vraiment une tête de Turc susceptible de protéger le groupe, j’accepte volontiers le rôle ! ».
Dans l’édition du 4 mars de la Voix du Nord, Seydoux admet : « on a été mauvais au mercato ». Il reste 11 matches à jouer : Lille n’est toujours pas relégable mais la série en cours en L1 (7 défaites consécutives) le rapproche d’une issue fatale.
Sochaux, le tournant
Se présente désormais une double confrontation à Sochaux : d’abord, un quart de finale de coupe de la Ligue en semaine, puis la 30e journée de championnat le samedi.
La confrontation du mercredi est d’abord marquée par l’avant-match : lors de l’échauffement des joueurs, les supporters lillois présents accrochent une affiche au grillage : « Seydoux, réagis ». Voyant cela, le directeur sportif du LOSC prend l’initiative de… retirer lui-même la banderole. Est-ce bien là le rôle d’un directeur sportif, qui plus est à propos d’une banderole même pas insultante ? La direction voudrait se voir accuser de censure qu’elle ne s’y prendrait pas autrement.
Par crainte de voir tout leur matériel confisqué, les supporters attendent le début du match pour sortir une autre affiche : « 7 matches, 7 défaites, un but, mais tout va bien ».
Sur le terrain, Lille n’est pas ridicule et tient jusqu’en prolongation malgré l’expulsion de Matthieu Delpierre (79e). Sochaux marque (104e) et Lille ne revient pas malgré « une fin de match pathétique, prenante, haletante, qui vit Grégory Wimbée tenter de marquer le but de l’égalisation » (La Voix du Nord, 6 mars 2003). Le visagfe du LOSC a été plutôt séduisant mais les Lillois, « courageux », sont surtout « maladroits » et « malheureux ». Lille et éliminé : ne reste plus que la championnat.
Pour préparer le deuxième match de la semaine à Sochaux, Claude Puel décide de rester dans le coin, à Mulhouse. Est-ce une sanction…? Pour renforcer un groupe diminué par la suspension de Delpierre et la blessure de Baciu, Puel fait appel à deux jeunes : Dumont et Aubriot.
Depuis Mulhouse, Claude Puel accorde un entretien à la Voix du Nord que nous reproduisons en partie (8 mars 2003) :
(…)
« J’ai un groupe qui vit et qui ne renonce pas dans la difficulté. Les suspensions, les blessures et les décisions arbitrales ne l’abattront pas. Après une série où nous étions hors de forme et pas du tout performants, nous venons de réussir quelques matches beaucoup plus intéressants. La grande frustration, c’est qu’ils ne nous ont rien apporté du tout.
Beaucoup d’entraîneurs ont été virés après des séries moins noires que la vôtre. Or, malgré les rumeurs qui courent de temps à autre, vous êtes toujours en place. Vous sentez-vous menacé ?
Non, et je pense que c’est important pour tout le groupe. Le président Seydoux, qui débute dans le foot, montre beaucoup de courage. Il subit des pressions mais il est très costaud. Il vient au stade est c’est pour se faire conspuer. Moi, ça fait partie de mon métier. Pour lui, en revanche, c’est tout nouveau. Alors il mérite un grand coup de chapeau et son attitude nous donne envie de dépenser deux fois plus d’énergie pour le club.
Avez déjà connu pareille situation dans votre carrière de joueur puis d’entraîneur ?
Non, je n’ai jamais connu ça. Actuellement, tout tourne dans le sens contraire. Je savais bien que le début de saison serait difficile, mais je ne pensais pas me retrouver dans cette situation alors que nous avions connu un bon cycle, avec un schéma de jeu assez performant. Et puis l’épisode du mercato d’hiver manqué nous a fait du tort.
En prenant le relais de Vahid Halilhodzic, dont le tempérament est aux antipodes du vôtre, vous attendiez-vous à vivre des périodes aussi délicates ?
Chacun possède sa personnalité. Quand j’ai des choses à dire aux joueurs, je les exprime en tête à tête et je ne les étale pas dans les journaux. Si je dois montrer du doigt tel ou tel, je le fais à l’intérieur du club, dans les vestiaires. Ne comptez donc pas sur moi pour taper sur les joueurs en public et me chercher des excuses en même temps. En acceptant une telle succession, je savais bien que j’allais essuyer les plâtres.
Si vous ne refusez pas le dialogue, avouez quand même que vous n’êtes pas un champion de al communication…
Je suis comme ça et je ne changerai pas. Ma philosophie sera toujours de protéger le groupe et le club. Je faisais exactement la même chose à Monaco. Il se trouve qu’en France, contrairement à ce qui se fait à l’étranger, on privilégie beaucoup la gesticulation médiatique. Vous ne me verrez jamais bondir sur le bord de la touche, sauter partout ou donner mon avis sur tout et n’importe quoi.
Alors le Tarnais, né à Castres, qui a fait toute sa carrière de joueur et d’entraîneur sur la côte d’Azur, regrette-t-il d’avoir répondu à l’appel de ce LOSC bien moins performant que naguère ?
Pas du tout ! Ma femme, ma fille et mes deux fils se plaisent beaucoup à Lille, et j’ai vraiment une forte envie de réussir ici »
Ainsi, Claude Puel prend ses distances avec son prédécesseur (quitte à caricaturer le portrait), et prend la défense de Michel Seydoux qui, bien que (ou parce que) « débutant », est « courageux » et « costaud ». Il dit aussi qu’il est conscient de la difficulté de la succession de Vahid Halilhodzic, on y reviendra en fin d’article.
Lille renverse la vapeur, Wimbée déclencheur
Au stade Bonal ce samedi 8 mars 2003, la chute du LOSC semble n’en plus finir : après 30 minutes, il est mené 0-2 à cause de deux buts marqués sur corner. En fin de première période, Wimbée sauve par 3 fois l’équipe d’un naufrage assuré.
En seconde période, Lille est métamorphosé : Brunel (58e) puis Manchev (61e), sur une superbe action collective avec Boutoille et Fortuné, permettent au LOSC de recoller. La deuxième mi-temps est à sens unique et Lille repart avec des regrets avec deux actions de Fahmi puis de D’Amico sorties par Teddy Richert. Lille a enfin pris un point ! Avec les autres résultats, c’est paradoxalement à ce moment qu’il se retrouve aussi relégable.
Qu’a-t-il bien pu se passer à la pause pour que le visage du LOSC change si radicalement ? L’un des responsables serait Grégory Wimbée, apparemment hors de lui à la pause, comme l’expose Philippe Brunel : « le capitaine a dit ce qu’il fallait. Il a été franc, direct, et même méchant. Parce qu’il le fallait. Je ne l’avais jamais vu comme ça ». Dans la Voix des Sports, Grégory Wimbée confie : « j’ai connu la descente avec Nancy. À cette époque, dans le vestiaire, il y avait des clans. À Lille, ce n’est pas le cas. Il y a toujours eu un bon état d’esprit, même dans les moments difficiles ». Il n’en dira pas plus : « j’ai parlé avec les mots du cœur. Il s’est passé des choses très fortes qui doivent rester à l’intérieur du groupe ». Entre autres propos, Greg aurait demandé aux joueurs s’ils souhaitaient jouer en Ligue 2 l’an prochain.
Par la suite, Lille renoue enfin avec la victoire au cours de son match en retard contre Montpellier (2-0)1, et ne sera donc resté que quelques jours en position de relégable.
La suite de la saison présentera encore des embûches, des déceptions et des points bêtement perdus (égalisation de Bastia à Grimonprez à la 93e, nul à domicile contre Sedan, défaite lors du match en retard à Guingamp). Mais aussi, par intermittence, on entrevoit une équipe très solide (0-0 à Lyon puis à Auxerre). Le LOSC se sauve officiellement lors de la 37e journée, après avoir vaincu Ajaccio (2-0). Le LOSC de Puel connaît encore des turbulences lors de l’automne 2003, puis décolle au cours de l’hiver.
Que retirer de cet épisode ? Comment expliquer que Claude Puel et Michel Seydoux, qui ont amené le LOSC plusieurs fois en Ligue des Champions, et même à un titre national en 2011 – Puel n’y est pas étranger – aient été considérés comme « incompétents » au point que leur démission a été réclamée pendant plusieurs mois ? N’étaient-ils donc pas les mêmes hommes ?
Dans un club sportif s’entremêlent des enjeux humains, sportifs, économiques et politiques. un changement d’hommes ne peut se réduire à un changement d’organigramme, avec des individus interchangeables où les nouveaux arrivés n’auraient qu’à faire fructifier un heureux héritage. Or, à chaud, on regarde souvent les successions, quand elles ne se traduisent pas par une réussite sportive, comme si les nouveaux dirigeants faisaient n’importe quoi du trésor qu’on leur a offert sur un plateau.
Les changements de l’été 2002 sont tout autant porteurs d’espoirs que de craintes : si l’on peut faire une confiance de principe à des gens a priori compétents, les successions sont une étape délicate qui ouvrent une période d’incertitudes : nouvelle administration, nouveaux joueurs, nouvelle culture de travail, nouvelle orientation sportive. Dans quelle mesure les uns et les autres vont-ils construire un équilibre nécessaire à la réussite collective ?
Tout d’abord, dans un cas tel que celui du LOSC, la période qui s’ouvre en 2002 succède à une période si faste que les émotions qu’elle a procurée sont difficiles à égaler. Entre 1999 et 2002, le club a survolé la deuxième division, s’est ensuite placé aux 3e puis 5e places du championnat, a brillamment découvert l’Europe, grâce à une équipe vaillante dont les performances sont inséparables de son charismatique entraîneur, Vahid Halilhodzic. Une période exceptionnelle, tant elle a été faste sportivement, et s’est accompagnée de changements structurels importants, comme la privatisation du club. À des années-lumières de ce qu’il a été dans les années 1990, le LOSC a été attractif, et les politiques et le public sont revenus à Grimonprez-Jooris. Comment rivaliser avec cette période ? 20 ans après, elle est encore évoquée avec nostalgie par celles et ceux qui l’ont connue ! Dès lors, la frustration et de la déception causée par la saison 2002/2003 était écrite d’avance : l’inévitable comparaison entre le passé et le présent ne peut se faire qu’au détriment du présent.
Ensuite, 2002 marque la fin d’une période de 3 ans, une durée considérée comme « un cycle », au cours de laquelle, grâce à un groupe relativement stable, il a été possible de bâtir un projet commun. Le départ de Vahid Halilhodzic constitue une rupture autant sportive que symbolique : les succès sont tant associés à sa personne qu’on peut estimer qu’il y a une forme de décrochage relatif du public, qui doit aussi se remobiliser autour du neuf, croire en de nouvelles personnes, et à un nouveau projet. Il en est de même chez les joueurs : certains partent, souhaitant peut-être garder de Lille les images intactes du succès. Ceux qui restent peuvent légitimement avoir du mal à admettre qu’il sera difficile de faire mieux. Les performances sur le terrain peuvent traduire cette adaptation.
De plus, si l’on regarde de manière plus globale, il se peut que ce ne soit pas le départ d’un homme (Vahid) qui provoque la baisse de régime du LOSC. Après avoir grandi très (trop?) vite, il est presque prévu que le club connaisse une phase de reflux. Et c’est d’ailleurs bien souvent l’anticipation de cette phase qui fait partir les hommes : c’est bien parce qu’ils savent qu’ils ne pourront pas aller plus haut qu’ils préfèrent quitter le club à l’apogée de ce qu’ils peuvent y faire. À tort ou à raison, beaucoup d’observateurs considèrent que Lille a « sur-performé », et qu’il est allé « au-delà de ses limites ». Combien de fois Vahid Halilhodzic a-t-il dit lui-même que le club grandissait trop vite, et que les infrastructures pour rester au sommet ne suivaient pas ?
Quant à Michel Seydoux, il hérite d’un club assaini financièrement, mais le moment de la transmission de l’héritage est à certains égards un cadeau empoisonné. D’abord parce qu’il fera forcément moins bien dans un premier temps, on l’a écrit. Mais aussi parce qu’il arrive à un moment de l’histoire du club où le LOSC est engagé dans des projets incertains dont il ne peut pas se retirer. Le cas des atermoiements autour du « nouveau stade » est le plus flagrant. On a ici l’illustration de ce que les politistes appellent la path dependence, c’est-à-dire l’idée que les choix présents sont fortement contraints par des décisions passées, ce qui limite le domaine du possible, et rappelle à Michel Seydoux que, tout président qu’il est, il n’a pas les pleins pouvoirs (le coup de pression de Saintignon à son égard est éloquent), tout en récoltant les incertitudes du projet et la colère populaire.
Il en est de même sur la situation économique, pas réductible à une simple balance financière calculée sur la différence du montant des transferts entre départs et arrivées. Or, savoir que les meilleurs joueurs ont été vendus suscite en retour des attentes en termes d’investissement, attentes qui, en raison d’une trésorerie peut-être pas aussi bien fournie qu’on ne le croit, ne peuvent être comblées.
Au-delà des hommes, c’est le contexte qui explique en grande partie une saison 2002/2003 médiocre, avec ce creux particulièrement marqué en hiver. Replacer le LOSC à un moment de son histoire et de son développement permet d’avoir une autre grille de lecture des performances sportives.
Cela n’exonère pas les dirigeants de leurs responsabilités, mais c’est autre chose. En l’occurrence, on peut aussi tout à fait comprendre qu’il y a une phase de « prise de rôle » pour Michel Seydoux, novice à ce milieu, qui le conduit à quelques maladresses et à devenir le réceptacle des diverses frustrations, mais c’est peut-être l’inévitable prix à payer dans ce genre de configuration.
Quant à Claude Puel – à propos duquel Michel Seydoux a par la suite souligné sa chance de l’avoir eu, reconnaissant à mots couverts que Puel l’avait presque formé – il subit lui aussi en partie un lourd héritage et une succession difficile à assumer. Mais il est indéniable que, si l’on en croit les témoignages des joueurs de l’époque, même dans la tempête, il a su maintenir un équilibre dans le groupe, nécessaire à sa survie, et c’est bien dans cette phase complexe où le coach ne peut encore complètement faire passer ses vues et son style que Puel a déjà fait preuve de son immense compétence, malgré la crise de résultats. Un autre n’aurait probablement pas fait mieux.
Ainsi, après une période faste, quand les résultats ne sont pas là, la colère prend rapidement le dessus. Elle se cristallise sur ceux qui, nouvellement arrivés, incarnent le club. Mais il nous semble qu’il y a là un effet trompeur, qui consiste à confondre corrélation et causalité (le déclin sportif commence à l’arrivée de nouveaux hommes, mais l’un est-il la conséquence de l’autre ?) et à inverser causes et conséquences (c’est parce que le déclin est anticipé qu’on change d’équipe, et non un changement d’équipe qui conduit au déclin).
Dès lors, réclamer la démission ou croire en l’incompétence des nouveaux venus après seulement quelques semaines ou quelques mois nous semble mettre de côté les raisons structurelles et collectives qui permettent d’apporter un éclairage sur le décrochage relatif d’une équipe, qu’on ne peut résumer à l’action d’un homme ou deux. En 2003 comme à d’autres moments.
Note :
1 La lecture du calendrier des résultats a posteriori invisibilise donc la série de 7 défaites consécutives en championnat – et le passage par la zone de relégation – car, officiellement, cette victoire est comptabilisée pour la 25e journée.
Posté le 15 décembre 2021 - par dbclosc
André en coup de vent
Jeudi 30 janvier 2003. À quelques heures de la fin du mercato hivernal, le LOSC annonce l’arrivée du Nantais Pierre-Yves André : un renfort bienvenu pour une équipe qui dérive dangereusement vers le bas du classement. Mais André file à l’anglaise. Le LOSC est-il devenu un paillasson ?
Les changements d’hommes illustrent le changement d’époque : au printemps 2002, au revoir Dayan, Graille, Dréossi, Halilhodzic ; bonjour Seydoux, Tirloit, Thuilot, Puel. Ces changements majeurs dans l’organigramme ont inévitablement des conséquences très visibles : après quelques années d’euphorie sportive, retour à l’ordinaire pour le LOSC. Et l’ordinaire du LOSC, c’est une histoire régulièrement scandée par des déceptions, des maladresses, et quelques loupés. Le mercato hivernal de la saison 2002/2003 en apporte une belle illustration.
On se le rappelle : les débuts de Claude Puel en championnat sont marqués par deux cinglantes défaites à domicile, sur le même score : 0-3. Après un été compliqué, bien que marqué par une finale en coupe Intertoto, l’équipe redresse la tête et se positionne tranquillement en milieu de tableau. À la trêve hivernale, avec 28 points, le LOSC n’est même qu’à 7 points du leader marseillais (qu’il a balayé 3-0 en octobre). D’un point de vue comptable, il n’y a rien d’infamant. Mais au-delà des résultats, la « patte Puel » a du mal à imprimer. Les deux 0-3 du mois d’août à Grimonprez ont d’emblée fragilisé un entraîneur dont on peut supposer que, quel que fût l’identité, il aurait de toute façon durant un moment souffert de la comparaison avec Halilhodzic : difficile de succéder à un type qui a emmené le club au-delà de toute espérance. Et du côté des recrues, on ne peut pas dire que les nouveaux attaquants soulèvent l’enthousiasme de la foule, de moins en moins nombreuse d’ailleurs. Si le Bulgare Manchev ne laisse guère de doute sur son identité de footballeur, on reste encore circonspects devant les performances de Fortuné et de Tapia. Moussilou apparaît de temps à autre, il marque même, mais il est encore un peu tendre. Sterjovski et Boutoille n’ont pas l’air de trop intéresser Puel. En ajoutant à cela le fait que Beck est plus proche de l’amputation que des terrains, et que Tapia se blesse aux adducteurs à Noël et ne reviendra pas avant le printemps, la décision est prise : le LOSC va prendre un renfort offensif durant le mercato hivernal.
En janvier, il y a d’abord l’idée de recruter le parisien Laurent Leroy. Alors que l’on croit proche de signer dans le Nord, l’opération ne se fait pas et le joueur préfère s’engager avec la lanterne rouge, Troyes. Pas grave : il reste trois semaines de mercato.
Le nom de Todi Jónsson est ensuite avancé. Doukisor ? 29 ans, international Féroïen, joueur au FC Copenhague, son contrat expire dans 5 mois. Il est recommandé par Jakob Friis-Hansen, et aurait séduit Claude Puel. Des négociations sont entamées. Mais comme souvent, le marché ne se débloque que dans les dernières heures.
Pendant ce temps, le LOSC, en janvier 2003, joue 3 matches de championnat, en perd 3, et marque zéro but. La zone de relégation est deux points derrière ! Il faut attendre les tirs aux buts pour sortir Nîmes (National) en coupe de la Ligue, à domicile (0-0 ; 3-1). Heureusement, la victoire 2-0 à Agde (CFA) en coupe de France est acquise après seulement 90 minutes. Bref, il est temps de marquer.
Nous sommes le jeudi 30 janvier. Jónsson passe une série de tests médicaux en vue de son engagement. En sens inverse, Saint-Etienne fait la cour à Boutoille et à Sterjovski. C’est quasiment sûr : le premier, au moins, va partir. Ainsi, Puel va se séparer d’au moins un joueur sur lequel il ne compte pas, tout en récupérant un joueur de son choix. Mais le LOSC, qui a plus d’une corde à son arc, a négocié en même temps une autre affaire qui jusque là n’a pas été ébruitée. C’est donc à la surprise générale que le club annonce la venue de Pierre-Yves André dans la soirée. Il est prêté par Nantes pour une durée de 6 mois.
Belle affaire : ancien international espoirs, révélé à Rennes, confirmé à Bastia, André a pris en 2001 la direction du champion en titre, Nantes, où il joue la Ligue des Champions et marque notamment le but vainqueur contre la Lazio Rome.
Mais si les Canaris ne s’en sortent pas trop mal en coupe d’Europe, un catastrophique départ en championnat aboutit au remplacement de Reynald Denoueix par Angel Marcos. André joue moins. Et encore moins quand arrive la saison 2002/2003. Quelques années après, le joueur explique : « dès le début de la saison 2002/03, je ne rentre plus dans ses plans. Quand il fait sortir Viorel Moldovan, il fait entrer des milieux offensifs alors que moi je suis avant-centre et je reste sur le banc. Je lui ai demandé des comptes et j’ai peut-être été un peu trop virulent. C’est comme ça que j’ai scellé mon avenir au FC Nantes. Après j’ai été à la cave pendant six mois. Moi, je voulais jouer au football, je m’en foutais d’être bien payé et de vivre dans une belle ville. Je ne voulais pas être malheureux. J’ai donc demandé à être prêté ». Pas vénal, revanchard : le profil idéal. Ainsi, Lille, qui avait deux solutions, a d’abord misé sur la sécurité en optant pour « un joueur tout de suite opérationnel » selon la Voix du Nord (31 janvier), et avec qui la communication devrait être fluide (il parle français). Et Lille n’écarte toutefois définitivement pas la piste Jónsson.
Mais le lendemain, coup de théâtre : au cours du dernier jour du mercato, André a signé à Bolton. Cerise sur l’Hitoto : la piste de repli du LOSC, Jónsson, n’a pas signé non plus. On a échappé à la catastrophe : voyant que ça tournait vinaigre, les dirigeants du LOSC ont empêché in extremis les départs de Boutoille et de Sterjovski. On souffle presque : le LOSC va pouvoir poursuivre sa dégringolade avec le même effectif.
Mais que s’est-il donc passé le 31 janvier ?
Dans son édition du 1er février, la Voix du Nord revient sur ce qu’elle qualifie de « demi-tour » et de « volte-face », en interrogeant le directeur sportif du LOSC, Alain Tirloit : « [Jeudi 30] Pierre-Yves André m’a téléphone à 22h42 pour me dire que c’était OK et que c’était super pour lui. Et il nous avait fixé rendez-vous, à Xavier Thuilot, directeur général du club, et à moi à la gare Montparnasse en fin de matinée, ce vendredi. Nous avions négocié son salaire : à Nantes, c’est 83 850€ mensuels, nous nous étions engagés pour investir 30 500€ par mois. Pour accélérer le processus administratif, nous avions pris une procuration signée par Michel Seydoux. Tout semblait ficelé. Comme personne n’arrivait, j’ai appelé son agent sur les coups de 13h30. Et il m’a annoncé que son joueur avait signé à Bolton ». Il semblerait que Bolton ait fait de la surenchère en dernière minute, ce qui a convaincu André. Mais pour Tirloit, ce n’est pas l’explication (d’ailleurs, on l’a lu plus haut, André « s’en fout d’être bien payé ») : « je ne suis pas convaincu que les conditions financières aient changé. Mais Bolton, c’est la Premier League… ».
La solution André évaporée, reste à ce moment l’option Jónsson où, là aussi, tout semble avoir été bien ficelé : un transfert de 75 000€, et un salaire mensuel de 12 000€ (ce qui semble montrer que ce n’est pas un attaquant du même calibre). Oui mais : avertis des difficultés lilloises et de l’urgence de la situation après le refus d’André, les dirigeants de Copenhague font monter les enchères : « ils nous ont réclamé 100 000€ de plus sur le transfert ! Pour un joueur libre dans peu de temps, ça devenait insupportable. En accord avec le président et avec Claude Puel, nous avons donc dit non ».
Le Mikkel bec dans l’eau, Tirloit se hâte d’interrompre les discussions entre Saint-Etienne et Djezon Boutoille qui, d’abord surpris, semblait avoir donné son accord pour partir chez les Verts, tandis que Sterjovski aurait confié au directeur sportif du LOSC : « je veux rester ici pour m’imposer ». Dès lors, Tirloit fait contre mauvaise fortune bon cœur et déclare : « cela m’incite à penser que nous avons peut-être chez nous le ou les joueurs capables d’apporter un plus au groupe ». Dommage qu’on ne s’en soit pas rendu compte tout de suite !
Que retenir de cet épisode ?
Pour la Voix du Nord, les coupables sont tout trouvés. Il s’agit, d’abord de l’appât du gain qu’ont développé les footballeurs : « les dirigeants lillois ne devraient pourtant pas l’ignorer : c’est l’argent qui est le seul moteur et l’unique motivation des footballeurs professionnels, dans leur immense majorité ». Le quotidien révèle ainsi que si Laurent Leroy a préféré « s’enterrer » à Troyes, c’est parce qu’un miraculeux mécène s’est manifesté au dernier moment. Or, Michel Seydoux, à son arrivée, a promis d’être « raisonnable ». Et c’est précisément, ensuite, ce que reproche aussi la Voix du Nord au président ! Donc d’un côté, on déplore que les footballeurs fassent monter les enchères, mais de l’autre on déplore aussi que les clubs ne jouent pas le jeu et ne surenchérissent pas. Dans un éditorial (c’est dire si la situation est grave) sobrement intitulé « Encore raté », Pierre-Yves Grenu pointe : « pour André comme pour Leroy, le LOSC a choisi d’être raisonnable, d’éviter les surenchères inconsidérées. De ne pas vivre au-dessus de ses moyens. Louable attitude… qui risque de désarçonner son public, alléché par l’effet d’annonce et, finalement, privé de transfert ». On ne sait pas si ça désarçonne le public, mais apparemment ça désarçonne beaucoup Pierre-Yves Grenu qui, entre les lignes, se demande pourquoi Seydoux n’utilise pas son « trésor de guerre » (c’est lui-même qui a utilisé cette expression durant l’été 2002) issu de la campagne UEFA 2001/2002 et des transferts de Bakari, Cheyrou et Cygan.
De son côté, Michel Seydoux dénonce « les mœurs du football » : « je viens d’un milieu où quand on se serre la main après s’être dit oui, les choses sont acquises. Ensuite, on ne se rétracte plus. En revanche, le football pro, c’est vraiment le Far West. Et il va bien falloir que je m’y habitue ».
Bien sûr, on peut souscrire aux interprétations de la Voix du Nord et à celles de Michel Seydoux : dans un milieu qui en est tant imprégné, il est sans doute vrai qu’on ne peut rien expliquer sans l’argent. Il semble toutefois difficile de soutenir que tout s’expliquerait, à l’inverse, par l’argent. Dès lors, la posture de chevalier blanc du foot, aux louables intentions morales et éthiques, dans laquelle s’enferme Seydoux, ne suffit pas. En dépit de quatre années de rédemption, les Dogues ont encore du chemin à parcourir : les hommes du LOSC semblent avoir clairement manqué de crédibilité durant ce mercato, au point qu’on croit voir ressurgir l’image du club-repoussoir que le LOSC a patiemment construite durant les années 1990. Dans le même temps, le RC Lens, avec un staff élargi et expérimenté (Lamarche, Collado, Bergues, sans compter l’apport de Gervais Martel qui, à cette époque, sait encore convaincre de tout son poids un joueur) a réglé dans les dernières heures du mercato le départ de Stéphane Pédron (au PSG), et le retour de Tony Vairelles. Le contraste est saisissant.
Dès lors, cet épisode apparaît aussi comme l’illustration que Seydoux et son équipe sont en apprentissage, et qu’on ne peut attendre d’une nouvelle direction qu’elle fonctionne immédiatement avec les automatismes et la force de conviction d’un staff plus rôdé, d’autant plus quand elle est largement novice à ce niveau. Si les « ratés » du mercato de l’été 2002 peuvent apparaître comme un mal nécessaire (on ne les y reprendra pas la prochaine fois), ils fragilisent à court terme l’image que l’on se fait de la vision stratégique des dirigeants, qui donnent durant l’hiver l’impression de vouloir réparer leurs erreurs à la va-vite.
Si l’on ajoute à ceci d’autres maladresses telles que :
les tergiversations de Michel Seydoux durant le mois de janvier sur Grimonprez-Jooris II ;
l’évocation d’un « trésor de guerre » qui, pour être honnête, peut apparaître comme malvenue car suscitant des attentes démesurées ;
l’officialisation publique d’un transfert qui n’est pas fait ;
on comprend que ces épisodes sont autant de symptômes d’une équipe en rodage.
Et, bien entendu, des causes tout à fait extérieures à cette nouvelle équipe ne jouent pas en sa faveur : parmi elles, le fait de succéder à la période Vahid. Or, gouverner, c’est aussi hériter, et cet héritage-là est lourd à porter tant il ne peut que susciter un contraste négatif avec la situation présente. Changements d’hommes, de méthodes : pour ceux qui restent, on comprend que ça puisse perturber.
Dans ces cas-là, de deux choses l’une : ou on blâme les individus, les dirigeants « incompétents », les joueurs « cupides », et on fait des blagues du genre « André part de Lille par la grande porte. Par la petite, sa tête ne passait pas » ; ou on admet qu’un club connaît des périodes de reflux, avec de nouveaux hommes qui doivent se construire une crédibilité et clarifier un projet… Et alors on patiente.
Et le 31 janvier 2003, Pierre-Yves André a pu estimer que les deux derniers points lui offraient trop peu de garanties.
L’hiver 2003 s’annonce rude pour Puel et Seydoux, dont une partie du public réclame la démission après une série de défaites jusqu’en mars. Au football, la phase de transition est bien compliquée. Surtout quand on est dirigeant.