Archive pour la catégorie ‘Complot contre le LOSC’
Posté le 11 octobre 2024 - par dbclosc
Surprise sur prise et but de la bite : peut-on rire du LOSC ?
L’histoire de la télévision française est largement ternie par la diffusion de deux émissions : l’une est un piège de l’émission Surprise sur prise en 1992, l’autre est un reportage de Groland en 2009. Le LOSC y sert d’arrière-plan pour faire rire : est-ce moral ?
Peut-on rire de tout ? Voilà une question sur laquelle tous les apprenti-philosophes se sont déjà penchés. À cette question, nous répondons : non. D’une part parce que ça prendrait trop de temps ; et d’autre part car il est évident que l’on ne peut pas rire du LOSC. Le sujet est bien trop sérieux : les grands succès du club l’ont érigé au rang d’institution sacrée. S’en moquer ne peut alors que susciter la colère divine.
Pourtant, d’aucuns se n’en privent pas, et ce en utilisant qui touchent un public très étendu, à travers la télévision. Revenons sur deux émissions.
Surprise sur prise : drôle en apparence
En 1992, Thierry Lhermitte est piégé dans Surprise sur prise. Chez des amis, l’acteur regarde un match de foot quand un autre de ses amis, Richard, l’appelle pour lui indiquer de bien observer son écran durant la mi-temps, au moment d’un spectacle de samba organisé sur la pelouse. Première surprise, l’une des « danseuses » est Richard. Les rebondissements s’enchaînent et montent en intensité : depuis le Parc, l’ami chevelu annonce par téléphone des événements à venir : le téléspectateur attend donc avec délectation, en compagnie de Lhermitte, les futurs rebondissements. Et on n’est pas déçus : entrée sur le terrain de l’ami, qui parvient même à mettre un but, et envahissement nu en mode « striker ». Lhermitte, entre gêne et hilarité, apprécie le moment.
Mais là n’est pas l’essentiel. En prêtant l’oreille aux commentaires de Thierry Roland et Jean-Michel Larqué, ainsi qu’en regardant les quelques séquences du match qui apparaissent, on comprend que le match que regarde Thierry Lhermitte oppose le PSG au LOSC.
Et plus précisément, il s’agit du PSG/LOSC de la saison 1991/1992 : les noms et les visages qui apparaissent à l’écran ne laissent guère de doute, qu’il s’agisse des statistiques relatives aux joueurs, aux plans sur Nadon, Frandsen, ou à la présence de Jacques Santini sur le banc. Et idem côté PSG, avec Le Guen, Jorge, ou Bats dans les buts. La Voix du Nord indique qu’une école de samba a fait une démonstration avant le match : le premier gag destiné à Lhermitte y a été tourné à ce moment.
Ce PSG/LOSC est un match de championnat de la 10e journée, avancé au vendredi 13 septembre 1991, entre les deux meilleurs défenses du championnat jusqu’alors ; Lille n’a encaissé que 5 buts, et Paris 4. Avant ce match, le LOSC est 7e (11 points) et Paris 4e (12 points). À l’arrivée, Paris s’impose 2-0 avec des buts de Daniel Bravo (41e) et de Christian Pérez (89e).
Et un, et deux, et trois blessés
Bien entendu, il n’est pas venu à l’esprit des concepteurs du gag de choisir un match où le LOSC s’impose et dans lequel que le copain enfile une tunique du LOSC pour marquer ! C’est un premier complot.
Mais au-delà du score, le « gag » est décidément mal choisi : en effet, ce complot en cache un autre d’une plus grande ampleur.
Resituons le contexte : la saison précédente, Lille avait terminé 6ème, échouant à deux points de sa première qualification européenne. La saison 1991/1992 repart sur les mêmes bases, c’est à dire sur celles d’une équipe fort solide à défaut d’être géniale. Avant le match de Paris, Lille a les yeux tournés vers le haut du classement : en 9 matches, a gagné 4 fois, fait 3 nuls, et perdu 2 matches. Et encore, précisons-le, ces deux défaites l’ont été, sur la plus petite des marges (1-0) sur les terrains des ogres marseillais et monégasques. Et le LOSC a aussi déjà joué à Nantes, alors 3ème, où il s’était imposé (1-2). C’est donc en toute confiance que la Voix du Nord se demande, le matin du match, si le LOSC va rester la bête noire du PSG.
Mais, dès la 21e minute, Per Frandsen est victime d’un tacle par derrière d’Antoine Kombouaré : il est remplacé par François Brisson. Six minutes plus tard, Rollain se claque : entrée de Da Silva. Puis, à la 37e minute, après un choc avec Valdo, Fichaux se blesse. Problème : seuls deux remplacements sont autorisés. Le LOSC poursuit donc la rencontre à 10, et Bravo ouvre le score 4 minutes après.
Ignominie : Surprise sur prise propose un gros plan sur le blessé
Saleté de vendredi 13
Le bilan est lourd : grosse entorse avec rupture totale de presque tous les vaisseaux sanguin pour Frandsen ; claquage pour Rollain ; fracture de la malléole externe pour Fichaux. Leurs absences seront respectivement de trois, deux et quatre mois. Et encore, dans le cas de Rollain, il faut aussi remarquer qu’il rechute deux matches après son retour, pour une nouvelle absence de deux mois.
Après le match, les Lillois sont en colère, estimant que l’arbitre, Monsieur Pauchard, est passé à côté de son match. La contestation des Lillois, dont on nous fait comprendre qu’elle vient du « but » de Richard, est en fait un scène de protestation due aux blessures. C’est donc pendant cette scène dramatique que les téléspectateurs rient !
S’il n’y a aucun doute que Rollain s’est blessé seul, les deux autres blessures sont attribuées à la « violence » des Parisiens : « ce n’est pas en se cognant contre des mouches que Fichaux et Frandsen se sont blessés » déclare Bernard Gardon, le directeur sportif du club. C’est notamment le tacle de Kombouaré, qualifié d’« attentat » par Jacques Santini, qui concentre la colère des Dogues. Jean-Luc Buisine s’étonne aussi de la mansuétude de l’arbitre et de l’absence de contrition des Parisiens après-match, tandis que Paul Besson, remonté comme jamais, envisage d’attaquer Kombouaré pour « coups et blessures volontaires ».
Les conséquences sont terribles, car la suite du championnat sera plus médiocre pour les Dogues, qui terminent le championnat à la 13e place. Autrement dit, ce match à Paris est le tournant de la saison. En fin de saison, Santini déclarera : « nous aurions pu nous rapprocher de la 5ème ou 6ème place si nous n’avions pas perdu trois titulaires le même soir, en septembre dernier à Paris : Frandsen, notre homme de bas, Fichaux et Rollain. C’était trop pour nous. »
Pire encore, si tant est que ce soit possible : voici ce qu’on peut lire dans la presse régionale.
En lisant le mot « gag », une question se pose immanquablement : tout ceci était-il prémédité ?
N’oublions que c’était ça aussi, les « années Mitterrand ».
C’est toujours mieux qu’une équipe de bras cassés
La séquence en entier :
Groland à l’amende
Deuxième émission à se servir des images du LOSC pour le montrer en mauvaise posture : Groland, la célèbre émission parodique de Canal +.
Contextualisons : en novembre 2009, la France se qualifie pour la coupe du monde 2010 grâce à un match nul contre l’Irlande (1-1), après avoir gagné 1-0 à l’aller. On s’en souvient tous : le but français est amené grâce à une grossière main de Thierry Henry. Les Irlandais protestent et se dirigent vers l’arbitre en montrant leur main pour signifier qu’Henry a utilisé la sienne. Cette scène de contestation est à l’origine d’un reportage grolandais rappelant que, au Groland aussi, il y a des buts litigieux.
Ainsi, lors de la rencontre entre Groville et Mufflins, un incident survient.
Avez-vous remarqué ? En dehors des scènes spécialement tournées par l’équipe de Groland, on aperçoit des extraits d’un match au Stadium nord. En l’occurrence, il s’agit de Lille/Monaco, saison 2008/2009. Et, comme par hasard, la séquence du but de la bite offre un rapide plan sur un but concédé par le LOSC ! Cerise sur l’Hitoto : c’est un but marqué par Grégory Malicki, contre son camp. Lors de ce match, un monégasque avait frappé un coup-franc et le gardien lillois, malchanceux, avait bien involontairement marqué du dos après que le ballon eut tapé le poteau.
Cela étant, l’équipe grolandaise a cette fois eu la décence de ne pas piocher des images d’une défaite lilloise : en effet, le LOSC s’est imposé 2-1 ce soir-là.
Mais on peut se poser des questions sur ce choix : sur les milliers de buts marqués depuis les débuts du championnat de France, choisir celui-là s’imposait-il ? Nous y voyons là aussi un complot, qu’il est facile d’expliquer : Christophe Salengro, le président du Groland, était natif de Lens, et supportait le Racing. Il a même sa statue à Lens depuis 2021 !
On concédera au Groland une certaine connaissance de l’histoire du LOSC : il est en effet possible que ce gag trouve son origine dans la fameuse interaction entre Pierre Mauroy et la bite de Verel, en 1982. Alors Premier Ministre, le maire de Lille était allé faire un petit tour dans le vestiaire du LOSC et y avait croisé l’attaquant Turc des Dogues dont on rappelle que le prénom est « Engin », comme un symbole.
On l’aura compris : le LOSC entretient des relations contrariées avec la petite lucarne. Un paradoxe pour une équipe qui marque tant de buts en pleine lucarne.
Posté le 26 septembre 2024 - par dbclosc
Jean-Marie Aubry et les pénalties (Top 5)
Autres temps, autres mœurs : la sortie violente du gardien de but.
Venu d’Angers en 1995, Jean-Marie Aubry s’installe dans le but des Dogues lors de la 10e journée du championnat 1995/1996, contre Le Havre. Il prend la place de Jean-Claude Nadon, gardien du LOSC depuis 1989, qui fait les frais d’un début de saison catastrophique (seulement 2 points marqués) auquel il n’est pas étranger, à cause de quelques grossières et inhabituelles erreurs.
À partir de ce moment, et jusqu’en 1998, Aubry jouera 104 matches avec l’équipe lilloise, ne laissant sa place que ponctuellement pour diverses raisons (maintien de Nadon en coupe de France 95/96, 4 matches ; blessure en février 1997, 2 matches ; blessure en août 1997, 4 matches ; blessure en janvier 98, 3 matches ; brouille avec Froger au printemps 1998, 1 match).
Avec Aubry dans les buts, le LOSC a concédé 14 pénalties. On en sait pas trop si ce chiffre est dans la moyenne de ce que peut concéder un club sur trois saisons, mais à vue de nez comme ça, ça nous semble beaucoup. C’est sans doute plus normal si on rapporte ce chiffre à la situation losciste de l’époque : entre 1995 et 1998, le LOSC connaît un maintien miraculeux, une descente, et une non-remontée. On peut aisément concevoir qu’une équipe qui joue le bas de tableau deux saisons sur trois puisse concéder un nombre élevé de pénalties.
Voilà la répartition des pénalties concédés par le LOSC avec Aubry dans les buts :
_4 en 95/96 (Bastia, Saint-Etienne (2), Monaco) ;
_4 en 96/97 (Rennes, Nantes (2), Monaco)
_6 en 97/98. Alors qu’il s’agit de la saison où le LOSC termine 4e de D2… Mais il faut dire qu’à l’extérieur, l’équipe de Thierry Froger n’était guère performante ! Ces 6 pénalties sont d’ailleurs tous concédés hors de nos bases (Saint-Etienne, Wasquehal, Louhans-Cuiseaux, Martigues, Nancy, Beauvais).
Avec son mètre 76, son physique est plus proche de celui de Jean-Pierre Mottet que de celui de Grégory Wimbée : agile, il a tendance à bondir de manière spectaculaire, comme le faisait son prédécesseur moustachu. Mais cette explosivité a un pendant négatif : quand ce n’est pas fait régulièrement, le choc peut être brutal. Et cela s’est plusieurs fois vérifié avec Jean-Marie Aubry. Sur les 14 pénalties concédés quand il a gardé la cage du LOSC, il en a directement provoqués 5. Et, à chaque fois, on peut dire que ça a été spectaculaire et, en étant un peu méchants, sacrément grossier : sorties non maîtrisées, pas vraiment utiles ou franchement dangereuses, voici notre top 5 des pénalties concédés par JMA. Ayez bien en tête qu’il n’a concédé aucun carton pour ces fautes.
N°5 : Lille/Nantes, octobre 1996
Allez, là, ce n’est pas encore bien méchant. Toutefois, le Nantais Makélélé, d’ailleurs peu connu pour ses qualités de finisseur, ne partait pas vraiment vers le but et ne pouvait pas espérer grand chose de mieux qu’une sortie manquée du gardien. But de N’Doram, et score final de 3-3.
N°4 : Wasquehal/Lille, septembre 1997
Superbe alignement de la défense losciste, qui laisse échapper deux wasquehaliens dans son dos. Là, on peut considérer que la faute est le « bon » geste, car c’était certainement but de W. Loko derrière. Mais tout de même, c’est un bon gros fauchage. Premier but de Wasquehal contre Lille, et 1-1 à la fin.
N°3 : Lille/Rennes, août 1996
Wiltord est en angle fermé et semble partir dans la direction opposée au but ? Pour Aubry, ce n’est pas une raison suffisante pour ne pas se jeter les deux pieds en avant sur l’attaquant rennais ! Égalisation de Guivarc’h, mais le LOSC s’impose 3-1.
N°2 : Bastia/Lille, décembre 1995
Attention, ça devient violent. Déjà 3-0 pour les Corses, il n’y a plus rien à perdre alors amusons-nous : balle dans le dos de la défense, sortie à contretemps et saut les deux pieds en avant au niveau du torse, le tout sans toucher le ballon, du grand art. Drobjnak transforme, et sacrée rouste pour les Dogues (0-4).
Ce qui sublime la séquence, c’est d’oser contester.
N°1 : Lille-Monaco, janvier 1996
Chaque point compte pour ce LOSC englué en fond de classement. Lille ne part pas vraiment favori et, pour mettre encore moins de chances de son côté, se retrouve à 10 dès la 20e minute (expulsion de Collot). Le match est pourtant équilibré, jusqu’au moment où Ikpeba parvient enfin à échapper à la défense des Dogues. Le dribble de l’attaquant monégasque est parfaitement exécuté. Et là, c’est le sacrifice ultime.
Comme tous ceux qu’il a tirés contre Lille, Sonny Anderson manque le pénalty. Pour couronner le tout, le gardien lillois fonce vers Anderson et, tête contre tête, exécute une simulation qui aboutit à l’un des plus gros bordels vu à Grimonprez-Jooris, avec dans le premier rôle un Thierry Rabat qui frappe tout ce qui lui passe sous la main. Verdict : carton rouge pour… Anderson. Beau joueur, Aubry annonce après le match : « c’est vrai qu’il y a peut-être eu un peu de provocation de ma part ». Score final, 0-0.
Pour être tout à fait complet, sur les 14 pénalties auxquels Aubry a fait face, 11 ont été marqués. Les 3 échecs sont : Moravcik (Saint-Etienne en décembre 1995, transversale) ; le pénalty d’Anderson ci-dessus et… Anderson (Monaco, avril 1997. Le seul qu’Aubry ait détourné).
Rendez-nous notre foot des années 90 !
Posté le 12 septembre 2024 - par dbclosc
Penauds face aux pénos stéphanois
Deux en mai + deux en août + deux en décembre : l’année civile 1995 a vu le LOSC concéder six pénalties en trois confrontations face à l’AS Saint-Etienne (ASSE). Tout est bon pour entretenir le complot contre le LOSC !
Loi 14 des lois du jeu : « un penalty (coup de pied de réparation) est accordé si un joueur commet une faute passible d’un coup franc direct dans sa propre surface de réparation ou en dehors du terrain dans le cadre du jeu, comme décrit dans les Lois 12 et 13 ». Pour être tiré, « le ballon doit être immobile et positionné sur le point de penalty ». Précision amusante : « un but peut être marqué directement sur penalty ». Le point de pénalty étant situé à 11 mètres du but et tout autre joueur devant être situé à au moins 9,15 mètres du ballon, on comprend que cette sanction a de fortes probabilités de générer un but. Il n’est donc pas recommandé d’en concéder.
Mais on ne sait que trop bien que le complot contre le LOSC passe souvent par Saint-Etienne : en 1989, l’arbitre De Pandis avait quasiment offert une passe décisive aux Stéphanois.
En 1995, complot oblige, le LOSC concède neuf pénalties1, dont six sont sifflés en faveur de Saint-Etienne. Et comme par hasard, sur la même période, le LOSC n’en bénéficie que d’un (Friis-Hansen contre Lens).
Consolation : en dépit de ces six coups de pied de réparation, Lille n’a pas perdu face aux Verts ! Il faut dire que deux d’entre eux n’ont pas été convertis. Et qu’en plus, le LOSC a marqué, ce qui restait à l’époque un petit événement. Retour sur les trois confrontations de 1995.
Saint-Etienne/Lille, mai 1995 (3-3)
Cela fait partie des matches que le LOSC a (presque) renversés : menés 1-3 à la 89e, les Dogues repartent avec un nul miraculeux. Déjà parce que le scénario du match est étonnant ; et ensuite parce que, avant cette 35e journée, le LOSC n’avait marqué que 21 buts, dont… 5 à l’extérieur.
C’est un match de la peur en cette soirée de printemps à Geoffroy-Guichard : 18es (35 points), les Verts reçoivent Lille, 16e (38 points). Après un début de saison très correct (5e au quart du championnat), Sainté est mal en point, notamment après le départ à l’automne de son buteur allemand, Roland Wolfarth, qui avait inscrit 8 buts en 10 matches de championnat. Mais à domicile c’est à peu près correct : 9 victoires, 4 nuls et 4 défaites.
Et le gros problème, c’est que le LOSC est affreux à l’extérieur : en 17 déplacements, il n’a pas gagné et n’a pris que 5 points (soit autant que son nombre de buts marqués, si vous suivez bien). On ne donne donc pas cher de la peau des lillois.
Dès la 7e minute, une défense lilloise en pleine confiance laisse faire un changement d’aile, se laisse dribbler (belle figure esthétique de Leclercq), et laisse Aulanier seul au point de pénalty : 1-0. Avant la pause, Friis-Hansen se fait avoir par un crochet de Camara : pénalty transformé par Laurent Blanc (2-0).
À la 72e, alors qu’entretemps Sibierski a réduit l’écart, Camara passe encore, Friis-Hensen fait de nouveau faute, et Blanc transforme de la même manière (3-1).
Alors que les Verts sont proches à plusieurs reprises de marquer un nouveau but, le scénario du match est extrêmement favorable aux Lillois, avec deux buts aux 89e (Moreau csc) et 93e (Sibierski) minutes. Ils maintiennent donc l’écart avec leur adversaire du soir, avant de se sauver lors de la journée suivante. Saint-Etienne finira 18e mais sera repêché en raison de l’interdiction faite à l’OM de retrouver la D1.
Saint-Etienne/Lille, août 1995 (1-1)
Troisième journée de championnat : après un mercato désastreux, le LOSC construit le pire départ en championnat de son histoire : il faudra en effet attendre la 10e journée pour gagner.
Mais en attendant, malgré déjà deux défaites, on est encore persuadé que Pingel et Simba vont former un duo de choc devant. Notons que Saint-Etienne n’est guère mieux loti avec sa petite pépite brésilienne Cuca (qui marquera tout de même 3 buts).
À la 23e minute, sous les yeux de Pascal Cygan, qui joue son premier match en D1, Hitoto fait faute sur Séchet ; Moravcik transforme (1-0).
70e minute : perte de balle de Friis-Hansen, Carrez accroche le maillot de Cuca : pénalty, bien évidemment. Heureusement, le Brésilien fait une belle passe qui permet à Jean-Claude Nadon d’effectuer son seul arrêt de la saison.
À 10 minutes de la fin, Sibierski égalise, inscrivant au passage son 3e but de la tête en 4 mois sur ce but. Notons au passage la belle intervention de Coupet. Merci Greg, rendez-vous en mai 2011 !
Lille-Saint-Etienne, décembre 1995 (1-1)
Belle affiche à Grimonprez-Jooris entre le 18e et le 15e : Lille, 18e défense, 19e attaque ; Saint-Etienne, 19e défense, 8e attaque (pas mal !). Quelle nullité prendra le dessus sur l’autre ? Eh bien c’est l’attaque lilloise, dès la 6e minute : débordement et centre de Becanovic, intervention-fantôme de Coupet puis de deux arrières, reprise de Boutoille, 1-0 !
Mais 3 minutes plus tard, Leclercq fait faute dans la surface de réparation : pénalty. Moravcik transforme du gauche, puis du droit, l’arbitre ayant fait retirer (1-1).
À la demi-heure, belle obstruction de Cygan sur Thimothée : Moravcik envoie cette fois sur la barre d’Aubry.
Match nul, sauvetage in extremis pour Lille en fin de saison, tandis que les Verts, récompensés pour leur persévérance, sont cette fois autorisés à descendre en D2. Mais nous les retrouverons bien vite.
En effet, comme les Dogues rejoignent les Verts en D2 pour la saison 97/98, c’est l’occasion de vérifier si le complot perdure. Dès la première journée, les deux clubs s’affrontent.
5e minute : débordement de Collot, passe à Duncker dans la surface, qui est bousculé, pénalty !!! Samuel Lobé le transforme et, sans conteste, l’engrenage maléfique est rompu.
Mais 15 minutes plus tard, l’arbitre, M. Léon, revient aux fondamentaux : centre de Guillou vers Lagrange, et devinez quoi…?
Bob Senoussi a raison : mieux vaut en rire. A ce moment là, à la grosse louche, sur les 250 dernières minutes des confrontations entre le LOSC et l’ASSE, les Verts ont obtenu 7 pénalties, soit un toutes les 35 minutes. A l’échelle d’une saison de 34 matches, à ce rythme, une équipe en obtiendrait alors 87 ce qui, sans être impossible, semble nettement improbable, à moins de jouer avec 5 Gervinho devant.
Démonstration est faite : sombre fin de XXe siècle.
N’oublions pas que le complot stéphanois par les pénalties a eu une suite, puisque Lille est éliminé à Saint-Etienne en demi-finale de coupe de la Ligue, aux tirs aux buts, en 2013.
En championnat, il faudra attendre plus de 20 ans pour retrouver trace d’un pénalty stéphanois contre Lille. Mais très perfidement, en ce mois de novembre 2017, c’est Jonathan Bamba qui le transforme ; puis Remy Cabella la saison suivante, en octobre. Ces mauvais coups contraignent ces deux joueurs à arriver au LOSC avec un solde négatif, ce qui peut générer des tensions avec les supporters.
Fort heureusement, Peyrelade (1999), Cabaye (décembre 2007, décembre 2009) puis Eder (mai 2016) ont permis au LOSC d’également marquer sur pénalty contre l’ASSE. Avant, il fallait remonter à Philippe Périlleux pour trouver la trace d’un tel événement (mai 1990).
Vous constaterez donc qu’en 35 ans, le LOSC est dans l’incapacité ne serait-ce que d’égaler ce que Saint-Etienne a fait en quelques mois.
Alors, en 1995, défense à chier ou complot ? Chacun se fera son opinion.
Note :
1 Outre les Stéphanois, Andersson (Caen), N’Doram (Nantes – raté) et Drobjnak (Bastia) ont tiré un pénalty face à Lille.
Toutes les vidéos ont été mises en ligne sur la chaîne Youtube de ASSE Memories (le compte X est ici)
Posté le 23 juin 2024 - par dbclosc
Printemps 1983 : le LOSC fait sa crise
Au printemps 1983, alors que le LOSC pourrait se contenter d’une médiocrité sportive bien ancrée depuis 25 ans, il va se plonger tout seul dans une crise institutionnelle qui révèle ses relations ambivalentes avec la municipalité, acteur et soutien indispensable, mais dont les modalités d’intervention dans le club se font souvent sur un mode conflictuel. Les ponctuels espoirs nouveaux sont toujours suivis de déceptions et, pour l’attractivité du LOSC, il faudra repasser.
En mars 1983, la France se rend aux urnes : il s’agit des premières élections municipales organisées depuis les lois de décentralisation de 1982, qui donnent davantage de pouvoir aux autorités locales (avec notamment la création de l’échelon régional), et notamment aux maires. Cette mesure est portée par le ministre de l’Intérieur, Gaston Deferre, membre du gouvernement de Pierre Mauroy, maire de Lille.
Précisément, à Lille, Pierre Mauroy est réélu. Lors de la mise en place de son conseil municipal, on remarque la désignation d’un adjoint aux sports, Albert Matrau. Jusque là, rien que du très classique. Puis l’équipe municipale innove en créant le poste de délégué au LOSC. Cette mission est confiée à un conseiller municipal, Daniel Choquel, médecin de profession, ce qui explique qu’on le nomme souvent « Docteur Choquel ».
Depuis 1980, le LOSC est une Société Anonyme d’Economie Mixte (SAEM), un système dont il a été le pionnier dans le football professionnel. Pour résumer les choses, une SAEM est une société détenue par une association support (le club) et une collectivité locale (ici, la mairie). La gestion du club est ainsi élargie, et le pouvoir municipal dispose d’une influence variable, qui en théorie est de la simple supervision, mais qui peut très bien se transformer en une attitude très interventionniste selon les circonstances et l’humeur des uns et des autres. Et apparemment, après ces élections municipales, l’humeur est à une reprise en main.
A ce moment-là, Jacques Dewailly est le président du club. Jacques Amyot et Roger Deschodt en sont les directeurs généraux. En tant que « délégué » au LOSC, Daniel Choquel occupe désormais le poste de vice-président. Par ailleurs, Charles Samoy, depuis une dizaine d’années, le directeur sportif ; et, depuis l’été 1982, Arnaud Dos Santos, succédant à José Arribas, a pris les rênes de l’équipe professionnelle.
Jacques Amyot et Roger Deschodt
En ce mois de mars, sur le plan sportif, le LOSC est dans le ventre mou. Après des débuts très poussifs, le LOSC réalise un superbe automne en gagnant 12 places en 8 matches puis se retrouve 8e à la trêve. Mais il décide de ne plus trop prendre de points en 1983 et dégringole dangereusement à la 14e place, à seulement deux points des 18e et 19e.
Sur le terrain (défaite dans le derby fin janvier), dans le vestiaire (Gemmrich est suspendu un mois pour « propos très désobligeants envers l’entraîneur » – il joue peu car il ne marque pas), dans les tribunes (fin février, contre Monaco, une partie du public entonne « Dos Santos, démission » et « Samoy au poteau »), et au sujet de l’avenir des joueurs (Bergeroo, Muslin, Dréossi, Grumelon, Marsiglia et Delemer sont en fin de contrat, et le club n’est pas disposé à garder Verel et Françoise) : les signaux sont assez inquiétants. Ce dernier point l’est d’autant plus qu’une nouvelle réglementation limite la possibilité de recruter (hors fins de contrat) à seulement deux joueurs (et uniquement des fins de contrats) + un transfert payant possible (ou un étranger). Seule éclaircie : le LOSC est qualifié pour les huitièmes de coupe de France.
Le changement, c’est maintenant
C’est alors que la Voix du Nord fait part de possibles « gros changements dans les structures du LOSC ». Au programme, probablement, Samoy deviendrait manager général (ses attributions seraient donc réduites), et arriverait un directeur sportif. Mais aussi des choses bien mystérieuses et non révélées car « ça nous paraît si énorme, si grandiose, que nous n’y croyons pas », écrit le quotidien ; toutefois, ce dernier parle d’un « directeur sportif et d’un entraîneur qui, naguère, travaillaient dans le même club » ; en ajoutant : « une façon comme une autre de se mettre au vert ».
Fin mars, les noms sont lâchés : les deux hommes en question sont Robert Herbin et Bernard Gardon, qui ont en effet été ensemble à Saint-Etienne, le premier ayant été l’entraîneur du second.
Problème : Roger Deschodt, l’un des directeurs du LOSC, dit qu’il n’est pas au courant et se déclare « ébahi » : « nous n’avons eu aucun contact avec Robert Herbin et Bernard Gardon. Lors de la réunion du comité de gestion du club, jeudi dernier, nous n’avons pas évoqué le problème de l’encadrement technique, ni même celui de l’entraîneur. Même si le nom d’Herbin a été prononcé au cours de cette réunion, ce n’est pas dans cette perspective ».
On a tout de mal du mal à imaginer qu’Herbin ait été évoqué pour le poste de concierge de Grimonprez-Jooris. D’où viennent ces rumeurs, pourquoi Herbin apparait dans une discussion de l’équipe dirigeante, pourquoi Deschodt semble découvrir tout ça, qui sait quoi, qui pense quoi ? C’est le début du bazar.
Robert Herbin apportera au LOSC toute sa sagesse
Le premier à réagir est Samoy, qui pressent que les événements tournent franchement en sa défaveur, tout en l’apprenant par la presse : « je ne sais pas qui se cache derrière les insinuations parues ces derniers jours à propos de la venue possible au LOSC de Robert Herbin et de Bernard Gardon, mais sachez que ces procédés me choquent profondément ». Il déclare qu’il a toujours défendu Arnaud Dos Santos devant le comité directeur, alors même que l’entraîneur ne dispose pas de conditions de travail idéales. Parmi elles : un terrain d’entraînement inondé quasiment tout l’hiver, qui contraint l’équipe à s’entraîner en face du stade, à côté de la station-essence, soit sur le terrain en schiste, soit sur le terrain boueux d’à côté. Il ajoute : « certaines personnes ont peut-être envie de déstabiliser le club. C’est curieux et regrettable car Nono ne mérite pas un tel affront. Le LOSC est à la veille de gros remous si, d’aventure, ces gens persistent. Je n’hésiterai pas à monter en première ligne et cela fera mal ! Le football lillois n’a sûrement pas besoin de tels scandales ». Il rappelle que le club est confronté à la nécessité de renouveler des contrats (parmi les fins de contrat, seul Delemer ne se verra rien proposer), et que ces remous ne vont certainement pas donner envie aux joueurs de prolonger.
Pour un LOSC européen
Le 7 avril, les choses sont censées s’éclaircir car Daniel Choquel donne une conférence de presse. À ses côtés se trouve Dewailly, qui ne dit pas grand chose. Durant plus d’une heure, Choquel expose ses ambitions : il s’agit de dynamiser le club et de le rendre crédible. Même s’il sera difficile de retrouver le lustre d’antan du LOSC, l’idée est de doter le club de structures solides garantissant son avenir, de poursuivre la politique de jeunes (qui marche bien depuis l’ouverture du centre de formation), de motiver les supporters, bref, de donner une âme au club. Il apporte la parole de Pierre Mauroy : il faut bâtir un grand LOSC, un LOSC « européen ». Jusque là, tout le monde souscrit : ce sont des bonnes nouvelles.
Et puis Dewailly prend la parole et évoque une situation financière « critique », que seule une victoire improbable en coupe de France permettrait d’améliorer. Ou alors un effort conséquent de la municipalité, que Choquel garantit.
Arrive ensuite l’épineuse question du staff. Selon Choquel, Dos Santos devrait partir. Le Doc explique que Dos Santos a, dans son contrat, une clause de résiliation valable chaque année. Dewailly annonce que des contacts vont être pris avec Robert Herbin pour le remplacer. Bizarre d’annoncer qu’on va faire avant de faire, mais soit. En tout cas, le souhait de Mauroy est d’avoir un entraîneur « français » (ce qu’il a déjà, soit dit en passant).
Sur la direction sportive, il reviendra à Amyot et à Deschodt de se charger du recrutement : on cherche notamment un buteur, « étranger » cette fois (ce que le club a déjà, soit dit en passant – Verel). Dès lors Samoy aura moins d’influence, et devra se contenter de prospecter. Il lui est reproché notamment deux échecs : Gemmrich, et Kourichi, qui a du mal pour sa première saison au LOSC. Pour Choquel, « ce n’est pas le désavoeu de Charly Samoy, mais le constat d’une non-réussite » : tout est dans la nuance. En tout cas, ce qui était jusque là à l’état de rumeur prend une tournure officielle.
Et en fin de conférence, Choquel sort un nouveau truc de son chapeau : il va contacter Aimé Jacquet.
Samoy en émoi
Bien évidemment, ces nouvelles mettent en furie Samoy. L’encore directeur sportif du LOSC prédit un avenir sombre pour le club : « on a remis en cause mes responsabilités, mes fonctions de directeur sportif que j’exerce depuis 11 ans (…) Ces projets me désolent profondément parce qu’ils vont à l’encontre des intérêts du club. Ils me condamnent par ailleurs, ainsi qu’Arnaud Dos Santos. Ce n’est pas très élégant (…) L’improvisation est toujours dangereuse en football ! À plus ou moins longue échéance, le LOSC risque hélas d’être éclaboussé par cette crise, voire d’être confronté à des problèmes aussi graves que ceux de Saint-Etienne (…) Si je ne suis plus qu’un agent de liaison, je rencontrerai les responsables du club afin de négocier mon départ ».
Et pas à n’importe quel prix : Charly est ravi de préciser qu’il a un « contrat illimité » avec le LOSC ; « au mieux, on peut me demander d’activer mon préavis d’un an… ». Cela tombe mal : Samoy déclare qu’il venait de prendre contact avec un buteur allemand de D1, de 23 ans, mesurant 1 mètre 92, et deux jeunes (dont un de Cherbourg). Du lourd !
Et du côté d’Arnaud Dos Santos, même fond de pensée, même si la forme est plus modérée. Il précise d’abord qu’il n’existe aucune clause de résiliation le concernant : « c’est faux, archi-faux. J’ai un contrat de 3 ans, point final ».
Dès lors, il annonce aussi qu’il faudra négocier. Et pour le reste, « à quoi bon m’emporter ? Cela ne réglerait pas grand chose au problème. On ne me fait plus confiance, voilà tout ». Celui que la Voix du Nord présente comme discret, droit, et attaché à certaines valeurs morales regrette un « procédé pas élégant. Il aurait été tellement simple de venir me voir. Je ne suis pas borné et, les critiques, si elles sont fondées, ne me font pas peur. Seulement voilà, il faut être courageux et savoir affronter les gens de face. Là est le problème ».
« Dos » prend la défense de Samoy : « le recrutement, c’est une affaire collective. Sans entrer dans le détail, je peux vous affirmer que Charly n’a jamais pris une décision seul. Il y a toujours eu concertation au moins avec 3 ou 4 personnes au préalable ».
Enfin, le moustachu précise que ses ambitions restent limitées par la qualité de son effectif : « je me suis rendu compte très vite que nous ne possédions pas un groupe susceptible de décrocher la lune. Notre attaque était trop faible pour espérer damer le pion aux meilleurs. Cependant, je n’ai jamais cédé au découragement. On ne peut surtout pas me reprocher d’avoir débrayé sous prétexte que les résultats ne suivaient pas ». Alors oui, le classement n’est pas à la hauteur de ce que les dirigeants ont souhaité en début de saison, mais ceux-ci semblent s’être exprimés hâtivement.
Samoy et Dos Santos mettent de nouveau en avant un point : tout ça ne va pas inciter les joueurs en fin de contrat à prolonger l’aventure lilloise.
Sur le terrain, le LOSC se rend à Bordeaux. Choquel a la bonne idée d’y rejoindre les joueurs : selon la Voix du Nord, il a reçu un « accueil glacial » du staff. En tentant une « manœuvre d’approche à l’hôtel », il a essuyé un « échec ». Durant le repas du midi, Samoy se lève et part manger à la table d’à côté. Le LOSC s’incline 2-0 en Gironde, et la VDN constate que « les rapports techniciens/dirigeants n’existent plus désormais. Ou presque plus. En un mot, la crise couve (…) « cette crise n’a pas fini d’alimenter la chronique. Hélas ».
Ah, et Choquel en a profité pour voir Jacquet : l’entraîneur de Bordeaux l’a gentiment éconduit, en indiquant qu’il venait de prolonger à Bordeaux : voilà une information intéressante qu’il aurait été opportun de connaître au préalable.
Le bordel est total : on dégage les gens en place, et on ne trouve personne pour venir.
Tout s’arrange…
Le 12 avril, une réunion du comité de gestion, censée détendre les relations, est organisée à Saint-André, au siège de la société de Dewailly. Au bout de 4 heures, un communiqué est transmis à la presse. Il en ressort que :
1) Le président de la SAEM (Dewailly) accorde toute sa confiance aux directeurs généraux (Amyot et Deschodt)
2) Lors de sa conférence du 7 avril, Choquel n’a émis qu’une « opinion personnelle ».
3) Charly Samoy reste directeur sportif et administratif, en charge des pourparlers et des négociations sur les « opérations de prospection, de recrutement et de transfert ». Ses décisions sont effectives après accord des directeurs généraux.
4) Arnaud Dos Santos bénéficie de toute la confiance des dirigeants, pour cette saison et pour l’avenir.
Hé ben : tout ça pour en arriver là, ça valait le coup. Pour la Voix du Nord, « la farce a pris fin de la façon la plus inattendue mais aussi – hélas – la plus décevante qui soit. Elle ne fait rire personne tant son scénario est médiocre. Pitoyable même. Près de 4 heures de spectacle pour une conclusion fade, sans relief, qui de toute évidence jette une ombre sur des acteurs ne donnant pas l’impression de maîtriser totalement leur sujet ». Samoy se réjouit que le « putsch [ait] échoué » ; Dos Santos est également satisfait mais reste préoccupé par ces histoires de fin de contrat.
La thèse des deux voix au LOSC reste toutefois assez pertinente : pourquoi la position de Choquel est-elle désavouée alors qu’on la pensait issue d’une délibération collective, et quelle a été prononcée en présence de Dewailly, qui a donné l’impression de la valider ? Tout cela laisse penser que le club manque de rigueur en coulisses.
…en fait, non
Le 15 avril, une victoire contre Martigues, qualifiant le LOSC pour les quarts de finale de coupe de France, détend l’atmosphère. Avant le match, Amyot et Deschodt se sont exprimés sur Fréquence Nord « afin que cessent les remous qui agitent actuellement notre club » : ils rappellent (ou informent) que le pouvoir de décision leur appartient, et personne d’autre. Fin de l’histoire ? Non bien sûr.
Car trois jours après, coucou le revoilou, Choquel revient à la charge. Et il annonce triomphalement que sa position n’était pas une position personnelle, mais bien celle de la mairie ! Il ajoute, comme si ça ne suffisait pas : « si, au LOSC, on ne comprend pas que les avis de la mairie seront désormais prépondérants et que bien des choses doivent changer, il est vraisemblable que l’on évoluera vers une épreuve de force ». Une nouvelle conférence de presse est prévue, pour on ne sait pas quand. En attendant, tous ont tout le loisir de tergiverser bien comme il faut.
Une nouvelle rassurante dans la grisaille : en battant Bastia (2-0), Lille a fait un grand pas vers le maintien, alors qu’il reste 5 journées. Avant le match, le comité directeur du LOSC s’est réuni, et en est ressortie une position forte : « les patrons, c’est nous. Si la mairie dicte ses exigences, nous partirons ».
On se demande si la mairie, qui s’est engagée à donner beaucoup d’argent, ne voudrait pas que ceux qu’elle estime avoir failli s’en aillent. Le fonctionnement de la SAEM semble désormais se diriger vers une surveillance rapprochée. Mais comment les personnes a priori compétentes, si ce n’est dans la gestion, au niveau sportif, peuvent recruter, faire signer des contrats, sans connaître les limites de leur action ?
Mauroy calme le jeu
Finalement, il semble que la grande réconciliation arrive le 20 avril : Choquel se montre moins radical et propose un pouvoir partagé, une « une formule de commandement mixte », selon ses dires. Il réitère la volonté municipale d’une équipe ambitieuse ; la mairie propose un plan de financement de 4 ans, soumis en conseil municipal en juillet.
Mi-mai, une réception est organisée en mairie ; fidèle à lui-même et à son rapport contrarié au football, Pierre Mauroy félicite chaudement les Dogues : « la fin de saison arrive, avec des chiffres, symboles implacables de vos folles attaques… et de vos défaillances ». Il poursuit : « ici plus qu’ailleurs, nous savons que vous n’êtes pas des machines à gagner. Nous ne sommes pas des condottieres du sport1. Si nous l’étions, nous n’aurions pas créé une SEM. Nous aimons chaleureusement notre club, ses dirigeants (qui sont des amis), ses animateurs, ses supporters, ses médecins… », allusion bien sûr à Choquel.
Le maire de Lille convoque ensuite l’histoire, rappelant que le LOSC a un glorieux passé et que, jusqu’au sein de son gouvernement, il compte un « fana du LOSC » : Jacques Delors, alors ministre de l’économie.
L’heure n’est donc plus au mélange des genres : « il y a eu quelques petits ronds dans une eau limpide. Chassons ces petits problèmes et oublions. Sachez cependant que nous vous aimons trop pour être là uniquement pour payer, mais à aucun moment nous ne serons là pour diriger ou nous immiscer dans la technique du club ». Mauroy annonce les chiffres : 336 millions de centimes d’aide pour cette année (si on en croit le convertisseur de l’INSEE, ça équivaut à environ 1,2 millions d’euros), contre 276 l’année précédente, soit une augmentation de 20%, « car nous savons que, malgré le centre de formation, il est indispensable que les joueurs viennent d’ailleurs, suivant les règles et les dérèglements que vous connaissez », manière d’en rajouter une couche sur un football qu’il n’aime pas – et parfois à juste titre.
Le maire donne la médaille de la ville à Bergeroo (« le plus fidèle »), Dewailly offre un fanion à Mauroy, et on passe au champagne alors qu’il est 10h : « faut avoir de l’estomac ! » pour la Voix du Nord.
Dès lors, financièrement, tout semble réglé. Le LOSC a de l’argent. Sportivement, la saison s’achève sans histoire avec, tout de même, un parcours jusqu’en demi-finale en coupe de France.
Mais cet épisode n’a-t-il pas nuit à l’image du club ? Bergeroo annonce son départ, officiellement pour se rapprocher de sa région d’origine. Rien à voir donc avec le fait qu’il s’est plaint durant la saison de se défoncer les jambes et les genoux sur des terrains d’entraînement pourris. Tous les autres en fin de contrat – Muslin, Dréossi, Grumelon, Delemer et Marsiglia – partent aussi. Il n’y a plus qu’à recruter mais « recruter devient une affaire de prince du pétrole » note la Voix du Nord. Pressenti, Baronchelli a un salaire trop élevé à Nantes pour que le LOSC puisse s’aligner. Lille a bien une idée avec deux Hongrois : Tibor Nyilasi et Andras Torocsik. Mais ils ont été récemment condamnés pour « éthylisme ». De quoi faire une crise de foie ? Au LOSC, on n’a même pas besoin d’alcool pour faire une crise de foie, et même trois fois, quatre fois, cinq fois…
Note :
1 Au Moyen-Âge, en Italie, un condottiere était un chef d’armée de mercenaires.
Posté le 4 juin 2024 - par dbclosc
Le croisement du Dogue et du Sanglier : à propos du projet de fusion entre Lille et Sedan (1962)
Invraisemblable nouvelle en mai 1962 : le LOSC et le principal club de Sedan, l’Union Athlétique Sedan-Torcy (UAST, futur Club Sportif Sedan-Ardennes) vont fusionner et former l’Union Sportive du Nord-Est ! Ce complot mort-né révèle les grandes difficultés que traverse le LOSC après ses premières années de gloire.
Selon la Voix du Nord, c’est un « péril mortel » qui pèse sur le LOSC en ce mois de mai 1962 : le « club le plus prestigieux de notre région » serait en passe de disparaître. Comment en est-on arrivé là ?
Après sa glorieuse décennie d’après-guerre, achevée en 1955 par le gain d’une cinquième coupe de France, le LOSC est rentré dans le rang. Pire que ça : il est devenu un club quelconque, qui oscille désormais entre D1 et D2. Ses meilleurs joueurs sont progressivement vendus, notamment Jean Vincent, pour une somme record, après la première relégation en 1956. Après un retour dans l’élite, nouvelle relégation en 1959. Contesté, accusé d’avoir grévé les finances du club en agissant en autocrate et d’avoir dilapidé le précieux héritage du Sporting Club de Fives et de l’Olympique Lillois, le président Louis Henno, adulé hier, remet sa démission.
Mais dans l’immédiat, pas grand-chose ne change. Sportivement, le LOSC ne remonte pas, malgré les nominations au poste d’entraîneur des anciennes gloires (Jacques Delepaut en 1958, Jules Vandooren en 1959). En 1961, c’est la plus éminente d’entre elles, Jean Baratte, qui arrive sur le banc des Dogues. Mais la saison 61/62 est monotone : le LOSC reste englué dans le ventre mou. Financièrement, le club semble au plus mal : on parle d’une dette de 50 MF.
Mais au-delà du cas losciste, c’est l’ensemble du football français qui fait sa crise : manque d’intérêt du public, modèles financiers déficitaires, équipe nationale en berne.
Le 12 mai, le président du LOSC, Pierre Kles, lance un cri d’alarme : AAAAAAH !
Le club n’a plus d’argent et, selon lui, il lui est impossible qu’il poursuive sur les actuelles bases dirigeantes. Il semble que la crise est devenue ingérable lorsque qu’il a été impossible pour le club de régler une échéance liée au transfert d’Aleksandar Petakovic, un attaquant arrivé en septembre 1961. Le LOSC ne peut pas payer, et devra donc le vendre, tout comme ses meilleurs joueurs tels que Enzo Zamparini ou René Fatoux.
Face à cet état de faits, diverses rumeurs courent : pour sauver le LOSC, des commerçants seraient prêts à s’unir, des supporters se mobiliseraient, l’officiel comité des supporters serait prêt à intervenir. De plus, un comité de remplacement serait en gestation, ce qui suppose de faire place nette, c’est-à-dire que tous ses membres démissionnent.
Aucune personnalité ne s’est manifestée pour reprendre le club. Comme l’écrit Jean Chantry, de la Voix du Nord, « Le LOSC n’est pas mort, car il vit encore. Mais il est bien malade ».
Que faire quand on n’a pas davantage d’informations mais qu’il faut remplir un journal ? On va interroger des gens « dans la rue, au comptoir des cafés », ce qui est souvent une très mauvaise idée. Sur une pleine page (une « enquête » prétend le quotidien), sont présentées différentes remarques sur l’avenir du LOSC.
Ainsi, Henri Leblond, mieux connu par le surnom « Biloute1 », hôtelier place de la gare, souhaite un retour de Louis Henno à la tête du club, puis pose une question : « la municipalité subventionne – et fort largement – les théâtres municipaux. Pourquoi pas une équipe de football ? ». Notons que le LOSC a joué son premier match en nocturne à domicile en 1961. Cela fait dire à Biloute qu’à l’avenir, on pourra plus facilement jouer le soir, et ainsi « la sortie dominicale au bois de Phalempin est donc possible ».
Charles Kus, un ancien joueur de l’UST en de la fin des années 30 (en D2), suggère d’adopter la formule du Real de Madrid en recrutant quelque 15 ou 20 000 actionnaires dans la région lilloise, qui chacun verserait annuellement une somme de 20 nouveaux francs.
Marceau Sommerlynck, depuis son café-tabac du faubourg de Douai, confesse qu’il ne fréquente plus le stade Henri-Jooris : « « le spectacle n’est jamais beau quand une équipe faible essaie de se maintenir à tout prix : on joue dur pour prendre des points en début de saison et on bétonne pour ne pas en perdre top en fin de saison ». Lui n’envisage pas de soutien municipal pour le club : « un club pro, c’est une entreprise commerciale qui doit assurer un bilan équilibré. Si ce bilan n’est pas équilibré, c’est qu’il y a un vice d’organisation ! ».
Allez Marceau, la p’tite sœur ! Et vive l’alcool dans le football lillois !
Un étudiant en médecine considère que le LOSC peut disparaître. Il préconise une fusion avec le CORT.
Bref, chacun y va de son avis, et finalement on n’apprend rien de très intéressant, si ce n’est que le LOSC suscite manifestement encore de l’intérêt. Et que la Voix du Nord avait besoin de se moquer :
« Mme Ginette Van Houtte est receveuse à bord du Tramway « B », ce qui n’est absolument pas incompatible avec le football. Car Mme Van Houtte aime le football et, chaque semaine, elle s’intéresse aux résultats de… l’équipe des Traminots lillois.
Mme Van Houtte, qui est fivoise, ne se souvient pas de la grande équipe des années qui ont précédé la guerre, mais comme le LOSC a hérité pour moitié de la tradition du SC Fivois, elle s’est (modérément) attachée au LOSC, et ne veut pas qu’il disparaisse.
« Il faut faire quelque chose » dit-elle, mais elle ne sait pas quoi. »
Le 17 mai, le président du LOSC est reçu par le maire de Lille, Augustin Laurent. Il en ressort avec la promesse que la situation du club sera évoquée lors du prochain conseil municipal. De plus, il a proposé que soit organisée une souscription publique, à laquelle la mairie apporte sa caution morale, ça ne mange pas de pain, mais aussi, tout de même, un peu d’argent : « les nombreux amis de votre club ne voudront certainement pas manquer de témoigner la sympathie qu’ils portent au LOSC. La mairie de Lille, pour sa part, s’inscrirait en tête de liste, afin de prouver l’intérêt qu’elle porte à votre club », souligne le maire.
C’est toujours ça de pris, mais difficile d’y voir autre chose qu’un petit dépannage très provisoire, et d’imaginer que les problèmes de trésorerie s’envoleront avec la contribution de quelques généreux supporters.
Mais pendant que semble se dessiner une vague solution locale, le comité lillois discute par ailleurs, et une rumeur enfle le vendredi 18 mai : le LOSC fusionnerait avec Sedan ! Le nouveau club se nommera Union Sportive du Nord-Est.
Il s’avère que lors d’une réunion du comité directeur de la Ligue Nationale, dans l’après-midi, les présidents du LOSC et de l’UAST, Pierre Kles et Lucien Laurant, auraient décidé d’unir leurs destinées sportives. Car Sedan est aussi dans la mouise : voilà des mois que le club ardennais cherche un soutien municipal qu’il n’obtient pas.
Le soir-même, il se trouve que Sedan joue son dernier match de championnat… à Lens. La presse nordiste se précipite alors vers l’entraîneur des Sangliers, Louis Dugauguez, qui confirme le projet.
La nouvelle tombe donc officiellement le 19 mai :
Dans la presse nordiste, on peine à y croire : « la nouvelle est, a priori, ahurissante. Lille fusionne avec Sedan. Lancée comme cela, tout à trac, elle est incroyable, invraisemblable ». Et pourtant… !
Mais après ces considérations de sidération, la Voix du Nord trouve quelques avantages à cette idée. Le projet de protocole d’accord part du principe, en substance, que Lille n’a plus d’équipe et que Sedan n’a plus de club.
Dès lors, Sedan apporte à Lille « une équipe de grande classe » – qui est en D1 – et Lille apporte à Sedan « son public, sa renommée, et son stade ». Autrement dit, une équipe abandonnée par son public et sa municipalité – Sedan – s’exile chez un club structuré et soutenu localement mais qui n’a plus de bons joueurs – Lille. Il s’agit bien d’un recentrage de l’activité à Lille, car il est prévu que pour un match joué à Sedan, deux se tiennent à Lille.
Bien entendu, on regrette que cette idée d’union ne se réalise pas à une échelle plus locale, par exemple avec « Roubaix, Lens et même Valenciennes », mais elle paraît somme toute novatrice « à l’heure européenne ». On n’a pas trop compris cet argument, sauf si on considère que Sedan est au Luxembourg… ?
La Voix du Nord prend alors fait et cause pour le projet, indiquant qu’il faut bien s’adapter à la réalité économique : de toute façon, « la notion locale est aujourd’hui dépassée, atomisée ». D’ailleurs, il paraît que Rouen et Le Havre préparent quelque chose de similaire, et il faut bien admettre que Nîmes est désormais « le porte-fanion du Gard », et non d’une ville. Ainsi, « cette solution d’avant-garde est, tout compte fait, un pied-de-nez aux gens rétrogrades et cloîtrés et esclaves d’un chauvinisme borné (…) Qu’importe le nom si le football est beau (…) Sentimentalement, on regrettera presque la disparition du club losciste, encore que les sections amateurs garderont leur autonomie et qu’à tout moment, chacun pourra retourner à la situation antérieure (…) Certes, on éprouve un serrement au cœur. Il est dommage d’aller chercher loin ce que l’on aurait aimé trouver chez soi. Mais l’argent commande bien des choses, au vingtième siècle ».
Le comité directeur du LOSC a donné son assentiment, sous réserve d’un accord complet sur le protocole à établir. Le LOSC, tel qu’on l’a connu, s’apprête donc probablement à disparaître.
En réalité, il ALLAIT AVOIL’ 18 ans
Mais qu’en pensera le public lillois ? Du côté des joueurs, on s’incline 0-2 le soir-même au Red Star. La Voix du Nord commente : « il se pourrait que les bruits de fusion aient eu une répercussion involontaire sur le moral des joueurs qui, contrairement à leurs habitudes, pratiquèrent sans harmonie ».
Mais dès le mardi 22, volte-face : la presse annonce que le projet est déjà abandonné. Finalement, du côté lillois, le comité directeur n’a pas approuvé la démarche du président.
Voici le communiqué fourni à la presse :
« Le comité directeur du Lille O.S.C, réuni lundi 21 mai 1962 pour décider du principe de la fusion des sections professionnelles de football de Lille et de Sedan, après avoir entendu son président M. Kles, lui exposer que ladite fusion ne pourrait intervenir qu’après un accord complet sur un protocole à établir, déclare.
1) Ne pas donner suite au projet émanant de l’U.S. Sedan-Torcy ;
2) De maintenir le Lille O.S.C. dans le giron des clubs professionnels »
Dès le samedi 19, Kles a été mis en minorité par son comité directeur, qui ne voulait pas voir le LOSC disparaître. Il a alors remis sa démission… qui a été refusée. Décidément, il n’obtient rien de ce qu’il souhaite. La réunion a été houleuse, mais on en reste là avec, pour seule aide, cette souscription, qui n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan de dettes du club. Aucune autre solution n’est proposée.
La rapidité des opérations a de quoi laisser circonspect : Kles est-il à ce point désespéré ? Cherchait-il à créer une réaction ? Tout ceci n’est-il qu’une mise en scène du comité directeur pour mettre la pression sur la mairie, car après tout, Kles peut-il agir seul ? Ou n’y a-t-il réellement pas d’autre recours ?
Du côté de Sedan, on est déçu : dans les Ardennes aussi, rien n’est réglé. Lucien Laurant estime que « de nos deux misères, on pouvait faire un beau mariage. Nous avons la santé, Lille avait la beauté. Mais ce n’était peut être pas une idée dans l’eau. Une évolution des esprits permettra peut-être, plus tard, de reprendre la question, et d’établir des rapports concrets. C’est certainement dommage pour le public lillois qui perd la possibilité de retrouver une grande équipe ». Il avance aussi qu’à terme, cette fusion se serait certainement transformé en absorption en faveur du LOSC, eu égard au protocole envisagé : « laissez-moi vous dire que si le public lillois craignait une absorption du LOSC, il faisait fausse route car nous n’aurions pu, à brève échéance, être les majoritaires de cette entente. Le 2-1 (deux matches à Lille, un à Sedan) serait devenu un 3-0 par l’écrasante supériorité des recettes lilloises qui auraient fatalement fait pencher la balance vers Lille ».
Même son de cloche du côté de Louis Dugauguez : « cinq millions de recette par match à Lille, deux à Sedan. Cela fait, mensuellement, à Lille, 10 millions de recettes, contre deux à Sedan. À ce rythme, si les Lillois sont intelligents, nous passerons très vite à Lille. On ne peut pas lutter contre la loi des nombres, l’attraction des masses. Nous le savons, mais il n’y a pas d’autre solution pour nous. Aujourd’hui, nous ne craignons rien, mais dans deux, trois ans, avec la nouvelle répartition des recettes du championnat (chacun garde sa recette), nous serons exsangues. Alors voyons plus loin que le bout de notre nez, et essayons de sauver notre équipe. À Lille, elle vivra ».
Fernando D’Amico à la poursuite de Louis Dugauguez
(Source : Le Monde)
Mais désormais, le LOSC oppose un non catégorique. « Nous ne pouvions pas saborder notre club, laisser disparaître le LOSC » entend-on du côté du comité directeur. Ce à quoi la Voix du Nord rétorque que le sabordage est en train de se réaliser, et ce depuis plusieurs années : « chacun n’est-il pas l’artisan de sa fortune… ou de son infortune ? ». « Et si Sedan change d’avis, et dénonce l’entente ? » s’inquiète Jean Denis, pressenti à la présidence.
Et maintenant ?
Rien n’a changé, et le LOSC doit verser une caution de 6MF pour le 6 juin. Il y a bien toujours cette souscription publique. Une seule nouveauté, sur le plan sportif : la confiance à Jean Baratte est renouvelée pour la saison 1962/1963. Du moins, s’il y a une équipe à entraîner…
Dans la presse, on établit des parallèles entre les affaires commerciales et le sport. La Voix du Nord note que « on voit disparaître beaucoup d’usines, de commerces, qui datent de l’époque de grand-papa, qui s’allient à des maisons plus fortes, qui les soutiennent autant qu’elles les absorbent (…) il faut croire que l’évolution sportive est plus lente que l’évolution commerciale ». Du côté de Lens et de Valenciennes, également concernés par des problèmes de trésorerie, on repousse l’idée de fusion. Albert Huis, le président du Racing, envoie le communiqué suivant :
« Lens ne méconnaît pas les difficultés que connaissent certains clubs, et déplore certaines folies commises actuellement dans le football français. Mais en ce qui concerne une éventuelle fusion du RC Lens avec tout autre club, le club minier repousse catégoriquement cette idée qui n’aurait d’autre effet que de réduire le nombre de rencontres au stade Bollaert et éloignerait les sportifs. Lens souhaite, au contraire, intensifier son action sur le plan local et forme le vœu que sa municipalité, les groupements commerciaux, comprendront l’intérêt qu’ils ont à apporter au club une aide encore plus substantielle ».
Pour la Voix du Nord, cette option ne peut être que temporaire : « nous persistons à croire pourtant qu’un jour, il faudra bien y venir. Mais cela est une autre histoire, et il faudra que tombent des barrières désuètes, anachroniques ».
Pour compléter le concours Lépine du grand n’importe quoi, le RC Lens préconise des « jumelages ». Le club estime le déficit du football français à 1 milliard 300 millions d’anciens francs, la faute à un trop grand nombre de joueurs professionnels. Il s’agit de surmonter le souci psychologique (disparition d’un club) et le souci financier (dettes) : dans une même région, deux clubs peuvent se « jumeler ». Ils gardent leur autonomie juridique et financière, mais les professionnels et les stagiaires, tout en étant propriété exclusive de leurs clubs respectifs, seraient qualifiés indifféremment pour les deux clubs pour les rencontres de championnat. Cette double appartenance leur permettra de jouer dans les deux clubs, avec une priorité pour le club dans lequel ils ont signé leur contrat. On limiterait ce genre d’opération à 4 par match, le paiement des salaires se ferait au prorata des matches joués mais faudrait régler ça entre les deux clubs jumelés, ça réduirait le nombre de joueurs professionnels de 15 à 20%, et donc leurs charges sociales, et on aurait un championnat de meilleur niveau… Bref.
Le 25 mai, tombe enfin une bonne nouvelle : trois clubs, « émus par la situation du LOSC », proposent de venir jouer gracieusement à Henri-Jooris, en laissant l’entièreté des recettes aux Dogues. Il s’agit de Reims, du Racing de Paris, et de Valenciennes, qui constituent ainsi une « amitié rentable ». Et le FC Liège, contre qui un match était prévu de longue date le 30 mai, agira de la même manière, en venant avec ses internationaux belges : Guy Delhasse, Yves Baré, Jean-Marie Letawé, Victor Wegria.
Le 26 mai, le championnat de D2 s’achève avec un festival offensif : le LOSC bat Boulogne 6-3 (Lion, Tison, Zamparini, Fatoux, Zamparini, Petit/Baraffe, Douglas, Raspotnik). Le nombre de spectateurs ? 2 334 spectateurs. Autant dire que ce n’est pas avec cette affluence que le LOSC remplira les caisses…
Pour ouvrir le bal des (Fernando d’A)amicaux à Henri-Jooris, le LOSC affronte donc d’abord le FC Liège, le 30 mai. Mais « si un courant sentimental s’était manifesté en faveur de l’autonomie », il n’y a pas grand-monde dans les gradins, quelque chose comme 4 000 spectateurs. Pourtant, Lille a fait bonne figure face au quatrième du championnat belge : 2-2.
Le 3 juin, alors que la région lilloise est frappée par une vague de froid, le terrain est dégelé (!) pour recevoir Reims dans l’après-midi. Les Rémois, pourtant très sollicités avant de partir en tournée en Amérique du Sud, ont tenu à se déplacer à Lille, avec Kopa, Vincent, Wendling, Colonna ou encore Siatka. Les Champenois jouent au petit trot et le LOSC ouvre rapidement la marque par Lion (8e) ; « La gentillesse des Rémois était telle qu’un vieux supporter losciste cria peu avant la pause : Merci Reims ! Vas-y maintenant ! ». Mais « mieux vaut perdre un match et aider un ami tant financièrement que psychologiquement » : devant 6 000 personnes, Lille s’offre un succès de prestige. « Tout le monde était content : les Lillois qui avaient gagné, les Rémois qui n’avaient pas laissé trop de plumes, et la galerie qui avait assisté à une partie de bonne qualité dans l’ensemble ».
Le 6 juin, devant 5 000 personnes, le LOSC bat le Racing (4-0). Et enfin, le 14, Valenciennes vient gagner 4-1.
4 000 à 6 000 spectateurs lors de chaque match, les recettes sont bien maigres. Alors, dans l’immédiat, et comme ce sera souvent le cas jusqu’aux années 1990, la municipalité vient à la rescousse du LOSC. Elle lui fournit 7 millions (70 000 nouveaux francs est-il précisé) pour boucler la saison et repartir en 62/63. Au conseil municipal, les oppositions se font entendre : Landré (communiste) s’élève contre l’attribution à une société sportive qu’il estime mal gérée ; Minne (droite), ancien maire éphémère, n’est pas spécialement contre mais estime qu’on ne va pas aller loin avec 7MF.
L’équipe municipale n’est pas en désaccord avec ces remarques. Mais elle estime qu’il n’est pas possible d’ignorer la situation du LOSC. Elle lui a déjà consenti des prêts et participé à la rénovation de son stade.
Le 4 août 1962, le LOSC débute sa saison comme il avait terminé la précédente : défaite 1-4 en amical face à Valenciennes.
Grâce à des investissements de Jean Denis, le LOSC connait un répit sans éclat : il remporte le titre de D2 en 1964 puis reste 3 ans dans l’élite. Mais en 1967, nouveaux problèmes, nouvelle relégation, et le LOSC s’enfonce au point de plus parvenir à payer ses joueurs. Comme d’autres, il abandonne le professionnalisme en 1969.
Le point final d’une décennie à s’engluer (des Ardennes).
Note :
1 Biloute tenait Le Napoléon, face à la gare. Il était aussi gardien de buts de « l’équipe des 100 kg » de Lille : fourchette très basse pour lui, qui en pesait 140. Lors de son décès, début 1976, le Journal du LOSC salue ainsi sa mémoire : « grand buveur de bière, ardent supporter du LOSC, ami sincère, Biloute était une figure légendaire de notre région ».
NB : Les Sedannais s’en sortent en 1962 grâce à une souscription. Ils finiront par fusionner, avec le Racing Club de Paris, en 1967. Descendu en D2 en 1971, le club fera régulièrement l’ascenseur entre D1, D2 et D3 lors des années suivantes.
Posté le 24 février 2024 - par dbclosc
Anthologie d’un LOSC mauvais à l’extérieur
Certains commentateurs pointent chez le LOSC 23/24 une équipe à deux visages : conquérante et offensive à domicile, laborieuse et inefficace à l’extérieur. Voilà une bonne occasion de se pencher sur ces saisons où la différence entre performances à domicile et à l’extérieur a été particulièrement marquante.
Dans une saison, les matches à domicile rapportent généralement plus de points que les matches à l’extérieur : voilà une belle banalité pour commencer. Mais après tout, pourquoi est-ce si évident ?
Albert Carron, un chercheur américain, a dégagé dans une étude en 1992 quelques-uns des facteurs qui favorisent l’équipe recevante : en vrac, il s’agit de l’influence du public (y compris sur les arbitres), de la familiarité avec les lieux et des repères qu’on y a, du développement accru du taux de testostérone qui permet aux locaux d’être plus endurants, ou encore de la fatigue due aux déplacements.
S’il serait intéressant de voir cette étude actualisée à une époque où le football d’élite tend à une homogénéisation des conditions de jeu, on peut tout de même poser l’hypothèse que ces facteurs persistent, même marginalement.
Quoi qu’il en soit, c’est une constante dans l’histoire du LOSC en D1 depuis 1944 : sur une saison, les Dogues prennent toujours plus de points à domicile qu’à l’extérieur.
À une exception près : la saison 2020/2021 (37 points à domicile, 46 points à l’extérieur)1. Voilà qui pourrait donner raison à l’un des éléments avancés plus haut : dans des stades vides, l’absence d’hostilité à l’extérieur a-t-elle contribué au titre du LOSC ? Mais alors quid du manque d’encouragements à domicile ? Ou, hypothèse non-exclusive d’une autre, faut-il y voir plutôt y voir les caractéristiques d’une équipe ayant du mal à produire du jeu à domicile face à des blocs bas ?
À cinq reprises, le LOSC a été la meilleure équipe à l’extérieur d’une saison : 1946, 1948, 1951, 2011, 2021 (on répète : cela ne signifie pas qu’il prend plus de points à l’extérieur qu’à domicile ; il ne s’agit que d’un classement).
D’autres fois, les Dogues sont nettement mieux classés à l’extérieur qu’à domicile : 1989 (5e/10e), 1991 (5e/12e), 1996 (10e/20e), 2004 (6e/13e), 2008 (3e/11e).
Mais, complot oblige, certaines saisons ont vu un LOSC catastrophique à l’extérieur ; à 6 reprises, il a été l’équipe la plus mauvaise en déplacement (1966, 1975, 1977, 1990, 1993). Lors de 3 saisons, Lille est même incapable de gagner à l’extérieur (1966, 1977, 1979).
Au moment où cet article est écrit (février 2024), quelques voix s’élèvent pour pointer le différentiel entre un LOSC « à domicile » et un LOSC « à l’extérieur ». Les Dogues sont pourtant la 8e équipe à l’extérieur, ce qui signifie qu’il y en a 10 derrière. Il n’y a donc rien de catastrophique. Mais au-delà des éléments objectifs (les points pris), à en croire certains, on pourrait penser que Lille est désastreux à l’extérieur.
À vrai dire, cette impression a d’autant plus de chances d’être ressentie que, précisément, Lille est bon à domicile. Autrement dit, si le LOSC était moins séduisant à la maison, serait-t-on aussi sévère sur ce qu’il propose chez les adversaires ? On veut dire par là que la forte réussite dans un secteur a son revers : on voudrait qu’il en soit de même en toutes circonstances ; si ce souhait n’est pas accompli, naît alors un sentiment de frustration sur le mode « ils sont capables de tellement mieux ». On est donc toujours « bon » ou « séduisant » par rapport à une référence où la performance est maximale : est-ce une bonne manière de raisonner ? (on ne fait que poser la question). Si on partait du principe que notre équipe était moyenne, en prenant pour référentiel les déplacements, n’aurions-nous pas alors la réflexion de nous réjouir qu’elle soit capable de se sublimer dans ch’gros stade ?
En se détachant des préoccupations actuelles, on va s’arrêter sur quelques cas remarquables, dont on ne parviendra pas forcément à trouver les causes : il s’agit des saisons au cours desquelles on trouve une spectaculaire différence entre un LOSC performant à domicile et un autre LOSC atone à l’extérieur.
Que les pessimistes d’aujourd’hui se rassurent : un LOSC bon à domicile peut aussi se conjuguer avec un LOSC vraiment affligeant à l’extérieur. Retour en 1975, 1976, 1979, 1983, 1990 et 1995.
1974/1975
Pour son retour en D1, voilà l’une des saisons où le LOSC est la plus mauvaise équipe du championnat à l’extérieur : une victoire, deux nuls, et 16 défaites.
En revanche, à Henri-Jooris, les Dogues se placent 3es : 14 victoires, 3 nuls, et 2 défaites. Très rapidement, ils avaient battu Marseille (2-0), le PSG (5-0), Saint-Etienne (2-0), et Monaco (2-0), présentés comme des prétendants au titre. Cela semblait annoncer une belle saison, mais ce ne sera qu’une 13e place.
La coupe de France illustre bien cette inconstance : en 8e, défait à Marseille – 2e du championnat – au match aller (0-2), le LOSC parvient à l’emporter au retour, mais pas suffisamment (1-0).
1975/1976
En dépit de quelques changements à l’intersaison (arrivées de Mézy et Besnard, départ de Fouilloux), il faut croire que l’entraîneur Georges Peyroche a un petit souci lors des déplacements : ici, le LOSC signe 2 victoires, 3 nuls et 14 défaites (18e). Et encore : Lille remporte un de ses deux victoires à l’extérieur lors de la dernière journée, contre Monaco, relégable (3-4).
Mais à domicile, Lille est 6e : 12 victoires, 5 nuls, deux défaites. Le spectacle est tel dans le nouveau stade Grimonprez-Jooris que Bébel vient faire un petit coucou.
1978/1979
Voilà une saison bien singulière : Lille termine la saison 6e sans avoir jamais gagné hors de ses bases. À croire que le jeu chatoyant – en dépit de quelques coups de pompe – proposé par Arribas depuis son arrivée à l’été 1977 ne parvient pas à s’exporter.
Mais si le LOSC ne gagne pas à l’extérieur, il perd peu : seulement 7 défaites, et 12 nuls ce qui, dans un championnat où la victoire est à 2 points, n’est pas un immense handicap. En effet, sans victoire mais avec ces 12 points, le LOSC est 9e à l’extérieur !
À Grimonprez, les Dogues signent 11 victoires, 6 nuls, pour deux défaites (6e à domicile).
Si, cette saison-là, la victoire avait été à 3 points, le match nul aurait eu pour conséquence d’être une mauvaise affaire (par rapport à une victoire, on « perd » deux points au lieu de n’en « perdre » qu’un). Et Lille a bien profité de la règle car, avec une victoire à 3 points, le LOSC se serait classé 14e à l’extérieur, sans être beaucoup plus haut à domicile (5e). Et surtout, au classement général, il se serait classé 11e, à égalité avec Metz.
Quand nous pointions les ressemblances entre le LOSC d’Arribas et le LOSC de Fonseca, elles se trouvent aussi dans ce différentiel domicile/extérieur et, bien que les performances d’Arribas soient moins bonnes, elles lui sont relativement plus avantageuses que pour celles de Paulo en raison du nombre de points attribués par victoire (qui fait d’un nul un plus ou moins bon résultat).
1982/1983
La jeune équipe entraînée par Arnaud Dos Santos est-elle trop tendre pour résister aux émotions sur les terrains adverses ? Une fois seulement les joueurs du LOSC gagnent hors de Lille (à Brest, bouh les nuls), et ils y obtiennent 3 nuls. Et ce qui est formidable, c’est que Lille ne marque que 5 buts à l’extérieur cette saison-là. Cela place les Nordistes à la 18e place à l’extérieur.
Alors heureusement que les Dogues ont assuré à domicile : 7es, ils signent 12 victoires et n’encaissent que 9 buts à Grimonprez.
Entraîneur à moustache, pistache
1989/1990
Un nouvel entraîneur est arrivé dans des conditions rocambolesques : avec Jacques « à l’abordage » Santini, le LOSC se régale d’entrée avec 4 points pris à l’extérieur (0 victoire). Dans ces conditions, on comprend que le LOSC se classe dernier à l’extérieur.
À Grimonprez, le LOSC signe 12 victoires 5 nuls, et 2 défaites (5e à domicile). Lille termine 17e, 2 points devant le barragiste.
Entraîneur frileux, illustration
1994/1995
Avec des moyens très limités, l’étonnant n’est pas tant d’être nul à l’extérieur (1 victoire – pour le dernier déplacement, au Havre -, 5 nuls, 13 défaites) que d’être très performant à domicile (avec 12 victoires, 4 nuls et 3 défaites).
Spécialiste de la victoire 1-0 à domicile (10 !), Lille a un parcours d’européen à Grimonprez (4e) et de (quasi) relégable à l’extérieur (17e). Avec une équipe hyper-défensive misant surtout devant sur la rapidité d’Assadourian, difficile de faire mieux. Comme nous le disait Roger Hitoto : « on fermait, on pouvait sortir avec un match nul et parfois il y a une occasion qu’on arrivait à mettre au fond ». On en a davantage parlé ici.
Ne pas encaisser, ne pas marquer : on travaille dur à l’entraînement un audacieux 10-0-1 avec Cavalli en pointe
Note :
1 Dans des circonstances « normales », récemment – et uniquement récemment -, il n’y a pas eu une grosse différence entre les points pris à domicile et ceux pris à l’extérieur : 2016 (+6), 2017 (+2) et 2022 (+3).
Posté le 16 février 2024 - par dbclosc
Lille/Le Havre 1995 : la saison commence à la 10e journée
Après un début de saison 1995/1996 catastrophique (2 points en 9 matches), le LOSC signe sa première victoire lors de la 10e journée, contre Le Havre (2-0). L’opération-maintien peut commencer. Et au-delà, l’opération-survie.
Défaites à Bordeaux, contre Bastia, contre Guingamp, à Cannes, à Monaco, contre Lens, à Gueugnon ; nuls à Saint-Etienne et contre Nantes ; 9 matches, 5 buts marqués, 17 encaissés, 2 points. On appelle ça un début de saison de merde : c’est le LOSC 95/96.
Pourtant, la saison précédente avait été très correcte : même s’il avait fallu se battre jusque tard pour assurer le maintien, le LOSC avait fait preuve d’une grande solidité à Grimonprez-Jooris (4e équipe domicile avec seulement 3 défaites et 12 buts encaissés), et avait terminé avec 3 victoires consécutives, dont une dans le derby. En somme, le club semblait être sur une pente ascendante, après quelques saisons très fades.
Mais entretemps, l’intersaison a été complètement foiré : en raison de restrictions budgétaires, et même si la DNCG a accordé au LOSC une petite enveloppe, il a été impossible de retenir Bonalair ou Assadourian. Le LOSC recrute pourtant rapidement des joueurs libres, mais dont le rendement s’avère en deçà des espérances, et pas qu’en début de saison : Germain avec ses kilos en trop, Périlleux avec ses années en trop, et Meszöly avec ses pieds en trop, n’ont pas franchement réussi. Le LOSC met un temps fou à trouver des joueurs corrects, en effectuant pas moins de 7 essais ! L’un deux est censé être le « buteur qu’il manquait » : Frank Pingel, mais il semble davantage avoir été pris parce qu’il était dispo. À ses côtés en attaque, Amara Simba est d’une invraisemblable maladresse. Il y a bien Thierry Rabat, présenté comme un joueur d’expérience, mais il manque les 8 premiers matches pour blessure, et ceux qu’il jouera ensuite feront presque regretter qu’il se soit rétabli. Si l’on ajoute à cela la fébrilité de Jean-Claude Nadon, qui se troue à plusieurs reprises, un Friis-Hansen qui semble avoir la tête ailleurs depuis qu’Auxerre a renoncé à le recruter au profit de Laurent Blanc, eh bien le LOSC a perdu sa solidité défensive tout en trouvant le moyen de marquer moins.
T’as pas oublié un truc Jean-Claude ?
Comme le LOSC était perçu comme meilleur que la saison précédente, avec l’arrivée de deux « buteurs » avec Sibierski derrière (alors qu’en 94/95, on avait des attaquants peu prolifiques – C. Garcia, Farina – et pour seul véritable poison un joueur excentré – Assadourian), l’impression de chute est encore plus grand.
À l’arrivée, le mercato ne semble avoir apporté de plus-value sportive que pour trois joueurs : Jean-Marie Aubry (mais dont l’arrivée a sans doute perturbé Nadon) ; Patrick Collot (l’autre « essayé » qui a été conservé, mais il manque une partie du début de saison, blessé aussi) ; et Pascal Cygan (mais il lui faudra trois ans pour se stabiliser dans la défense centrale à l’arrivée de son 5e entraîneur au LOSC). On a évoqué ce bel été dans cet article.
Joël Germain, Frank Pingel, Geza Meszöly, Philippe Périlleux
Ainsi, dès mi-août, Bernard Lecomte, président depuis avril 1994, a des mots très durs après la défaite contre Guingamp (0-3) : « j’ai tenu à faire part aux joueurs de mon mécontentement. Je leur ai expliqué qu’ils avaient cassé tout ce qui avait été fait par l’équipe dirigeante, le staff technique et eux-mêmes, depuis un peu plus d’un an (…) J’avais accordé tout ma confiance à Jean Fernandez pour le recrutement, et nos espoirs ont été fort déçus . J’ai donc demandé aux joueurs de prendre leurs responsabilités et je leur ai dit que je m’étonnais que des professionnels baissent les bras de la sorte. À chaque fois que nous prenons un but, ensuite, c’est la débandade. Je vous avoue que je ne décolère pas depuis le match contre Guingamp. Je donne rendez-vous après le match contre Cannes ». Il convient de bien comprendre qu’au-delà de la déception liée aux résultats, le président est très inquiet pour la survie du club, qu’une descente en D2 pourrait compromettre. On y revient plus bas.
Alors nous voilà à Cannes, 5e journée : défaite 1-2. Un seul point en 5 matches, Jean Fernandez est limogé ; son adjoint, Jean-Michel Cavalli, le remplace.
Quatre journées plus tard, le LOSC a pris un point de plus. Ce n’est pas beaucoup. Mais là où Fernandez prenait 0,2 point par match, Cavalli en prend 0,25. C’est mieux. On peut donc raisonnablement estimer qu’en maintenant ses performances, le LOSC terminera la saison avec 9 points. Pas sûr que ça suffise au maintien, d’autant qu’après cette 9e journée, les 17e, 18e et 19e ont déjà 9 points.
À l’aube de cette 10e journée, le LOSC est donc dernier. Avec un tel retard, on ne donne pas cher de la peau des Dogues pour se maintenir dans l’élite. Et Bernard Lecomte ne décolère pas et regrette d’avoir trop délégué à Jean Fernandez :« j’assume mes responsabilités. À l’intersaison, j’ai pensé qu’il fallait laisser Jean Fernandez agir. À mes yeux, c’était un gage de réussite. Je ne suis pas encore assez technicien pour avoir des avis. Cela dit, Thierry Bonalair, je l’aimais bien. Ça m’aurait fait plaisir qu’il reste. Comme Assad d’ailleurs. Parallèlement, Jean m’a dit que faire venir des gens qui ont de la bouteille, ce n’était pas mauvais pour les jeunes. Il y avait une certaine logique là-dedans. Je lui ai fait confiance. À présent, des voix s’élèvent. Mais à l’époque, personne n’a bougé ».
Toutefois, Jean-Michel Cavalli, lui, garde une certaine confiance.
Comme on l’entend dans ce reportage, il va y avoir du changement sur le terrain : dans le but, Nadon est évincé. Il restait, en championnat, sur 145 titularisations consécutives/145 matches complets. Jean-Marie Aubry, arrivé d’Angers à l’intersaison, le remplacera.
Et devant, Frank « balourd » Pingel est parti, sans demander d’indemnités, il aurait plus manqué que ça. « Un joli flop » commente la Voix du Nord, qui s’ajoute à la liste des mauvais Doukisor.
Ce départ précipite la venue d’un joker. C’est un joueur que le LOSC aurait pu recruter pendant l’été : le Monténégrin Miladin Becanovic, dont on a spécifiquement parlé ici. Il avait joué une mi-temps lors d’un match amical contre l’UNFP. Face à une opposition certes faible, il avait inscrit deux buts. Mais cela n’a pas été suffisant pour mettre la puce à l’oreille des dirigeants. Becanovic est alors parti faire un essai de 10 jours à Nantes, au terme duquel il n’a pas été retenu non plus. Désormais sans club, son prix a été revu à la baisse. Cavalli l’assure : « je crois savoir qu’on regrette, à Nantes de ne pas l’avoir pris ». Tu m’étonnes : pour remplacer Loko (22 buts en 94/95), ils ont pris Kosecki qui, pour le moment, n’a inscrit qu’un but, et terminera la saison à 2.
Voilà donc les Normands, mieux lotis – forcément – mais pas pour autant flamboyants : 16èmes, ils ne comptent que 10 points. Autant dire que si Lille ne parvient pas à battre ce genre d’équipe, le maintien deviendra quasiment mission impossible. Mais attention : les Havrais restent sur deux victoires consécutives.
Devant officiellement 5 643 spectateurs, ce qui est et restera la plus faible affluence de la saison1, le LOSC se présente avec la composition suivante :
Aubry,
Hitoto, Rabat, Dindeleux, Lévenard ;
Collot, Périlleux, Friis-Hansen ;
Sibierski ;
Boutoille, Simba.
Sur le banc : Becanovic, Duncker, Carrez, Cygan, Duncker, Nadon
Du côté havrais, deux anciens lillois : Claude Fichaux et Lyambo Etshélé.
On a vite l’occasion de savoir si Jean-Marie Aubry assure : un puissant coup-franc de Bertin est dégagé des poings par le gardien lillois.
6e minute : dans le camp havrais, Friis-Hansen transmet à Sibierski, qui se retourne et lance Simba sur le côté gauche ; Amara, bien évidemment glisse et se casse la figure, mais son centre en retrait du gauche trouve tout de même le point de pénalty d’où Sibierski conclut du plat du pied : 1-0 ! C’est la deuxième fois de la saison que Lille ouvre le score, et c’est aussi la deuxième fois qu’il mène.
Le but sur Fréquence Nord :
11e minute, événement : le LOSC est toujours devant. La dernière fois qu’il avait mené, ça avait duré 4 minutes (contre Lens). Record battu.
Il y a beaucoup d’occasions des deux côtés : les Havrais se heurtent à un Aubry très en réussite, et manquent une tête aux six-mètres alors que le but semblait tout fait ; et du côté lillois, Boutoille multiplie les occasions mais tombe aussi sur un grand Revault. À ce moment, Djezon n’a pas encore débloqué son compteur en D1 et, si sa vivacité est saluée, son incapacité à marquer commence à être problématique. Quant à Simba, seul aux 6 mètres après une remise de Sibierski, il parvient à frapper à côté et poursuit avec brio son challenge « je la mettrai pas ».
1-0 à la pause : on croise les fesses.
La deuxième période est surtout celle des Havrais. Les Lillois sont combatifs, et c’est déjà beaucoup, mais il y a peu d’enchaînements collectifs et beaucoup de déchets technique. L’équipe semble néanmoins mieux équilibrée grâce à la montée de Friis-Hansen au milieu et à l’apport de Thierry Rabat en tant que « grand frère » indique la Voix du Nord. Cette fois, les insuffisances des Dogues sont rattrapées par un gardien très performant : Aubry remporte deux duels face à Caveglia, puis Daury.
Vers l’heure de jeu, Cygan remplace Friis-Hansen puis Duncker remplace Collot. Sur l’une de ses rares occasions, Lille passe à deux doigts de marquer un but formidable : sur un centre d’Hitoto, le retourné de Sibierski termine sur le poteau.
À la 77e minute, Boutoille, vaillant mais malheureux, sort, et entre celui qui est attendu tel le messie : Miladin Becanovic. Seulement, à un moment où le LOSC est recroquevillé derrière et cherche à préserver le score, aura-t-il l’occasion de se montrer ?
Sur une ultime sortie du LOSC, Simba parvient à centrer vers Becanovic qui contrôle, s’amuse avec Fichaux et place une frappe à 8 mètres qui, malgré le retour désespéré d’un défenseur, termine au fond (2-0, 90e). Le LOSC a gagné !
Le but sur Fréquence Nord :
Soulagement général à Lille, même si le chemin est encore long. Jean-Michel Cavalli : « les joueurs ont compris mes décisions. Sans cela, il n’était pas possible de viser la victoire (…) Ce groupe avait la fièvre. Aujourd’hui, celle-ci a un peu baissé, car une victoire est venue éclaircir l’horizon. Avec une équipe inédite, on a relevé la tête. Je retiens aussi la dernière minute du match. Ce but de Becanovic, cette communion avec le public. On aura besoin de tout le monde cette saison et ces gens heureux nous aideront, j’en suis sûr ».
Dans la Voix du Nord, Becanovic est encensé : « ce joueur-là n’a pas besoin de deux occasions pour décrocher le gros lot. Physique d’athlète, bonne technique, sens du but. Quand il aura retrouvé son poids de forme et la plénitude de ses moyens, le nouveau Lillois devrait être encore plus performant. Une garantie-or, semble-t-il ».
Après 9 journées la tête sous l’eau, le championnat du LOSC semble donc commencer ce vendredi 22 septembre, avec deux mois de retard. Une semaine après, le LOSC n’encaisse pas pour la première fois à l’extérieur (0-0 à Montpellier), puis bat Strasbourg quelques jours plus tard, grâce à un doublé de Simba et, surtout, grâce à des prouesses de Jean-Marie Aubry. Grâce à 3 matches enfin réussis, le LOSC n’est plus dernier.
Par la suite, l’attaque du LOSC restera très faible (27 buts sur la saison), et il ne fallait pas trop s’emballer dans l’immédiat pour Becanovic, du moins pour ses qualités de buteur : il ne marquera que deux autres buts dans la saison (en coupe de la Ligue). Mais la défense du LOSC se montrera plus solide, ce qui n’obligera plus le gardien lillois à sauver son équipe cinq fois par match. La saison sera difficile jusqu’au bout (départ de Friis-Hansen en octobre, nouvel ajustement de l’effectif avec la venue d’Abed en janvier), en dépit de quelques coups d’éclat (victoires à Auxerre, à Nantes, à Paris). N’oublions pas qu’au soir de la 34e journée, le LOSC est 19e… Comme nous l’avait dit Patrick Collot : « On avait tant ramé… Cette année-là, on n’aurait jamais dû se maintenir ». Par miracle, trois victoires consécutives aux 35e, 36e et 37e journées (comme en 2018) sauvent le LOSC.
À partir de la 10e journée, le LOSC aura ainsi obtenu 37 points en 29 matches, et donc 39 au total. Il y aura une 19e saison consécutive dans l’élite pour les Dogues.
Quelques observations :
_Les seuls 37 points marqués à partir de la J10 n’étaient pas suffisants pour se maintenir : Gueugnon, premier relégable (18e), a terminé avec 38 points. Le LOSC en a obtenus 39, avec une moins bonne différence de buts que Gueugnon. Les deux points de l’été auront fait la différence, merci Fernandez !
_Si la moyenne de points pris de la 10e à la 38e journée (1,27) s’était déclenchée dès la première journée, le LOSC aurait terminé avec 48 points (comme la saison précédente), mais en se classant 11e (14e en 94/95).
_De la 10e à la 34e journée (avant les 3 victoires consécutives), le LOSC a marqué en moyenne 1,12 points par match, ce qui restait tout de même fort faible. Si cela avait duré jusqu’à la J38, le LOSC aurait marqué 32 points. Avec les 2 points du début de saison, ça aurait fait 34, soit le total du dernier (Martigues).
En fin de saison, après la victoire contre Nice (J35), Bernard Lecomte, observant un certain soulagement à l’idée que le LOSC n’était peut-être pas mort sportivement, en avait profité pour rappeler la situation financière du club, d’abord dans la presse écrite puis, dans la semaine, sur France 3. Et on comprend bien que le maintien du LOSC en D1 n’est pas qu’une question sportive. Voici la transcription d’un extrait du JT régional :
« Nous avons fait un travail considérable depuis deux ans. Nous avons le satisfecit de la DNCG et du Tribunal de commerce. Nous reconstitutions la santé financière de ce club et nous devrions être assainis en 1998. Alors nous sommes en colère lorsque, sur le plan sportif, ça met l’édifice en péril. Le LOSC reste un club subventionné, par la communauté urbaine, par la région. Si nous devions descendre en D2, il y a aurait indéniablement un gros problème financier. Je le signale ici après mon cri d’alarme dans la presse : l’équation financière serait tout autre. Je ne dis pas qu’elle sera insoluble, mais elle sera très difficile à résoudre. Et là, on verra si le mouvement de sympathie et d’engouement que je sens autour du LOSC se concrétisera sur le plan financier.
Ça voudrait dire qu’il peut y avoir un dépôt de bilan ?
Les risques ne sont pas exclus. Je m’acharnerai à ce que ça n’arrive pas. Mais on a besoin de l’aide de beaucoup de monde. En attendant, la solution, c’est de marquer des buts. C’est en jouant en D1 que nous pourrons continuer à retrouver une santé financière ».
Une relégation du LOSC en 1996 aurait posé clairement la question de la survie du club. Ce maintien était donc indispensable pour bénéficier une année de plus de conditions relativement bonnes pour désendetter le club et, par exemple, vendre Sibierski à bon prix à l’intersaison. Un mercato puis un début de saison complètement manqués auraient pu enterrer le club. Mais, même en ne jouant que trois quarts du championnat, le club, sur un fil depuis des années, a repoussé une sombre échéance.
Un an plus tard, le LOSC a fini par descendre, mais cette relégation a été un problème bien plus sportif qu’économique. On soufflerait presque.
Un résumé du match :
Note :
1 Depuis, en championnat, cela reste à ce jour la plus faible affluence pour un match du LOSC à domicile en D1. Entretemps, seul un match de D2 en décembre 1998 attirera moins de spectateurs (Lille/Niort, 5 322 spectateurs).
Citations extraites de la Voix du Nord et de la Voix des Sports.
Posté le 11 février 2024 - par dbclosc
Un sacré coup de pompe. Quand le LOSC d’Arribas craquait à l’heure de jeu (1978-1982)
Nous avons déjà parlé du LOSC de José Arribas. Récemment, ça avait été pour rappeler la parenté entre le LOSC de la saison dernière avec celui de José de la saison 1978/1979. Il y a plus longtemps, on avait évoqué que, sous la direction de l’entraîneur d’origine espagnole, les Dogues commençaient bien mieux leurs saisons qu’ils le les terminaient. On va parler aujourd’hui d’une autre réalité du club lillois à l’époque : pendant les quatre années du LOSC en D1 avec Arribas (1978-1982), le LOSC se montrait solide jusqu’à l’heure de jeu puis connaissait dix minutes difficiles où il craquait souvent.
Pour son retour en D1 en 1978, le LOSC reçoit le Nancy de Michel Platini à Grimonprez-Jooris. Si les Lillois ouvrent rapidement le score par Pleimelding, ça se gâte rapidement, Rouyer (18è, 28è) puis Rubio (34è) donnant deux buts d’avance aux Nancéens. Ce sont pourtant les Lillois qui vont l’emporter (4-3), réduisant d’abord l’écart par Simon (43è), puis égalisant et repassant devant dans le dernier quart d’heure grâce à des buts de Dos Santos (78è) puis encore de Simon (89è). Des débuts en trompe l’œil, le LOSC d’Arribas montrant dans la durée bien davantage de difficultés à finir ses matchs qu’à les commencer.
« Heeey !!! Salut !!! Ca va ??? Ca faisait longtemps !!! » Pierre Pleimelding visiblement ravi de retrouver la D1 avec le LOSC
Comme on le voit sur le graphique suivant, à l’exception des 10 premières minutes, le LOSC marque davantage qu’il n’encaisse pour chaque tranche de dix minutes jusqu’à l’heure de jeu au cours de la saison 1978/1979. Les Lillois craquent alors particulièrement souvent entre la 61è et la 70ème minute de jeu, craquant défensivement puisqu’ils encaissent 16 buts, soit autant que lors de la demi-heure précédente.
En calculant le nombre de points à partir des scores à l’heure de jeu, le LOSC aurait obtenu 44 points, soit 4 de plus que ce qu’il a en définitive obtenu. Les Lillois ont en outre perdu un point après l’heure de jeu contre Metz et Monaco, deux équipes qui ont terminé peu devant le LOSC, justement avec 44 points. Avec ce point en moins, les Messins et les Monégasques auraient terminé à 43 points : c’est dire que, au regard de ses performances sur la première heure de jeu, les Dogues étaient proches de cette 4ème place qualificative pour l’Europe. Ultime preuve, s’il en fallait encore, du Grand Complot Contre le LOSC ©, les règles font durer les matchs 90 minutes alors que l’évidence voudrait qu’ils en durent 60 (déjà parce qu’on est vachement fatigués après, moi en tout cas (1)).
José Arribas, impuissant mais pas résigné face au Grand Complot Contre le LOSC ©
La saison suivante débute différemment, Lille perdant certes un point après l’heure de jeu contre Strasbourg (6ème journée), mais en gagnant également contre Nice (7ème journée) et Bordeaux (8ème journée). Les choses semblent rentrer dans l’ordre du complot les deux journées suivantes, Lille perdant d’abord le point du match nul en fin de match à Lyon (2-2 puis 4-2), puis se contentant du nul contre Marseille, Zambelli égalisant à un quart d’heure du terme (1-1). Lille semble toutefois trouver le remède contre Paris quatre journée plus tard : menés 2-1, à l’heure de jeu, les Dogues renversent leur adversaire grâce à des buts de Delemer (65è), Henry (78è) et Cabral (88è) ! Après 20 journées, Lille a gagné un point de plus après l’heure de jeu qu’il n’en a perdu. Les Dogues auraient-ils trouvé la clé contre le complot ?
Las, la suite va toutefois montrer que les Lillois sont davantage en difficulté en fin de match, le LOSC perdant 4 nouveaux points après l’heure de jeu pour n’en gagner qu’un seul sur la même période. Comme on le voit sur le graphique suivant, le LOSC présente une différence de buts positive lors de la première heure de jeu (34 pour et 30 contre), puis nettement négative lors de la dernière demi-heure (11 pour 19 contre).
Si c’était défensivement que le LOSC avait craqué après l’heure de jeu en 1978/1979, c’est surtout offensivement qu’il se retrouve en difficulté en 1979/1980. Rapporté à temps égal, il marque ainsi 35 % de buts en moins après l’heure de jeu. Il encaisse également un peu plus, mais dans des proportions plus modestes (20 % de plus). Une statistique particulièrement remarquable tient à la différence existante entre les deux saisons dans la tranche de 10 minutes suivant immédiatement l’heure de jeu : en 1978/1979, Lille y marque 8 buts pour 16 encaissés (24 au total), la saison suivante, elle n’en encaisse que 4, mais n’en marque … qu’un seul ! Le point commun à ces deux saisons est que le passage de l’heure de jeu est concomitant d’une baisse de performance très nette des Dogues, mais elles se différencient très fortement par la forme prise par cette chute de performance.
Une hypothèse est que ce que l’on observe en 1979/1980 est le produit de l’observation de ce qui s’était passé la saison précédente. Le LOSC de l’époque était ainsi réputé pour la qualité de son jeu et sa volonté d’aller toujours de l’avant, parfois au risque de laisser des espaces derrière. Tout en voulant rester fidèle à sa vision du jeu, peut-être Arribas a-t-il voulu mettre de l’eau dans Thauvin : constatant que les Lillois subissaient une nette baisse de régime à l’heure de jeu, les membres du staff auraient conseillé aux joueurs de se montrer particulièrement prudents à ce stade de la partie (qui a lieu au stade), là où les Dogues avaient continué à jouer l’offensive malgré leurs difficultés physiques, avec le résultat que l’on sait. Sans enrayer le déclin observé à l’heure de jeu, le fait de fermer le jeu à ce moment de la partie limite certes les chances de marquer, mais permet surtout de considérablement limiter la casse derrière.
1980/1981 : un « coup de pompe » qui aurait pu coûter le maintien
Cette fâcheuse tendance des Lillois d’Arribas à galérer en fin de match aurait pu coûter bien cher au club au cours de la saison 1980/1981. Cette saison là, le LOSC termine à la 17ème place tout juste devant Tours qui est barragiste. Qu’entendons-nous par « tout juste » ? Vraiment tout juste en fait, Lille obtenant le même nombre de points que les Tourangeaux (31), encaissant exactement autant de buts (71) et marquant … 1 but de plus en tout et pour tout !
Cette tendance au « coup de pompe » à l’heure de jeu n’a en effet pas été contredite lors de la troisième saison dans l’élite du LOSC d’Arribas. Comme on le voit sur le graphique suivant, les Lillois ont très vite perdu des points après l’heure de jeu, le premier dès la troisième journée. Dès la 7ème journée, ils en étaient déjà à 3 points de perdus.
Lille a ensuite réussi à stabiliser et même légèrement réduire ces points perdus dans la dernière demi-heure, le LOSC n’ayant plus perdu « que » deux points sur cette période au soir de la 23ème journée de championnat. Lille retombe ensuite dans ses travers, finissant avec 5 points de perdus dans la dernière demi-heure, ce qui lui fait vivre une fin de saison éprouvante. C’est encore au cours de la tranche entre la 61ème et la 70ème que les Lillois se retrouvent en plus grande difficulté, encaissant durant cette période exactement deux fois plus fréquemment que lors de la première heure de jeu.
Vieux motard que j’aimais : Arribas trouve la solution en 1981/1982
A-t-on observé la même tendance au cours de la saison 1981/1982, la dernière de José Arribas sur le banc du LOSC ? Le début de saison pourrait laisser penser que oui. Dès la 3ème journée, Lille s’incline en fin de match sur un but de Rubio (85è) alors qu’il tenait le match nul. Contre Bordeaux lors de la 8ème journée, les Lillois échouent à l’emporter, René « football champagne » Girard égalisant à moins d’un quart d’heure du terme, répondant au but d’Henry. Lors de la 11me journée, c’est carrément deux points que les Dogues perdent dans la dernière demi-heure, Milla égalisant d’abord (61è) avant que Ihily ne donne l’avantage aux Bastiais (76è, 3-2).
Et pourtant, cette saison-là, le nombre de points théoriquement obtenu après 60 minutes (34) est strictement identique à celui réellement obtenu au final. Contre Metz (16ème journée), Lille l’emporte grâce à un but de Engin « Tony » Verel (65è). Rebelote deux journées plus tard contre Paris, Muslin donnant la victoire (2-1) aux siens grâce à un but inscrit à un quart d’heure du terme. Lille ne l’emporte pas contre Auxerre lors de la 20ème journée, mais récupère le match nul après l’égalisation de Péan (85è) qui répond à Szarmach (57è). Le scénario est très proche contre Nancy lors de la journée suivante, Rubio (décidément!) ouvrant le score peu avant de l’heure de jeu, Verel égalisant en fin de match (88è). Lille clôt là une période inédite sous le règne d’Arribas en D1, l’équipe prouvant qu’elle est aussi capable de très bien finir ses matchs, parvenant à gagner 4 points en fin de match en 6 rencontres seulement.
Se termine alors une période de 5 ans du LOSC sous le règne de José Arribas. Le LOSC n’a pas passé le cap qu’on aurait pu espérer après deux premières années presque parfaites, marquées d’abord par un titre de champion de D2 puis par une sixième place inespérée pour le retour dans l’élite française. Surtout, si le LOSC a réussi ces belles performances, c’est sans jamais renoncer à développer un jeu chatoyant et particulièrement plaisant pour le public, quitte à perdre parfois en efficacité. C’est sans doute aussi cette philosophie toujours tournée vers le jeu qui a contribué à expliquer les difficultés rencontrées en fin de match, là où d’autres entraîneurs se seraient montrés plus « pragmatiques ». Se rappeler cette époque et cette philosophie n’est pas inutile tant les logiques de rationalisation de la pratique du football tournée vers une logique de maximisation des performances a pris une place croissante. Certes, tout fan de foot souhaite voire son équipe l’emporter quand débute une rencontre, mais l’essentiel n’est jamais là. On a ensuite pu aimer des LOSC perdants, on a aimé le LOSC vainqueur de Vahid, non pas tant parce qu’il gagnait que parce que ses victoires se sont construites sur des valeurs en lesquelles on se reconnaissait. On a enfin pu trouver bien fade un LOSC pourtant gagnant, faute de se retrouver dans l’état d’esprit impulsé par les dirigeants. C’est déjà cette leçon que nous enseignait José Arribas.
FC Notes :
(1) Remarquons que l’auteur de ces lignes étant déjà crevé après l’échauffement, son argument n’est peut-être pas si solide que ça.
Posté le 6 février 2024 - par dbclosc
Insolite : clean sheet pour Arphexad
Gardien n°2 du LOSC en 1996/1997, Pegguy Arphexad possède probablement le pire ratio buts encaissés/matches joués avec les Dogues : 3. Et pourtant, il y a eu un clean sheet : c’était pour son premier match avec les Dogues, en 16e de finale de coupe de France contre Lyon. Et il avait été sacrément bon. Tout le contraire de ce qu’il a ensuite montré.
L’histoire de Pegguy Arphexad avec le LOSC commence probablement le 16 septembre 1995 : ce soir-là, Lille s’incline chez le promu gueugnonnais (1-3). Comme depuis le début de saison, les Dogues ne montrent rien, et les voilà derniers au soir de la 9e journée, avec seulement 2 points. Le premier adversaire est déjà à… 7 points. Et surtout Jean-Claude Nadon, le gardien du LOSC, est encore passé à côté de son match. Sa responsabilité est clairement en cause sur 2 des 3 buts des forgerons. La semaine précédente, il avait oublié de détourner une frappe de Meyrieu, pourtant pas bien dangereuse, et le derby avait été perdu à domicile (1-3). Ainsi, le remplacement de Jean Fernandez par Jean-Michel Cavalli à la mi-août semble n’avoir rien changé à la catastrophique dynamique de l’équipe. Alors, à la veille de recevoir Le Havre le 22 septembre, Cavalli innove : exit Nadon, Jean-Marie Aubry sera titulaire.
L’arrivée de l’ex-gardien angevin avait surpris : Nadon, lillois depuis 1989, a certes connu des hauts et des bas, mais sortait de deux saisons irréprochables dans le but lillois. Le recrutement d’un gardien confirmé l’a-t-il perturbé ? Toujours est-il qu’on ne reverra plus Jean-Claude Nadon sous le maillot lillois qu’en coupes (3 tours de coupe de France, où il en profite pour détourner un péno dans le jeu à Nancy, et pour qualifier le LOSC aux tirs aux buts contre Monaco ; et deux tours de coupe de la Ligue). Jean-Marie Aubry fait en effet une brillante saison, et il sera de nouveau titulaire pour la saison 96/97.
« Au revoir et merci Jean-Claude ! »
À 32 ans, Nadon s’interroge. Il n’a manifestement plus d’avenir à Lille. Un joueur de sa trempe peut-il se contenter d’un statut de remplaçant ? C’est alors que peu avant la reprise du championnat, au moment où on l’imagine tout de même rester, il reçoit un coup de fil de Gervais Martel. Il se trouve que Guillaume Warmuz s’est gravement blessé en fin de saison dernière, et qu’il sera indisponible jusqu’à l’hiver. Le RC Lens a donc besoin d’un gardien de but confirmé pour assurer l’intérim. Aux chiottes la rivalité : Nadon accepte. Il déclare dans le magazine du RC Lens1 : « quand le président Martel m’a appelé, j’ai d’abord été surpris puis ravi. Il m’a précisé ce qu’il attendait de moi. J’ai accepté. Pensez donc, jouer à Lens, à Bollaert, son public, son 12e homme… ça m’a redonné le moral, du baume au coeur pour jouer ma passion à fond ».
En partant à Lens, Nadon plonge encore du mauvais côté
Oui mais problème pour le LOSC : il n’y a plus de doublure à Jean-Marie Aubry. Il y a bien Grégory Legrand, le gardien de la réserve, mais il n’a que 21 ans et n’a jamais joué en équipe première.
Alors pour « remercier » le LOSC d’avoir vendu Nadon sans compliquer les choses aux Lensois, Gervais Martel rend la pareille, si l’on peut dire, en proposant le prêt de la doublure de Guillaume Warmuz : elle (la doublure) s’appelle Pegguy Arphexad, et a 23 ans. Il a jusqu’alors une carrière de doublure, voire de triplure.
Formé au Stade Brestois, il rejoint le Racing en 1992. Quand Warmuz se blesse le 27 avril 1996, il entre en jeu : ce sont ses débuts en D1. Après ces premières trente minutes, il joue en tant que titulaire les deux derniers matches de la saison, le temps d’en prendre 5 à Cannes (2-5), puis un contre Le Havre (1-1).
Mais en lieu et place d’un gentlemen agreement entre clubs voisins, cette interversion de gardien va plutôt s’apparenter à un échange de mauvais procédés, comme le LOSC l’a fait un temps avec les clubs normands, en refourguant ses boulets et en prenant ceux des autres.
D’abord parce que, du côté de Jean-Claude Nadon, l’intérim ne se passe pas très bien : après un début de saison très réussi, le RC Lens glisse lentement vers le ventre mou ; parce qu’il se blesse et manque les journées 13 à 17 (il manque ainsi le déplacement à Lille) ; et parce que pour son dernier match avec Lens, il passe à la postérité pour une raison malheureuse : il est le premier gardien à encaisser un but d’un de ses collègues en France (hors coups de pied arrêtés). Bravo Grégory Wimbée !
Et ensuite parce que, dans l’autre sens, Pegguy Arphexad apporte une contribution non-négligeable à la dégringolade du LOSC, qui l’amènera en D2. Au point que sa « performance » lensoise (6 buts encaissés en 210 minutes de jeu, soit un toutes les 35 minutes) va être « battue.
Et pourtant, tout avait bien commencé.
Le 4 février 1997, le LOSC se qualifie pour les 16e de finale en battant Marseille, à Valence (1-0). Une victoire au prix fort : Jean-Marie Aubry, au bout de lui-même, réussit des exploits en fin de match alors qu’il est blessé. Il va manquer un mois de compétition (ce qui, heureusement, ne correspond qu’à deux matches de championnat).
Dans l’immédiat, c’est-à-dire 4 jours après, il faut jouer en coupe de France. Le LOSC hérite encore d’un club de D1, l’Olympique Lyonnais. Arphexad va faire ses débuts avec le LOSC. Devant lui, une audacieuse défense Leclercq-Carrez-Rabat (reculé en défense centrale suite à la blessure de Dindeleux)-Lévenard. Au milieu : Duncker, Collot, Garcia, Banjac. Devant : Renou, Garcion. Becanovic est blessé : Meszöly a marché sur sa main à l’entraînement (le problème, c’est le plâtre).
Attention, on a ressorti la cassette audio du match
Lille qui, depuis quelques semaines, est à la peine en championnat, semble retrouver des couleurs et de la réussite en coupe. D’emblée, le LOSC prend le match à son compte, avec quelques frappes (Banjac, Garcia sur un coup-franc indirect dans la surface, Garcion, Duncker) mais, à chaque fois, le gardien lyonnais, Christophe Breton (qui n’est pas non plus titulaire à l’OL), réussit de beaux arrêts. À la mi-temps, c’est 0-0.
En début de seconde période, Boutoille remplace Banjac (54e). Les Dogues poursuivent leur domination, et une tête piquée de Garcia est encore détournée par Breton. La solution va venir du meilleur lillois, Garcion : après un long centre de Collot, il contrôle en extension puis dribble un joueur ; son centre, dévié par Breton, est ensuite repris par Boutoille (1-0, 68e).
Le but sur La Voix FM (Fréquence Nord passait une page de pub. On passait donc quelques instants sur l’autre station. Quelle époque) :
Le match s’emballe alors. Dans un premier temps, les Lyonnais réagissent timidement, mais Arphexad est parfait dans ses interventions aériennes ou au sol. Jean-Michel Cavalli se moque des Lyonnais en faisant entrer Meszöly (70e).
On va ensuite d’un but à l’autre : Duncker frappe à côté, puis sauve un ballon sur la ligne ; Garcia trouve le poteau. Cavalli en remet une couche en lançant Hampartzoumian (88e).
Et c’est là que Lyon se crée deux énormes occasions : Arphexad remporte un face-à-face avec Bardon puis, sur le corner, il sort de sa lucarne une frappe à bout portant de Caveglia, Bardon ou Devaux, selon les sources. Lille s’impose et, indiscutablement, doit beaucoup à son gardien de but.
Un résumé dans Téléfoot :
Les actions de fin de match (dans le désordre) sur Fréquence Nord, par un Olivier Hamoir très modéré :
Réaction de Pegguy Arphexad sur France 3 Nord :
Deux réactions de Pegguy Arphexad, sur La Voix FM et Fréquence Nord. Avec une petite pique à Gervais Martel dans le second extrait :
Après une telle prestation, on se dit que le LOSC n’a pas grand chose à craindre de l’absence de Jean-Marie Aubry. Tu parles !
Le 14 février 1997, le LOSC se déplace à Marseille. Les Marseillais ont probablement à coeur de prendre une revanche sur la rencontre valentinoise. Mais tout semble se dessiner encore en faveur du LOSC : Arphexad fait une première période correcte et, à la mi-temps, Garcion permet à Lille de mener (1-0). Mais en deuxième mi-temps, patatras ! L’OM égalise à la 52e par Marc Libbra, qui frappe sur Arphexad, mais celui-ci laisse passer le ballon entre ses jambes. Un but qui vaut un gardien lillois l’honneur de figurer dans notre Top dégueulasse. Et voilà Marseille relancé, qui marque de nouveaux aux 56e et 58e minutes. Merci hein !
Sur sa lancée, Arphexad réussit une air sortie qui permet à Gravelaine d’alourdir le score (4-1, 65e)
Puis 5-1 à la 83e. En toute fin de match, Arphexad réussit tout de même un bel arrêt sur une tentative de lob de Ben Slimane.
Bon. Lille passe 14e et ça commence à sentir le roussi. Lille reçoit maintenant Strasbourg2.
Bon début de match : Garcia ouvre la marque (9e). Mais 6 minutes après, une sortie ratée d’Arphexad permet à Nouma de se saisir du ballon et d’obtenir un pénalty, non sans narguer le public. Baticle transforme (1-1, 15e).
Puis à la 34e, un tir apparemment anodin de F. Keller passe sous le ventre du gardien lillois (1-2).
Lille est revenu en début de seconde période, mais craque dans le dernier quart d’heure : Nouma s’y prend à deux fois pour tromper Arphexad, qui a mal repoussé (2-3, 79e), pendant que Thierry Rabat regarde le spectacle à côté du but.
Puis, pour l’anecdote, Zitelli marque d’une reprise pourrie, mais comme le gardien a perdu ses appuis, c’est 2-4 (84e).
On peut tout de même trouver une circonstance atténuante à Pegguy et ses sorties cochonnes : c’est toute la défense lilloise qui est à la rue. Mais bon quand même.
Fin de l’intérim. 9 buts encaissés en deux matches de championnat, c’est pas mal. C’est même 9 buts encaissés en 3 mi-temps : une immonde période où il prend un but toutes les 15 minutes. On aurait tout de même dû prêter davantage attention aux 5 qu’il avait encaissés à Cannes avec Lens la saison d’avant.
Légendes du club
Ces deux matches de coupe de France début février auront été les derniers moments de joie dans une saison lilloise finie en queue de poisson, voire en couille. Comme nous l’avait dit Djezon à propos de cette fin de saison, « on avait été capables sur une période très courte d’avoir un sursaut d’orgueil et d’offrir ce qui reste des matches-phares, mais je pense qu’à partir du moment où vous perdez le fil, c’est très compliqué de refaire surface ».
Finalement, on aurait dû se méfier de la bonté supposée de Gervais Martel, si prompt à nous refourguer sa doublure pour prendre la nôtre. C’est très cohérent avec ses propos de 1997 où il déclarait qu’il verrait d’un bon oeil une disparition du LOSC. Mais on n’avait pas compris qu’Arphexad faisait partie du complot anti-LOSC.
1 Merci à RCL Retro news pour ses précieuses archives !
2 Merci à Arnaud Mahieu pour ses vidéos !
Posté le 17 janvier 2024 - par dbclosc
Une nuit en camion
Depuis ses débuts, le LOSC est visé par les forces du complot. Dès son premier match de championnat, au sortir de la guerre, le club est embarqué dans une drôle d’aventure lors d’un déplacement à Paris. Malgré l’adversité, le LOSC s’impose, mais le message est clair : le chemin vers la gloire sera parsemé d’embûches.
On le sait : le complot contre le football lillois a une généalogie ancienne, puisque c’est en 1899 qu’on trouve les premières traces de sournoises attaques visant à le déstabiliser. 45 ans plus tard, en novembre 1944, il est de nouveau violemment ciblé, au moment où le club prend son appellation actuelle, LOSC. Ce symbole n’a rien d’un hasard…. Retour sur cette affaire.
En septembre 1984, alors que se profile un derby Lille/Lens pour le 40e anniversaire du LOSC, la Voix du Nord publie cette photographie, qualifiée de « document ».
Le quotidien précise qu’il s’agit du premier cliché du nouveau « LOSC », pris en novembre 1944 face à « L’Aubette », un des lieux de rassemblement des joueurs et supporters, rue des Ponts-de-Comines. La grande équipe lilloise, d’abord connue sous le nom d’Olympique Lillois, puis d’Olympique Iris Club Lillois durant la guerre, s’est désormais associé au Sporting Club Fives.
Plus précisément (et la VDN l’indique bien), cette photographie représente l’équipe du Stade Lillois, un nom provisoire qui a été supplanté par l’appellation LOSC quelques jours plus tard.
Si les indications de la Voix du Nord sont vraies, cette photographie date alors du 4 novembre 1944. Les acteurs présents sur cette photographie ne le savent pas encore : leurs prochaines heures vont être dantesques. Mais revenons d’abord sur les quelques mois qui l’ont précédée, avec trois points principaux.
D’abord, depuis quelques mois, le territoire français est progressivement libéré de l’occupation allemande. Si les privations demeurent, un progressif retour des activités d’avant-guerre est désormais raisonnablement envisageable. Parmi celles-ci, le football : même si, hormis une période de suspension de quelques semaines après la mobilisation générale, il ne s’est pas vraiment arrêté, il a été soumis à un régime particulier puisque les championnats se sont déroulés selon des formules diverses et toutes merdiques. La plus connue est celle de la saison 1943/1944 durant laquelle des « équipes fédérales » ont vu le jour.
Ensuite, en faisant abstraction du contexte idéologique, le championnat a eu une importante conséquence pour le football lillois : il a donné corps à la possibilité de regrouper l’Olympique Lillois et le Sporting Club de Fives, une union dont il était déjà question avant-guerre. L’idée est sérieusement envisagée en août 1944, puis est symboliquement scellée en septembre 1944 devant le monument aux morts de l’OL. En dépit de quelques atermoiements jusque fin octobre (du côté de Fives, il resterait quelques opposants, et la presse rapporte que « le chat est dans l’horloge »). Le nouveau groupement est donc nommé Stade Lillois.
Enfin, la saison 1944/1945 peut débuter. Cependant, si Lille a été libérée début septembre, quelques-unes des conditions épouvantables des dernières années demeurent : territoire encore partiellement en guerre, transports chaotiques, pénuries alimentaires, et prise en conscience progressive des dégâts et disparus dus au conflit. C’est pourquoi le championnat 1944/1945 sera encore considéré comme un « championnat de guerre », non comptabilisé dans les palmarès officiels.
Dans ces conditions difficiles, un premier match amical est organisé fin septembre au stade Henri-Jooris, baptisé ainsi durant la guerre, contre une sélection anglaise composée de soldats britanniques. Le 1er octobre, le Stade Lillois retrouve un adversaire plus classique : le Red Star. À Saint-Ouen, les Dogues s’inclinent 2-4, avec deux buts en fin de match encaissés par… Jean Baratte. Comme il l’a fait à quelques reprises avec l’OICL, Lille-Flandre et le LOSC, Jeannot a pris les gants : Julien Darui s’étant cassé l’avant-bras au cours de la seconde période, les Lillois ont terminé la rencontre à 10 et n’ont pas résisté, en dépit des deux buts marqués par Tempowski. Les matches amicaux s’enchaînent tant bien que mal jusqu’à la reprise du championnat, prévue début le 5 novembre. Et nous revoilà donc à la fameuse photographie.
Le Stade Lillois doit débuter son championnat par un déplacement au Parc des Princes pour y affronter le SAP Paris. Le 4 novembre, veille du match, joueurs et dirigeants prennent la pose.
De gauche à droite, y figurent H. Kretzschmar, Sommerlynck, Fudala, Stricanne, Stefaniak, Lechantre, Bigot, (une dame ?) Jadrejak, Baratte, Bihel, Carré, Henno, Devillers, Veroone, Dassonville, deux dirigeants, et l’entraîneur, George Berry. Au centre, une supportrice des Lillois venue leur souhaiter bonne route : la comédienne et chanteuse Line Dariel, célèbre entre autres pour ses sketches en picard. Manquent au moins sur cette photo Roger Vandooren et François Bourbotte, qui étaient sur le terrain à Paris le 5. À l’arrière, l’objet principal de l’affaire qui nous intéresse ici : un camion, parfois appelé « autocar » dans la presse, avec lequel nos Lillois vont voyager, ce qui ressemble déjà en soi à toute une aventure.
Comme on peut l’apercevoir, on est sans doute plus proche du camion que de l’autocar, tel qu’on l’entend aujourd’hui : c’est une espèce de camion cargo tel qu’on en voit plutôt pour le transport de militaires dans ces années-là. En effet, à l’arrière, un bout de jambe et de pied montre qu’on peut s’y asseoir, probablement sur deux rangées qui se font face. Selon la Voix du Nord, ce bel engin roule au gazogène, avec un moteur alimenté au charbon de bois.
Nous sommes samedi 4 après-midi : la délégation est loin de s’imaginer qu’elle n’arrivera à Paris que le lendemain, à 5 heures du matin !
L’enchaînement des faits n’est pas toujours très clair, mais une chose est certaine : en route, le camion est tombé en panne. Alors la délégation lilloise, joueurs et dirigeants, a poussé le camion jusqu’à Paris. La Voix du Nord évoque « une dizaine de kilomètres » à pousser ainsi. France-soir, de son côté, indique que « les Nordistes coulèrent une bielle à Lens », ce qui ne serait pas étonnant quand on connaît la perfidie des lensois qui auraient pu saboter le camion ; mais ce serait tout de même très étonnant que les Lillois aient poussé le camion de Lens à Paris.
Deux hypothèses alors : soit l’information de France-soir n’est pas complète, les Lillois ont effectivement eu une panne du côté de Lens mais ont trouvé un autre moyen de transport par la suite ; soit, en effet, le camion n’est tombé en panne qu’à 10 kilomètres de Paris. Bref, nous voilà le 5 novembre, jour de match, et nos sportifs débarquent à 5 heures du mat’. Mais ce n’est pas fini.
Modèle récent et plus fiable
Fatigués, les Dogues se dirigent péniblement vers leur hôtel. Mais « à la suite d’une erreur » (soit réservation mal prise, soit réservation annulée voyant que les clients n’arrivaient pas), les chambres sont louées… Et vu les conditions dans la capitale dans ce moment post-guerre, impossible de trouver un autre hôtel. Bon ben… on essaiera de dormir dans le camion ! Autant dire que le sommeil, pour ceux qui ont réussir à en trouver, a été fort court, et que cette nuit a plutôt été une nuit blanche.
À 15 heures, les deux équipes se présentent sur la pelouse du Parc des Princes. En plus d’une nuit chahutée, Lille a quelques contrariétés : privé de son gardien Julien Darui, le club aurait pu faire jouer son second gardien, Leporcq (après avoir fait jouer un certain Gokelaere en amical après la blessure de Darui). Mais Leporcq est aussi blessé. Quant à Maxime Desertot, ancien gardien de Fives et de l’équipe fédérale Lille-Flandre, il aurait quitté le club. Le Stade Lillois est donc allé chercher Fudula, un gardien amateur, Polonais de Pont-de-la-Deûle. On peut donc considérer que Lille joue avec son cinquième gardien. Autant dire que la déculottée est possible pour les Dogues même si, sur le papier, ils semblent au-dessus. Ce match marque aussi les débuts de Roger Vandooren avec les Dogues.
Rare photographie du Stade Lillois, le 5 novembre 1944
Debout : Stricanne, F. Bourbotte, Jadrejak, Fudala, Stefaniak, Sommerlynck, Bigot, Berry
Accroupis : R. Vandooren, Baratte, Bihel, Carré, Lechantre
En dépit d’un « voyage mouvementé » (L’Humanité), d’une « nuit passée en camion » (L’Aurore), d’une « nuit sans sommeil » (France Soir), les Lillois s’imposent 2-1. Bihel ouvre la marque, marquant même le premier but du championnat (13e), Lechantre double la mise dans la foulée (16e). Le Parisien Brajon réduit l’écart juste avant la mi-temps (42e). En deuxième période, il ne se passe pas grand chose, seul France-Soir attribuant cela à la fatigue des Lillois. Pour France-Soir, les meilleurs Lillois ont été Bigot, Baratte, Lechantre et Stéfaniak. Mais dans l’Aurore, le constat est sévère : « le Stade Lillois a joué sans cohérence et sans esprit tactique (…) de part et d’autre, il n’y eut aucune combinaison (…) les spectateurs s’assoupissaient ». Mais pour ce match comme pour les autres, la presse souligne la difficulté à reprendre un football cohérent après plusieurs années de formules bousculées, de clubs pillés, et de l’instabilité des effectifs : « le jeu fourni fut d’une pauvreté désespérante » (La France Libre) « monotone désespérant, niveau désolant » (Libération), « les rencontres devinrent soporifiques » (L’Aurore).
Voilà dans quelles circonstances le Stade Lillois remporta sa seule victoire en championnat, puisque, dès la semaine suivante, c’est le LOSC qui écrase Le Havre 9-2. L’appellation Stade Lillois ne satisfaisant personne et ne rendant pas suffisamment hommage à ses glorieux ancêtres, le nom Lille Olympique Sporting Club est adopté le 10 novembre, puis est officialisé à la fin du mois.
Il faut dire aussi qu’apparemment, Stade Lillois était un nom à coucher dehors ; le LOSC, lui, tiendra la route.
La Voix du Nord, 10 novembre 1944