Archive pour la catégorie ‘Donne-nous des nouvelles …’
Posté le 17 janvier 2025 - par dbclosc
Lille-Nice 1996 : le sauvetage se dessine
Au printemps 1996, le LOSC signe à Grimonprez-Jooris une victoire capitale en vue de son maintien. Mais aussi pour sa propre survie.
« Quand on n’a pas les moyens de battre une équipe comme celle de Martigues ce soir, il faut regarder la réalité en face.
C’est-à-dire ?
C’est-à-dire que ce sera très difficile pour nous… »
Ce samedi soir 9 avril 1996, la 34e journée de D1 vient de s’achever et l’entraîneur du LOSC, Jean-Michel Cavalli, a de quoi être abattu : son équipe s’est encore inclinée, cette fois à Martigues, dernier, qui n’avait pas gagné depuis début décembre. Et pourtant, avant le match, le LOSC avait décrété une « opération-commando », dans le sillage de son capitaine, Thierry Rabat : « mon rôle en tant qu’ancien, c’est de rassurer tout le monde. Les gars se posent tellement de questions ! Sur le terrain, on devra être forts, très forts, et tout faire pour ne pas avoir de regrets. En étant sérieux, bien organisés, on peut ramener quelque chose. L’idéal serait de leur planter un but très vite. Cela nous permettrait de jouer tranquillement, sans pression excessive ».
Un but arrivera en effet assez vite (17e), mais il sera l’oeuvre d’un Martégal, dont la frappe de 30 mètres surprend Aubry. Incapable de réagir ni même de se créer une occasion sérieuse, le LOSC offre encore un piteux visage, alors même que les Sudistes ne sont guère plus brillants. Ce bel extrait du match situe le niveau :
Pour couronner le tout, les Dogues perdent les pédales : Rabat, capitaine exemplaire, est expulsé (72e), de même qu’Arnaud Duncker (79e). Point positif : Lille n’a pas encaissé à 9 contre 11, et seules 3 000 personnes ont assisté au triste spectacle.
Cette 16e défaite de la saison place le LOSC dans une bien mauvaise posture : avec seulement 30 points, il est 19e. Le 17e et premier non-relégable, Saint-Etienne, n’est qu’à 2 points, mais la dynamique lilloise est très inquiétante. En effet, les Dogues n’ont pris que 2 points sur les 7 derniers matches, n’ont marqué que 2 fois, et n’ont pas marqué depuis 517 minutes…
Les Lillois ont pourtant été capables de quelques coups d’éclat au cours de la saison, avec des victoires à Auxerre, à Nantes, et une certaine solidité à domicile à partir de l’automne. Seulement, le LOSC traîne comme un boulet le départ catastrophique de sa saison (2 points en 9 matches).
Il reste 4 matches : le LOSC a un avantage tout relatif : il recevra trois fois à Grimonprez-Jooris (où il n’a gagné que 3 fois en 16 matches…). Et c’est bien là qu’il faudra prendre les points car il n’y a évidemment rien à espérer du déplacement à Paris, qui joue encore le titre avec Auxerre, et qui s’est hissé en finale de C2.
Tout se jouera donc contre Nice, 36 points, pas encore sauvé ; Lyon, en milieu de tableau, qui n’a plus rien à craindre ni à espérer ; et Bordeaux, décevant en championnat, mais finaliste de C3, qui a dans son effectif quelques joueurs intéressants comme Dugarry, Lizarazu, ou Zidane (et Friis-Hansen).
Le scénario le plus optimiste pour se maintenir avec un minimum de points serait de gagner 2 matches à la maison, et d’espérer que les autres laissent (beaucoup) de plumes.
Pour la 35e journée, c’est donc Nice qui se présente. A l’aller, le LOSC a réussi l’exploit de s’incliner après avoir ouvert le score à la 86e minute. Battre les Aiglons est une condition nécessaire et pas suffisante pour se maintenir. Et autant dire qu’en cas de défaite, la saison sera probablement terminée.
Le LOSC se présente ainsi :
Aubry ;
Leclercq, Carrez, Lévenard, Cygan ;
Hitoto ;
Collot, Sibierski, Abed ;
Boutoille, Simba.
Ça ne fait pas rêver, mais on peut sans doute compter sur Sibierski, valeur sûre, déjà auteur de 8 buts ; depuis son arrivée, Denis Abed, bien qu’un peu lent, apporte une indéniable touche technique et frappe remarquablement les coups de pied arrêtés ; Boutoille a le mérite de se bouger, même s’il marque peu ; Collot est capable de déborder et de frapper de loin ; Hitoto ratisse bien au milieu. Pour le reste, c’est un peu au petit bonheur la chance.
Mais qui sait ? Notre avant-centre, Simba, marquera peut-être son 3e but de la saison.
3 points ne donneraient pas qu’une bouffée d’air sportive au LOSC. Les déclarations de Bernard Lecomte, président du club, sont en effet sans équivoque. Le plan qu’il a mis en place, qui consiste à rembourser les dettes et à retrouver des fonds propres pour juin 1998 tient toujours, mais à une condition : il faut rester en D1. Une descente en D2 ferait s’effondrer l’objectif économique, et probablement que le LOSC ne saurait y survivre.Misant sur sa formation depuis quelques années, le club est contraint de progressivement laisser partir ses cadres et joueurs expérimentés (Fichaux, Buisine, Assadourian, Bonalair… puis Friis-Hansen en cours de saison), ou ses quelques rares vedettes (Andersson). C’est le prix à payer… sans garantie que cela fonctionne. Mais il n’y a pas le choix : les garder garantirait pour le coup une masse salariale incompatible avec les objectifs économiques.
Entre encouragement envers ses joueurs, demande de soutien du public, mais inquiétude quant à l’avenir du club, Lecomte se démène et en appelle au sursaut : « sur le plan financier, l’objectif est atteint : nos engagements vis-à-vis de la DNCG, de la ville, du tribunal de commerce, sont respectés. Nous remboursons nos emprunts au rythme convenu ; nous allons reconstituer nos capitaux propres. Si nous continuons ainsi jusque 1998, le club sera complètement assaini. J’ai fait le maximum, et je veux que cette métropole lilloise se dote du club qu’elle mérite. Mais ce n’est plus entre mes mains. Ce n’est plus entre mes pieds surtout ! C’est entre les pieds des joueurs, alors qu’il y aillent, nom d’une pipe ! ».
Dans une ambiance crispée, devant 7 316 spectateurs, le LOSC est plutôt conquérant. Sur un coup-franc d’Abed, une tête de Simba au point de pénalty est repoussé par Létizi du bout des doigts (7e). Sait-on jamais, Cédric Carrez lève la main vers le juge de touche afin qu’il indique un but, mais ça ne marche pas. Seul un lointain coup-franc de Martin permet à Aubry de se réchauffer.
Bonne nouvelle au quart d’heure : blessé, Lévenard sort. Mauvaise nouvelle au quart d’heure : Meszöly entre.
La délivrance arrive à la 33e minute : un long ballon de Leclercq, depuis son camp, arrive dans l’arc de cercle de la surface niçoise, et est mal renvoyé de la tête. Simba récupère aux 20 mètres, tente le une-deux avec Abed qui lui remet dans l’axe, et miracle : contrôle de la cuisse d’Amara, missile du gauche, et le ballon file en lucarne ! Quel joli but ! Y a des soirs comme ça. Simba a toutefois tenu, comme d’habitude, à se casser la figure après avoir touché le ballon.
Juste avant la pause, un coup-franc d’Abed tape l’extérieur du poteau niçois.
En seconde période, Létizi brille à deux reprises sur des frappes de Collot, puis d’Abed. La fin de match est dramatique et décousue : les Niçois poussent pour égaliser, et les Lillois placent quelques contres. Une tête de Mangione aux six mètres est renvoyée par le poteau : sur le contre, Machado et Boutoille se retrouvent seuls face à Létizi, mais « Néné » panique et envoie un vieux tir largement à côté.
À la dernière minute, les Niçois balancent un long ballon vers l’avant : Aubry sort de façon imprudente hors de sa surface mais parvient à toucher le ballon de la tête ; cependant, la balle poursuit sa course vers le but, Mangione prolonge de la tête et Meszöly sauve en catastrophe.
Ce fut encore laborieux, mais Lille a gagné ! De plus, Gueugnon et Saint-Etienne n’ont pris qu’un point, chez eux. Le LOSC gagne alors une place, et est à égalité de points avec le 17e.
« Le fil n’est pas rompu » titre la Voix des Sports. Le constat n’était pas évident après la défaite à Martigues. Joueurs et entraîneur soulignent comme la semaine a été positive : ils estiment en effet avoir ressenti une mobilisation pour sauver le club : « je voudrais remercier tous les gens qui, dans la semaine, nous ont apporté des témoignages de sympathie » souligne Cavalli ; de son côté, Aubry note que « cette victoire, c’est celle de tout le club. Elle n’est pas à mettre au seul crédit des joueurs. Pendant toute la semaine, le président et les dirigeants ont été très proches de nous. Ils ont réussi à faire passer un message très positif et le résultat est là ». Au fond du vestiaire, la Voix des Sports note que Simba « n’en finissait pas de raconter son but, rare et cher ». Tu m’étonnes, ça arrive si peu souvent ! Il se projette déjà vers le match à Paris et indique que ce serait « formidable » de marquer à Paris « sur une bicyclette ». Oui, oui… On a entendu cette promesse toute la saison.
Le lendemain, Bernard Lecomte s’invite dans le JT régional et, profitant de l’espoir suscité par cette victoire, en remet une couche sur la nécessaire mobilisation autour du club :
« Nous avons fait un travail considérable depuis deux ans. Nous avons le satisfecit de la DNCG et du Tribunal de commerce. Nous reconstitutions la santé financière de ce club et nous devrions être assainis en 1998. Alors nous sommes en colère lorsque, sur le plan sportif, ça met l’édifice en péril. Le LOSC reste un club subventionné, par la communauté urbaine, par la région. Si nous devions descendre en D2, il y a aurait indéniablement un gros problème financier. Je le signale ici après mon cri d’alarme dans la presse : l’équation financière serait tout autre. Je ne dis pas qu’elle sera insoluble, mais elle sera très difficile à résoudre. Et là, on verra si le mouvement de sympathie et d’engouement que je sens autour du LOSC se concrétisera sur le plan financier.
Ça voudrait dire qu’il peut y avoir un dépôt de bilan ?
Les risques ne sont pas exclus. Je m’acharnerai à ce que ça n’arrive pas. Mais on a besoin de l’aide de beaucoup de monde. En attendant, la solution, c’est de marquer des buts. C’est en jouant en D1 que nous pourrons continuer à retrouver une santé financière ».
On connaît la suite : victoire invraisemblable à Paris, puis nouvelle victoire contre Lyon lors de la 37e journée, et voilà le LOSC maintenu avant même la dernière journée ! Le LOSC signe ainsi en 3 semaine un tiers de ses victoires de la saison, et marque un quart de ses points. Des 35e, 36e et 37e journées inespérées qui trouveront un lointain écho lors de la saison 2017/2018, où le LOSC se maintient là aussi de justesse grâce à 3 victoires consécutives sorties d’on ne sait où, et qui auraient sans doute condamné le club, encore merci Gégé.
En attendant, le LOSC est sauvé et, avec une saison supplémentaire en D1 (et la vente de Sibierski pour 8MF – une fortune à l’époque pour un club comme le LOSC), pourra désormais supporter économiquement une relégation. Ce dont il ne va pas se priver, dès 1997 !
Les extraits d’interview et images sont issus de médias régionaux (La Voix du Nord, La Voix des Sports, France 3)
Posté le 18 décembre 2024 - par dbclosc
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Posté le 26 septembre 2024 - par dbclosc
Jean-Marie Aubry et les pénalties (Top 5)
Autres temps, autres mœurs : la sortie violente du gardien de but.
Venu d’Angers en 1995, Jean-Marie Aubry s’installe dans le but des Dogues lors de la 10e journée du championnat 1995/1996, contre Le Havre. Il prend la place de Jean-Claude Nadon, gardien du LOSC depuis 1989, qui fait les frais d’un début de saison catastrophique (seulement 2 points marqués) auquel il n’est pas étranger, à cause de quelques grossières et inhabituelles erreurs.
À partir de ce moment, et jusqu’en 1998, Aubry jouera 104 matches avec l’équipe lilloise, ne laissant sa place que ponctuellement pour diverses raisons (maintien de Nadon en coupe de France 95/96, 4 matches ; blessure en février 1997, 2 matches ; blessure en août 1997, 4 matches ; blessure en janvier 98, 3 matches ; brouille avec Froger au printemps 1998, 1 match).
Avec Aubry dans les buts, le LOSC a concédé 15 pénalties en championnat. On en sait pas trop si ce chiffre est dans la moyenne de ce que peut concéder un club sur trois saisons, mais à vue de nez comme ça, ça nous semble beaucoup. C’est sans doute plus normal si on rapporte ce chiffre à la situation losciste de l’époque : entre 1995 et 1998, le LOSC connaît un maintien miraculeux, une descente, et une non-remontée. On peut aisément concevoir qu’une équipe qui joue le bas de tableau deux saisons sur trois puisse concéder un nombre élevé de pénalties.
Voilà la répartition des pénalties concédés par le LOSC avec Aubry dans les buts :
_4 en 95/96 (Bastia, Saint-Etienne (2), Monaco) ;
_5 en 96/97 (Rennes, Nice, Nantes (2), Monaco)
_6 en 97/98. Alors qu’il s’agit de la saison où le LOSC termine 4e de D2… Mais il faut dire qu’à l’extérieur, l’équipe de Thierry Froger n’était guère performante ! Ces 6 pénalties sont d’ailleurs tous concédés hors de nos bases (Saint-Etienne, Wasquehal, Louhans-Cuiseaux, Martigues, Nancy, Beauvais).
Avec son mètre 76, son physique est plus proche de celui de Jean-Pierre Mottet que de celui de Grégory Wimbée : agile, il a tendance à bondir de manière spectaculaire, comme le faisait son prédécesseur moustachu. Mais cette explosivité a un pendant négatif : quand ce n’est pas fait régulièrement, le choc peut être brutal. Et cela s’est plusieurs fois vérifié avec Jean-Marie Aubry. Sur les 15 pénalties concédés quand il a gardé la cage du LOSC, il en a directement provoqués 5. Et, à chaque fois, on peut dire que ça a été spectaculaire et, en étant un peu méchants, sacrément grossier : sorties non maîtrisées, pas vraiment utiles ou franchement dangereuses, voici notre top 5 des pénalties concédés par JMA. Ayez bien en tête qu’il n’a concédé aucun carton pour ces fautes.
N°5 : Lille/Nantes, octobre 1996
Allez, là, ce n’est pas encore bien méchant. Toutefois, le Nantais Makélélé, d’ailleurs peu connu pour ses qualités de finisseur, ne partait pas vraiment vers le but et ne pouvait pas espérer grand chose de mieux qu’une sortie manquée du gardien. But de N’Doram, et score final de 3-3.
N°4 : Wasquehal/Lille, septembre 1997
Superbe alignement de la défense losciste, qui laisse échapper deux wasquehaliens dans son dos. Là, on peut considérer que la faute est le « bon » geste, car c’était certainement but de W. Loko derrière. Mais tout de même, c’est un bon gros fauchage. Premier but de Wasquehal contre Lille, et 1-1 à la fin.
N°3 : Lille/Rennes, août 1996
Wiltord est en angle fermé et semble partir dans la direction opposée au but ? Pour Aubry, ce n’est pas une raison suffisante pour ne pas se jeter les deux pieds en avant sur l’attaquant rennais ! Égalisation de Guivarc’h, mais le LOSC s’impose 3-1.
N°2 : Bastia/Lille, décembre 1995
Attention, ça devient violent. Déjà 3-0 pour les Corses, il n’y a plus rien à perdre alors amusons-nous : balle dans le dos de la défense, sortie à contretemps et saut les deux pieds en avant au niveau du torse, le tout sans toucher le ballon, du grand art. Drobjnak transforme, et sacrée rouste pour les Dogues (0-4).
Ce qui sublime la séquence, c’est d’oser contester.
N°1 : Lille-Monaco, janvier 1996
Chaque point compte pour ce LOSC englué en fond de classement. Lille ne part pas vraiment favori et, pour mettre encore moins de chances de son côté, se retrouve à 10 dès la 20e minute (expulsion de Collot). Le match est pourtant équilibré, jusqu’au moment où Ikpeba parvient enfin à échapper à la défense des Dogues. Le dribble de l’attaquant monégasque est parfaitement exécuté. Et là, c’est le sacrifice ultime.
Comme tous ceux qu’il a tirés contre Lille, Sonny Anderson manque le pénalty. Pour couronner le tout, le gardien lillois fonce vers Anderson et, tête contre tête, exécute une simulation qui aboutit à l’un des plus gros bordels vu à Grimonprez-Jooris, avec dans le premier rôle un Thierry Rabat qui frappe tout ce qui lui passe sous la main. Verdict : carton rouge pour… Anderson. Beau joueur, Aubry annonce après le match : « c’est vrai qu’il y a peut-être eu un peu de provocation de ma part ». Score final, 0-0.
Pour être tout à fait complet, sur les 15 pénalties auxquels Aubry a fait face, 11 ont été marqués. Les 3 échecs sont : Moravcik (Saint-Etienne en décembre 1995, transversale) ; le pénalty d’Anderson ci-dessus ; Debbah (Nice en septembre 1996, au-dessus) ; et… Anderson (Monaco, avril 1997. Le seul qu’Aubry ait détourné).
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Acimovic, vidi, vici
Hommage à la légende Milenko « Mile » Acimovic, tandis que le LOSC affronte en Conférence League l’Olimpija Ljubljana, club de jeunesse du milieu slovène dont il fut directeur sportif à deux reprises après sa carrière de joueur. On vous donne même de ses nouvelles à la fin.
Milenko Acimovic a littéralement grandi sur un terrain de football. En effet, au tournant des années 90, son père, d’origine serbe, est gardien de stade au Bezigrad Stadium de Ljubljana. C’est donc dans la capitale slovène qu’Acimovic fait ses gammes. D’abord au Zeleznicar (club aujourd’hui disparu) puis à l’Olimpija. Après deux ans à jouer sur la pelouse de son enfance, « Mile » s’envole pour son autre club de cœur, celui de ses parents : l’Etoile Rouge de Belgrade.
Là-bas, il explose aux yeux de l’Europe du football. Et encore plus un soir de novembre 1999. De retour sur sa pelouse fétiche du Bezigrad Stadium avec l’équipe nationale slovène, il affronte l’Ukraine pour une place à l’Euro. Tandis que les deux équipes sont bloquées à un partout, le gardien ukrainien foire sa relance qui arrive sur Acimovic au milieu de terrain. Sans hésitation, tel un Beckham de l’ex-Yougoslavie, il envoie un lob direct dans le petit filet. Et qualifie son pays, huit ans après son indépendance, pour sa première compétition internationale. Un but dont tous les slovènes se souviennent encore aujourd’hui. Enfin on n’a pas de pote slovène mais on imagine.
« A l’image du Lavallois Crucet »
« Mile » signe par la suite à Tottenham à l’été 2002 après une coupe du monde réussie (1 passe décisive et un but). Désiré par Daniel Lévy, déjà en poste à l’époque, il joue pourtant très peu la première saison avant d’être carrément mis au placard la seconde. Son salut vient alors du LOSC de Claude Puel, mal en point, quatorzième à la trêve, qui le prend en prêt. Pour cette dernière saison à Grimonprez-Jooris, Acimovic aide les lillois à redresser la barre (6 buts en 16 matchs) pour finir dans le ventre mou. La fameuse zone de confort « Jocelyn Gourvennec ».
Assez pour convaincre le LOSC de le transférer définitivement. Et c’est donc à l’été 2004, qu’Acimovic démontre son talent dans la plus prestigieuse des compétitions, la Conférence League des années 2000 : la coupe Intertoto. Il offre le sacre au club d’un but au bout des prolongations face à l’UD Leira. Titre qui est encore aujourd’hui célébré chaque année par des milliers de supporters devant le Leroy Merlin de Villeneuve d’Ascq. Mais bientôt, cette réalisation est éclipsée par une autre bien plus significative dans une vraie grande compétition européenne. Et non pas une Coupe des villes de foires.
En septembre 2005, le LOSC est en Ligue des Champions après avoir terminé second la saison précédente. Les Dogues étrennent leur deuxième campagne dans cette compétition par une défaite à Lisbonne, avant de faire nul contre Villareal, puis à Manchester, sur le même score de 0-0. Pour l’anecdote, après le match à Old Trafford, Cristiano Ronaldo, impressionné par la prestation d’Acimovic viendra échanger son maillot avec lui. Mais, une fois à l’aéroport de Manchester pour prendre l’avion du retour, le Slovène est apostrophé par l’un de ses jeunes coéquipiers. En effet, le belge Kevin Mirallas part dans un long monologue pour lui expliquer que Cristiano Ronaldo est son idole et qu’il l’inspire au quotidien (sûrement pour la coiffure au gel Vivelle Dop Fixation Béton). Acimovic, le cœur sur la main, accepte alors de lui donner le maillot du futur quintuple ballon d’or. Et Mirallas de s’effondrer en larmes sous le coup de l’émotion.
Début novembre 2005, le LOSC, qui n’a donc marqué aucun but sur la phase aller, affronte de nouveau le grand Manchester United de l’époque, cette fois au Stade de France. Le LOSC est contraint à la victoire pour espérer une qualification en huitièmes de finale. En face Rooney, Van Nistelrooy, Cristiano Ronaldo et Mikael Silvestre attendent de pied ferme. Mais à la 38ème minute du match c’est Milenko Acimovic qui l’a pour catapulter la balle sous la barre de Van Der Sar. Après une folle chevauchée du capitaine Tafforeau sur le côté gauche, le Slovène se jette pour mettre un plat du pied. Rideau, chapeau l’artiste. Ça restera le seul but du LOSC dans cette phase de poules de Ligue des Champions. Mais à jamais le symbole de la victoire du jeune LOSC sur l’ogre mancunien.
Que des beaux noms (puisque que Giggs n’est pas là)
Il reste en mémoire quelques autres exploits d’Acimovic avec le LOSC. Dont un but magnifique face à ce bon vieux Steeve Elana ou un autre face à l’ami Wimbée.
Il part finalement en 2006, après une fin de saison tronquée. S’ensuivent l’Arabie Saoudite pré-fièvre mercantile et l’Austria Vienne. Puis « Mile », touché par une lourde blessure au genou, ne peut pas pousser plus loin et prend sa retraite à 33 ans. Il revient alors à ses premiers amours à Ljubljana. Et fait deux piges en tant que directeur sportif de l’Olimpija. Mais des différences de points de vue avec la direction le poussent à se tourner vers le rôle d’éducateur et d’entraineur. Il ouvre sa propre école de football qui accueille chaque été des jeunes footeux du monde entier. Puis en novembre 2020, quinze ans après l’épique nuit mancunienne, il prend le poste d’entraineur des espoirs de la Slovénie.
♪ Prendre un enfant par la main ♫
En novembre de cette année, pour la confrontation face à l’Olimpija, le LOSC de Paulo Fonseca ne se déplacera pas sur la pelouse du Bezigrad Stadium, détruit depuis. Mais quitte à parier que Milenko Acimovic aura tout de même ses aises en tribunes. Le cœur tiraillé entre deux clubs, le temps d’une de ces soirées européennes qu’il a si bien connu.
Posté le 14 juillet 2023 - par dbclosc
Edgar « Pompa » Borges, le crack uruguayen désormais chez lui à Lille
A l’été 1992, le LOSC s’est séparé de Jacques Santini dans des conditions rocambolesques amenant à la « mutinerie de Sedan » au cours de laquelle le LOSC se saborde lors d’un match de coupe de la ligue perdu 9-1. Bruno Metsu vient pour le remplacer et les dirigeants veulent rompre avec l’image d’une équipe défensive, promettant le « show ». Pour ce faire, le club compte sur son nouvel avant-centre brésilien Walquir Mota et encore davantage sur un milieu de terrain offensif uruguayen présenté alors comme Edgar « Pompa » Borges.
Né en 1969 à Minas de Corrales en Uruguay, le jeune Edgar grandit dans la misère et doit très vite s’assumer tout seul. Il n’a que 11 ans quand il perd sa mère et se retrouve à la rue, son père ne parvenant pas à assumer son éducation. Sans domicile fixe, il se fait héberger chez des amis ou squatte là où il peut. Il a au moins pour lui un talent certain pour le football qu’il exprime avec le petit club local de Potencia. Il est alors remarqué par Antonio Griecco, le gérant d’un magasin de Montevideo, lequel fait parler ses relations dans l’optique de le faire signer au Nacional. Cela ne se fera finalement pas, et c’est un autre club montevidéen, le Danubio, qu’Edgar rejoint à l’adolescence. A 14 ans, Borges retrouve désormais un toit et il est nourri et blanchi par le club, pouvant désormais se consacrer au football et à ses études à l’école industrielle pour apprendre le métier d’électricien. Comme il le raconte à l’Observador, il est toutefois moins doué dans ce domaine que balle au pied. « A l’école industrielle, j’ai commencé une formation d’électricien, mais ça a été une catastrophe, ça a pris feu quand j’ai branché les câbles ». Belle anecdote.
Champion national à cinq niveaux différents et ramassage de dents
D’après plusieurs sources, Edgar serait le seul joueur de l’histoire à avoir remporté le championnat national uruguayen dans cinq divisions différentes, les 6ème, 5ème, 4ème, 3ème et première division. Il fait surtout partie de l’équipe du Danubio qui remporte le championnat de 1988, ce qui constitue le premier titre de champion national du club. Cette année-là, le petit club montevidéen s’appuie sur sa « génération dorée », l’essentiel de l’équipe étant constitué de jeunes issus de la formation. Eber Moas (18 ans), Luis Da Luz, Ruben Da Silva (19 ans), Nelson Cabrera, Ruben Pereira, Juan Goñez (20 ans), Edison Suarez, Fernando Kanapkis (21 ans), et donc Edgar « Pompa » Borges (18 ans) forment ainsi l’ossature du champion et ne sont accompagnés que d’une poignée de joueurs (un peu plus) expérimentés comme Gustavo Dalto (24 ans) et Daniel Sanchez (26 ans). « Pompa » (« bulle » en français) – et non « Pampa » – car c’est le surnom qu’il a reçu d’un camarade de Potencia alors qu’il n’était qu’un jeune pré-adolescent, en référence au fait qu’il était « rapide comme une bulle de savon ».
Bulle et Bill
On note au passage qu’Edgar se voit affublé par Panini d’un nouveau surnom : Claudio
Cette saison-là, Danubio écrase le championnat uruguayen qu’il remporte avec 40 points, son dauphin échouant à 9 points de lui. Non sans une certaine insouciance, comme quand Edgar préfère ramasser ses dents plutôt que d’égaliser pour les siens. Il raconte ainsi à l’Observador : « A l’époque on m’avait fait de nouvelles dents et mes dents sont tombées quand j’étais seul face à Picun [le gardien adverse]. J’ai laissé le ballon et je suis allé chercher mes dents. Je les ai retrouvées et les ai remises pleines d’herbe ». Ce qui n’a vraisemblablement pas plu à son coéquipier Ruben « raciste » Pereira qui lui lance « espèce de de fils de pute noir ! Qu’est-ce que tu as fait ?! » Une autre fois, le même Pereira lui déclare : « Noir, tu es comme un œuf de Pâques, Noir à l’extérieur et plein de bêtises à l’intérieur ». Pompa fait également ses débuts en sélection le 27 septembre 1988 et se fait remarquer d’emblée en … se faisant expulser quelques minutes après ses débuts internationaux ! L’Uruguay n’est alors certes plus au niveau de la Celeste qui remportait le tournoi olympique en football (1924 et 1928) et la Coupe du Monde (1930, 1950), mais elle demeure une valeur sûre : vainqueur de la Copa America en 1983, elle remporte également l’édition de 1987 dont elle est alors tenante du titre quand la bulle fait ses débuts.
Edgar (en bas à g.) avec le Danubio champion d’Uruguay 1988
Source: El Observador
Le Danubio se qualifie donc pour la Copa Libertadores 1989. en phase de poule, ça commence plutôt mal, le club uruguayen ayant un bilan d’une victoire et trois défaites après quatre journées. Quasiment éliminé, le Danubio finit pourtant par se qualifier après deux victoires successives, d’abord contre Bolivar puis contre The Strongest, à chaque fois sur le score de 1 à 0. C’est un derby qui l’oppose au Nacional en huitièmes de finale, duel que le Danubio remporte (0-0, 3-1). Opposés aux Chiliens de Cobreloa en quarts, les Montevidéens l’emportent à l’aller comme au retour. Ils affrontent ensuite les Colombiens de l’Atletico Nacional où joue René Huiguita, entretiennent l’espoir à l’aller, mais s’écroulent au retour (6-0). Marqué de prêt par Leonel Alvarez, Edgar passe son match à l’insulter et lui lance : « quand le match sera fini, je te tuerai ! », déclaration qui fit apparemment rire son garde du corps du jour. Edgar ignore alors que le club colombien est la propriété du narco-trafiquant Pablo Escobar et qu’Alvarez fait partie de ses proches. Fort heureusement, le cartel de Medellin a alors d’autres priorités sur sa (pas si) short-list d’individus à éliminer.
Star au Danubio, Borges n’est toutefois pas sélectionné avec la Celeste pour la Coupe du Monde 1990 en Italie. « Ça a été ma plus grande déception dans le football car, lors de la Coupe du Monde en Italie, il y avait 22 joueurs et j’étais le 23ème, et je l’ai appris 3 ou 4 jours avant de partir. C’était un sentiment d’amertume très fort, ça m’a beaucoup marqué. Je ne l’oublierai jamais ». Il conserve toutefois une belle cote en Uruguay et le Nacional fait le forcing pour le signer en 1991. Il y est vice-champion et contribue activement au parcours des siens en Copa Libertadores, le Nacional atteignant les quarts, la « Pompa » marquant 3 fois en 10 rencontres dans cette compétition. La même année, Borges fait partie du groupe uruguayen qui dispute la Copa America. L’Uruguay échoue à se qualifier pour le groupe final à quatre, se faisant dépasser par le Brésil qui a la même différence de buts mais aurait « une meilleure attaque » (alors qu’il apparaît beaucoup plus juste de dire qu’il a une moins bonne défense). Sur le banc en début de compétition, Edgar est titulaire pour les deux derniers matchs et commence alors à s’imposer au sein de la Celeste.
En 1992, il est encore au Nacional avec lequel il dispute 7 matchs (1 but) de Copa Libertadores et fait la course en tête en championnat aux côtés de Julio Cesar Dely Valdes, l’avant-centre panaméen du club de Montevideo. Le LOSC aurait alors fait le forcing pour le faire signer offrant semble-t-il 1 million de dollars (ce qui est étonnant pour un club français, lesquels ont à l’époque des francs).
Edgar « Pampa » (sic) Borges au LOSC
Lors de ce que l’on n’appelle pas encore le « mercato estival », la presse nordiste annonce l’arrivée au LOSC d’une petite pépite uruguayenne qui s’intitulerait Edgar « Pampa » Borges. Dans un article de La Voix des Sports de janvier 2022, Antoine Gianquinto, alors directeur sportif au LOSC, raconte comment s’est fait le choix de le recruter. « On nous l’avait décrit comme un joueur très vif, très technique, explosif. Avec Bruno Metsu [qui arrivait comme entraîneur], on a pris l’avion et on est allé le voir jouer lors d’un gros match entre le Nacional et Danubio, son ancien club. C’était un gros derby, ils ne faisaient pas semblant, il y avait de vraies agressions. Edgar savait qu’il était supervisé, non seulement il s’en était sorti indemne mais il avait été bon. On a traité l’affaire ».
Lille signe aussi Walquir Mota, un avant-centre brésilien qui vient du club de Tours (en D2 française). Ca n’a l’air de rien aujourd’hui, mais recruter deux Sud-américains d’un coup est le genre de choses qui fait alors rêver à un grand spectacle à une époque où les clubs ne peuvent aligner que trois étrangers. Le club fait d’ailleurs sa communication en mettant en avant son duo dans une campagne intitulée « show devant ! » annonçant un grand spectacle pour la saison 1992/1993. Et la phase de préparation est des plus encourageantes, avec en point d’orgue une victoire en finale du Challenge Emile-Ollivier contre le RC Lens remportée par 6-0 ! Mota met doublé, Borges est convainquant et inscrit également un but.
C’est en réalité plus difficile que prévu et, surtout, moins spectaculaire : après 17 rencontres disputées en D1, le LOSC n’a ainsi inscrit que … 5 buts ! (non, il n’y a pas d’erreur et vous avez bien lu). Après des premiers matchs encourageants, les performances de la « Pompa » deviennent plus ternes et l’Uruguayen est la cible toute désignée des critiques, lui qui arrivait comme un leader technique devant animer une attaque qu’on annonçait explosive. S’il existe une part d’injustice, Borges reconnaît lui-même que son arrivée à Lille a coïncidé avec une perte de motivation. « Les petites lumières de l’indien se sont éteintes, cet indien qui écrivait sur les murs qu’il voulait être le meilleur » raconte-t-il à l’Observador [NDDBCLOSC : quand il parle de l’ « indien », il fait référence à lui-même]. Cette saison-là, Edgar marque 1 but en 17 rencontres.
L’année suivante, il est cantonné à la réserve et ne dispute qu’un match en D1. Il signe en 1994 à Beauvais (D2) où il joue 17 matchs jusqu’à son départ en janvier 1995. Il est licencié en janvier 1995 par les dirigeants beauvaisiens pour « faute lourde », semble-t-il parce qu’il avait refusé de faire le déplacement à Montauban en Coupe de France. Il revient alors au Danubio, son club formateur.
Le Chili, Grenoble, Liverpool et retour à Lille
Quel point commun y a-t-il entre Divock Origi et Edgar Borges ? L’un et l’autre ont joué au LOSC et à Liverpool. Bon, ok, pour le premier, c’est le Liverpool dominant en Europe, Origi jouant même un rôle décisif pour la conquête du sacre européen en 2019, marquant un doublé contre Barcelone en demi-finale, puis un autre but en finale contre Tottenham. Pour Borges, c’est plutôt le Liverpool d’Uruguay dans lequel il joue en 1999 et 2000 et qui est relégué en D2 à l’issue de la dernière saison de la « Pompa ».
Après son départ de France, Edgar continue ainsi sa carrière professionnelle, avec un parcours toutefois bien plus modeste que celui qu’on lui annonçait, lui le crack qui explosait avec le Danubio à 18 ans en devenant le chef d’orchestre d’une équipe qui allait remporter son premier titre national. Après un bref retour au Danubio, Borges a ensuite fait un petit tour au Chili, d’abord aux Rangers Talca (D2), puis au Deportes Antofagasta (D1). Il ne convainc pas et fait un bref retour en France, à Grenoble, alors au 4ème échelon national. Après quelques mois de chômage, il rejoint donc son Uruguay natale et les couleurs bleues et noires de Liverpool (qui joue toutefois en rouge à l’extérieur) où il termine sa carrière de footballeur professionnel.
Fin de l’histoire ? Pas tout à fait. L’histoire d’Edgar Borges avec Lille est loin de s’arrêter là. Quand sa carrière s’arrête, c’est à Lille qu’il s’installe. Il se forme à la cuisine et ouvre son propre restaurant. Il doit malheureusement le fermer. (On a pu lire qu’il en avait même eu plusieurs restaurants différents, mais nous n’avons pas d’informations claires à ce propos). On le retrouve ensuite comme entraîneur dans le domaine sportif, même si les informations sur son activité exacte en la matière restent peu claires à ce propos. Il semblerait qu’il a conjointement mené les activités de coach sportif et d’éducateur sportif dans une/des école/s, toujours sur la métropole lilloise. Début 2019, on le retrouve comme serveur à La Planque puis, quelques mois plus tard, au Glaz, comme le relate la VDS, deux établissements situés dans le Vieux-Lille.
Edgar « Pompe à » Bière
Il y a des joueurs qui passent par chez nous, deviennent des légendes auprès des supporters, mais ne se souviennent même plus de nous quatre ans après leur départ, la gloire semblant nuire à la mémoire. C’est l’inverse pour Edgar, lui qui arrivait à Lille lors du feux d’artifice du 14 juillet 1992 et qui croyait alors … que les festivités étaient en son honneur (!), lui qui fêtait ses 23 ans (alors que tout le monde sait que c’est en l’honneur de Damien, avec 4 jours d’avance) et qui quittait la ville deux ans plus tard dans l’anonymat. Il est fort probable qu’on n’aurait pas parié un kopeck (mot-valise constitué à partir de « Kopa » et « Popeck ») sur le fait qu’il revienne chez nous ensuite, lui qui semblait avoir plus de raisons de nous en vouloir que de nous chérir. C’est pourtant bien à Lille qu’il a décidé de faire sa vie. Et on trouve que c’est une sacrément belle histoire.
Posté le 21 décembre 2022 - par dbclosc
Lille/Bastia 2000 : contexte chaud, Valois fait le show, Noël au chaud
Le 21 décembre 2000, le LOSC bat Bastia 1-0, grâce à un but d’un revenant : Jean-Louis Valois. Ainsi s’achève une formidable année civile pour le club, qui se place deuxième à la trêve. Pourtant, le match a failli ne pas avoir lieu : peu avant le match, le président du club corse a été pris dans une échauffourée dans les couloirs de Grimonprez-Jooris.
Après trois ans en D2, on ne donnait pas forcément très cher de la peau du LOSC lorsqu’il retrouve l’élite à l’été 2000. Même si le club a survolé le championnat en 1999/2000, les souvenirs des décennies sans saveur persistent, et le recrutement de l’été n’a pas soulevé d’enthousiasme délirant. Les ambitions sont donc modestes, et on se satisfera largement d’un maintien sur le fil, pour reprendre des habitudes bien ancrées. Pourtant, le LOSC se place rapidement dans le haut du classement, surtout après deux matches en septembre, à Saint-Etienne puis contre Lens. Dans un championnat certes serré, les Dogues se placent régulièrement parmi les 6 premiers, et se permettent même d’être deuxièmes au soir de la 13e journée, après une victoire sur Toulouse (1-0).
Début décembre, à cinq jours d’intervalle, Lille bat le leader Sedan (2-0), puis le PSG (2-0), un match qui a été rejoué après avoir été interrompu à 1-1. Suit un nul à Metz (1-1) qui place le LOSC au pied du podium alors que se profile le dernier match de l’année civile, contre Bastia. Surprenant promu, Lille profite et se dit que les points pris ne sont plus à prendre : à coup sûr, des temps plus difficiles arriveront, les « gros » reprendront progressivement les premières places, et le LOSC rentrera dans le rang : pourquoi pas 15e ? C’est sur cette base plus réaliste que Luc Dayan, le président du club depuis mars, a budgetisé l’exercice 2000/2001.
Dayan, l’univers parallèle
Les bons résultats de l’équipe permettent de s’enlever un fardeau et de structurer le club, en voyant grand à moyen voire court terme. La privatisation est présentée comme un processus d’autonomisation vis-à-vis de la mairie, marquée par différentes étapes qui symboliseraient la « modernité ». Début décembre, Luc Dayan, annonce ainsi dans la Voix du Nord qu’il espère prochainement « signer l’acte de vente d’un immeuble dans le centre-ville qui aura pour objectif d’être un centre de vie du club avec une partie commerces, une brasserie, une salle de fitness. Si tout va bien, nous ouvrirons en fin de saison ». Il parle de « l’entreprise LOSC », de la cession de 25% du capital du club à des entreprises régionales, et de la possibilité d’attribuer des stock-options aux joueurs, indépendamment d’une éventuelle entrée en bourse : « notre principe serait de fidéliser les joueurs avec des actions donnant droit à une plus-value en fonction des résultats financiers du club, au cas où ils effectueraient l’intégralité de leur contrat. Les 10% d’actions seraient ponctionnées sur les 72% que possédera bientôt notre société, Socle ». Bien parlé président, voilà le football qu’on aime ! Il est aussi question d’un nouveau stade (ou d’un aménagement de Grimonprez-Jooris) « à l’horizon 2003 », une tâche que Dayan cède volontiers aux acteurs publics, probablement parce qu’il n’est pas certain de faire de la thune avec ça. Privatisons les profits, socialisons les pertes, le LOSC est un club moderne !
La Voix du Nord, 8 décembre 2000
Le « contexte corse » s’exporte à Lille
En attendant, Luc Dayan va devoir revenir à des réalités bien plus terre-à-terre et montrer autre chose pour rivaliser avec Bernard Lecomte, qui vient d’être désigné « dirigeant de l’année » par France Football : ce jeudi 21 décembre, Lille/Bastia doit commencer à 20h30. Mais le président lillois arrive un peu plus tôt que prévu, en catastrophe, dès 19h45 : il se retrouve face au président du Sporting Club de Bastia, François Nicolaï, griffé sur une joue, les chaussures et le pantalon couverts de terre. Une demie heure auparavant, il aurait été pris à partie par des stadiers du LOSC, qui l’auraient envoyé par terre, et l’un d’eux lui aurait même asséné un coup de tête, occasionnant un beau roulé-boulé sur la pelouse boueuse. En riposte, quatre dirigeants corses « faisant valoir la loi du Talion » auraient roué de coups un stadier. La Voix du Nord, présente juste après les échauffourées, interroge les deux parties, qui n’ont pas l’air d’accord : selon un agent de sécurité, « ils n’avaient pas les cartes valables pour entrer sur le terrain on a voulu les empêcher ». François Nicolaï, lui, attend Luc Dayan de pied ferme : « si le président Dayan ne m’explique pas pourquoi la sécurité s’est conduite ainsi, on ne jouera pas. Si ces messieurs souhaitent régler le problème corse, ils doivent voir avec Matignon », référence au Premier Ministre, Lionel Jospin qui, depuis quelques mois, a fort à faire avec la Corse, quelques mois après l’assassinat du Préfet Eyrignac suivi de la toute belle aventure des paillotes brûlées, qui a conduit au renvoi du préfet suivant, Bernard Bonnet, dont les fans de foot connaissent davantage la fille, Anne-Laure (authentique)
Selon la Voix, « le visage marqué du président bastiais met mal à l’aise les dirigeants lillois ». Très énervé, Nicolaï tente de joindre le président de la Ligue, Gérard Bourgoin, et dépose une réclamation auprès de M. Glochon, l’arbitre du match. Enfin, il assure vouloir porter plainte pour « coups et blessures volontaires ».
Arrive alors Luc Dayan qui, après un moment d’échange avec son homologue, se présente devant la presse : « c’est désastreux. Je suis extrêmement triste. Je présente mes excuses au président Nicolaï ».
Apparemment, personne ne comprend réellement ce qu’il s’est passé : « il y a des mécanismes qui m’échappent, je veux savoir » affirme Dayan. Pendant ce temps, les joueurs sortent pour s’échauffer et sont mis au courant. Vahid Halilhodzic, informé de l’incident, prend à part Frédéric Antonetti, l’entraîneur du SCB, puis déclare seulement : « ce qui s’est passé est anormal. Il n’y a aucun problème entre les deux clubs. Là-bas, nous avons été reçus superbement bien ». Apparemment, la diplomatie de Dayan et d’Halilhodzic a permis de faire retomber la tension : le match aura lieu.
Jean-Louis Valois, de Calais à Bastia
Du côté du LOSC, Cygan, blessé à un mollet, est absent depuis quelques semaines. Manquent aussi Laurent Peyrelade, Bruno Cheyrou et Edvin Murati. Devant, la nouvelle vedette, Sterjovski, est titularisée aux côtés de Beck et de Boutoille. Au milieu, Vahid surprend son monde en ne titularisant pas Sylvain N’Diaye : Landrin prend sa place à la récupération avec D’Amico. Sur l’aile gauche, un revenant : Jean-Louis Valois qui, jusqu’alors, n’avait fait que 6 entrées en jeu, pour 74 minutes jouées. Joueur essentiel en 98/99 (29 matches dont 27 titularisations, 5 buts), Jean-Louis Valois reste un élément important de l’année du titre de D2 (25 matches dont 12 titularisations) au cours de laquelle il inscrit deux buts particulièrement marquants : d’abord, contre Guingamp, de la tête, pour une victoire dans un match au sommet (2-0), puis contre Valence, dans le match de l’officialisation de la montée, où il envoie une frappe en lucarne qui provoque un envahissement de terrain et une brève interruption du match.
Si son pied gauche a beaucoup apporté en D2, Jean-Louis Valois semble faire partie ce ces rares joueurs du LOSC qui ne parviennent pas à performer au niveau supérieur. D’ailleurs, lorsqu’il jouait à Auxerre, il n’a fait que 2 petites apparitions en D1, pour seulement 23 minutes jouées (en 96/97). Il faut dire aussi que, cette année, il ne semble pas avoir la confiance d’Halilhodzic qui, à son poste, a recruté durant l’été Murati, qui lui-même sera progressivement barré par l’éclosion de Bruno Cheyrou. Si l’on ajoute à cela la belle surprise Sterjovski, la satisfaction Beck dans son jeu si spécifique, l’explosion de Bakari en 2001, et le fait que le statut de Collot fait de lui le favori pour entrer en fin de match, il reste peu de place devant pour Valois.
Mais alors, pourquoi se retrouve-t-il titulaire ce soir là ? Pour répondre à cette question, il faut remonter à janvier 2000, presque un an auparavant.
Buteur contre Guingamp, novembre 1999
Le 22 janvier 2000, sans Vahid Halilhodzic, malade, le LOSC s’incline en 32e de finale de coupe de France, à Calais, pensionnaire de quatrième division (1-1 ; 6-7 aux tirs aux buts). Même si le parcours ultérieurs des Calaisiens peut relativiser la portée de cette défaite, c’est un affront pour Halilhodzic. 11 mois après, il n’a pas oublié ; le 17 décembre 2000, la réserve du LOSC reçoit Calais, qui est alors largement en tête (44 points en 14 journées, 0 défaite1), alors que les Lillois sont 16es, n’ont gagné que deux fois, et auraient bien besoin de points. L’occasion est trop belle : Halilhodzic envoie en réserve tous ses pros qui n’ont pas joué la veille à Metz ! Dès lors, l’équipe d’Eric Guérit est renforcée par 9 professionnels : Allibert, Hammadou, Delpierre, Santini, les frères Cheyrou, Valois, Dernis et Beck. Ils sont tous titulaires pour ce match au Stadium Nord, et seuls Dumont et Michalowski complètent le 11 de départ, sous les yeux d’Halilhodzic, qui n’a manifestement pas digéré l’élimination. Sont également présents en tribunes : Mottet, Lambert, Cygan, Sterjovski, Pichot, N’Diaye et Bakari.
La Voix des Sports, 18 décembre 2000
Et ce qui devait arriver arrive : même si Calais se montre dangereux en premier avec un sauvetage d’Hammadou sur la ligne devant Lefebvre (2e), Beck ouvre le score (38e), Valois double la mise (59e). Le capitaine calaisien, sans réussite, envoie ensuite un pénalty dans les nuages (75e), avant que Jean-Louis Valois ne marque encore (83e, 92e). 4-0, avec un triplé de Valois : l’affront n’est sans doute pas lavé, mais probablement que « Vahid content ».
La Voix des Sports, 18 décembre 2000
Valois buteur, le LOSC dauphin
Triplé contre Calais : voilà comment Jean-Louis Valois a gagné sa place pour ce match contre Bastia. Voilà la composition du LOSC : Wimbée ; Pichot, Fahmi, Ecker, Pignol ; D’Amico, Landrin, Valois ; Boutoille, Sterjovski, Beck.
Dans un match sans grand attrait, Lille domine globalement et se crée des occasions par Beck (tête repoussée par Durand) ou Boutoille (frappe au-dessus). En seconde période, l’éclair vient de Djezon Boutoille qui, servi par Pichot, crochète un défenseur et centre au second poteau ; le ballon surmonte le gardien de Bastia et, au second poteau… Jean-Louis Valois reprend du plat du pied gauche et conclut (1-0, 70e). Luc, voilà une action qui amène une belle plus-value !
Le but sur Fréquence Nord :
Pour la 10e fois en 22 journées, Lille gagne et compte 37 points à la trêve. Et comme Sedan et Bordeaux ont perdu, le LOSC se place deuxième : les Dogues se muent en dauphins (de Nantes, 2 points devant).
S’il est encore un peu tôt pour s’emballer, les fantômes du passé semblent envolés. L’équipe est sur sa lancée des deux dernières années et paraît solide, au moins pour assurer un maintien tranquille. Elle a déjà marqué 2 points de plus que sur l’entièreté de sa dernière saison en D1, en 96/97 (qui, en outre, comptait 4 journées supplémentaires) ! Le LOSC peut passer Noël au chaud. Et on est loin de s’imaginer que le meilleur reste à venir. En revanche, du côté de Bastia, on s’inquiète pour François Nicolaï qui, le lendemain du match, est hospitalisé après avoir été pris d’un malaise lors d’une réunion pour évoquer les événements de Grimonprez-Jooris.
Épilogue
Jean-Louis Valois ne sera qu’un acteur très intermittent de la formidable fin de saison du LOSC. Il ne jouera plus qu’en janvier, pour deux entrées en jeu, et 14 minutes jouées. Il part ensuite du côté de l’Angleterre et de l’Ecosse.
Le lendemain de Lille/Bastia, le LOSC porte plainte contre X, ce qui permet l’ouverture d’une enquête judiciaire. Selon Luc Dayan, « nous sommes responsables de ce qui se passe chez nous, et donc de la sécurité des visiteurs. François Nicolaï, que je connais bien, est très affecté, de même que les stadiers. Je souhaite montrer à tous que personne à Lille n’est de mauvaise foi et permettre ainsi que ce genre de problème ne se reproduise plus ». En janvier 2001, le club est sanctionné par la commission de discipline de la LNF à 500.000 francs d’amende et à un match de suspension de terrain avec sursis. Élégamment, le club fait appel. La sanction est confirmée en février. On s’en fout, on est en tête du championnat.
Un résumé du match (France 3 Nord-Pas-de-Calais) :
1 La victoire est à 4 points, le nul à 2, et la défaite (hors forfait) à 1.