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Drogue, bière & complot contre le LOSC

Le foot est un sport qui se joue à 11, et à la fin il y a un complot qui empêche le LOSC de gagner

Archive pour la catégorie ‘Donne-nous des nouvelles …’


Posté le 19 avril 2021 - par dbclosc

David Garcion, le préjudice du doute

En avril 1997, on apprend que le footballeur du LOSC David Garcion a été contrôlé positif aux anabolisants. En l’absence d’aveux du joueur et compte tenu des imprécisions autour de la lutte antidopage et de sa méthode, il reste difficile de déterminer la vérité sur cette affaire. Mais très concrètement, après cet épisode, la carrière du joueur sera bien loin des espoirs que ses 8 mois sous le maillot des Dogues avaient laissé entrevoir.

20 décembre 1996 : au stade du Ray, les Dogues, menés à partir de la 15e minute, parviennent à égaliser à la 58e minute grâce à Roger Hitoto, qui reprend dans le but vide un coup-franc lointain de David Garcion qui avait terminé sur le poteau gauche de Bruno Valencony. Le score en reste là et, grâce à ce point supplémentaire, le LOSC termine l’année civile avec 29 points en 23 matches, un total bien au-dessus des standards des précédentes saisons qui, en dépit d’une baisse de régime depuis quelques semaines, semble enfin annoncer un maintien tranquille. Mais la trêve hivernale, au-delà de ses apparences paisibles, apporte deux nouvelles qui vont contribuer à pourrir la fin de saison du LOSC, et qui concernent les deux principaux protagonistes du dernier but lillois de l’année 1996. En effet, en plus de la grave blessure de Roger Hitoto en sélection, David Garcion, à l’issue de ce match, est contrôlé positif aux anabolisants, et plus particulièrement à la nandrolone : c’est la première fois qu’un tel résultat est médiatisé dans l’histoire du football.

Garcion21

 18 mois de suspension

La nouvelle est rendue publique le 3 avril 1997, en même temps que l’annonce d’un contrôle positif de Bernard Lama au cannabis : David Garcion est suspendu par la commission médicale de la ligue nationale à 18 mois de suspension, dont 9 ferme : une sévérité là aussi inédite dans le football, qui peut précisément s’expliquer par l’absence de jurisprudence dans ce sport, et qui du coup s’approche des 2 ans de suspension appliqués en pareil cas dans l’athlétisme (c’est la même substance par laquelle Ben Johnson a été condamné à 2 ans de suspension après les jeux de Séoul en 1988). Le joueur et le club avaient été informés du résultat positif du contrôle dès janvier par les instances fédérales puis, dans le secret, les choses allaient alors suivre leur cours : David Garcion demande une contre-expertise, qui s’avère elle aussi positive ; puis, à titre privé, un mois plus tard, il fait procéder, par le même laboratoire, à une nouvelle expertise, cette fois-ci négative. Mais ce dernier résultat semble n’avoir eu aucun poids dans la décision de la Ligue. Dans l’immédiat, le joueur et le LOSC ont fait appel, et l’appel est suspensif ce qui veut dire, attention c’est compliqué, que la suspension est suspendue. Cependant, Garcion ne sera pas du déplacement à Monaco le 4 avril car il est suspendu pour cause d’accumulations de cartons jaunes. Résumons donc : la suspension est suspendue, mais en attendant il est suspendu (tout en étant suspendu à la décision de l’appel).

Garcion13Ch’t'un biau Garchion


UMP : Une Merde de Plus

Depuis quelques mois, la chute du LOSC est aussi spectaculaire que le premier tiers de saison avait été réjouissant. Bien mal embarqué en championnat, le club vient de se séparer de son entraîneur après une défaite à Grimonprez-Jooris contre Montpellier (0-4). Entre cette dégringolade au classement, les blessures (Hitoto, Becanovic, Aubry), les buts cons, le LOSC se retrouve au coeur d’une tourmente dont il se serait bien passé. Mais comme le disait Jacques Chirac, qui s’apprête à annoncer une mémorable dissolution, « la merde, ça vole toujours en escadrille », et voilà donc que l’un de ses meilleurs joueurs va désormais devoir gérer une grosse pression et passer beaucoup de temps et d’énergie à se défendre. Et, comme cela traîne depuis janvier, on suppose que Garcion a pu avoir l’esprit ailleurs depuis 3 mois, même si ça ne s’est pas spécialement ressenti sur le terrain. Car rappelons à quel point David Garcion a marqué les esprits lors de son arrivée au LOSC, incarnant sans doute le mieux le début de saison virevoltant des Dogues. Prêté par Nantes pour la saison 1996-1997, il est arrivé sur la pointe des pieds, ne comptant que 16 apparitions en D1 avec les Canaris (dont seulement 4 titularisations). Relativement inconnu, il était même difficile de l’imaginer titulaire, mais il a rapidement fait preuves de qualités rarement vues du côté de Lille depuis quelques saisons : rapidité, qualité technique, capacité à dribbler, explosivité, et grosse frappe de balle. Sur ce très bref résumé du premier match de la saison contre Metz, on le voit très à l’aise sur une action, et un peu moins en interview :

Image de prévisualisation YouTube

Fait rarissime : il obtient la note de 6/6 dans France Football après sa prestation contre Rennes en août 1996. Par la suite, il avait notamment inscrit un but formidable à Montpellier d’une frappe de 30 mètres après quelques secondes de jeu (son premier but en D1, et son deuxième but en pro, après un but marqué avec Nantes en coupe de la Ligue sur cette même pelouse), et était devenu un titulaire indiscutable dont on ne doutait pas que l’avenir, à Nantes ou ailleurs, serait brillant. Offensivement, le LOSC présentait un visage très séduisant qui a ravi le public pendant 4 mois, et si on retient surtout Becanovic parce qu’il était le buteur, David Garcion était probablement le joueur le plus spectaculaire.

Garcion30Après avoir dribblé un rennais, David Garcion s’apprête à sauter un élastique astucieusement placé par les Bretons

Une affaire stupéfiante

L’affaire fait d’autant plus de bruit qu’elle est a priori bien plus grave que la chasse aux « fumeurs de joints », déclenchée à l’hiver 1995-1996, et qui avait, entre autres, touché un de nos ex (Oumar Dieng, PSG) et un de nos futurs (Gilles *32 points au scrabble* Hampartzoumian, Cannes). Avec la découverte de nandrolone chez un joueur de football, on passe un cap dans la recherche de performance. Selon les spécialistes, la nandrolone, comme tous les anabolisants, augmente la masse musculaire, et donc la puissance, et permet ainsi de supporter des charges de travail plus lourdes, en facilitant la récupération. Surtout, et toujours a priori, on ne trouve ce produit en France que sous forme d’injection intramusculaire, ce qui semble difficile à recevoir à son insu. En revanche, avaler des comprimés – interdits en France mais en circulation en Belgique – paraît bien plus plausible. Le tout est alors de déterminer, si cette hypothèse se vérifiait, si la consommation a été volontaire ou résulte d’un acte malveillant. Dans Libération, Patrick Laure, médecin et spécialiste de la lutte antidopage, déclare qu’« on ne peut pas être contrôlé positif à la nandrolone avec un produit en vente libre en France. On est donc positif à la nandrolone avec des produits vendus sous le manteau ». Jacques de Ceaurriz, directeur du laboratoire antidopage, affirme dans le même journal qu’« un marché parallèle se développe. Des produits, souvent américains, vitaminiques ou nutritionnels qui contiennent des anabolisants. Il y a une démarche des sportifs ou de leur entourage, mais cette démarche est inavouable ».


Une première, vraiment ?

On retient souvent de David Garcion qu’il est le premier joueur à avoir été « pris » et condamné pour après un contrôle positif aux anabolisants. Comme nous l’avons écrit plus haut, il est plus juste d’affirmer que David Garcion est le premier footballeur dont les mésaventures avec ce produit sont médiatisées. Nous nous appuyons notamment sur un article du Monde d’avril 1997 qui avance cette hypothèse, en soulignant : « en 1995, 284 cas de contrôles positifs ont été enregistrés par le laboratoire central de dépistage de Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine), dirigé par Jean-Pierre Lafarge. Une indiscrétion avait révélé, en novembre de la même année, le cas du gardien international de l’AS Monaco Fabien Barthez et d’une poignée d’autres joueurs, coupables d’avoir consommé du cannabis. Encore cette drogue bénéficie-t-elle de l’indulgence de la société. La loi du silence est plus forte pour les autres produits interdits. Une large majorité des sportifs incriminés a donc purgé sa suspension dans la plus grande discrétion, le plus souvent sous couvert de blessures fallacieuses. Dès lors, rien ne certifie que David Garcion soit réellement le premier joueur soupçonné d’avoir usé d’anabolisants : il s’agit seulement du premier exemple qui ait été révélé. Les fédérations invoquent le respect de l’athlète pour justifier ce secret. Légitime souci. Mais ce jeu de cache-cache malsain conduit à donner plus d’écho aux quelques cas sortis de l’ombre. David Garcion, Bernard Lama ou Fabien Barthez pourront estimer payer, en termes de notoriété, pour ceux qui échappent à toute publicité. La dissimulation accrédite également l’idée que les instances sportives cherchent à couvrir la pratique du dopage« . Le journal La Croix donne la parole à Jean-Daniel Escande, ancien président de la Commission nationale de lutte contre le dopage et… médecin au LOSC : « est-ce qu’on a vraiment pris le seul footballeur qui se dopait ? J’ai surtout l’impression que l’on jette le nom de Garcion en pâture et que c’est un peu l’arbre qui cache la forêt« . Le quotidien rappelle quelques affaires troubles, comme les cas de Diego Maradona, suspendu en 1994 pour usage d’un « stimulant », du Belge Luc De Rijck, mort en 1991 d’une manipulation sanguine, de l’Ecossais Willie Johnston, exclu de la Coupe du monde 1978, et la « mascarade » de 1988 où « deux joueurs marseillais avaient alors échappé à un contrôle antidopage en trafiquant maillots et feuille de match. David Garcion, lui, a tiré le mauvais numéro.« 

 

Un joueur et un sport bien chargés (par la Voix du Nord)

On le voit, les premières réactions chargent David Garcion et semblent invalider les arguments des « dopés de bonne foi ». Dans le rôle du procureur-moralisateur, la Voix du Nord prend les devants, en prenant pour acquise la culpabilité de Garcion et en tentant de déterminer le moment où il aurait pris le produit incriminé. En l’occurrence, en soulignant qu’il faut environ 6 mois pour que les traces de la nandrolone disparaissent totalement, la VDN pose l’hypothèse que David Garcion aurait pu y recourir au moment de l’intersaison, quand il naviguait entre Nantes, Lille, le stage de préparation des Dogues en Corse et le bataillon de Joinville (c’est une année de service militaire pour Garcion, qui fait partie de la dernière génération de sa version obligatoire) : « de là à penser que le lillois souhaitait mettre tous les atouts pour entamer brillamment la saison, il n’y a qu’un pas… ». Classe ! La VDN rappelle les risques d’une telle consommation pour la santé : « diminution des globules blancs et des défenses immunitaires, vulnérabilité pulmonaire, cancer ».

GarcionVDN

L’affaire réveille chez le quotidien du Nord des reproches contre un sport qui ne « s’est jamais senti concerné par les problèmes des autres, parce qu’il a toujours refusé de s’immerger vraiment dans un dossier aussi brûlant ». Il ne fait dès lors aucun doute que l’affaire Garcion n’est que la partie émergée de l’iceberg : « devant le poids des évidences, la grande famille du ballon rond se doit de prendre ses responsabilités, d’admettre enfin ce que tout le monde pensait jusqu’ici sans l’avouer : le football est lui aussi vulnérable, le football véhicule aussi, hélas, toutes les tares du sport moderne ». Dans un style accusatoire sur le mode « on le savait bien », la VDN souligne que « le cas Garcion n’est peut être au fond qu’un maillon de la chaîne, de cette chaîne infernale qui, aux dires des spécialistes, mine les stades de football depuis longtemps ». Désormais, « finie l’hypocrisie, finis les faux-fuyants, finis les dribbles savants visant à éloigner les regards à anesthésier la curiosité ! ». Si on peut aisément admettre que le « monde du foot » a en effet un train de retard sur la lutte antidopage, on peut s’étonner du manque de recul critique à propos de ses instruments de mesure, sur lesquels on revient plus bas dans l’article. Et au-delà du cas Garcion, la VDN s’en prend pêle-mêle aux « enjeux de la compétition », à la « course aux résultats et à la performance », et en profite pour rappeler à quel point le football est atteint par divers maux, en témoignent « l’affaire VA-OM », les « comptes bordelais », la « violence dans les stades » ou, plus récemment les « dépassements de budget dans la conduite des travaux de la coupe du monde » à Lens et à Bordeaux.

Soutien du club

Dans l’attente de nouveaux résultats, le FC Nantes, propriétaire du joueur, réagit par un communiqué qui rappelle que Garcion est « un joueur exemplaire, un professionnel et un équipier reconnu de tous », mais « le FCNA condamne et condamnera tout procédé ne respectant pas les principes de base d’un sportif de haut niveau, qui se doit d’être exemplaire ».

Garcion2Pièce à conviction : Garcion empile les buts à un rythme suspect

David Garcion peut compter sur le soutien plus franc du LOSC. Ainsi, Bernard Lecomte déclare : « David, qui est un joueur que j’estime beaucoup et qui se dit très fier de porter les couleurs lilloises, même s’il ne sera plus chez nous la saison prochaine, ne comprend pas. Il n’a pas suivi de traitement et n’a été soigné que par le médecin du FC Nantes, et chez nous, par le docteur Gérard. A-t-il pris des anabolisants à son insu ? Je n’en sais rien et je veux m’appuyer à fond sur la présomption d’innocence. J’ai senti que le président de la commission était très ennuyé devant le cas d’ un joueur qui avait toujours très bien géré sa carrière. Moi, je veux soutenir David car cette histoire me paraît assez incroyable. Notre appel étant suspensif, le joueur pourra jouer les derniers matches de la saison et contribuer, je l’espère, à notre maintien. Je regrette, cependant, que tout soit mis sur la place publique avant que le dossier n’aille à son terme ». En outre, le docteur René Cappelaere, responsable du staff médical lillois et aussi président de l’association nationale des médecins de clubs, affirme son « intime conviction que David Garcion n’est pas capable de ça ».

 

« Je ne veux pas être le Ben Johnson du foot »

Une fois les faits médiatisés, il était difficile pour David Garcion de ne pas s’exprimer. Une conférence de presse est donc organisée dans la foulée de leur révélation avec le joueur et son avocat, Philippe Lefebvre. La Voix du Nord du 4 avril en propose le compte-rendu suivant :

Avez-vous une explication à donner ?

Je nie avoir pris quelque produit que ce soit de manière volontaire. Bien sûr, je ne peux pas nier la trace d’anabolisants dans mon organisme puisque l’expertise et la contre-expertise se sont révélées positives, mais pour l’expliquer je ne vois que deux solutions : on m’a administré ce produit à mon insu, soit de manière volontaire, soit par inadvertance. Je n’ai, en tout cas, aucune explication rationnelle, et c’est pour cette raison que nous avons décidé de faire appel.

Qui aurait pu faire ça ?

Si je le savais… Personne n’est à l’abri d’une vengeance. Maintenant, cela peut aussi être dû à une malveillance. Je peux avoir bu dans une bouteille qui contenait le produit…

Je ne peux rien dire d’autre, si ce n’est que la situation est floue, même au niveau de la commission médicale qui n’a pas su dire avec précision à quelle date j’aurais pu absorber le produit. On peut admettre qu’elle ait été décontenancée par le fait que c’est la première fois.

Que comptez-vous faire maintenant ?

Je me battrai jusqu’au bout pour essayer de prouver mon innocence, même si je ne peux rien apporter d’autre que ma bonne foi. Je suis prêt à aller devant d’autres juridictions. Porter plainte contre X ? Ce n’est pas exclu.

Vous n’avez pas l’impression que c’est votre carrière qui est en jeu ?

Non, car je n’ai que 23 ans, et si la sanction est effective, je la purgerai. Et ensuite, je reviendrai. Quitte à devoir repartir de zéro. Ne serai-ce que pour montrer que tout ce que j’ai réussi jusqu’ici, ce n’est pas grâce aux produits dopants, mais au travail et à mon talent. Depuis janvier, je ne suis plus positif, ce n’est pas pour cela que je n’ai pas fait de bons matches. Ce n’est pourtant pas facile de garder ça pour soi. Si j’ai réussi à faire abstraction de cette histoire pendant 3 mois, c’est précisément parce que j’ai la conscience tranquille. Croyez-moi, si j’avais fait une bêtise, je l’assumerais. Mais ce n’est pas le cas. Quel intérêt de prendre ce produit dans le foot où tant d’autres facteurs entrent en jeu ? Je n’ai jamais été un tricheur, et je ne veux pas payer les pots cassés. Je ne veux pas être le Ben Johnson du foot…

Un résumé de l’affaire en vidéo avec France 3 :

http://droguebierecomplotlosc.unblog.fr/files/2021/04/garon.mp4

 

3 derniers matches pour accompagner la descente

Absent à Monaco, David Garcion est de retour le 17 avril pour un match à domicile contre Cannes. Ce qui n’est pas du goût de Guy *Ouin-ouin* Lacombe, l’entraîneur des Cannois, qui s’étonne de la présence du Lillois : « je n’ai rien contre David Garcion, ni contre Lille. Ce sont surtout les règlements qui me laissent perplexe. On veut parler d’éthique, on donne des leçons de morale aux entraîneurs et d’autres aspects sont tolérés. Comprenne qui pourra, mais cela me choque ». Sur le terrain, David Garcion n’a pas semblé perturbé ; il a même offert une passe « lumineuse » pour Boutoille, dont le but a été refusé. Mais Lille a encore perdu : « j’ai ressenti beaucoup de pression ces derniers temps, mais je m’y préparais depuis 3 mois. Personnellement, j’ai la conscience tranquille. Sur le terrain, je n’y ai pas pensé, j’en en fait abstraction. N’en déplaise à Guy Lacombe. Ce que qu’il a dit avant le match n’est pas très élégant. Il ne connaît pas le problème et se permet de juger. Ces choses-là ne se font pas ».

 

Fin de l’aventure avec le LOSC

Lors de la journée suivante, il n’est que remplaçant à Lens, à cause d’une douleur à la cheville (Lille perd). 4 jours après, il fait sa dernière prestation sous le maillot du LOSC contre le PSG, pour la 35e journée (Lille perd). Le 7 mai, la décision définitive de la commission d’appel de contrôle de dopage de la FFF tombe : sa suspension est réduite de 9 à 6 mois ferme, une peine « clémente » selon la VDN. « Notre décision est liée à de multiples facteurs, dont les arguments présentés par le joueur » selon Henry Coudane, président de la commission d’appel ; « le produit en question n’est pas venu par hasard, et les médicaments contenant ce produit ne sont pas commercialisées, sous forme orale, en France. Nous avons écouté les arguments du joueur, son avocat, le médecin du FC Nantes, et cette étude nous a fait prendre cette attitude ».

David Garcion réagit sans s’indigner : « je ne suis pas satisfait dans le mesure où j’estime n’avoir jamais rien pris, et j’espérais donc être complètement blanchi. Du moins, on m’a écouté, on a pris tous les détails de l’affaire en compte et c’est le plus important. Il va falloir que je digère un peu tout ça, mais dans la mesure où je suis le premier cas dans le football, ils ne pouvaient pas se permettre de ne pas prendre de sanctions. On va attendre un peu avant de me revoir, mais on me reverra ». Le président du LOSC, Bernard Lecomte, s’interroge sur le verdict et pose une bonne question : « je suis un peu insatisfait : faut-il comprendre qu’il est moins coupable qu’avant ? Je retiens toutefois que 6 mois de suspension, c’est une porte ouverte pour lui ». Concernant le LOSC, sa collaboration s’arrête : « il ne va plus être là, mais la séparation était programmée de toute façon. Je regrette simplement les conditions dans lesquelles elle s’effectue. Les membres de la commission d’appel ont pris leur décision en leur âme et conscience mais moi, ce que je sais, c’est que j’ai toujours apprécié l’homme ».

 

Une jurisprudence floue

Après David Garcion, d’autres joueurs ont été condamnés à la même sanction pour prise supposée de nandrolone (Guérin, Arribagé, Sibierski, Pouget, Dugarry…). Tous ont nié avoir volontairement pris quoi que ce soit, et la plupart d’entre eux ont finalement été blanchis pour des vices de forme, sans donc que la vérité scientifique ne soit établie, alors même que les joueurs se sont un temps transformés en avocats, en consultants des médecins et des chercheurs pour prouver leur bonne foi. On se rappelle notamment les efforts déployés par Antoine Sibierski qui, jamais reçu par la ministre des Sports, Marie-Georges Buffet, qui n’est pas commode, avait ostensiblement refusé de lui serrer la main lors de la finale Calais/Nantes en 2000 (c’est à 5’20 dans la vidéo). Il s’agit aussi de se souvenir qu’à son arrivée au ministère, Marie-Georges Buffet a placé la lutte antidopage parmi ses priorités fin 1997. Dès lors, les premiers cas de nandrolone ont permis d’affirmer et de mettre en scène l’intransigeance du ministère, mais sans s’assurer de la complète véracité des cas. Et la controverse scientifique est d’ailleurs toujours bien vive : dans un entretien accordée aux Cahiers du foot en 2000, Vincent Guérin, l’un des mis en cause, lui aussi blanchi pour vice de forme, racontait ses démarches et les incertitudes autour de la pertinence des résultats des contrôles, parmi lesquelles : des tests urinaires inopérants, des doutes sur une production endogène de nandrolone, des taux de positivité différents d’un pays à l’autre et d’autres aspects plus techniques que nous vous invitons à lire dans l’entretien. Si on croit comprendre que David Garcion a plaidé la prise de compléments alimentaires dont il ignorait une partie de la composition, des scientifiques ont pu montrer que ces compléments contenaient les mêmes métabolites que la nandrolone ; très concrètement, cela aurait pour effet de rendre positifs à la nandrolone des joueurs qui n’ont en fait pas pris de nandrolone. Quoi qu’il en soit, les taux des footballeurs contrôlés positifs sont si faibles (en comparaison avec l’athlétisme, où la prise volontaire de produits paraît bien plus établie) que le doute persiste quant à l’origine et à la quantité de la substance incriminée. Au moment de l’affaire Garcion, l’un des médecins du LOSC, Jean-Daniel Escande, déjà cité plus haut, avait tenu des propos maladroits, en affirmant que « le dopage aux anabolisants est un choix complètement inadapté pour un joueur de football », comme s’il existait un dopage plus adapté, ce qui revient presque à dire qu’il y en a effectivement un. Le doc ajoute : « la dose d’entraînement que subit un joueur de football est sans commune mesure avec ce que subit un athlète ou un haltérophile », preuve, selon lui, que l’usage d’anabolisants est étranger au milieu du football. Il reprend ainsi une argumentation consistant à dire que, puisque le football nécessite de la technique et de la tactique collective et qu’aucun dopage musculaire ne pourrait améliorer celles-ci, il n’y a donc pas de dopage (en oubliant qu’une meilleure condition physique permet probablement d’être plus clairvoyant et d’augmenter la probabilité de réussir ses gestes techniques).

Garcion (2)

Les dénégations des uns et les éléments que nous avons mentionnés ne font certainement pas du football un sport « propre » : de nombreux témoignages de médecins de club ou même de footballeurs laissent supposer bien des « surprises ». En 2005, la réaction du LOSC à une interview de son ex-médecin dans les Cahiers du foot avait suscité une réaction bien suspecte allant à l’encontre de l’effet que le club avait certainement voulu produire (l’interview du doc est là ; le « droit de réponse » du LOSC et le commentaire des Cahiers sont là). Dans le cas de David Garcion, même si on peut plaider que la naïveté est une faute pour un professionnel, force est de constater que les doutes autour de la procédure et de ses résultats n’ont pas bénéficié à l’accusé. Non seulement à court terme, puisqu’il a été suspendu, mais aussi à plus long terme, puisque qu’il n’a ensuite connu que 6 matches en L1 et une soixantaine en L2 (avec Guingamp et Caen), sans retrouver l’éclat de son passage lillois. Dans l’interview déjà mentionnée, Vincent Guérin parle de l’ancien Dogue : « c’est un garçon qui certainement n’avait rien pris et qui s’est fait massacrer. Je pense que sa carrière a tourné court à cause de ça ».


Posté le 10 avril 2021 - par dbclosc

Cor Van Der Hart, le premier Golgoth néerlandais de l’histoire du LOSC

Ce premier jour d’août 2020, Sven Botman, coupe à la brosse, grande carrure et oreilles décollées, vient faire sa présentation à la presse au domaine de Luchin. Quand on lui demande pourquoi il a quitté son cocon de l’Ajax Amsterdam il répond, franc : « parce qu’il y avait trop de bon joueurs à mon poste de défenseur. Et le LOSC m’offre du temps de jeu ». Le raisonnement est cohérent. Et, cohérent, l’axe de transfert Ajax > LOSC en matière de défenseurs semble l’être aussi. En voici la formule : l’Ajax forme parmi les meilleurs défenseurs néerlandais de l’histoire, puis le LOSC sait leur donner de l’exposition. Preuve en est 70 ans plus tôt avec un autre costaud batave aux grandes esgourdes et à la coupe militaire : Cor Van Der Hart.

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Football total et aller simple

1940. En pleine guerre, l’Ajax Amsterdam organise une journée de détection de jeunes talents pour son académie. Plus de 300 jeunes se présentent. Mais au final, deux seulement sont retenus : le futur inventeur du football total Rinus Michels, et le dénommé Cornelis « Corry » Van Der Hart, futur défenseur du LOSC de l’âge d’or. Un LOSC qui passera ensuite toutes les années 50 à tenter de reformer ce duo dans le Nord, sans succès. Les autorités néerlandaises prétextent que l’ami Rinus ne pouvait pas bouger des Pays-Bas tant que son service militaire n’était pas accompli. Une anecdote qui ramène au mauvais souvenir de Park Chu Young et ce foutu Eurostar à 7h du mat’.

équipe5051Le LOSC 1950/1951, avec un maillot très inspiré de la vareuse du SCF : Cor est au troisième rang, à gauche

En 1947, le championnat néerlandais est encore amateur quand Cor Van Der Hart commence à jouer avec l’Ajax. La seule solution pour faire du football son métier est donc l’exode. Faas Wilkes et Bram Appel ouvrent une brèche en partant respectivement à l’Inter et Reims à l’été 49. L’affaire ne plaît pas trop à la fédération néerlandaise qui interdit aux exilés d’apparaître en équipe nationale tout en leur intimant l’ordre de rentrer au pays. Mais peu importe pour « Corry » : il suit le mouvement un an plus tard en signant au LOSC. Le club reste alors sur deux saisons sans titre après en avoir enchaîné quatre au sortir de la guerre.


Coupe Drago et vrais titres avec le LOSC

Cor n’en a que faire. Le voilà prêt à disputer le titre de champion de France et à remporter des coupes prestigieuses. Cependant, l’idylle n’est pas parfaite tout de suite. Lors de sa première saison à Lille, Van Der Hart voit le club finir dauphin de Nice et, surtout, perdre la prestigieuse Coupe Latine, ancêtre de la Coupe des Champions, au profit du Milan AC. Un complot évidemment. Puis il perd aussi la finale de la coupe Charles Drago face à Reims. Une compétition destinée à l’époque aux clubs éliminés avant les quarts de la Coupe de France. Et qui de nos jours serait sans doute diffusée sur France O après un épisode de Cœur Océan.

Mais, peu à peu, l’équipe monte en puissance et Van Der Hart, après n’avoir joué que 19 matchs de championnat lors de sa première saison, s’impose comme un titulaire inamovible. Au point de former la « défense de fer » avec notamment Bieganski et Lemaitre : celle qui n’encaisse que 22 buts sur la saison 53-54. Une défense qui permet au LOSC de gagner la coupe de France en 1953 puis le championnat en 1954. Mais Van Der Hart, durant son passage au LOSC, accomplira un exploit encore plus marquant : rendre le football néerlandais professionnel.

DwjRBILXgAId81i26 avril 1953 : en demi-finale de coupe de France, Lille vient d’écarter Saint-Etienne à Marseille. De gauche à droite : Cor Van Der Hart, Kees Rijvers et César Ruminski


L’homme qui professionnalisa le football néerlandais

Retour au 31 janvier 1953. Une tornade s’abat sur les Pays Bas et provoque des inondations sur les côtes de la Mer du Nord. Plus de 70 000 personnes sont évacuées et près de 2000 perdent la vie. Pour leur rendre hommage et recueillir de l’argent pour les victimes, la fédération française de football propose à celle néerlandaise de jouer un match amical. Problème : l’équipe nationale des Pays-Bas est mauvaise. Elle vient de perdre 22 de ses 28 derniers matchs et elle redoute l’humiliation. Elle préfère viser plus bas en affrontant le Danemark.

Mais l’offre française ne met pas longtemps à trouver preneur. Les joueurs néerlandais exilés à l’étranger pour jouer en professionnel ont en effet entendu toute l’histoire à la radio. Ils sautent sur l’occasion et acceptent la proposition de match amical. Cor Van Der Hart fait partie des instigateurs de la démarche au même titre que Bram Appel. Ils envoient alors un fax à leur fédération, qui refuse, avant d’obtenir l’autorisation de la part … du Prince Bernhard en personne, au nom de la famille royale néerlandaise.

Le match a lieu le 12 mars de la même année. 8000 supporters des Pays-Bas font le déplacement au Parc des Princes pour assister à la prestation de joueurs que la fédération néerlandaise considèrent encore comme des « traîtres ». Les Pays Bas rentrent menés 1-0 à la mi-temps mais les journalistes bataves ayant fait le déplacement nombreux sont impressionnés par la qualité de jeu des footballeurs exilés. Au retour des vestiaires, ces derniers égalisent enfin et s’offrent même la victoire dans les dernières minutes sur un but de Bram Appel. Les supporters et les journalistes néerlandais retourneront au pays des étoiles plein les yeux des exploits de Van Der Hart et de ses compères. Ils plaideront pour la professionnalisation du football aux Pays Bas. Elle surviendra à peine un an plus tard en 1954.

Equipe 53-54 (2)Le LOSC 1953/1954 : souriant, sur la gauche du gardien

Mon royaume pour 10 000 balles

Durant l’été de cette même année (1954), les joueurs lillois, fraîchement champions, reviennent à l’entraînement. Enfin, tous sauf un. Van Der Hart, irréprochable jusqu’ici, se permet une Thauvin et ne se pointe pas. Louis Henno, le président du LOSC, ne s’inquiète pas, Corry doit juste avoir un ami boucher qui le conseille mal. Mais, renseignement pris, le Batave demande la rançon du succès pour continuer avec le LOSC : 10 000 francs d’augmentation. Le président ne lui passe pas et l’envoie dans le loft version années 50 où il se sent bien seul sans Lenny Nangis ni Stoppila Sunzu. C’est que le dirigeant lillois pense lui avoir déjà trouvé le remplaçant idéal en la personne de Joseph Zacharias, international hongrois. Mais Zacharias n’est pas Zacharias, mais plus Fantomas. Ou surtout un légionnaire tchécoslovaque usurpateur d’identité et sous le coup d’un avis d’expulsion. Mais tout ça c’est une autre histoire.

Van Der Hart trouve une porte de sortie en signant au Fortuna Sittard en novembre 1954. Là-bas il découvre une ligue néerlandaise enfin professionnalisée et remporte les deux seuls titres de l’histoire du club. Surtout il est enfin appelé en équipe nationale des Pays Bas dont il deviendra le capitaine. Puis vient le moment de mettre un terme à sa carrière.

Cor_van_der_Hart_(4_juni_1972)VDH, alors entraîneur d’Alkmaar, en 1972


La dynastie Ajax

« Corry » devient alors entraîneur et surtout adjoint de la sélection des Pays Bas de Rinus Michels dans les années 70. Celle qui mettra en place les prémices du football total. Puis Van Der Hart passe adjoint dans l’équipe de l’Ajax entrainée par Cruyff dans les années 80 (celle dont les préceptes de jeu nous ont coûté nos deux dernières campagnes européennes). Van Der Hart reste ensuite proche du club d’Amsterdam jusqu’à sa mort en 2006. Soit 6 ans avant que son petit-fils ne passe professionnel chez les blanc & rouge. En effet, le petit Mickey Van Der Hart restera troisième gardien de l’Ajax jusqu’en 2015. L’année de la promotion chez les U17 d’un certain Sven Botman.

https://www.youtube.com/watch?v=Yw4LyRtPmGo

Sources :

https://www.knvb.nl/nieuws/oranje/nederlands-elftal/17384/watersnoodwedstrijd-leidt-profvoetbal

https://www.lavoixdunord.fr/637696/article/2019-09-15/de-van-der-hart-le-refractaire-kluivert-l-inspirateur-ces-neerlandais-passes-par

 


Posté le 30 janvier 2021 - par dbclosc

Jubilé Plancque : Cantona relègue les frangins au second plan

En mai 1997, les frères Plancque organisent leur jubilé au stade Grimonprez-Jooris : un beau moment en perspective pour célébrer deux joueurs qui ont marqué le LOSC. Parmi les invités, Eric Cantona qui, une semaine avant la fête, annonce brutalement sa retraite sportive. Sa venue à Lille fait alors prendre une autre dimension à l’événement.

« Au départ, l’idée, c’était de faire un match sympa, au stade Guy-Lefort à Lambersart, devant 300 ou 400 personnes. Et puis, petit à petit, on nous a convaincus qu’il était possible de faire mieux ». Pascal Plancque ne cache pas son excitation et sa fierté à l’approche de la grande fête organisée le 25 mai 1997 au stade-Grimonprez-Jooris : lui et son frère Stéphane organisent en effet leur jubilé. Si les frères Plancque n’ont pas remporté de titre avec les Dogues, ils occupent une bonne place dans l’histoire du club. Au sein d’un LOSC à la recherche de sa gloire passée et sur courant alternatif durant ces années-là, celles et ceux qui ont vu jouer Stéphane (l’aîné) et Pascal (le cadet) se rappellent notamment l’efficacité du premier et la technique du second. Dans les années 1980, ils étaient beaucoup plus que des relais entre défense et attaque : ils représentaient l’espoir de voir le LOSC, proche de ses racines, s’appuyer sur des jeunes garçons du cru. Quelques années auparavant, Le club, à l’initiative notamment de José Arribas et de Charly Samoy, avait lancé une grande politique formatrice. Les frères Plancque, et bien d’autres, en étaient le fruit.

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D’abord formés à l’Iris Club de Lambersart, les frères Plancque arrivent au LOSC comme Cadets (surtout Pascal, puisqu’il était le plus jeune). Leur père, Claude, qui a joué au LOSC au niveau amateur, raconte que « Stéphane n’aimait pas trop l’école, il n’a eu très vite que le football en tête. Pascal, lui, était plus tenté par les études. Mais il s’est vite aperçu qu’il était difficile de faire les deux. Ce fut le foot… ». Stéphane débute en équipe première lors d’un match de coupe de France contre Hautmont en 1978 : il vient alors de fêter ses 17 ans et inscrit déjà un doublé ; il apparaît pour la première fois en D1 en août 1978, et il signe ensuite son premier contrat professionnel en 1981. Quant à Pascal, il apparaît encore plus jeune en équipe première lors de l’été 1980, à l’occasion du tournoi de la communauté urbaine de Lille (contre Hambourg) ; il apparaît en D1 au mois d’août puis signe son contrat professionnel en 1983. On a déjà évoqué brièvement leur parcours à Lille, la difficulté de situer précisément leur positionnement sur le terrain et leur « fraternelle concurrence ». On a aussi évoqué la triste fin des frangins au LOSC, dans des circonstances qui restent floues. Mais qu’ils aient été loués ou critiqués, les frères Plancque ont laissé des souvenirs précis : ceux de leurs performances sur le terrain, et ceux, parfois, de leur extravagance en dehors, comme cette fois où Stéphane, pour sa première convocation dans le groupe pro pour un match amical, s’est pointé devant le coach avec une épingle à nourrice dans le nez. « C’était n’importe quoi » commente-t-il quelques années après. On confirme !

P. Plancque

Au moment de les célébrer, l’heure est à la rigolade et à la fête entre copains, ce qui correspond bien à l’image qu’ils ont laissée. Et d’ailleurs, on ne relèvera chez eux aucun regret sur leurs carrières, dont on considère parfois qu’elles auraient pu aller plus haut. Interrogés par la Voix du Nord, deux entraîneurs qui les ont bien connus, laissent pointer un brin d’amertume, tout en soulignant leurs qualités. Ainsi, Georges Heylens dit qu’« ils me laissent une impression d’inachevé. Il s’agissait de deux éléments de grande valeur, mais je n’ai pas su tirer le maximum de ces deux garçons-là. Je reste persuadé que Pascal est passé à côté de la « montre en or », il aurait pu faire aussi bien que son frère qui a réalisé une belle carrière. Ils étaient complémentaires, l’un était fait de courage, d’abnégation, de vélocité, et l’autre était plus technique. Ils avaient un caractère entier et se montraient d’excellents équipiers qui savaient être boute-en-train ». Quant à Jean Parisseaux, il rappelle que les frères sont « deux garçons qui ont marqué la formation du LOSC. Stéphane est rapidement passé du stade « jeunes » au groupe professionnel. Pascal était encore étudiant et n’hésitait pas à venir s’entraîner après les cours. Ils ont fait une carrière honnête mais on pouvait espérer mieux ».

Pascal confirme : « nous étions les enfants terribles du LOSC. Je manquais de maturité, c’est évident. Disons que j’avais une hygiène de vie pas vraiment compatible… ». À l’heure des souvenirs, Charly Samoy les taquine : « Mes cheveux blancs ? Je vous les dois pour moitié… ». L’ancien gardien de but du LOSC rappelle, avec le sourire, que « c’étaient deux sales gamins. Mais ils incarnaient l’état d’esprit qu’il y avait au club à cette époque-là. Ils avaient la hargne, la rage, la colère, le sens de la révolte. Oui, il y avait un peu de tout cela chez eux. Et puis c’étaient des gamins sympas… Des lutteurs, jamais battus, qui allaient au bout d’eux-mêmes. Ils étaient différents, mais aussi difficiles à gérer l’un que l’autre ! De temps en temps, il aurait fallu un martinet… ». C’est avec regret qu’il les a vus partir simultanément, en 1987 : « nous voulions bâtir le LOSC autour d’eux. Mais on ne pouvait plus les retenir ».

plancque jubiléééMichel Castelain, les frères Plancque et Jules Bigot en amont de Lille/Le Havre en mai 1997 pour faire la promotion du jubilé

Place désormais aux célébrations ! Aux commandes de l’événement, on trouve Michel Castelain et David Plessis, qui se chargent de trouver quelques sponsors et d’activer leur carnet d’adresses. Le public aura de quoi exercer sa nostalgie en voyant œuvre d’anciens Dogues qui ont déjà confirmé leur présence. Parmi eux : Jean-François Domergue, Roberto Cabral, Pierre Pleimelding, Félix Lacuseta, Bernard Lama, Jean-Pierre Meudic, Cyriaque Didaux, Slavo Muslin ou Joël Henry. Ceux-là feront partie de l’équipe des « ch’tis », coachée par Charly Samoy. Voilà qui apportera un peu de joie à Grimonprez-Jooris, qui s’apprête à voir son LOSC descendre en deuxième division après 19 ans au sein de l’élite. La relégation est officialisée le 17 mai, après un match nul contre Le Havre. C’est l’issue presque inéluctable de plusieurs saisons sans relief d’un club tellement loin de son lustre d’antan, dans ce stade qui n’a vu aucune grande performance mais auquel on reste profondément attaché : « vous ne pouvez pas savoir comme ça me fait plaisir. Grimonprez, c’est vraiment quelque chose. Ici ça sent la frite et le football du Nord. J’ai toujours eu envie de rejouer à Grimonprez. Ça va être énorme pour moi… ça va être une joie immense » s’enthousiasme Stéphane. « Mon aventure au LOSC, je la revois dans sa globalité. Pas seulement à travers moi et mon frère. Très sincèrement, je ne me voyais pas organiser ce jubilé ailleurs qu’à Lille. Ma famille est là-bas, mes amis aussi. Et il y a les émotions de mon adolescence… Que M. Lecomte ait souscrit à notre idée, d’emblée, m’a fait plaisir. Le président lillois, je l’ai connu, naguère, grâce à la musique. On jouait dans le même groupe. Lui faisait du clavier et, moi, de la batterie ! Mais depuis, c’était bonjour, bonsoir ». Pascal complète : « Stéphane et moi, on fonctionne à l’affectif. Sincèrement, le LOSC, c’est beaucoup plus que notre premier club pro. Ce jubilé, ce n’est rien d’autre qu’une fête. Qui va nous permettre de faire plaisir à plein de gens ».

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De l’autre côté, il y aura la « sélection des copains », entraînée par Roger Lemerre, et composée de joueurs croisés par l’un ou l’autre des frangins. On y trouvera, entre autres, Gaëtan Huard, Jean-Luc Dogon, Bernard Ferrer, William Prunier, Didier Six, Jean-Christophe Thouvenel ou Frédérik Viseux (que Pascal a connu à Pau). Et, dans chaque équipe se trouvera une star : chez les « Ch’tis », Jean Pierre Papin et, chez les « copains », Eric Cantona.

C’est Stéphane qui est allé chercher JPP. L’aîné, qui joue encore au niveau DH du côté de Arsac, en Gironde, a eu l’occasion de croiser celui qui est à l’époque le deuxième meilleur buteur de l’histoire des Bleus (30 buts, à égalité avec Fontaine) et est depuis un an l’avant-centre de Bordeaux : « je me suis rendu un jour à l’entraînement des Girondins et j’ai eu l’occasion de croiser Jean-Pierre. Ce n’était pas évident car nos précédentes rencontres avaient été plutôt chaudes. Lorsqu’il était à Marseille, prendre Papin au marquage, c’était un vrai combat. On n’était pas copains du tout ! Plusieurs fois, on a failli en venir aux mains, on se crachait dessus. Jean-Pierre fut le premier à venir me dire qu’on était vraiment cons à l’époque. Depuis, on est restés amis ».

Quant à Cantona, à ce moment 6e buteur de l’équipe de France (19 buts, à égalité avec Jean Baratte) c’est Pascal qui l’a connu à Auxerre lors de son arrivée en Bourgogne en 1987 : « je ne connaissais personne. Il a remarqué que j’étais un peu perdu. Lors du stage d’avant-saison, il est venu me voir, on a bu un coup ensemble et, à partir de là, il a toujours été aux petits soins. Je l’avais découvert par le biais d’une déclaration fracassante sur un entraîneur national. Jamais, jusque là, un joueur n’avait parlé comme ça. Il disait des choses que, moi, je n’arrivais pas à exprimer. Intérieurement, je me suis dit : « ce type ne se dégonfle pas. C’est un grand ! Il faut savoir prendre le personnage comme il est. On ne le changera pas, il aime la démesure, il est entier, il est unique ! Là où certains avancent en louvoyant, lui va tout droit. Et rien ne saurait l’écarter de son chemin !  ».

Les deux hommes deviennent rapidement amis : chaque année, Pascal se rend dans la maison familiale de Cantona dans les Hautes-Alpes. Le personnage, on le connait. C’est un garçon adorable, généreux, qui ne supporte pas l’injustice. On s’est vite trouvés des points communs, cela a collé tout de suite. On adorait Spreegsteen, le jazz, McEnroe. À l’époque, il débutait en équipe de France. De tous les joueurs que j’ai côtoyés, il est de loin le plus fort. Vandenbergh n’était pas très loin mais il n’avait pas la force de caractère d’Eric. Dès le premier entraînement, j’ai compris qu’il était au-dessus des autres. Sa venue à notre jubilé, c’est un cadeau. Je suis heureux comme un gosse. Je suis son pote mais je suis aussi un fan ! ».

Plancque jubilé famillePapa et ses fistons

Les principaux organisateurs, David Plessis et Michel Castelain, estiment le coût de l’événement à 150 000/200 000 francs. Deux tarifs sont proposés : 30 francs (secondes et premières) et 50 francs (partout ailleurs, y compris en présidentielles). L’objectif est aussi de récolter des fonds pour l’association « 9 de coeur » crééé quelques mois auparavant par la famille Papin pour venir en aide aux enfants atteints de lésions cérébrales (comme l’est leur fille Emily) et des fonds pour les enfants de Gaston Mobati, placés à la DDASS depuis le décès de leur père en 1995. Pour ce faire, à l’issue du match, une vente de maillots sera organisée lors d’une « soirée VIP » : seront notamment vendus les maillots de Dugarry (Milan AC), Lama (PSG), Cantona (celui du jubilé), et Zidane (Juventus). M. Behague arbitrera le match, et sera assisté de MM. Sergeant et Pétain ; qui ne devraient pas avoir beaucoup d’occupation.

À une semaine du jubilé, tout semble prêt ! Mais le dimanche 18 mai, une annonce va faire prendre au jubilé une autre dimension.

planque jubilé VDS

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L’événement est suffisamment important pour qu’il se trouve en Une de la Voix des Sports le 19 mai et de la Voix du Nord le 20 mai : Eric Cantona arrête sa carrière ! Il l’a annoncé le 18 mai au cours d’une conférence de presse : « j’ai toujours prévu de m’arrêter en étant au sommet. Ici, à Manchester, j’ai atteint l’apogée et j’ai maintenant envie, après treize années chez les professionnels, ce qui est très long, de faire autre chose de ma vie. Durant ces quatre dernières années, j’ai joué mon meilleur football et je pars sans regret ». Cantona ne s’étend pas davantage sur ses motivations, laissant les journalistes présents sur leur faim. Entre deux hommages, toute la presse cherche à arracher au King une nouvelle déclaration, une explication, une justification. Mais il se tait, et le championnat anglais est terminé. Seule solution, se rendre à la seule manifestation publique à laquelle Cantona a déclaré se rendre : direction Grimonprez-Jooris, au jubilé des frères Plancque.

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Au départ, ce devait être une simple fête entre copains autour des frères Plancque. Mais il a fallu qu’Eric Cantona annonce sa retraite une semaine plus tôt pour que la promesse de sa venue à Lille devienne aussitôt un événement de première importance. 65 accréditations – dont une trentaine pour des journalistes anglais – sont délivrées pour le jubilé. Des dizaines de supporters de ManU sont se sont annoncés. Il faut dire qu’on est désormais loin du joueur qui a quitté la France en 1991 : il était, certes, talentueux, mais on retenait autant son habileté technique que ses insultes contre Henri Michel, son départ de l’OM après avoir jeté son maillot ou son inoubliable tacle sur Michel Der Zakarian. Outre-Manche, même s’il a joué les karatékas vengeurs, ce qui lui a valu 8 mois de suspension, ses sacres avec Leeds (1992) et Manchester (titres en 1994 et 1997, doublés en 1993 et 1996) et ses innombrables prouesses l’ont élevé au rang de footballeur d’exception.

Eric-Cantona-Manchester-United
Au cours de la saison qui vient de s’écouler, Eric Cantona a été moins décisif. Sa silhouette s’était alourdie. Il avait fait de la Ligue des Champions son ultime objectif, mais l’élimination de Manchester par Dortmund en demi a fait s’envoler ce rêve. Son contrat expirait en 1998, et Fergusson n’était a priori pas chaud pour le prolonger. Et, puisque la coupe du monde se fera sans lui, il a pris les devants dans un ultime contre-pied, en donnant l’illusion de maîtriser un combat qui lui filait entre les doigts. Eric Cantona choisit donc de tirer sa révérence avant d’être renversé.

Au vu du flot de réactions que suscite cette retraite, de la cohue annoncée, on commence à douter de la venue de Canto à Lille. La VDN évoque une effervescence pas vue en France depuis le jubilé de Michel Platini en 1988 ! Dans la semaine qui précède le jubilé, les informations sont contradictoires : tantôt on évoque sa fidélité en amitié qui la fera venir quoi qu’il en coûte ; tantôt bruissent des rumeurs sur sa volonté de se protéger et donc de ne pas s’exposer en public. Quoi qu’il en soit, le jour du match, Cantona est espéré, en Une de la Voix du Nord.

plancque jubilé VDN

Le premier gag de l’après-midi survient au moment où se présente Pascal Plancque à l’entrée du stade : il est refoulé par la sécurité. Après quelques explications, le malentendu est levé. Ce serait une vengeance froide de Samoy que ça ne nous étonnerait pas. Hormis quelques désistement (Vercruysse a prévenu dans l’après-midi qu’il n’avait « plus envie » de venir ; Marcel Dib, directeur sportif de l’OM, a préféré raser les murs après le 0-8 encaissé à Lyon la veille ; Stéphane Paille).

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Et à 17h30 se pointe une Mercedes : « Ray-Ban et coupe de légionnaire, Sa Majesté Cantona en sort, flanquée de deux molosses patibulaires au regard d’acier » commente sobrement la Voix des Sports. Venu sans ses chaussures de foot, Canto a fait ouvrir deux magasins un dimanche pour trouver chaussure de son équipementier à son pied. De sa sortie de voiture à son entrée sur le terrain, il est protégé par « un dispositif de sécurité digne d’un ministre, mais risible dans le contexte d’un jubilé de football ». Si quelques enfants ont envahi le terrain à la fin de l’échauffement, la sécurité de Canto n’était pas vraiment en jeu.

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Eric Cantona va donc fouler une pelouse française pour la première fois depuis octobre 1994 (France/Roumanie à Saint-Etienne). Et il n’a sans doute pas vu Grimonprez-Jooris depuis octobre 1989 (victoire de Lille contre Montpellier 1-0, but de Pelé). Au moment de l’annonce des compositions par Bernard Lernould (ancien de Fréquence Nord), speaker d’un soir, le nom de Cantona est ovationné. L’idole répond avec un salut à la romaine qui préfigure les plus belles prestations de Vahid sur son banc. À l’applaudimètre, Papin, Lama, Boli, et Six rencontrent un franc succès, de même que Jean-Marie Aubry et Fabien Leclercq, encore défaits la veille, cette fois à Metz, pour la dernière journée du championnat. Beau symbole : Christophe Dugarry, qui a fait le déplacement, s’installe en tribune, aux côtés des 10 000 spectateurs qui garnissent Grimonprez.

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Le coup d’envoi est donné par Jules Bigot, et le public n’a d’yeux que pour Cantona, qui « a régalé le public de prouesses techniques ».

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L’ambiance est excellente et l’équipe des Ch’tis s’impose 4-2. Et Cantona a marqué !

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Le lendemain, la Voix des Sports fait sa Une sur celui qu’il n’est même pas nécessaire de nommer. Mais ceux qui espéraient une déclaration du jeune retraité peuvent attendre longtemps : les seules fois où on a vu Cantona parler, c’était aux enfants qui lui demandaient des autographes.

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Charly Samoy est content : lui qui n’a pas pu sauver le LOSC de la descente en fin de saison donne son numéro à tous ses anciens en leur demandant d’avoir un œil sur les bons éléments de leur secteur pour les envoyer au LOSC. La cellule de détection bosse fort ! Mais, surtout, les frères Plancque sont aux anges : tout s’est bien passé. Pascal : « ce fut magnifique. Le temps était de la partie, tout comme nos potes. Depuis deux à trois jours, je plane totalement. J’ai du mal à réaliser. Je me suis régalé. Je m’arrêtais même de jouer pour regarder le public. J’en ai pris plein les yeux » ; Stéphane : « c’est un soulagement. Cela faisait quinze jours que nous préparions cela et 3 nuits que je ne dormais pas. Nous avons fait plaisir au public, c’est une réussite. Nous avons voulu que cela soit très simple, sans chichi. Les vrais amis étaient là ».

Sur le coup, c’est bien le « King » qui a créé l’événement de ce jubilé, en raison de l’annonce toute fraîche de sa retraite. Mais, bien entendu, sur le long terme, les frères Plancque conservent à Lille une aura toute particulière, et ne sont pas près de passer dans l’ombre. Comme dit le proverbe à propos des Plancque : « à Lille, c’est dans la lumière qu’on les cantonna ».


Posté le 5 janvier 2021 - par dbclosc

Neném : sous l’épave est la plage

Rares sont ceux qui se rappellent son passage de quelques mois à Lille durant la saison 1998/1999. Et pourtant : avec – entre autres – 19 titres mondiaux, Neném est probablement le plus grand palmarès qui soit passé par le LOSC. Mais pas en football à 11.

Noël 1999 : le LOSC, qui a connu un début de saison catastrophique conduisant notamment à l’éviction de Thierry Froger après 6 journées, est revenu dans la course pour la montée en D1 sous la houlette de Vahid Halilhodzic (Halilhodzic a en effet une houlette). Même si l’équipe reste irrégulière et que son jeu n’emballe pas grand monde, elle est remontée à la 6e place, position occupée à la trêve hivernale. Le LOSC a même pointé son nez à la 4e place début décembre après une victoire à Caen. Il reste 15 matches, et la D1 n’est qu’à 4 points : une situation presque inespérée après l’immonde soirée beauvaisienne début septembre, où Lille pointait à la 17e place.

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Tout est donc encore possible, mais pas dans les mêmes conditions. Sur le papier, Lille a un bel effectif, notamment offensivement, où l’attaque (avec Lobé, Pickeu, Valois, Boutoille, Renou et Peyrelade) pèse 64 buts sur la saison 97/98 (jusqu’au départ de Lobé en novembre). L’équipe compte quelques joueurs expérimentés (Koot, Senoussi, Hitoto, Collot, Tourenne), d’autres qui émergent (Br. Cheyrou, Noro, Camara) et il reste quelques gars du cru (Dindeleux, Leclercq, Landrin, Coulibaly, Hammadou, Sanz). Mais une somme de joueurs plus ou moins talentueux individuellement ne fait pas forcément une bonne équipe, et de plus l’effectif est déséquilibré, comme nous l’avait confié Grégory Wimbée : « on avait un effectif mal ficelé. Si tu regardes bien comment est l’effectif, tu te rends compte qu’il y a beaucoup de défenseurs centraux par exemple, et que t’as moins de milieux. Rééquilibrer l’équipe, c’est la première chose que Vahid a faite la saison d’après, mais déjà dès l’hiver ». Le LOSC, au-delà de l’implication et du niveau des siens, a donc un problème structurel, qui peut en partie expliquer qu’il ne soit que la 9e attaque et la 10e défense. L’effectif va donc être remodelé : certains joueurs sont progressivement écartés (Renou, Senoussi, Hitoto, Pickeu, Dindeleux), tandis que d’autres, futurs cadres, voient leur temps de jeu et/ou leurs responsabilités croître (Wimbée, Cheyrou, Landrin, Peyrelade, Collot, Boutoille) et qu’un dernier revient d’on ne sait où (Cygan). Et le club va recruter là où Coulibaly ne s’impose pas et là où Landrin n’est plus car il a reculé d’un cran : au poste de meneur de jeu. Si, en plus, ça pouvait amener un peu de spectacle…

Dans les années 1990, on connait la propension du LOSC à dénicher des « Doukisor », pour le meilleur et pour le pire. La saison précédente, le club était allé chercher à la même époque le Belge Stephan Van Der Heyden qui, bien que pas très rapide, avait apporté une réelle plus-value technique sur la deuxième partie de saison. Insuffisante toutefois pour accrocher la 3e place. Durant l’hiver 98/99, le club jette cette fois son dévolu (car le LOSC avait un dévolu) sur « Charles-Albert-Lisbonne-rourouleau de printemps chinois », moins inconnu sous le nom de « Carlos Alberto Lisboa Neném », encore moins inconnu sous le nom de « Neném Sassarico », et un peu connu par le seul surnom « Neném ». Doukisor ?

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La carrière de Neném est jusque là honnête mais sans relief particulier. Comme bon nombre de footballeurs brésiliens, il espère un jour rejoindre l’Europe. En attendant, il évolue à Rio de Janeiro, en deuxième division. Il prend la direction de Lille en octobre 1998 où il effectue un essai de 10 jours. Le LOSC l’enrôle officiellement en janvier 1999, et Halilhodzic met en avant les qualités techniques du brésilien qui permettraient une meilleure « liaison défense/milieu/attaque », comme il l’explique dans ce document de Fréquence Nord, janvier 1999 :

http://droguebierecomplotlosc.unblog.fr/files/2021/01/nenem.mp3 

Si on est optimiste, on peut supposer que les 10 jours d’essai du Brésilien ont convaincu de ses qualités et que, à ce titre, il constitue la recrue qui permettra à Lille de combler une partie de ses lacunes ; si on est moins optimiste, on peut rappeler que même si le LOSC, sous l’action du président Lecomte, a résorbé son déficit depuis juin 1998, ses finances ne permettent pas encore de folies et que la meilleure solution reste de trouver un joueur qui veut bien venir. Et puisqu’on en a un sous la main… On sait par ailleurs que si, en général, les joueurs mis à l’essai puis non retenus par la suite sont restés de grands inconnus, les « essais transformés » ne sont pas forcément gages de réussite non plus. Voilà en tout cas l’accomplissement d’un rêve pour Neném : rejoindre le pays des champions du monde de football. Voici les rares preuves du passage du Brésilien à Lille, lors de son arrivée, grâce à ces courts reportages de France 3 Nord et de M6 Lille :

http://droguebierecomplotlosc.unblog.fr/files/2021/01/nenem.mp4

Vahid Halilhodzic y réitère ses espoirs basés sur la « bonne technique » de Neném, parce qu’il est Brésilien, ceci étant la conséquence de cela. Avez-vous remarqué ? Vahid parle des joueurs étrangers comme de Gaulle parle des pays étrangers : chaque culture possèderait un système autonome de références et de normes, qui débouche sur une vision transhistorique des nations chez De Gaulle, des footballeurs chez Vahid, perçus comme des joueurs aux caractéristiques voire à une substance stables, immuables dans le temps. La Voix des Sports (8 février) nous apprend d’ailleurs que Vahid surnomme très vite Neném « Brazil », surnom que les joueurs ne tardent pas à adopter. On s’efforce de se convaincre qu’il n’y a rien de raciste là-dedans.

Neném (sur les feuilles de match, c’est « Lisboa ») entre en jeu pour la première fois le 30 janvier pour un match au Mans, sans pouvoir éviter la défaite. La semaine suivante, pour sa première titularisation et sa première à domicile, il se met brillamment en valeur : dans le match au sommet contre Troyes (2e), il délivre une superbe passe décisive de volée à Laurent Peyrelade qui inscrit le seul but du match à un quart d’heure du terme. Le vendredi précédent le match, Halilhodzic avait déclaré : « j’ai besoin de sa vitesse, mais il faut que je lui dise de jouer simplement, que je lui explique le replacement défensif, car il va vouloir montrer ce dont il est capable ». Avec cette victoire, le LOSC n’est qu’à 1 point du 3e, Gueugnon, et se prend à rêver de lendemains qui chantent, car les Dogues se sont découverts un artiste, et décisif qui plus est. L’adaptation semble se faire au mieux : une secrétaire du club, lusophone, assure la traduction des propos du petit prodige. Mais entre lui et Vahid, on parle le langage du football, c’est Vahid qui l’assure : « avec les mains et les pieds, on se comprend. Il me dit toujours « comprendé ! » » (toujours rien de raciste) « J’ai pas mal parlé avec lui poursuit Vahid. Je lui ai dit de ne pas trop s’enflammer. Il vient du Brésil, c’est un autre monde. Il faut le mettre dans le rythme, dans l’ambiance lilloise. Il manque de rythme, mais c’était son premier match depuis longtemps, et il veut parfois en faire trop. Je vais maintenant entrer dans la phase tactique, que je vais travailler avec lui ».

Nenem4 LA passe décisive de Neném !

Mais la suite ne confirme pas ces belle promesses. Si Neném montre d’évidentes qualités techniques, il se perd souvent en grigris et en passements de jambes qui peuvent plaire à la galerie quand le score est de 4-0, mais qui dans l’immédiat n’apportent pas grand chose. Et s’il est de nouveau titulaire pour les deux matches suivants à domicile (contre le Red Star et Nice) et qu’il entre en jeu à Nîmes et à Gueugnon, il faut vite se rendre à l’évidence : il n’est pas ridicule, mais il manque de vitesse, de constance, et de physique. Et il n’est pas forcément le plus adroit devant le but. Le résumé du match à Nîmes illustre assez bien certaines des lacunes du joueur, qui manque un ballon en apparence facile (à 1’45 dans la vidéo ci-dessous) :

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La réaction de l’entraîneur lillois à propos de son équipe ce soir-là pourrait facilement être transposée au cas Neném : « on s’est un peu enflammés… ». Le LOSC aura bien du mal à transformer ses rêves en réalités. La D1 s’éloigne. Et Neném s’éloigne des terrains : après le match contre Nice fin mars, où il sort à 0-0 (le LOSC ouvre le score 4 minutes après sa sortie et gagne 2-0), on ne le revoit plus.

Comme le dit le proverbe, « quand on Neném, on ne concompte pas », et d’ailleurs heureusement car les comptes sont vite faits : en tout et pour tout, Neném aura joué 8 matches avec le LOSC (dont 2 de coupe) pour 5 titularisations (1 seul match complet), 420 minutes jouées, 0 but, et 1 passe décisive. Mais contrairement à ce qu’indique sa page Wikipedia depuis des années et encore au moment de la publication de cet article (janvier 2021), il n’a jamais inscrit de but avec le LOSC, et sûrement pas grâce à une bicyclette.

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Alors, Neném, une épave de plus échouée à Grimonprez-Jooris ? Avec ces statistiques faméliques, il est assez aisé de voir en Neném un des nombreux symboles d’un LOSC allant clopin-clopant, dont l’irrégularité chronique et les recrutements hasardeux le condamnent à ne pas grandir. Cette impression est accentuée par des rumeurs, relayées notamment sur sa page Wikipédia, prétendant que Neném aurait coûté pas moins de 25 MF au LOSC ! C’est là aussi complètement faux.

wiki nenemUn extrait de la page wikipedia de Neném

Il est dès lors aisé de se moquer, et le club lui-même ne s’en prive pas puis que dans un article évoquant les « Brés’Lilliens » du LOSC, Neném y est décrit comme « le plus doué… au beach soccer » dans une formulation dont on perçoit toute l’ironie (même si c’est tout à fait vrai). Et il est vrai que Neném est une star du football de plage : il est même qualifié dans son pays de « Romario du Beach soccer ». Cette autre facette du Brésilien mérite qu’on s’y arrête et qu’on apporte quelques précisions.

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Les données sont rares mais on peut tout de même estimer que Neném pratique le football de plage depuis de nombreuses années, un sport qui, selon wikipedia, « s’apparente au football », en 5 contre 5, sur un terrain dont la taille constitue environ le tiers de la taille d’un terrain de football à 11. Il y gagne ses premières distinctions connues en 1994, à l’âge de 21 ans. Ce sport a indéniablement une institutionnalisation, une popularité et un prestige plus élevés au Brésil qu’en Europe, puisque le pays compte ses « stars » du beach soccer. Pendant tout un temps, les vedettes du football de plage ont été d’anciens professionnels : ainsi, le gardien de but Paulo Sergio ou le défenseur Junior (sélectionné 70 fois avec la Seleçao et buteur en coupe du monde en 1982) et, dans une moindre mesure, Zico, s’y sont investis après leur carrière professionnelle, dans une sorte de reconversion mi-professionnelle mi-récréative. Ce type de trajectoire rappelle à grands traits celle de quelques ex-footballeurs professionnels français tels que Jean-Marie Aubry, l’ancien gardien de but du LOSC (1995-1998) qui, après sa carrière professionnelle de gardien de but « à 11 », a trouvé dans le beach soccer de quoi prolonger sa passion entre 2004 et 2009, au moment où son niveau ne permet plus de poursuivre une carrière pro à 11. Jean-Marie Aubry a même été champion du monde en 2005.

La particularité de Neném est qu’il est, dès ses jeunes années, à la fois un footballeur « à 11 » et un footballeur « de plage ». Cela n’enlève pas grand chose à l’originalité de son profil, mais il faut bien souligner que ce n’est pas qu’un « footballeur de plage » – autrement dit un touriste – qui débarque à Lille en janvier 1999. Et quand bien même il n’aurait été « que » ça, les inconnues autour du niveau de ce sport au Brésil peuvent justifier qu’on tente le coup de le faire signer. En cela, le passage de Neném à Lille relève quasiment du coup de poker, aussi bien pour le club que pour le joueur, au moment où ce dernier se pose probablement bien des questions sur la véritable identité de « son » football.

1237531_564474690369737_7184300171806815682_nIl entend la mer même sans mettre la main à l’oreille

Neném est ainsi une illustration très concrète de l’évolution du beach soccer de haut niveau qui, à mesure qu’il s’institutionnalise, devient de moins un moins un loisir et de plus en plus un sport, dont le niveau progresse, et dont la moyenne d’âge des participants a tendance à diminuer : certains footballeurs de plage font désormais carrière. L’une des consécrations pour le beach soccer est l’organisation de sa coupe du monde sous l’égide de la FIFA à partir de 2005

Quoi qu’il en soit, et c’est là aussi une particularité de Neném, il n’a jamais caché sa préférence pour le beach soccer ! À son arrivée à Lille, il compte déjà 4 coupes du monde, 2 championnats du monde, 5 Copa America, 1 titre de champion d’Amérique Latine, 1 Mercosul Cup ; en outre, en club, il compte déjà deux titres de champion du Brésil avec Rio de Janeiro.

Après son expérience lilloise, Neném retourne au Brésil et, durant quelques mois, alterne en D2 (Figueirense, CFZ Rio) et D1 (Cruzeiro) brésilienne (à 11) tout en continuant à cumuler les titres en beach soccer. Il semble que c’est au cours de l’année 2000 qu’il se consacre entièrement au football de plage, abandonnant dès lors le football à 11. De 2000 à 2009, il est LA star brésilienne du beach soccer : il remporte avec le Brésil 5 nouvelles coupes du monde (il en a donc gagné 9 au total, toutes avant leur organisation par la FIFA), 8 championnats du monde (10), 2 Copa America (7), 8 titres de champion d’Amérique Latine (9), 2 Mercosul Cup (3) ; il est en outre meilleur buteur des coupes du monde 2002 et 2003 et est élu meilleur joueur de la coupe du monde 2002 ; en club, il remporte un titre national avec Sao Paulo en 2002. Il fait une pige d’un au Japon en 2007-2008 où il remporte la Japan International Cup Champion, tout en ayant en charge l’équipe nationale. Il termine sa carrière en 2009 au Brésil, trop handicapé par des blessures aux genoux.

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À l’arrivée, avec 337 buts marqués, Neném est le meilleur buteur de l’histoire de l’équipe brésilienne de beach soccer et, selon certaines sources, il est le 2e plus grand buteur de football au monde, toutes pratiques footballistiques confondues : il ne serait devancé que par un footballeur en salle du nom de Falcão.

Depuis l’arrêt de sa carrière, Neném a dirigé l’équipe nationale du Qatar. Il a profité de son réseau pour organiser des matches contre des équipes brésiliennes et, au-delà, pour promouvoir le beach soccer. Il déclarait ainsi en 2015, dans un article qui écrit de manière amusante que Neném est « un ancien joueur de beach soccer qui a également joué au football à 11 avec Lille en France » : « nous avons joué contre cinq équipes, toutes de grands noms avec de grands joueurs comme Jorginho, Daniel et d’autres joueurs de l’équipe nationale du Brésil. Ils ont appris la tactique et le mouvement de la technique brésilienne du beach soccer, et cela a été bénéfique. La chose la plus importante en y allant est la confiance que les joueurs engrangent (…) La route est longue et difficile mais nous avons les bons ingrédients et les gens investissent dans notre programme, qui a été développé au cours de nombreuses années d’expérience du beach soccer. Je sais que la responsabilité est énorme, mais le défi est passionnant, et l’équipe le prend tout aussi au sérieux ». Nénem n’est toutefois pas parvenu à qualifier le Qatar pour les coupes du monde 2013 et 2015.

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Neném, février 2019

Si l’on en croit son profil facebook, Neném reste très investi dans le beach soccer, où son statut d’ « icône » – c’est ce qu’on lit dans la presse lusophone – lui permet de tenir un rôle d’ambassadeur de la discipline et de former de jeunes joueurs. Quant au football à 11, il n’en est fait aucune mention et, bien entendu, on n’y trouve pas de trace de son passage à Lille, qui doit être considéré comme une anomalie.

26733925_10160066895315500_3011573092914063550_nQui veut faire un stage Neném ?

Ses 5 mois à Lille restent donc en partie un mystère : quelles motivations ont présidé à son recrutement ? Que savait-on de lui ? Envisageait-on que son niveau soit meilleur ? Que savait-on de son investissement, peut-être lié à un « plan de carrière » bien loin de nos préoccupations de supporters ? Etait-ce finalement une dernière tentative pour le joueur de tenter un coup dans le foot à 11 avant de définitivement bifurquer ? Autant de questions qui, finalement, se posent pour pas mal de joueurs passés sous nos couleurs. En cela, Neném est un joueur tout à fait normal. Avec, tout de même, 9 coupes du monde, 10 championnats du monde, et 337 buts marqués. De quoi inviter Romario pour ses 46 ans en 2018 (vidéo ci-dessous). Finalement, on peut solidement bâtir sur le sable.

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Posté le 20 décembre 2020 - par dbclosc

Santini ouvre l’ère des vaches maigres

Cet article constitue le troisième d’une série de trois consacrée au tumultueux changement d’entraîneur de l’intersaison 1989.
Le premier est ici :
Comment Gérard Houllier n’a pas signé à Lille
Le deuxième est là : À la recherche du coach perdu

Résumé des épisodes précédents : début mai 1989, le LOSC se met d’accord avec Gérard Houllier pour remplacer Georges Heylens, coach depuis 1984. Sûrs de leur fait, les dirigeants du club prient Heylens de s’en aller et font fuiter la nouvelle dans la presse. Mais Houllier est engagé avec la fédération, qui s’oppose à son départ. Houllier renonce. La queue entre les jambes, la direction du LOSC apparaît divisée et sans orientation claire. Un temps pressenti pour reprendre son poste, Heylens refuse et s’engage avec le Berschoot. Nous sommes à quelques jours de la reprise de la saison 1989/1990, et le LOSC n’a pas d’entraîneur.

Début juin 1989, les rumeurs vont bon train du côté du LOSC. Deux noms semblent se détacher : celui de Jacques Santini, qui a joué à Saint-Etienne avec Bernard Gardon, et qui est libre après avoir entraîné Toulouse durant 4 années ; et celui de Gérard Gili, l’entraîneur de Marseille. C’est ce dernier qui, à un moment, semble tenir la corde, mais il ne donnerait sa réponse qu’après la finale de coupe de France qu’il doit jouer le 11 juin. En l’occurrence, si l’OM la remportait, il y a fort à parier que Gili serait reconduit par Tapie. Le LOSC se retrouverait le bec encore dans l’eau à une semaine de la reprise. Mais la VDN des 4 et 5 juin relate qu’Henri Michel a été aperçu à Lille « en compagnie de l’une des têtes pensantes loscistes ». Alors… ? Finalement, il n’en est plus question après, tandis que Gili va plutôt vers une prolongation à Marseille. Alors, Santini ? « Santini ou un autre… Il est grand temps de mettre fin à ce feuilleton, dont on savait au départ qu’il ne serait pas très bon » constate, dépitée, la VDN ( 6 juin). Et on apprend même le lendemain qu’on envisage l’éventualité de reprendre sans entraîneur : auquel cas, c’est Georges Honoré, le nouveau préparateur physique, qui prendrait en charge le groupe.


3615 LOSC à la rescousse

On reste ensuite une semaine sans nouvelles officielles. Les supporters et les journalistes ont alors, pour se rabattre, le site « 3615 LOSC » : le LOSC est en effet un des rares club qui dispose d’un « service télématique », c’est-à-dire un serveur minitel, lancé au début de l’année civile. Et on y trouve une rubrique Questions/Réponses qui permet un autre rapport aux supporters et à la transparence au sein du club. En ces temps troublés, la VDN rebaptise d’ailleurs le site « 3615 Glasnost », en référence à la politique dite de « transparence » en URSS depuis 1986. Selon la VDN, les questions posées reflètent une grande inquiétude quant au choix de l’entraîneur, aux contours de l’effectif, et à l’état de santé du club. On trouve quelques rigolos qui, sous les pseudos « Filip », « Dédé de l’Oise », « Pelé » « et d’autres peu recommandables » suggèrent de confier à Bernard Gardon le poste de « entraîneur-président-directeur sportif-recruteur et, éventuellement, kiné ». Du côté du LOSC, on s’efforce de répondre poliment, aussi bien aux questions sérieuses que farfelues. Mais on sent aussi parfois poindre une grande lassitude, en témoigne cet échange :
Question : « selon moi, vous allez vendre quelques joueurs encore côtés pour éponger votre déficit et racheter des joueurs moyens pas trop chers, en espérant un classement entre la 12e et la 20e place »
Réponse : « franchement, l’idée est dans l’air. Aujourd’hui, nous espérons aller dans le sens d’un maintien du groupe… amélioré ».

« L’interloscuteur », comme l’appelle la VDN, est fatigué. Et en l’occurrence, il s’agit de Patrick Robert qui, dans un de ses ouvrages1, évoque cet épisode : « côté positif : j’ai eu raison de faire le forcing pour lancer ce moyen de communication qui met le supporter en prise directe avec « son » club. Côté négatif : je dois arriver au bureau tôt le matin et en repartir tard le soir pour répondre tranquillement aux interlocuteurs inquiets, anxieux, furieux, corrects ou injurieux… Je réponds à tous et je mets un point d’honneur à répondre vite. Il en va de la crédibilité du service et du club, mais aussi ce dialogue est terriblement révélateur et prenant. Je quitte souvent le bureau, tard, fatigué, et découragé. « À quoi bon essayer d’expliquer et de justifier ? » m’arrive-t-il de penser quand un sentiment de mauvaise foi transparait sur l’écran ou quand une injure m’atteint… Mais aujourd’hui, cette période demeure un souvenir particulièrement riche et précieux dans un coin de ma mémoire » (p. 234).


Les caisses sont vides

Dans le même ouvrage, Patrick Robert écrit que « sur le plan des moyens, c’est aussi le flou le plus complet, voire l’impossibilité totale de débourser le moindre franc (…) L’équilibre des départs et des arrivées n’est pas de nature à améliorer sensiblement les finances loscistes ». Du côté des joueurs, seules deux recrues ont été confirmées pour le moment : Jean-Claude Nadon et Frédéric Lafond. Il faut tirer la sonnette d’alarme : « le 12, le directeur général est pensif et soucieux : « cette fois-ci, c’est sérieux dit-il. Je ne sais plus quoi faire : impossible de boucler la paie du mois de mai ! La mairie reste immobile. Il y a un blocage au crédit municipal. Que faire ? » ». In extremis, Claude Ghidalia, en discussion pour le renouvellement de la régie publicitaire décroche son téléphone et parvient à trouver un chèque d’1,5 MF. Ouf ! Le LOSC est sauvé… jusqu’à quand ?


Santini débarque

Une bonne nouvelle arrive en fin le 13 : le LOSC a trouvé un entraîneur : ce sera Jacques Santini.

Santini arrivée
Jacques Santini est un nom surtout associé à Saint-Etienne : milieu offensif arrivé au centre de formation de l’ASSE à 17 ans, il y a été pro à 20 ans. En pleine ascension, il s’arrache le ligament des genoux en septembre 1973, ce qui l’éloigne des terrains pendant de longs mois. À son retour, il peine dans un premier temps à retrouver une place de titulaire et joue surtout en D3. Il demande alors à être transféré, et lors de l’intersaison 1974, il est même annoncé par la VDN comme étant prêté à Lille.

SantiniFake news !

Finalement, le prêt ne se fait pas ; Santini reste à l’ASSE et regagne une place de titulaire. Il est l’auteur d’un des fameux poteaux contre le Bayern en 1976 (de la tête, 39e). Par la suite, il devient même capitaine des Verts après le retrait de Jean-Michel Larqué. En 1981, il file à Montpellier, qui débute en D1, après avoir été de nouveau en contact avancés avec le LOSC d’Arnaud Dos Santos. Embêté par des problèmes récurrents aux genoux, il met un terme à sa carrière professionnelle en 1983 et devient entraîneur-joueur à Lisieux (D3) pendant deux saisons.

Il prend ensuite la direction de Toulouse en tant qu’entraîneur à part entière, en D1, en 1985. Son bilan y est mitigé. Le 19 juin, la VDN rappelle qu’« à ses débuts, il participa aux heures glorieuses du TFC avec la participation de ce dernier à deux coupes d’Europe » grâce à une 4e (1986) puis une 3e (1987) place. Le TFC élimine notamment le Naples de Diego Maradona (0-1 ; 1-0 ; 4-3 tab). Mais, par la suite, les deux dernières saisons de Santini ont été marquées par un recul au classement et, semble-t-il, des tensions avec certains de ses joueurs (Tarantini, Stopyra, Marcico) ; « aujourd’hui, les brillants résultats de ses débuts sont oubliés, tout un chacun mettant en exergue la saison réalisée en demi-teinte, Jacques Santini n’a été ni plus ni moins – et le phénomène est général dans les sports collectifs – que la tête de Turc qui a focalisé les résultat contradictoires et les malheurs du club » : cette phrase n’est pas très claire mais on croit comprendre que ça s’est moins bien passé et que, dans ces cas-là, quelle que soit la complexité des causes de performances en berne, l’entraîneur cristallise les mécontentements sur sa personne.


La mairie serre la vis

L’entraîneur signe un contrat de 3 ans le 13 juin et est officiellement présenté au cours d’une conférence de presse le 14. Son organisation est assez révélatrice de la reprise en main plus ou moins officielle du club par la mairie : Paul Besson, l’adjoint aux sports, est présent, aux côtés de Bernard Gardon, de Jacques Amyot et, bien entendu, de Jacques Santini.

Besson adjoint aux sports, Amyot, Santini, GardonPaul Besson, Jacques Amyot, Jacques Santini, Bernard Gardon

Selon la VDN, le LOSC s’engage désormais sur « la voie abrupte » : « le LOSC n’a pas ses aises sur le plan financier. Les chiffres, qui circulent sous le manteau, ne laissent planer aucun doute à ce sujet. Doucement mais sûrement, la situation a empiré (on parle de plusieurs milliards de centimes) ». Face à cette situation, la mairie ne souhaite pas mettre la main au portefeuille à chaque fois : le LOSC, oui, mais pas à n’importe quel prix. Le quotidien régional fait part de cette tendance récente où le politique met son nez dans le football, avec réussite quand les subventions sont à la hauteur (Strasbourg, Mulhouse, Montpellier) ou au risque de la relégation sportive quand la collectivité municipale se désengage (Sète, Lorient) : « d’aides annuelles en subventions exceptionnelles, de garanties d’emprunts en avantages matériels, les municipalités et les collectivités territoriales sont souvent devenues maîtresses du jeu. Et elles misent l’argent public avec plus ou moins d’entrain. Or, à Lille, le moins a désormais pris le pas sur le plus ! ».

Au cours de la conférence de presse, Paul Besson lance quelques phrases bien senties (« je ne suis ni Tapie, ni Bez. Simplement un homme de dossiers et de chiffres qui aime ce qui est équilibré ») qui donnent un éclairage suffisamment précis sur ce que sera la politique du LOSC dans les années à venir. Celle-ci tient en quelques mots : rigueur, économie, travail. Ceux qui attendaient des Dogues conquérants lancés à l’assaut de l’Europe devront encore patienter : « demain, on ne rasera plus gratis et il faudra se satisfaire d’objectifs à long terme, en s’appuyant sur des jeunes à défaut de vedettes hors de prix » (VDN, 15 juin). Commencé il y a un mois dans l’enthousiasme de la venue d’un « grand nom », cet intersaison se poursuit avec un atterrissage brutal et une reprise en main du club par la ville : « la situation financière catastrophique a été le catalyseur de cette mise sous surveillance déguisée ». S’appuyant sur des chiffres dont on ne sait pas comment ils ont été produits, Paul Besson avance que les Lillois ne représenteraient que 15 ou 16% des entrées à Grimonprez ; d’où un appel aux autres collectivités (communauté urbaine, département, région) pour aider le club que la mairie, seule, ne peut plus soutenir : « le LOSC est l’affaire de tous. Il coûte cher et il est grand temps que chacun ouvre son porte-monnaie » conclut l’adjoint aux sports.

Santini ambitieux

Dans ce qui peut sembler comme allant à rebours de cette austérité annoncée, Jacques Santini se montre assez ambitieux en évoquant une place « entre 5e et 8e » pour les deux prochaines saisons. Voici l’entretien complet accordé à la VDN, publié le 15 juin :

Comment jugez-vous l’effectif mis à votre disposition ?
Je dirais qu’il offre les sécurités nécessaires pour ne pas se précipiter. J’ai accepté de travailler sur un plan de 3 ans et la base qui m’est offerte me permet de voir venir. Il y aura forcément des améliorations à apporter, mais pressons-nous doucement.

Quel objectif vous fixez-vous ?
Il est difficile de se prononcer car la nouvelle politique prend en compte le moyen terme. Il importe, avant tout, de construire du solide, de renforcer les fondations de l’équipe. Cela dit, j’aimerais éviter les grosses cassures dans les résultats. Une fourchette comprise entre la 5e et la 8e place me semble une base intéressante pendant 1 ou 2 ans. Cela permettra aux jeunes de s’aguerrir, avant de passer à l’étape supérieure.

À quels grands principes obéissez-vous ?
En priorité, je fais confiance l’homme au-delà du joueur. Au travers des choix de l’entraîneur, il doit toujours retrouver la ligne tracée en commun. Je crois à l’honnêteté. À Toulouse, personne n’a jamais pu me soupçonner d’avoir dit blanc et fait noir.

Parlons de Toulouse justement. Avez-vous une revanche à prendre ?
Même si certains, en qui j’avais confiance, m’ont tourné le dos, je n’ai pas de compte personnel à régler. Mon seul véritable regret est d’avoir quitté le Téfécé sans avoir vu la progression des jeunes en qui je croyais.

Vous êtes donc un entraîneur qui a l’oeil un peu partout dans un club ?
Je m’intéresse à un maximum d’équipes. Un club, c’est une entité et pas seulement un groupe professionnel. Je sais déjà que les cadets du LOSC vont disputer, samedi, la finale du championnat de France. Eh bien sachez que les cadets toulousains la jouaient aussi lorsque je suis arrivé dans la cité des Violettes.

Êtes-vous quelqu’un de ferme ou d’arrangeant, de gai ou de torturé ?
De torturé, sûrement pas, même si d’aucuns le pensent. J’ai une idée précise de mon travail, de la politique à mettre en œuvre et j’essaie de m’y tenir, voilà tout.

Croyez-vous que le discours d’un entraîneur s’use vite ?
Beaucoup plus qu’à l’époque où j’étais joueur. Il faut essayer de ne pas se tromper dans le rapport avec les hommes. De ne pas prêter le flanc à des divergences ensuite insurmontables. Mais il est évident qu’au bout du compte, c’est toujours l’entraîneur qui prend les responsabilités. Et qu’il ne le fait pas forcément dans la facilité.

Êtes-vous préoccupé par votre image de marque ?
Oui et non. Qui dit football dit impact publicitaire, sponsoring, retombées : on ne peut l’ignorer. Il est donc utile de se forger une image puisqu’on appartient au produit. Mais je reste persuadé que le plus important est de ne pas changer au gré des événements. Vis-à-vis des gens avec qui l’on travaille, il ne doit y avoir qu’un profil.

Vous classez-vous dans la liste des entraîneurs prudents ?
Si pour remplacer Filip Desmet, dont on annonce le départ, je réclame un stoppeur, vous pourrez dire que je suis prudent…

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De nouvelles secousses

Le groupe reprend le 19 juin. Et Jacques Santini doit avoir l’impression d’arriver en terrain miné : l’été est successivement marqué par le forfait de l’OM en dernière minute au tournoi du Stadium Nord, par le coup de pression de Bernard Tapie pour récupérer Pelé, par la bouderie de Vandenbergh, qui souhaite quitter le LOSC. Mi-juillet, répondant à la VDN qui lui demande s’il est « assailli de problèmes », Jacques Santini déclare : « ce n’est pas une situation facile, c’est vrai. Mais je suis là pour travailler. Dès lors, il ne faut pas baisser les bras (…) Je dis simplement que c’est dommage. Erwin Vandenbergh et Abedi Pelé sont deux éléments sur qui je comptais au départ pour respecter le plan de travail défini par la direction du club et la mairie de Lille. Or, aujourd’hui, le premier est là sans être là. Quant au second, il a plein de choses en tête qui doivent lui compliquer l’existence ». Quelques jours après, pas mécontent d’avoir gagné son bras de fer avec Tapie et retrouvant un peu de sérénité, Jacques Amyot revient avec un peu de recul sur ce drôle d’épisode.

Quel bilan tirez-vous de l’expérience belge ces dernières années ?
Je suis désolé qu’elle se termine comme cela. Je regrette, aussi, que le club n’ait pas parlé d’une seule voix dans l’affaire Heylens car la décision avait été prise à l’unanimité, quelques jours après Mulhouse. Cela dit, la Belgique est une bonne formule pour une région frontalière

La deuxième voix, c’est celle de Jacques Dewailly ?
Il n’y a pas deux directions au LOSC. M. Dewailly est le président directeur général et je suis le directeur général. Je sais jusqu’où je peux aller. J’avais dit clairement qu’il n’était pas question de renouveler le contrat Heylens pour 3 ans. Jacques Dewailly a, ensuite, adopté une attitude plus en retrait. C’est peut-être dû à une mauvaise information.

Vous voulez dire que sur un problème aussi important qu’un changement d’entraîneur, le président est mal informé ?
Inutile de faire rebondir le problème ! Je sais simplement qu’il nous faut, nous aussi, balayer devant notre porte.

Bon… Une éclaircie : les cadets sont champions de France, et le club entrevoit dès lors l’espoir de s’appuyer à court terme sur un réservoir de jeunes formés au club, ce qui peut être affiché comme étant une politique officielle, mais qui correspond surtout aux réalités économiques du moment : « la ville nous garantit un certain nombre d’emprunts et elle serait fortement endetté seulement si le LOSC stoppait son activité. Nous espérons éteindre cette dette par la nouvelle politique mise en place » rappelle Amyot.

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Juste avant la reprise du championnat, Paul Besson monte de nouveau au créneau, comme un ultime rappel qu’il faudra se serrer la ceinture : « un total de 8 millions de francs est versé à l’ensemble des clubs sportifs de la ville ; environ 3 vont au LOSC. Il faut y ajouter l’entretien des installations de Grimonprez-Jooris qui est entièrement à notre charge. Ce n’est pas extraordinaire mais nous ne pouvons pas aller plus loin. Pour les prêts, nous sommes engagés à 50% depuis 1986.

Le LOSC est à un certain niveau. Si l’on veut qu’il grimpe quelques échelons, il faut que d’autres nous aident. La région et le département mais aussi les entreprises privées, car Lille est au carrefour de l’Europe. À nous de soigner les retombées et d’améliorer la communication.

Nous nous sommes donné 3 ans pour réussir. C’est peut être long pour les supporters mais cela correspond à 1992 ».

Un refrain bien connu, qu’on entendra bien au-delà de 1992.


Note :

1 Patrick Robert, Vingt ans de passion, vingt ans de LOSC 1970-1990, éditions La Voix du Nord, 1991


Posté le 19 décembre 2020 - par dbclosc

À la recherche du coach perdu

Cet article constitue le deuxième d’une série de trois consacrée au tumultueux changement d’entraîneur de l’intersaison 1989.
Le premier est ici :
Comment Gérard Houllier n’a pas signé à Lille
Le troisième est ici : Santini ouvre l’ère des vaches maigres

Résumons l’épisode précédent : en mai 1989, le LOSC est persuadé de pouvoir attirer Gérard Houllier, alors entraîneur adjoint des Bleus. Sûrs de leur coup, les dirigeants lillois font savoir à leur entraîneur actuel, Georges Heylens, en poste depuis 5 ans, que son contrat n’est pas renouvelé. Alors qu’un accord avait été trouvé avec Houllier, son employeur, la fédération française de football, oppose un veto catégorique. La direction du LOSC fulmine : contre Houllier, et contre elle-même et sa précipitation ? En attendant, le club n’a plus d’entraîneur.

Le week-end des 13 et 14 mai a donc confirmé ce qui se pressentait à mesure que les heures passaient : la FFF ne lâche pas Houllier qui, prudent et ne souhaitant pas insulter l’avenir et ses relations avec la fédé, renonce à venir à Lille. Sur le terrain, le soir même du renoncement de Houllier, les Dogues ont joué et ont partagé les points avec Strasbourg (1-1, but lillois de Roger Boli). Mais bien évidemment, les regards étaient surtout tournés vers Georges Helyens, dont le nom a été scandé à plusieurs reprises par le public lillois avant et après le match. Peu avant le coup d’envoi, il confiait à la VDN : « la pilule commence à passer, doucement, même si je n’ai rien oublié. J’ai appris le renoncement de Gérard Houllier. Je suis malheureux pour le club. Quant au reste, je ne tiens pas à m’épancher ». Le 15 mai, la Voix des Sports lance un « avis de recherche » pour trouver un coach, et indique que la recherche pourrait aller « jusqu’en Belgique ». Sous-entendu : aux yeux des dirigeants lillois, Heylens pourrait très bien succéder à Heylens.

avis de recherche
C’est donc un nouveau rebondissement : le retour en grâce de Georges Heylens, « crucifié le mercredi et ressuscité trois jours plus tard ». La tendance est la proposition d’un nouveau contrat à l’entraîneur belge, qui doit rencontrer sa direction mardi 16 mai. Il devrait donc poser ses conditions, mais nul doute que cet épisode foireux « risque de passer aux yeux de beaucoup pour un replâtrage sans réelle garantie. Ce come-back est-il envisageable si les hommes qui ont poussé l’entraîneur belge vers la sortie restent en place ? ». Après avoir été invité à partir par ses dirigeants quand ces derniers pensaient avoir trouvé mieux, on imagine mal la même équipe repartir main dans la main sans qu’au moins une tête ne tombe. Heylens avait dit qu’il savait d’où étaient partis les coups : le principal visé est probablement Bernard Gardon, le directeur sportif du club.

Et la mairie là-dedans ? Paul Besson, nouvel adjoint aux sports depuis les élections de mars, est passé dans le vestiaire lillois après LOSC/Strasbourg. Il a qualifié la question de l’entraîneur d’« épiphénomène » (ce qui laisse penser que ça ne le regarde pas), tout en rappelant que Georges Heylens figurait sur la liste de soutien à Pierre Mauroy aux municipales (ce qui laisse penser que ça le regarde et qu’on pourrait très bien renvoyer l’ascenseur). La VDN résume la situation par une devinette en référence à un célèbre slogan : « quelle différence y-a-t-il entre le LOSC et les galeries Lafayette ? Aucune depuis deux semaines, puisqu’il se passe sans arrêt quelque chose au sein du club lillois » (16 mai).

gardon heylensBernard Gardon, Georges Heylens, Jacques Amyot


Heylens tient la corde


Pas grand chose ne filtre de la (des ?) rencontre(s) entre l’entraîneur et son président. Le 17 mai, la VDN évoque des négociations « particulièrement serrées » ; le même jour, le LOSC communique : « le président de la SAEM, Jacques Dewailly, a eu un entretien positif pour le club avec Georges Heylens. La décision qui sera prise tiendra compte, principalement, de deux éléments : la stabilité du LOSC, l’amélioration de ses ambitions ». Cela ne nous dit pas grand chose, mais selon la VDN du 18 mai, « le principe du maintien de l’entraîneur belge semble donc acquis, même si la décision définitive n’interviendra que dans quelques jours », probablement après que Jacques Dewailly aura consulté les autres membres de la SAEM, et la mairie. Si l’épisode semble touche à sa fin, il risque tout de même de laisser de traces : « l’affaire de l’ancien, quasiment futur entraîneur, a fissuré la maison losciste. Il va falloir replâtrer le plus rapidement possible, recoller les morceaux qui peuvent encore être assemblés. Si « l’entretien positif » aboutit à une prolongation du contrat de Georges Heylens, comme tout le laisse croire, l’entraîneur belge sera l’homme de la remise en ordre. Il a eu le loisir de compter ses amis, d’inventorier ceux qui ne lui étaient pas, ou plus, favorables. Un joueur sous contrat se trouve, par exemple, dans sa ligne de mire ». La VDN est sévère à l’égard d’un « feuilleton qui oscille entre le pitoyable et le risible » et qui ébranle tout le club en donnant le sentiment qu’il n’y a pas de pilote dans l’avion : « les forts donnent l’impression de s’affaiblir, de vaciller, les menacés se rebiffent, regimbent, et le LOSC vit une de ses plus sérieuses crises internes après un parcours sportif qui est pourtant le meilleur de la décennie ».


La mairie toujours présente

En attendant la confirmation du retour de Heylens, le football s’invite au conseil municipal de la ville de Lille jeudi 18 mai. L’opposition municipale de droite (RPR) menée par Jacques Donnay se dit « excédée » par « les tergiversations sur le choix de l’entraîneur » et se prétend le relais de supporters « inquiets » et de joueurs « perplexes » ; mais au-delà de l’épisode actuel, Jacques Donnay conteste le soutien de la ville au club. En effet, la ville va garantir pour moitié un emprunt que la SAEM va contracter pour « disposer des fonds nécessaires au renforcement de la structure de son équipe professionnelle » : Donnay dénonce « l’anarchie et la désinvolture dans les dépassements de budget qui règnent au LOSC où tout est occulté. On ne sait rien, sinon que cette année encore, il y aura du déficit et qu’il faudra le combler. C’est la fuite en avant permanente. Nous ne pouvons plus nous le permettre ». Une scène et un débat assez réguliers dans la vie politique lilloise depuis plusieurs années, comme ça avait par exemple été le cas en 1977, où l’opposition, alors menée par Norbert Ségard, faisait bien comprendre que les contribuables lillois finançaient une équipe médiocre qui n’attirait personne. Le maire de Lille, Pierre Mauroy, réafirme son soutien qu’il justifie par sa croyance en un avenir européen du LOSC : « quoi, vous ne voulez pas contribuer – par une garantie d’emprunt, ce n’est pas une subvention – à faire entrer un jour le LOSC dans le cercle magique européen ? Il y a beaucoup de désordre ailleurs dans le football professionnel, il y en a un peu moins chez nous. C’est là toute la question. Nous nous en voulons. Le LOSC continuera sa carrière parce que nous l’aiderons » (VDN, 19 mai).


Heylens s’en va : la « chienlit » au LOSC

Le vendredi 19 mai au matin, Georges Heylens annonce à Jacques Dewailly qu’il quitte le club. Alors que la tendance des derniers jours tendait vers un maintien du Belge, il semble que ce dernier n’ait pas obtenu satisfaction, et en l’occurrence on peut imaginer qu’il n’a pas pu obtenir la tête de Bernard Gardon. Le LOSC officialise la nouvelle par un vague communiqué évoquant la « stabilité » et « l’ambition » du club, ce que la VDN, décidément très en verve, qualifie d’ « habituelle guimauve ». Le quotidien voit dans cette période un nouveau symptôme d’une instabilité qui empêche le LOSC de jouer les premiers rôles et d’en être réduit à faire de la figuration en D1. Tout est alors remis en question : la politique sportive, la compétence des dirigeants, le modèle économique : « plus de 15 jours pour en arriver à cette farce, née dans la mesquinerie et achevée dans le ridicule (…) Au-delà des querelles de personnes, cette crise a mis en lumière les carences chroniques du LOSC. Et l’on comprend mieux pourquoi celui-ci va de déception amère en échec cuisant depuis un quart de siècle : pourquoi il figure avec Cannes, Toulon, le Matra et Caen parmi les cinq orphelins de coupe d’Europe en division 1. Pour bâtir une grande équipe, il ne faut pas seulement de bons joueurs et un entraîneur de premier plan. Il est aussi indispensable de s’appuyer sur des dirigeants dignes de ce nom, des gens capables de faire des choix et de s’y tenir (…) Cette crise aura également cerné les limites de la société d’économie mixte. Un nom pompeux et rien d’autre. La cohabitation entre le pouvoir politique et le pouvoir économique peut être pernicieuse. On ne sait plus qui fait quoi, on ne distingue plus les intérêts des uns et des autres… Bref, c’est la chienlit (…) Nonobstant la médiocrité des hommes, nous persistons à croire en l’avenir du LOSC » (VDN, 20 mai). Sur le terrain, le 20 mai, pour la 37e journée, le LOSC s’incline sur le terrain du Racing Club de France (0-1).

mauroyPierre Mauroy aimerait une direction au LOSC
Caricature de Honoré Bonnet dans la Voix du Nord. Au-dessus, le titre de l’article consacré à la situation du club.

Le LOSC entre alors dans une période d’autant plus floue que la direction, se retrouvant sans entraîneur, semble abasourdie et est aux abonnés absents. La VDN rapporte un Jacques Dewailly trop pris par ses occupations professionnelles et un Jacques Amyot qui « vit dans sa bulle », tandis qu’on n’a pas de nouvelles de Bernard Gardon. Il faut attendre quelques jours pour avoir le sentiment que le trio reprend la main, avec le retour des rumeurs pour trouver un successeur à Georges Heylens : on évoque Daniel Jeandupeux et, de façon plus chaude, le Néerlandais Henk Houwaart, champion avec le FC Bruges en 1988, mais qui a l’inconvénient de ne pas parler français – du moins, c’est un inconvénient quand on veut travailler en France. Ses bons résultats lors de la saison écoulée n’ont toutefois pas empêché les dirigeants brugeois d’aller chercher Georges Leekens. Houwaart semble intéressé par le LOSC, au point qu’il ralentit des négociations pourtant bien entamées avec Courtrai.

Georges Heylens, de son côté, ne change rien au programme : entre le match au Racing (le 20 mai) et la dernière journée de championnat (contre Laval, le 31 mai), le groupe part faire un stage… au Niger. Et juste avant de prendre l’avion, Heylens s’engage avec le Berschoot. En voilà un qui n’aura pas tergiversé.

Au Niger, où il fait 46° degrés dans la journée, le LOSC joue 3 matches amicaux (mais en soirée : la VDN nous rassure en disant qu’il n’y fait plus « que » 36°) : contre la sélection nationale des Espoirs (5-1), contre la sélection nationale A (2-2), puis contre le club portugais du Boavista Porto (1-2). Georges Heylens en profite pour saluer un football nigérien en progrès en exportant ses plus beaux clichés coloniaux : « un football nigérien en plein renouveau, lequel, sous la férule d’un entraîneur allemand, pratique désormais un jeu basé sur la rigueur, la discipline, et où le mot engagement prend toute sa signification »


Bouquet final pour Heylens

Pendant le séjour au Niger, en coulisses, le nom de Jacques Santini a fuité, tandis qu’on n’entend plus parler de la piste Houwaart. Amyot et Dewailly auraient même prévu de rencontrer l’ancien stéphanois, à Roissy, le lundi 5 juin.

Le groupe lillois, lui, est de retour dans le Nord juste avant le dernier match de la saison contre Laval. « J’aimerais que l’équipe termine sur une bonne note » espère Heylens. Il ne va pas être déçu : les Dogues écrasent des Lavallois déjà relégués 8-0.

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La VDN rapporte que, lors de sa causerie d’avant-match, Georges Heylens en a appelé au professionnalisme de ses joueurs (sous entendu : ne faites pas comme vos dirigeants) : « on a tendance à vous oublier ces derniers temps. Comportez-vous en hommes et en gentlemen ! ». Le LOSC termine 7e, son meilleur classement depuis 1979 : « j’espérais secrètement que les garçons soient consciencieux jusqu’à la fin de la saison. C’est ce qui est arrivé et ce match a plu au public. Je crois qu’ils se sont fait plaisir pour eux-mêmes, mais aussi un petit peu pour moi. C’est avec beaucoup de regrets que je quitte le club, mais cela fait partie du jeu ». De l’avis général, le stage au Niger a été une réussite en ce sens qu’il aurait montré l’attachement de la grande majorité des joueurs à leur entraîneur. Pelé déclare : « c’était la fête à tout le monde. On a fait cela pour Georges. Dommage qu’il s’en aille. Personnellement, je regrette son départ car il me faisait beaucoup confiance. C’est un entraîneur qui voit immédiatement les qualités des joueurs. À Lille, on n’a pas de supers joueurs mais il tirait toujours le maximum de nous et apportait ce petit plus qui fait la différence ».

La reprise de l’entraînement pour la saison 1989/1990 est fixée au 19 juin. Et le LOSC n’a toujours pas d’entraîneur. Ses joueurs partent en vacances dans l’incertitude, ainsi que le déplorent Victor Da Silva : « on voulait bien terminer pour notre entraîneur et pour le public. Mais ce qui est un peu dommage, c’est qu’on part en vacances dans le flou », ou Alain Fiard : « dommage qu’on nous laisse dans l’inconnu. Où est le respect des joueurs ? ».

De retour au stade Grimonprez-Jooris en 2000, où il a participé à la « fête de la remontée » organisée par le club, Georges Heylens est revenu sur cette malheureuse fin avec le LOSC : « j’ai connu deux grands clubs, Seraing, où par deux fois nous avons fait un parcours extraordinaire, et Lille. Si je suis parti, c’est uniquement parce que je ne m’entendais pas avec Bernard Gardon. J’ai vécu 5 bonnes années ici mais ce n’était plus possible ».

La quête d’un entraîneur se poursuit.


Posté le 18 décembre 2020 - par dbclosc

Comment Gérard Houllier n’a pas signé au LOSC

Début mai 1989, Georges Heylens est gentiment prié de plier bagage car Gérard Houllier va devenir l’entraîneur du LOSC. Mais les circonstances en ont décidé autrement, et ce qui s’avérait initialement comme une bonne pioche du club se transforme en passe d’armes par presse interposée où on s’invective à coups de « raison d’Etat », de « parole donnée » et de « dégonflé ». Mi-mai, le LOSC, sérieusement ébranlé, n’a plus d’entraîneur : un coup de maître.

Cet article constitue le premier d’une série de trois consacrée au tumultueux changement d’entraîneur de l’intersaison 1989.
Le deuxième est ici : A la recherche du coach perdu
Le troisième est là : Santini ouvre l’ère des vaches maigres

Nature des faits : complot contre le LOSC

Objectif du complot :
décrédibiliser le LOSC en accentuant son instabilité chronique

Principaux acteurs :
Jacques Amyot (directeur général du LOSC), Bernard Gardon (directeur sportif du LOSC), Jacques Dewailly (président de la SAEM), Gérard Houllier (entraineur national adjoint), Georges Heylens (entraîneur du LOSC), Jean Fournet-Fayard (président de la FFF), Roger Bambuck (secrétaire d’Etat aux sports)

Conséquence du complot :
y a plus de coach, et les dirigeants passent pour des gros nazes.

Nous sommes le 6 mai 1989. Pour la 35e journée de championnat, le LOSC s’est imposé à Nice 1-0 (but de Pelé). Septièmes à 3 journées de la fin, les Dogues sont bien partis pour réaliser leur meilleur classement de la décennie 1980. Pourtant, en coulisses, le sort de l’entraîneur, le Belge Georges Heylens, est scellé : l’élimination de la coupe de France en 1/8e par Mulhouse (0-0 ; 2-3) n’est pas passée chez les dirigeants, qui souhaitent dès lors le remplacer. Et dans la semaine, la presse régionale évoque ce qui semble quasi-acté : Georges Heylens va être remplacé par Gérard Houllier. La Voix du Nord (VDN) du 10 mai relate ainsi que Jacques Dewailly devait rencontrer son coach la veille mais, finalement, arguant d’un « agenda chargé », l’entrevue a été repoussée de 24 heures. Il a toutefois eu le temps de déclarer : « nous trouverons une solution négociée avec Georges Heylens ». Sans illusion, Georges Heylens souhaite que « les choses se passent correctement ». Si la mise à l’écart de l’entraîneur est d’ores et déjà annoncée, c’est probablement que les dirigeants du LOSC, sûrs de leur coup, ont assuré leurs arrières et lui ont déjà trouvé un successeur.

Une conférence de presse est annoncée dans l’après-midi, au cours de laquelle est attendue la confirmation de la rumeur Houllier. L’intéressé, pour le moment ne nie pas « avoir eu des contacts » avec le LOSC mais « se refuse à en dire davantage » pour le moment. À ce stade, on peut faire deux hypothèses : ou Gérard Houllier attend des garanties ; ou il s’apprête à refuser l’offre du LOSC. Quoi qu’il en soit, « un certain flou règne autour de Grimonprez-Jooris » d’après la VDN, qui fait déjà état de l’agacement de certains joueurs, pas contents d’être mis à l’écart. L’un d’eux, « indisposé par le manque d’informations officielles », confie à la VDN : « ne sommes-nous pas concernés au premier chef ? ». Seule certitude pour le moment : un nouveau préparateur physique, Georges Honoré, rejoint le LOSC.

 

Heylens/Houllier, deuxième

Ancienne gloire du football belge (67 sélections chez les Diables Rouges), et particulièrement d’Anderlecht, où il fut titulaire durant 15 saisons avant de devoir mettre un terme prématuré à sa carrière, à cause d’une blessure, à 32 ans, Georges Heylens est l’entraîneur du LOSC depuis 1984. Son arrivée dans le Nord avait déjà fait intervenir, indirectement, Gérard Houllier. En 1984, les dirigeants lillois hésitent : Roger Deschodt aimerait que Jean Parisseaux soit promu n°1 ; Patrick Doussot et Charly Samoy, de leur côté, penchent plutôt pour l’entraîneur de Lausanne, le Hongrois Peter Pazmandy. Mieux : ils ont noué contact avec celui qui a été désigné « entraîneur belge de l’année », Georges Heylens, de Seraing. Et c’est finalement cette piste qui est la plus fructueuse, le LOSC profitant des déboires financiers du club belge, qui ne peut retenir son coach. Le 24 juin 1984, Heylens, pourtant sollicité par le PSG, est lillois pour… un an. Car, en théorie, Houllier doit débarquer à Lille en 1985. C’est Georges Heylens lui-même qui revient sur cet épisode dans Sport foot en juillet 2013 : « nous nous sommes donné rendez-vous au restaurant de l’aéroport de Lille. Samoy avait apporté le contrat, il me l’a mis sous le nez et m’a dit : « si tu veux, tu peux entraîner le LOSC pendant un an. Pour la suite, nous avons un accord avec Gérard Houllier. J’ai accepté, même si je savais que ce ne serait pas facile parce que, hormis quatre joueurs, toute l’équipe était partie. Je devais me débrouiller avec des jeunes du centre de formation! J’ai sauvé les meubles et nous nous sommes sauvés à trois matches de la fin du championnat. L’équipe était beaucoup trop jeune ». Alors, fin de l’histoire entre le LOSC et Heylens ? Non. Heylens poursuit : « à la fin de la saison, Houllier, qui était à Lens, m’a téléphoné pour me dire qu’il allait au PSG et que je pouvais prendre sa place à Lille. J’en ai parlé à la direction et, cinq minutes plus tard, on me proposait un nouveau contrat d’un an. Avec quelques renforts, nous avons terminé la saison au milieu du classement et je pensais avoir rempli mon contrat. Je suis donc parti l’esprit tranquille au Mexique, pour la Coupe du Monde 1986 ». Georges Heylens est en effet consultant pour la RTBF durant la coupe du monde. Donc cette fois, fin de l’histoire entre Heylens et le LOSC ? Non. Heylens toujours : « à peine arrivé, j’ai reçu un coup de fil de Lille : je devais rentrer immédiatement parce qu’on allait me faire une nouvelle proposition. Je me suis dit qu’ils auraient pu y penser un peu plus tôt mais je suis quand même rentré. La proposition, c’était un contrat de trois ans avec l’assurance de pouvoir compter sur Erwin Vandenbergh, qui venait d’Anderlecht, et Filip Desmet, de Waregem ! ». Et Heylens de rempiler pour 3 ans à Lille.

Résumons donc : arrivé initialement en 1984 pour un an avant son remplacement prévu par Houllier en 1985, Heylens reste finalement à Lille 5 ans, Houllier ayant eu en 1985 un autre engagement (le PSG). Sous la houlette de son entraîneur belge, le LOSC a connu des fortunes diverses, alternant le médiocre (surtout la première partie de la première saison) et le correct, profitant notamment des performances des spectaculaires Mobati, Pelé, Vandenbergh, Desmet ou Périlleux, et signant un des rares moments de liesse collective dans ces années 1980, en coupe de France contre Bordeaux. Après le PSG, Gérard Houllier, de son côté, a été nommé fin 1988 adjoint du sélectionneur des Bleus, Michel Platini. Lors de l’intersaison 1989, les destins des deux hommes vont de nouveau se croiser. Ou presque.


Le LOSC vers un « nouveau cap »

Le 11 mai 1989, l’information est en Une de la VDN : Georges Heylens est officiellement écarté du club, tandis que la situation avec Houllier semble toujours en pourparlers.

Heylens séparation

De fait, l’entraîneur belge, en fin de contrat, a accepté de se retirer sur la pointe des pieds à l’issue de la saison, dans 3 semaines. Sans provoquer de vagues, sans cracher dans la soupe non plus. L’annonce est officialisée dans un communiqué hautement diplomatique qui évoque que l’avenir du club « passe par un nouveau cap nécessitant un changement profond des structures techniques ». La VDN (via Eric Leduc) propose une interview que nous reproduisons in extenso :

Au nom de quoi êtes-vous sacrifié ?

Je ne sais pas si c’est le mot juste. Il s’agit plutôt d’un contrat qui n’est pas reconduit après une longue vie commune. Disons que les dirigeants voulaient un changement. Ils craignaient que je fasse l’année de trop. Peut-être aussi que mes idées ne concordaient plus avec les leurs.

Votre discours était usé alors ?

Non, franchement, je ne le crois pas. On a certes évoqué des problèmes relationnels avec certains joueurs, mais cela fait partie du quotidien. Un entraîneur ne peut pas être en parfaite harmonie avec 20 joueurs. Il y a ceux qui sont en ballottage, ceux qui restent sur la touche. Les relations s’en ressentent, mais c’est le cas chaque année. Surtout lorsqu’on approche de la période de nettoyage !

À quel moment avez-vous ressenti qu’il y avait déchirure ?

Le lundi qui a suivi l’élimination en coupe de France contre Mulhouse. J’ai compris que la rupture était proche, mais je savais bien avant que ma proposition pour trois nouvelles années n’aboutirait pas.

Croyez-vous que votre engagement avec le Standard de Liège, l’an passé, a pesé dans la balance ?

Absolument pas. À l’époque, nous avions complètement vidé l’abcès et cet épisode n’est plus jamais entré en ligne de compte.

Que pensez-vous de la méthode qui a conduit à la séparation ?

J’aurais préféré que les choses se fassent plus vite. Je regrette que ce qui s’est passé aujourd’hui n’ait pas eu lieu il y a une quinzaine de jours. Mais les employeurs ne sont pas tenus d’agir selon les souhaits d’un employé. Dans toute entreprise, c’est comme ça.

Avez-vous l’impression de servir de bouc-émissaire ?

Je ne veux pas voir les choses de cette façon. Le LOSC a l’ambition de franchir un palier et je ne veux pas être un frein à son évolution. Il faut savoir se retirer.

Ressentez-vous beaucoup d’amertume ?

Bien sûr, je ne suis pas heureux de partir. Je laisse des amis, des joueurs, une entité et une tâche qui me plaisaient. Le plus difficile est, sans doute, de se retirer sans avoir pu aller au bout de ce qui a été entrepris, mais c’est la règle et je l’accepte. Il faut savoir avaler des choses qu’on a envie de dire. Sinon, on se tue soi-même.

Avez-vous une impression de gâchis ?

Sur un plan personnel, je dirai oui en pensant non. Mais, une fois de plus, mes patrons n’ont pas à tenir compte de ce que je ressens.

Vous considérez vous comme trahi, berné ?

Ni l’un, ni l’autre. Je suis conscient de ce qui s’est réellement passé à tous les niveaux. Non, je ne suis pas dupe.

Quel sentiment général vous laissent ces 5 années loscistes ?

Je ne regrette rien. Je crois avoir accompli ce pour quoi on était venu me chercher. Dans un endroit qui me plaisait et avec des conditions de travail plutôt favorables. Mon bagage s’est enrichi.

Comment envisagez-vous votre avenir ?

Je vais planter ma tente ailleurs et voilà tout. Je ne pense pas que j’aurai à en passer par une année sabbatique. Je vais étudier certaines propositions que j’avais écartées en attendant d’être fixé sur mon sort. Et puis le téléphone sonnera, soyez-en sûr…

Fataliste, Heylens s’en remet donc aux choix de ses « employeurs », en se gardant bien de mettre en cause telle ou telle personne, mais on comprend bien qu’il y a manifestement de l’eau dans le gaz avec au moins un membre de l’équipe dirigeante.

Le LOSC peut donc désormais officialiser ce qui est un secret de Polichinelle : Gérard Houllier va débarquer.


Gérard où y est ?

Mais le débarquement et son lieu tardent à se dessiner. Il paraît que Houllier aurait souhaité une rencontre « en terrain neutre ». Mais où ? En tout cas, pas à Saint-André, chez le président Dewailly. Les journalistes de la VDN ne sont pas avares d’efforts pour arracher le scoop : Pierre Diéval relate ainsi dans le journal du 11 mai sa quête d’information. Il circule dans la métropole lilloise à la recherche de la R21 de Bernard Gardon et de la « R25 V6 Turbo » de Jacques Amyot. Et voici venir la R25 : « R25 contre R5 de presse… Le match qui s’engage bientôt sur l’autoroute A1, direction Lille, via l’échangeur de Lesquin, est déséquilibré. De fait, en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, la piste Amyot-Houiller s’évapore dans le flux de la circulation. Plus de poisson-pilote. Plus de scoop. Aïe ! Commence la galère. Pas spécialement réjouissante. Un impératif. Trouver le fameux terrain neutre réclamé par l’entraîneur de l’équipe de France ». Qui a dit que le journalisme d’investigation avait disparu ?

tinirinTintin chez les Ch’tis : Objectif nul

Trouvaille aux alentours de 20h dans le Vieux-Lille : la fameuse R25 ! Ses occupants se sont probablement réfugiés dans un restaurant, mais l’article s’arrête sans que nous n’ayons eu le fin mot de l’histoire. Passionnant.


La grand’roue tourne

En fait, on commence à sentir le vent tourner, et il apporte une très mauvaise odeur. Alors que, le mercredi 10 mai, un dirigeant du LOSC confiait encore à la VDN « le dossier est ficelé », et que le jeudi 11, Amyot prétendait que les discussions avaient franchi « un pas important », la situation paraît bien moins claire en cette fin de semaine. Le journal du vendredi 12 mai nous apprend que « la fédération renâcle », et elle « regimbe » même, l’occasion de découvrir un joli verbe. Son président, Jean Fournet-Fayard, est surpris et mécontent de découvrir dans la presse que l’entraîneur adjoint des Bleus, nommé il y a 8 mois, semble négocier son arrivée dans un club : « Gérard Houllier, en plus d’un contrat à durée indéterminée, a un engagement moral. Il a une mission à accomplir. Je ne vois aucune raison pour qu’il ne la mène pas à son terme. Je m’étonne, de surcroît, d’être sans nouvelles des Lillois. J’attends qu’ils me donnent des éclaircissements ». Voilà bien une partie du problème : le LOSC tente d’attirer un entraîneur qui est par ailleurs engagé, et pas n’importe où, sans avoir contacté au préalable son employeur. Sûr de leur fait, s’appuyant sur, a priori, la volonté de Houllier de rejoindre le LOSC, les dirigeants nordistes ont viré dare-dare leur coach… « Est-ce donc un crime d’avoir contacté Gérard Houllier ? » demande naïvement Amyot ; « c’est un homme du Nord qui n’a jamais caché son désir d’y revenir. Il fallait en parler avec lui avant de se tourner vers les autorités fédérales, ce à quoi nous allons nous attacher prochainement. Mon but est de sortir notre région de l’anonymat footballistique, pas de me faire plaisir». Jouer sur la fibre régionaliste risque de ne pas peser pas grand chose face à la fédération et aux contrats en cours.

De son côté, Gérard Houllier ne dit pas grand chose : « Donnez moi 2-3 jours. Je ne peux rien dire pour le moment. J’ai des vues convergentes avec le LOSC, mais je ne suis pas complètement libre ». Mises bout à bout, les déclarations des uns et des autres semblent conduire à une évidence : le cœur de Gérard Houllier penche pour Lille où on est prêt à l’accueillir à bras ouverts, mais Jean Fournet-Fayard ne veut pas le laisser partir : « il craint, sans doute, un nouvel ébranlement de la maison tricolore, même si l’arrageois n’y vit que dans l’ombre de Michel Platini » ajoute la VDN, dont on sent bien qu’elle souhaite la venue de l’ex-entraîneur de Lens, quitte à minimiser son rôle et son influence au sein de la fédé. Le président de la FFF a-t-il les moyens de retenir Houllier ? Houllier a-t-il intérêt à quitter la fédé pour le LOSC ? 5 ans après avoir été contacté pour la première fois par le club lillois, Gégé viendra-t-il pour de bon ? Si non, il faudra changer son fusil d’épaule, mais on suppose que le LOSC a des idées : circulent les noms de Kasperczak, Santini, Suaudeau et Husson.


C’est non

Comme on le sentait venir, la journée du vendredi 12 a pris un virage décisif. La FFF s’oppose officiellement à la venue de Gérard Houllier au LOSC.

Houllier non
Et il semblerait que la décision vienne d’encore plus haut que la position de Fournet-Fayard : le secrétaire d’Etat aux sports, Roger Bambuck, serait intervenu personnellement pour s’opposer fermement au départ d’Houllier. Il faut dire qu’il vient de lancer un plan visant à lutter « contre le laxisme des autorités du football » ; or, selon la VDN, « le plan du secrétaire d’Etat ne pouvait être battu en brèche dès le lendemain de sa divulgation par le retrait de l’adjoint de Michel Platini ». Si l’on ajoute à cela le fait que, depuis la coupe du monde 1986, l’équipe nationale est dans un trou d’air, l’instabilité au niveau des Bleus ferait très mauvais genre. La tête de Fournet-Fayard est déjà mise à prix : pas la peine d’ajouter une nouvelle casserole. Pas du tout pour dramatiser la situation, la VDN évoque la « raison d’Etat » et représente un Houiller pris dans les filets, si ce n’est prisonnier, de la fédération !

Houllier

Houllier a alors deux solutions: soit il se soumet à la volonté de la fédération, soit il opte pour l’épreuve de force en démissionnant. Mais selon la VDN, cette dernière option aboutirait à un procès où le LOSC risquerait d’être concerné pour « débauchage abusif » : « on voit mal comment Gérard Houllier prendrait le risque d’un tel conflit qui l’amènerait à commencer sa carrière lilloise en traînant le boulet d’un désavoeu fédéral. Il hypothèquerait son plan de carrière en coupant brutalement les ponts avec la rue d’Iéna, un an seulement après y être entré ».


« Gros-Jean comme devant »

Bref, ça sent le pâté pour les Lillois, où on pensait que Gérard Houllier n’aurait pas de difficultés majeures à recouvrer sa liberté, comme d’autres avant lui : « mais il faut croire que l’époque n’est plus aux arrangements, la fédération souhaitant réaffirmer une autorité tellement bafouée ces derniers temps ». Du coup, du côté du LOSC, on est dans une « position ennuyeuse, c’est le moins que l’on puisse dire », car même si des contacts sont noués avec d’autres, on misait sur la venue certaine de Houllier : « la séparation d’avec Georges Heylens n’avait-elle pas été liée à l’arrivée quasi certaine de l’ancien entraîneur du RC Lens ? ». L’impossible venue de Houllier ne peut dès lors faire passer le prochain entraîneur du LOSC que comme un choix par défaut. La VDN insiste sur la « légèreté » des dirigeants du LOSC, « un club se retrouvant Gros-Jean comme devant » : « on est, dès lors, obligé de s’interroger sur le rôle exact des uns et des autres dans cette affaire qui va entamer la crédibilité du comité directeur lillois ».


« Dégonflé ! »

Samedi 12 mai, par le biais d’un communiqué, Gérard Houllier annonce qu’il renonce à venir au LOSC.

Houllier renonce
On y lit : « j’étais d’accord sur tout ! La politique du club, le visage de l’équipe à venir. J’avais envie de faire passer certaines idées au cœur d’une région qui m’est chère ». Mais comme la VDN l’avait envisagé, venir à Lille hypothèquerait sa carrière : « j’avais envie de venir au LOSC. J’étais vraiment content. Mais je ne peux pas torpiller mon avenir. D’un côté, il y a une aspiration régionaliste avec tout cela comporte de liens affectifs. De l’autre, une action nationale qui s’inscrit dans un vaste programme de renouveau du football français. Un véritable dilemme. Je comprends la déception et la tristesse des dirigeants nordistes. Mais je ne perds pas espoir de prendre les choses en main, un jour ou l’autre ». Au sein de la fédération, ses responsabilités devraient être étendues : il va passer DTN.

La VDN résume bien la recette du sentiment général : « une cuillerée de précipitation, une pincée de naïveté, un zeste d’ignorance, un nuage de susceptibilité et la pâte vous reste sur l’estomac. Pour longtemps (…) Aujourd’hui, le LOSC n’a plus d’entraîneur et doit se rabattre sur l’ANPE (…) On a fait tomber une tête. Peut-être n’était-ce pas la bonne ? ». Voilà qu’on réclame des têtes !Premiers visés : Jacques Amyot et Bernard Gardon. Ils contre-attaquent : « vous m’accusez de légèreté, déclare Amyot, mais comment peut-on qualifier l’attitude d’un homme qui est d’accord sur tout, puis qui fait machine arrière sans crier gare ? Il y a des années que Gérard Houllier exprime son désir de venir travailler à Lille. J’irais à genoux, m’a t-il confié. Nous avions trouvé un terrain d’entente tant sportif que financier. Mercredi soir, nous sabrions le champagne pour fêter le mariage… ». Sentant le vent tourner, Amyot s’était même rendu au Parc des Princes vendredi soir, quitte à se taper PSG/Laval : « je lui ai fixé rendez-vous pour une explication les yeux dans les yeux. Mais je le cherche encore. C’est un dégonflé ». Gardon ajoute une couche : « des pratiques comme celles-là, je n’en avais jamais vues. Des gens comme lui déshonorent la profession. Après une telle conduite, on ne peut qu’être soulagé. Nous avons réalisé l’affaire du siècle en perdant Houllier ». Le lundi 15 mai, dans la Voix des Sports (VDS), Amyot poursuit : « Gérard Houllier a préféré la sécurité de l’emploi. À la fédération, la paie tombe jusqu’à 65 ans. Moi, j’ai commencé comme manœuvre. Je dispose, aujourd’hui, de 1 000 employés. Je sais ce que représente la gestion des hommes mais aussi ce que vaut la parole donnée. J’ai simplement eu la faiblesse d’y croire ». « Emouvant » commente ironiquement l’hebdomadaire sportif.

On trouve également dans la VDS la réponse de Houllier aux propos des Lillois la veille dans la VDN. A priori, toute collaboration dans un futur proche entre tous ces hommes est compromise :

« J’imaginais que la réaction des responsables du club lillois serait celle de la déception, voire du dépit. Je ne m’attendais pas à de la bassesse, à des attaques qui n’honorent pas leurs auteurs.

J’ai de l’estime pour Jacques Amyot. J’en ai un peu moins pour Bernard Gardon. Mon choix a été dicté par les circonstances. À défaut de le comprendre, ils auraient pu le respecter.

Cela dit, j’ajouterai deux choses :

Primo, je n’ai pas de leçon à recevoir de Bernard Gardon. Moi-même, je me garde bien de le juger au travers de ses expériences antécédentes, malheureuses.

Secundo, je n’ai pas attendu d’être confronté à un choix devenu impossible pour faire preuve de courage. Ceux qui m’ont suivi à Noeux, à Lens puis au PSG, que j’ai repris en zone rouge, peuvent en témoigner.

En conclusion, j’ajouterai qu’un jeune homme ou une jeune fille éconduit pense toujours que, finalement, le parti n’en valait pas la peine »

Le LOSC n’a plus d’entraîneur. Amyot va désormais revoir la liste des successeurs possibles à Georges Heylens. Mardi 16, une première audition a lieu : celle de… Georges Heylens.


Posté le 12 décembre 2020 - par dbclosc

Saint-Marin : ode douce

33.607. C’est à peu près le nombre d’habitants de Cambrai. C’est très exactement celui de la République de Saint-Marin, micro-état enclavé dans le nord de l’Italie sur le Mont Titano, non loin de Rimini. La « Sérénissime » est également réputée pour être la plus ancienne république du monde, sa constitution datant de 1600. Elle se distingue aussi pour avoir, selon certains, « la pire sélection du Monde » en football, appréciation que l’on retrouve dans la plupart des articles qui portent sur la sélection saint-marinaise.

 

Pour défendre leurs couleurs nationales à l’extérieur, la plupart des joueurs de Saint-Marin, amateurs, doivent prendre sur leurs congés pour effectuer le déplacement. Devant déjà faire avec des contraintes plus lourdes que la plupart des pays européens, Saint-Marin doit parfois se dispenser de certains de ses internationaux faute que le calendrier international soit compatible avec leurs contraintes familiales et professionnelles, devant encore puiser plus loin dans son maigre réservoir de joueurs. Malgré tout, cela n’empêche pas la majorité de ceux qui commentent la sélection nationale de se satisfaire de les regarder avec condescendance en moquant la faiblesse de leurs résultats, le tout le cul bien vissé dans le canapé.

 

 

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Franchement, qu’est-ce qui est plus la honte : qu’une équipe composée d’employés et d’ouvriers perde 5-0 contre la Russie ou perdre son temps à consacrer une vidéo pour se foutre de leur gueule ?

 

 

Certes, la sélection saint-marinaise est sans doute la moins performante d’Europe, comme semble le confirmer sa dernière place dans le groupe 2 de la Ligue des Nations D. En réalité, ces résultats ne traduisent aucune « nullité » de la part des Saint-Marinais : les performances de la sélection sont ainsi le produit de la faiblesse de son réservoir de joueurs lui-même directement lié à sa population 14 fois plus réduite qu’à Malte, 19 fois par rapport au Luxembourg, ou encore 89 fois moindre qu’en Lituanie, sélections qui ne sont pourtant qu’à peine plus brillantes que celles de Saint-Marin.

 

Seul Gibraltar, avec 32.247 habitants a une population plus réduite en Europe parmi les nations européennes ayant une sélection reconnue par l’UEFA. Et encore Gibraltar bénéficie-t-il d’un avantage par rapport à Saint-Marin en tant que territoire britannique, ce qui facilite la « naturalisation » des joueurs non-natifs du territoire : c’est ainsi que les Gibraltariens peuvent compter dans leurs rangs des joueurs comme Scott Wiseman (129 matchs en championship) sans pour autant être natif de Gibraltar. Et comme si cela n’était pas assez compliqué comme ça, Saint-Marin s’est toujours refusé à adopter une stratégie de facilitation des « naturalisations sportives » alors qu’elle pourrait sans doute attirer nombre de joueurs italiens évoluant dans les clubs d’Emilie-Romagne ou des Marches.

 

A quand les nouveaux Bonini et Selva ?

 

La plus grande star du football saint-marinais reste à ce jour Massimo Bonini, ancien milieu de terrain de la Juventus dans les années 1980 avec laquelle il remporte trois scudetti (1982,1984 et 1986), une coupe d’Italie (1983), une coupe des champions (1985) et une coupe des coupes (1984). La sélection saint-marinaise n’a fait cependant que trop tardivement ses débuts pour en profiter pleinement : Bonini a 31 ans quand il dispute sa première sélection (en 1990). 

Marco Macina fût la seconde vedette du football saint-marinais et le deuxième Titan (le surnom des Saint-Marinais) à avoir joué dans l’élite italienne. Il y débute avec Bologne à 17 ans (le 22 novembre 1981 contre la Juventus) pour ce qui reste le seul match de l’histoire de la Serie A au cours duquel deux joueurs saint-marinais furent présents concomitamment. Il est ensuite titulaire à Parme, en Serie B, où il brille et est reperé par le Milan AC qui le fait signer à l’été 1985. Il ne s’y imposera pas et sera prêté en Serie C à la Reggiana puis à Ancône où il connaîtra une grave blessure qui mettra fin à sa carrière à moins de 24 ans.

S’il s’agit là des deux meilleurs joueurs de l’histoire du football saint-marinais, ils n’ont pour autant pas été les joueurs les plus marquants de la sélection, Bonini et ses 19 sélections et encore davantage Macina et ses 2 capes font en effet pâle figure en comparaison des 8 buts en 73 sélections d’Andy Selva.

Avec 8 buts, Andy Selva est bien sûr le meilleur buteur de l’histoire de la sélection. Il est aussi le seul à avoir inscrit plus d’une unité sous le maillot de la Nazionale et demeure peut-être le seul joueur au monde à pouvoir affirmer avoir inscrit quatre fois plus de buts que le deuxième meilleur buteur de l’histoire de son pays. Il a fait de la Belgique sa victime favorite avec 3 buts inscrits contre les Diables Rouges (dont deux à Geert De Vlieger). Il est en outre un redoutable tireur de coup-francs puisqu’il a inscrit la moitié de ses buts en sélection de cette manière.

selva Andy Selva face au belge Eric Vanderhaeghe

Crédit photo: Walfoot.be

Autre particularité de Selva ? Sans doute celui du nombre de buts inscrits en sélection – en tout cas en Europe – en étant issu d’un club de niveau inférieur à la deuxième division nationale : il marque ainsi 3 buts alors qu’il appartient à un club de C2 (4ème division) et 4 autres quand il joue en C1 (3ème division), son dernier but étant inscrit lors de sa seule saison en Serie B (avec Sassuolo). S’il est une star à Saint-Marin, Selva n’a jamais été qu’un joueur des divisions inférieures en Italie, pendant longtemps des plus basses division nationales. Il totalise 61 buts en Serie D et 66 en Serie C au cours de sa carrière.

 

La Sérénissime en attente de sa « génération dorée »

 

A plusieurs moments de son histoire, la sélection saint-marinaise a pu espérer disposer d’une « génération dorée », si ce n’est capable de lutter au niveau international, au moins de s’appuyer sur un noyau de joueurs de niveau professionnel. Quand Bonini et Macina furent à leur sommet, dans les années 1980, la sélection nationale n’existait malheureusement pas encore. Vingt ans plus tard, vers la fin des années 2000, la sélection semble pouvoir nourrir certains espoirs avec l’émergence d’une génération de joueurs pouvant ambitionner de jouer au niveau professionnel : fin 2009, Saint-Marin compte quatre joueurs nés entre 1986 et 1989 titulaires au niveau Serie D, Aldo Simoncini, Maicol Berretti, Matteo Vitaioli et Mirko Palazzi, auxquels on peut ajouter Manuel Marani (né en 1984) qui fait une saison solide avec Russi, également en Serie D, Giovanni Bonini (le fils de Massimo), né en 1986, et Alex Della Valle (1990) qui a joué quelques rencontres de Serie D la saison précédente.

 

Pourtant, de cette « génération dorée », seul le défenseur Mirko Palazzi s’ancrera durablement au niveau national, disputant 102 matchs au niveau Serie C (Serie C2 pour l’essentiel) et 76 au niveau Serie D (où il joue actuellement avec la Marignanese). Le gardien Aldo Simoncini a, certes, tutoyé le haut niveau, quand il signe comme troisième gardien à Cesena, en Serie A, en janvier 2011. L’expérience sera de courte durée puisqu’il est prêté un an plus tard à Valenzana (Serie C2) où il n’est que doublure pendant le mois (!) où il y reste avant de rejoindre Libertas dans le championnat saint-marinais qu’il ne quittera que pour le voisin de Tre Fiori en 2018. Après trois saisons en Serie D et autant de prêts de son club de San Marino Calcio, Maicol Berretti rejoindra également le championnat saint-marinais et le club de Pennarossa en 2010. Il joue actuellement à Libertas, toujours dans le championnat saint-marinais. Assez peu d’ailleurs, puisqu’il y est remplaçant.

 

vitaioli wikipedia

La photo qu’on trouve depuis quelques années sur la page wikipedia de Matteo Vitaioli. Sauf que ça n’est pas Matteo Vitaioli.

Mais c’est sans doute Matteo Vitaioli, 31 ans, qui constitue la meilleure illustration des difficultés rencontrées par les joueurs saint-marinais pour passer le cap du professionnalisme. Grand espoir, il dispute son premier match avec l’équipe première du San Marino Calcio (en Serie C1) la veille de ses 16 ans et il les a à peine atteint quand il inscrit son premier (et seul) but avec son club formateur, à chaque fois lors de matchs de coupe. Cette saison-là, il est le deuxième plus jeune joueur à disputer un match de coupe après Mario Balotelli. Il est ensuite prêté successivement à deux clubs de Serie D, Castellarano puis le Real Montecchio. Il n’a encore que 19 ans quand il revient au San Marino Calcio après une saison convaincante avec Montecchio (30 matchs, 6 buts), mais il ne parviendra jamais à s’imposer à un niveau plus élevé : il ne jouera ainsi que 19 rencontres de Serie C lors de ses trois saisons dans son club formateur entre 2009 et 2012 (pour un total de 23 matchs de championnat en comptant la période 2005-2007). A partir de ce moment, Vitaioli ne jouera plus qu’en Eccellenza (première division régionale) ou en Promozione (deuxième niveau régional), loin des attentes que pouvait nourrir un joueur au talent précoce et déjà titulaire au niveau Serie D avant sa majorité. Il joue désormais au Tropical Coriano (Eccellenza) depuis 2014, club avec lequel il a inscrit 74 buts.

 

vitaioli

Là, par contre, c’est vraiment Matteo Vitaioli

Les trois autres nommés ne feront pas mieux. Après sa bonne saison 2009/2010 avec Russi en Serie D (33 matchs, 5 buts), Manuel Marani ne jouera plus jamais au niveau national italien. Bonini a disparu encore plus rapidement des radars puisqu’il se contente du championnat saint-marinais depuis 2009. Alex Della Valle ne l’a rejoint qu’en janvier 2011 après 6 mois passé à Rimini (Serie D) sans jouer le moindre match. En janvier, cela fera alors 10 ans qu’il joue pour Faetano.

 

Et si cette fois c’était la bonne ?

 

Sur le papier, la nouvelle génération est, au moins en nombre, moins prometteuse. Alors qu’il y a 10 ans, Saint-Marin pouvait revendiquer 5 joueurs titulaires dans les divisions nationales italiennes (Simoncini, Marani, Berretti, Vitaioli et Selva), seul Filippo Berardi pouvait le revendiquer sur la saison 2019/2020. En y regardant de plus près, la nouvelle génération n’est peut-être pas si mauvaise et reste prometteuse.

 

Parmi ses têtes de proue, on trouve le gardien Elia Benedettini, même si sa dernière année rend difficile d’imaginer la tournure que prendra sa carrière. Elia est le neveu de Luigi Benedettini, ancien gardien de la sélection dans les années 90 et cousin de Simone, sa doublure en sélection. Il s’est d’abord fait remarquer pour ses belles performances avec les U21 de Saint-Marin n’encaissant que 30 buts en 13 sélections et réalisant 3 « clean sheets » (entre 2013 et 2016) ce qui constitue des performances inédites pour un gardien d’une sélection nationale saint-marinaise. En parallèle, il passe deux saisons comme titulaire dans les buts de la Pianese en Serie D italienne où il est repéré par Novare (Serie B) et où il signe à l’été 2016. D’abord numéro 3, il devient la doublure du Suisse David Da Costa en janvier 2017, statut qu’il garde jusqu’à une rupture des ligaments croisés en septembre 2019 qui le laisse sur le flanc pendant plus d’une année.

 

Entre temps, Benedettini a disputé 5 matchs de Serie B, 6 de Serie C (Novare a été relégué à l’été 2018) et 5 matchs de coupe d’Italie dont un huitième de finale à Rome contre la Lazio (perdu 4-1). Il était déjà titulaire lors des trois tours précédents, et notamment lors de la qualification aux tirs aux buts contre Brescia qui allait terminer en tête du championnat de Serie B (2-2, 5 tab à 4). Il est pourtant actuellement sans club, un mois après avoir résilié son contrat avec Novare. Sur une pente ascendante jusqu’à sa blessure, l’avenir professionnel d’Elia semble désormais en suspend. Cela n’a pas empêché Franco Varrella, le sélectionneur italien de Saint-Marin, de le titulariser contre Gibraltar le 14 novembre (0-0).

 

A 20 ans, Nicola Nanni, l’avant-centre, est le dexuième grand espoir du football saint-marinais. Sous contrat avec Crotone (15 matchs débutés sur le banc en Serie B), il a été prêté en Serie C à Monopoli (la saison dernière), puis à Cesena (cette saison), pour 16 matchs disputés, dont 2 comme titulaire. Où le mènera la suite de sa carrière ? Difficile à dire, tant sa trajectoire peut aussi bien correspondre à celle d’une future terreur de Serie B qu’à celle de joueurs plafonnant au niveau Serie D.

 

Mais la « star » de l’équipe nationale et sa valeur la plus sûre est Filippo Berardi, 23 ans, seul joueur de la sélection à être titulaire dans un club professionnel, en l’occurrence à la Vibonese (Serie C) avec laquelle il a disputé 20 matchs de championnat pour 2 buts inscrits et 6 passes décisives lors de la saison tronquée 2019/2020. Il est le dernier joueur sain-marinais à avoir inscrit un but pour la sélection nationale, le 16 novembre 2019, lors d’un match contre le Kazakhstan (1-3) dans le cadre des éliminatoires de l’Euro. Il mettait alors fin à une série de 16 matchs de suite sans inscrire le moindre but pour la Sérrenisime.

 

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Il débute en Serie C2 avec Rimini à moins de 17 ans puis réalise sa première saison comme titulaire en Serie D la saison suivante, toujours avec Rimini. Il poursuit ensuite sa formation (et sa progression) au Torino où il marque 14 buts en 50 matchs avec la Primavera en deux saisons. Il rejoint ensuite trois clubs de Serie C, la Juve Stabia, Monopoli, puis la Vibonese où il est désormais titulaire. Avec plus de 60 matchs à ce niveau, sa trajectoire, constamment ascendante depuis ses débuts de carrière, donnent certaines garanties quant à sa capacité à s’inscrire durablement au haut niveau. Certes, il ne s’agit pas d’un pedigree à même de susciter l’envie de le recruter au LOSC, mais suffisant pour en faire une exception à l’échelle de Saint-Marin.

 

La question des performances futures de la Sérenissime tiendra également à sa capacité à trouver les remplaçants de ses joueurs les plus âgés. C’est particulièrement la défense qui est concernée puisqu’elle compte parmi les titulaires de la dernière Ligue des Nations Mirko Palazzi (33 ans), Dante Rossi (33 ans) et Davide Simoncini (34 ans). Filippo Fabbri (18 ans), 2 apparitions sur le banc de Cesena cette saison, et Alberto Tomassini (18 ans), titulaire au Tropical Coriano jusqu’à ce que le championnat d’Eccellenza soit suspendu pour cause de covid, pourraient être ceux-là.

 

La dynamique positive de la Serenessima freinée par la crise sanitaire …

 

Si souvent moquée, la sélection saint-marinaise a cependant enregistré des résultats qui, depuis un an, laissent entrevoir certains progrès. Certes, elle a terminé dernière de son groupe de Ligue des Nations composé de Gibraltar et du Liechtenstein, mais les résultats sont clairement décevants au regard de la physionomie des matchs et elle vient d’enchaîner deux 0-0 de suite, « série » sans précédent dans l’histoire de St-Marin en compétition. Si la Serenessima débute par une défaite à Gibraltar (0-1) et contre le Liechtestein (0-2), elle fait jeu égal à chaque fois avec ses adversaires. Contre le Liechtenstein, elle concède un 0-0 qui associe la joie d’un premier point pris après 40 défaites de suite et la déception de ne pas l’avoir emporté après un match largement dominé.

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Le 14 novembre, pour son dernier match de groupe, contre Gibraltar, Saint-Marin a également obtenu le match nul tout en ayant disputé presque la totalité de la seconde mi-temps à 10 contre 11 après l’expulsion de Davide Simoncini (49è). Si la Serenessima n’a pas dominé, elle n’a jamais été en danger majeur comme l’illustre le fait qu’elle n’a concédé aucun tir cadré. Si, entre ces deux matchs, la sélection a bien connu la défaite (0-3) contre la Lettonie, le résultat demeure encourageant si l’on tient qu’elle a disputé ce match sans Elia Benedettini (de retour de blessure), Palazzi (cas contact), Berardi (touché par la covid) et Nanni (retenu par son club).

 

Au-delà de ces résultats positifs, on peut toutefois se demander dans quelle mesure les petites nations qui s’appuient un fort contingent de joueurs amateurs ne subiront pas plus lourdement que les autres les effets de la crise sanitaire. Les championnats amateurs ont en effet interrompu leurs compétitions, ce qui fait que l’essentiel des joueurs de la sélection pourrait subir un déficit de rythme. Ainsi, depuis le mois de mars, les championnats régionaux italiens n’ont connu que … 3 journées de championnat ! Sur la même période, la sélection a en revanche disputé 6 rencontres.

 

… et les embûches administrativo-financiaro-sportives ?

 

Le football saint-marinais n’a cependant pas attendu le coronavirus pour connaître la crise. Historiquement, la sélection nationale s’est ainsi appuyée sur le club de San Marino Calcio (ex AC San Marino), principale club de la République qui accède pour la première fois de son histoire au championnat national italien (en Serie D) en 1987. Depuis cette date, et sauf en 1992/1993 et 1996/1997, le club saint-marinais a toujours joué au niveau national, montant parfois jusqu’au niveau Serie C1 (de 2005 à 2007 puis de 2012 à 2014). Nombre de joueurs de la sélection saint-marinaine sont passés par San Marino Calcio, ce qui leur permettait de se confronter chaque week-end à des équipes de niveau national. Ainsi, en 1993/1994, cinq joueurs de la Nazionale jouent au San Marino Calcio. En 2018/2019, ce sont encore quatre internationaux saint-marinais qui portent les couleurs du club (Simone Benedettini, D’Addario, Grandoni et Michele Cevoli).

 

Or, en 2019, face aux difficultés financières du club, la décision est prise d’une fusion avec Cattolica 1923, club de niveau Promozione. Sur le papier, la solution pourrait permettre à San Marino de mettre fin à ses problèmes financiers et à Cattolica d’accéder à la Serie D. En 2019/2020, Cattolica Calcio San Marino connaît donc la première saison de son histoire. Cela sera aussi sa dernière.

 

Ainsi, la fusion s’est faite entre deux entités aux identités fortes, et les deux clubs d’origine n’ont jamais réussi à s’entendre sur la nature de leur accord. Au printemps 2020, le groupe des Ultras de Cattolica 1923 a ainsi clairement réaffirmé son exigence que le club soit bien baptisé Cattolica Calcio et non San Marino Football comme il en est question (1). Les Saint-Marinais s’y opposent, considérant qu’ils ne peuvent abandonner leurs couleurs bleu ciel (le club a adopté les couleurs sang et or de Cattolica en 2019/2020) et renoncer à une appellation mentionnant Saint-Marin. A ces difficultés propres aux identités de chacun des deux clubs s’ajoutent vraisemblablement des difficultés administratives, le club annonçant alors en juillet renoncer « face à la bureaucratie infranchissable de règles sportives qui ne permettent pas seulement le changement de nom, mais aussi la cession ou l’attribution du titre à une société italienne ». En 2020/2021, aucun club de Saint-Marin n’est donc engagé dans des compétitions italiennes (2).

 

Pour la première fois de son existence, la sélection saint-marinaise doit alors fonctionner sans le soutien de son grand club.

 

(1) Le 13 juillet, les Ultras de Cattolica 1923 déclaraient dans un communiqué officiel : « Nous sommes prêts à suivre seulement une équipe qui porte le nom de Cattolica et qui porte les couleurs de Cattolica, quelle que soit la catégorie. Nous ne soutenons pas Saint-Marin ! »

(2) De son côté, Cattolica1923 a finalement fusionné un mois plus tard avec la Marignanese, championne d’Eccellenza la saison précédente et promue en Serie D. Comme on pouvait s’y attendre, les Ultras de Cattolica n’ont pas mieux accueilli cette fusion que celle avec le club saint-marinais et ont déclaré dans un communiqué officiel qu’ils ne supporteraient pas le tout nouveau Marignanese Cattolica 1923.


Posté le 3 octobre 2020 - par dbclosc

Au Stadium, Bosman à l’arrêt

En mai 1998, est annoncé au Stadium-Nord de Villeneuve d’Ascq un match de gala au profit du footballeur belge Jean-Marc Bosman, opposant deux équipes de « stars internationales », l’une « entraînée » par Thierry Froger, entraîneur du LOSC, l’autre par Michel Docquiert, entraîneur de l’ESW. L’événement se transforme en un fiasco épouvantable qui souligne le manque de popularité et l’isolement de celui par qui le football a été transformé.

« Soirée de gala », « rencontre de prestige » : la Voix du Nord s’emballe pour ce qui s’annonce en effet grandiose. Voici venir le « Bosman Benefit Match », qui devrait amener au Stadium Nord « quelques stars du ballon rond fraîchement retraitées ou en fin de carrière » comme « Cantona, Higuita, Scifo, Donadoni et bien d’autres stars du football ». Le match est organisé par un tout neuf syndicat de footballeurs, l’Association internationale des footballeurs professionnels (AIFP), créé à l’initiative notamment de Diego Maradona, et de Didier Roustan si l’on en croit Didier Roustan. Le journaliste souligne ainsi que « Maradona avait cette idée en tête depuis 1986 et le Mondial mexicain. Avec l’altitude et la chaleur, les conditions n’étaient pas idéales, mais les matches se sont quand même joués aux heures où le soleil tapait le plus, pour que les retransmissions aient lieu en prime time. Maradona a alors jugé qu’il fallait faire évoluer les choses, que les joueurs devaient avoir leur mot à dire et ne pas être manipulés comme des objets ». Une rencontre décisive entre les deux hommes aurait eu lieu en janvier 1995 puis, en septembre de la même année, naissait l’AIFP. Ses membres fondateurs sont : Diego Maradona, Thomas Brolin, Raï, Laurent Blanc, Ciro Ferrara, Gianluca Vialli, Gianfranco Zola, George Weah, Neno, Michael Rummenigge, Eric Cantona, Mohammed Chaouch, Abedi Pelé et Michel Preud’homme. S’y joignent rapidement Ruud Gullit ou encore Hristo Stoïchkov.

Bosman AIFP
Le syndicat prend rapidement les airs d’une internationale quasi-révolutionnaire : lors de son lancement officiel le 18 septembre 1995, Diego Maradona annonce vouloir « changer les choses, participer à tout ce qui se prépare dans le monde du football sans que les joueurs ne soient jamais consultés (…) Ce syndicat mondial est un rêve que je voulais partager avec d’autres joueurs, pour que nous soyons solidaires de tous les footballeurs qui ont besoin de nous ». Le programme tient en quelques principes-clés : « défense des principes fondamentaux du sport, du football et sauvegarde des droits moraux et sociaux des footballeurs ; réalisation du principe que le footballeur est l’élément central du monde du football ; aide aux footballeurs des pays du tiers monde ». Concrètement, aucun dossier ne semble à l’étude et on se demande quelle consistance se trouve derrière ces déclarations d’intention mais, à ce stade, on peut saluer une forme de prise de conscience collective et un début de réflexion sur un répertoire d’action qui consisterait par exemple à « retarder le début d’un match pour faire pression ». Il semble que l’AIFP soit mue par la volonté d’apporter un contrepoids à la FIFA, sans toutefois prétendre la renverser. En somme, l’association prend une posture de poil à gratter « anti-système ». Le jeu de questions/réponses avec les journalistes révèle une ligne directrice encore floue : Maradona regrette que des joueurs « doivent mendier après avoir consacré leur vie au foot » ; George Weah déplore qu’« on a parfois moins de vingt-quatre heures entre un match en Europe et un autre en Afrique » ; Abedi Pelé aimerait que les footballeurs soient représentés pour, par exemple faire en sorte que « Cantona ne prenne pas autant » après sa suspension de 8 mois pour avoir agressé un spectateur ; enfin, Michel Preud’homme, interpellé sur la situation de Jean-Marc Bosman, déclare à propos de son compatriote : « on ne traite pas encore de cas particulier, mais il a tout notre soutien ».

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Jean-Marc Bosman, nous y voilà. L’histoire est connue : jeune footballeur brillant (il fut même capitaine des Espoirs en Belgique), Bosman poursuit une carrière plus modeste de footballeur professionnel en Belgique. En 1990, alors que son contrat au FC Liège arrive à son terme et qu’il souhaite rejoindre Dunkerque, son club réclame une indemnité de transfert. Il saisit alors la justice, arguant d’une part que le FC Liège n’est pas légitime à demander cette indemnité, et d’autre part que le quota empêchant les clubs européens d’avoir plus de 3 joueurs étrangers ressortissants de l’UE est une entrave à la libre circulation des travailleurs. Un long combat judiciaire commence et, pendant ce temps, Bosman ne peut exercer son métier : les règlements permettent au FC Liège de l’empêcher de partir, quand bien même le contrat est expiré. Le 15 décembre 1995, la Cour de Justice des Communautés Européennes lui donne raison en instituant la libre circulation des joueurs professionnels dans l’espace européen. Très concrètement, les clubs les plus riches peuvent désormais s’appuyer sur cette manne pour s’attacher les services des meilleurs joueurs du monde, et sans être limités par leur nationalité. Une décision qui change la face du football mais dont Bosman, à 31 ans et après ces 5 années, ne profitera jamais.

 jean-marc-bosman-football_0d7128ecd877f4f732ba54a2b2635d7fJean-Marc Bosman en 1995

C’est là que l’AIFP et le combat de Bosman se rencontrent. Une lecture rapide de l’arrêt et de ses enseignements semble aller dans le sens de l’intérêt des footballeurs, désormais libérés de contraintes réglementaires, et libres de jouer où ils le souhaitent, notamment à l’étranger. Au vu de la feuille de route qu’elle a énoncée, l’AIFP semble se saisir du combat et apporte son soutien à Bosman. Cela sort l’association de son sommeil car on ne compte en tout et pour tout pour le moment que l’organisation de deux matches amicaux dont les buts restent flous, hormis embêter la FIFA : un premier à Barcelone le 27 avril 1997, « en dépit des pressions exercées par les instances du football » souligne Roustan ; puis un second « contre le racisme » le 12 octobre 1997 à Madrid, devant 80 000 spectateurs, un match retransmis dans 40 pays. Voici donc le 3e match amical organisé par l’AIFP : ce « Bosman Benefit Match » est une sorte de remerciement des organisateurs qui ont vu leurs salaires exploser suite à « l’arrêt Bosman », tandis que Jean-Marc Bosman connaît ses premières galères financières.

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Un beau plateau est annoncé et « les stars seront bien là ! » promet la Voix du Nord. On annonce d’un côté l’équipe des « anciens » composée de : Higuita (COL), Preud’homme (BEL), Montova (ARG), Bruce (GB), Barco (PER), Basulado (ARG), Glassmann (FRA), Cyprien (FRA), Grün (BEL), Kombouaré (FRA), Aldana (ESP), Donadoni (ITA), Hagi (ROU), Del Solar (PER), Scifo (BEL), Pelé (GHA), Brolin (SUE), Cantona (FRA), Butragueno (ESP), Cascarino (IRL), Bosman (BEL), Usuriaga (COL) et Jakobsen (NOR).

De l’autre, l’équipe des « jeunes » composée de : Gillet (BEL), Frey (FRA), Remacle (BEL), Ferdinand (GB), Tudor (CRO), Muller (SUI), Beto (POR), Gerad (ESP), Stoica (ROU), Ducrocq (FRA), Coubadja-Toué (TOG), Belozoglu (TUR), Nanato (BRE), Olivera (URU), Preciado (COL), Pantelic (YOU), Ch. Kanu (NIG)

Pour ajouter une dimension régionale à l’événement, les coachs du jour, qui auront bien sûr un rôle tout symbolique, seront, pour les « jeunes », Michel Doquiert, qui vient de parvenir à maintenir l’Entente Sportive de Wasquehal en deuxième division et, pour les « anciens », Thierry Froger, qui a réussi la même performance avec le LOSC.

Problème : une bonne partie des stars annoncées et le public ne viennent pas.

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« On attendait une énorme fête, on a eu droit à un flop retentissant » regrette la Voix du Nord. Alors certes, les joueurs présents au Stadium-Nord n’étaient pas des joueurs de district, mais « entre l’affiche annoncée et les joueurs réellement présents, il y avait un monde ». La principale attraction de ce match, Eric Cantona, était finalement retenue au Mexique pour le tournage d’une publicité ; manquaient également à l’appel Higuita, Careca, Butragueno ou Abedi Pelé : « une liste de forfaits plus que nuisible à la crédibilité de ce gala », « les esprits chagrins affirmeront qu’ils ont été trompés sur la marchandise, les plus optimistes se seront consolés en se disant qu’il y avait quand même quelques beaux noms sur la pelouse ». Parmi eux, le Roumain Hagi, les Belges Scifo, Grün et Preud’homme, ou l’Argentin Basulado, finaliste de la coupe du monde 1990. Résultat, « on ne nous enlèvera pas de l’idée que la fête a été gâchée » et les spectateurs « qui avaient sans doute flairé l’embrouille » n’était que 3 000. Sur le terrain, les « anciens », grâce au « talent exceptionnel de Georghe Hagi » (et probablement au coaching de Froger) ont battu les jeunes par 3 à 1 (Hagi, Hagi, Usuriaga contre Pantelic).

Belgian Johan Bosman right in action during the Bosman Benefit Match at the Stadium Nord Villene
© Imago/Belga

Dans un entretien donné au Figaro en 2006, Jean-Marc Bosman est revenu avec amertume sur ce match organisé par l’AIFP : « Maradona et quelques autres grandes stars qui devaient jouer un match organisé en ma faveur à Lille n’ont jamais pu trouver l’adresse du stade et, croyez-moi, on a peiné ce jour-là pour trouver 22 joueurs et disputer ce fameux match ». Comment expliquer que si peu de joueurs aient participé à ce match au profit d’un homme auquel ils doivent tant ?

Belgian Johan Bosman talking to journalist at the end of the Bosman Benefit Match this Tuesday May© Imago/Belga

Au début de son combat judiciaire, Jean-Marc Bosman est d’abord privé de football, sans même pouvoir toucher des indemnités de chômage. Il trouve finalement un club à la Réunion en 1992, avant de terminer sa carrière à Visé (D4 belge) en 1996. Ces années restent les « meilleures » dans la mesure où son combat puis sa victoire judiciaires, ainsi qu’un documentaire pour Canal+, qui co-organise d’ailleurs le match au Stadium, lui rapportent, outre quelques soutiens et une attention médiatique, près d’un million d’euro. Il roule en Porsche et achète plusieurs maisons. Il est sollicité et l’avenir lui semble radieux : il s’imagine ambassadeur du football moderne et se dit qu’il est désormais protégé à vie. Mais il se rend vite compte de son isolement et du manque de reconnaissance de ses « collègues », qui ne l’associent pas forcément à l’inflation des transferts et des salaires à laquelle il a contribué. Si l’AIFP l’a nommé président d’honneur, le manque d’activité du syndicat, la concurrence qu’il introduit avec le principal syndicat existant, la FIFpro, ne lui apportent rien et tendent même à le décrédibiliser : « j’ai été nommé président d’honneur d’un syndicat international de joueurs (AIFP) qui n’existe plus, j’ai serré mille mains, posé pour des photos officielles, je pensais que ma vie de galère était derrière moi. Je me disais : finis les soucis, la vie dans le garage de mes parents, les privations, les humiliations » (Le Figaro, 2006). Mais au-delà de la période immédiate de « l’après-arrêt », les portes se ferment, et l’organisation de ce « Bosman Benefit Day », évoqué depuis 1996, traîne en longeur. Tout à la négociation de leurs nouveaux contrats en or, les joueurs oublient leur promesse de solidarité, et cet isolement éclate ce jour de mai 1998 : « les grands noms se sont décommandés. J’ai découvert leur égoïsme ». Il déclare même que beaucoup d’entre eux refusent de se laisser photographier en sa compagnie, « comme si je sentais mauvais » : « une fois les réflecteurs éteints, les invités sont partis, et je me suis retrouvé seul. Encore une fois. On m’a beaucoup promis, et j’ai eu le tort d’y croire. Tout le monde parlait de moi comme d’un héros. Gianluca Vialli par exemple, qui, grâce à l’arrêt, avait pu quitter librement la Juventus pour Chelsea en multipliant son salaire par quatre ou cinq, certainement pas parce qu’il était devenu quatre fois meilleur, avait déclaré : « Je dois tout cela à Bosman… Si je suis riche, maintenant, c’est grâce à lui ». Je n’ai depuis aucune nouvelle de lui ».

34 Year Old Jean-marc Bosman At Home In Vilers-l'eveque Near Liege In Belgium.

Le seul soutien dont il bénéficie est celui des membres de l’équipe nationale des Pays-Bas qui, avant un match d’éliminatoires pour la coupe du monde 1998 contre la Belgique en septembre 1997, lui donnent chacun 2 500€ en signe de reconnaissance : les jumeaux Frank et Ronald De Boer (Ajax), Edwin van der Sar (Ajax), Giovanni van Bronckhorst (Feyenoord) et Arthur Numan (PSV Eindhoven), représentants du « Team Holland », qui gère l’image de marque des internationaux indépendamment de la fédé, se rendent chez Bosman : « sans faire de discours compliqué, ils m’ont offert leurs primes en me disant simplement : « Voilà… Sans toi, nous ne gagnerions pas autant aujourd’hui » ». Pour Frank De Boer, « notre geste n’a rien à voir avec le match contre la Belgique. Nous sommes venus ici pour rencontrer Jean-Marc et rien d’autre. Nous voulions rappeler à quiconque qu’un certain Jean-Marc Bosman a permis à de nombreux footballeurs d’être aujourd’hui libres et mieux rémunérés ». Arthur Numan approuve : « nous avons tous profité de l’action entreprise par Jean-Marc, sauf lui en définitive. Il est normal, avons-nous estimé, de lui témoigner notre reconnaissance ». L’occasion pour les Oranje de mettre la pression sur les Belges avant le match en leur demandant d’avoir la même générosité… ce à quoi la fédération belge s’est opposée au motif que cela « déstabiliserait » les Diables : la fédé évoque même une « machination ». Le sélectionneur national, Georges Leekens, réagit : « ce n’est pas, en ce qui nous concerne, à l’ordre du jour. Je ne veux pas discuter d’une démarche qui ne regarde que les Néerlandais. Si mes joueurs veulent en faire autant, qu’ils le fassent, mais en temps opportun. Cela ne doit pas les déconcentrer avant le match ». Les Diables peuvent donc aider Bosman… à titre individuel. Cette démarche a également permis aux Néerlandais de remettre sur la table l’idée d’un « Bosman Benefit Match ».

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Aujourd’hui, après avoir connu de nombreuses galères personnelles, Jean Marc Bosman jette un œil amer sur ce qu’il reste de « l’arrêt Bosman », qui a entraîné un flux d’argent qui a d’abord profité aux championnats les mieux dotés en droits TV, qui ont pu attirer les meilleurs joueurs au détriment des autres pays, affaiblissant par là même les championnats plus modestes. Si les joueurs sont plus « libres », ils restent en partie des marchandises négociées aux plus offrants, tandis que les refus de prolongation de contrat s’accompagnent aujourd’hui de sanctions pour les joueurs telles que l’exclusion du groupe professionnel ou la rétrogradation en équipe B. Dans Ouest-France en 2015, Bosman déplorait que l’arrêt : « [ait] été un peu été détourné de son objet de départ, car il était tourné vers les joueurs et clubs les moins riches. Il était propre. Mais les vingt-cinq plus grands clubs européens se sont regroupés pour gagner encore plus d’argent, au lieu de redistribuer. Donc, on pourrait dire que l’arrêt Bosman a été à moitié tué, à part sur le chapitre de la libre circulation. Il a été détricoté, au point que les gens n’y comprennent plus rien ». Sur un plan plus personnel, les nombreuses interviewes qu’il a données ces dernières années révèlent le sentiment de solitude et de dénuement et parfois d’aigreur qu’il éprouve (« Aujourd’hui, certains joueurs brassent des dizaines de milliers d’euros par semaine et moi, je n’ai rien eu d’autres en retour que quelques mercis. Tout le monde est passé à la caisse, sauf moi. Quelque part, les stars du foot mondial flambent un peu toutes mon pognon » dans Le Soir en 2015 ; « En nonante-cinq, si j’avais réclamé un euro ou un mini-pourcentage pour chaque mouvement de joueur sans demander des dommages et intérêts, maintenant je pourrais racheter la ville de Liège, le Standard, Bruges et Anderlecht, avec le nombre de transferts qu’il y a eus depuis » dans Le Monde en 2015)

Bosman2Une belle photo de La Voix du Nord dont la légende a dû booster le moral de Jean-Marc Bosman

Cerise sur l’Hitoto : dans Ouest-France en 2015, Jean-Marc Bosman, au détour d’un entretien, disait un mot sur ce match au Stadium qui, en plus de son échec au niveau de l’organisation et ce dont il était le symptôme, lui a coûté de l’argent quelques années plus tard : « mes avocats, Me Misson et Me Dupont, que je ne devrais même pas appeler maître eu égard à la façon dont il s’est comporté, se sont disputés pour l’argent. Moi, je terminais le procès. On attendait les dédommagements de FIFpro qui m’a aidé avec Theo Van Seggelen (Néerlandais) et Philippe Piat. Ils m’avaient versé 300 000 €. Mais Misson, lui, retirait 30 % de la somme d’un côté. Et Dupont, alors stagiaire devenu avocat, m’a entraîné dans un match avec Canal + (organisé par Didier Roustan, à Lille) plutôt qu’avec la FIFpro, qui a tourné au fiasco mais sur la recette duquel j’ai dû payer des impôts dix ans plus tard. Au final, eux se sont disputés pour l’argent, et moi, je me suis retrouvé sans rien, après avoir donné beaucoup de libertés et beaucoup d’amour à beaucoup de personnes ».

Aux dernières nouvelles, Jean-Marc Bosman réside du côté de Liège et vit de diverses aides ou de quelques dons. Tous les 15 décembre, la presse rappelle l’anniversaire de « son » arrêt, qui aura 25 ans fin 2020. L’an dernier, l’INA proposait ce portrait :

https://www.ina.fr/contenus-editoriaux/articles-editoriaux/le-jour-ou-jean-marc-bosman-a-revolutionne-la-planete-football/


Posté le 19 juillet 2020 - par dbclosc

Djezon Boutoille (3/3) : « Le football doit d’abord apporter du plaisir »

Première partie de l’entretien : « Il fallait faire un choix, j’ai choisi le LOSC »
Deuxième partie de l’entretien : « On avait une équipe qui ne renonçait pas »

Tu pars en cours de saison 2003-2004, au mercato hivernal. Qu’est-ce qui a motivé ton départ ?

Après la première année avec Puel, pendant la préparation, il me dit qu’il veut faire confiance aux jeunes. Je n’ai que 27 ans, donc je ne suis pas très vieux. Mais je peux comprendre. C’était une fin de cycle, il fallait redémarrer, et des joueurs de qualité arrivaient en-dessous : Moussilou, Cabaye, Debuchy… Il y a un cycle, c’est normal. Il y a la relève. Moi, quand je suis arrivé, j’en ai fait partir quelques-uns. La manière dont on a échangé a été très correcte. C’était au mois de juillet ; je lui ai dit que c’était un peu tard, parce que j’aurais préféré savoir à la fin du championnat précédent, et pas la reprise. Après, il me dit que si je souhaitais rester, je ferais partie du groupe, et qu’il y aurait pas de souci. Et que si je méritais de jouer, je jouerai. Et ça a été le cas : j’ai encore fait quelques matchs avec lui. Après, j’ai eu l’opportunité de signer deux ans à Amiens. Et comme je voulais davantage de temps de jeu, je me suis dit « pourquoi pas »…

 

« Je n’aurais pas dû partir du LOSC. C’est mon seul regret »

 

Comment ça s’est passé à Amiens ?

Je n’ai fait qu’un an et demi à Amiens, je ne m’y suis pas plu. Durant la première année, les six premiers mois se passent super bien avec Denis Troch. La deuxième année, moins avec Alex Dupont. On retrouvait un peu Thierry Froger dans Alex Dupont. Ça s’est dégradé. Il me restait un an de contrat : le président voulait me garder, mais je n’avais plus envie de rester. Ça reste un bon club, mais la mentalité était différente, l’entraîneur aussi. C’était compliqué de passer d’Halilhodzic/Puel à… ça. Donc j’ai préféré rentrer chez moi.

Est-ce que ça veut dire que tu aurais vécu ça dans n’importe quel autre club, parce que ça n’était plus Lille ?

Oui, je pense ! Je pense que je suis parti à contre-cœur parce qu’il fallait que je joue. J’étais un compétiteur, donc avec des difficultés à accepter de moins jouer, à partager mon temps de jeu avec quelqu’un d’autre. L’orgueil fait que je voulais avoir du temps de jeu, parce que c’est ce que j’aime : être sur un terrain. Quelques années après, avec la réflexion, c’est un choix que je regrette d’avoir fait. Je n’aurais pas dû partir. C’est le seul regret que j’ai aujourd’hui, c’est d’être parti. Je ne dénigre pas Amiens, ça reste un club de qualité avec des hommes de qualité et de valeur, mais partout où je serais allé, ça ne se serait pas bien passé. Donc autant rentrer chez soi à Calais, et c’est ce que j’ai fait.

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« L’épopée de Calais 2000 a été difficile à digérer »

 

Tu as participé à la deuxième épopée de Calais et tu as joué avec des joueurs de la première épopée …

On est arrivés en quarts de finale en 2006. On en a fait des tours de Coupe de France ! On médiatise beaucoup à partir des 32èmes, mais il y a les 3ème, 4ème, 5ème, 6ème, 7ème tours … On fait ce quart de finale, et pour en arriver là, on s’en est sortis de justesse face à des équipes de niveau inférieur, grâce à notre gardien. C’est là qu’on voit la qualité du gardien de but, Cédric Schille. Et à l’inverse, on peut faire des exploits. La coupe, c’est vraiment ça, à un moment donné, il n’y a que le résultat qui compte, la manière quelque part on s’en fout un peu. On se fait éliminer par Nantes, 1-0, en fin de match. Le bourreau de Calais, c’est Nantes.

L’année suivante, tu marques contre Lorient, Ligue 1 !

Un doublé ! Contre Troyes ensuite… Il y avait beaucoup de qualité dans le groupe, et beaucoup de joueurs venant des centres de formation de Lille et de Lens. Il y avait Sébastien Pennacchio d’ailleurs.

5ede8177cd915_boutoillePhoto AFP/Denis Charlet

Tu passes ensuite de l’autre côté, en devenant coach du CRUFC. Comment s’est faite la transition ?

On a d’abord retrouvé le National, avec une structure semi-professionnelle, mais avec un esprit amateur. Mais le club descend, avec des soucis administratifs, une première fois en CFA2. Là, mon ami Pascal Joly, qui est président, me demande de reprendre le club. J’ai 33-34 ans, je n’ai plus les cannes, ça commence à peser. Alors je me dis « pourquoi pas ? ». Et donc je demande à Didier Popieul de m’accompagner et ça marche. Ça démarre comme ça, sur une idée lancée comme ça. Ça s’est mal terminé parce qu’il y a le dépôt de bilan. Les parcours en Coupe de France, pour les clubs amateurs, c’est difficile à gérer. Parce que les clubs n’ont pas forcément les structures adaptées pour gérer les sommes d’argent qui sont gérées par la fédé, comment les gérer sur les joueurs. Les après-Coupe de France sont difficiles à gérer sur l’aspect humain, financier, à Calais mais aussi à Quevilly ou aux Herbiers. Sur l’instant T, c’est vraiment génial sur le plan humain. Mais financièrement c’est compliqué, et Calais l’a payé.

Pourquoi ?

En fait, sur la première année, en National, la présidence change. Le déficit est annoncé à 200 ou 300 000 €. Sauf que quand les nouveaux présidents font un état des lieux des comptes, on se rend compte que le déficit est de 1M€ ! Une SASP doit se créer pour avoir des fonds propres, pour avoir des sponsors privés et non plus vivre sur des fonds publics. Un remboursement est mis en place par l’association, via les moyens donnés par la mairie. Ça dure 8-9 ans. Et quasiment quand le remboursement est terminé, on descend, on est punis par la DNCG, apparemment parce qu’on est négligents dans nos documents. Ils nous enlèvent 11 points en CFA et on est rétrogradés en CFA, puis R3. Parce qu’en fait, les CFA2 sont gérées par les Ligues, et les Ligues ne reconnaissent pas les SASP, elles ne reconnaissent que les associations. Il n’y avait donc aucun moyen juridique de pouvoir se défendre. Donc pour eux, l’équipe première n’existe pas, alors on repart au niveau de l’équipe B, qui était en R3 à l’époque. Et le club dépose le bilan en 2017 plutôt que de payer les 200 ou 300 000 € qui restent. C’est vraiment un problème juridique. C’est dommage parce que c’est une identité qui se perd. C’est aussi Calais 2000 qui se perd à travers ce dépôt de bilan. Malheureusement, le sportif a très peu d’influence sur ça.

 

« Julien-Denis, c’était l’âme du parcours de 2000, mais aussi l’âme de Calais »

 

Parce que sportivement, ça s’était plutôt bien passé, avec des montées refusées !

On fait 4 ou 5 ans de CFA2. On est champion la première année, mais on nous interdit de monter parce que ça ne suffit pas de rembourser. La 3e et la 4e année, on se dit qu’on va continuer à payer tout en restant là, et une fois que les comptes redeviennent acceptables (toujours en déficit, mais acceptables pour la fédé), on remonte la 5e année. Donc une 3e fois en 5 ans. On est en CFA. Les deux premières années se passent bien. On termine 4 ou 5e la première année, 5e ou 6e la deuxième. Après, c’est la débandade. Pour les clubs amateurs, c’est compliqué.

C’est à cause de l’exigence du cahier des charges, d’un stade démesuré ?

Les clubs amateurs fonctionnent beaucoup avec les recettes de billetterie ou avec la buvette. C’est un peu de black, mais c’est ce qui permet aussi de les faire vivre. On a quitté le stade Julien-Denis, qui était quand même l’âme du parcours de Calais 2000, mais aussi l’âme de Calais. On part dans un stade qui coûte 30M€, 12 000 places. Vous vous retrouvez à 200 dans un stade de 12 000 places. Vous perdez votre âme. Sur l’aspect financier, à Julien-Denis, vous faisiez entre 1200 et 1500 spectateurs tous les quinze jours. Donc entre la buvette, les entrées à 5€, c’est cette manne financière qui disparaît. Et puis la CFA coûte cher. Les joueurs de CFA, ce sont des joueurs quasiment pro : ils ont des contrats fédéraux. Un contrat fédéral de 1200 € sur la fiche de paie, ça coûte 1800 ou 2000€ pour le club. Les clubs aujourd’hui, pour exister en CFA, ont besoin d’un budget d’environ 1M€. C’est énorme ! Il y a des charges, il y a tout à payer… Les joueurs sont de plus en plus chers, et donc c’est compliqué de continuer à exister. A partir de là, certains vivent au-dessus de leurs moyens pour continuer à exister. Et puis à un moment donné, vous le payez. Il y a de la mauvaise gestion aussi hein ! Mais c’est compliqué pour les clubs de CFA.

 

« On veut du football qui vit, du mouvement ! »

 

Et sur ton expérience d’entraîneur : tu as dit à deux reprises durant cet entretien, à propos de Laurent Peyrelade, qu’il avait une « sensibilité jeu ». Toi qui es passé entraîneur, de l’autre côté, qu’est-ce que tu entends par là ?

Quand je parle de sensibilité jeu sur le terrain, c’était être en capacité de jouer juste. Laurent Peyrelade savait se déplacer dans le bon tempo. Même si la méthode nantaise s’est très mal exportée ! Il y en a très peu qui ont réussi ailleurs qu’à Nantes. Aujourd’hui, c’est une compétence qui s’est généralisée au haut niveau : les extérieurs rentrent à l’intérieur. Mais à l’époque, on était assez figés dans notre zone. Laurent avait cette capacité intellectuelle d’analyser très vite la situation et de se déplacer dans le bon tempo. C’était facile de jouer avec lui. Mais pourquoi c’était facile ? On se rendait compte qu’il était constamment en train d’anticiper. Il avait une lecture du jeu qui était au-dessus de la moyenne, et donc il avait une sensibilité jeu avec Nantes qui était poussée à l’extrême. Parfois trop ! La répétition des passes, tout le temps… Lui avait cette capacité à se déplacer en fonction des autres. Il prenait l’information avant de recevoir. Quand j’étais dans une zone, si je la quittais, il allait dedans. Et tout le temps durant lequel je restais dans ma zone, il ne venait pas. À Lille, on n’était pas formés de cette manière-là. Il avait cette sensibilité qui était bien supérieure à celle que nous pouvions avoir.

Boutoille Peyrelade

D’accord ! Et du coup, avec les différents entraîneurs que tu as eus ou les équipiers que tu as côtoyés, ce sont des expériences qui te servent aujourd’hui, ou c’est totalement dépassé ?

Ça sert ! Même si les méthodes ont évolué. On est davantage sur l’aspect du jeu aujourd’hui. Avant, c’était beaucoup plus sur des blocs bas, c’est-à-dire que l’important était d’abord de bien défendre… et ensuite on verra ! Aujourd’hui, c’est « d’abord on attaque bien, et ensuite on verra ». Aujourd’hui, on est contents de gagner un match 5-4. Avant, on voulait 1-0, en se disant que prendre 4 buts était une catastrophe. On aurait travaillé que l’aspect défensif, alors qu’on en avait mis 5 ! Aujourd’hui, tout le monde trouve ça génial ! Les spectateurs sont contents.
La méthode physique est aussi totalement différente ! A l’époque, on vous dit que quand vous jouez le samedi soir, il faut impérativement faire un décrassage le dimanche. Aujourd’hui, on vous dit que ça ne sert à rien. Aller courir le lendemain du match, ça ne sert strictement à rien ! Ça évolue, c’est normal. Il y a quelques années, on était sur le jeu qu’avaient modélisé les Espagnols, un jeu de possession qui pouvait être extrêmement ennuyant. Mais tant qu’on gagnait, on le faisait. Aujourd’hui, on bascule sur du jeu de transition, comme le font Liverpool ou le Real.
Ma carrière de joueur m’a servi pour me construire comme entraîneur. J’ai mes idées, mais les bases viennent de mon vécu. Après, quand vous avez Halilhodzic et Puel, je pense que vous avez de bonnes bases ! Même sur la préparation athlétique, avec Philippe Lambert. Même si chaque année, c’est une remise en cause, parce que le foot va vite et il y a des règles qui n’existaient pas à l’époque et dont il faut tenir compte. Les gens veulent voir des buts, pas des 1-0. On le voit avec René Girard, quand il était à Lille et que le LOSC gagnait 1-0… C’était compliqué. Aujourd’hui, Lille, ça vole, ça court, ça va vite. Les gens se prennent de sympathie. Ça vit car il y a du mouvement ! On veut du football qui vit, pas qui ronronne ! Parce qu’en plus, j’imagine qu’au stade Pierre-Mauroy, ça caille en hiver ! (rires)

Moins qu’au Stadium !

Oui (rires) ! Mais en tout cas, ça m’a servi. J’ai eu la chance d’avoir de bons entraîneurs. Je pense que Vahid aurait mérité d’avoir un parcours plus important que ce qu’il a fait. Il a fait un bon parcours, avec Rennes, le PSG aussi. Mais il aurait mérité d’entraîner un grand club européen, parce qu’il en avait les capacités. C’est aussi une question d’image. Comme il a une image rigide, ça a dû lui desservir.

Aujourd’hui, tu entraînes Gravelines, en R1. Comment se passe ton intersaison et comment as-tu vécu cette saison tronquée ?

C’est comme chez les pros : je travaille pour avoir des accords avec les garçons ! Avec les deux mois de confinement, on a pu avancer extrêmement vite. Tout est bouclé, et on reprend aux alentours du 20 juillet. Donc on œuvre à convaincre les garçons de rester, à les empêcher d’aller dans les clubs à côté, à discuter du projet qu’on a mis en place depuis quelques années, à les convaincre de travailler. Et puis je m’occupe du recrutement, sur la base des besoins qu’on a pu établir durant la saison. Le but n’est pas de ramener 15 joueurs, mais simplement ceux capables de nous apporter une plus-value. Discuter avec ces garçons-là et les convaincre de nous rejoindre et de faire un bout de chemin avec nous. Et ensuite, c’est du classique : la planification de la reprise, des matchs amicaux. Sur les dernières semaines, on aurait préféré jouer que traverser cette période, mais il y aura encore plus de plaisir à se retrouver.

B9718130863Z.1_20190104222047_000+GBFCNB384.1-0Photo La Voix du Nord

Quelles sont les ambitions pour Gravelines ?

C’est un club qui a connu la N3 il y a 7-8 ans, qui est descendu en R2. Le projet est, en 2-3 ans, de former un groupe de joueurs de qualité. Mais encore une fois, c’est toujours une question de moyens. On est parti sur un projet « jeunes », avec beaucoup de jeunes. Comme à Lille, avec des jeunes issus de la région, voire local… Il en manque toujours un ou deux, mais on essaie toujours d’avoir une identité forte du secteur géographique dans lequel on se trouve. Le projet est d’être ambitieux. C’est ce que je dis à mes garçons : « je peux vous vendre du rêve, vous faire venir chez moi et vous proposer de la merde ». Donc je suis le plus honnête avec eux : on ne sera pas les meilleurs, mais on sera toujours exemplaires. La notion de plaisir est importante, surtout dans le monde amateur : le plaisir en match, le plaisir à l’entraînement. Après ce qu’on a vécu, encore plus ! Il faut profiter, parce que demain on ne sait pas ce qui peut nous tomber dessus. Même si les joueurs commencent à gagner leur vie et que ça peut arrondir les fins de mois. Mais la notion de plaisir doit être la notion numéro 1. Sur un tableau noir, je n’ai jamais perdu un match : donc il y a certes un projet sur le papier, mais le plus important est d’être présent sur le terrain.

Est-ce que tu as gardé des contacts avec des joueurs du LOSC que tu as connus pendant ta carrière ?

Pas vraiment. Le seul avec qui j’ai gardé contact, ça a duré plusieurs années, c’est Jérémy Denquin, quand il jouait à Clermont, et aussi à Feignies. Mais on commence à se retrouver un peu. Je n’aime pas trop les réseaux sociaux mais je commence à m’y mettre. Là, j’ai retrouvé Stéphane Pichot, on a commencé à discuter un peu, ça fait du bien. Chacun balance quelques photos ou vidéos ! Je croisais régulièrement Dagui Bakari quand il était à Lambersart avec ses jeunes. Je croise souvent Greg Wimbée sur Lille. Quand le LOSC a perdu son entraîneur des gardiens il y a quelques mois, j’aurais aimé qu’il soit promu. C’est un mec de qualité, qui a donné beaucoup pour le club, et il est diplômé ! Finalement, il a fait un match et est retourné en réserve.

Ça n’a pas l’air d’être la politique des dirigeants de mettre en valeur les anciens ou ceux qui se sont investis de longue date pour le club.

Non. Quand on voit Pat’ Collot, qui a fait un peu tout au club, ou Jean-Michel Vandamme ! Pascal Cygan a entraîné des jeunes à Lille, avec Stéphane Adam, puis avec Rachid Chihab. Puis le LOSC ne lui a rien proposé. C’est dommage. On est désormais sur un projet qu’a initié Monaco, en prenant des jeunes et en faisant des plus-values. Tout le monde se dit que c’est un moyen de gagner rapidement de l’argent, et beaucoup ! Le jour où ça se casse la gueule, qu’est-ce que tu as ? Le LOSC a toujours été un club formateur, mais en ce moment, ça ne sort pas beaucoup. Le souci qui guette, c’est la perte d’identité.

Boutoille9

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Un grand merci à Djezon Boutoille pour sa disponibilité et son accueil


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