Archive pour la catégorie ‘Donne-nous des nouvelles …’
Posté le 24 mars 2016 - par dbclosc
Les malheurs de Matt. Une ode à Moussilou
Cet article a été d’abord publié le 24 mars 2016, quatre jours après le premier match de Matt Moussilou sous le maillot du FC Le Mont en D2 suisse de retour d’une grave blessure. Le 2 avril, pour sa deuxième entrée en jeu sous son nouveau maillot, Matt a retrouvé le chemin des filets, un peu moins de deux ans après son précédent but officiel en Tunisie. Fin août 2016, Matt se lance son dernier défi footballistique et signe à Yverdon-Sport, club de 1ère ligue suisse. Ça veut dire la quatrième division.
Ce 20 mars 2016, sur la pelouse de Neufchâtel Xamax, c’était un petit évènement. A la 89è minute du match, Matt Moussilou, l’attaquant du FC Le Mont Lausanne (Challenge league, D2 suisse) a fait ses débuts officiels avec l’équipe qu’il a rejointe l’été dernier, en remplaçant son coéquipier Fejzulahi.
On se risquerait presque à dire que son été reflète la carrière de Matt : pas de bol, vraiment pas d’bol. Dès la phase de préparation, Moussilou s’est en effet déchiré le tendon d’Achille, le genre de blessures qui exigent du temps avant d’être opérationnel. Pas d’bol, Matt. Et pourtant, ça n’a pas toujours été comme ça. Petit retour sur la carrière d’un joueur qui m’aura quand-même bien fait kiffer, quoi qu’on en dise.
Les débuts en L1 sous les ordres de Vahid (1)
Des grands, Matt a déjà la date de naissance : naître le 1er juin 1982, pile le jour de mes 1 an, c’est pas donné à tout le monde. Originaire de la Courneuve et de sa célèbre Cité des 4000, Moussilou rejoint le centre de formation du LOSC en 1998. Titulaire en CFA, aux côtés d’un Jean II Makoun alors attaquant avec la réserve, Matt explose les compteurs (14 buts) en 2001-2002. C’est cette saison-là que Matt débute, sous les ordres de coach Vahid : le 2/2/2 pour être précis (plus communément appelé « 2 février 2002 »), il entre à 25 minutes de la fin du déplacement à Bastia en lieu et place de Sébastien Michalowski. Mais Lille perd quand-même.
Premiers buts avec Cloclo Puel
Quand débute la saison 2002-2003, Moussilou est un espoir, mais un espoir qui n’a en tout et pour tout que 25 minutes dans les jambes avec les pros. Avec Puel, ça change d’entrée de jeu : Matt joue tous les matches de Coupe intertoto (pas toujours comme titulaire) puis marque rapidement ses premiers buts. Le 19 octobre 2002, il entre à la place de Manchev lors d’un déplacement à Monaco et égalise six minutes plus tard. Il aura fallu seulement 98 minutes dans l’élite française avant qu’il ne marque son premier but : normalement, comme on l’a montré, seuls les Belges savent marquer aussi vite. Viens-y écouter son premier but en L1 en direct à la radio (à l’époque c’était en direct, hein, plus maintenant) :
Le 7 décembre, il est titulaire en coupe de la Ligue à Istres et marque un doublé, encore à écouter ici (avoue que tu es choyé par nos soins) :
Matt commence à se faire sérieusement connaître des supporters.
L’année 2003 commence pourtant mollement, Matt n’ajoutant que 232 minutes de jeu en L1, pour aucun but. La première partie de la saison 2003-2004 est à peine plus encourageante, puisque Moussilou marque 1 but en coupe de la Ligue contre la L2 de Nîmes, et aucun lors de ses 5 matches (2 comme titulaire) en L1.
La révélation
Et puis, c’est la reprise. Profitant de la blessure de Manchev, – surnommé « Vlad l’empalé » - Matt est titulaire contre Sochaux, et il marque. La semaine suivante, à Monaco, Matt fait le filou. Alors que Flavio Roma, le goal monégasque tarde à dégager, Matt va récupérer le ballon dans ses pieds pour marquer le but de la victoire à un quart d’heure du terme (0-1). Il continue sur sa lancée et s’il joue moins ensuite avec le retour de Manchev, il claque quand-même 7 buts en un demi-championnat. Il n’a pas encore 22 ans, mais le petit Matt s’est fait un nom en quelques mois (NDDBCLOSC : c’est « Moussilou », le nom qu’il s’est fait).
Et encore, on n’avait encore rien vu. Avant que le championnat ne commence, Moussilou contribue largement au succès en coupe Intertoto en marquant 5 fois en 4 rencontres. Lille jouera l’UEFA et Matt jouera un rôle intéressant dans la belle performance lilloise. Il contribue d’abord à l’élimination des irlandais de Shelbourne en tour préliminaire (2-2, 2-0) avec un but, est le seul buteur du match de poule gagné contre le FC Séville (76è) et il marque également contre St-Pertersbourg (2-1). Regarde, si tu ne me crois pas. Et avec l’accent anglais.
http://www.dailymotion.com/video/x2x6ve5
Il marque encore contre Bâle en 16ème de finale. Lille est finalement éliminé en huitième par Auxerre (0-1, 0-0). Matt aura marqué 4 buts en C3 cette saison-là.
En parallèle, il marque 13 fois en L1 et contribue à bien traumatiser les Lyonnais d’Aulas, marquant d’abord en coupe de la Ligue (victoire 3-2) puis un doublé en championnat. Il entre aussi cette saison-là dans la page des records de L1 en marquant le triplé le plus rapide de l’histoire lors de la victoire contre Istres (8-0), en seulement 5 minutes. Il ajoutera même le n°4 peut avant sa sortie à l’heure de jeu. Matt est alors élu joueur du mois d’avril 2005.
Lille-Istres avec Queen en bonus
http://www.dailymotion.com/video/x7exz
Matt a tout déchiré cette saison-là. Même la photo du journal il l’a déchirée
Et vient voir l’interview qu’il donne dans L’Equipe suite à son quadruplé.
Mais pourquoi diable L’Equipe parlent-ils d’œuf au riz dans leur gros titre ?!
Il finit la saison avec 23 buts toutes compétitions confondues, aucun joueur de L1 ne faisant mieux en 2004-2005. Matt est alors à son zénith (St-Petersbourg).
Les premiers doutes
Il ne commence pas trop mal la saison 2005-2006, mais très vite, il galère. Matt perd vite sa place de titulaire au profit de Peter Odemwingie avec seulement cinq buts inscrits, tout competitions confondues. Il conserve cependant une belle cote sur le marché et Nice l’achète pour 4 millions d’euros, sa plus grosse dépense de son histoire jusque là.
Il est libre Matt. Par contre, faudrait peut-être lui dire qu’on le verra jamais voler
A Nice, sous la direction de Fredo Antonetti, la préparation se passe bien et Moussilou claque pas mal. En championnat, ça sera autre chose, et à la mi-saison, il n’a pas encore marqué un but. Son année 2006 est très loin des espoirs qu’il avait fait éclore. Il est prêté à Saint-Etienne. Là-bas, Matt joue peu, faute à la concurrence de Bafé Gomis. En 399 minutes de jeu, il marque tout de même 3 buts. Note qu’on n’y est pas pour rien : il nous met un doublé pour l’une de ses 2 titularisations stéphanoises. Dont l’un, à voir ci-dessous, sur une passe de Landrin. Quand j’vous parle de complot …
http://www.dailymotion.com/video/x1wuh5
Il retourne à Nice, mais il y est persona non grata. Curieusement, il est prêté à l’OM. Quatre entrées en jeu plus tard, il est prêté au Qatar, à Al-Arabi.
Le Ballon de plomb 2007
Quelques jours après son transfert, Moussilou faisait ses débuts avec Al-Arabi. Et dès ce premier match, il inscrivait son premier but. Cela n’allait pas empêcher qu’il soit désigné « ballon de plomb » 2007, récompense attribuée sur vote des internautes et organisée par Les cahiers du foot. Pour tout te dire, cette récompense m’est alors apparue – et m’apparaît encore – un peu injuste. Matt ne s’était pas distingué par ses coups de sang, il n’avait pas fait de déclarations tapageuses, et si son année n’avait pas été mirobolante, on ne peut pas vraiment dire qu’il avait eu les moyens de faire beaucoup mieux.
En effet, s’il fallait désigner Matt Moussilou comme ballon de plomb, il aurait été plus légitime de le faire l’année précédente, c’est-à-dire une saison où il avait été inoffensif en jouant tout de même pas mal : on pourrait presque même, pour 2006, lui reprocher son « erreur stratégique » en signant à Nice (Vraiment en cherchant des erreurs, hein).
En 2007, cela me semble différent. En janvier 2007, il est prêté à St-Etienne, et s’il est remplaçant, c’est plutôt logique : le titulaire est Bafé Gomis (c’est-à-dire pas n’importe qui) et il parvient quand-même à marquer trois fois malgré un maigrelet temps de jeu. Revenu à Nice, il n’est plus désiré. Quoi de plus logique alors que d’accepter son prêt à Marseille ? Même s’il est clair que ses chances de s’y imposer sont faibles, mieux vaut alors y signer que rester en réserve à Nice. Vu son échec marseillais, accepter de partir à Al-Arabi apparaît plutôt relever du bon sens. Et, dès son début là-bas, il y marque. Certes, ça n’est « que » le championnat du Qatar, mais que pouvait-il y faire de plus ? Le « ballon de plomb » de Matt, c’est encore mon seul grief à l’encontre des Cahiers.
Matt, footballeur précaire
Au Qatar, ça se passe pas mal. Matt marque 12 buts en 22 rencontres, ce qui en fait l’un des attaquants les plus efficaces du championnat. De retour de son prêt à Nice, Moussilou est directement envoyé en équipe réserve et y passera toute la saison. Au début de la saison 2009-2010, Moussilou n’est plus très motivé pour rester à Nice et il part au clash. Libéré de ses engagements par un commun accord plus ou moins commun (Eric Roy, le nouvel entraîneur assure qu’il comptait sur lui). Matt ne trouve aucun club pendant la période d’été. Vive, le chômage.
Premier passage par le chômage donc, pour Matt. Boulogne-sur-Mer, nouveau promu en L1 cherche un attaquant et se décide à lui proposer un contrat. En 15 matches avec Boulogne, il ne retrouve pourtant pas ses sensations, ne marquant qu’un but. Mais quel but ! Elu but de l’année par l’UNFP. A voir sur la vidéo à partir de 4’52 :
http://www.dailymotion.com/video/xdhest
Ce but ne lui empêche pas de se retrouver à nouveau au chômage la saison suivante. Il « rebondit » lors du mercato d’hiver à Lausanne sport, en D2 suisse. Très loin de ce à quoi il pouvait rêver il y a encore deux à trois ans. Et encore, il est alors loin d’être titulaire indiscutable, mais marque quelques buts qui contribuent à la montée de Lausanne sport en première division suisse. Au passage, indiquons aussi que Matt s’est fait escroquer 450.000 euros par un conseiller financier véreux.
Matt retrouve des couleurs à Lausanne
Avec Lausanne, Matt reprend des couleurs. Certes, il est relativement sevré de bons ballons au sein d’une équipe qui doit son maintien en première division aux déboires de ses concurrents davantage qu’à son niveau, il tire son épingle du jeu, est apprécié des supporters et, en deux saisons, il marque quand-même 14 buts en 57 rencontres.
Bien sûr, là aussi, il y connaît des déboires. Il est notamment suspendu quelques matches pour avoir frappé Vincent Rüfli, un adversaire, à la sortie du match. Selon Matt, son adversaire lui aurait tenu des propos racistes. Ne serait-ce que parce qu’on kiffe Matt, on est bien tentés de le croire.
Mais s’il est loin de son apogée avec nos Dogues, Moussilou retrouve un peu ses sensations. Ah oui, on avait oublié : maintenant il joue avec la sélection nationale congolaise.
Et puis la galère en Tunisie, puis à Amiens
A l’été 2013, Matt signe au Club Africain, un club tunisien ambitieux. Comme souvent pour Matt, ça ne se passe comme prévu. Ça avait pourtant bien commencé. Pour son premier match, contre Tozeur, Moussilou, entré à la mi-temps, ouvre le score pour les siens. Mais quand on a la poisse, on a la poisse : il se blesse et ne retrouve les terrains que trois mois plus tard, en janvier 2014. En avril, il est sanctionné par son club pour avoir séché l’entraînement. Matt quitte le club en fin de saison, fâché avec son club, et après n’avoir joué que 456 minutes, pour 12 matches et 4 petites titularisations, marquant quand-même deux fois. C’est déjà ça.
A l’aube de la saison 2014-2015, il rejoint Amiens, en National. Malheureusement pour lui, la galère continue : faute d’avoir reçu sa lettre de sortie de Tunisie – ce qui est vraisemblablement une obstruction volontaire – il n’est pas qualifié avant le mois de février 2015. Pour la troisième fois de sa carrière, Moussilou reste plus de 6 mois sans compétition. Et encore, on ne compte pas sa troisième saison niçoise qu’il passe exclusivement en réserve, ne jouant que quelques matches avec la CFA2. Bref, pas dans le rythme, la seconde partie de saison avec Amiens est loin de ses espérances initiales et il termine la saison sans aucun but marqué et en ayant joué seulement 471 petites minutes. Une énième galère. Certains disent que c’est une punition divine : en voulant quitter le LOSC, façon de renier – et non de « René » - le maillot sacré, Matt se serait attiré les foudres divines.
Matt a donc rejoint Lausanne l’été dernier. Au FC Le Mont, et pas à Lausanne Sport, en D2 suisse. Ça s’est encore mal passé d’entrée de jeu avec une rupture du tendon d’achille dès les matches amicaux. Il faut attendre fin mars 2016 pour le revoir sur les terrains. En 451 minutes de jeu et 9 rencontres, Matt tire son épingle du jeu et marque 2 fois et effectue une passe décisive. Mais bon, ça sent franchement la fin.
A tel point que, début 2016/2017, on ne sait pas trop ce que Matt fait et s’il resigne au FC Le Mont. Quand on va sur leur site, on a même l’impression qu’eux-mêmes ne sont pas au courant. Au final, Matt signe fin août à Yverdon-Sport, en première ligue suisse. Hein ? Non, non, Matt ne retrouve pas l’élite. La « première ligue », c’est la D4 suisse. Bon, voilà, je crois qu’on peut enfin le dire : on ne t’as pas oublié Matt, mais là, ta carrière se finit.
Bisous.
(1) « Vahid » et « ordres » dans la même phrase, c’est vrai que c’est un peu redondant.
Posté le 13 mars 2016 - par dbclosc
Entretien exclusif (un peu bidon) avec Zlatan Ibrahimovic
Récemment, nous avons sollicité un entretien avec Zlatan Ibrahimovic. Il n’a d’abord pas donné de réponse. A force qu’on le complimente, qu’on lui dise qu’on le trouve beau, qu’il est le meilleur, que c’est grâce à lui que les Nazis n’ont pas placé le monde sous leur joug et qu’on le remercie pour avoir inventé tant de vaccins contre des maladies terribles, il a accepté. Nous vous en rendons compte ici.
DBCLOSC : Zlatan, bonjour. Vous avez déclaré récemment que le PSG est né avec l’arrivée des investisseurs du Qatar. N’avez-vous rien a ajouté ?
ZI : Je ne veux froisser personne, mais bon, force est de reconnaître que le PSG n’avait aucune histoire avant mon arrivée.
« Force est de reconnaître », « Force est de reconnaître » … c’est bon, on a compris, tu parles bien français, Zlatan est le plus fort, machin tout ça, mais tu réponds pas à la question …
Ben, je vois pas …
(notre intervieweur met un claquot derrière la tête de Zlatan) Et là ? Tu vois toujours pas ?
(surpris et s’agaçant) Eh ! Tu es qui, toi, pour faire ça à Zlatan Ibrahimovic ?!
(notre intervieweur met un deuxième claquot) Zlatan qui ? Connais pas ! Et tu es qui, toi, pour parler comme ça à un authentique mec de Drogue, bière et Complot contre le LOSC ?! (Il lui fout un troisième claquot) Donc, bon, si le PSG n’avait pas d’histoire avant, tu sais pas pourquoi ?
(surpris, mais n’ayant perdu qu’un peu d’aplomb) Eh ! Je te rappelle que c’est grâce à moi que le monde entier sait placer la France sur une carte alors tu … (Notre intervieweur met une série de claquots dans la grande gueule d’Ibrahimovic. Il tombe par terre).
T’es sûr que c’est grâce à toi ?
(Décontenancé, apeuré, mais toujours grande gueule) Je suis Zlata … (notre intervieweur lui met une autre série de claquots. Zlatan commence à revenir à la raison) euh … c’est grâce à vous ? (Notre intervieweur fait non de la tête et fout deux-trois claquots) euh … c’est grâce au LOSC ? (Notre intervieweur fait une moue qui dit « t’approches, mais c’est pas encore ça ») C’est grâce à vous et au LOSC !
Tu vois quand tu veux ! … Et donc, sur le fait que le PSG n’avait pas d’histoire, toujours rien à ajouter ?
Euh … peut-être que le PSG avait déjà une histoire avant ? (Notre intervieweur lui fout une rafale de claquots) Je sais ! le PSG n’avait pas d’histoire car le grand LOSC lui faisait de l’ombre !
Ben, voilà ! Allez, casse-toi …
Je peux signer au LOSC si vous voulez …
Dégage !
(Zlatan s’en va. Notre intervieweur lui court après et lui fout une dernière rafale de claquots).
Ibrahimovic prenant la fuite en fin d’entretien
La rédaction tient à remercier Zlatan Ibrahimovic pour sa disponibilité et sa grande gentillesse.
Posté le 12 mars 2016 - par dbclosc
Non, Tony Heurtebis
Saison 2000-2001 : Lille vient de remonter en première division. Parmi les dix-sept adversaires de la saison, on trouve l’équipe de Troyes, montée la saison précédente au nez et la barbe du LOSC mais, avec le recul, ce n’était pas plus mal comme ça. Troyes est la seule équipe qui, cette saison là, a pris 6 points contre Lille : victoires 2-1, aussi bien à Grimonprez-Jooris qu’au stade de l’Aube. Il faut dire que, sous la direction d’Alain Perrin, ça joue bien à Troyes à cette époque.
Nous t’invitons tout d’abord à regarder les résumés de ces deux matches, et de particulièrement observer ce qui se passe sur les deux buts lillois : d’abord, le match à Lille, où Cheyrou marque un superbe coup-franc, puis le match à Troyes, où Boutoille marque un but pas très joli. Ne remarques-tu rien ?
Il semblerait que le gardien troyen, Tony Heurtebis, ait complètement perdu la raison : oubliant que la ligne de but sert à déterminer si on accorde ou non un but (marquer un but étant un objectif dans le football), il décide de chercher à arrêter le ballon derrière cette ligne, tout en se jetant dans son petit filet gauche. Ainsi, à l’aller comme au retour, Heurtebis s’acharne à vouloir arrêter des ballons qui sont déjà rentrés. À quoi cela peut-il bien servir ?
Ces captures d’écran t’aideront à poser un diagnostic sur la pathologie dont souffre le malheureux.
Oubliant qu’il est footballeur et non tennisman, Tony Heurtebis monte au filet.
Pris dans les filets : il n’est pourtant pas un merlu de Lorient
Rebelote. Quand on cherche à ce point à passer entre les mailles du filet, c’est qu’on a quelque chose à se reprocher
Tony Heurtebis a beau lever les bras, cette intervention n’est pas réussie
Non, Tony Heurtebis, être gardien ne consiste pas à courir en direction de son petit filet gauche quand l’adversaire frappe.
Non, Tony Heurtebis, toucher le ballon une fois qu’il est rentré n’empêche pas l’adversaire de marquer.
Non, Tony Heurtebis, lever les bras après avoir fait n’importe quoi ne vous attirera pas la sympathie de vos supporters.
Non, Tony Heurtebis.
Avec un gardien ayant développé une telle stratégie, il est étonnant que Troyes soit parvenu à se maintenir, terminant même à une belle 7e place, mais tout de même 47 buts encaissés, ce qui en fait la 14e défense. On comprend pourquoi.
Et d’abord, Tony, c’est qui ce « Bis » que tu heurtes ? C’est ton petit filet ? Si tu nous lis… Donne-nous des nouvelles !
Posté le 9 mars 2016 - par dbclosc
Lille, stade de sévices publics
Il y a un truc particulièrement marrant quand on se rend dans un stade : c’est quand l’un des membres de l’équipe adverse est pris en grippe. Pour celles et ceux qui ne sont pas familiers de la langue française et de ses subtilités, cela ne veut pas dire qu’un adversaire tombe soudainement malade ; cela signifie que tout ou partie du public lui manifeste une animosité, voire une hostilité certaine. Ce comportement collectif se répartit en deux catégories : l’accueil hostile prémédité, et l’hostilité gagnée en direct sur le terrain. Puis, au sein de ces deux catégories, l’hostilité peut se traduire par des procédés très divers : le plus souvent, des sifflets accompagnent chaque touche de balle, ce qui suscite un regain d’intérêt pour la rencontre, chaque spectateur scrutant avidement le malheureux sur qui se défouler. Mais les supporters ont un éventail assez large de réactions, des chants relatifs à la maman au chambrage gentillet, en passant par l’incitation à la violence. Grimonprez-Jooris et ses successeurs n’ont pas échappé à cette constante du comportement humain. Je m’en vais dès lors te conter quelques souvenirs constituant des illustrations de ces manifestations antipathiques.
Sévices après-vente
Dans la catégorie « celui-là on va se le faire, et d’ailleurs on va au stade pour ça », on trouve l’ancien de la maison qui a laissé le souvenir de performances sportives médiocres avec le LOSC, une mentalité de connard, un sentiment de traîtrise, ou s’est fendu dans la presse d’une déclaration ambiguë à l’égard de son ancien club. Certains, plein de talents, combinent l’ensemble de ces qualités : bien entendu, Florian Thauvin en est le pire exemple, et cet individu est une telle honte pour le genre humain que je ne m’appesantirai même pas dessus, sauf pour rappeler l’accueil que lui réserva le grand stade le 3 décembre 2013. Mais n’omettons pas le mérite de Pascal Nouma qui, le 5 avril 1994, se rend à Lille sous les couleurs de Caen, où il est prêté après avoir été prêté la saison précédente au LOSC, pour 2 buts en 22 matches, et il n’a manifestement pas laissé un souvenir impérissable. Des sifflets accompagnent chacune de ses prises de balle ; pas de chance, il ouvre le score à la 32e minute. Malin comme tout, il célèbre son but devant le virage des DVE. Conspué de bout en bout, il voit finalement Lille s’imposer 3-1, et ne donne pas suite à la demande du public qui scande « Nouma, une chanson ! »1. Ce résumé du match t’offre un petit aperçu de la performance du bonhomme ce soir là2.
Les ex envers qui on garde de la rancune
Un autre n’a laissé que très peu d’amis à Lille : Thierry Froger, considéré comme le principal responsable de l’échec de la montée en 1998, puis du mauvais début de saison suivante. Limogé en septembre 1998, il revient à Lille en janvier 2000 avec son nouveau club, Châteauroux, et est accueilli, avant le match, par quelques supporters qui le huent quand il sort du bus, mais rien de bien méchant, dans un contexte où le LOSC caracole tant en tête du championnat qu’on se fiche un peu désormais de Thierry Froger. Et c’est surtout moins grave que de lui balancer son poing dans la figure, comme celui que lui avait balancé un supporter en août 1998.
Parmi les ex figurent des cas bien particuliers : ceux qui traduisent une infidélité en partant à Lens, équivalent footballistique d’une désertion militaire. Le retour de ces joueurs se transforme en un mélange de doux souvenirs et de méfiance nouvelle, souvent à l’énonciation de leur nom quand les compositions sont annoncées, sans que cela n’ait vraiment de suite au cours du match. Ainsi, Antoine Sibierski, en septembre 2000, ou Dagui Bakari, en février 2003, ont été accueillis froidement sans être franchement chahutés.
Le cas de Dimitri Payet est également intéressant : bien que sifflé lors de son retour, il laisse le souvenir d’un joueur talentueux. Cependant, irrégulier (et assez peu en vue lors de sa première saison), et ayant davantage donné le sentiment de considérer le LOSC comme un tremplin pour sa carrière qu’il ne s’est investi dans le club, il ne laisse pas beaucoup de regrets. D’aucuns disent même que la proximité sonore de son nom avec « paupiette » aurait joué en sa défaveur.
Il y a aussi le cas de ceux qui ont osé fricoter avec le voisin, mais qui n’ont rien à voir avec le LOSC. C’est juste pour faire chier, et chercher à déstabiliser. Par exemple, Gaëtan Huard, passé par Lens, s’est fait traiter pendant tout une mi-temps de « sale lensois » en mai 1995 par les DVE, qui l’enjoignirent ensuite à baisser son short à coups de « Vas-y, Guéguette, montre-nous tes fesses, vas-y, Guéguette, montre-nous ton cul ». Pour le coup, Huard avait eu une réaction sympa, en souriant au public et en faisant comprendre par un geste de la main qu’il ne ferait rien. À vous décourager d’insulter l’adversaire.
Enfin, l’imbroglio autour du vrai-faux transfert d’André-Pierre Gignac en 2007 a, jusqu’à la dernière venue de l’attaquant en 2015 avec Marseille, déclenché les sifflets du public.
Le type pris dans une affaire judiciaire
À l’instar des supporters de Valence qui embêtent Karim Benzema en criant « Valbuena », il n’est pas rare que des affaires extra-sportives aient des répercussions sur le terrain. Je tiens l’anecdote suivante de mon père, car je n’étais pas présent à ce Lille/Bastia de l’été 1995 : dans l’équipe corse, Jean-Jacques Eydelie, de retour en France après des mois de suspension puis un exil d’une saison au Benfica Lisbonne. Il est l’un des acteurs centraux de l’affaire VA/OM : reconnu coupable de corruption, il a joué les intermédiaires entre les dirigeants de l’OM et les joueurs de Valenciennes, à qui il a proposé de l’argent en échange de « lever le pied ». Mon père m’a raconté que dès qu’Eydelie touchait le ballon à proximité de la tribune dans laquelle il était, des dizaines de personnes criaient « Hé, Jean-Jacques, on a des sous ! », certains brandissant même des enveloppes qu’ils avaient spécialement apportées.
La grande gueule pour qui ça tourne mal
Pour faire la transition avec la deuxième catégorie d’éxutoires consacrée à ceux qui suscitent soudainement l’énervement du public alors que celui-ci était dans de bonnes dispositions, évoquons un cas hybride : Luis Fernandez. Hybride car, en tant qu’entraîneur du PSG, grande gueule, qui en fait des tonnes dans la théâtralisation sur le banc, il peut provoque d’emblée un certain agacement. Mais, ce 13 décembre 2000, le public lillois n’est pas venu pour l’embêter. Ce sont les circonstances du match qui vont l’y inciter. Explication : Lille et le PSG rejouent un match interrompu par la pluie le 25 novembre, alors que le score, reflétant un match très équilibré, était de 1-1 en deuxième mi-temps. Avant le match, Lille était 3e avec 26 points, et Paris, entraîné par Philippe Bergeroo, un ancien gardien de but du LOSC, était 4e, avec 25 points. 3 semaines plus tard, Bergeroo, malgré des résultats très corrects, est licencié car le président du PSG veut placer Luis Fernandez. C’est donc Luis qui dirige le PSG pour rejouer le match à Lille… et à la différence du premier match, Lille est largement dominateur, et est sur le point de s’imposer 2-0. En fin de match, alors que Fernandez s’agite sur la touche, le public scande « Bergeroo, Bergeroo ! », manière de saluer un ancien lillois, de rappeler les conditions de son licenciement, de faire s’asseoir Fernandez, et surtout de bien rigoler.
Quand tu changes les lettres de Philippe Bergeroo, ça fait « Horlogerie Beipp » (comme si ça sonnait). N’hésite pas à ressortir cette anagramme pour briller en soirée.
Les sifflets par la preuve
Attaquons notre catégorie « on n’avait jamais rien eu contre ce mec, mais il a fait notre soirée ». Il s’agit de s’intéresser ici à des joueurs qui, par malchance, maladresse ou bêtise, ont capté l’ire du public. La réaction n’est donc basée sur aucun a priori ni aucun antécédent : elle ne peut que résulter d’une action ponctuelle, mal perçue par les spectateurs : un tacle mal maîtrisé (qui génère encore plus de colère s’il n’est pas sanctionné par l’arbitre), une altercation avec un joueur du LOSC (ainsi, quiconque s’en prenait à Fernando ne pouvait qu’ensuite prier pour ne pas être lynché à la sortie du stade), un joueur qui discute un peu trop avec l’arbitre (coucou Nestor Fabbri), ou un autre dont on devine une certaine fébrilité. Par exemple, ceux qui ont assisté au Lille/Toulouse de février 2000 et au Lille/PSG de décembre 2000 (celui dont je te parle au-dessus) se souviennent d’un truc : le jeu au pied des gardiens adverses n’était pas grandiose. Ainsi, Fabien Audard envoyait la moitié de ses six mètres en touche, et Lionel Létizi semblait avoir une peur bleue des passes en retrait de ses coéquipiers. Le plus amusant, c’est quand le public en rajoute, alors qu’on sent déjà le manque de confiance de l’adversaire : à chaque coup de pied de but pour Audard ( « En touche ! »), à chaque ballon joué au pied pour Létizi (« Ooo… Ooooo… OooOOO ! », une rumeur se saisit du stade, traduisant l’avidité que ressent le public à le voir se planter, ce qui conduit en général à une panique encore plus grande.
Le nom qui fait rire
En 2000, l’arrière gauche de Niort fait un tacle assez rude sur un joueur lillois. Pas de chance, il s’appelle Mickaël Rol. Devant moi, un mec se met à hurler « PUTAIN, IL PORTE BIEN SON NOM, LUI : ROL ». Tout le monde se marre. Évidemment, les profanes ne peuvent rien comprendre à cette blague : il fallait bien sûr y voir une référence à Cyril Rool, recordman du nombre de cartons reçus (27 rouges et 187 jaunes toutes compétitions confondues). De plus, à cette époque, il joue à Lens, ce qui permet de souligner qu’on n’oublie pas le voisin. Cas similaire, lors d’un Lille-Lens (probablement celui de septembre 2000), avec un jeu de mots assez élaboré : l’attaquant lensois Lamine Sakho manque un contrôle facile, juste en bas de la tribune. On entend alors « retourne à la mine, Sakho ! », calembour d’autant plus excellent qu’il est ancré dans l’histoire régionale, en particulier celle de l’adversaire. Le public, connaisseur, applaudit.
Le mec qui pète un câble
Ça, c’est le bonheur du supporter. On t’a déjà parlé sur ce blog de Claude Michel, le capitaine de Guingamp, prétendument « exemplaire » (c’est du moins l’image qu’il laisse : la fidélité au club, de bonnes performances, la légende des irréductibles Bretons de Guingamp, la coupe de France, le surnom « Coco » et toutes ces conneries là). À Lille, on se souvient surtout de son attitude agressive envers Fernando, et de ce ballon volontairement tiré dans la tribune « Honneurs ». Un bien beau CV qui lui a garanti un tout bel accueil à Grimonprez durant plusieurs saisons.
Intéressons-nous à un joueur moins célèbre, qui nous a offert une scène qu’on imagine plus difficile à réaliser aujourd’hui, du fait de l’aseptisation générale de footballeurs soucieux de leur image et de leur communication. 28 mars 1998 : 36e journée de Division 2. Pour situer un peu le contexte et l’enjeu sportifs de ce match, le LOSC a déjà bien entamé depuis quelques semaines une série catastrophique qui lui fera manquer l’accession en première division. Avant d’enchaîner sur trois défaites consécutives, Lille reçoit Laval, honnête 6e, qui se présente à Grimonprez-Jooris avec l’idée, pourquoi pas, d’espérer encore la montée. En lieu et place d’un peu de rêve, les tangos repartiront avec une belle valise (3-0 grâce à Lobé puis à un doublé de Boutoille), et terminent le championnat à la 13e place, voilà ce qui s’appelle foutre en l’air une fin de saison. Mais là n’est pas l’objet de cet article. Penchons-nous sur l’arrière droit du stade lavallois : Benjamin Clément. Benjamin Clément est un joueur modeste : s’il a débuté en D1 à Monaco, initialement au poste de milieu offensif, il y a peu joué, mais a pu goûter à la coupe d’Europe. Après seulement une trentaine de matches en 3 saisons, c’est à Sochaux qu’il se fait une place de titulaire pendant 3 saisons, avant de partir à Laval, en deuxième division. Son look détonne : blond, cheveux longs, visage carré, c’est une sorte de Charlotte de Turkheim au masculin.
« Benjamin Clément » comment, au fait ?
Arrière latéral est un poste particulièrement exposé quand on est adversaire : on est proche des tribunes ; on est susceptible de tacler davantage, et donc de faire des fautes. Autrement dit, le public peut vite se retourner contre vous. Et, ce soir-là, Benjamin Clément multiplie les fautes, au point d’être chahuté par le public, qui le siffle à chaque touche de balle. Visiblement excédé, il profite d’un arrêt de jeu pour se mettre face à la tribune et effectuer une magnifique révérence, geste qui se veut ironique mais qui trahit surtout le fait que le type a complètement décaroché, d’autant que ses coéquipiers lui font bien comprendre qu’il n’était pas nécessaire de répondre à ces provocations. Inutile de préciser que, en pareil cas, les spectateurs, n’attendant que ça, deviennent hystériques, et que la fin de match est foutue pour le pauvre Benjamin Clément.
Comme tu le vois, le foot, c’est supporter son équipe, bien sûr, mais la communion se fait aussi en trouvant des cibles, et pas seulement l’arbitre. N’est-ce pas là une caractéristique de l’affirmation du groupe social, dût-elle se faire sur l’autel de la stigmatisation d’un seul ? C’est là une question morale et éthique dont peu de supporters s’embarassent.
Notes :
1 Peut-être peut-on considérer qu’il y a répondu 19 ans plus tard, en participant à la version turque de The Voice : http://www.sofoot.com/nouma-dans-le-the-voice-turc-152343-videos.html
2 Il a récemment exprimé tout le bien qu’il pensait du LOSC de l’époque dans une interview à So foot : « Ils m’ont prêté à Lille, six mois. Mais ce n’était pas le LOSC d’aujourd’hui, c’était comme passer d’une Ferrari à une Clio. Il n’y avait rien là-bas. C’était bidon. Un des premiers entraînements, des supporters des Dogues, des skinheads à deux balles, m’ont fait : « Ouais, toi t’es un Parisien, enculé! » Je leur ai fait « va niquer tes cheveux ». Je me suis battu, et à la fin de la première année je me suis barré » (https://www.fichier-pdf.fr/2015/10/02/sofootoctobre2015-70-71-5198/sofootoctobre2015-70-71-5198.pdf).
Posté le 23 février 2016 - par dbclosc
Et le meilleur gardien de l’histoire du LOSC est…
Entre Bergeroo, Lama, Wimbée, Landreau, Dusé ou l’inoubliable Ruminski, trouver qui a été le meilleur gardien de but du LOSC semble une tâche bien compliquée :
d’abord parce qu’il est rare d’avoir vu et connu les performances de chacun d’entre eux, ce qui permettrait une comparaison a minima ; ensuite parce que ce qui est considéré comme « bon » ou « mauvais » diffère d’une personne à l’autre, et il n’est alors pas possible de s’accorder sur des critères objectifs qui détermineraient le « meilleur » gardien : le meilleur gardien est-il celui qui encaisse le moins de buts ? Qui fait le plus d’arrêts ? Qui commande sa défense de sorte que son action le conduit à effectuer moins d’arrêts (mais alors comment s’en rend-on compte ?) ? Qui sort les ballons spectaculaires de sa lucarne mais ne sait pas placer un mur ? Et comment sait-on qu’un gardien sait placer un mur ? Quand un attaquant tire dans un mur, n’est-ce pas le fait de sa maladresse plus que du sens du placement du gardien ?
On voit avec ce deuxième point qu’en outre, quand bien même on pourrait repérer de façon exhaustive des qualités personnelles, celles-ci demeureraient masquées ou au contraire exagérées car les performances du gardien de but, comme tout poste d’un sport collectif, sont irréductibles de sa seule personne : en effet, les sollicitations qu’il connaît durant un match, et donc les occasions qu’il a de se mettre en vue, positivement ou négativement, demeurent dépendantes du niveau général du championnat dans lequel il évolue, de la place de l’équipe dans laquelle il joue, et du niveau global de ses coéquipiers : comment, dès lors, comparer objectivement des gardiens dont l’équipe joue le haut de tableau avec des gardiens dont l’équipe joue le bas de tableau ? Dans le premier cas, le gardien encaisse évidemment moins de buts, mais fait aussi sans doute peu d’arrêts ; dans le second cas, le gardien encaisse beaucoup, mais effectue aussi beaucoup d’arrêts… Quel critère l’emporte sur l’autre, quand d’autres paramètres, non visibles et non objectivables (tels que la concentration, pour les gardiens peu sollicités) entrent en compte ? Même si on avait la possibilité de trouver un ratio tirs cadrés/arrêts, il faudrait déterminer quelles occasions sont offertes à l’équipe adverse de tirer (s’agit-il de face-à-face, de joueurs isolés, de frappes excentrées, de frappes lointaines…?), et donc mettre en avant un travail collectif. La performance d’un gardien est donc toute relative.
Prenons les deux exemples les plus récents : Mickaël Landreau et Vincent Enyeama, pour lesquels chacun s’accordera à dire qu’ils étaient ou sont de très bons gardiens. Après le match disputé contre Lyon ce dimanche, nous apprenons que Vincent Enyeama a joué son centième match en Ligue 1, parmi lesquels on compte 45 clean sheet, ces matches où l’on n’encaisse pas de buts, performance notamment remarquée lors de la période durant laquelle, de septembre à décembre 2013, il n’a pas encaissé de buts pendant 1062 minutes consécutives, soit l’équivalent de presque 12 matches, réalisant d’impressionnants arrêts, dans et hors de cette période, qui lui donnent régulièrement la récompense symbolique de « meilleur arrêt de la journée » décerné par l’équipe.fr. Mickaël Landreau, pour sa part, en 115 matches avec le LOSC, n’a réalisé « que » 39 clean sheet, et ne laisse pas l’image d’un gardien particulièrement spectaculaire, et même plutôt enclin à réaliser une petite bourde par ci par là, réputation tenace issue d’un passage à vide de quelques semaines sous le maillot parisien.
Si l’on s’en tient aux chiffres, en championnat, Vincent Enyeama a encaissé 84 buts avec le LOSC, et Mickaël Landreau 115 : avec, respectivement, 8978 et 10 710 minutes jouées sous le maillot lillois, ils encaissent un but tous les 109 et 93 minutes. Cette première moyenne peut alors indiquer que Enyeama est « meilleur » que Landreau. Sont-ce cependant à « Enyeama » ou « Landreau » qu’il faut attribuer ces moyennes ? Elles correspondent aussi à la fréquence à laquelle l’équipe du LOSC encaisse des buts…
Comparons plus spécifiquement leurs deux saisons pleines avec le LOSC, c’est à dire 3420 minutes jouées (90 minutes fois 38 journées) : 2010/2011 et 2011/2012 pour Landreau ; 2013/2014 et 2014/2015 pour Enyeama. Landreau encaisse 36 (2011) puis 39 (2012) buts, et Enyeama 26 (2014) puis 42 (2015) buts. Si « Landreau » est stable, l’amplitude que révèle « Enyeama » interpelle et souligne l’idée qu’évidemment, il n’est pas devenu soudainement plus « mauvais » en encaissant 61% de buts de plus d’une saison à l’autre. La première saison d’Enyeama comme titulaire, qui correspond à la première année avec René Girard comme entraîneur, a correspondu à une saison où le club n’a misé que sur le championnat, permettant ainsi de jouer une fois par semaine, ce que la saison suivante, avec le même effectif limité mais la Coupe d’Europe en plus à jouer, n’a pas permis, hormis, ponctuellement, en deuxième partie de saison. Les performances d’un gardien ou d’une défense sont donc avant tout celles de son équipe, et un chiffre pris isolément ne peut permettre de conclure à la supériorité de l’un sur l’autre. En 2011, Lille termine deuxième défense du championnat avec 36 buts encaissés, un nombre qui l’aurait classée 5e en 2014, année où l’équipe termine aussi deuxième défense avec seulement 26 buts encaissés.
Dans le même temps, Lille marque 68 puis 72 buts en 2011 et 2012 ; contre 46 puis 43 en 2014 et 2015. Il n’est donc pas difficile de se rendre compte que le nombre de buts encaissés semble corrélé au nombre de buts inscrits, et que ce constat reflète l’orientation plus ou moins offensive/défensive de l’équipe. Avec Rudi Garcia, c’était certes très offensif et spectaculaire, mais le revers de la médaille était une insécurité défensive parfois très agaçante, tandis que René Girard a préféré empêcher l’adversaire de s’exprimer en l’asphyxiant. Résultat : une défense de fer, mais une animation offensive proche du néant.
Alors, si on devait se risquer à une conclusion quant à ce comparatif, entre Landreau et Enyema, il n’y a pas de « meilleur » gardien car, statistiquement parlant, à ce niveau de qualité, c’est impossible à déterminer. On peut en revanche avoir une appréciation, qui relève davantage du sentiment ou de l’impression générale, et donc elle aussi sujette à caution, selon laquelle Enyeama est plus spectaculaire que Landreau : ses arrêts sont démonstratifs, et ses réflexes parfois étonnants. Mais, au-delà du sentiment, chercher à dégager des individualités, et donc chercher à isoler des talents intrinsèques – ce sur quoi repose la logique des récompenses individuelles comme le Ballon d’or – revient en partie à nier la dimension collective du football, et l’inévitable insertion de chacun dans un système de jeu, qui met en avant certaines qualités plus que d’autres. À Lille, de Garcia à Girard, on est bien placés pour savoir que les mêmes joueurs, dans des systèmes différents, ont eux-mêmes des rendements différents.
Pour terminer et tenter d’appuyer notre raisonnement, posons la question suivante : si le « meilleur » gardien est celui qui n’encaisse pas de buts, pourquoi ne pas considérer que Christophe Landrin est le « meilleur » gardien de l’histoire du LOSC ?
Rappelons-nous : saison 1999/2000, le LOSC est en deuxième division. Cette saison là, notre gardien, Grégory Wimbée, est expulsé lors de la 16e journée et la réception de Sochaux : à la 68e minute, en sortant devant Pierre-Alain Frau, il commet une main en dehors de la surface de réparation. À cette époque, en division 2, il n’y a que 14 inscrits sur les feuilles de match. Les entraîneurs se dispensent alors de la présence d’un gardien sur le banc de touche, préférant la possibilité de faire entrer trois joueurs de champ. Quand un gardien est expulsé ou se blesse, c’est donc un joueur de champ qui prend sa place dans la cage, les entraîneurs ne renonçant pas à se parer d’un gardien de but. Ce 30 octobre 1999, Christophe Landrin, entré en jeu quelques minutes auparavant, remplace donc Gregory Wimbée, car la doublure Eric Allibert n’est pas sur le banc.
Christophe Landrin enfile le maillot de Grégory Wimbée et s’apprête à garder la cage du LOSC. Signe de la bonne ambiance du vestiaire, Pascal Cygan lui dit « hé, je suis Pascal Huit Gants, avec les deux que je te donne ».
À ce moment, Lille est mené 0-1, pousse pour égaliser, et s’expose encore plus aux contres sochaliens qui ont déjà conduit à l’expulsion de Grégory Wimbée. Sur l’un d’eux, profitant du va-tout offensif lillois (Patrick Collot vient de remplacer Abdelilah Fahmi), Stéphane Dedebant se retrouve seul face à Christophe Landrin, qui dévie en corner.
Un va-tout offensif tout relatif puisqu’on note la position de Patrick Collot comme dernier défenseur, ça sent le grand n’importe quoi des fins de matches débridées.
Score final : 0-1, pour la seule défaite à domicile du LOSC mais, surtout, la première du gardien Landrin, qui garde sa cage inviolée.
15 jours plus tard, Lille reçoit Guingamp, et rebelote. À la 53e minute, en sortant devant Fabrice Fiorèse, Grégory Wimbée, qui revient de suspension, commet une main en dehors de la surface de réparation, une action à l’origine d’un célèbre sketch de Fernando D’Amico que nous avons relaté ici. Christophe Landrin reprend les gants et a pour mission de sauvegarder le court avantage de 1 à 0 face au deuxième.
Cette combinaison lui va comme un gant.
Landrin est à peine sollicité dans ce match, et Lille gagne 2-0.
Christophe Landrin est donc resté 59 minutes – comme un symbole – dans les buts du LOSC sans encaisser de but. Il est donc, statistiquement, le meilleur gardien lillois, avec une moyenne de 0 but encaissé par match. S’il n’a pas encaissé de but, c’est surtout parce qu’il a peu joué ; et aussi parce qu’il faisait partie d’une équipe très performante, offensivement et défensivement – cette année-là, Grégory Wimbée n’encaisse que 21 buts en 35 matches et 3089 minutes jouées, soit un but encaissé toutes les 147 minutes). Le LOSC ne l’a plus jamais aligné dans le but en dépit de ces exceptionnels chiffres, car le poste nécessite, bien entendu, d’être tenu par un professionnel, mais cet exemple absurde n’a que pour but d’affirmer voire de démontrer qu’il reste très complexe d’isoler des performances propres par rapport à d’autres facteurs explicatifs.
Une chose est certaine : en dépit du talent d’Enyeama, et aussi bons qu’aient été Landreau, Sylva, Wimbée, Nadon ou Lama, ils ne pourront jamais se targuer d’être parvenu à réaliser ce à quoi Christophe Landrin est arrivé : une carrière de gardien de but sans aucun but encaissé.
Posté le 22 février 2016 - par dbclosc
La gloire de mon Miladin
Saison 1995-1996, 10ème journée de championnat. Lille est mal en points – oui, je sais, ce jeu de mots a déjà été fait sur ce blog – n’ayant obtenu que deux points après neuf journées, avec 5 buts marqués pour 17 encaissés. Lille reçoit Le Havre et, sur son banc, on voir arriver le jeune Miladin Becanovic (1) (22 ans) qui est amené à remplacer le Danois Franck Pingel, arrivé deux mois plus tôt, qui n’a pas donné satisfaction. Alors, « Bajo » – son surnom qui signifie « petit frère » – est-il une bonne pioche ?
Des débuts difficiles
Le match commence bien puisque Lille ouvre le score par Antoine Sibierski sur un centre d’Amara Simba.
Observe le magnifique évitement de ballon de Djezon Boutoille.
Miladin rentre à la 77ème minute de match à la place de Boutoille, auteur d’un excellent match. On approche du temps additionnel, quand Simba fait le show puis sert Becanovic qui ouvre son compteur but seulement 13 minutes après son entrée en jeu. Ecoute le direct radio de ce but :
Il jouera encore 25 matches de D1 de plus cette saison-là, mais ne marquera plus le moindre but ni ne fera la moindre passe décisive (plus 2 buts en coupe contre Toulon). Contrairement à ce que ses débuts avaient fait espérer, Miladin ne fait pas beaucoup mieux que Franck Pingel. Miladin a cependant eu quelques éclairs mal récompensés, comme lors de la 31ème journée quand il passe en revue la défense rennaise avant de voir son tir repoussé sur la ligne par Carteron.
Né le 18 avril 1973 à Niksic, Miladin débute en pro dans le club de sa ville natale à 18 ans, le FK Sutjeska Niskic, où il marque 17 fois en 35 rencontres. Il s’en va ensuite en Grèce, à 20 ans, à l’Iraklis Thessalonique. Il y marque 15 buts en 55 rencontres de première division grecque. A priori, difficile de situer Miladin à partir de ces stats, et sa première saison dans l’élite française ne semble pas apporter beaucoup de réponses. Pourtant, puisque Amara Simba s’en va, il est le seul joueur à pouvoir jouer avant-centre dans l’équipe pour la saison 1996/1997. Pas rassurant a priori. Et pourtant …
L’état de grâce
Et pourtant, on ne le savait pas encore, mais Miladin vivra trois mois d’état de grâce. Trois mois au cours desquels le monténégrin connaîtra un niveau de performances qu’il n’a alors jamais atteint, qu’il n’atteindra plus, et qu’aucun attaquant n’avait plus atteint depuis longtemps. Coïncidence ou relation de cause à effet, Lille connaîtra son meilleur début de saison depuis bien longtemps, puis connaîtra un déclin étonnant après la 16ème journée pour finir en D2 : Lille vit cette saison-là l’une des plus improbables saisons que l’on puisse imaginer, parvenant à engranger 26 points après 16 journées, mais seulement 7 sur les 19 matches de la phase retour.
Regarde comme ce joueur de St-Leu semble impressionné par Miladin
Première journée de la saison 96/97, Lille reçoit Metz et première bonne surprise de la saison : Miladin donne la victoire aux siens de la tête suite à un centre d’Arnaud Duncker. Il retrouve le chemin des filets en D1, 10 mois après sa seule précédente réalisation dans l’exercice.
Alors, on fait moins les malins les messins ?
Vient regarder le but de Miladin, à 1 minute 35 sur la vidéo :

Lille s’incline ensuite logiquement à Auxerre (2-0), puis reçoit Rennes. Bien emmené par un David Garcion impressionnant, le LOSC s’impose logiquement (3-1). Outre David Garcion, Miladin Becanovic impressionne à Grimponprez : il provoque un pénalty qu’il transforme lui-même, donnant l’avantage aux siens, puis assure définitivement la victoire des siens en toute fin de match. Trois buts en trois matches, Miladin ferait presque oublier qu’il avait enchaîné 25 matches de D1 consécutivement sans marquer.
Miladin a battu Le Pen, lui.
Cette parenthèse enchantée dans la modeste carrière de Miladin ne faisait pourtant que s’ouvrir. Il allait à nouveau marquer contre Nice (3-2), Guingamp (1-1), à Nancy (2-2), contre Nantes, deux fois (3-3), et contre Monaco (1-4). Il est aussi un avant-centre altruiste, auteur de quatre passes décisives. Après 14 journées, Becanovic est l’étonnant troisième buteur du championnat mais aussi le meilleur passeur. Personne n’a alors fait mieux que lui et ses 13 action décisives.
Tu flippes, hein, Stéphane Guivarc’h ?
Surtout, il régale Grimponprez-Jooris. Notre Greg Wimbée chéri est alors le seul gardien à avoir subi ses foudres en-dehors de Grimonprez. A domicile, les supporters lillois ont déjà vu 26 buts, dont, certes, 12 encaissés, mais aussi 14 marqués : Miladin en met huit, fait quatre passes décisives et a déjà provoqué trois pénaltys. Statistiques légèrement hallucinantes et un meilleur buteur bien au-dessus de ce que l’on a connu les années précédentes (2).
Le drame du tee-shirt
En 1996, le marchandising est encore balbutiant mais il se développe progressivement. Ce grâce à quoi j’ai notamment pu faire l’acquisition d’un pog Becanovic dont je posterai la photo dès que j’aurai remis la main dessus. Bref, constatant le succès de Miladin, le club décide de produire des tee-shirts avec dessus marqué « Tremblez gardiens ! Becanovic va encore marquer ! » Et là c’est le drame. Bien sûr, j’ai acheté le tee-shirt.
Et là, deux problèmes : 1) à cette époque, dans les collèges lillois, il y avait plein de supporters lensois ; 2) Becanovic a quand-même commencé à marquer nettement moins souvent. Bref, j’avais 15 ans, un tee-shirt improbable, et je le mettais – en sport, hein, quand-même – .
Bref, ça s’est salement gâté du côté de Becanovic et du LOSC, ce qui fait que j’avais tout pour me faire foutre de ma gueule. Mais, j’ai assumé jusqu’au bout, et l’histoire m’a donné raison. Lille, 4ème après seize journées et une victoire dans le derby décline rapidement.
Quatrième ? Quoi de plus naturel pour nous ?
La rétrogradation
Lille finit d’abord la phase aller par une défaite et deux nuls, mais là, ça allait encore. Les neuf premiers matches de la phase retour se soldent par deux points pris et une chute vertigineuse au classement. Quant à Becanovic, il n’a marqué qu’une fois entre la 15ème et la 28ème journée. Il marque la journée suivante contre Nancy – à Wimbée encore – lors de la seule victoire lilloise des matches retour. Il marquera encore deux fois lors des neufs dernières journées – qui apportent deux points au LOSC – et Lille finit en deuxième division.
Un bilan vraiment pas dégueu à Grimonprez
Miladin n’aura pas manqué de marquer lors de son dernier match à Grimonprez-Jooris, qui est aussi son dernier match sous le maillot des Dogues. Et même si sa seconde partie de saison sera plus modeste, elle sera, au moins à domicile, très correcte : après cette 14ème journée, il dispute encore huit matches à domicile, dont sept comme titulaire, pour inscrire quatre buts. Sur la saison, il marque donc 12 buts, fait 4 passes décisives, provoque 3 pénos en seulement 16 rencontres à domicile. Certes, à l’extérieur c’est plus dur : 14 matches, 1 but et c’est tout (3). Il faut remonter à 1989, et les 14 buts d’Erwin Vandenbergh pour trouver trace d’un Lillois marquant autant sur une saison de D1 ; il faudra attendre 2004, et les 13 buts de Manchev, pour qu’un Lillois atteigne à nouveau ce total.
Autographe de grande qualité de Miladin à l’un des grands reporters de DB & C
Miladin s’en va ensuite à Marseille, où il peine et n’inscrit pas un but en 12 matches. Il est transféré au Havre au mois de décembre où il retrouve quelques couleurs : il marque son premier but pour son second match ; pour son quatrième match sous ses nouvelles couleurs, en coupe de la Ligue, il inscrit un hat-trick en 32 minutes ; trois mois après son arrivée, il a disputé 13 rencontres toutes compétitions confondues, et déjà marqué 7 fois.
Becanovic initie une tradition lilloise : traumatiser la défense lorientaise
La suite est plus morose et Miladin quitte Le Havre après avoir perdu sa place de titulaire en 1999/2000. Direction Belgrade et le Partizan où Miladin passe trois ans, gagne la Coupe (2001) et le championnat (2002, 2003). Il joue ensuite six mois en L2 à Créteil, puis six autres à Sion, en D2 Suisse. Il joue l’année suivante en Grèce, puis prend sa retraite.
Respect Bajo.
(1) Désolé pour l’accentuation manquante sur mon clavier. Pour info, la prononciation exacte du nom de Miladin « à la française » ressemblerait à « Betssanovitche ». Cher lecteur, n’hésite pas à me signaler une erreur si ma retranscription phonétique te paraît inexacte.
(2) En 1986-1987, Filip Desmet était à 8 buts après la 14ème journée (total atteint après 12 journées) tout comme Dusan Savic en 1983-1984 et Engin Verel en 1981-1982; le précédent joueur à avoir fait aussi bien était Zarko Olarevic, auteur de 10 buts après 14 journées en 1978-1979.
(3) Soit 13 buts en D1.
Posté le 10 février 2016 - par dbclosc
Gloire éternelle à toi, Fernando D’Amico
Des fins fonds de la deuxième division à la ligue des champions, non seulement ça rime, mais c’est aussi l’histoire de l’ascension express du LOSC, de 1998 à 2001. L’histoire est connue et elle a même été rabâchée au point de constituer un lieu commun unificateur que même les supporters loscistes les plus récents ne peuvent ignorer. Les souvenirs se focalisent généralement – à juste titre – sur la personne de Vahid Halilhodzic, ou sur la nostalgie d’un vieux stade qui vibrait enfin de façon inversement proportionnelle à la consternation dans laquelle il a trop souvent plongé ses spectateurs durant la triste décennie 1990. Mais, parmi les refondateurs du club, il y avait sur le terrain un joueur qu’aucun supporter ne peut oublier, et dont la trajectoire s’est confondue avec celle du club : l’inusable Fernando D’Amico, qui fête en ce 10 février 2016 ses 41 ans, et auquel nous rendons hommage pour les émotions qu’il nous a apportées.
Devenir supporter du LOSC à 10 ans au milieu des années 1990 n’a rien d’évident. Il faut pour cela la conjonction de plusieurs facteurs : commencer à s’intéresser au foot, commencer à y jouer, habiter à proximité de Lille, et bénéficier de la possibilité d’aller voir à quoi ressemble l’équipe professionnelle du coin, en l’occurrence avoir un père lui-même supporter de Lille qui, l’air de rien, propose d’aller voir des matches à Grimonprez-Jooris, ou signale que, ce samedi soir, il va « écouter le multiplex à la radio » (1) car « Lille joue ».
Vers un renouveau sportif
« Lille joue » est un raccourci bien audacieux pour désigner le football pratiqué à Lille en ce temps-là. En effet, aussi loin que ma mémoire peut remonter, l’attitude de mon père lors des multiplex oscillait entre moue dubitative et une résignation certaine. Du coup, les seules satisfactions sportives étaient plutôt dominicales, puisque, sur une année, on comptait presque davantage de victoires d’Alain Prost que de victoires du LOSC. Par la suite, les premières venues dans le vieux stade Grimonprez-Jooris s’assimilent à un pénible apprentissage du supportérisme : un stade vétuste, un public clairsemé, une ambiance froide voire hostile, peu de buts, la lutte pour le maintien, et donc des résultats très moyens (2). Surtout, c’est une période où le LOSC souffre terriblement de la comparaison avec le voisin lensois : celui-ci, avec une équipe séduisante, retrouve régulièrement la coupe d’Europe, et la ferveur du nombreux public y est incomparable.
Ce qui pendait au nez du club depuis des années arrive en 1997 : relégation en deuxième division. Après une saison 1997/1998 bêtement terminée à la 4e place (3), la saison 1998/1999 débute sur des bases calamiteuses, « l’effet mondial » n’ayant pas été ressenti jusqu’à Lille. Après une piteuse défaite à Beauvais un soir de septembre 1998, le LOSC est 17e, et doit de ne pas être relégable qu’à la différence de buts (4). Thierry Froger est viré, et Vahid Halilhodzic arrive. On ne le sait pas encore, mais on s’apprête à vivre quatre années exceptionnelles. La première est finalement aussi décevante que la précédente sur le plan purement sportif, car le LOSC termine, de nouveau, quatrième (5), et devra donc jouer une troisième saison consécutive en deuxième division. Cependant, le redressement de l’équipe a été spectaculaire : indéniablement, elle joue mieux ; les joueurs ont l’air davantage concernés ; et les quelques loupés (PUTAIN CETTE DÉFAITE CONTRE AMIENS QUOI !) semblent davantage devoir être attribués à un passé en voie de disparition qu’à un avenir définitivement bouché, surtout quand on sait que l’entraîneur s’appuie jusqu’alors sur des joueurs qu’il n’a pas choisis et dont il ne veut manifestement pas (notamment Adick Koot et Olivier Pickeu), tandis que ceux qu’il a lancés (Bruno Cheyrou), relancés (Frédérik Viseux) ou replacés (Pascal Cygan, Christophe Landrin) semblent amorcer une solide et prometteuse ossature.
Un inconnu débarque
Le mercato de l’été 1999 est donc l’occasion pour Vahid Halilhodzic de choisir ses joueurs. Partent les indésirés et les joueurs en fin de contrat. Arrivent Dagui Bakari, du Mans, en échange d’un peu d’argent et d’Olivier Pickeu, pour peser physiquement sur les défenses (6) ; le meneur de jeu du Red Star Ted Agasson ; Didier Santini, de Toulouse, pour son expérience et un rôle davantage dans le vestiaire que sur le terrain ; Abdelilah Fahmi, un solide défenseur central que Vahid avait entraîné à Casablanca ; Johnny Ecker, arrière gauche (ou défenseur central) confirmé de deuxième division, de Nîmes ; tout comme Éric Allibert, doublure de Grégory Wimbée ; et donc, Fernando D’Amico.
Si l’on sait donc qui sont et d’où viennent nos nouveaux joueurs, Fernando D’Amico demeure un parfait inconnu, et l’on craint de voir arriver un nouveau « Doukisor », comme le LOSC sait en attirer (7). Tout ce qu’on sait de lui, c’est qu’il est Argentin, qu’il vient d’un club de deuxième division espagnole, Badajoz, et qu’il a été recruté, sur les conseils de Pierre Dréossi, après le visionnage d’une vieille cassette VHS pourrie, ce qui est en général très mauvais signe (8). Il me revient dans un premier temps deux souvenirs à propos de Fernando : D’abord, les premiers entraînements après l’officialisation de son recrutement ont permis de mettre un visage sur ce nom : Fernando est blond, pas très grand, il a les cheveux longs, il est très souriant et dit bonjour à tout le monde. De plus, il a une attitude assez singulière : je me rappelle que, sur le poster du LOSC de « Onze mondial, tout sur la saison 1999/2000 », Fernando est debout et croise les bras, l’air pénétré voire menaçant : je croyais que cette posture avait disparu depuis les années 1970.
Deuxième souvenir datant des premiers moments de son arrivée, probablement en juillet 1999 : à ce moment-là, le LOSC a une boutique dans Euralille, qui répond au doux nom de « Casual Corner », et le club organise des séances de dédicaces, c’est-à-dire que, durant une heure, deux joueurs du LOSC restent dans la boutique et répondent aux sollicitations des supporters. On ne peut pas dire que la foule se pressait à ces rendez-vous, mais c’était d’autant mieux pour ma sœur et moi-même qui, pour le coup, étions des fidèles. En juillet 1999 donc, le LOSC annonce la présence à Euralille, de telle heure à telle heure, de Pascal Cygan et de Fernando D’Amico. Fernando était accompagné d’un traducteur, dans mon souvenir le fils d’une famille hispanophone qui l’avait hébergé à son arrivée. À notre arrivée, première surprise, Fernando semble nous reconnaître et tente d’engager la conversation. Ceci pour dire, et ce comportement est resté le même durant ses 4 ans à Lille, Fernando a été le joueur le plus gentil, le plus aimable, le plus chaleureux que j’aie connu. Il a par la suite toujours gardé une relation privilégiée avec les supporters (entretenue aussi par son comportement sur le terrain, on y vient après), ayant toujours un mot pour l’un ou une poignée de main pour l’autre. Poursuivons cette anecdote de la boutique : voyant Fernando nous saluer, le traducteur s’approche (9), mais Fernando insiste pour utiliser le français. Et on s’est à peu près compris ; ma sœur et moi avons notamment pu donner cette information fondamentale : nous sommes abonnés à Grimonprez. Et, de son côté, lui ayant fait par de mon admiration pour son compatriote Gabriel Batistuta, il m’a indiqué avoir joué contre lui, si j’ai bien compris. Je raconte cette anecdote, c’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup : je n’avais encore jamais vu jouer Fernando, mais Fernando s’est comporté dans la boutique d’une manière similaire à son attitude sur le terrain : il voulait absolument parvenir à son but (nous parler en français), en dépit de faibles moyens (il ne parlait pas français). Et, sur le terrain, Fernando était un joueur qui parvenait à compenser une technique assez quelconque par un sens du placement très développé et par des qualités hors-norme de volonté et de combativité.
Archive personnelle : un autographe de Fernando D’Amico. Valeur estimée : 16 milliards d’euros (valeur sentimentale non incluse).
Chasse à l’adversaire et vivas de la foule
Étant en vacances, j’ai manqué ses débuts en championnat à Grimonprez-Jooris (le 7 août 1999 contre Nîmes, puis le 17 août contre Ajaccio), mais je me rappelle les propos du journaliste d’Europe 1 évoquant ce milieu argentin omniprésent. J’ai enfin pu voir pour la première fois Fernando jouer le 27 août 1999, face à Louhans-Cuiseaux. Et en tribune, il nous faisait en effet une impression qu’aucun joueur n’avait faite jusqu’alors : mais qu’est-ce que c’est que ce type aux jambes arquées qui court partout et qui récupère tous les ballons ? Son style s’est révélé puis affirmé au cours de la saison. Ceux qui ne connaissent rien au football attendent traditionnellement d’un joueur qu’il marque des buts. Et en voyant jouer Fernando, ils se diraient qu’on a affaire là à un joueur bien singulier. Fernando était assez maladroit devant les cages. Mais peu importe : il empêchait les autres de jouer, les forçant à jouer sur la largeur du terrain. Son travail était impressionnant, alors même qu’on sentait que sa technique était approximative. « Le foot, c’est la guerre », déclarait-il dans France Football en août 2000, tout en reconnaissant la dimension choquante de cette comparaison. Mais à le voir jouer, on comprend le parallèle. Teigneux, insupportable pour l’adversaire, harceleur du milieu de terrain, sa manière d’asphyxier le jeu adverse en pressant sans cesse avec cette allure tellement particulière offrait souvent des scènes cocasses : par exemple, il était capable de poursuivre un joueur adverse sur des dizaines de mètres, avant de parvenir à mettre le pied sur le ballon au moment précis où l’adversaire pensait l’avoir semé ; il arrivait qu’il contraigne un adversaire à jouer sur toute la largeur du terrain sans que celui-ci ne trouve de solution et soit contraint de donner en retrait ; il se débrouillait pour obtenir des coup-francs quand le ballon était perdu ; ses courses s’assimilaient davantage à de la chasse, et ses adversaires à des proies ; ce n’était pas une manière très académique de jouer au football, mais c’était diablement efficace.
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Allégorie du sentiment de l’adversaire surveillé par Fernando D’Amico
Il disposait en outre de quelques ingrédients pour se mettre le public dans la poche, une popularité grandissante que l’on pouvait mesurer à la manière dont le stade scandait son nom au moment de l’annonce de la composition d’équipe : au « Fernandooo » de la speakerine Anne-Sophie répondait un joyeux « D’AmIIIcoooo ! » de 20 000 personnes. Il savait aussi haranguer la foule en lui adressant des signes pour l’inciter à se lever et à encourager l’équipe ; son short relevé vers la 65e minute en mode « couches pour bébé » remportait également un franc succès.
Habillage « D’Amico », toutes saisons
Tous les moyens sont bons : faire chier l’adversaire
Insupportable pour les adversaires par son jeu, Fernando avait aussi un côté provocateur voire truqueur qui pouvait faire tourner en bourrique les joueurs les plus chevronnés. Deux exemples : le 12 novembre 1999, Lille reçoit Guingamp pour le choc de cette journée de deuxième division. Lille caracole en tête mais Guingamp, deuxième, entend profiter de deux récentes défaites du LOSC, face à Sochaux et à Créteil, pour se rapprocher. Lille mène 1-0 à la mi-temps grâce à une tête de Jean-Louis Valois sur un superbe centre de Fred Viseux. À l’entame de la seconde période, le gardien lillois Grégory Wimbée est expulsé pour une main en dehors de la surface. Christophe Landrin le remplace (10) et les Bretons bénéficient d’un coup-franc bien placé face au but. Le mur lillois se forme. L’attaquant de Guingamp, Abdelhafid Tasfaout, tente de se placer entre le mur et le gardien lillois. Le voyant approcher, Fernando lui bloque le passage, les deux joueurs se heurtent, et Fernando simule une agression. Tasfaout est expulsé, les guingampais protestent, le public lillois, qui a tout compris au manège, est hilare, et Claude Michel, le capitaine de Guingamp, tellement exaspéré par le comportement de D’Amico balance directement et volontairement le ballon dans les tribunes, récoltant un carton jaune pour le coup bien mérité. À l’arrivée, Lille s’impose 2 à 0 dans une fin de match au climat délétère, avec l’expulsion de Valois (Pour revivre quelques-uns de ces grands moments, c’est ici). Lors du match retour en mai 2000 à Guingamp, Claude Michel, rancunier, est expulsé à la 90e minute après avoir agressé Fernando par derrière, et ce après les expulsions en première période de Yannick Baret et de Bruno Cheyrou. Belle ambiance !
Autre beau souvenir, le déplacement à Nîmes peu après, en décembre. Lors du match aller en août, les Nîmois s’étaient sentis floués après que Lille a remporté le match sur un coup franc litigieux à la 89e minute. Vengeurs, et motivés face au leader, ils mènent 3-0 après 75 minutes. Cependant, après l’expulsion du gardien nîmois, Abdel Fahmi ramène le score à 3 à 1. Puis Fernando marque son premier but avec le LOSC, qui revient à 3-2. Dans la foulée, un second nîmois est expulsé. Dans une fin de match physiquement pénible pour les Nîmois à 9 contre 11, les Lillois se réveillent et égalisent grâce, incroyable, à un deuxième but de Fernando, profitant du fait que le but nîmois est désormais gardé par un joueur de champ. Score final : 3-3, et des Nîmois encore furieux à l’encontre de l’arbitre. Quand on revient de si loin après une prestation globalement mauvaise, on se dit que les Lillois peuvent s’estimer heureux que les circonstances aient ainsi tourné en leur faveur. Mais, trop heureux, Fernando s’en va provoquer le capitaine Nîmois Régis Brouard et le public, déclenchant une bagarre générale. Vous pouvez revivre cette mémorable deuxième mi-temps ici. Pour la petite histoire, l’entraîneur de Nîmes, Serge Delmas, qu’on voit tellement furieux qu’il en retire son bonnet (!), est devenu ensuite superviseur pour l’équipe de Montpellier. Observant ses futurs adversaires, il se rend (comme moi) en juillet 2000 à un match amical d’avant saison entre Lille et Beauvais. Serge Delmas pense passer incognito, toutefois des spectateurs lillois le reconnaissent, l’interpellent et se foutent de sa gueule en lui demandant ce qu’il pense de Fernando D’Amico, et entonnent un « D’Amico, lalalalaaaa… ». C’est con le foot.
Provocateur donc, mais ce genre de joueurs agace autant les adversaires qu’il réjouit ses propres supporters. Et provocateur ne signifie pas méchant ni violent : Fernando n’a été expulsé que deux fois, jamais directement, et pour des fautes assez bénignes (Contre Sedan en 2000, dans ma mémoire le seul joueur lillois expulsé sortant du terrain avec une avec standing ovation, et à Nice en 2003, alors même qu’on lui avait cassé une dent). Au terme d’une remarquable saison dont il a été l’un des principaux artisans en courant en moyenne 543 kilomètres par match, Lille remonte en première division en 2000 après avoir battu la moyenne de points pris par match en deuxième division (11).
La D1, aussi fastoche que la D2
Jusque là, tout va bien, mais après tout, même si le LOSC a battu quelques records, ce n’est encore que de la deuxième division. Cette équipe peut-elle faire bonne figure en D1, avec des joueurs qui, pour la plupart, n’ont jamais joué à ce niveau ? On est assez vite rassurés. Sur sa lancée, l’équipe, à peine remaniée (12), prend la tête du championnat dès la troisième journée. Fernando et les autres sont aussi performants en D1 qu’ils ne l’étaient en D2. Dès lors, cette saison 2000/2001 est une succession de surprises et de victoires, et Lille lutte jusqu’au bout pour le titre de champion de France, qui revient finalement à Nantes. La saison est ponctuée de quelques moments marquants.
En août 2000, Lille reçoit Metz, où joue Patricio, le frère jumeau de Fernando.
Grand-jeu concours : lequel est Fernando ?
24 septembre 2000 : Laurent Peyrelade vient d’inscrire à la 90e minute le but de la victoire contre Lens. Si les joies du buteur, de Sylvain N’Diaye et de Dagui Bakari restent conventionnelles, Fernando est en transe.
Le 18 novembre 2000 (un des matches confirmant la règle selon laquelle Sonny Anderson ne transforme jamais ses pénaltys contre Lille), Fernando réalise un délice de remontée de balle avec un une-deux sur 70 mètres avec Dagui Bakari. Au terme de l’action, il est à deux doigts de marquer son premier but en première division, mais le ballon est sauvé par un défenseur : Landrin suit et offre une victoire de prestige au LOSC (à partir d’1’38 https://www.youtube.com/watch?v=Tdpwq38Zk6g)
27 janvier 2001 : félicité par Djezon Boutoille et Johnny Ecker, Fernando vient d’inscrire son premier but en première division face à Saint-Etienne. De façon assez improbable, c’est d’une frappe de 20 mètres en lucarne
Le résumé du match Lille/Saint-Etienne, au curs duquel Fernando marque :
Ce soir là, le LOSC prend la tête du championnat, et s’impose à Lens la semaine suivante.
Le LOSC tient jusqu’à quelques journées de la fin du championnat, gagnant parfois laborieusement, comme à Guingamp (0-1) ou face à Marseille (1-0), mais en offrant aussi un superbe spectacle le 6 avril 2001 lors d’un match de haut niveau face à Bordeaux (2-2), au cours duquel Laurent Peyrelade a certainement inscrit un des plus beaux buts de l’histoire du club. Le LOSC craque dans la dernière ligne droite, avec deux nuls à Auxerre (1-1) et à Paris (2-2), ainsi qu’une défaite à domicile face à Lyon (1-2). Les Lillois retombent à la quatrième place avant la dernière journée, mais peuvent encore terminer à la troisième place, qualificative pour le tour préliminaire de Ligue des champions, à condition que, lors de la dernière journée, ils s’imposent à Monaco et que, dans le même temps, Bordeaux perde à Metz… et c’est exactement ce qui se passe. Le LOSC, 17e de deuxième division il y a 30 mois, est en Ligue des champions.
Après une victoire 2-1 à Monaco lors de la dernière journée, le LOSC termine à la troisième place et se qualifie pour le tour préliminaire de Ligue des champions. Sur le balcon de l’hôtel de ville, Fernando prononce son fameux discours urbi et orbi.
La deuxième saison de Fernando D’Amico au LOSC s’achève donc avec une performance inespérée : le promu lillois est qualifié pour la Coupe d’Europe la plus prestigieuse, à condition de passer un match de barrage… et étant donné le coefficient UEFA du LOSC, l’adversaire sera forcément une grosse équipe.
En route vers la ligue des champions : « Il faut pas lâcher, il faut se qualifier »
Début de la saison 2001-2002 : le LOSC reste invaincu jusqu’à la 13e journée. De manière générale, cette saison a offert un grand spectacle au public lillois, gâté par des scénarios rocambolesques en championnat, et par la bonne tenue de l’équipe en Coupe d’Europe. Ce qui n’avait rien d’évident, puisque le tirage au sort a désigné Parme comme adversaire en tour préliminaire. Si le LOSC remporte la double confrontation, il ira en ligue des champions ; sinon, il jouera la coupe de l’UEFA. Mais Parme est un gros morceau : champion d’Europe deux ans auparavant, quatrième d’un championnat d’Italie bien meilleur que celui d’aujourd’hui, c’est une équipe de stars internationales : Di Vaio, Nakata, Cannavaro, Lamouchi… Si quelques-unes d’entre elles sont parties, Parme 1999 est considérée comme l’une des meilleures équipes de l’histoire du foot à n’avoir pas décroché le titre national.
Le match aller a lieu en Italie et c’est déjà un exploit de tenir le 0-0 à la mi-temps. Cependant, le championnat italien n’a pas encore repris, et les parmesans, en pleine préparation physique, manquent de compétition : le LOSC en profite et dès l’entame de la deuxième mi-temps, Fernando décale Landrin qui lobe chanceusement le gardien de Parme : 0-1 ! Puis Johnny Ecker envoie un ballon dans la lucarne et Lille s’impose 0-2. Incroyable. Le match retour à Lille, deux semaines après, avec des italiens revanchards et cette fois au point physiquement, s’annonce redoutable.
Le 8 août 2001, Lille s’impose à Parme 2 à 0. Fernando félicite Johnny Ecker. C’est loin Beauvais !
Le match retour a lieu le 22 août 2001. Comme prévu, c’est très difficile. Parme marque dès la 28e minute de jeu. Le LOSC est complètement submergé. 0-1, c’est le score à la mi-temps, un moindre mal. Et là, arrive LE moment culte de la période losciste de Fernando : le match est retransmis sur France 3. Le journaliste en bord de terrain se met en tête d’aller interviewer Fernando. Tout le monde a oublié la question, mais personne n’a oublié la réponse :
« Il faut pas lâcher, il faut se qualifier »
(Fernando D’Amico, 22 août 2001).
Pour être plus précis : « il faut pas lâcher, il faut se qualifier, seulement ça : il faut pas lâcher, il faut se qualifier, il faut tout faire pour ne pas perdre ». Cette déclaration, c’est un peu l’appel du 18 juin de Fernando, le truc qui restera à la postérité (toutes proportions gardées. Mais après tout, si « le foot, c’est la guerre »…), entendu par des milliers de personnes qui se sont reconnues dans ce combat et cet appel à ne pas lâcher les armes. Je ne trouve pas sur le net l’intégralité de l’échange, mais je me rappelle que la séquence était tout de même particulièrement insolite, car la question du journaliste était longue et précise, et Fernando répond en gueulant 10 secondes.
Lille s’incline 0-1, mais est qualifié grâce à la victoire du match aller.
À terre, Nakata !
Je ne vais pas m’appesantir davantage sur les performances de Fernando et évoquer tous les souvenirs qu’elles m’évoquent. Le parcours en ligue des champions est très honorable (3e place du groupe), Fernando a pu y montrer au plus haut niveau ses qualités d’emmerdeur, et l’élimination face à Dortmund en UEFA n’a pas vraiment reflété la performance du terrain. Le LOSC termine cette année là 5e du championnat. Vahid s’en va. La dernière saison est plus compliquée sur le plan sportif (Lille termine 14e en 2003), mais Fernando reste constant dans ses performances sur le terrain, et son attitude en dehors.
Malheureusement, Fernando arrive en fin de contrat en 2003 et Claude Puel, désireux de « dévahidifier » le LOSC, compte sur les jeunes du club pour lancer un nouveau cycle et imposer son propre style, ce qu’il parviendra d’ailleurs à faire avec brio. Fernando est transféré au Mans, avant de finir sa carrière dans un relatif anonymat en Espagne et en Grèce, sans avoir retrouvé les émotions de son passage au LOSC qui a « changé [s]a vie ».
Ce n’est donc pas pour rien que Fernando a été pendant 4 ans le chouchou de Grimonprez. Quiconque l’a vu jouer se rappelle que ses surnoms de « sangsue », de « teigne », ou d’ « homme aux trois poumons » n’étaient que des euphémismes pour désigner un joueur irréprochable à l’endurance et à l’état d’esprit hors du commun et, au-delà, un type formidable. On ne va pas faire les vieux cons, mais ça a correspondu avec une merveilleuse époque : des performances sportives d’autant plus extraordinaires qu’inattendues, un vrai stade de foot, une ambiance pas encore marketé telle qu’on la connaît aujourd’hui, des joueurs accessibles et simples, et un entraîneur charismatique ayant emmené quelques bons joueurs de D2 en ligue des champions.
On n’oublie pas. Joyeux anniversaire Fernando ! Et gloire à toi !
Damien
Notes :
1Ce n’est pas l’objet de l’article, mais sachez que le vieux transistor de mon Papa n’avait qu’un seul écouteur, et cette curiosité n’a jamais eu l’air de le perturber. Je le questionnerai très bientôt sur ce point et ne manquerai pas, chers lecteurs, de vous tenir informés.
2 Hormis, sur ce dernier point, lors de l’étrange saison 1994/1995, sur laquelle nous reviendrons bientôt, même si le LOSC n’a jamais été complètement ridicule à domicile, voir par exemple : http://droguebierecomplotlosc.unblog.fr/2016/01/06/lille-citadelle-imprenable-1974-1980/ et http://droguebierecomplotlosc.unblog.fr/2015/12/17/le-classement-losc-a-domicile-autres-a-lexterieur-1980-1990/
3« Bêtement », car d’une part seuls les trois premiers montent, et d’autre part parce que le club a été en position de montée quasiment sans discontinuer de la 7e à la 38e journée (sur 42) , avec 6 points d’avance sur le 4e, Sochaux, après 36 journées. Merci Froger !
4Notons que ce soir là, c’est Wasquehal qui est virtuellement en D1 grâce à sa troisième place.
5Et ce sont toujours les trois premiers qui montent, la ligue ayant refusé cette année-là toute dérogation à cette règle pourtant ancienne.
6Et qui contribuera à un scénario rigolo durant 3 ans : le but de la victoire à la 93e minute parce que les adversaires sont épuisés. Nous y reviendrons également prochainement.
7 Remember Frank Pingel en 1995.
8Cela signifie en effet que la cassette est en train de lâcher.
9Pour traduire, j’imagine
10C’est un temps où on ne peut inscrire en Division 2 que 14 joueurs sur la feuille de match. Du coup, les entraîneurs se dispensent souvent de la présence d’une doublure dans les buts. Ce sont donc des joueurs de champ qui prennent les gants si un gardien se blesse ou est expulsé.
11En 1995, Marseille avait marqué 84 points, soit un de plus que Lille en 2000… mais dans un championnat à 42 journées, soit 2 points de moyenne par match, contre 2,18 pour Lille.
12 Grégory Wimbée, promis à être numéro 2, retrouve finalement sa place de titulaire après la grave blessure de Teddy Richert ; Stéphane Pichot est recruté pour remplacer Frédérik Viseux ; Sylvain N’Diaye remplace Carl Tourenne ; Christophe Pignol débarque de Monaco ; Mikkel Beck arrive d’Angleterre ; Puis Mile Sterjovski arrive comme joker en septembre.
Posté le 21 janvier 2016 - par dbclosc
Special big up Pascal Plancque
Né à Cherbourg au mois d’août 1963, Pascal Plancque, le plus jeune des frères Plancque, arrive au LOSC en 1979 en provenance de l’Iris Club Lambersart où il avait débuté le foot à l’âge de 6 ans. D’abord titulaire indiscutable au milieu de terrain de la réserve – France Football écornant régulièrement son nom : « Planqué », « La Planque », « Planck » – Pascal fait ses débuts comme titulaire sous les ordres de José Arribas le 29 août 1980, neuf jours après ses 17 ans, à Saint-Etienne où le LOSC s’incline 3-1. En face, il y a Castaneda, Lopez, Janvion, Battiston, Santini, Platini et Rep, soit du très lourd pour commencer.
Ses débuts plaisent à France Foot qui lui octroie la note de 4 étoiles. On devra encore attendre avant de voir vraiment Pascal : il ne joue plus en équipe première le reste de la saison, joue 4 matches la saison suivante, puis 8 en 1982-1983, marquant 1 but et délivrant une passe décisive. A 20 ans, Pascal cumule 13 matches de D1, dont 10 comme titulaire.
Beau gosse, le Pascal !
La saison suivante commence sur les mêmes bases : il faut attendre la 17ème journée pour voir à nouveau Pascal, il joue 4 matches et retourne en réserve. En fin de saison, on le verra à nouveau davantage : il joue 10 des 12 derniers matches et commence à se faire une petite réputation. Il excelle notamment contre Lens (3-1) et cumule 38 étoiles France Football jusqu’à la fin de la saison, ce qui atteste a minima qu’il s’était alors fait remarquer.
En 1984-1985, il commence enfin une saison dans la peau d’un titulaire – façon de parler, en fait il n’était dans la peau de personne d’autre que lui-même, ça serait illégal et ça se serait vu. Et ses débuts sont coquets : après 12 journées, Pascal cumule déjà 3 buts, 1 passe dé, 2 pénos et 1 coup-franc provoqués et transformés. Son sommet, il ne l’a pas encore vécu. En 16ème de finale de Coupe de France, Lille joue Bordeaux, champion en titre et qui sera encore champion cette saison-là. Lille s’incline logiquement (3-1), mais conserve un maigre espoir en marquant 1 but grâce à une passe décisive de Pascal. Au retour, Lille encaisse vite un but, ça semble mal barré. Lille reviendra à la hauteur des Bordelais, puis l’emportera en prolongation : 5-1, et Pascal est à l’origine de trois des buts (dont deux passe dé) grâce à ses centres et à ses corners. Lille sera éliminé en demi-finale et Pascal jouera un rôle majeur. Il n’a alors que 21 ans.
Il confirme les deux saisons suivantes, jouant 50 matches de D1 pour 5 buts et 9 passes décisives. A pas encore 24 ans, Pascal est l’un des chouchous de Grimonprez-Jooris. Comme son frère, il quitte le club en 1987, lui pour Auxerre, l’étoile montante du foot français. L’un et l’autre sont lassés d’être stigmatisés par la presse locale pour leur excès d’agressivité et se sentent désignés comme les boucs émissaires de l’important nombre de cartons reçus par le LOSC. Du reste, ils n’ont pas tort : Pascal et lui n’écopent que de 5 des 47 cartons reçus par Lille, quand Desmet en reçoit 10 et Thomas comme Lacuesta 8.
Il débute comme titulaire à Auxerre, fait ses débuts en Coupe d’Europe où il se blesse gravement. Il revient plus de 6 mois plus tard, mais semble ne pas avoir retrouvé ses moyens : il rejoint alors Laval en 1988 après 14 matches, 0 but, 0 passe avec Auxerre. Note que, en parallèle, son frère Stéphane, partit lui à Strasbourg, se pète les ligaments croisés et rate presque toute sa saison. Il se remettra mieux que son Pascal de sa blessure.
A Laval, il ne retrouve pas la totalité de ses moyens et ne dispute que 15 matches dont 10 comme titulaire, échappant au passage au carton pris par les siens à Lille (8-0). La saison suivante, il renoue – comme Franck – avec le but en marquant 2 fois en 11 matches de D2 (dont 4 petites titularisations et un total de 426 minutes de jeu). Il lui avait fallu plus de trois ans, son dernier but remontant au 13 décembre 1986 lors d’un carton du LOSC contre Sochaux (6-0). En 1990, Pascal est très loin de son niveau du LOSC. Il part alors pour Pau en D3 et n’a pas encore 27 ans.
A Pau, il approchera à nouveau le monde pro, mais sans l’atteindre : en 1992-1993, lui qui anime le jeu palois avec l’autre ancien lillois Jean-Pierre Meudic, termine premier de son groupe de D3. Jusqu’à la saison précédente, cela signifiait la montée en D2. Mais avec la réforme, seuls deux des 6 premiers montent en D2. Deuxième de sa poule de trois équipes, Pau et Pascal échouent d’un rien.
Il reste à Pau jusqu’en 1995 (et non 1994 comme l’affirme la plupart des médias à la solde du complot contre le LOSC et donc, indirectement, contre Pascal) dans une équipe très lilloise sur sa fin. Enfin, lilloise, ça il ne le sait pas encore Pascal : certes, son entraîneur est Slavo Muslin son ancien coéquipier de Lille, mais surtout, sur le terrain, plusieurs de ses coéquipiers viendront jouer ensuite à Lille : Bob Senoussi (1997-1999), Laurent Peyrelade (1997-2001) et Fred Viseux (1998-2000).
On le reverra à Lille, notamment vers 2000 à l’occasion du jubilé commun à lui et à son frère Stéphane. Le fameux « jubilé des frères Plancque ».
Posté le 19 janvier 2016 - par dbclosc
A la recherche du Walquir perdu
Je ne sais pas si tu as remarqué, mais il y a tout un tas de joueurs qui, à leur simple évocation, engendre un petit sourire narquois, genre « ah, ouais, lui, eh ! eh ! ». Mais il y a quelque chose d’un peu vache là-dedans et surtout de très relatif à l’expérience qu’en ont chaque supporter et aux souvenirs, représentations déformées et se déformant, qu’ils en ont.
Walquir Mota, au moins pour les vieux supporters du LOSC comme moi, est le genre de ces joueurs qui font sortir ce sourire narquois (« ah, ouais, lui, eh ! eh ! : ah ! merde, j’m’étais promis de me retenir). Je voudrais un peu revenir sur lui (enfin sur son cas, hein) pour montrer toute la vacherie des jugements lillois portés à son encontre.
Walquir Mota, né en août 1967 dans la riante cité de Patos de Minas, quitte son Brésil natal pour un petit club allemand. Là où Olivier Hatton ambitionnait de jouer au Brésil, Walquir a plutôt des rêves de conquêtes d’Europe. En 1987, il part pour Mulhouse, sans jamais jouer avec l’équipe première. Ceci étant, j’arrive à douter de la véracité de cette information, puisque mes archives, pourtant fort riches, ne trouvent pas mention d’un seul match joué par lui, même avec la réserve en D3. Peut-être jouait-il à l’époque avec le surnom de « Djordjevic » ce qui expliquerait bien des choses, car on sait que les brésiliens aiment bien les surnoms. C’est même à ça qu’on les reconnaît. Bref …
Il part ensuite à Rodez, où il marque 6 fois, puis, en 1989, à Beauvais où il score à 9 reprises sa seconde saison. Inévitablement, Tours lui fait les yeux doux. Il y signe en 1991.
Et là, c’est le moment de gloire de Walquir : 18 buts en 31 matches, deuxième buteur de son groupe de D2 derrière l’inévitable Jean-Pierre Orts (formé à Lille soit dit en passant). Les gros se pressent pour le faire signer. En fait de gros, pour être précis, le LOSC avait envoyé certains de ses émissaires, lesquels étaient pourvus de quelque embonpoint. Non, non, ni l’OM, ni Monaco n’ont essayé de le débaucher. Il signe à l’été 1992, il n’a pas encore 25 ans.
A Lille, son nom est associé à l’échec offensif de Lille : 0 but, en 22 matches, titulaire lors du début de saison 1992-1993, celui au cours duquel Lille avait marqué 5 buts après 17 matches … forcément, typiquement le joueur dont l’évocation t’arrache un petit sourire narquois. Surtout qu’on y a cru au départ : pas mal de buts en matches de préparation dont un doublé lors de la victoire (6-0) en finale du Challenge Emile Olivier.
Quand Mota a vu qu’on le mettait avec les défenseurs et le gardien sur la photo de l’équipe, c’est là qu’il s’est rendu compte qu’on n’avait pas trop confiance en lui.
Mais bon, Walquir, c’est du coup un peu le bouc émissaire idéal. Un avant-centre qui ne marque pas, tout de suite ça fait tâche. Alors, arrive Pascal Nouma, le futur crack qui doit alors libérer l’attaque. Et fort de ses 2 buts en 22 matches, on ne peut pas dire le contraire, Pascal a fait mieux que Mota, 0 but en 18 matches. Mais en même temps, est-ce qu’il a vraiment été si mauvais Walquir ?
Pas de but certes, mais Walquir n’a peut-être pas été si mauvais que ça à l’époque. En lisant des France Football de l’époque, je constate qu’il avait de bonnes notes. Non pas que je sois un fervent croyant dans l’ « objectivité » des notes, mais bon, elles traduisent au moins une perception de certaines personnes, en l’occurrence les journalistes qui sont venus voir le match. Petite précision pour les jeunes : en 1992, la notation n’est pas la même : un 5 d’aujourd’hui, c’est 3 étoiles de l’époque ; un 4 de l’époque ça correspond à 6 et un peu plus aujourd’hui ; un 5 étoiles, ça équivaut à un 7 ou un 8 d’aujourd’hui. Les 6 étoiles, à l’époque, il y en avait 5 par championnat, soit à peu près ce que vaut un 9 maintenant.
Et bien, le Walquir, pour les 9 matches sur 13 dont j’ai retrouvé la trace, il est bien évalué : 1 fois 5 étoiles, 4 fois 4 étoiles, 4 fois 3 étoiles, soit une moyenne de 3,67 ce qui n’est franchement pas mal. Je ne dis pas « pas mal pour un avant-centre qui ne marque pas un but », mais pas mal par rapport à la norme des joueurs.
Après 15 journées, la carrière lilloise de Mota est pourtant finie. Ça donne un peu l’impression qu’il n’a pas eu de seconde chance : lors des 61 journées suivantes, étalées sur un an et demi, Mota n’est titulaire qu’une fois, et rentre 6 fois de plus en cours de jeu. Avec la réserve, il s’éclate : 10 buts au cours de sa seconde saison au club, là où Lionel Messi et Cristiano Ronaldo restaient muets.
Walquir s’en va en 1994 pour Valence, et continuera une carrière des plus honorables en D2. C’est surtout à Niort (1995-1998) qu’il se fera encore remarquer, claquant 31 buts en 3 saisons, dont 17 la première.
Si tu es sage je te ferai part bientôt d’un bon truc pour te débarrasser d’un ami dépressif trop encombrant en lui organisant un anniversaire surprise.
Posté le 12 décembre 2015 - par dbclosc
Mon cher Hervé Renard …
Cher Hervé,
Récemment, dans l’émission J+1, tu as déclaré « Vous savez, moi qui ai voyagé un petit peu – ça va choquer les gens, mais c’est important de le dire – si tu passes dans la rue avec une Bentley, il y a certains pays où on va dire, « je veux tout faire pour obtenir cette voiture. J’ai cette ambition ». En France, on va dire, « regarde-moi ce connard, comment il a fait pour se payer cette voiture-là ? Il se la pète ». C’est ça le problème de la France. Je ne peux pas l’expliquer, parce que la France est un pays fabuleux, en terme d’histoire, de géographie, de monuments historiques, mais les Français… c’est dommage qu’il y en ait beaucoup en France.»
Je t’avoue, ça ne m’a pas beaucoup plu comme déclaration. Qu’on soit clair, la légère animosité que je nourris à ton encontre ne doit rien à ton échec avec mon club de cœur. Certes, le LOSC avec toi comme entraîneur, je pense que c’est le plus chiant qu’on n’ait jamais eu. Mais pour être tout à fait sincère, je ne suis même pas sûr que tu aies vraiment une responsabilité majeure là-dedans.
Hervé Renard, chenapa
Par contre, tes propos ben, en fait, si t’avais pu les garder pour tes potes, ça aurait pas été plus mal. Comprends-moi, Hervé, ta petite phrase, elle est un peu agaçante. A t’entendre, avoir une Bentley ça « devrait » être le but de chacun. Ça me fait un peu penser à Jacques Séguéla qui disait que si à cinquante ans on a pas de Rolex, c’est qu’on a raté sa vie. Ben, vois-tu, en fait, une Bentley je sais pas à quoi ça me servirait franchement. J’ai essayé de me torcher le cul avec une fois, et ben franchement, c’est pas pratique. Sinon, à part ça, si j’ai du fric à dépenser, ça me viendrait même pas à l’idée d’acheter une Bentley. Ni une Rolex. Et au regard des critères de Séguéla, à 50 ans, c’est sûr j’aurais raté ma vie.
Et puis quand tu reprends tes généralités à la con sur les Français, tu leur attribues de dire à propos d’un gars en Bentley « qu’il se la pète ». Entre nous c’est vrai, non ? Franchement, une Bentley, à part à se la péter ça sert à quoi ? Tiens, d’ailleurs, tes propos montrent que tu n’as visiblement pas compris un truc. Je vais te l’expliquer, mais concentre-toi bien, c’est le genre de raisonnement dont tu n’as pas l’habitude, donc ça peut piquer : en fait, si je suis ton raisonnement, tout le monde devrait avoir l’ambition d’avoir une Bentley. Tu te rends compte que c’est impossible que tout le monde en ait une, n’est-ce pas ? Et, au-delà des conséquences écologiques que ça aurait, tu te rends compte que si tout le monde en avait une, et ben, précisément, les gens « plein d’ambition » comme toi, ça les intéresserait plus, puisqu’en fait le propre de l’ambitieux c’est d’avoir mieux que ce qu’ont les autres ?
C’est marrant, quand t’es arrivé, je sais pas pourquoi, je me disais « ce mec a l’air humble, ça me va bien pour mon LOSC ». En fait, ça m’a pas l’air bien sûr tout ça. Ouaip, toi aussi tu fais partie de ces footeux qui vivent en vase clos et qui n’ont pas un gramme de sens critique sur ce qu’ils font et sur leur milieu. Donc, pour toi, les petites gens qui n’aiment pas les mecs en Bentley qui « se la pète[nt] », ça doit être des aigris, des gens sans « ambition ». Bah, désolé de manquer de cette superbe ambition, mais, franchement, je te la laisse sans regret.
Bisous.