Archive pour la catégorie ‘Donne-nous des nouvelles …’
Posté le 6 septembre 2017 - par dbclosc
Toni-truant Verel. Sur la carrière d’Engin Verel
A l’été 1981, arrive en provenance d’Anderlecht un milieu de terrain turc nommé Engin Verel. « Angine » et « Vairelles ». Une maladie et un Lensois. Redondance diraient les plus hargneux d’entre nous. Et, voudrions-nous ajouter, on se demande comment l’officier d’état civil a pu accepter ça sans broncher. Surtout le nom de famille. Bref, Engin Verel n’avait a priori pas grand chose pour plaire aux Lillois, même si, quant au nom de famille, on ne le savait pas encore en 1981 quand il signe. Ce qui est d’autant plus vicelard.
Un talent précoce
Né le 15 septembre 1956 à Istanbul, Engin Verel se révèle précocement au football. Formé dans le petit club de Davutpasa, Engin est repéré par le grand Galatasaray avec lequel il signe en 1973. Il débute très rapidement avec l’équipe première au milieu de terrain club turc et attire le regard du sélectionneur national. Il n’a encore que 17 ans et 7 mois quand il dispute son premier match en sélection à l’occasion d’une belle défaite des Turcs en Bulgarie (5-1) le 8 mai 1974 lors de la Coupe des Balkans. Encore titulaire avec Galatasaray la saison suivante, Engin l’est également avec la sélection alors qu’il n’a encore que 18 ans. Deuxième du championnat à l’issue de la saison 1974/1975, il est transféré pendant l’été au Fenerbahçe, champion au cours des deux dernières saisons.
Le 1er octobre 1975, il fait ses débuts européens en coupe des champions contre Benfica, pour une victoire de prestige (1-0) et Engin marque le seul but du match. Victoire toutefois légèrement insuffisante après les petits pépins rencontrés au match aller (défaite 7-0). Cette saison-là, le Fener abandonnera le titre à Trabzonspor, comme la saison qui allait suivre, réaffirmant le statut de Poulidor du football turc d’Engin Verel. Il rompt avec ce statut la saison suivante, reprenant le titre à Trabzonspor, puis, remportant la coupe de Turquie la saison suivante. Arrive alors l’été 1979, Engin a alors 22 ans et déjà 23 sélections au milieu de terrain de l’équipe de Turquie.
Engin Verel, lors de sa participation au stage « Aldo Maccione » (1976)
Le plus souvent milieu de terrain, Engin joue parfois attaquant. C’est par exemple le cas le 1er août 1976, lors de la victoire des siens en coupe d’Istanbul contre Adnaspor, rencontre au cours de laquelle il marque quatre buts, dont trois en 14 minutes à la manière de notre bon vieux Matt Moussilou contre Istres une petite trentaine d’années plus tard. D’ailleurs, ses talents de buteur, Engin n’en a fait la démonstration que de manière relativement épisodique et, caractéristique particulière, de manière beaucoup plus nette en coupe qu’en championnat. Avec Galatasaray et Fenerbahçe, Verel ne marque ainsi que 17 buts en 146 matches de première division turque entre 1973 et 1979. Ses statistiques offensives sont en revanche nettement plus coquettes dans les autres compétitions : 14 matches et 6 buts en coupe d’Istanbul et 33 matches et 12 buts en coupe de Turquie.
Les difficiles débuts à l’étranger
Selon les médias turcs, c’est en 1979 que Engin signe son premier contrat à l’étranger. C’est de toute évidence une erreur, puisque la Turquie c’est à l’étranger et qu’il joue déjà en pro depuis plusieurs années. Bref, il signe au Herta Berlin, 14ème de la Bundesliga la saison précédente connaissant le deuxième championnat étranger de sa carrière. Las, son club est relégué à l’issue de la saison 1979/1980, échouant à la 16ème place, à égalité de points avec le Bayer Uerdingen mais avec un goal-average déficitaire de deux buts. On ne peut pas dire que cette descente doive grand chose aux mauvaises performances d’Engin : titulaire au milieu de terrain pour les deux premiers matches, il disparaît ensuite de l’équipe première, se contentant ensuite de trois nouvelles entrées en jeu, d’ailleurs semble-t-il peu convaincantes.
La seule preuve existante qu’Engin a été joueur du Herta
La saison suivante, Verel part se refaire une santé à Anderlecht. Raté. Aucune titularisation, et quatre petites entrées en jeu, dont une en coupe de Belgique. Le Turc est prié de faire ses valises : dès le mois d’avril 1981, il trouve preneur et signe à Lille. Quand il arrive chez les Dogues, pour la saison 1981/1982, on ne sait pas trop quoi penser du joueur. En deux saisons en Allemagne puis en Belgique, le joueur n’a cumulé que 9 rencontres en club toutes compétitions confondues, et n’a plus été titularisé depuis le mois d’août 1979 si ce n’est une fois, en sélection, le 22 décembre 1979. De lui, on ne connaît finalement que la réputation d’un joueur volontiers râleur et se prenant parfois des cartons inutiles. Il bénéficie cependant aussi d’une certaine polyvalence, pas inutile dans une équipe qui vient de perdre son trio d’attaque Cabral-Pleimelding-Olarevic et qui ne dispose plus de véritables attaquant si ce n’est Pascal Françoise.
Trouve Engin sur cette photo
Des débuts tonitruants
Depuis les démêlés judiciaires de Tony Vairelles, on connaît « Tony Truand Vairelles ». Bien avant, au LOSC, on avait connu « tonitruant Verel ». Dès la première journée de championnat, Engin verel est titulaire en attaque, aux côtés de Jean-Paul Delemer et du nouveau venu en provenance de Lens, Pascal Françoise. D’entrée, Engin semble montrer qu’il est une bonne pioche, ouvrant son compteur but contre Brest (1-1). Dès la deuxième journée, il montre également que sa réputation de joueur se prenant des cartons n’est pas usurpée, se faisant déjà expulser bêtement.
Verel s’affirme cependant rapidement comme un pion essentiel de l’attaque lilloise. Pour son retour lors de la 5ème journée, il plante un doublé contre Nice (5-0). Il marque encore à Nantes, pour une victoire de prestige (2-1), encore une fois contre Montpellier (6-1). En 6 rencontres disputées, il a déjà inscrit 5 buts et a joué un rôle fondamental dans le beau début de championnat du LOSC, 3ème après neuf journées. Lille prendra même virtuellement la tête du championnat la journée suivante quand Muslin ouvre le score contre Saint-Étienne (10ème minute). Verel marquera encore, mais ne pourra éviter la défaite lilloise (3-4). Il confirme encore qu’il est un redoutable buteur en marquant à Bastia son 7ème but en 8 matches. Ensuite muet contre Tours, Verel se fait cette fois passeur décisif. Verel poursuit à un rythme effréné auquel on ne l’attendait pas et arrive à la trêve hivernale avec un total de 11 buts en 19 rencontres.
Engin Verel, contribuant activement au fort taux de moustaches du LOSC en 1982/1983
Et puis finalement, non, ça va
La suite sera en revanche nettement moins glorieuse pour l’attaquant turc. Après la trêve, Verel ne marquera plus que 2 petits buts au sein d’une équipe en souffrance offensivement : sur les 13 rencontres qu’il débute, Lille reste ainsi muet à 7 reprises.
Sa seconde saison lilloise est particulièrement dégueulasse. Engin marque certes assez vite (pour la 5ème journée, contre Lens, se faisant ensuite expulser suite à son deuxième carton jaune du match, le quatrième en quatre rencontres depuis le début du championnat), mais devra ensuite longuement patienter avant d’inscrire son second : 7 mois et 26 jours pour être précis quand il « sauve l’honneur » lillois en fin de match lors d’une mémorable branlée (4-1). Entre deux, il aura enchaîné 18 rencontres sans inscrire le moindre but. Verel finira alors sa saison avec 2 buts et 3 passes décisives.
A l’issue de la saison, Verel retournera là où il a connu ses plus belles heures de gloire, à Fenerbahçe où il jouera trois nouvelles saisons. Parti comme titulaire, il retrouve rapidement le banc des remplaçants. Engin n’a cependant pas tout perdu de ses bonnes habitudes lilloises : par exemple, contre Kocaelispor, il entre en jeu à la 63ème minute, se prend un premier carton à la 74ème puis un second à la 80ème. Bravo, on n’aurait pas fait mieux.
Engin remportera un dernier titre de champion de Turquie, en 1985, puis prend sa retraite footballistique l’été suivant. Il n’a pas encore tout à fait trente ans.
D’Engin Verel, à Lille on retiendra un nom qui, avec le recul, ne nous paraît pas très sympathique. On retiendra aussi un attaquant, tantôt buteur, tantôt créateur qui aura un temps tiré le LOSC vers le haut. On retiendra aussi un sacré caractère et des performances globales au final très mitigées. On retiendra, enfin, une photo de lui, devenue plus ou moins célèbre, quand complètement à poil dans le vestiaire lillois, il serre la main à Pierre Mauroy, alors premier ministre.
»Je vous félicite pour votre quéquette Monsieur Verel ! »
Posté le 24 août 2017 - par dbclosc
Rachel Saïdi : « Le LOSC forme aussi bien des joueuses de haut niveau que les femmes de demain »
En lecteurs attentifs que vous êtes, vous aurez remarqué qu’on parle beaucoup du LOSC sur ce site. Nous faisons même l’hypothèse audacieuse que c’est la principale raison pour laquelle nous sommes lus. Mais le LOSC, c’est aussi une section féminine, dont l’équipe première est montée en première division à l’issue de la saison dernière : on avait même rédigé les comptes-rendus des 2 matches contre La Roche-sur-Yon auxquels nous avons assisté, le premier ici, et le second à rejouer ici. Et si nous nous sommes contentés de ces résumés de matches, c’est précisément parce qu’on connaît moins l’équipe féminine : non professionnelle, moins « bling-bling », moins médiatisée, ces facteurs s’alimentant les uns les autres, c’est quasiment un autre monde. L’équipe est en outre toute récente puisqu’elle est issue d’une fusion d’avec Templemars-Vendeville, alors en D2, en 2015 : on a alors moins de souvenirs à raconter.
Il n’y a pas longtemps, on constatait, si l’on en croit les statistiques que Facebook met à disposition de ceux qui administrent des pages, qu’environ 95% de nos « fans » étaient des hommes. Alors certes, le football, qu’on le pratique ou qu’on supporte une équipe, reste probablement un secteur où les hommes sont largement sur-représentés. Certes1, la quasi-totalité de nos articles évoquent les équipes masculines : à ce titre, on contribue sans doute à amplifier la tendance « masculine » du foot. Mais tout de même, 95%, ça nous a un peu chiffonnés. Remarquez cependant que si nos articles sont rarement dans le feu de l’actualité (de même, notre page facebook et notre compte twitter ne servent ni à relayer la communication officielle du club ni la moindre rumeur de transfert), on s’efforce de retweeter l’actu de la section féminine, histoire de compenser (un peu) sa sous-exposition. Et on n’oublie pas l’anniversaire des joueuses, aussi !
Ce qui se passe au sein de la section féminine n’est donc pas moins intéressant : elle a ses spécificités, dues entre autres aux quelques raisons évoquées ci-dessus, mais est aussi partie intégrante du projet global du LOSC. Les joueuses ont repris l’entraînement fin juillet. Si vous suivez l’intersaison, vous savez que quelques joueuses ont rejoint l’effectif : sur son site, le LOSC fait un bel effort de présentation de ces nouvelles recrues et de la préparation des filles. Se sont jointes à l’effectif : Ouleymata Sarr, une attaquante du PSG ; Charlotte Saint-Sans Levacher, défenseuse d’Arras ; Aurore Paprzycki, milieu de VGA Saint-Maur ; Julie Pasquereau, milieu de l’ESOF ; Anne-Laure Davy, attaquante de Soyaux ; ainsi que Elisa Launay, gardienne de Bordeaux, Héloïse Mansuy, défenseuse du FC Metz et, surtout, Lewandowski. Bon, Camille Lewandowski, mais Lewandowski quand même, attaquante d’Hénin-Beaumont. La présentation de ces trois dernières joueuses est à retrouver ici.
C’est pourquoi, alors que la saison va reprendre le 3 septembre pour les Lilloises (contre Bordeaux), il nous a semblé opportun de parler des filles du LOSC afin de comprendre très concrètement comment la section féminine – y compris chez les plus jeunes donc – s’organisait. Et pour ce faire, nous avons sollicité Rachel Saïdi. Dunkerquoise d’origine, Rachel Saïdi a débuté le football à l’US Tétéghem, puis à Malo. Jusque là en mixité, c’est à Gravelines qu’elle rejoint une équipe féminine en 2003. 6 ans plus tard, elle rejoint la D1, avec l’équipe d’Hénin-Beaumont, puis rejoint Arras, pour une saison, en 2014-2015. Elle est donc arrivée au LOSC au moment de la fusion en 2015.
Mais Rachel Saïdi est également salariée du club, en tant que coordinatrice de la section féminine, des U7 aux U19. Elle nous semblait donc particulièrement bien placée pour nous parler des thèmes que nous voulions évoquer : pêle-mêle, le sentiment du groupe lors de la fin de saison dernière, la préparation de la nouvelle saison, son rôle de coordinatrice au LOSC, la place réservée aux filles dans le club, la manière dont le club s’y prend pour « repérer » de jeunes joueuses, ce qu’est être footballeuse aujourd’hui, les performances françaises à l’Euro et leurs conséquences, l’état du football féminin français en général, et les projets du LOSC à travers sa section féminine.
On va commencer avec la saison qui s’est achevée, avec la montée en D1. Comment, globalement, tu as vécu la saison ? Est-ce que c’était l’objectif ou est-ce que c’était « simplement » l’ambition ?
C’était plus une ambition, parce que l’objectif du club et du staff, c’était le podium. Ce n’était pas forcément l’accession directement. La section féminine au LOSC est très récente : on entre maintenant dans la troisième année d’existence. On a fusionné avec Templemars qui était déjà en D2, donc c’était plus facile aussi d’atteindre l’élite plus rapidement. J’ai connu la D1 avec Hénin et Arras et le fait de finir – comme je suis en fin de carrière – mes dernières années en D1, c’était l’objectif. Après on ne voulait pas se précipiter, mais on savait qu’on aurait les moyens qui nous permettraient de monter rapidement. On est toujours restées vigilantes et on a eu de la chance parce que les choses se sont bien goupillées : le recrutement a été bon, même si ce n’était pas forcément des joueuses qu’on connaissait sur le plan mondial. Finalement, la mayonnaise a pris très rapidement.
« La saison dernière, il y a eu beaucoup de frustration et de colère à l’égard des instances »
Cette fin de saison qui a quand même été particulière… On suppose qu’il y a quand même dû avoir une inquiétude quand le match contre La Roche-sur-Yon a été rejoué ?
Il y avait plutôt de la colère, de la frustration, parce qu’on pensait qu’on méritait vraiment cette montée, car on avait été presque régulières sur la saison, même si à l’extérieur on a été moins performantes qu’à domicile. Mais ce qui m’a le plus frustrée, c’est que ça a été remis en question par rapport à une joueuse qui n’a pas fait la totalité de la saison avec nous, qui a fait quelques matchs. Il y a eu beaucoup de colère en fait par rapport aux instances. Ce n’est pas la première fois qu’il y a des petits couacs comme ça, mais voilà, il fallait se remobiliser rapidement et dire qu’il restait 90 minutes ! À Arras, on aurait déjà pu éviter tous ces problèmes, mais on n’a pas su faire la différence lorsqu’on avait encore les cartes en main2, et c’est de notre faute.
C’était une saison qui était assez longue. On était toutes fatiguées mentalement. Et au final, on a eu surtout un public derrière nous… On a eu des parents de joueuses, notamment chez les U9, très présents ! On a fait des animations avant, etc, pour vraiment toucher du monde. Et l’engouement qui s’est créé, ça nous a vraiment touchées émotionnellement, et c’est pour ça qu’on a réussi à aller chercher la victoire !
Une des recrues, Julie Pasquereau, vient de La Roche : vous en avez parlé avec elle ?
On l’a vannée ! Quand elle est arrivée, on a commencé à la chambrer ! Mais Julie a une très bonne mentalité : aucun souci ! Elle a dit qu’on avait mérité cette montée-là.
« En D1, nous serons mises à rude épreuve dans l’impact athlétique »
Vous avez repris l’entraînement fin juillet, le championnat reprend début septembre. À quelle fréquence ont lieu vos séances d’entraînement, et comment s’organise la préparation ?
On a un entraînement quotidien : du lundi au vendredi, et parfois le samedi. Ça dépend si on joue à domicile ou à l’extérieur. 5 matchs amicaux sont prévus, le premier match amical s’est déroulé hier [dimanche 13 août, victoire 3-0 contre Rouen]. On enchaîne mercredi, dimanche prochain, mercredi prochain, re-dimanche prochain3. On a pas mal de matchs amicaux, y compris contre des garçons : c’est un choix de l’entraîneur parce que, dans l’impact athlétique notamment, on va être mises à rude épreuve et bousculées par rapport à la D2. Donc même les séances sont orientées sur l’aspect athlétique, en termes de force de duels. On beaucoup travaillé en salle de muscu. On y a accès tout le temps. Avec Hicham, le préparateur athlétique, on a un gros travail de renforcement haut et bas de corps. C’est différent de l’époque où on était en D2.
Le club a recruté à toutes les lignes, notamment une gardienne de but, Elisa Launay. Elle vient pour être n°1 ?
Oui, c’est dans les propos du coach. Il a été clair avec les deux gardiennes, parce que c’est vraiment un poste délicat. Donc il y a une n°1, Elisa Launay, et une n°2, Floriane Azem. Mais Floriane dispose des mêmes conditions de travail qu’Elisa. Elles ont des spécifiques, et parfois elles vont à Luchin pour faire des séances supplémentaires. Ce sont les mêmes conditions de travail, mais une hiérarchie a été établie.
Sans Gregory Wimbée, qui est parti avec la réserve masculine.
Oui. On a cette année Philippe Maréchal, qui a entraîné pendant très longtemps Hénin-Beaumont en D1, qui est aussi chez les garçons à Arras. Et en plus, le jeudi matin, les gardiennes sont avec Jean-Pierre Mottet, l’ancien entraîneur des gardiens des pros garçons, et Pierrick Mottet.
Elisa Launay, nouvelle n°1 dans les buts
On suppose que dans un premier temps, l’objectif sera le maintien, même s’il y a déjà quelques joueuses qui ont connu la première division. Il y a eu pas mal de recrues, principalement venues de France cette fois-ci, et pas de recrues venues de Belgique comme il y a pu avoir l’année dernière. Comment ça se passe le recrutement dans un club, dans une section féminine ? Parce qu’évidemment, les moyens sont pas du tout les mêmes… Est-ce qu’il y a des recruteurs qui sont présents à temps plein ?
Au LOSC, pour l’instant non. Il n’y a pas de recruteur à temps plein sur la section féminine uniquement. Par contre, depuis la saison passée, les recruteurs des équipes jeunes garçons ont pour mission de signaler aussi les filles qu’ils croisent sur les terrains d’U7 à U15. C’est une richesse qui nous permet d’avoir un répertoire des joueuses existantes dans le district et dans la région. S’agissant des séniores, c’est encore différent : on a maintenant les agents qui, eux, démarchent directement le club.
Ensuite, le staff peut s’appuyer sur des vidéos pour analyser certaines joueuses qui les sollicitent ou non. Dans les clubs comme Lyon et le PSG, il doit certainement y avoir des recruteurs chargés uniquement de la section féminine.
Et ces gros clubs comme Paris, Lyon ou Juvisy ont aussi des recruteurs ici en Flandre alors ? Le LOSC n’a pas le monopole sur la région en fait ?
Je sais que Lyon a déjà recruté une joueuse U16 de notre région à l’époque pour son groupe U19 nationaux. Après vous dire qu’il y a des référents chargés d’observer les compétitions des plus jeunes, ça je ne pourrais pas vous dire.
C’est comme Claire Lavogez, qui était à Gravelines, puis Hénin-Beaumont et qui part rapidement à Montpellier en ayant quasiment pas joué en équipe première.
Le top 4 de la D1 est déjà bien armé. Ensuite Claire a été certainement vue lors des matchs en D1 qu’elle a effectué à l’époque avec Hénin.
« D’un point de vue budgétaire, le LOSC est à mi- tableau »
Revenons plus précisément à la vie du LOSC : d’un point de vue budgétaire, où est-ce que le club se place aujourd’hui en première division ?
On a fait un peu l’état des lieux au niveau des budgets l’année passée. Le plus petit budget de la D1, c’est Rodez-Albi. C’est du 300 000, 350 000 € par saison. Mais il y en a qui ont des avantages en nature à côté, il y en a qui arrivent à avoir du travail, des emplois, des contrats via leurs partenaires. Après il y a Guingamp, la fourchette du milieu de tableau de D1, de la 6ème à la 8ème place on va dire, qui sont autour de 500-650 000€. Et après vous avez le top 4, Marseille en remontant jusqu’à Lyon, qui sont à des 1M€. On monte jusqu’à 8M€. On va dire que la différence sur le terrain se fait là aussi. Vous voyez, les chiffres sont différents, donc il n’y a pas de miracle ! Ces filles-là s’entraînent deux fois par jour, parce qu’elles ont l’opportunité de le faire. Nous, on est obligées d’aller travailler. On s’entraîne à 19h30 ici tous les soirs.
Et donc au niveau du LOSC, budgétairement, je suppose qu’on est quand même au-dessus de Rodez, mais on est quand même bien en-dessous du top 4…
Le club a choisi d’être dans le milieu de tableau, tout en ayant comme objectif d’accompagner les joueuses dans un double projet. Elles ont l’opportunité de choisir une formation proposée par le « LOSC Formation », dirigé par Sébastien Pampanay4. Ce choix de fonctionnement permet à l’ensemble des joueuses de pouvoir anticiper l’avenir et de se couvrir sur l’après-carrière.
Le LOSC Formation propose un BPJEPS [Brevet Professionnel de la Jeunesse, de l’Education Populaire et du Sport], une formation en anglais, un DU [Diplôme universitaire] en management de clubs sportifs. Il y a une multitude de formations. L’année passée, Camille [Dolignon] et Charlotte [Sailly] se sont inscrites pour le BPJEPS, elles entament leur deuxième année. Caroline La Villa a fait le DU.
Encore quelques petits soucis de coordination pour Julie Pasquereau, qui entame une célébration de but avant même d’avoir marqué (Photo : Patrick Vielcanet)
« Les conditions de travail sont vraiment optimales »
Oui parce qu’il me semble qu’au centre de formation, pour la section masculine, il y a par exemple la possibilité de passer une licence en deux ans quand on est en réserve.
Tout à fait, c’est la même chose chez les filles.
D’accord, donc vous avez les mêmes conditions.
On est dans les mêmes classes et donc dans les mêmes conditions. On retrouve aussi bien des joueuses que des joueurs du centre de formation.
La section féminine profite un peu du développement du LOSC en général, avec tous ces changements récents, et en même temps peut-être que les filles restent un peu dans l’ombre des garçons. Comment on se positionne dans cet entre-deux ?
Ayant travaillé avec la Ligue et en ayant vécu des années en D1 avec différents clubs, je peux affirmer qu’on est quand même bien aidées ! Les conditions sont vraiment optimales : nous avons accès aux soins médicaux à Luchin et au Stadium, pour les plus grandes ; nous sommes écoutées lorsqu’on a des besoins pour filmer des matchs ; nous mutualisons les moyens sur les actions éducatives pour les équipes jeunes filles et garçons ; nous véhiculons toutes les jeunes joueuses U12 à U18 à partir de septembre pour l’entrée en section sportive…
Après, en termes de communication, je trouve qu’on communique assez bien sur l’équipe première, que ce soit sur les réseaux sociaux ou le site officiel. Frédéric Coudrais prend le temps de nous mettre en valeur.
L’accès aux soins, ça a toujours été le cas, ou c’est une nouveauté depuis le rachat en février ?
L’accès aux soins est quasi inexistant dans les clubs de la région. Ou alors on a une connaissance qui fait qu’on peut aller dans un cabinet, mais on paie de notre poche… Et depuis la fusion entre Templemars et le LOSC, on a eu l’opportunité d’aller aux soins à Luchin en tant que joueuses séniores. Chez les petites, on a un médecin et un kiné référents.
Dès la rentrée 2017 en septembre, on ouvre des sections sportives du collège (à Lavoisier) au lycée (à Jean-Perrin) à Lambersart. Là, on a un médecin et un kiné directement sur les infrastructures. Donc les jeunes filles sont vues le lundi par le médecin et trois fois par semaine par le kiné.
Et alors sur ton cas plus personnel, pour savoir ce qu’être être footballeuse aujourd’hui : tu n’es pas sportive professionnelle, et tu travailles à côté pour le LOSC. Quel est ton parcours professionnel ?
J’ai travaillé 4 ans pour la Ligue du Nord-Pas-de-Calais de foot, notamment pour le développement du football féminin, quand je jouais à Hénin-Beaumont. À la fin de ma dernière année, le LOSC m’a proposé un projet sur 3 ans très intéressant pour un poste de coordinatrice U7F aux U19F nationaux.
Parallèlement, j’ai obtenu mes diplômes d’entraîneur jusqu’au DES [Diplôme d’Etat Supérieur], qui me permet d’entraîner une D1 féminine.
Dans ce métier, on est tout le temps dans le court terme : les contrats d’entraîneurs sont quasiment toujours des contrats à court terme ! C’est un choix de vie. Pour le moment je me concentre sur le travail à effectuer au LOSC, j’essaie d’évoluer dans les missions qu’on m’a données. On verra où ça me mènera.
Ouleymata Sarr, buteuse pour sa première apparition mercredi 23 août contre les U16 de Wasquehal
« Des U7 aux U19, il y a un suivi sportif et un accompagnement socio-éducatif »
En quoi consiste concrètement ce travail de coordinatrice des U7 aux U19 ?
J’ai pour rôle principal de coordonner le bon fonctionnement, la bonne organisation de toutes les équipes jeunes féminines. Je travaille en lien avec les éducateurs sur les contenus, sur la méthodologie. Notre priorité est d’accompagner les joueuses dans leur triple projet : scolaire, éducatif, et sportif ; et aussi de trouver les outils qui vont nous permettre de former à la fois nos femmes de demain mais aussi nos joueuses de haut niveau.
Il y a un label de l’Ecole de Foot Féminin (l’EFF), je suppose que le LOSC répond aux critères ?Est-ce que c’est un label adapté ou est-ce qu’il y a encore des failles au final ? Pour répondre à tous les critères, il y a des choses qui peuvent paraître incohérentes ?
Oui, on est label « Or ». Il y a différents critères, dont l’exigence d’avoir 20 licenciées d’U6 à U11. Donc on peut avoir 2 U6, 3 U9, 15 U11, peu importe, mais il faut en avoir 20. Dans certains clubs, il y a des filles de tous âges, et au final pour constituer un groupe d’entraînement c’est compliqué. Nous, club professionnel, on rencontre moins de difficulté mais ce n’est pas toujours facile de créer un contenu de séance lorsqu’on est club amateur et qu’on dispose de 3 U7 + 6 U9 + 3 U11 : en termes de morphologie, ou au niveau des envies des petites, ce n’est pas la même chose !
Ce qui pose ensuite problème c’est qu’on est obligé de retirer des filles de la mixité pour prétendre rentrer dans les chiffres demandés par la FFF.
Il y a encore quelques axes d’amélioration. Je pense qu’on ne devrait pas obliger mais plutôt valoriser certains points du Label.
Tu as demandé à intégrer les filles dans des championnats avec des garçons. Ça c’est possible jusqu’en.. ?
U15 ! Après, en U16, la joueuse passe en championnat U19 nationaux. Comme on n’est pas encore assez de licenciées, la fédé n’a pas créé de championnat intermédiaire entre U15 et U19. On n’a pas de championnat U17. Donc une U16 est obligée de jouer avec les U17, U18 et U19. Donc il y a quatre années d’âge, parfois c’est assez compliqué. La passerelle est dure. Soit t’es prête à jouer en U19 nationaux, soit t’es pas prête… On apporte des projets de réorientation pour les joueuses qui ne sont pas encore assez armées pour ce championnat.
Et du coup, ce projet de reconversion, est-ce que c’est le but du partenariat avec le VAFF [Villeneuve d’Ascq Football Féminin] ? Qui permettrait éventuellement de donner du temps de jeu à certaines joueuses qui n’auraient pas de temps de jeu au LOSC ?
Oui pour l’instant, on n’a en effet qu’un club partenaire féminin qui est le VAFF. On réfléchit à s’ouvrir à d’autres clubs afin de permettre aux joueuses qui sont dans « l’entre-deux » de pouvoir s’aguerrir ailleurs tout en étant toujours suivies et observées.
OK ! Et donc toi pour piloter, je suppose que t’as passé plusieurs formations. Tu parlais tout à l’heure du DES. Je suppose qu’il y a aussi quelque chose pour piloter des projets hors terrain, il me semble que c’est le CFF4 [Certificat Fédéral de Football 4] ? Donc tu l’as passé ? Est-ce que là aussi c’est le club qui finance les formations, ou c’est toi de ton côté ?
On a Caroline La Villa qui intervient sur le « programme éducatif fédéral ». On réfléchit ensemble sur les actions, et Caroline les présente à David Ménard, qui est responsable de la vie Sportive des garçons du LOSC, et qui gère tout l’accompagnement des joueurs du centre de formation on mutualise donc les moyens avec les garçons, avec le soutien financier du club.
On a vraiment des champs multiples d’intervention : on a travaillé avec les Restos du cœur et les Bouchons d’amour , on sensibilise les joueuses sur la nutrition, l’hygiène de vie, les réseaux sociaux… On a carte blanche pour toutes les actions éducatives et on peut s’appuyer sur le vécu des garçons pour les relations déjà établies.
Et donc ça se rapproche de tes responsabilités à la Junior Association ?
Le principe est le même, en effet. Je tiens à souligner d’ailleurs tout le travail qui a été effectué par Mohamed Kidari pour cette Association.
Au niveau des actions dans les écoles, dans les collèges, dans les lycées, comment ça se passe concrètement ? Est-ce qu’il y a un bon retour, est-ce qu’il y a une aide des parents ? Tout à l’heure tu parlais des parents U9 qui apportaient beaucoup de soutien. Est-ce que les parents sont plus présents que dans les sections masculines, où on a l’impression que ça fait garderie ?
Dans les écoles et les collèges les parents ne sont pas présents puisque les animations se font pendant le temps scolaire. En revanche, en situation club dans le foot féminin, c’est totalement différent. Les parents restent impliqués du début à la fin de la séance, même parfois trop. On a d’autres problèmes à régler par rapport à ça… Mais ils sont très dynamiques dans la vie du club. Pour la réception de la Roche-sur-Yon en D2, Caro avait mis en place des actions et responsabilisé les parents des U9. Ça été un franc succès et, au-delà de la matinée réussie, on a eu ensuite un comité de soutien extraordinaire pendant le match !
L’indispensable Silke Demeyere
« Les prestations de l’équipe de France à l’Euro ont été inquiétantes en vue de la coupe du monde 2019 »
Tu penses qu’à terme c’est possible qu’il y ait un football féminin entièrement pro ? Du moins en première division…
Attention au terme qui peut porter à confusion, car il y a une multitude de contrats possibles pour rémunérer les joueuses mais le statut n’est pas professionnel. Mais je pense qu’il est possible qu’on passe bientôt dans un championnat constitué d’équipes où les filles seront toutes rémunérées et pourront s’entrainer en journée. On a déjà Marseille qui, l’année passée, a fait l’effort. Les filles sont toutes sous contrat même si le montant des salaires est à des années-lumière des garçons !
Quand j’ai quitté la D1 il y a deux ans, il n’y avait que trois-quatre équipes qui avaient des joueuses sous contrat. Maintenant même en D2 vous pouvez trouver des joueuses qui ne vivent que de ça.
Si le club avait pu recruter des Belges l’année dernière, c’est notamment parce que la BeneLeague a été abandonnée. Est-ce que Jana [Coryn], Maud [Coutereels] ou Silke [Demeyere] t’ont parlé de la BeneLeague, et éventuellement de ses bienfaits ? On a vu à l’Euro que les Pays-Bas sont allés au bout et que la Belgique y participait pour la première fois.
Silke me disait que c’était intéressant parce que le niveau de jeu était beaucoup plus élevé que le championnat belge. L’inconvénient, c’est qu’elles avaient un peu plus de route ! Par contre, c’est très coûteux, c’est pour ça que ça a été arrêté. Mais si on prend l’équipe des Pays-Bas, beaucoup de joueuses jouent à l’étranger en fait ! Sur le 11 de départ, on avait la milieu droit qui joue à Liverpool, on avait Martens qui a signé à Barcelone. Mais en tout cas, le retour que j’ai eu de la BeneLeague (par Pauline Crammer qui y jouait), c’est que c’était le top de se retrouver face à des équipes comme l’Ajax, Twente où c’était du très bon niveau.
Puisqu’on parle de l’Euro, on va revenir dessus, et évoquer l’état du foot féminin français de manière générale, et voir plus largement que le LOSC. Comment as-tu vécu l’Euro, qui pour une fois était bien retransmis par le service public ? Il y a eu une bonne visibilité, qui malheureusement a pas été forcément positive, dans le sens où c’était pas très enthousiasmant de voir la France cette année. Et as-tu pu échanger avec Maud et Jana pour savoir comment elles l’avaient vécu de l’intérieur ?
Je te rejoins, j’ai été très surprise du nombre de matchs qui ont été retransmis en clair sur les chaînes disponibles et accessibles à tout le monde. J’ai regardé quasi tous les matchs, à part le groupe de l’Allemagne au premier tour. J’ai été surprise par le niveau des Hollandaises notamment. Les Anglaises aussi ont été vraiment pas mal. Après, concernant la Belgique, on savait que ça allait être dur ! Pour elles, c’était la première qualification. Ce n’est pas un miracle, mais c’est historique. Elles ont fait ce qu’elles pouvaient. Je pense qu’elles peuvent être fières de leur parcours dans cet Euro-là. Maud a fait un bon Euro. Elle a joué latérale gauche, chez nous elle joue en défense centrale. Après Jana, a moins de temps de jeu en équipe nationale parce que Tessa [Wullaert] devant c’est pas trop mal. J’ai trouvé Janyce (Cayman) beaucoup en-dessous de ce qu’elle était capable de faire.
Et qu’as-tu pensé des prestations françaises ?
C’est inquiétant parce que dans deux ans, on est censé recevoir la Coupe du Monde chez nous. Et comme tous les ans, on sort de là avec aucun titre, mais en plus de ça, en comparaison des années précédentes, on a été plus que moyennes. J’ai lu les interviews de certaines joueuses qui remettent en question la philosophie de jeu du coach. Je vois Claire Lavogez parfois qui…
…qui est très cash !
Voilà, qui est très cash ! (rires)
Deux joueuses françaises ont été intéressantes : Henry et Geyoro. Après, je pense qu’il y a des filles qui sont en fin de carrière et sur lesquelles on s’entête à s’appuyer. Il manquait plein de choses, c’était vide en fait. Je préférais regarder un match des Pays-Bas qu’un match français…
Justement, le coach, Olivier Echouafni, est remis en question mais est maintenu par la Fédération. On a l’impression qu’il est un peu là par défaut, qu’il ne trouvait plus de poste dans le football masculin, qu’il débarque dans le foot féminin sans qu’il ait d’expérience particulière dans la détection de joueuses. L’impression qu’on a, c’est qu’il y a des gens qui travaillent pour lui, qui lui disent « telle joueuse est suffisamment intéressante pour être sélectionnée », mais qu’il a aucune idée de ce qui se passe.
Je ne le connais pas du tout personnellement, mais c’est vrai que le choix de ce sélectionneur-là a été surprenant de la part de la Fédé.
Plus généralement, est-ce que c’est pas symptomatique aussi d’une certaine forme de relégation du foot féminin ? Parce qu’on va chercher un mec qui n’a pas fait grand-chose chez les garçons. Même Bergeroo, qui était bien meilleur, mais qui n’avait pas de club à l’époque en fait ! Est-ce que c’est pas le signe d’un manque de considération ?
C’est le ressenti que j’ai eu quand j’ai commencé à travailler pour la Ligue. On mettait des éducateurs qui étaient refoulés du football masculin, et qui étaient parfois incompétents. Il y avait diverses raisons, mais c’était un gros problème dans le foot féminin ! On récupérait des restes du football garçon ! Ça se passait comme ça. Là, je ne sais pas si c’est le cas de la fédé. Pourtant, des entraîneurs en place dans le foot féminin ont fait leurs preuves ! Je pense à Sarah M’Barek de Guingamp, qui était à Montpellier, qui en plus est une femme. Elle disait même dans une interview qu’elle était un peu déçue du manque de considération et qu’on oublie très vite ceux qui étaient dans le foot féminin depuis quelques temps. C’est surprenant. Après, c’est facile de tenir des propos négatifs maintenant puisque l’Euro a été… catastrophique ! Donc on a tous un regard négatif envers ce sélectionneur-là. Après, les raisons réelles on ne les connaît pas, il y a tellement de choses à l’intérieur d’un groupe qu’on peut ne pas réellement juger. Maintenant qu’il est renouvelé, je pense qu’il faut repartir de l’avant, mais je pense surtout qu’il doit faire une revue d’effectif et arrêter de s’entêter sur des joueuses qui ont fait le tour, qui ont fait leurs preuves quand il le fallait.
Mais du coup, au-delà d’un éventuel problème de sélectionneur, arriver en fin de cycle à deux ans d’une Coupe du Monde à domicile, c’est quand même une grosse erreur de la part de la fédération.
Tout à fait. Déjà à l’Euro, je pense qu’il aurait dû remanier son groupe et tourner la page avec certaines. Mais il nous reste quand même deux ans et pas deux mois… il va pouvoir analyser les problèmes rencontrés pendant l’Euro et réfléchir à son effectif.
On a eu l’impression qu’il y avait parfois un retour négatif dans la presse sur le foot à l’Euro : il y a eu beaucoup d’articles sur les gardiennes de but. On a l’impression que les journalistes n’ont retenu que ça, sans mettre en avant ce qu’ils auraient mis en valeur chez les mecs. Là, le crédo, c’était « les gardiennes sont nulles ». On a vu un papier dans Libé, le titre c’était ça : « les gardiennes sont-elles nulles ? ».
C’est récurrent dans le foot féminin. Certains de mes collègues sont toujours surpris des buts marqués en cloche sur des frappes lointaines pas appuyées.
Oui voilà, c’est sur les lectures de trajectoire !
Oui la difficulté vient de cette notion d’appréciation de trajectoire mais aussi de qualité de détente. On n’a pas beaucoup de gardiennes qui vont très haut. C’est dur à entendre, mais c’est vrai : regardez tous les buts de l’Euro !
Tu nous disais précédemment que tu étais en fin de carrière. Tu as été en équipe de France B à une époque, également en équipe de France universitaire. Tu as encore l’espoir de retoucher à ça ou c’est fini ?
Non, c’est fini ! J’ai 29 ans donc dans le foot féminin c’est vieux ! Après oui, j’ai eu la chance de pouvoir goûter à des compétitions internationales grâce à ces sélections-là. C’est bien, c’est riche en tant que joueuse parce que ça vous permet de voir un autre niveau aussi, de voyager ! Mais non, à 29 ans… Mon objectif principal est de me faire ma place dans le 11 de départ pour le 3 septembre et faire une bonne saison pour soit lever le pied en fin de saison, soit dans deux ans.
Un de tes parents est Algérien. La sélection algérienne, ça s’est posé à une époque ?
Oui, l’année passée encore ! Après c’est délicat. C’est un peu complexe. Je me dis « quel est l’intérêt à 29 ans de repartir en sélection ? ». Parce que je n’ai pas envie de rendre une copie comme certaines l’ont fait à l’Euro.
Héloïse Mansuy vient de Metz et porte cette saison le n°27
« Le foot féminin français est en retard sur l’aspect physique »
Pour revenir sur Claire Lavogez : elle a dit il y a deux mois que l’arrivée d’Alex Morgan dans le championnat de France n’était pas une bonne chose, parce qu’elle était là pour six mois, c’était que du court terme, et que du point de vue du temps de jeu, elle prenait du temps de jeu sur des joueuses qui avaient signé à Lyon… On peut être d’accord avec elle, et en même temps, c’est une vraie plus-value pour le championnat, même pour une demi-saison. Qu’est-ce que tu en penses ? Est-ce que c’est une bonne chose pour le foot féminin ?
Je peux comprendre Claire, parce qu’elle fait partie des filles à qui Alex Morgan a certainement pris du temps de jeu. C’est un peu frustrant de se dire qu’on ne va pas avoir de temps parce qu’une fille ne vient que six mois. Après, ça fait beaucoup de bien pour l’image du football féminin en France. Il ne faut pas se leurrer ! Elle a ramené beaucoup de monde sur les contours des terrains de par sa notoriété. Donc ça a été très bien. Pour Lyon aussi, parce que c’est une bonne joueuse avant tout, même si elle fait parler d’elle en dehors. Elle est une joueuse bourrée de qualités.
Alex Morgan s’entraîne beaucoup en individuel, notamment avec un programme qui s’appelle Beast Mode Soccer aux Etats-Unis. Et en mai dernier, Marc Ingla a présenté le projet aux supporters en disant qu’il y aurait un développement en Chine, mais aussi aux Etats-Unis, principalement en ce qui concerne les féminines. Où en est-on de ce projet ?
C’est en cours. On a eu quelques réunions de travail avec différents intervenants. Chez les garçons ça va beaucoup plus vite. Mais c’est en cours.
Le but serait d’envoyer le savoir-faire du LOSC aux Etats-Unis ou au contraire de faire venir le savoir-faire américain en ce qui concerne le foot féminin ?
Non, en fait c’est de présenter la façon de travailler, la méthodologie de travail du football féminin du LOSC.
Et alors comment on convainc un Américain, alors que les Etats-Unis dominent le foot féminin depuis 35 ans ?
(rires) Tout à fait ! Justement, amener une nouveauté, amener du sang neuf, une autre façon de travailler ! Après, c’est pareil pour les garçons en Chine, même si la Chine ce n’est pas le même rendu que le football féminin aux Etats-Unis. Mais c’est surtout apporter une originalité, ou montrer comment fonctionne le LOSC.
Merci à Rachel Saïdi pour sa disponibilité.
Il reste un dernier match amical, ce dimanche 27 à 15h au Stadium, contre Fleury 91 (D1). La reprise du championnat a lieu dimanche 3 septembre, au Stadium, contre Bordeaux.
FC Notes :
1 J’écris « certes » quand je veux, même si la dernière fois c’était deux lignes au-dessus.
2 Suite à la réclamation de La Roche après la victoire 5-1 des Lilloises, le LOSC a été sanctionné de 4 points (les 3 points de la victoire + 1 point de pénalité). Cependant, avant la dernière journée, les Lilloises étaient encore devant et si elles s’imposaient à Arras, elles gardaient la tête. Mais elles ont fait match nul (0-0) pendant que La Roche s’imposait contre Brest (7-1), perdant ainsi la tête du championnat et la montée… Jusqu’à ce qu’il soit finalement décidé que LOSC/La Roche soit rejoué, remettant donc en jeu les 3 points de la victoire que le LOSC avait perdus.
3 Ces matchs se sont déroulés après l’entretien : défaite 0-6 contre les U17 masculins de Croix ; , victoire 2-1 contre Nancy ; victoire 2-1 contre les U16 masculins de Wasquehal ; il reste un dernier match amical ce dimanche 27 à 15h au Stadium, contre Fleury 91 (D1).
4 On peut se référer à cet article publié sur le site du LOSC pour en savoir davantage : https://www.losc.fr/actualites-foot-lille/passez-votre-dipl%C3%B4me-gr%C3%A2ce-au-losc-formation
Posté le 17 août 2017 - par dbclosc
Djezon Boutoille, le LOSC incarné
Formé au LOSC à partir de 1990, Djezon Boutoille a marqué l’histoire du LOSC de ses débuts en pro en décembre 1993 jusqu’à son départ, près de 10 ans plus tard. Son attachement viscéral au Nord – quitte à passer à côté d’une carrière plus prestigieuse ? – l’a conduit à presque tout connaître avec le LOSC, des maintiens-galère à la Ligue des champions, en passant par la descente en D2, les montées ratées, les gros coups de pompe, et la renaissance avec l’arrivée de Vahid Halilhodzic, qui le promeut capitaine pour les valeurs qu’il représente.
Nos enseignants nous disent souvent que lorsqu’on commence un texte, il faut aller du général au particulier : en d’autres termes, partir d’un fait ou d’une anecdote basique qui vient illustrer le fil rouge que l’on va tenter de développer. D’accord, c’est parti. Quelque part en juillet 1999, on venait d’assister avec ma frangine à l’entraînement des joueurs du LOSC à côté du stade Grimonprez-Jooris. Une fois les joueurs rentrés au vestiaire, on se pose devant le pont du petit Paradis, sur un banc, et on fait le bilan (calmement) des autographes qu’on a eus.
Au bout de quelques minutes, une silhouette familière venant du stade traverse le pont et se dirige dans notre direction, à pied. C’est Djezon Boutoille ; ça tombe bien : on l’a loupé dans le flot des joueurs et on a des trucs à lui faire signer. Bon nous, on est toujours un peu intimidés face à un joueur de LOSC pensant que, hors cadre professionnel, on l’embête un peu, mais lui le semble encore plus quand il arrive à notre hauteur. Il est tout gentil Djezon. Il attend qu’on retrouve nos carnets, nos photos, on discute 2 minutes.
_Ah ben t’es à pied ? (question du tonnerre)
_Ouais j’habite rue Sainte-Catherine maintenant, alors bon…
_Oui c’est pas loin ! (réplique de ouf)
_De toute façon j’ai pas le permis moi.
Ah oui, c’est vrai, quand Djezon arrive en voiture à l’entraînement, c’est en tant que passager de Fred Machado. Bon, que retire-t-on de cet échange ? Que Djezon est un mec de proximité et pas très mobile (hormis sur le terrain). Allez, on peut même révéler ce que Fred Machado nous avait confié : « Djezon, il ne quittera jamais le LOSC… Il est trop attaché au Nord, à Calais, et à sa mère ! ». Et ben tant mieux pour nous, parce qu’on l’a beaucoup aimé ce petit bonhomme : disponible, fidèle, et surtout un bon footballeur. Manchester, c’est Ryan Giggs (connard) ; Rome, c’est Francesco Totti ; et Lille, évidemment, c’est Djezon Boutoille : une espèce de vestige tantôt idéalisée, tantôt presque folklorique (de nos jours, une page facebook farfelue lui rend quotidiennement hommage) d’une autre époque, que même ceux qui ne l’ont pas vu jouer connaissent de réputation. Un « Djezon Boutoille », c’est presque un type de joueur, une marque, faisant intervenir des valeurs et des caractéristiques dont les usages sont réversibles.
« Djezon » ?!?
Boutoille, prénom : Jason… Djason… Djeson… Djezon. D.J.E.Z.O.N. Un prénom à l’orthographe complètement improbable, qui suscite encore bien des sourires, sinon des moqueries. Quand on lui demande les raisons pour lesquelles sont parents l’ont appelé ainsi, il répond : « cela vient de ma mère qui aimait particulièrement une série à la télévision. Et puis j’ai aussi une grand-mère d’origine américaine1 ». D’accord, mais si tous les gens qui ont la télévision ou qui ont un ancêtre américain appelaient leur enfant Djezon, ça se saurait ; dès lors, l’explication ne suffit pas. Maman Boutoille était donc une fan fidèle d’une série télévisée dont un héros portait le prénom Jason. Souvent, on évoque Beverly Hills, où le rôle de Brandon Walsh est interprété par l’acteur américain Jason Priestley. Sauf que cette série n’a été diffusé aux Etats-Unis qu’à partir de 1990, et en France à partir de 1993. Or, Djezon Boutoille est né le 9 novembre 1975. On va donc avancer l’hypothèse suivante : la série en question est Jason King, également connue sous le nom Le Mystérieux Jason King, diffusée à partir de 1971 aux Etats-Unis2. Mais l’explication ne suffit toujours pas : de Jason à Djezon, la traduction phonétique du prénom est cocasse. Que la déclaration orthographique à l’état-civil résulte d’une méconnaissance de l’écriture du prénom Jason ou d’un acte délibéré, on peut dire que ce prénom porte les marques des origines sociales de la famille Boutoille. Un prénom tellement surprenant que la Voix du Nord s’y perdra longtemps, comme nous allons l’illustrer.
Du Beau-Marais à Grimonprez-Jooris
Et ces origines, il faut aller les chercher du côté du quartier du Beau-Marais, à Calais. Un quartier étiqueté « ZUP », caractérisé par de grands ensembles de tours HLM, encore considéré par l’INSEE comme le quartier le plus pauvre du Pas-de-Calais en 2015. C’est à deux pas de là, dans le quartier des Cailloux, qu’il tape dans ses premiers ballons : « on était une bande de gamins à jouer au foot, au pied des immeubles. C’est comme ça que j’ai été remarqué par l’Amicale Balzac de Calais. J’ai fait 5 ans au CRUFC et à l’époque, j’avais été sollicité par Lille, mais aussi par Lens, Valenciennes et Dunkerque. Les dirigeants lillois furent les plus convaincants » . En l’occurrence, c’est à Bernard Gardon, directeur sportif, que l’on doit la venue à Lille de ce petit et vif attaquant, dont les qualités sautent aux yeux : rapidité, capacité à dribbler l’adversaire et à s’engouffrer dans de petits espaces.
Djezon Boutoille intègre le centre de formation lillois en 1990 : il a 14 ans et est alors catégorisé en Cadets. Rapidement, ses qualités l’amènent à être appelé en sélection : dès les Cadets 2 (équivalent d’une catégorie entre les U15 et U17 d’aujourd’hui), les portes de l’équipe de France s’ouvrent à lui. En cadets puis en Juniors (U18/U19), il y est entraîné notamment par par Jean François Jodar. Au total, une trentaine de matches en bleu pour une dizaine de buts. Il débute avec la réserve en octobre 1992, contre le PSG, sa seule apparition cette année là. À l’entame de la saison 1993/1994, il en est partie intégrante, en nationale 2. Il est désormais stagiaire 3e année. Si tout va bien, il signera professionnel au début de la saison suivante. En octobre, il inscrit son premier but en senior avec Lille, contre Strasbourg ; 4 buts plus tard, logiquement, Djezon frappe à la porte du groupe professionnel, 2 mois seulement après avoir acquis un statut de titulaire avec la réserve : on a parlé de cette période ici.
Il est désormais en équipe de France des moins de 20 ans : la victoire contre le Danemark en novembre 1993 (2-0) coïncide avec ses premiers pas à l’entraînement avec le groupe pro du LOSC. Il est pour la première fois convoqué par Pierre Mankowski pour le match contre Lyon, le 20 novembre 1993, quelques jours après avoir fêté ses 18 ans. Lille s’impose 2-1, mais Djezon n’entre pas en jeu. Rebelote la semaine suivante à Auxerre : il regarde depuis le banc la déroute lilloise (0-5) : ce n’était probablement pas le meilleur scénario pour lancer un petit jeune. Début décembre, il sort du groupe le temps de deux matches, contre Paris (0-2) puis à Lens (1-1). Il reste un match avant la trêve: l’AS Cannes de Luis Fernandez se présente à Grimonprez-Jooris, et Djezon retrouve le groupe professionnel.
À la 37e minute, Clément Garcia se claque. Le score est toujours de 0-0. Surprise, c’est Djezon Boutoille qui entre, et qui fait donc ses débuts en première division. Surprise car c’est un autre jeune du centre de formation, Antoine Sibierski, qui a pris l’habitude, depuis quelques mois, d’être le bénéficiaire du premier changement offensif de l’équipe lilloise. Cette fois, Sibierski reste sur le banc. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la première de Djezon est réussie : à la 75e minute, pendant qu’entretemps Sibierski est aussi entré, Thierry Bonalair le sollicite pour un une-deux : sa remise est parfaite, et le capitaine lillois ouvre le score d’une frappe à ras de terre à l’entrée de la surface de réparation. Dans la foulée, il est contré au dernier par le portier cannois, Michel Dussuyer. Le LOSC s’impose 1-0. Le lendemain, la Voix du Nord salue la performance dans sa rubrique « on a aimé », décliné en 5 catégories ; à « beaucoup », on peut lire : « la première apparition de Djason Boutoille en équipe première. Il fut souvent dans les bons coups, manquant même de peu d’inscrire son premier but en Division 1 »3.
La formation, l’une des rares satisfactions du LOSC
En ces temps assez moroses à Grimonprez-Jooris, où le spectacle est rare et les entraîneurs nombreux, une seule éclaircie : la formation. Même si Djezon est resté 15 ans à Calais, le LOSC parvient à sortir des joueurs qui, peu à peu, apparaissent en D1 : Oumar Dieng, Fabien Leclercq, Antoine Sibierski, Frédéric Dindeleux, Cédric Carrez (ces trois derniers constituent la « génération 1974 »). Djezon est le plus jeune de tous, mais il est précoce : il commence en D1 deux mois après Fred Dindeleux, avant Cédric Carrez, et bien avant Frédéric Machado, avec qui il n’a que 2 jours d’écart. En matière de jeunes, le LOSC fait de nécessité vertu : en raison des problèmes financiers que le président Lecomte résorbera progressivement, le club vit durant plusieurs saisons avec une masse salariale encadrée et un recrutement limité. Solution possible : puiser dans la réserve et lancer les petits.
Cédric Carrez, Frédéric Dindeleux, Fabien Leclercq, et Antoine Sibierski : rares fiertés d’un club qui survit
De fréquentes apparitions, mais un manque de réussite
Au cours de cette saison 1993/1994, Djezon prend part à 8 autres rencontres, et Mankowski n’hésite pas à faire appel à lui quand le LOSC est mené – le lecteur attentif aura relevé qu’à cette époque, de toute façon, le LOSC menait rarement. Il connaît sa première titularisation en D1 lors de la 31e journée : un Lille/Strasbourg, le 26 mars 1994. Il sort à 5 minutes de la fin, alors que le score final est acquis (1-1). Une semaine après, l’entraîneur lui renouvelle sa confiance, et Lille gagne à Montpellier (3-1). Autre date importante : le 26 avril 1994. Ce jour-là, Djezon Boutoille joue son premier match entier en D1, contre Metz (0-4). Pour sa première saison, Djezon apparaît donc 9 fois, dont 5 fois en tant que titulaire ; des apparitions prometteuses, même si on le sent encore fragile. Cet apprentissage du haut niveau se poursuit durant la saison 1994-1995 avec Jean Fernandez : il apparaît 10 fois avant la trêve, mais seulement 2 fois en tant que titulaire. Et on le voit plus à partir de janvier : il ne réapparaît que pour un match, lors de la 35e journée, à Saint-Étienne : il entre en jeu à la 57e alors que Lille est mené 0-2 ; à l’arrivée, le score est de 3-3 : considérons qu’il y est pour quelque chose. Mais tout de même : après 20 apparitions en D1, Djezon n’a toujours pas marqué… Certes, on est à Lille, et Lille marque peu. Mais c’est embêtant pour un attaquant, car il a des occasions, mais ne les transforme pas. Autant sa combativité, sa rapidité, et sa manière de dribbler sont louées, autant son manque d’efficacité commence à occasionner une petite réputation de vendangeur. À tel point que Fernandez envisage de le prêter la saison suivante.
1995-1996 : la révélation
Les circonstances du début de saison vont favoriser l’éclosion de Boutoille : on en avait parlé, ce nouvel exercice commence de manière bien merdique : un mercato approximatif et 2 points au bout de 9 journées. Le départ de Fernandez, les insuffisances de Pingel, et les entrées en jeu dynamiques de Djezon incitent Jean-Michel Cavalli, pour son premier match à la tête du LOSC, à le titulariser contre Nantes, le champion en titre, lors de la 6e journée. Le matin du match, même la Voix du Nord espérait cette titularisation, avec un article insistant sur ses prestations bien meilleures que celles du Danois. À l’arrivée, devant les caméras de Canal +, un satisfaisant 0-0, et la promesse d’un temps de jeu meilleur pour les jeunes avec Jean-Michel Cavalli : Denquin est entré en jeu, puis Boutoille a été remplacé par Machado. « C’est vrai que j’attendais ce moment depuis un certain temps. Je m’étais fixé 3 ou 4 matches pour gagner ma place dans le onze de départ. Bon, l’échéance a été retardée. Mais ce soir, je suis vraiment satisfait (…) C’est super de voir que le coach n’a pas hésité à aligner plusieurs jeunes en même temps. C’était à nous de prouver qu’il n’avait pas tort. Je crois qu’on s’en est plutôt bien sorti ». Cette fois, la carrière de Boutoille au haut niveau est lancée : il est régulièrement titularisé à domicile. Mais il ne marque toujours pas. Début septembre, dans le derby, alors que Lille mène pour la 1e fois de la saison (il aura fallu attendre 8 journées !), il manque une balle de 2-0, seul face à Gugusse Warmuz, en tirant à côté. Deux semaines plus tard, même s’il est le principal contributeur de la première victoire de la saison contre Le Havre (2-0), il manque encore d’adresse devant le but, et se heurte à un grand Revault. A chaque occasion manquée, Djezon arrache un bout de pelouse.
Le déclic à Auxerre
Le LOSC n’est plus lanterne rouge, grâce à un net regain de qualité de jeu à partir de septembre. Après un nul pas cher payé contre le leader messin (0-0) alors que « Lille méritait la victoire » (dixit Joël Muller), Lille se rend à Auxerre, où il ne s’est pas imposé depuis 13 ans. Auxerre vient de perdre à Paris : ça risque d’être d’autant plus compliqué. Dès la 2e minute, Tasfaout (l’ami de Fernando) reprend victorieusement un corner de Martins : 1-0, ça commence bien. Mais Lille joue bien et se montre dangereux. À la 51e minute, Boutoille remplace Simba. 20 minutes après, le LOSC a renversé la vapeur grâce à… un doublé de Boutoille. Ses deux premiers buts en D1, identiques : remontée de balle, petit crochet du droit, frappe du coup de pied à ras de terre aux 18 mètres, sur la droite et dans le petit filet de Cool. À la surprise générale, Lille revient d’Auxerre, futur champion, avec 3 points.
Le lendemain du match, dans la Voix du Nord du 28 octobre 1995, on alterne entre « Djazon » et « Djezon » : net progrès. « Marquer comme ça mes deux premiers buts en D1… On m’a dit que je ne tentais pas assez, eh bien ce soir j’ai tenté. Et la réussite a été totale. Pour une fois, la chance est avec Lille, on ne va plus la laisser passer. Je suis d’autant plus content d’avoir marqué mes deux premiers buts en D1 que cette victoire est importante pour le club. Tous nos adversaires directs, en effet, ont pris des points. Martigues a gagné, Gueugnon et Cannes ont fait match nul… Nous devons nous concentrer sur notre prochaine rencontre contre Martigues qui sera un match à 6 points ». Commentaire du journaliste : « Belle réaction d’un gamin pourtant soudainement mis sous les feux des projecteurs ! » .
28 octobre 1995 : « Djazon »
« C’est d’autant plus important pour moi que j’avais la réputation de ne pas conclure. En effet, face au but ou au gardien, j’ai souvent peiné dans le dernier geste. Là, Monsieur Cavalli, même s’il estime que je suis encore un peu jeune et qu’il ne faut pas me « brûler » tout de suite comme titulaire, m’a fait rentrer très vite pour apporter de la tonicité à l’attaque. Mes dribbles pouvaient déstabiliser les défenseurs. Je ne me suis pas posé de questions. Le premier but m’a mis en confiance. J’y ai repensé dans les instants qui suivirent. Juste le temps de redescendre de mon nuage, et lorsque je me suis retrouvé seul aux 18 mètres, dans des circonstances encore plus favorables, je n’ai pas hésité ».
29 octobre 1995 : ça y est !
La VDN relate également un extrait du bulletin de l’AJA, rédigé par Serge Mésonès devenu journaliste, intitulé Bien peser le renouveau lillois : « Les Dogues, qui ont la réputation de développer des caractéristiques très britanniques semblent avoir oublié leur entame catastrophique. Qui pourrait ignorer que Collot, Simba, Sibierski, Friis-Hansen, Becanovic et compagnie peuvent constituer un mélange détonant ? » écrit Mésonès. Pleine de facétie, la VDN ajoute : « il ne croyait pas si bien dire. Fallait juste rajouter Boutoille ». Nul doute que, désormais buteur, Djezon est presque incontournable, d’autant que Simba et Becanovic marquent peu. Pardon, ne marquent pas. Le voilà désormais régulièrement titulaire, avec Sibierski pour modèle : « pour nous tous, Antoine est un peu l’exemple à suivre. J’aimerais marcher sur ses traces » ; sa pointure de pied étant plus petite, ça devrait le faire. Au cours de cette saison, il participe à 35 matches, dont 18 comme titulaire, pour un total de 5 buts : une égalisation à Lyon à la dernière seconde (1-1), un but contre Sainté (1-1), puis contre Gueugnon (2-0). Le maintien est acquis de haute lutte, et Boutoille peut légitimement prétendre à une place de titulaire pour la saison suivante.
La descente, mais fidèle au club
Djezon Boutoille est désormais régulièrement appelé en équipe de France Espoirs, entraînée par Raymond Domenech. Il y côtoie, pêle-mêle, Mickaël Landreau, Valérien Ismaël, Ludovic Giuly, Patrick Vieira, Thierry Henry, Robert Pirès ou Sylvain Wiltord. « Je le crois capable d’exploser cette saison » déclare Jean-Michel Cavalli dans L’équipe à l’aube de la nouvelle saison. Apparait, pour quelques années, une banderole « Fan-club Djezon Boutoille » en Secondes. On en a parlé, cette saison 1996/1997 se découpe en 1/3 inespéré puis en 2/3 désespérants. Jusqu’à la fin de l’automne, l’attaque tourne très bien, avec Bécanovic, Banjac, Garcion, Collot, Renou et Boutoille. Sur ses 9 premiers matches joués, Djezon inscrit déjà 4 buts, dont deux permettant des victoires 1-0 (contre Caen et à Cannes). Ce seront malheureusement les seuls de sa saison. Parfois gêné par des blessures, comme ses équipiers, il s’efface dans la seconde partie de saison, même si ses qualités de déstabilisateur de défense perdurent. Logiquement sollicité pour rester en D1, il décline toutes les offres, presque comme s’il était incongru qu’on le sollicite pour jouer ailleurs qu’à Lille.
But de Djezon Boutoille contre Caen, 2 octobre 1996. Juste après, il se fait une belle entorse et manque quelques matches.
En D2, Djezon Boutoille est l’un des rares à être resté 3 ans, sans que sa côte ne soit atteinte ou que son statut ne soit remis en cause par un entraîneur. Dans le même cas, on trouve Patrick Collot, Laurent Peyrelade et Carl Tourenne, puisque même Pascal Cygan n’a pas eu les faveurs de Thierry Froger. Il inscrit successivement 10, 4 et 12 buts durant ces 3 années, avec un minimum de 30 matches joués par saison. Et Djezon est l’unique buteur de la finale du challenge Emile-Olivier durant deux années consécutives, contre Lens et 1997, et Boulogne-sur-mer en 1998. On en a parlé dans cet article et dans celui-là. Mais en D2, il y eut des hauts et des bas.
Beauvais, toucher le fond pour rebondir
Sur la première saison en D2, en 1997/1998, Djezon confirme tout le bien que l’on pense de lui, du moins sur le terrain : 10 buts, des performances bonnes et régulières, la confiance du coach. Il marque de la tête lors du dernier match de la saison contre Sainté (2-1), insuffisant pour remonter. En 1998-1999, on le saura a posteriori, ça ne va pas fort pour Djezon en début de saison. Il n’est titularisé que 2 fois sur les 5 premiers matches de la saison, l’ambiance au sein du club et du groupe lui donnent des envies d’ailleurs. Il envisage de retourner à Calais. Le début de saison est catastrophique : Lille ne compte que 5 points en 5 matches, un rythme bien trop lent pour atteindre l’objectif de montée. Surtout, le jeu est déplorable. Lille marque peu, et Djezon erre sur le terrain. Lors de la 6e journée, le LOSC se déplace à Beauvais, dernier avec 2 points. Thierry Froger joue sa tête, et on peut dire qu’elle tombe sur un coup de main de Boutoille : sur un corner beauvaisien, le ballon va entrer dans la cage de Wimbée. D’un geste désespéré, Djezon repousse le ballon de la main sur la ligne de but. Il est expulsé. Bruno Roux, père de Nolan, transforme le pénalty et Lille ne reviendra pas. Thierry Froger est viré, le LOSC est au plus bas, Djezon est au plus bas. Quand Vahid Halilhodzic débarque à Lille, il met sérieusement en garde son joueur quant à son régime alimentaire. On vous fait part de la rumeur persistante de l’époque : Djezon adore se faire régulièrement des pâtes au Nutella. Une spécialité calaisienne méconnue, sans doute. L’entraîneur explique dans Libé : « il avait pris de mauvaises habitudes. Quand je suis arrivé au club, il avait cinq ou six kilos de trop. Vous imaginez, sur un petit gabarit (1,70 m) comme ça ? À l’époque, Djezon était dans une situation sportive désastreuse. Un miroir de tout le vestiaire, d’ailleurs. Les gars n’avaient plus d’ambition, ni même de conscience professionnelle ». Dans France football du 2 mars 2001, Vahid déclare : « Chaque joueur a une histoire, la sienne est exemplaire. Il revient de loin, de très loin même ! À mon arrivée, j’ai senti que j’avais en face de moi un talent gâché, un peu comme Cygan. J’avais tout de suite remarqué qu’il présentait un petit estomac au-dessus de la ceinture pas trop compatible avec le haut niveau (…) C’est un gars très sensible qui a compris les efforts à fournir pour revenir. Mais il lui arrive de se fâcher assez fréquemment. Une fois, il est même rentré chez lui sans prévenir. Le lendemain, je l’ai prévenu : « Si tu recommences, c’est fini pour toi ici ! » Heureusement il est toujours avec nous ». Il se reprend, même s’il réalise une saison un peu en dessous en termes d’efficacité. Mais un beau but contre Laval :
Et un retour à Calais, en coupe de France, où Djezon se rappelle au bon souvenir de sa ville natale :
« J’entendais : ‘tu vas pas nous faire ça ???’ Bon ben je l’ai fait ». Rien à foutre le Djez’.
Capitaine de la remontée
Et Djezon a à ce point remonté la pente qu’il est nommé capitaine au début de la saison 1999/2000. On est désormais loin du joueur un peu frêle et timide : désormais, il est un leader qui l’ouvre. La vidéo ci-dessous, en début de saison, illustre bien ce qu’il est devenu. Sa nomination comme capitaine n’a d’ailleurs pas été sans poser de questions. Patrick Collot indique : « il était aimé, mais n’avait pas forcément la carrure. C’était pour ses qualités humaines : simplicité, altruisme, fidélité. Des vertus rares dans le monde du football ».

Capitaine d’une formidable équipe, Djezon Boutoille réalise probablement sa meilleure saison : outre le fait qu’il termine meilleur buteur du club (12 buts), ses nouvelles responsabilités le mettent en avant et il s’en sort très bien, notamment devant les médias, et toujours prompt à mettre en avant des valeurs collectives. A l’issue de la saison, il prolonge son contrat de 4 ans. Un beau but contre Lorient ? D’accord :
Même si Vahid pointe un sérieux problème chez Djezon dans la vidéo ci-dessous (« il ne paye jamais le champagne »), sa saison est remarquable, avec en point d’orgue le match qui officialise la montée contre Valence, où il inscrit un doublé et, probablement, son plus beau but sous le maillot lillois, d’un extérieur du pied droit dans le petit filet opposé (en concurrence avec un but qu’il a inscrit à Niort, grand pont puis lob sur le gardien pour une victoire 3-0). Voici le résumé du match, avec les commentaires de Vahid, Djezon et Laurent Peyrelade ; et aussi un résumé de la saison.
Regardez comme il est timide mignon choupi quand il parle et quand Lolo l’embête
Le but contre Guingamp sur Fréquence Nord ? D’accord !
Retour en D1
Plus de 3 ans après son dernier match en D1 (c’était à Lyon, le 3 mai 1997), Djezon Boutoille est titulaire et capitaine pour la réception de Monaco le 29 juillet 2000. Manifestement très en jambes, il apporte régulièrement le danger sur les buts du champion de France, et offre une passe décisive à Bruno Cheyrou.
Sur la confiance qui lui est renouvelée en tant que capitaine, Djezon déclare modestement : « après tout ce que le club m’a apporté, je suis en train de lui rendre un petit peu ». On ne peut pas dire qu’il soit un leader technique, mais son style de jeu et sa pugnacité collent parfaitement à ce LOSC façonné par Halilhodzic : une combativité et un état d’esprit irréprochables. Pas de doute, Djezon Boutoille est le LOSC : « j’ai conscience d’incarner ce club. Et aujourd’hui, j’en suis fier ». Dans un documentaire que France 3 avait consacré à Vahid, Djezon déclarait : « quand Vahid est arrivé, il a dit une phrase qui m’a marqué et qu’il répète souvent : ‘on a le droit d’être mauvais, mais on n’a pas le droit de ne pas se bouger’ ». Et pour illustrer ce propos, on se rappelle son pressing sur le gardien de Sainté à Geoffroy-Guichard : une action a priori anodine, mais qui a mis en difficulté le gardien ukrainien qui dégage en plein sur la tête de Beck, qui marque ; mieux, le derby à Lens en février 2001 : alors que le ballon semble perdu sur une ouverture approximative de Sylvain N’Diaye, Djezon se bat, récupère la balle dans les pieds de Pierre-Fanfan, et trouve Rool aux 6 mètres qui reprend victorieusement. Une agressivité *D’Amico style* mise en exergue par Olivier Rouyer :
Après le match, il faut se rendre à l’évidence : le LOSC est parti pour jouer l’Europe. Mais loin de s’emballer, Djezon a un mot pour les supporters : « sur le long terme, je ne sais pas si on peut rivaliser avec des équipes comme Lyon. On va se réunir pour faire le point, savourer ces bons moments. Ce soir, je suis vraiment heureux, notamment pour tous ces gens qui nous ont suivis ici et qui vont se lever heureux demain matin pour aller travailler ». Malheureusement, handicapé par une blessure, Djezon ne sera pas du sprint final : il joue son dernier match de la saison 3 jours après contre Nantes. Un problème récurrent qui le suivra jusqu’à la fin de sa carrière.
Encore quelques belles apparitions, mais des blessures récurrentes
La dernière saison du LOSC avec Vahid Halilhodzic a sa tête (2001-2002) est plus laborieuse pour Djezon mais, quand il joue, il conserve le brassard. Il joue 3-4 matches, puis en manque 5… Il participe tout de même à la qualification contre Parme, en étant titulaire au match retour à la place de Bassir, puis prend part à 3 matches de poule en Ligue des champions : il manque même de tromper Fabien Barthez à deux reprises à Old Trafford. Reprenant un centre-tir de Bakari sur la transversale, il force Barthez à s’interposer ; puis, dans les arrêts de jeu, il ne lui manque qu’un pointure pour reprendre un centre de Johnny Ecker et égaliser. Il est titulaire au retour à Bollaert. En Europa League, il ne joue qu’à Florence et à Dortmund, entrant en jeu à chaque fois. Et en championnat, il ne prend part qu’à 15 matches : le temps tout de même d’offrir une passe décisive en fin de match à Dagui Bakari, à Lens (1-1), 4 jours après le retour contre Parme ; Djezon inscrit son dernier but en D1 en janvier 2002 contre Bordeaux, d’une tête lobée en dehors de la surface de réparation, probablement le but lillois de la tête le plus lointain de l’histoire (encore plus loin que la tête de Lolo Peyrelade), à une vingtaine de mètres. Pour célébrer son but, Djezon exhibe le maillot de Christophe Pignol, convalescent.

La version audio, pour nos ami malvoyants
Effacement progressif avec Claude Puel
Quand Claude Puel s’installe sur le banc lillois, il semble faire confiance à Djezon, titulaire en début de saison. C’est même lui qui inscrit le premier but lillois de la saison, en coupe Intertoto, à Bistrita. Son dernier but avec le LOSC. Par la suite, toujours diminué par des blessures, Djezon ne joue que des bouts de matches : seulement 16 apparitions en 2002/2003, dont 11 comme titulaire. Difficile dans ces conditions de garder le brassard, qui revient le plus souvent à Grégory Wimbée. La saison suivante n’est guère meilleure : souvent blessé, il joue 9 matches, dont seulement 4 comme titulaire. Puel ne s’oppose pas au départ d’un de ceux qui a symbolisé les années Vahid, un bien lourd héritage à assumer. Deux ans auparavant, Djezon s’interrogeait : « Partir? Il faut réfléchir énormément. Je sais que j’aurais du mal à m’exprimer dans un environnement qui ne me convient pas, je ne me vois pas évoluer dans un club ou les gens ne se disent pas bonjour le matin et où l’on parle dix langues différentes dans les vestiaires ». Il est désormais temps d’envisager sérieusement un départ : seulement 336 minutes jouées en une demi-saison, c’est bien trop peu. La confiance avec Puel n’est plus là, les blessures réduisent Djezon à un rôle de figuration, et sans doute n’a-t-il plus son niveau d’antan. Son contrat est résilié lors de la trêve hivernale, et Djezon s’engage libre à Amiens, en Ligue 2, sous les ordres de Denis Troch, qui n’achète jamais, comme son nom l’indique.
Djezon participe à une fin de saison correcte des amiénois, jouant régulièrement et marquant 2 fois. La saison suivante est de nouveau en dents de scie : tandis que Lille retrouve les sommets, Djezon disparaît de la circulation en janvier 2005, trop gêné par des blessures qui se répercutent sur ses performances. Djezon joue son dernier match professionnel à Grenoble : il a alors pour coéquipiers Mickaël Debève et Cyrille Magnier : affreux ; mais aussi un ancien de Lille, avec qui il a même joué en D1 : Jean-Marie Stéphanopoli.
Retour à Calais
Au printemps 2005, un an et demi après son arrivée à Amiens, Djezon, sur la pente descendante retourne à Calais (et ce alors qu’il faut plutôt remonter du coup). C’est la fin d’une carrière professionnelle bien remplie. Conformément à ce qu’il a toujours annoncé, il est retourné à Calais, proche de sa famille et de ses origines : « pour moi les choses ont toujours été claires : ma priorité était un retour au CRUFC, mon club de toujours » : lui au moins met en actes ses paroles, pendant que les Marseillais attendent toujours un retour de Didier Drogba. Djezon joue encore 82 matches de championnat avec Calais, et inscrit 19 buts en 4 ans. Avec son concours, le CRUFC retrouve le championnat de 3e division en 2007. Sa dernière saison, en 2008-2009, est compliquée : il termine l’année comme entraîneur-joueur après le départ de Sylvain Jore mais ne peut empêcher la relégation sportive, doublée d’une relégation administrative : le club se retrouve en CFA2, mais Djezon garde les rênes de l’équipe première. Il termine même deux fois successivement 1er de son groupe de CFA2 (en 2010 et 2011), mais la montée est administrativement refusée. Le club remonte finalement en 2014. Après des saisons contrastées et des moments difficiles où Djezon a failli jeter l’éponge (notamment après l’historique défaite 1-8 face à Sannois en octobre 2016), le club est redescendu en 2017, et repartira finalement en Régional 4. Avec, toujours, Djezon à sa tête, un peu plus barbu, un peu plus enveloppé : « ma vie est inscrite à Calais. Même si le Barça m’invitait à signer chez lui, je resterai ici ».
« J’adore cette photo »
En 2014, on l’a vu s’investir politiquement sur la liste municipale Ensemble pour réussir Calais. Il déclamait à cette occasion un discours pas tellement lointain de ce qu’il a défendu en tant que footballeur, comme s’il se plaisait plutôt dans l’adversité et la mobilisation de valeurs collectives sur son territoire : « j’ai vraiment une passion pour Calais et j’ai retrouvé dans le discours du député socialiste les valeurs que je veux défendre. Je suis confronté au quotidien aux difficultés que rencontrent les Calaisiens et je veux m’investir pour eux. Je suis un garçon du Beau-Marais, auquel je reste profondément attaché. Mes parents, frères et sœurs y vivent. Au quotidien, je vois leurs difficultés, leurs fins de mois difficiles. Mon frère ne trouve pas d’emploi et Dieu sait qu’il cherche. Ils ont plein de voisins qui sont dans la même situation et je veux les aider dans le domaine du possible ».
Boutoille, t’as régné
Avec Patrick Collot et Pascal Cygan4, Djezon Boutoille est le seul à avoir connu deux fois la D1 avec le LOSC, avant 1997 puis à partir de 2000, confondant son parcours, ses hauts et ses bas, avec celui du club. Du quartier de Beau-Marais à la Ligue des Champions, il a illustré la réussite d’un parcours sportif encore classique dans les années 1990 : un petit gars de la région que le LOSC a pris sous son aile, et qui a fait la quasi-totalité de sa carrière professionnelle à Lille, une trajectoire qui devrait se raréfier, et qui rappelle à quel point Djezon et sa bande font déjà partie d’une autre ère. L’ère de ceux qui ont posé la première pierre de l’édifice que l’on regarde évoluer tous les week-ends. L’ère des joueurs de clubs valeureux, parfois besogneux, mais dont on se souvient avec une infinie reconnaissance.
Bonus track : les stats de Djezon Boutoille en championnat avec le LOSC :
Et on peut ajouter à ces chiffres les buts suivants :
2 buts en coupe de France (contre Lyon en 1997, à Boulogne en 98, voir la vidéo au-dessus)
2 buts en coupe de la ligue (à Toulon en 1996, contre Caen en 1997)
1 but en Intertoto (Bistrita en 2002)
FC Notes :
1 Sauf indication contraire, les propos de joueurs sont issus d’articles de la Voix du Nord ou de la Voix des Sports.
2 C’est une série qui ne contient que 26 épisodes… Assez pour donner le nom du héros à son fils ? Si vous en savez plus, dîtes-nous, on rectifiera !
3 Au passage, à « pas du tout » : « l’effectif cannois, qu’on pensait plus valeureux. L’euphorie du début de saison semble s’être estompée ». Bim.
4 Et Christophe Landrin, mais qui n’a joué que 2 matches en 1996-1997.
Posté le 11 août 2017 - par dbclosc
Romelu Lukaku au LOSC : un problème de taille
Lancé en mai 2009, 11 jours seulement après avoir fêté ses 16 ans, Lukaku est élu meilleur buteur du championnat belge un an plus tard, au terme de sa première saison pleine. Suivent une deuxième saison réussie et un transfert à Chelsea, où sa formation incomplète devient un vrai problème. Il passe un an principalement avec l’équipe réserve, avant de trouver du temps de jeu à West Bromwich puis Everton. Pourtant, Romelu aurait pu ne jamais faire sa formation du côté d’Anderlecht. En 2007, le LOSC l’avait contacté…
Ce week-end, la Premier League reprend ses droits. On suivra avec attention les performances des nombreux anciens Lillois qui y jouent. Une nouvelle fois, les clubs anglais ont investi massivement. À ce jour, Manchester City a dépensé plus de 250M€ pour répondre aux besoins de Guardiola.
Mais le joueur le plus cher de l’été en Angleterre est arrivé dans le club rival. Pour 85M€, sans compter les 20 millions supplémentaires de divers bonus, Romelu Lukaku troque sa vareuse de Toffee pour devenir Red Devil. Bien qu’il soit régulièrement critiqué et que l’on soit en droit de douter à sa réussite en Coupe d’Europe, Big Rom est une garantie de buts en championnat (85 buts en 5 saisons), principalement contre les clubs modestes, là où Manchester United péchait la saison dernière.
Lukaku devient ainsi le joueur belge le plus cher de l’histoire, mais surtout l’attaquant principal d’un des clubs les plus réputés au monde. Nouvelle preuve, si besoin est, de la qualité des efforts entrepris outre-Quiévrain. Il y a dix ans, le football belge est en pleine reconstruction. La fédération s’active depuis plusieurs années pour moderniser sa manière de former de nouveaux joueurs. Les efforts sont importants et paient : Anderlecht a sorti Vincent Kompany (déjà parti à Hambourg) de son centre de formation, tandis qu’à Liège, le talent de Marouane Fellaini et d’Axel Witsel commence à faire bouillir Sclessin. Le talent est là, mais les clubs restent insuffisamment structurés pour conserver les meilleurs éléments. Le danger vient des pays voisins, au nord et au sud : Thomas Vermaelen, Jan Vertonghen (tous deux en 2003) et Toby Alderweireld (2004) ont choisi de passer leur adolescence au centre de l’Ajax. Kevin Mirallas (2004) et Eden Hazard (2005) ont choisi le LOSC, qui avait montré également un intérêt pour Adnan Januzaj (alors âgé de 10 ans). En cause, une scolarité beaucoup plus adaptée à la pratique du football de haut niveau. En effet, la cohabitation entre ces deux éléments n’existe généralement pas, ou n’en est qu’à ses balbutiements. Ainsi, Anderlecht a attendu 2006 pour mettre en place le Purple Talents Project, en partenariat avec plusieurs établissements bruxellois. L’argument scolaire est souvent décisif auprès des parents. Les clubs néerlandais et français ont bien compris leur avance dans ce domaine.
En 2006, les efforts d’Anderlecht paient : Lukaku, convoité depuis deux saisons, rejoint le centre de formation du club le plus titré de Belgique. Il reste alors sur deux saisons au Lierse, au cours desquelles il a inscrit 130 buts en 68 matchs. Avec son physique d’adulte en U13 (une à deux têtes de plus, 25kg plus lourd), ses statistiques étaient ridiculement élevées. Sa mère raconte : « Les gens se demandaient s’il avait réellement le même âge. En réalité, non, puisqu’il évoluait la plupart du temps dans une catégorie supérieure. Il était le plus jeune sur le terrain. […] Un jour, Romelu était allé jouer dans un village voisin avec quelques ados. A un moment donné, la maman de l’un d’eux s’était adressée à lui en ces termes : ‘Mais Monsieur, quel plaisir prenez-vous donc à taper dans un ballon avec tous ces enfants ?’. L’un d’eux lui répondit : ‘Mais Madame, il a 13 ans et est plus jeune que nous !’ »1. Depuis toujours, Lukaku doit faire face aux doutes sur son âge réel. On lui fait remarquer qu’il a dû obtenir de faux papiers, que l’administration de son pays d’origine ne doit pas être très sérieuse. Romelu est né à Anvers.
Avec le maillot du Lierse, en 2003
A 13 ans, Lukaku est intégré aux U15 mauves, pour que l’opposition soit de meilleure qualité. Il claque 59 fois en 34 matchs. A 14 ans, il intègre donc les U17. 17 matchs, 26 pions. Les recruteurs se pressent pour voir ce géant. L’Inter, Manchester United, Arsenal…. Mais les plus intéressés se nomment Chelsea et Lille. La proposition anglaise est déclinée : pour les parents, un très grand club européen n’est pas le lieu idéal pour l’épanouissement d’un jeune et son développement. Quant au LOSC, il agite l’argument Eden Hazard, qui vient d’effectuer ses débuts professionnels, mais présente aussi Obbi Oularé2, Belge d’origine congolaise alors résident du Domaine de Luchin. Son père dira poliment que « c’était tentant, mais on a également refusé »3.
Avec Anderlecht, saison 2006/2007
En 2014, le petit frère Jordan Lukaku revient sur les doutes concernant l’âge de son aîné : « Tout le monde pensait qu’on avait trafiqué ses papiers. On avait beau dire qu’il était né en Belgique, les gens n’y croyaient toujours pas ». Et il enchaîne, révélant au passage pourquoi le clan Lukaku a refusé le LOSC. Les dirigeant lillois invitent la famille et présentent les infrastructures réputées du club. Ils insistent également pour faire passer le test de l’âge osseux. On vous passe les détails médicaux, mais grossièrement, il s’agit de déterminer l’âge d’une personne en étudiant sa maturation squelettique plutôt qu’en demandant sa carte d’identité. L’examen est fastidieux et approximatif, encore plus en période de puberté. Autrement dit, s’il y avait bien un truc à pas faire pour énerver l’entourage du joueur, c’est exactement ce que le LOSC a fait. Jordan Lukaku continue : « Le test indiquait que Romelu avait 17 ans, alors qu’il n’en avait que 14. Mon père s’est emporté. Il est parti furieux et il n’a plus voulu entendre parler du LOSC ».
Notes :
1 Sport/Foot Magazine, septembre 2009
2 Après avoir fait ses débuts à Bruges, il est transféré à Watford, qui le prête trois fois. Étonnant pour un Belge, qu’on ne prête généralement qu’une fois.
3 Sport/Foot Magazine, septembre 2009
Posté le 9 août 2017 - par dbclosc
Méthode Bielsa : le choc pour une génération traumatisée
On ne peut pas dire que le premier match du LOSC sous la direction de Marcelo Bielsa ait fait l’unanimité auprès des supporters lillois. A la sortie du Stade Gros Quinquin, Vianney est remonté : « c’est insupportable ce LOSC qui marque des buts ! Est-ce que ça veut dire qu’on doit dire adieu aux joies du 0-0 ? ». Les réactions sont unanimes pour critiquer l’entraîneur argentin. « Bielsa, c’est une philosophie des années 1970 ! Franchement, c’est à croire qu’il pense que les supporters viennent au stade pour avoir du spectacle » s’offusque Bruno.
D’autres, comme Patricia, insistent sur les problèmes que posent le jeu en mouvement prôné par l’ « homme à la glacière ». « Avec ce jeu, tous les joueurs sont en mouvement. Du coup, on a vachement de mal à les identifier. Benzia, un coup il était en position de milieu axial, juste après d’ailier gauche, puis ensuite d’ailier droit. A un moment il a même fait 50 mètres vers l’arrière pour arrêter une contre-attaque nantaise ! Moi, au stade ça allait, j’étais tout près ; mais je me mets à la place de ceux qui sont plus loin : ils doivent rien comprendre ». Cyrielle, de son côté, est déboussolée : « on a notre avant-centre, De Préville, qui fait des tacles de défenseur à la récupération, et notre arrière central qui met un but dans le jeu de l’extérieur de la surface… Et tous ces ballons récupérés dans les pieds adverses : on est où là ? »
Marcelo Bielsa semble s’interroger : c’est bien par ici la sortie ?
Les supporters se font alors nostalgiques. On évoque Thierry Froger, mais un nom en particulier ressort quand on discute avec eux. « On est nombreux à Lille à avoir la nostalgie de l’époque René Girard. Faut dire que jouer en 9-1-0, ça traduit une certaine audace » lance Damien. A ses côtés, Denis acquiesce mais tempère néanmoins le propos. « C’est vrai, mais il faut aussi reconnaître que Girard avait les joueurs pour se permettre cette ambition : dès que ça allait trop vite, Marvin Martin était là pour ralentir le jeu ». Thomas renchérit : « à chaque fois que j’allais chez Damien voir des matches du LOSC, ça faisait 0-0. On blaguait sur le fait que j’étais un peu le porte-bonheur, mais c’était bien sûr pour rire : on savait bien que c’est à René Girard et à Marvin Martin qu’on le devait ».
Le mec, il a 1 Bauthéac et 2 Tallo dans chaque pied
(Cliquez si le gif ne se lance pas automatiquement)
Pour d’autres, ça n’est pas le système de jeu de Bielsa qui est en cause. « On parle souvent de la défense à trois centraux de Bielsa. Mais ça ne veut rien dire : Hervé Renard aussi a expérimenté une telle défense, ça ne l’a pas empêché de proposer l’un des jeux qui m’a le plus marqué » analyse Patrick. « Ca relevait plus de l’esprit. Par exemple, lors de ses causeries d’avant-match, Hervé insistait vachement sur les belles voitures que les joueurs pourraient se payer en jouant en foot et sur les nanas qu’ils pourraient se taper. Forcément, psychologiquement ça fait la différence ».
Plus tard, on croise Bruno, lui aussi fervent admirateur de René Girard. « Je me souviens d’une fois où on perd 1-0 à une demi-heure de la fin. Combien d’entraîneurs auraient complètement changé leur système de jeu dans ces circonstances ? Et ben, pas René, droit dans ses bottes, le mec. Il est resté fidèle à ses valeurs et à son système jusqu’au bout. Je me souviens, il avait même remplacé Nolan Roux, son seul attaquant, par Franck Béria. Comme un symbole, Franck s’est retrouvé en position idéale pour le centre de l’égalisation à une minute de la fin, mais il a préféré calmer le jeu et la remettre en retrait à Marvin. Ca a finit à 0-1 ».
Contacté par notre équipe, René Girard n’est pas resté insensible à l’appel du pied des supporters. « A vrai dire, je ne suis pas vraiment surpris : je reçois souvent des messages chaleureux de supporters qui me parlent du »bon vieux temps ». Plus que la huitième place de 2014/2015, c’est la manière qu’ils ont retenue. Je reste à l’écoute de la nouvelle équipe dirigeante du club, mais je ne me fais pas de soucis. Je sais qu’ils ont toujours gardé un œil sur moi ». On espère en tout cas que, quand il nous dit que les dirigeants ont « gardé un œil sur lui », c’est au sens figuré, parce que sinon, ça serait plutôt dégueulasse. Et sans doute plutôt une marque de défiance à son égard.
Posté le 13 juillet 2017 - par dbclosc
L’esprit club n’attend pas le nombre des années
Si la saison qui s’annonce fait naître des espoirs, elle engendre aussi son lot d’inquiétudes. Parmi ces craintes, celle de la « perte d’identité » du club qui serait le produit d’un « foot bizness » n’ayant que faire de l’attachement au club.
En revenant sur les années 1980, on constate que le LOSC compte dans ses rangs une part particulièrement élevée de joueurs ayant porté le maillot du club sur le long terme. Des joueurs comme Eric Péan et les frères Plancque apparaissent alors comme emblématiques du club qu’ils quittent tous les trois en 1987, chacun ayant passé au moins sept années dans le groupe professionnel. A ceux-ci, il faut ajouter pléthore de jeunes formés au club (Prissette, Lama, etc.) ou arrivés jeunes (Périlleux, Thomas, etc.) qui restent longtemps des cadres de l’équipe, étayant la thèse d’un âge d’or de l’identification au club.
Par contraste, l’équipe qui s’annonce la saison prochaine sera vraisemblablement composée de joueurs peu expérimentés au club. Ainsi, Adama Soumaoro, qui a débuté sous le maillot lillois il y a trois ans et demi, sera vraisemblablement le joueur le plus ancien de l’effectif si l’on juge actés les départs de Rio Mavuba et de Vincent Enyeama ; tandis que Mike Maignan et Yassine Benzia, deux ans au club chacun, risquent d’être ceux qui le suivent dans la hiérarchie de l’ancienneté. Alors, doit-on y voir la fin de l’ « esprit club » ?
La thèse de la fin de l’ « esprit club » à nuancer
Avant de conclure à la fin de l’ « esprit club », il est nécessaire d’examiner un peu plus en détail le contexte et ne pas omettre de souligner les arguments qui vont à revers de cette thèse. Ainsi, il faut prendre acte du fait que cette saison s’inscrit dans une volonté de reconstruction appelée de ses vœux à la fois par la présidence, mais aussi par nombre de joueurs, d’éléments du staff et peut-être plus encore par les supporters.
A ce titre, le profond renouvellement de l’effectif opéré aujourd’hui n’a rien d’inédit. Déjà, en 1989 et en 1990, le succès du LOSC en 1990/1991 s’était basé sur une refonte profonde de l’effectif, seuls Philippe Périlleux, Jean-Luc Buisine et Alain Fiard pouvant alors s’inscrire comme des relais de la génération précédente. De même, le LOSC de Vahid Halilhodzic, emblématique du renouveau des Dogues, doit aussi son succès à un profond renouvellement de l’effectif. D’ailleurs, taquins, on serait tentés de dire que même ceux qui sont restés n’étaient plus vraiment les mêmes : Pascal Cygan et Djezon Boutoille ont ainsi trouvé respectivement un premier puis un second souffle avec « Coach Vahid ». On pourrait également ajouter que le rôle important joué par Claude Puel s’est également construit en rupture avec l’héritage de son prédécesseur, l’essentiel des cadres passés disparaissant rapidement avec l’arrivée de l’ancien inusable milieu de terrain monégasque.
En 2017, Arnaud Duncker porte encore le maillot lillois, ici celui des Anciens Dogues
En soit, rien de bien nouveau. Et peut dire qu’on n’a pas eu à regretter ces trois renouvellements considérables de l’effectif, le LOSC de Jacques Santini flirtant avec l’Europe en 1990/1991 après une décennie passée dans le ventre mou (même si l’époque fût, pour d’autres raisons, également désespérante), la bande à Vahid faisant découvrir la C1 à un club qu’il avait repris en bas de classement de D2, quand celle de Puel consolidait le nouveau statut des Dogues.
Surtout, ces renouvellements n’ont pas alors été associés à la fin de l’ « esprit club ». C’est aussi là que l’on voit que le fait d’être garant des valeurs d’un club n’a pas un lien mécanique avec le temps passé au club : des joueurs comme Fernando D’Amico et Lolo Peyrelade sont ainsi encore aujourd’hui des symboles de cet esprit alors même qu’ils n’ont passé « que » quatre années chacun au club.
Des contextes inégalement propices à la légitimation des renouvellements
Ceci étant, il faut aussi comprendre le contexte comme un élément important de la légitimation de ces reconstructions d’effectifs. A ce titre, la comparaison des façons dont ont été reçues les arrivées de coach Vahid et de Coach Cloclo révèle combien le jugement porté sur une stratégie tient finalement assez peu à la pertinence de la stratégie elle-même. Sans nous étendre sur le sujet, on peut ainsi dire que les stratégies respectives de l’un et de l’autre ont été couronnées de succès, tout en soulignant qu’elles n’ont pas fait l’objet de la même réception.
Ainsi, Vahid Halilhodzic est arrivé dans un contexte bien plus propice que Claude Puel pour légitimer un changement en profondeur dans la stratégie lilloise. En effet, Vahid arrive pour remplacer Thierry Froger quand le club est alors 17ème de D2. Surtout, on semble alors loin de l’union sacrée, que cela soit entre supporters et joueurs, mais aussi au sein du groupe professionnel lui-même (« Au départ, on le jaugeait, mais on était dans une telle détresse sportive qu’on n’a pas eu d’autres choix que de foncer. Après, on le suivait les yeux fermés » explique Patrick Collot). Dans un tel contexte, « vouloir tout changer » fait alors consensus, contribuant d’emblée à offrir une large légitimité à celui qui affirme vouloir le faire, indépendamment même de sa stratégie. Nous ne sommes pas ici en train de dire que cette stratégie n’était pas pertinente, bien au contraire, mais on se contente de souligner que le contexte lui conférait presque ipso facto une certaine bienveillance.
Joueur puis entraîneur au LOSC, Thierry Froger avait a priori tous les atouts pour être identifié aux Dogues
La situation est toute autre pour Claude Puel. Quand il arrive en 2002, il prend la suite de son glorieux prédécesseur bosniaque, qui vient d’enchaîner un titre de champion de D2, une troisième puis une cinquième place en L1, tout cela en moins de quatre ans avec un club qu’il avait repris au bord d’une position de relégable en deuxième division. Bref, dans un tel contexte, vouloir reconstruire l’équipe n’a de chance d’être favorablement reçu qu’à la condition d’obtenir des résultats immédiats, ce qui est presque antinomique du principe de reconstruction. Cela n’a d’ailleurs pas manqué : pendant un an et demi, Puel fit face à une défiance récurrente de la part des supporters, avant, enfin, de convaincre.
Joueur, Claude Puel se prit beaucoup de cartons, sa coiffure étant considérée comme relevant de l’ »antijeu » et étant « contraire aux valeurs universelles du sport »
Le renouvellement actuel de l’effectif s’inscrit dans un contexte idoine : celui de la morosité ambiante après quatre années souvent pénibles prenant la suite de cinq ans de football champagne. Quand on a survécu à une huitième place avec le jeu proposé par René Girard, on se dit qu’on a peu de chances d’être déçu par une équipe d’inconnus emmenée par Marcelo Bielsa. D’où un contexte de bienveillance plutôt favorable à de belles réalisations.
Le match est à peine fini, mais Djezon a déjà l’air bourré
Ceci étant, précisons-le, c’est peut-être bien là qu’est le piège. Déçus par un passé récent en décalage avec les attentes que nous avions après quinze années de progression presque constante, notre esprit critique est considérablement affaibli par rapport à tout projet de déconstruction/reconstruction de l’effectif. Finalement, nous avons montré qu’une refonte complète de l’effectif n’était en rien synonyme de déclin et de perte de l’identité du club, mais nous n’avons en revanche aucunement montré qu’il était impossible qu’elle aboutisse à ce résultat.
Esprit club VS Mise en scène de l’esprit club
Finalement, ce qui aiguise le plus la méfiance de la rédaction de DBC LOSC, c’est précisément l’excès d’euphorie et de confiance en un projet dont le produit est actuellement assez insaisissable. Et cette incertitude concerne en particulier la question de l’identité du club, dont on est sûrs qu’elle est mise en scène mais aucunement qu’elle soit effective. Voyez à ce titre ce qu’on a déjà écrit à ce sujet.
Précisons-le d’emblée, on ne juge pas cette « mise en scène » en elle-même. Qu’une équipe dirigeante veuille mettre en scène son attachement au club, ça n’a en soit rien d’illégitime. C’est simplement que ça ne nous dit absolument rien de ce qui sera effectivement mis en place. D’ailleurs, l’ambiguïté est forte sur ce point : on sait ainsi que Gérard Lopez a fait le choix de placer un certain nombre de cadres historiques, mais on sait aussi qu’il a largement « fait le ménage ». La nomination de Patrick Collot à la tête de la réserve lilloise peut-être lue a priori comme la mise en avant d’un historique du club. On ne peut cependant s’empêcher de souligner que cela a aussi été synonyme de l’éviction de la fonction de Rachid Chihab, autre historique, certes plus anonyme. Si l’on est évidemment ravi que Pat Collot trouve sa place dans ce nouveau LOSC, on est aussi inquiets de l’avenir au club de ces personnalités moins médiatiquement exposées et qui ont pourtant joué un rôle essentiel dans le développement du club : voir Stéphane Dumont à Reims a aussi tendance à nous arracher une petite larme.
Quand l’inégalité dessert l’ « esprit club »
On l’avoue, on était au départ partis sur un a priori qui, une fois la vérification faite, s’est avéré infondé. On pensait ainsi qu’on allait découvrir que les joueurs restaient de moins en moins longtemps au club, ce qui aurait pu constituer un indice d’une dégradation généralisée de l’ « esprit club ». Il n’en est en réalité rien.
En fait, c’est sans doute avant tout parce que l’indicateur du nombre d’années passées au club n’est qu’un indicateur extrêmement imparfait de l’attachement au club. Prenons deux exemples. L’auteur de ces lignes, peu suspect de ne pas être attaché au LOSC, n’y a pourtant jamais joué. Inversement, Pascal Nouma, pourtant peu suspect d’être attaché au LOSC, y a joué quelques mois. En fait, cela illustre tout simplement que l’une des premières conditions pour rester durablement dans un club tient à la correspondance entre le standing du club et la cote du joueur.
Ceci étant, c’est justement pour cette raison que l’accentuation des inégalités de moyens entre les clubs limite la possibilité même qu’un joueur reste dans son club de cœur. En effet, tant que les clubs disposent de moyens relativement égalitaires, un joueur fortement attaché à son club pourra plus facilement résister aux propositions extérieures : il est en effet plus difficile de résister à une offre de triplement du salaire qu’à une autre qui ne propose « que » 50 % d’augmentation. Or, c’est justement ça qu’engendre une configuration plus inégalitaire. De plus, ce phénomène contemporain est accentué (et lié) au développement des agents dans le football, lesquels sont directement intéressés aux revenus de leurs clients, et donc à même de privilégier un transfert dans un club proposant un meilleur salaire plutôt qu’un maintien dans le « club de cœur ».
There is only one Djezon Boutoille
L’attachement au club n’est donc pas qu’un pur fantasme. On sait par exemple que si Djezon Boutoille est resté si longtemps au club, ça n’est pas par manque de propositions. Régional, formé au club, Djezon a tout connu au LOSC, du ventre mou du championnat à la Ligue des champions en passant par la relégation et la D2, ne quittant le club qu’à contrecœur. Et pourtant, même lui aurait pu connaître une trajectoire différente à l’époque contemporaine. Même si, même à l’époque contemporaine, il aurait eu davantage que bien d’autres des chances de rester longtemps.
L’ « esprit club », un truc de supporter mais pas que
L’attachement au club, au final, c’est sans doute davantage un truc de supporters que de joueurs. Un joueur restant longtemps au club voit presque mécaniquement sa cote augmenter auprès des supporters. Si Rio Mavuba et Franck Béria ont été récemment critiqués par les supporters, il ne fait guère de doutes que ça n’est pas cela qui restera dans les mémoires, si ce n’est sous la forme ambiguë d’un effet pervers de l’attachement au club : « trop Lillois », on dira peut-être qu’ils se sont entêtés à rester au club alors qu’ils n’avaient plus le niveau. Un péché bien maigre en somme (1).
Pour les joueurs, le fait de rester longtemps dans un même club tient, aujourd’hui davantage qu’hier, à un ensemble de contingences propres à leurs carrières. Ni Flo Balmont, ni Rio Mavuba, ni Franck Béria ne rêvaient de porter la tunique du LOSC étant petits (2). Mais c’est peut-être là qu’est l’essentiel de la différence entre le « foot à papa » et le foot contemporain en matière d’attachement au club : ces trois-là, comme aussi par exemple Pat Collot et Greg Wimbée n’ont jamais eu comme rêves d’enfance de porter le maillot du LOSC. Et pourtant, leur attachement au club est désormais indiscutable.
-
Et non pas : « un pêcher bien maigre en Somme »
-
D’ailleurs, jusqu’au 8 ans de Flo Balmont, le maillot du LOSC était floqué « Peaudouce », du nom du sponsor historique du club. On imagine mal Flo Balmont rêver de porter un maillot floqué Peaudouce. Mais peut-être nous trompons-nous.
Posté le 30 juin 2017 - par dbclosc
Grégory Wimbée : « Notre force, c’était le groupe »
Hasard du calendrier : jeudi 15 juin, le lendemain même du jour où l’on apprenait que l’affaire du « petit Grégory » était relancée, nous avions rendez-vous avec le « grand Greg » ; voilà probablement l’accroche la plus foireuse que nous ayons faite depuis le lancement de ce blog, mais ce n’est que la stricte vérité.
Voilà un petit moment que nous souhaitions rencontrer Grégory Wimbée en sa qualité de représentant parmi les plus éminents du renouveau sportif du LOSC à la fin des années 1990. Nous lui avions déjà consacré 2 articles sur ce blog : le premier, bien sûr, relatif au but qu’il a marqué avec Nancy contre Lens et Jean-Claude Nadon en 1996 ; et le second sur ce fameux match à Saint-Étienne en septembre 2000, que l’on considère généralement comme un tournant dans sa carrière.
L’entrevue que nous avons eue est donc une nouvelle opportunité pour revenir sur la « période Vahid », qu’il a dépassée en restant deux ans supplémentaires sous les ordres de Claude Puel. L’occasion de revenir sur ses débuts au LOSC, parfois difficiles – il nous en livre des clés d’explication – et, bien entendu, de s’attarder sur l’exceptionnelle période 1999-2002, durant laquelle il « devint invincible », ainsi que nous l’avions écrit, avec à l’appui des anecdotes comme on les aime et quelques informations sur la vie du groupe.
Mais nous avions également envie d’aborder l’ensemble de sa carrière professionnelle, de Nancy à Valenciennes, en passant par Charleville, Cannes, Metz et Grenoble. Pourquoi ? Ben d’abord parce qu’on fait ce qu’on veut, et surtout parce qu’il nous semblait particulièrement intéressant de tenter de restituer la trajectoire d’un gardien de but, poste que l’on considère souvent comme « à part », ne serait-ce que parce que les places sont plus rares et donc plus chères1. Et on se rend compte, à écouter Gregory Wimbée, à quel point la carrière d’un gardien de but, de façon sans doute plus aiguë qu’à tout autre poste, est soumise à divers aléas, et que le talent ne suffit pas.
Depuis son départ de Grenoble en 2009, Grégory est revenu dans la région lilloise. Après une dernière pige à Valenciennes, il a pris en charge la gestion d’un complexe sportif de foot en salle (le Five de Lesquin), a commenté les matches du LOSC pour GrandLilleTV en compagnie de Mickaël Foor, et était impliqué cette année dans la préformation, et une partie de la formation des jeunes du LOSC ainsi que de l’entraînement de l’équipe féminine, promue en D1. Autant d’activités qu’il va désormais réduire voire mettre en stand-by, car il étrenne une nouvelle fonction à partir du 1er juillet, à temps complet : entraîneur des gardiens de la CFA. Que les fans de l’équipe des Anciens Dogues se rassurent : on devrait toujours voir jouer son prolifique avant-centre, de nouveau double buteur lors du dernier match contre des salariés du club il y a quelques jours !
C’est donc à l’aube d’entamer ses nouvelles fonctions, et après avoir participé au stage de 10 jours avec Marcelo Bielsa, que Grégory Wimbée nous a accueillis au Five.
On va revenir sur le passé, on espère que tu as rassemblé tes souvenirs ! Une question toute bête : comment on devient gardien de but ?
Mon frère est 2 ans plus âgé que moi. Dès que l’école était terminée, on jouait au foot devant l’immeuble, à longueur de journée, et tous les jours quand c’était les vacances, que ce soit de la pluie, de la neige, -12°… on jouait. Lui frappait, et moi je plongeais. Dès qu’il y avait un but, je me mettais dedans. C’est le premier poste que j’ai connu. Quand j’étais Poussin, j’ai joué gardien dans une équipe 1, tout en ayant un autre poste en équipe 2 ; j’ai fait une saison comme ça où je faisais un peu les 2, mais j’ai toujours été gardien. Alors comment… ? Je ne peux même pas dire. Peut-être que ça m’a plu de plonger, ça m’a plu d’attraper le ballon avec les mains alors j’ai gardé ce poste-là.
Cette photo, c’est une sélection de Lorraine. Ce doit être la saison 1985-1986. On est à l’Abbaye des Prémontrés, à Pont-à-Mousson. Les demi-finales et finale se jouaient dans notre région en fait. En demi-finale, on joue sur je sais plus quel terrain contre l’ouest, la Bretagne. Victoire 3-0, peut-être 3-1, mais on domine largement. Et on joue la finale en lever de rideau du dernier match de la saison de Metz, à Saint-Symphorien, contre Paris-Île-de-France. On fait 0-0 et on perd aux tirs aux buts, 3-2 je crois. Sur cette photo, 4 sont devenus pros : à ma droite, c’est Éric Rabesandratana (Grégory est debout, 3e en partant de la droite. Si vous ne l’aviez pas remarqué, suivez ce lien)
Et tu rejoins donc Nancy.
J’ai fait les deux années au centre de formation de Nancy, donc entre 15 et 17 ans. J’y ai débuté lors de la saison 1986-1987. J’étais aussi en cadets nationaux à l’époque. En 88-89, je suis parti à Clairefontaine continuer ma formation, envoyé par Nancy car il n’y avait pas d’entraîneur des gardiens. L’INF était réputé, en tout cas à l’époque de Vichy, un peu moins quand c’était Clairefontaine. Beaucoup de gardiens, comme Mottet ou Olmeta, sortaient de l’INF. Je n’y suis resté qu’un an et demi, car le deuxième gardien de Nancy s’est fait les croisés, donc ils me rapatrient en janvier 1990. Je suis deuxième gardien, mais il n’y a pas de gardien sur le banc comme maintenant. Le deuxième gardien, il est juste à l’entraînement… Je joue avec l’équipe réserve qui était en D4 à l’époque. L’équipe première était en D2. L’équipe première monte, et nous aussi. Donc en 90-91, je suis toujours deuxième gardien, et je joue avec l’équipe réserve en 3e division.
Le jeune Grégory de retour de Clairefontaine.
« Le prêt à Charleville m’a permis de prendre de la bouteille »
Tu es prêté à Charleville en 1991, en D3.
Le club cherchait un gardien car il avait un gardien amateur, et donc je suis prêté là-bas. Je sais qu’on ne perd qu’un match et qu’on avait une top-équipe. Sur la saison, je ne prends que 10 buts. Je fais un quart de finale2. Je devais partir au tournoi Espoirs de Toulon (ci-contre avec le maillot de l’équipe de France). C’était en même temps que la demi-finale. La fédé m’autorise à jouer la demi-finale, et dès qu’elle est jouée, même si on gagne, je dois aller au tournoi de Toulon. Mais la veille de la demi-finale, je me blesse lors d’un entraînement. Je me pète le ménisque et je me fais opérer. Donc je loupe la demi-finale et le tournoi de Toulon. Alors je sais plus où c’était parce que j’ai fait les deux ménisques internes. Je crois que c’était la jambe gauche.
La saison 1992-1993 était particulière car c’est la dernière saison où il y a encore 2 groupes en D23. Donc il fallait faire mieux que 12e je crois. Et on termine 9e.
Lors de ta dernière saison à Charleville, en D2, tu es un des meilleurs gardiens : tu finis 2e au classement des étoiles de France Football du groupe !
Oui, mais j’avais pris des rouges. Quand tu prends un rouge, t’as zéro.
En fait c’est parce que tu prends un rouge en début de match. Donc il y a 2 matches où tu n’as pas de note. À l’époque, ça marchait par points qui étaient cumulés, il n’y avait pas encore de 0. C’est pour ça que les gardiens remportaient toujours l’étoile d’or France Football : c’est ceux qui jouaient le plus !
Ah oui c’est ça ! Donc je manque un match. Ce qui est fort, c’est que le match où je prends le rouge, c’est contre Valence. On fait 1-1. Et le mec qui rentre à ma place dans le but et en prend un, on lui met 5 étoiles ! C’était même pas un gardien !
« Nancy est venu me rechercher en hélicoptère… ! »
Pendant tes 3 saisons de prêt à Charleville, 3 gardiens jouent pour Nancy : Granger, Schneider et Roux.
Quand je suis prêté la première fois. Nancy avait Marcel Husson comme entraîneur. Il ne voulait pas de Matriciano, le gardien titulaire ; il fait donc venir Boumnijel. J’étais 2e gardien, et je me retrouve 3e gardien ! Aujourd’hui, quand on est 3e gardien, on s’entraîne encore avec les pros. Là, en 1991, tu redescends en centre de formation ! Donc je ne voyais pas l’intérêt de jouer avec des plus jeunes comme moi. À l’époque, les centres n’étaient pas sectorisés comme aujourd’hui avec les 19, les 17 : tout le monde était mélangé ! Des gars qui avaient 3 ou 4 ans de moins que moi… Donc j’ai choisi d’être prêté. En étant prêté à Charleville pour jouer en D3, donc avec des seniors. Ce prêt m’a permis de prendre de la bouteille. Husson démarre mal, je crois qu’il se fait virer très vite, et Olivier Rouyer prend l’équipe en main, mais Nancy ne se sauve pas. La deuxième année, en 91/92, Olivier Rouyer ne voulait pas de moi. La 3e année, je voulais revenir à Nancy. Et à un moment donné, y avait une coupe de la Ligue, coupe d’été… On jouait des matches en fin de saison, et en début de saison suivante, y avait la suite, avec des 1/8e, des 1/4…
Oui c’est l’ancienne formule de la coupe de la Ligue.
Voilà. Donc on joue à Strasbourg. Rouyer vient me voir me dit de nouveau qu’il ne compte pas sur moi. Donc je signe un contrat de 3 ans à Charleville. Et pendant ces 3 années là, j’avais un accord de non-sollicitation, c’est-à-dire que je ne pouvais pas partir ailleurs qu’à Nancy. J’étais à la fois international espoirs et amateur. J’ai été reclassé amateur, c’était assez spécial parce que j’étais stagiaire à Nancy : pour jouer amateur, je devais résilier mon contrat de stagiaire, j’étais libre. Si ça avait été quelques années plus tard, je partais à l’étranger. Des clubs me sollicitaient. J’ai eu le président de Nancy au téléphone, qui me demande pourquoi je ne rentre pas. Je lui dis que l’entraîneur ne veut pas de moi, c’est quand même un problème ! Il me rappelle lendemain et me dit : « l’entraîneur, ce n’est plus un problème ». Oui mais j’ai signé un contrat ! Maintenant, comment on fait ? On a réussi à s’arranger : ils sont venus en hélicoptère, ils ont embarqué mon père aussi – un truc de fou hein ! On a renégocié un contrat et je suis rentré sur Nancy, alors que j’avais signé un contrat à Charleville. Voilà comment je suis rentré à Nancy. J’y ai donc entamé ma première saison comme titulaire de l’équipe première en 1994/1995.
En 1994-1995 (photo ci-dessus), Nancy termine 7e de D2. Puis 3e la saison suivante, ce qui permet à l’ASNL de retrouver la D1. Grégory Wimbée n’encaisse que 23 buts en 1995-1996, record d’autant plus remarquable dans une D2 à 22 clubs et donc à 42 matches. Même le LOSC en 2000, lors de sa saison record, en a encaissés davantage !
Tu découvres la D1 lors de la saison 1996/1997… et tu joues pour la première fois contre Lille en championnat !
Je sais que je n’ai jamais gagné contre le LOSC… Je pense qu’on fait 2-2, on se fait égaliser sur la fin. Je crois que c’est Denis Abed qui marque à la fin. Ça passe entre mes jambes. On était un peu poissards. On ne gagnait pas de matches, et on se faisait égaliser à chaque fois, 92e… On a pris plein de buts comme ça cette année là.
En effet, le 5 octobre 1996, Lille égalise à Nancy à la dernière minute, grâce à Denis Abed, son seul but avec le LOSC. Du coup, Nancy devait encore attendre une semaine pour signer sa première victoire de la saison, à Bordeaux (1-0).
Et lors de cette même saison, il y a l’exploit : le premier but marqué par un gardien de but dans le championnat de France, hors pénalty. But qui, pour des Lillois, prend une saveur particulière…

Oui, avoir connu la joie du buteur, c’était top. On m’en reparle régulièrement. En fait je suis là (il nous montre le dessin de France Football), et c’est Wallemme qui la prend, ça revient sur Lécluse et ça me tombe dessus. Contrôle du genou, je suis sur mon pied d’appui, je me retourne et… voilà ! C’est un but d’attaquant ! Par la suite, je me suis rendu compte que ça pouvait m’aider un peu à m’intégrer à Lille ! Maintenant qu’on connaît mon attachement à Lille, l’avoir fait contre Lens… Je pense que c’était compliqué pour Jean-Claude Nadon. C’était quasiment son dernier match à Lens, car Warmuz revenait de blessure peu après. Je n’aurais pas voulu encaisser un but d’un gardien ! Je l’ai eu comme entraîneur des gardiens après, à Metz. Je suis le premier gardien-buteur, mais il y avait eu un gardien de Monaco, Hernandez, qui avait déjà marqué, en ayant fini le match comme attaquant, car il s’était blessé à un bras4 !
À l’issue de cette première saison en D1, Nancy est malheureusement relégué. On suppose que tu as des sollicitations ?
J’étais en fin de contrat. C’est une année où j’ai beaucoup discuté avec les dirigeants, bien avant le but, ils voulaient me prolonger. Un contrat sur la durée m’avait été proposé, de 4 ou 5 ans. Mais je voulais aussi connaître autre chose, je voulais me mettre en danger, car quand on reste dans son club formateur, on a fait le tour à un moment. J’avais des clubs : Le Havre, Bastia. Un contrat de 4 ans m’attendait à Bastia. Finalement, Eric Durand a signé, le temps a passé, et je me suis retrouvé libre, mais sans club ! Et puis Cannes cherchait un gardien, alors je signe à Cannes. J’ai failli partir à l’étranger, mais je ne me sentais pas prêt.
Alors, Cannes, ça arrive comment ?
Cannes était le dernier club de D1 qui cherchait un gardien… Adick Koot était entraîneur-joueur, et on s’est retrouvés l’année d’après à Lille. C’est particulier parce que sur la fin de saison précédente, je suis un peu blessé, j’ai un début de pubalgie. Et quand je vais signer à Cannes, je suis physiquement au plus mal. Je signe sans même passer de visite médicale ! De toute façon si je passe une visite médicale, je ne signe pas, je ne peux même pas marcher ! Je fais le début de saison sur une jambe, quoi. Je suis en retard dans la préparation, je fais un entraînement sur deux, parfois je reste 5-6 jours sans jouer, je suis sous anti-inflammatoires. Le premier match de championnat, je suis à la rue. Et je me blesse autrement : ce truc là (il montre sa jambe), je me fais opérer et ça me permet de récupérer un peu de la pubalgie, et encore… Quand j’entame la rééducation, j’ai encore un peu mal, mais je ne veux pas me faire opérer de la pubalgie. Je reprends, ça va un peu mieux, je fais un match amical et je me fais tacler au niveau du genou : fissure de la rotule. J’ai eu 6 mois de blessure. D’octobre à février, en gros. J’ai repris en février.
« Été 1998 : je n’ai pas de club. Je fais des séances de malade, seul »
Au-delà de tes blessures, on a lu un article dans lequel tu disais que tu ne gardais pas un très bon souvenir de la ville de Cannes, et du mode de vie là-bas.
Ah oui, oui, oui, horrible. Bon déjà, c’était pas très exigeant au niveau des entraînements, parce que tu ne t’entraînais qu’une fois par jour. En fait c’est pas un club où tu peux jouer au foot. T’as la plage, t’as le soleil, t’as les belles voitures… C’est une année où j’étais blessé, j’étais au plus mal dans mon couple, enfin c’était compliqué quoi. J’ai signé un an là-bas. Pour moi, c’était un tremplin. En toute humilité, mon ambition était d’aller plus haut. Mais avec les blessures, l’année que je vis est compliquée même si, moralement, elle m’a endurci. Quand je finis l’année à Cannes, je n’ai pas encore divorcé, je ne suis pas encore séparé mais… c’est très chaud. Vraiment chaud. Et je n’ai plus de club. C’est pas le moment que tout parte en vrille en fait.
Du coup, quelle est ta situation durant l’été 1998 ?
On avait fini le championnat très tôt en mai. Donc mai, juin, et juillet, pendant 2 mois et demi, je m’entraîne tout seul, avec un pote qui court le 1 500. Je fais 2 séances par jour, en muscu, abdos, tout ça le matin, et le soir je vais courir ou je fais des séances physiques avec lui. Sauf que le gars fait 3’40 au 1 500, c’est déjà un top niveau ! Ce qui fait que je choppe une caisse au niveau de la VMA, je progresse… Mais je n’ai pas de club. Juste une anecdote : les jours où j’ai bossé tout seul, au niveau athlétique et en muscu, y avait la Coupe du monde en France. J’ai dit à mon pote avec qui je courrais : « putain, la prochaine, je vais y être ». Bon, je n’y suis pas allé, mais je n’en étais pas si loin finalement. C’était mon objectif. Tous les jours, je faisais des séances de malade. Y a une séance où j’ai vomi. Je faisais des trucs qui, à la limite pour un gardien, ne servent à rien. C’était juste pour travailler le mental. Je me suis mis ça en tête.
Début juillet, Porato doit partir à Marseille, et Jean-Marie Aubry, normalement, doit signer à Monaco. Et donc Lille cherche un gardien ; j’apprends que le club suit 3 gardiens.
Il me semble qu’on a longtemps été sur Valencony.
C’est possible, mais c’est plutôt Boumnijel qui tenait la corde. Jean-Pierre Mottet le connaissait de Gueugnon. Tout le mois de juillet, c’est comme ça : je m’entraîne, mais je ne m’entraîne pas dans les buts. Je ne touche pas le ballon, ce n’est que de l’entraînement physique. Mon agent m’informe que pour Lille, c’est mort, mais qu’en Ligue 2, Valence et le Red Star s’intéressent à moi. Mais je n’y vais pas. J’avais 28 ans, ça me paraissait compliqué après d’aller voir plus haut. Puis un jour, il m’appelle à 13h : j’étais à Peymeinade, à côté de Grasse. Il me dit : « demain tu dois être à Lille pour y signer ». Donc j’ai pris la voiture, j’ai fait 1200 bornes dans la journée. Et le lendemain à 9h, 10h, j’étais dans le bureau de Pierre Dréossi. La première journée de championnat avait lieu 4 jours après !
« Vahid Halilhodzic a rééquilibré l’équipe »
Quand tu rencontres les dirigeants de Lille, on te présente quoi comme projet à l’époque ? La remontée immédiate on imagine ?
Le club reste meurtri de la saison d’avant, puisqu’à 3 journées de la fin, il est quasiment sûr de monter, puis on connaît la fin… Mais c’est un club qui a une histoire, et qui a une histoire en Ligue 1 ! Donc l’objectif clair est de remonter. Je n’ai pas fait la préparation, je ne connais pas le groupe. Je sais que le staff est fragilisé sur la saison d’avant. Personnellement, je suis hyper content d’avoir retrouvé un club. Mais j’ai aussi mon histoire personnelle, où dans ma vie privée, c’est compliqué. Et donc quand j’arrive à Lille, je joue mon premier match, et ce premier match se passe très mal. On prend ce deuxième but… le ballon rebondit sur mon épaule et je marque contre mon camp. Bon, moi je sais que c’est un mauvais rebond, après voilà, c’est tout, ça ne m’a pas meurtri. Y a juste un supporter qui est entré sur le terrain, mais il s’est fait attraper. Tu remarqueras que je n’ai plus jamais joué avec un maillot à manches coupées. C’était la seule fois. Bon en tout cas, c’est pas top.
Grégory lors de son premier match à Lille, contre Guingamp. Au premier poteau, David Coulibaly. Le début de saison est en effet très compliqué pour tout le monde. Thierry Froger est remercié au bout de 6 journées, après une nouvelle défaite à Beauvais (0-1).
Septembre 1998, c’est l’arrivée de Vahid Halilhodzic. Qu’est-ce qui s’est passé dans le groupe ? Est-ce que Thierry Froger était un problème… ?
Alors ça, c’est une question à laquelle je ne peux pas répondre. Moi je suis arrivé début août, je n’ai pas fait la préparation, je ne sais pas comment ça s’est passé, je fais 4 matches… Je n’ai pas eu le temps de le connaître, pas eu le temps de voir si y avait des soucis. Il devait forcément y avoir des choses qui ne fonctionnaient pas, car il n’y avait pas les résultats escomptés, ça c’est clair. Je pense qu’il y avait un traumatisme qui datait déjà de l’année d’avant.
Et le président Lecomte a fait une belle rencontre avec Vahid Halilhodzic. Je pense qu’il a été impressionné par ce que l’homme dégageait. Dès le match perdu à Beauvais, il y a ce remplacement. Je dirais qu’on avait un effectif mal ficelé. Si tu regardes bien comment est l’effectif, tu te rends compte qu’il y a beaucoup de défenseurs centraux par exemple, et que t’as moins de milieux. Rééquilibrer l’équipe, c’est la première chose que Vahid a faite la saison d’après, mais déjà dès l’hiver.
Il y a une bonne période dès l’automne. Et là arrive un événement assez rare : tu détournes deux fois le même pénalty.
Oui, contre Gueugnon ! Il y avait eu un changement de tireur. Le premier est sur ma droite, le second sur ma gauche. Après ce n’est qu’un pénalty. Ce n’est tout de même pas ce que je retiendrai de plus fort ! Mais ça reste un événement, c’est vrai.
Dans ce résumé de France 3, on ne voit que le 2e pénalty détourné. L’événement en direct sur Fréquence Nord :
Durant cette première saison, il y a un moment plus difficile pour toi : tu n’es plus titulaire à la fin de l’année civile, en novembre-décembre, c’est Bruno Clément qui prend ta place, après un match contre Ajaccio à domicile, qui globalement est raté par tout le monde. On mène 1-0 puis on perd 1-3. Et donc tu ne joues plus à partir de ce moment-là pendant 7 matches.
Même si je ne pense pas avoir fait une mauvaise année, les premiers mois sont durs. Mentalement c’est très compliqué pour moi. Parfois, je vais à l’entraînement et j’ai ma vie privée en tête. À un moment donné, avec Halilhodzic, on se retrouve dans son bureau pour discuter. Et il ne me fait plus jouer. C’est une décision qui a été prise logiquement. Ça m’a permis de me refaire la cerise. C’était compliqué pour moi, entre le fait de ne pas avoir eu de préparation et les soucis personnels… Ça me permet de travailler avec Jean-Pierre Mottet et de me remettre à niveau. Je fais quelques matches avec l’équipe réserve, je crois qu’on a fait un déplacement à Forbach, en bus… Jusqu’au jour où je me sépare pour de vrai. Et là c’est le soulagement ! Tout va mieux pour moi. Même si, pendant 2 ans, ça a été compliqué avec certains supporters, au moins je me sentais soulagé et libéré. On le voit après, même dans mon rayonnement et mes performances.
Et tu es de retour en janvier 1999, pour un match contre Beauvais…
Ça peut être l’histoire de ma carrière : il y a des moments où tu as un coup de pouce du destin. Quand on fait le stage de préparation hivernale, on va à Antibes : c’est la seule fois où Vahid a pris en main la prépa physique, quasiment de A à Z. Je dirais pas qu’il a fait n’importe quoi, mais on a commencé à 23, et on a fini, on était à peine 11 pour faire le dernier match amical (il rit) ! Y a pas mal de muscles qui ont pété, y compris chez Bruno Clément, qui se fait une grosse grosse déchirure. On avait fait des séances très intenses. Je ne suis pas sûr de la cohérence en fait. Avec la fatigue, à un moment il fallait faire autre chose. Je ne suis pas spécialiste, mais pour le coup il y a eu 12-13 blessés. Dont des blessures très importantes, pas des blessures de mecs qui glandent, qui n’en ont rien à foutre ou qui ne veulent pas s’entraîner ! Des déchirures, des trucs musculaires importants. Et donc Bruno Clément se blesse, et je rejoue.
Maintenant que tu dis ça… Je me rappelle le premier match en 1999, on joue contre Beauvais à domicile, et c’est un match où ont joué des jeunes, genre Noro, Giublesi, Cheyrou…
Ah ben oui, y avait une dizaine de blessés ! Si bien que j’aurais pu partir à Lyon, et ça ne s’est pas fait. Quand Luc Borelli s’est tué dans un accident de voiture, Lyon a cherché un gardien. J’ai eu Aulas au téléphone plusieurs fois, et je devais signer les deux ou trois mois qu’il restait de la saison, plus 2 ans. Et Lille refuse de me lâcher. C’était ça le paradoxe. Vahid me dit : « tu ne pars pas ».
Bien sûr, le climat lillois est différent de celui de Cannes. Mais de là à se blesser la tête à la moindre averse…
« A posteriori, la 4e place de 1999 est presque un mal pour un bien »
Alors on ne monte pas à la différence de buts, mais on est contents car la deuxième partie de saison a été très bonne, il y a des progrès dans le jeu, et on sent que cette équipe a des ressources.
On est déçus de ne pas y être arrivés. Il y a ce match contre Amiens. Je crois que c’est Adick qui me fait une passe en retrait, une passe pas terrible… Et le gars (Emmanuel Desgeorges) contre et va marquer. On m’a beaucoup reproché ce but-là. Le ballon arrivait face à moi. Ou alors il aurait fallu que je le prenne avec la main. Mais pour prendre un 12e carton rouge…
Ah ouais je suis loin quand même ! Je suis un peu loin au départ. Donc on ne monte pas, mais à la limite c’est presque un mal pour un bien : on peut dire ça a posteriori. Parce que je pense qu’on n’aurait pas été aussi prêts que l’année suivante.
On arrive à la saison 1999/2000. Là, on frôle la perfection, avec un effectif que Vahid a choisi, pour le coup.
Déjà, on restait sur une année, ou en tout cas 6 mois, où on finit bien. Abdelilah Fahmi, Fernando D’Amico, Johnny Ecker, Dagui Bakari devant, Ted Agasson et Didier Santini : toutes les arrivées ont été importantes. Des fois tu fais venir des joueurs, et t’en as toujours 3 sur 6 qui ne jouent pas, qui ne s’imposent pas. Et là, ils se sont tous imposé et ont apporté une plus-value à l’équipe. On débute le stage de préparation, on a tous la bave, et on a des réunions sur les objectifs qu’on se fixe : il y a des réunions où il y a tout le monde, des réunions où il y a que les anciens. Un jour, on est avec Djezon, il devait y avoir Pat’Collot, j’étais dedans, on était 5 ou 6. Vahid nous demande : « quel est votre objectif ? ». Et on a répondu sans se concerter : « on veut être premiers, on veut être champions » ; « Et vous allez faire quoi pour être champions ? » ; On dit qu’on va faire ça, ça, ça, ça. On a fait un stage de préparation de dingues. On a fait des séances athlétiques… Et tu vois déjà là qu’il va se passer quelque chose. J’ai toujours pensé que la préparation était un des moments les plus importants d’une saison. Car, tout de suite, tu vois celui qui va tricher, tu vois celui sur lequel tu vas pouvoir compter, tu vois celui qui va toujours tout donner, ça se voit dans les séances athlétiques, ou quand il faut faire un effort mental. Et là tu vois que personne ne triche. Mais pas 12 joueurs, tout le monde, tout l’effectif est concerné ! Là tu sais que ça va être une grosse saison. Et le début de saison parle de lui même : sur les 10 premiers matches, 9 victoires, un nul !
Juillet 1999, match amical à Roubaix contre Anderlecht.
Et sur un plan personnel, tu es bien mieux aussi.
Depuis quelques mois, je suis divorcé. C’était un poids pour moi. Même sur cette année là où on termine meilleure défense, je sais qu’en raison de certaines relations avec le public, je n’ai pas droit à l’erreur. Mais je sais aussi que mon ratio points gagnés/points perdus est positif. J’ai fait gagner des points à l’équipe. Mais on a tellement dominé qu’on a l’impression que tu mettais n’importe quel gardien et ça passait. C’est peut-être vrai, mais je ne le pense pas !
Finalement, le seul bémol de cette année-là, ce sont tes 2 expulsions, coup sur coup quasiment.
Contre Sochaux, c’est normal. L’arbitre était Alain Sars, un nancéien, que je connais très bien. Il ne m’avait jamais arbitré jusque là, normal, puisque j’ai joué pour Nancy longtemps, donc il ne pouvait pas. Et j’avais même essayé de simuler en disant que j’avais pris le ballon dans la tête, je me souviens (rires) ! Bon, et je lui ai dit « excuse-moi, c’est normal ». Mais le deuxième rouge contre Guingamp, en revanche, n’est pas mérité du tout. Fiorèse veut me dribbler, je lui prends le ballon, et je ne le touche pas en dehors de la surface. Je suis dans la surface, un peu emporté par mon élan. À la limite, tu peux siffler faute, mais pas mettre rouge. Fiorèse était déjà parti. De toute façon, l’arbitre le voit tout de suite parce que derrière il expulse le joueur qui se bagarre un peu avec D’Amico, alors qu’il n’y a rien !
On a vu Fernando en janvier qui nous a raconté l’épisode, ça nous a bien fait rigoler ! Tu as donné des consignes quand Christophe Landrin t’a remplacé ?
Non. Jean-Pierre Mottet était derrière le but et essayait de lui dire quoi faire. Je sais pas si t’as les images, mais il avait fait la dernière demi-heure derrière le but.
Landrin gagne d’ailleurs un 1 contre 1 (3’55 dans le résumé). Ça doit être perturbant finalement pour un attaquant d’avoir un joueur comme ça dans le but.
Sans doute, sans doute.
C’est un bel arrêt de gardien ça ?
Un peu chanceux… Un vrai gardien serait sorti davantage.
Deux gardiens de but du LOSC 1999/2000. Manque Eric Allibert.
« En 2000, je me suis préparé pour jouer »
Le LOSC retrouve la D1 à l’issue de cette superbe saison. Et à l’intersaison, le club recrute un gardien pour être numéro 1, a priori. Et tu deviens donc numéro 2. Comment tu apprends la nouvelle, et comment tu la prends ?
C’était très clair. J’étais en fin de contrat. Vahid me reçoit avant de partir en vacances. Il m’explique que le club va prendre un gardien. Je crois qu’à l’époque, ça discutait avec Sébastien Hamel, qui était au Havre. Je lui ai dit : « il n’y a pas de problème. Mais je jouerai ». Je prolonge alors mon contrat de 2 ans.
La préparation est correcte, les matches amicaux ça va… Toutefois, j’appréhende car je pars comme numéro 2, alors que j’ai toujours joué numéro 1 dans mes club précédents. Mais lors du premier match contre Monaco, sur le banc, dans la préparation du match, je vois que sans jouer, je peux quand même apporter quelque chose. Donc même si je sais qu’à partir du moment où je ne joue pas la première journée, ce sera très compliqué de retrouver la cage, j’aurai un rôle à jouer. Mais je me suis préparé pour jouer, ce qui fait que quand Richert se blesse deux jours après la 1e journée, je suis prêt. Et donc on gagne 4-0 à Strasbourg ; on gagne contre Rennes le match d’après. Et je me fais expulser ensuite à Sedan ! Et alors là pour le coup, il n’y a rien ! Même à la commission de discipline, on m’a dit qu’il n’y avait rien, mais je suis quand même suspendu. Et en plus on prend le but sur le coup-franc derrière. Plus tard, on joue contre Troyes. Et là, on prend un but de ma faute. Le deuxième. Je suis en train de reculer quand Goussé frappe, alors que c’est une frappe anodine. Mais je suis sur des appuis arrières, et on perd 2-1. Et après, c’est le match de Saint-Etienne.
On avait mis l’accent là-dessus dans l’article qu’on a écrit sur toi : ce match qui est un tournant dans ta carrière, suite à un article de la Voix du Nord très dur pour toi, qui mettait en cause tes prestations, ta légitimité. Il se passe quoi dans ta tête quand tu lis ça le dimanche matin ?
J’ai commencé à lire l’article, et je ne suis pas allé au bout. J’ai discuté avec Jean-Pierre Mottet. Je lui ai demandé qu’on me laisse tranquille toute la journée. Franchement, je crois que je n’ai parlé à personne de la journée, sauf avec Jean-Pierre Mottet. Lui savait pourquoi j’ai réagi comme ça, et je lui ai dit : « écoute, laisse tomber, je ne vais plus rien dire, laisse-moi me préparer ». J’étais assez remonté. Lors de la causerie, je me rappelle que Vahid n’a pas compris mon attitude. Il m’a dit que j’étais faible, quelque chose comme ça… Mais je n’ai rien dit.
Je n’ai jamais fait l’unanimité au cours de ma carrière, et j’ai toujours su quand j’étais bon ou pas bon. Ce n’est pas un problème d’être critiqué, et j’ai parfois trouvé que c’était juste. Mais là je trouvais l’article orienté et vraiment injuste. On fait parler des supporters qui me trouvent mauvais… Oui, et moi je peux te trouver 3 amis qui vont dire que je suis le meilleur gardien du monde, et ça n’a pas plus de valeur ! J’aurais aimé, au moins, qu’on me donne la parole. Derrière ça, le match passe sur Canal, on fait 1-1, un super résultat. Et là les gens ont retourné leur truc. Derrière, il y a le derby, et on gagne le derby.
Et tu es encore décisif dans le derby car à 0-1, tu gagnes un duel contre Sibierski, et à 0-2, l’histoire aurait sans doute été différente.
Exactement. Et puis c’est un duel où il part de 50 mètres, donc on a tous eu le temps de le voir arriver. Et donc ça démarre là un peu. C’est un vrai tournant. Les gens ont compris, enfin certaines personnes ne changent jamais d’avis, mais certaines personnes qui sont juste à écouter ce qui se dit ont vu : « ah oui quand même… il a fait un bon match, c’est peut-être un bon gardien ».
À ce moment-là, tu penses que c’est juste un changement dans la vision qu’ont les supporters ?
J’en sais rien en fait. Je le dis maintenant parce que ça fait plus de 15 ans… Ne pas prendre de but, que l’équipe obtienne des résultats… ça donne de la confiance. Je jouais pour moi, pour mes coéquipiers. Si les gens sont contents, c’est bien, s’ils sont pas contents, qu’est-ce que tu veux que je fasse ?
« Je ne suis pas sûr qu’on ait pensé un jour être champions, mais… »
En début de saison, tout le monde disait que le LOSC jouait le maintien. Est-ce que dans le groupe vous disiez autre chose ?
Ah non, on était totalement sur le maintien. Même si on avait fait une top saison en D2, on savait le fossé qu’il y avait avec la D1. Même si le club avait recruté intelligemment ! Il n’y avait pas beaucoup de moyens. On n’avait pas de gros salaires, mais il y avait un moyen de motiver les joueurs : il y avait de belles primes de classement pour les joueurs. On a fini 3e, donc ça a coûté cher (rires) !
On a ici une coupure de presse, après un match à Lyon, où tu arrêtes un pénalty d’ailleurs. Tu es en Une de la Voix des sports également. C’est un peu après Saint-Etienne, il y a un article sur toi, très élogieux. Et on voit qu’il est vraiment devenu commun de dire que tu es désormais décisif.
Ah, y a Marco Cuvelier sur la photo ! J’avais une blessure au coude avant ce match-là. Une sorte d’entorse. Sur un arrêt, mon bras était parti et j’avais un problème de ligament. Dès que je recevais un ballon ici, j’avais une putain de décharge. Dès que j’allais chercher un ballon loin, ça faisait très mal. Je devais me faire infiltrer avant le match, et le doc n’est pas là. Il est dans les salons du stade, je crois que c’était le Beaujolais nouveau… Et avec Marco Cuvelier, dans le vestiaire, je devenais fou : « c’est pas possible, on avait prévu, merde, fait chier ! ». Il me dit : « ne bouge pas, je vais te faire un strap ». Il me fait un strap, et mon bras ne bouge plus. Je vais à l’échauffement : il avait tellement serré le strap que ma main était bleue ! Donc j’enlève mon maillot et je retire le strap, au cours de l’échauffement. Et tout le monde, dans le stade, voit que j’ai un problème au bras gauche. Et avant le pénalty, je regarde Anderson, et je fais genre (il grimace pour montrer qu’il a mal au bras gauche). Et il tire sur ma gauche, je plonge à gauche, et je l’arrête !
La maladie de Christophe Pignol, ça a eu quelles conséquences sur le groupe ?
On était au Maroc quand on a appris pour sa leucémie. C’était un moment douloureux. Je me souviens de la première visite à l’hôpital… C’était compliqué. Il a démontré des qualités mentales. Il s’accrochait à la vie. Du côté du groupe, on s’est davantage ressoudés, resserrés derrière cet événement-là. C’était un moment triste, mais on voulait tellement faire pour lui, lui montrer qu’on pouvait lui donner quelque chose, car c’était lui qui se battait contre la maladie. Il y a eu des images à la fin du match contre Parme, on a brandi son maillot… Il y a toujours eu des moments comme ça pour lui rappeler qu’on était avec lui dans son combat, qu’il a gagné.
Est-ce que tu crois que le titre de champion était possible cette année-là ?
Au fur et à mesure que le championnat avance, on se dit qu’on peut faire quelque chose. Je ne suis pas sûr qu’on ait pensé un jour être champions, mais je pense qu’on aurait pu être champions. Je sais qu’à un moment, on est premiers, et on est surpris d’être premiers. On est au taquet, et on a un max de réussite, quand même ! Quand on joue contre Nantes, en février, on est encore devant. On fait 1-1 mais il y a cette action de Sterjovski, le poteau à la dernière minute… S’il marque, on a 4 points d’avance sur eux. Et peut-être autre chose après. Contre Bordeaux, on mène 2-1, puis on fait une erreur sur l’égalisation. Après, on a fait beaucoup de nuls : contre Bordeaux, à Auxerre, au Parc… On n’était pas loin, mais on a quand même quelques points de retard. Nantes en fait gagne tout jusqu’à la fin. Mais si on les avait battus, est-ce que les Nantais auraient fait la même fin de saison..? On n’a pas fait une saison parfaite non plus. En tout cas, sur le coup, je n’y ai jamais pensé. Déjà, finir 3e, je trouvais ça incroyable ! C’était la folie quoi ! Seul Monaco avait fait mieux en étant champion juste après être monté (en 1978), mais c’était un autre temps, avec d’autres moyens, ils avaient des moyens énormes quand ils sont remontés. Je vois qu’on a fini 3e, qu’on s’est qualifiés pour le tour préliminaire, et je n’ai pas de regret par rapport à la 3e place.
« Vahid Halilhodzic nous a menés plus haut
que ce qu’on pouvait imaginer »
On voudrait te montrer une vidéo : ta réaction après la qualification contre Parme. Ce qui a toujours été appréciable avec toi, et parfois étonnant, c’est ton calme, ta modération. Là, on vient d’éliminer Parme, tu es super calme, tu t’en veux presque d’avoir pris un but sur lequel tu ne peux pas grand chose (à 20’15 sur la vidéo ci-dessous).
Oui, c’est des trucs qu’on partage un peu entre nous… Il y a une réaction pour le public, et des choses qu’on partage avec les coéquipiers. Après, je n’ai jamais été très expansif, que ce soit dans un sens ou dans l’autre. Si tu reprends ma réaction après le match contre Saint-Etienne, là j’étais remonté ! Mais pour revenir sur ce match, c’est le match où j’ai eu le plus de pression de toute ma carrière. La tension était énorme. Je ne sais pas combien de matches j’ai joués avec Vahid… Je pense que c’est un des meilleurs coaches dans l’approche des matches. Il avait toujours le bon angle dans ses causeries, même si ses causeries étaient trop longues, vraiment trop longues… Sur ses approches, il était toujours très bien. Mais ce match-là, il l’a loupé. Nous, déjà, on avait la pression. Le matin du match, on a vu des vidéos : un montage sur ce qui avait été, et un montage sur ce qui n’avait pas été. Sur ce qui a été, ça a duré 3 minutes, sur ce qui n’a pas été, ça a duré 20 minutes. Et sur les 3 minutes qui allaient, il trouvait à redire et finalement ce n’était pas bien ! Donc on se rend compte après cette causerie-là – parce qu’il en a fait plein des causeries avant le retour – qu’on a eu un gros coup de cul. Et comment on va faire maintenant..? C’est la seule fois à Lille, avec tous les joueurs, lors de la collation du midi, où il n’y a pas un mot à table. Mais pas un mot. On est tous blancs. Tu regardes la 1e mi-temps : même une passe de 10 mètres, je n’arrive pas à la faire. Je n’ai jamais eu davantage peur de toute ma carrière. Et je me suis promis de ne plus jamais avoir peur. À la mi-temps, il s’est passé des trucs dans le vestiaire. En deuxième mi-temps, on est revenus avec d’autres intentions. Bon, on n’a rien fait de miraculeux, mais on a juste pas pris de 2e but. C’est là où Biétry fait un commentaire sur un ballon aérien que je vais chercher. Il dit : « ah c’est bien, ça va le mettre dedans ». Parce qu’à la 75e, je ne suis pas encore dans le match. Et ce ballon-là a fait du bien, et derrière tous les ballons venaient vers moi : je n’avais pas besoin de plonger. Je les attirais tous.
Plus globalement, quel souvenir t’a laissé Vahid Halilhodzic ?
Au-delà de ses capacités pour faire jouer une équipe, pour avoir un projet de jeu, il était très impressionnant sur l’aspect mental. Sa force, c’est qu’il a réussi à nous mener plus haut que ce qu’on pouvait imaginer. Si, quand il arrive en septembre 1998, tu dis à Pascal Cygan par exemple : « tu vas jouer à Arsenal, tu vas pas être loin d’être international », peut-être qu’il aurait dit « ben ouais, t’es gentil… ». Si tu dis à Bruno Cheyrou : « tu vas être vendu 50 MF à Liverpool », peut-être qu’il va rigoler aussi à ce moment-là. S’il nous dit qu’on jouera la Ligue des champions dans peu de temps, on va rire ! Sa force est d’être parvenu à nous faire croire en nous, à faire en sorte qu’on donne plus que ce qu’on croyait pouvoir donner.
La saison 2001-2002 commence donc très bien.
C’est la confirmation, parce qu’on n’a pas un gros effectif, et on joue quand même beaucoup de matches. Mine de rien, j’ai l’impression de jouer tout le temps. On était tout le temps en train de préparer un match. Avec la Ligue des champions, c’était un rythme incroyable. On préparait notre premier match le 11 septembre, et finalement on ne joue pas le 12 en raison des attentats : ça a serré le calendrier. Mais la force de Vahid, c’est qu’il avait tout anticipé : il savait quelle équipe il allait aligner 3 matches plus tard. De temps en temps, un blessé pouvait contrarier ses plans, mais quand tu vois ce qu’on fait à Troyes par exemple, t’as vu l’équipe qu’on avait ?
Le 15 septembre 2001, le LOSC se rend à Troyes avec une équipe-bis dans le but de préserver ses cadres avant d’entamer sa première campagne de Ligue des Champions à Manchester 3 jours plus tard. Sont laissés au repos : Cygan, Pichot, D’Amico, Br. Cheyrou, Boutoille et Bakari. Be. Cheyrou, Delpierre, Rafael (2e match en D1), Michalowski (1er match en D1), Murati, sont titulaires. Au terme d’un invraisemblable concours de circonstances (4 poteaux et un pénalty arrêté par Greg), les Lillois s’imposent 1-0. On en a même fait un article. Et pour le son de l’arrêt sur pénalty avec Fréquence Nord, c’est ici :
Même si le LOSC a eu un maximum de réussite à Troyes, qu’est-ce qu’une telle victoire dit du fonctionnement du groupe ?
C’est toujours compliqué quand t’as un effectif de 20-22 : il y en a toujours 4 ou 5 qui ne vont jamais jouer. Mais t’as besoin d’eux, t’as besoin qu’ils soient à 100% aux entraînements. Tu auras besoin d’eux, peut-être une fois dans l’année, mais il faut qu’ils soient présents. Pour la vie de groupe, j’ai toujours pensé que c’était mieux. C’est pas toujours facile à faire intégrer à tout le monde, surtout maintenant. Mais on avait une force : on concernait tout le groupe. Sur les primes, sur tout. Le mec, même s’il ne jouait qu’un match, tu savais qu’il allait le jouer à fond. Ça c’était une force du groupe, et aussi des dirigeants qui avaient approuvé cette demande des cadres quand on a négocié les primes. C’était une vraie force, qu’on avait déjà fondée depuis le stage en Bretagne, à Saint-Cast, l’année où on monte, et aussi l’année d’après, on y était retournés. Ce sont des moments où tu forges quelque chose. Dès qu’un joueur arrivait dans le groupe, il était obligé de s’intégrer tout de suite. C’était des règles tout à fait simples, mais elles étaient justes. Alors il pouvait y avoir de très gros salaires, de moins gros salaires, mais arrivés sur le terrain, tout le monde était logé à la même enseigne. Et le coach, Vahid, a réussi à maintenir ça, durant les 4 ans quasiment qu’il est resté.
En 2002, tu restes, alors qu’une bonne partie de l’ossature de l’équipe s’en va. Quels souvenirs tu gardes de ces 2 années avec Claude Puel ?
C’est plus compliqué parce que tu perds tes meilleurs joueurs. Le recrutement n’est pas top… En fait je suis déçu de ne pas avoir connu Claude Puel après. Il a été mis en difficulté car on avait des résultats moyens, mais tu sentais qu’il était en train de faire grandir le club. C’est un aboyeur, c’est quelqu’un qui vit ses matches, mais il y a eu des moments difficiles, des moments de doute même je pense, au niveau des dirigeants. Il y a des trucs que je ne dévoilerai pas, mais en tant que capitaine, on a eu des discussions, et à un moment donné c’était compliqué pour lui. J’ai toujours pensé que c’était un top manager. Même si après je suis parti car il ne voulait plus de moi. Mais même ça, je ne l’ai pas trouvé injuste, car durant ces deux années, j’étais peut-être un peu moins performant. L’équipe qu’on avait n’était pas la même, et c’était un peu plus compliqué.
« Lille, c’est ma famille. Mais je voulais jouer au foot »
Du coup en 2004 tu étais en fin de contrat ?
Non, il me restait un an. Je pouvais prolonger de 2 ans, en baissant mon salaire, et en ne jouant plus. Sylva arrivait, y avait Greg Malicki… Et moi j’avais des clubs. Je suis parti à ce moment là, parce que j’avais envie de jouer. Ça m’a mis en difficulté de quitter Lille, parce que je m’y sentais bien, c’était ma famille. Mais je voulais jouer au foot. Je ne voulais pas qu’on me prive de ça. J’aurais pu aussi rester et essayer de gagner ma place, mais ça aurait été dur. Et j’ai encore joué quelques années après.
D’abord à Metz, puis à Grenoble.
J’ai connu 2 groupes compliqués dans ma carrière : celui-là, et celui de Cannes. J’ai même failli arrêter… Ça m’avait dégoûté, car je ne voyais pas le foot comme ça. En tout cas le foot pro. À Metz, la 2e année, c’était dur. Et je rebondis à Grenoble avec Michel Rablat, qui a travaillé pour Lille. La première année, on doit finir 5e en D2, ce qui est le meilleur classement du club à l’époque. Et la 2e année, on a 12 points de retard sur Troyes à 10 journées de la fin, mais on arrive à monter, avec 6 points d’avance sur le 4e. On intègre le nouveau stade, on ne prend pas un but sur les dernières journées : ça fait partie des remontada !
Tu retrouves la Ligue 1 à Grenoble avec un groupe qui est très expérimenté.
Ah oui, oui. La montée déjà, y en avait quelques-uns : Walid Regragui, Maxence Flachez, Nassim Akrour… Puis, quand on monte, Laurent Battles, Daniel Moreira, David Jemmali, Ronan Le Crom, et moi. Donc des joueurs à 32, 33, 34… Moi j’avais 37 je crois.
Et vous faites une super saison pour un promu.
Oui, on a même été en tête. À la fin c’était plus compliqué, mais on a été dans les 10 premiers assez longtemps. On n’a pas souffert pour le maintien, on l’a acquis très vite. On a fait quelques exploits en gagnant au Parc, à Saint-Etienne. Même à domicile, on a fait de gros matches. On a fait des matches dégueulasses aussi ! Au Parc, on gagne avec un but d’Akrour de 25 mètres ! Landreau se fait lober, comme ça lui est arrivé quelques fois !
Justement, sache que tu as recueilli le plus de voix parmi nos lecteurs lorsqu’on a lancé il y a quelques mois l’élection du « onze de coeur ». Mais comment on parvient à comparer des performances de gardien de but ? C’est quoi un bon gardien ?
Je sais qu’il y a eu une époque, les gardiens comme Revault, quand il était au Havre, tout le monde disait qu’il était trop fort, il touchait des dizaines de ballons par match… Y a des gardiens qui font beaucoup d’arrêts. Mais des fois dans des équipes un peu faibles en fait. Un gardien peut faire de beaux arrêts mais prendre plein de buts aussi. J’ai toujours préféré jouer dans des équipes où moins j’en avais à faire, mieux c’était. Ça veut dire que l’équipe était attentive et concentrée.
Du coup, comment on peut déterminer la qualité d’un gardien ? C’est celui qui prend le moins de buts ? C’est celui qui fait le plus d’arrêts ?
Les meilleurs sont ceux qui font bien le peu qu’ils ont à faire. S’il faut faire 2 arrêts, il les fait. Si il doit en faire 6, il va les faire. À l’arrivée, les meilleurs sont ceux qui prennent le moins de buts. Ce n’est pas toujours la meilleure défense, mais en général les meilleurs sont ceux qui prennent le moins de buts. Parce qu’ils sont dans les meilleures équipes. Parfois, tu as des attaquants en D2, ils mettent 20 buts. Et quand ils jouent en D1, ils mettent pas un but. Ben voilà, c’est des attaquants de D2. Qui sont très bons en D2 mais qui n’ont pas le niveau D1. Et on a parfois des gardiens qui flambent, qui font plein d’arrêts dans des équipes de bas de tableau, puis quand tu les mets dans une équipe de haut de tableau, ils ne supportent pas la pression, ils n’ont pas un degré suffisant de concentration… Si tu joues beaucoup de ballons, forcément tu es sollicité, donc tu es tout le temps concentré. Mais quand tu le touches pas… C’est plus dur de jouer dans une forte équipe ! Normal, ce sont les meilleurs qui jouent dans ces équipes là. C’est pas un hasard.
On avait fait un article il y a quelques temps, où on se demandait qui était le meilleur gardien du LOSC…
Et tu disais que c’était Christophe Landrin !
Ben oui, si le meilleur, c’est celui qui ne prend pas de but, le meilleur c’est Landrin ! Non mais comment on compare un mec comme Enyeama, ou Landreau, avec toi ?
Landreau a fait un doublé, donc c’est lui qui a eu les meilleurs résultats. Mais il a fait un doublé avec des Hazard, Cabaye et Debuchy… C’est ça le truc. Après, c’est un gardien qui a fait plus de 600 matches, qui a montré tellement de choses ! Enyeama a fait des trucs incroyables aussi, des arrêts fabuleux. Je pense qu’athlétiquement, Enyeama est meilleur. Landreau est en-dessous sur les qualités physiques et athlétiques. Il jouait très avancé. Il a sauvé plus de buts qu’il n’en a pris, mais c’est vrai que quand tu vois des buts comme il a pris contre Grenoble, tu te dis : « mais merde, il fait quoi ? ». Pour quelques buts encaissés où il était avancé, il en a sorti beaucoup. Mais il avait une lecture du jeu, une anticipation, une confiance en lui, un rayonnement, un jeu au pied aussi qui font qu’il était incroyable. Il a fait une grande carrière. Mais tu peux pas comparer… C’est pour ça que tout ce qui est « équipe du cinquantenaire », « équipe du siècle », bof… C’est très aléatoire.
Je prends le ballon d’une main, je salue le public de l’autre : du grand art.
Revenons à ta carrière : tu es proche d’un retour au LOSC à un moment.
Quand je suis à Grenoble et qu’on se maintient la première année (2009), ma fille était scolarisée à Lille, ma femme travaillait par ici aussi. Je rentrais tous les week-end, ou en avion, ou en train. J’étais tout seul à Grenoble : ma famille ne venait que pendant les vacances scolaires. C’était dur mais bon, c’était pour ma passion. Je sonde tous les clubs du Nord, parce qu’il faut que je rentre. Boulogne venait de monter en L1 ; début juillet, lors de la préparation, Landreau se fait les croisés. Et là, j’ai les dirigeants au téléphone, j’ai le président : « on a pensé à vous… ». Mais Garcia ne veut pas. Je lui ai laissé un message ou deux, il ne m’a pas rappelé. Il y avait Butelle, et finalement ils prennent Mouko. Mais j’ai vraiment pensé que j’allais revenir.
Pourquoi Garcia ne voulait pas de toi ?
Je ne sais pas. Il m’a appelé, mais bien après. J’aurais aimé discuter avec lui avant, pour montrer qui j’étais. Ça m’a un peu vexé. Enfin bon. J’avais un club en Ligue 2, j’avais un club en national : Evian, qui voulait me faire signer 2 ans, avec un super contrat, et 2 ans après ils sont en D1 d’ailleurs. Ils ont beaucoup insisté, ils m’ont appelé pendant les vacances, mais je dis que ce n’est pas possible. Du coup, je me suis inscrit à la formation de manager général de Limoges, avec l’appui de Xavier Thuilot. On devait être une cinquantaine à faire la demande, mais il n’y avait que 14 admis. Jusque fin juillet, je m’entretiens quand même, en me disant « on ne sait jamais… ». Après, je pars en vacances au Portugal en me disant que c’est fini. Et c’est dur. C’est assez violent en fait. Je rentre de vacances, je vois dans mon courrier que je suis pris à la formation : c’est top ! C’était le 12, 13 août, 14 août…
Et alors comment Valenciennes revient vers toi ?
Je pars en week-end avec mes beaux-parents sur la côte d’Opale. Un matin, mon beau-père me dit : « tu vas signer à Valenciennes… ? Penneteau s’est fait les croisés… ». Je lui dis : « non, c’est bon, Valenciennes, je me suis proposé, ils m’ont envoyé balader… ». Je prends le train pour rentrer à Lille : coup de fil de Henri Zambelli, qui était mon agent. Il me parle de Valenciennes. Je lui dis que je ne suis pas intéressé, qu’ils m’ont envoyé balader… Et je comprends là, je n’étais pas au courant, qu’il est devenu directeur sportif de Valenciennes ! Donc il me dit de venir quand même, de discuter. On prend rendez-vous. Et quand je rentre dans le centre d’entraînement, quand je rentre dans le vestiaire… j’y reviens, quoi. J’ai discuté avec lui pendant 2 heures, et j’ai signé à Valenciennes. C’est arrivé le 19 août, le jour de mon anniversaire. J’ai signé un an, dans un rôle de 2e gardien, pour accompagner, et ça a tellement bien fonctionné que j’ai resigné un an encore. Alors que l’entraîneur des gardiens avait un doute, il disait que j’étais vieux, mais il a vu que ça allait, et on est devenus très potes. Au bout de 2 ans (2011), j’ai arrêté, parce que j’allais avoir 40 ans. Et là pour le coup, ce n’était pas violent, car c’était de moi-même, j’étais allé au bout et je ne pouvais plus continuer. Quand j’étais sur le banc, je me disais « faut pas que je rentre », parce que si je rentrais, j’allais faire de la merde ! Je me sentais moins bien, j’étais moins performant, je trouvais que ça allait plus vite, à l’entraînement je prenais plus de buts… ça devenait compliqué.
Du coup, la reconversion avait été pensée avant 2009, avant même l’inscription à cette formation ?
En fait l’idée, c’était de travailler pour le LOSC, quand Xavier Thuilot y était encore. On avait pensé à quelque chose, mais il est parti. J’ai eu ce projet de formation après. Ce projet, c’était pour mon enrichissement personnel, car c’est une top formation. Tu sors de là avec un réseau. Tu entres dans un autre domaine. Mais tu peux aussi reprendre le coaching, car là tu n’es pas entraîneur, tu es manager. Tu manages de l’humain, tu es en relation avec ton président… ça avait l’air très intéressant. Et finalement, je ne l’ai pas faite. Je voulais la faire tout de même, mais le directeur de la formation m’a indiqué que c’était impossible de la suivre avec mon engagement à Valenciennes.
Du coup, depuis ta retraite sportive, tu es très actif !
Très actif ! Je viens d’obtenir mon BEF (brevet d’entraîneur de football). Et à la prochaine session, je m’inscris pour le diplôme d’entraîneur des gardiens pour la formation. Ce sont des sessions qui ont lieu tous les 2 ans, donc pour maintenant ce sera pour l’année prochaine. Ce diplôme va devenir obligatoire pour entraîner les gardiens. Mais pour l’obtenir, tu dois passer par le BEF. Parce que pour avoir le BEF, normalement il faut entraîner une équipe, et moi j’entraînais les gardiens cette année. Tu dois raconter une histoire, quoi. Il devrait y avoir une filière spécifique aux gardiens, mais pour l’instant elle n’existe pas. Mais prenant désormais en charge l’entraînement des gardiens en CFA, je vais mettre pas mal d’activités en stand-by, parce que je n’ai plus le temps. Jusque là, j’avais quand même des plages horaires pour venir ici (rappel, on est au Five). Mais là, avec le rythme qui est imposé… en tout cas qui a l’air d’être imposé..! J’ai fait les 10 jours de stage avec Bielsa. J’attends la nouvelle saison avec beaucoup d’excitation et de curiosité. Mais je reste dans le foot. Et je reste au LOSC, surtout !
Merci à Grégory Wimbée pour sa disponibilité.
FC Notes :
1 Au fait, les nouveaux abonnements sont en train d’arriver. Si vous ne l’avez pas encore reçu, ça ne saurait tarder !
2 À l’époque, la D3 est divisée en 6 groupes. Les 6 champions, promus, s’affrontent pour déterminer le champion de D3.
3 Le Championnat de D2 1992-1993 est le dernier avant la réorganisation des divisions amateures. La D2 devient entièrement professionnelle et passera en 1993-1994 de deux poules de 18 à une poule de 22. Les 8 derniers de chaque poule sont donc relégués en National 1. En résumé, cette année là sont montés : Martigues et Angers, champions de leur poule. Ainsi que Cannes, initialement 2e de la poule 1. Ce qui permettait au club de jouer des pré-barrages avec Nice (3e de la poule 1) ainsi qu’avec Rennes et Rouen (2e et 3e de la poule 2). En pré-barrage, Rennes bat Nice 1-0 et Cannes bat Rouen 2-1. En barrage, Cannes bat Rennes 1-0 et 3-0. Cannes gagne donc le droit de disputer un dernier barrage contre le 18e de D1 : Valenciennes. Et Cannes l’emporte 2-0, 1-1. Pas évident hein.
4 La liste des gardiens-buteurs en D1 française est dans notre article : http://droguebierecomplotlosc.unblog.fr/2016/12/10/29-novembre-1996-wimbee-scorbute-nadon/
Posté le 21 juin 2017 - par dbclosc
Cher Président Seydoux…
Il y a 6 ans, l’un de nous écrivait au Président Michel Seydoux. Le constat était le suivant : l’équipe du LOSC était agréable à voir jouer, ce qui l’avait incité à retourner voir tous les matches de son équipe favorite dans des bars. Problème : ça coûtait cher en bières. L’objet du courrier visait donc à demander une participation financière de la direction du LOSC, jugée directement responsable de ces dépenses excessives, en raison d’une politique sportive qui portait ses fruits. C’était aussi l’occasion de présenter au Président le rapport affectif entretenu avec son club. La lettre est malheureusement restée sans réponse. Nous vous la proposons désormais en ligne, dans sa version d’origine. Nous avons juste inséré des liens, car certains des souvenirs évoqués dans cette lettre sont devenus des articles sur ce blog, et des photos. Magie des réseaux sociaux, peut-être que cette fois le Président Seydoux nous lira et nous répondra. Et après tout, l’arrivée de Marcelo Bielsa pourrait bien actualiser le problème. Tiens, on va écrire à Gégé !
Lille,
Le 31 mars 2011
Cher Président Seydoux,
« Puel et Garcia, c’est deux styles de jeu différents, c’est évident. Puel a développé un jeu plus défensif à un moment où on était en construction, aujourd’hui c’est devenu plus pétillant. C’était du cidre, c’est devenu du champagne », déclariez-vous le 18 janvier dernier sur RMC. Je ne saurais vous contredire. Supporter lillois depuis mon enfance, c’est avec grand plaisir que je j’observe depuis bientôt trois ans les performances de mon club favori, performances coïncidant avec l’arrivée au club de M. Rudi Garcia. Ainsi, aux brillants résultats s’ajoute une indéniable qualité de jeu apportée par l’entraîneur, m’ayant réconcilié avec le suivi fidèle et en direct des matches du LOSC.
Pour vous raconter ma vie – une partie du moins -, j’ai commencé à m’intéresser au football vers l’âge de 10 ans, soit vers 1994, à une époque où, disons-le, il n’était pas franchement valorisé socialement de se déclarer supporter du LOSC, d’autant plus que le voisin lensois tournait bien mieux. Mais, proximité géographique et héritage paternel obligent, c’est vers Grimonprez-Jooris et son panneau d’affichage à points lumineux incompréhensibles que je me dirigeai, tout ça pour voir des rencontres au cours desquelles égaliser contre Martigues à la 83e minute sur un but de raccroc était considéré comme une performance honorable, dans la mesure où elle permettait de remonter à la 14e place et de prendre ses distances avec Le Havre. C’était également la période des vaches maigres offensives (souvenons-nous de ces 10 victoires 1-0 à domicile sur la seule saison 1994-1995, dont une fameuse contre Caen sur un but d’Arnaud Duncker à l’issue d’une belle action collective). Mais, quand on est jeune, on ne s’arrête pas aux performances sportives, et il restait plaisant de venir au stade pour sentir l’ambiance indescriptible d’un match de ventre mou entre nos favoris et le FC Metz, pendant lequel il n’était guère farfelu d’avoir 3 bagarres générales au cours du match et si, par chance, l’arbitre s’appelait Colombo, on rigolait bien rien que pour ça. Surtout, c’était gratos pour les moins de 12 ans à l’époque, pour peu qu’on prenne un air naïf à l’entrée du stade, ce que mon père faisait très bien. Il y eut quand même une éclaircie au début de la saison 1996-1997, avec un début de saison tellement canon qu’on est descendus en Division 2 à son issue, comme pour compenser un trop-plein d’exposition médiatique durant 3 mois. Ces années furent donc celles d’un football médiocre, bien encouragé par des joueurs au standing douteux (c’était quoi, Joël Germain ? Une blague refourguée par Caen pour se venger de leur avoir refilé Keneth Andersson ? La ligne d’attaque Pingel/Simba en 1995, c’était pour légitimer a posteriori le fait que Samuel Lobé fut l’homme providentiel ?), et l’inexorable départ des rares joueurs qui permettaient d’envisager un avenir meilleur (Sibierski… et puis c’est tout en fait). Les seuls moments de joie, c’était des petites performances ça et là (une victoire-accident au Parc des Princes en 1996 sur un centre raté de Patrick Collot et une intervention encore plus ratée de Bernard Lama, pendant que les parisiens cherchaient à rentrer avec le ballon dans notre but pensant que ce serait facile, et ce trois jours avant que le PSG ne gagne la C2 ; ou ce match à Lyon ou notre gardien Nadon regarde le ballon taper 5 fois ses poteaux et revient avec un miraculeux 0 à 0). Nous étions donc bien loin du « football-champagne » que nous pouvons revendiquer désormais.
Noël 1994 chez Papy et Mamie : une grande fierté
Puis je fus abonné de 1997 à 2003. Soudainement, à l’échelon inférieur, nous étions devenus des favoris. Tu parles ! 1997-1998 : 4e ; 1998-1999 : 4e ! Quand seulement trois équipes peuvent monter, c’est ballot, surtout lorsqu’il s ‘agit en l’occurrence des trois premières. En dépit de quelques accidents (notamment cette victoire 7 à 3 sur Martigues), en deux ans, on parvient à se faire devancer par Sedan, Troyes, Lorient (inconnus à l’époque)… et à faire gagner chez nous Amiens (deux fois !), Cannes, sans oublier de belles défaites à Mulhouse ou Beauvais, et, point d’orgue et symbole de l’époque Thierry Froger, cette épique défaite face à Toulon à Grimonprez en avril 1998 sur un but de Didier Rabat dès la 2e minute qu’on fut incapable de surmonter (faut dire que l’entraineur s’entêtait à laisser deux milieux défensifs à domicile alors qu’Hitoto courait pour trois), ce qui, conjuguée à la défaite du match aller, faisait de nous les généreux donateurs de 6 points au Sporting Toulon, lui permettant de ne finir cette saison-là que 5 points derrière le premier non-relégable.
Oui, Président, difficile à croire, mais j’ai adoré ces joueurs : Samuel Lobé, Bob Senoussi, Christophe Landrin, Djezon Boutoille, Frédéric Machado, Frédéric Dindeleux, Gaël Sanz, Jean-Marie Aubry, Clément Garcia, Cédric Anselin.
Par la suite, miracle, l’entraineur suivant, est aussi compétent que son nom est imprononçable. Heureusement, parce que « Halilhodzic, démission ! », ça aurait été plus difficile à chanter que « Froger, démission ! » – ceci est au passage une petite astuce quand vous recrutez des entraineurs : favorisez les noms à plus de trois syllabes pour éviter l’animosité des tribunes. Une saison et demie plus tard, nous revoici en première division grâce à un ensemble de circonstances soudainement favorables et des scénarios « à la Vahid ». Ainsi, durant 4 ans, nous avons eu droit à quelques souvenirs mémorables révélant un sens tactique hors du commun : épuiser la défense pendant 85 minutes avec deux gars costauds aux avant-postes qui ont les pieds carrés, puis faire entrer des gamins de 18 ans qui permettent de l’emporter sur le fil 3 à 0 ; entrainer son gardien de but à détourner deux pénalties consécutifs (ce même gardien qui marquait contre son camp deux mois auparavant) ; recruter sur cassette vidéo un Argentin qui a douze poumons ; faire de joueurs moyens de Division 2 des stars de D1 qui amènent le club en ligue des Champions ; gagner un derby sur un but contre son camp du lensois qui avait adressé un doigt d’honneur au kop lillois avant le match ; refaire le coup des cinq poteaux ET du pénalty adverse raté à la dernière minute à Troyes, de surcroît en ayant marqué en contre grâce à une molle reprise de Sterjovski (un de ces types qu’on ne connaissait pas avant qu’il arrive à Lille et dont on n’a plus jamais entendu parler après) ; s’amuser à attendre la 94e pour mettre les buts vainqueurs. Bref, c’était tiré par les cheveux mais c’était bien.
Ensuite, votre arrivée couplée à celle de Claude Puel inaugurait une nouvelle ère : sachez déjà que, dans un premier temps, avoir pour président une personne qui avait le prénom d’un joueur lensois, c’était pas très malin de votre part. Fort heureusement, vous eûtes l’intelligence de recruter Kader Keita, histoire que l’alliance « Seydou (x)/Keita » soit davantage associée à Lille qu’à Lens. Au niveau communication, je dois reconnaître que c’était bien joué. La première saison fut laborieuse. Conjuguée à d’autres raisons, elle m’incitait à ne pas renouveler mon abonnement pour la saison 2003-2004, qui fut elle-même en demi-teinte. Les deux saisons suivantes furent assez brillantes, tant en championnat qu’en Coupe d’Europe, mais mon intérêt pour les matches était très intermittent, car si les résultats étaient là, la manière laissait souvent à désirer. Ainsi, n’étant pas adepte des tactiques où la titularisation d’un unique attaquant est considérée comme audacieuse, je délaissai progressivement les matches du LOSC, sauf pour quelques évènements de taille, comme la victoire à Milan, ou quelques coups du sort rigolos, comme le Lille/Lens de mai 2008, au cours duquel nous envoyons Lens en Ligue 2, comme une revanche sur une enfance à être le seul supporter lillois à l’école primaire, face à ces opportunistes qui ne faisaient que tenir pour les vainqueurs, sans s’y intéresser plus que ça. Hé hé.
Y avait pas foule à l’époque pour aller voir s’entraîner Roger Hitoto et compagnie.
À l’été 2008, l’Olympique lyonnais désire s’attacher les services de Claude Puel. Soit. Après plusieurs faux départs et un bilan globalement positif, il était de bonne guerre de ne pas fermer la porte à ce départ. A posteriori, c’était même une excellente décision, puisque c’est là que vous faites appel à Rudi Garcia. Surtout, vous faites pour la énième fois le coup de la vente des meilleurs éléments lillois qui perdent leur football ou ne jouent plus en arrivant à Lyon, nous permettant d’avoir encaissé en quelques années, entre Bodmer, Makoun, Keita, Puel et Bastos, une belle petite enveloppe pour, au final, recruter des Moussa Sow ou un employé municipal de Fréjus devenu international français pour 0 €.. Et que dire du recrutement de Florent Balmont pour 2,5 millions à un club qui avait déboursé 4 millions pour Moussilou deux ans auparavant ? Si ça, c’est pas du génie financier, ça y ressemble.
En tout état de cause, l’arrivée du nouvel entraineur m’a permis de renouer avec la tradition du suivi des matches du LOSC en direct, tant l’équipe est devenue plaisante à voir jouer, manifestement grâce à l’apport de M. Garcia. Ainsi, depuis trois saisons, et dès que j’en ai la possibilité, j’assiste aux matches de Lille. Je dirais même que les matches de Lille sont devenus une priorité dans l’organisation de mon emploi du temps. Cependant, pour différentes raisons que je vais vous exposer ci-après, je ne souhaite pas suivre ces matches directement au Stadium nord de Villeneuve d’Ascq. Premièrement, ce stade est tout pourri. Deuxièmement, les stades ne sont pas forcément les meilleurs endroits pour discuter à chaud (d’autant plus dans un stade ouvert à tous les vents) de ce que l’on voit sur le terrain ; troisièmement, les matches du LOSC sont un moment privilégié pour partager une bonne bière entre amis. Nous perpétuons ainsi la tradition régionale de la consommation de bières. Ainsi, nous vivons par procuration les mêmes sensations que les plus fidèles supporters. La qualité de jeu et les résultats semblant en outre s’améliorer à mesure que le temps passe, manquer un match dans un des bars de la ville s’apparente de plus en plus à une faute morale. C’est ainsi que depuis de longs mois, chaque match du LOSC est l’occasion de se retrouver entre amis (nous n’avons pas Canal +). Les enjeux étant de plus en plus élevés, conformément au plan ambitieux que vous proposez pour le club, je suis également dans l’obligation de suivre la plupart des rencontres de certains concurrents directs. Ainsi, ces dernières semaines, outre les matches du LOSC, j’ai assisté à Rennes/Marseille, Lyon/Rennes, Marseille/Paris…
J’en viens ainsi au coeur de mon courrier et de ma demande : à raison d’une pinte à 5€ par période et par personne, mon budget limité de jeune chercheur est fortement grévé par ces dépenses directement liées à la politique sportive réussie que vous menez depuis maintenant 9 ans à la tête du club. J’aimerais donc savoir si une participation du club dans ces dépenses est envisageable, et dans quelles proportions. Ainsi, vous qui ambitionnez le « football-champagne », vous remarquerez ma modestie en ne vous sollicitant que pour du « football-bière », ce qui révèle mon attention pour les finances du club, quoique bien alimentées par l’ami Aulas.
Je serais bien évidemment ravi de discuter des modalités de financement directement avec vous, si vous le souhaitez. Ce serait un signal fort à l’égard de l’ensemble des supporters qui, souvent plus que les joueurs, aiment avoir beaucoup de pression (s) les jours de matches !
Dans l’attente d’une réponse de votre part à laquelle je ne manquerai pas de porter un toast, veuillez recevoir, cher Président Seydoux, mes sentiments sportifs les meilleurs.
Posté le 15 juin 2017 - par dbclosc
Anciens Dogues : l’histoire répond présent
Lillois depuis toujours, Michel Castelain est une figure bien connue du LOSC. Profitant d’une pause dans sa « retraite » active, nous avons passé une heure en sa compagnie : une bonne occasion de revenir sur son parcours, ses multiples activités, et de nous plonger dans le passé du club et l’entretien de sa mémoire à travers l’association des Anciens Dogues, dont il est le manager général.
Dans sa jeunesse, le footballeur Michel Castelain évoluait à l’Iris Club de Lambersart, au niveau régional. Mais il est tombé tout petit dans la marmite du LOSC, à l’époque où le club jouait au stade Henri-Jooris. De cette époque à aujourd’hui, trois stades plus tard, il garde des souvenirs, entretient des relations et raconte des anecdotes qui sembleraient pouvoir alimenter des heures de conversation. Il suffit de lui donner un nom, une date, un lieu, pour que son bagout naturel se mette en marche : il révèle alors qu’il est incollable sur les fonctions d’untel, ses transferts, ou sur le souvenir de tel match (« je me rappelle un match de coupe de France Lille/Aulnoye avec René Charrier, un international, dans les buts d’Aulnoye, et qui après est parti à Marseille. Il était président de l’UNFP ! » ; « Philippe Chanlot ? Je l’ai connu quand il était en cadets nationaux, à Lille. Il venait d’Orléans, et on mangeait ensemble les dimanches midis. Quand il est parti à Metz, j’allais le voir régulièrement. Il a joué à Anderlecht, Wasquehal, Dunkerque, Lille, ou même à Marseille peut-être ? »). En l’écoutant, c’est l’histoire du LOSC qui défile. Le verbe haut, il fait parfois penser à un ancien combattant se remémorant les camarades disparus (« Bruno Metsu, Michel Watteau, qui sont malheureusement décédés, c’étaient des potes »), les dures périodes du club (« quand le LOSC est redevenu amateur, j’y étais moi ! »), mais aussi les plus brillantes (« pour qui a connu l’époque de Vahid, on ne peut pas oublier la première participation à la champions League ! Vahid, un type exceptionnel ! »). Mais si Michel Castelain est capable de nous livrer nombre d’anecdotes, il ne cultive pas la nostalgie pour autant (contrairement à nous, parfois). S’il est retraité de la Caisse d’Allocations Familiales (CAF) depuis 2012, après y avoir travaillé durant près d’un demi-siècle, sa passion pour le foot et ses facilités relationnelles l’ont depuis bien longtemps aidé à multiplier les activités.
Première entrée au LOSC
Mais le foot n’est jamais très loin. Il s’investit d’abord au sein de l’Iris Club de Lambersart : « quand j’ai eu fini ma carrière en équipe 1e et B, j’ai commencé à faire du tableau noir avec Claude Plancque, le père de Stéphane et Pascal. J’ai été secrétaire-adjoint du club, et je représentais le club à l’office municipal des sports de Lambersart ». Il y rencontre Francis Dubreucq, à la fois entraîneur à Lambersart et au LOSC. Par son intermédiaire, il apprend que Charly Samoy, alors directeur sportif du LOSC, recherche une personnalité pour le club. Nous sommes en 1977 et bingo : Michel Castelain se retrouve responsable des cadets nationaux : « et au bout de 3 mois, je suis devenu également responsable de l’accueil des arbitres. Donc responsable de leur accueil, j’allais manger avec eux au restaurant, puis j’étais sur le banc de touche, avec le délégué du match. Un des premiers arbitres que j’ai accueilli, ça a été Robert Wurtz, une rencontre exceptionnelle ». Il profite de son entrée au LOSC pour passer ses diplômes d’entraîneur. Il obtient son premier degré pour entraîner les jeunes : après les cadets, il prend en charge les Minimes. Il passe par la suite son diplôme d’entraîneur avec pour collègues de promotion Zarko Olarevic, Jean-Michel Vandamme, Philippe Lambert, Stéphane Plancque, entre autres. Au LOSC, il travaille notamment avec Régis Bogaert ; il crée une 3e équipe seniors à la demande de Jean Parisseaux, et la prend en charge durant quelques années avec Jean-Michel Vandamme. Il travaille également avec Luc Courson durant une saison à la tête des Minimes, après la grave blessure du joueur en 1987. « Ce premier passage au LOSC a duré de 1977 à 1988, jusqu’au départ de Charly Samoy. Quand Bernard Gardon est arrivé, il a viré tout le monde, tous les anciens sauf un : Régis Bogaert. Sinon, Jean-Michel Vandamme et toute la bande… Virés. Beaucoup sont alors partis à Lens : Jean Parisseaux, Arnaud Dos Santos, Jean-Michel Vandamme, Jean-Pierre Mottet… »
Charly Samoy, de passage à Luchin en 2013, avec René Girard, Patrick Robert et Michel Castelain.
Journalisme sportif
La carrière de Michel Castelain s’enrichit alors d’une nouvelle expérience : « quand j’ai arrêté le LOSC, Serge Verkruysse, responsable des sports à Nord-Éclair et correspondant à L’Equipe, m’a demandé si ça m’intéressait de faire du journalisme sportif, et notamment de faire le suivi du LOSC. Et ça m’intéressait, j’aime bien écrire. Cette expérience m’a fait connaître énormément de monde ». Michel Castelain se charge dans un premier temps du suivi des matches régionaux, puis des matches professionnels du LOSC, puis également ceux du Racing Club de Lens, pour Nord-Éclair. Tout en poursuivant parallèlement son activité à la CAF, la réglementation autorisant certains cas de cumul d’activités, parmi lesquelles le journalisme. Encore aujourd’hui, il travaille pour la Voix des Sports, rubriques tennis de table et golf.
Retour au LOSC
On peut dater les prémices de la création de l’association des anciens Dogues au moment où Pierre Dréossi était le directeur sportif du LOSC : « il m’a suggéré de m’occuper des anciens pros, et on a commencé avec la coupe des Princes, à Paris, lancée par Flunch et par Jean-Pierre Papin. Trophée des princes qui s’est déroulée tout un week-end avec les grands clubs français ». Pierre Dréossi insiste pour que se constitue un réseau des anciens, d’abord de manière informelle : Michel Castelain s’en charge. En attendant que l’association ait une existence officielle, Michel organise ponctuellement quelques événements : « j’ai fait de l’événementiel : j’ai organisé le jubilé des frères Plancque à Lille, avec la venue d’Éric Cantona, qui avait quitté Manchester United seulement 15 jours avant ! ; ça a été une première exceptionnelle. J’ai fait la montée du LOSC en D1 en 2000 avec Zidane et la bande. On fait aussi un événement à Liévin pour le lancement des terrains synthétiques du complexe sportif couvert, avec Laurent Blanc, Barthez, Duga, Zidane… En lever de rideau, on avait fait un match des anciens du LOSC contre les anciens de Lens ». Il met également à profit son expérience dans le secteur social pour apporter une aide aux jeunes du centre de formation : « comme je travaillais à la CAF, quand un joueur avait des problèmes administratifs, comme j’avais mes entrées, je m’occupais des dossiers. Quand Jean-Noël Dusé était responsable du centre de formation, chaque année, en juin, quand les jeunes du centre partaient, je faisais une réunion sur les droits aux allocations logement, etc ».
L’officialisation de l’Association des Anciens Dogues
C’est à partir de 2011 que l’association des Anciens Dogues se constitue formellement : « Patrick Robert me demande comment ça se passe, et il me dit qu’on va tout restructurer et faire ça dans les règles de l’art, avec un trésorier, etc. On a tout repris et tout restructuré en 2011. Je suis désormais manager général, Patrick Robert est président des Anciens Dogues et président du LOSC association, Greg Wimbée est dans le comité, avec Patrick Deschodt, qui est un ancien joueur également ». La dernière assemblée générale élective, le 4 février 2017, a confirmé cette répartition des tâches : le comité directeur de l’association est composé de Patrick Robert (président), Grégory Wimbée (secrétaire), Patrick Deschodt (trésorier) et Michel Castelain (manager). L’association organise alors de manière plus régulière des matches de gala, qui permettent aussi de saluer certaines personnalités : « on avait fait un match d’anciens du LOSC contre les anciens de Saint-Étienne à Loos-Ennequin. Le coup d’envoi avait même été donné par Stanislas Karasi. Et y avait même, côté ASSE, Kurbos, l’ancien de Metz, la fois où ils ont fait un régal à Barcelone : il avait marqué un triplé ! ». Pour les 70 ans du club en 2014, Michel Castelain est parvenu à rameuter bon nombre d’inhabituels, parfois venus de loin : les frères Cheyrou, Mile Sterjovski, Rafael Schmitz… « ça venait de partout, on avait 2 supers équipes ! ».
Chaque rencontre est en tout cas une bonne occasion pour les supporters lillois de revoir les anciennes gloires qu’ils ont tant aimées du tant de leur splendeur. Ou pas d’ailleurs : les compositions d’équipe reflètent parfois un certain éclectisme, signe que le LOSC n’a pas toujours brillé, contrairement à ce que beaucoup croient. Par exemple, on est toujours ravi de revoir Arnaud Duncker, et se rappeler ses chevauchées côté droit : mais on ne peut pas dire qu’il soit associé à une période de grand spectacle collectif à Lille (1994-1998)…
Comment sont choisis les joueurs qui participent à ces matches ? « Ce sont ceux qui sont capables de jouer, déjà ! Beaucoup ont des problèmes de genou ».

« Après, j’ai un réseau, je les contacte. J’essaie de prendre ceux qui sont dans la région ou pas trop loin. Déjà, y en a pas mal qui sont au club. Donc j’ai un noyau. Y a des mecs qui viennent vers nous, qui demandent. Et comme ça tourne bien, ça attire du monde. La plupart sont des anciens pros. On en a aussi qui ont eu des contrats stagiaires pros, mais qui n’ont pas été pros (Agueh, Zelmati…). Après y a une grosse partie de l’équipe de Vahid : Wimbée, Pichot, Cygan, Bakari, Collot, et D’Amico que j’ai fait venir exceptionnellement en avril. J’ai rajeuni l’équipe là, avec les Noro, Fauvergue, Zelmati. Mon capitaine, c’est le plus vieux, un peu comme Didier Sénac à Lens : Philippe Piette, 58 ans. Il est le seul à avoir joué dans 3 clubs pros de la région. Bernard Chiarelli est aussi dans ce cas : il a même joué coupe du monde 1958 ! Il vit toujours. Philippe Piette, a fait les 3 clubs en D1 ; tandis que Chiarelli, lui, a joué à Lille, mais en D2 ! Après y a Dumont… ». Stéphane Dumont, justement, parlons-en : après l’officialisation de son départ à Reims en tant qu’entraîneur-adjoint, il a porté le maillot du LOSC ce vendredi soir, pour un match amical entre anciens et salariés du club. À cet événement initialement prévu s’est greffée une petite cérémonie en l’honneur de Stéphane Dumont. Gérard Lopez lui remettra à l’avenir un Dogue d’honneur lors d’un match au stade Pierre Mauroy. Le voici désormais « Ancien Dogue », label certifié par Michel Castelain :
Il ne faut pas s’y tromper : l’équipe des Anciens Dogues est partie intégrante du club. À ce titre, Michel Castelain tient à son exemplarité : « on cherche, c’est vrai, à donner une belle image du club. Avec le projet mis en place par la nouvelle direction, comme je l’ai dit au premier match à Libercourt contre Lens, il faut qu’on soit irréprochables sur et en dehors du terrain : on est une vitrine du club, donc on n’a plus le droit à aucun écart. À travers ces joueurs là, c’est un peu l’histoire qui défile ! ». Et puisque, jusqu’alors, il n’y a aucun problème à signaler, la tradition est de terminer l’année par un voyage : « à chaque fin de saison, pour remercier ceux qui participent à plusieurs matches dans la saison, on fait un voyage de 2 jours en Angleterre, tous frais payés, et on va voir un match. La première fois, c’était à Manchester, en loges, au 5e étage. Y a un des plus grands anciens joueurs de Manchester qui vient dans le salon et tout. MC : donc là c’était McIllroy, recordman de sélections en Irlande du Nord. L’année d’après, c’était à Arsenal. Pascal Cygan avait sa photo sur l’Emirates ! On aimerait aller à Southampton la prochaine fois, on en profiterait pour voir Claude Puel – du moins s’il reste. On part à une vingtaine, 17 joueurs et 3 dirigeants. Voilà comment ça se passe ».
Avril 2017, contre Valenciennes : Maxime Agueh, Pascal Cygan, Stéphane Noro, Fernando D’Amico, Gabriel Guikoune, Joël Dolignon, Michel Titeca
Michel Castelain est donc dans une retraite toute relative : « au LOSC, je suis bénévole. Bon après, j’ai des petits avantages, y a un budget, mais c’est sérieux, ça tourne. Ça me prend du temps, mais j’adore, je me donne à fond ».
Bonus Track : les Anciens Dogues de l’OL
Avant que n’existe l’association actuelle, nous avons exhumé un article de nos précieuses archives évoquant l’existence de l’amicale des Anciens Dogues de l’Olympique Lillois (OL). Pour rappel, l’OL est l’un des clubs clubs dont la fusion a donné naissance au LOSC en 1944. Créée après-guerre, cette amicale vit le jour sous l’impulsion d’Henri Jooris (le fils), Albert Flouquet, André Dourdin, Georges Winckelmans, Jean Demessine et Maurice Gravelines, dans le but de célébrer les artisans de la conquête des championnats de France 1914 et 1933 (le premier championnat professionnel). Réunie annuellement au « bar de l’écho », Grand place, l’amicale était présidée par Madame Jooris, veuve d’Henri Jooris. Ci-dessous une photo de 1966, sur les marches de l’opéra. 1 point DBC à qui trouve tous les noms : c’est facile !
Les prochains rendez-vous de l’équipe des Anciens Dogues :
2 juillet à Houtkerque : « tournoi des légendes » à 7 équipes, à l’occasion des 20 ans des « Corsaires » (supporters des bleus section Dunkerque), avec notamment des équipes d’anciens de Dunkerque, Calais, Valenciennes, Lens et Lille :
http://supportersdesbleus.e-monsite.com/pages/anniversaire-des-corsaires-20-ans.html
22 juillet à Beauvois-en-Cambrésis contre une sélection du Cambrésis-Hainaut.
Merci à Michel Castelain pour sa disponibilité.
Posté le 10 juin 2017 - par dbclosc
Meflah « Aoued » Benaouda, le premier non blanc du football professionnel lillois
Jusqu’au milieu des années 1980, les joueurs du LOSC étaient des Blancs dans leur écrasante majorité. Ainsi, à l’exception d’Ahmed Mezzara dans les années 1960, puis de Joël Henry, Engin Verel et Noureddine Kourichi une quinzaine d’années plus tard, tous les Dogues avaient été blancs de peau.
Pour autant, si l’Algérien Ahmed Mezzara fût le premier non-blanc du LOSC qui demeura désespérément blanc dans les années 1970 quand d’autres clubs français se coloraient avec des joueurs sud-américains (non-blancs) et africains, il n’était pas pour autant le premier non-blanc du foot pro lillois. Ainsi, avant même la création du premier championnat professionnel en 1932, le SC Fives comptait dans ses rangs un certain Meflah Banaouda (qu’on voit également appelé parfois Ahmed Bacha Banouda) surnommé Aoued.
Pour une fois, nous ne faisons pas de blagues en guise de légende. Parce que Aoued est déjà une légende à lui tout seul.
Le 7 mai 1906, à Mascara, naquit un gros bébé. Il fût appelé Ahmed Bacha, ou Meflah, à vrai dire on ne sait pas exactement. Toujours est-on sûrs que son nom de famille est Benaouda et que ledit gros bébé allait ensuite devenir un brillant footballeur algérien surnommé « Aoued ».
C’est en 1925 que Aoued fait ses débuts avec l’AGB Mascara. A l’époque coloniale, il n’y a pas alors de championnat national mais des ligues « départementales », celle d’Oranie, de Constantine et d’Alger. Dès sa première saison dans l’antichambre de l’élite oranaise, Aoued est champion. En 1927, dans le cadre de son service militaire, Aoued rejoint le prestigieux Mouloudia d’Alger. Enfin, « prestigieux » … si, aujourd’hui, le Mouloudia d’Alger est l’un des plus beaux palmarès algérien, il est encore très loin de l’élite de la ligue départementale. Selon sebbar.kazeo.com, Aoued joue d’abord en 2ème série puis en 1ère série de la ligue d’Alger, soit les 5ème et 4ème divisions départementales. A chaque fois, le club algérois connaît la montée, Aoued ayant également la chance de disputer la finale de la coupe de la Municipalité en 1928 quand lui et ses coéquipiers durent s’incliner (2-0) contre un adversaire portant l’élégant nom du Club des Joyeusetés.
C’est en 1929 qu’Aoued rejoint le nord de la France et le SC Fives encore amateur. Trois ans plus tard, il fait partie du club fivois qui participe au premier championnat professionnel. Enfin, semble-t-il, car il ne dispute pas le moindre match cette saison 1932/1933 avec Fives. Il est en revanche titulaire la saison suivante sur le front de l’attaque fivoise, formant avec le Tchécoslovaque Bara et l’international français Ernest Libérati un fameux trio offensif qui inscrira 44 buts, dont 10 pour le natif de Mascara (qui est donc Aoued pour ceux qui auraient décroché). Il est donc un pion essentiel du club fivois qui connaît là la plus belle saison de son histoire, terminant deuxième à un point du champion sétois avec, en prime, le meilleur goal-average et de loin la meilleure défense.
Ah ben, c’est bien Aoued, on parle de toi est t’es même pas sur cette photo de Fives en 34/35
Pour l’anecdote, même 2ème à 1 point, Fives n’a pas vraiment espéré remporter le titre. Pour tout te dire, même les Sétois n’ont pas beaucoup espéré : quand le championnat s’est terminé pour Sète, Marseille avait encore trois matches en retard à disputer, et seul un point aurait suffit pour que le club phocéen remporte le titre : chose aisée pour un club dont le bilan est alors de 15 victoires, 5 nuls et 3 défaites. L’OM s’inclinera pourtant lors de ces 3 rencontres, assurant un improbable titre au club de la ville de Brassens.
Aoued est encore fivois la saison suivante, laquelle est plus morose : Fives se maintient aisément mais ne termine qu’à une modeste 11ème place. Pour sa part, l’attaquant algérien inscrit alors 6 buts en 20 rencontres.
Il s’en va la saison suivante à Alès, où il marque 8 buts en 29 rencontres. Aoued connaît alors sa première relégation. On a trouvé dans la presse de l’époque des anecdotes savoureuses à propos d’Aoued, par exemple lorsqu’il réalise un « shoot splendide » lors d’un défaite (7-0) à Sochaux ou quand il « bouscule le goal visiteur dans ses buts » lors d’un match contre Valenciennes. On constate bien d’autres commentaires élogieux à son propos, notamment lors d’un match à Metz pour lequel un journaliste ne peut s’empêcher d’observer qu’ « on note deux jolis exploits du centre-avant Aoued ». Que d’anecdotes croustillantes.
En haut, le 3ème en partant de la droite, c’est Aoued
L’attaquant rejoint ensuite Rennes, où il restera jusqu’en 1947 avec un intermède d’un peu plus d’un an à Antibes. En Bretagne, on lui découvre aussi sa face sombre : le 31 janvier 1937, il marque pour Rennes le seul but du match contre Fives (1-0). De retour en Algérie, Aoued deviendra l’entraîneur estimé des deux principaux clubs de Mascara où il décédera en 1965, officiellement d’un accident de voiture, selon nous à cause de complotistes contre le LOSC ayant attenté aux jours d’un ancien du SC Fives. Il a laissé là-bas un fameux souvenir : se rendre au Stade de Mascara, c’est découvrir un peu de l’histoire du football professionnel lillois. Ah oui, si tu veux t’y rendre, tu veux peut-être en savoir le nom ? Le Stade Meflah Aoued, bien sûr.
Epilogue (ou « sciences des épis »)
Aoued, fût donc le premier non-blanc du professionnalisme lillois. Le deuxième arrivera pourtant bien vite. Souilem Gnaoui, également algérien, signe au SC Fives en 1936 après un court passage à Marseille.
Même si tu ne l’as jamais vu, tu sauras peut-être reconnaître Gnaoui
L’attaquant de 22 ans ne passera qu’une saison à Fives avant son départ pour Nice la saison suivante.
Le SC Fives aura également un troisième algérien, oranais comme Gnaoui (également arrivé en 1936), Kouider Daho. Venu en France pour finir ses études de médecine, qu’il réussira avec succès, Kouider ne sera pas titulaire, mais disputera quand-même quelques rencontres avec les Diables Bleus.
Au demeurant très sympathique, Kouider Daho avait cependant la fâcheuse habitude de tripoter les genoux de ses coéquipiers
Daho jouera ensuite à Sète, où, fort de ses 4 matches disputés, il deviendra champion de France. Un futur médecin donc. Comme l’indique Thomas Bauer dans les Cahiers de l’INSEP, si beaucoup de joueurs maghrébins ont joué professionnels en France dans les années 1930, ils étaient pour l’essentiel issus de l’élite nord-africaine.