• Home
  • Bédés sur le complot contre le LOSC
  • Documents confidentiels sur le LOSC
  • Drogue, bière & complot contre le LOSC
  • Live, potins et rumeurs infondées
S'abonner: Articles | Commentaires | E-mail
  • Classements oubliésCes classements oubliés, ringards, ou inventés par mes soins à partir de la réalité.
  • Complot contre le LOSCCar le foot est un sport qui se joue à 11, et à la fin, il y a un complot contre le LOSC.
  • Derbys du NordCar rien ne vaut plus qu'un Lille-Lens, si ce n'est un Lille-Lens gagné 4-0.
  • Donne-nous des nouvelles ...sinon, on va inventer des interviews bidons sur toi.
  • Elucubrations vaguement intellectualiséesParce qu'on est cons, mais qu'on voudrait que ça se voit pas trop
  • Féminines
  • le LOSC est grand, le LOSC est beau
  • Tournois oubliésHommage aux petits tournois, du Challenge Emile Olivier au tournoi de Pérenchies
Drogue, bière & complot contre le LOSC

Drogue, bière & complot contre le LOSC

Le foot est un sport qui se joue à 11, et à la fin il y a un complot qui empêche le LOSC de gagner

Archive pour la catégorie ‘Donne-nous des nouvelles …’


Posté le 14 mai 2017 - par dbclosc

Gardiens de fortune : quand des joueurs de champ occupent les cages du LOSC

Aujourd’hui, si un gardien de but se blesse ou est expulsé, on est presque sûr que sa doublure entrera à sa place, sauf cas très particuliers où les trois remplacements ont déjà été effectués. Mais, comme on en a l’habitude, on va parler aujourd’hui d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître et dont certains trentenaires n’ont que de vagues souvenirs. Les blessures de gardiens en ce temps là aboutissaient à ce qu’un joueur de champ prenne sa place dans les buts.

Pourquoi ? Tout simplement parce que jusqu’à il y a pas si longtemps, le règlement n’autorisait la présence sur le banc que d’un nombre de joueurs équivalent au nombre de remplacements autorisés. Bref, quand deux remplacements étaient autorisés, seuls deux joueurs étaient sur le banc, quand trois changements étaient autorisés, seuls trois joueurs prenaient place sur le banc ; et le même raisonnement était valable quand un seul remplacement était autorisé. Quand aucun changement n’était autorisé, rien dans le règlement ne disait combien de joueurs pouvaient être présents sur le banc. Mais, en même temps, si aucun remplacement n’était autorisé, ces joueurs ne pouvaient alors servir qu’à couper des oranges. Bref, quand peu de joueurs étaient autorisés sur le banc, il était alors logique que les remplaçants soient seulement des joueurs de champ (1).

La blessure d’un gardien était trop rare, ce qui faisait que quand cela arrivait, c’était un joueur de champ qui prenait la place du gardien. Un joueur de champ dans les buts, c’est arrivé au moins six fois au LOSC dans son histoire, cinq joueurs de champ se partageant ces intérims contraints dans les cages. Peut-être en a-t-on oublié. Et on compte sur toi pour nous les rappeler.

 

Jean Baratte : le buteur devenu gardien

On a beaucoup évoqué Jean Baratte pour ses qualités de buteur. Moins connues, ses performances en tant que gardien de but. Et avec une différence notable par rapport aux autres cas exposés dans cet article : c’est en tant que titulaire que Baratte garda le but lillois. C’était contre Bordeaux, à Colombes, lors de la demi-finale de coupe de France en 1952. Jean Baratte avait déjà été titulaire en 1943 lors du derby OICL/SCF.
Pour ce match contre Bordeaux, l’habituel titulaire, Charles Val, s’est blessé à Reims une semaine auparavant. Tu vas me dire : le gardien remplaçant va donc jouer. Il s’appelle Georges D’Arcangelo. Problème : au moment où on a besoin de lui, il est introuvable. En fait, cela fait quelques mois qu’il est parti, et personne ne s’en est soucié ! Lors de l’été 1951, le gardien titulaire, Pierre Angel, part : D’Arcangelo croit alors que son heure est enfin venue. Mais le LOSC recrute Val. Vexé, il serait retourné dans le sud de la France : c’est du moins ce qu’un de ses amis confie aux dirigeants du LOSC ! En dépit d’appels dans les journaux et à la radio, le gardien-déserteur ne se manifeste pas. Reste alors la solution André Weughe, troisième gardien : mais tout le monde, y compris son entraîneur, Cheuva, le trouve encore un peu tendre. Bon ben du coup c’est Jean Baratte qui ira dans le but ! Il semblerait qu’il s’en soit très bien tiré, mais sans pouvoir empêcher la défaite en prolongation (1-2). Le LOSC fut très critiqué pour cet épisode, car si Baratte n’a pas démérité, il a beaucoup manqué devant. Quelques semaines plus tard, le transfert de César Ruminski apporte au club un gardien n°1 d’envergure.

BaratteJeannot dans les buts lillois

 

Bernard Stachowiak, saleté de règlement

Samoy a tout connu avec le LOSC, il fut gardien, entraîneur, directeur sportif, recruteur, sans doute pâtissier, cracheur de feu et dresseur de hamsters etc. Il connut les joies de la montée comme les affres de la relégation. Il a même connu la blessure en plein match. Été 1964, le LOSC de Jules Bigot vient de retrouver l’élite et reçoit le Nantes de José Arribas pour la 4e journée. Lille mène rapidement 2-0 grâce à des buts de Michel Lafranceschina (10e) et de Jean-Louis Thétard (20e). Pas de chance, le gardien des Dogues, Charly donc, se blesse peu avant la mi-temps. Pas de chance (bis), les remplacement ne sont pas encore autorisés. Lille va donc terminer à 10, avec un joueur de champ dans les buts : c’est le latéral droit Bernard Stachowiak qui s’y colle. Score final : 2-2. Bernard Stachowiak est davantage connu pour avoir inscrit le but vainqueur du LOSC face à Bastia en juin 1966, lors d’un barrage décisif pour le maintien en D1 : à la 86e, il était temps.

 

Navarro : le joueur de champ aux meilleurs stats que le titulaire des buts

Rebelote pour Samoy : il se blesse lors d’un déplacement à Strasbourg. En début de deuxième mi-temps, il est remplacé par l’attaquant André Perrin à une bonne quarantaine de minutes de la fin du match (car cette fois, les remplacements sont autorisés, et ce depuis quelques mois), mais c’est finalement le défenseur Vincent Navarro qui enfilera les gants (ça veut dire qu’il est devenu gardien de buts, hein, il a pas seulement enfilé ses gants).

Anecdote croustillante, le portier de fortune fait mieux que le titulaire du poste puisque Charly avait cédé à deux reprises en fin de première mi-temps. Vincent Navarro, lui, est à notre connaissance le seul joueur de champ du LOSC avec Landrin à avoir gardé sa cage inviolée. Le score ne bougera en effet pas, Lille s’inclinant finalement par 2 à 0. Navarro est alors le seul gardien de l’histoire du LOSC a n’avoir jamais encaissé de but. On t’en parle plus loin dans l’article, il sera rejoint une trentaine d’années plus tard.

NAVARRONavarro j’écoute

 

Dominique Thomas : la boulette, mais on peut pas vraiment lui en vouloir

Au cours de la saison 1986/1987, Bernard Lama connaît sa première saison comme titulaire dans les cages du LOSC. Le poste de gardien est bien pourvu, puisqu’en plus du futur champion du monde, les Dogues ont Pascal Rousseau (2), international espoirs, pour doublure. Après des débuts délicats, le jeune Lama s’affirme ces dernières semaines comme l’un des très bons gardiens de l’élite française.

Le 17 avril 1987, Lille se déplace à Geoffroy-Guichard, le stade des stéphanois où Pascal Cygan allait débuter quelques années plus tard en flippant. Pour cette saison 86/87, un autre fera ses débuts dans le chaudron stéphanois. En l’occurrence, il s’agit de Dominique Thomas. Non, Dominique ne fait pas son premier match en D1. Il débute comme gardien de but quand Nanard Lama se blesse dans un choc avec l’ancien lillois Krimau.

Dominique fait globalement un match correct. Pas de chance, il fait tout de même une boulette qui coûte aux siens le seul but du match en cafouillant un coup-franc anodin qui atterrit finalement dans des pieds stéphanois (1-0).


Gaston Mobati : le ratio temps de jeu/but encaissé le plus pourri (même pire que Arphexad)

En 1988/1989, Lille a sans doute son plus bel effectif depuis des lustres, avec, entre autres, Abedi Pelé, Erwin Vandenbergh, Filip Desmet, Jocelyn Angloma et Nanard Lama. Ce dernier se blesse à cinq minutes du terme d’un match maîtrisé par les Lillois lesquels mènent alors 1 à 0. Double malchance, les Lillois ont effectué leurs deux changements si bien qu’ils auront le double handicap de finir la rencontre à dix et avec un joueur de champ comme gardien de but. C’en était trop pour nos chouchous, Gaston Mobati, le gardien de fortune lillois s’inclinant deux minutes après avoir enfilé les gants de Lama. Tiens, d’ailleurs, Lama fût célèbre un temps pour ne pas porter de gants y compris en match officiel. Avait-il ce soir-là des gants à refiler à Mobati ? Ça, on t’avoue l’ignorer.

Autre fait croustillant de ce match, c’est donc Mobati, l’attaquant qui avait été le plus prolifique des joueurs de D1 sur la phase retour de la saison précédente (10 buts, devant papin) qui va dans les buts à la place de Lama, le gardien qui, quelques semaines plus tard allait marquer un but (sur péno mais quand-même) au portier de Laval. Avoue que ça ne manque pas de sel.

Lille se contente alors du nul (1-1), perdant là deux points précieux dans la lutte pour l’Europe. Gaston, pour sa part, repart avec le record du pire ratio temps de jeu/but encaissé des gardiens du LOSC dans toute l’histoire : 1 but toutes les 5 minutes.

 

Patrice Sauvaget : le pas trop buteur devenu gardien

Puisque Patrice Sauvage marquait peu (pour un attaquant), il s’est dit que peut-être il pourrait rendre davantage de services dans les buts. Fort de ce raisonnement, il se place dans le but après l’expulsion de Jean-Claude Nadon à Toulon, le 28 septembre 1991. Coupable d’avoir gagné trop de temps pour préserver l’avance lilloise (2-1), Nadon a pris successivement deux avertissements (82e, 97e). Sur le banc du LOSC, se trouvait seulement Mamadou Kane, et pas de doublure dans le but.
Sauvaget parvient à ne pas encaisser de but. C’est d’ailleurs ce bon vieux Patrice qui avait ouvert le score à la 22e ; Brisson doublait la mise à la demi-heure, tandis que le redoutable Leonardo Rodriguez réduisait l’écart sur pénalty à la 79e.

Nadon


Le récidiviste : Christophe Landrin

Nous en avons déjà parlé ici, à moins que ça soit là. On avait alors parlé du cas particulièrement atypique de Christophe Landrin. « Atypique ? » t’étonneras-tu. « Pourquoi est-ce atypique de parler de Christophe Landrin qui devient gardien dans un article qui parle de joueurs de champ qui occupent le poste de gardien de but ? » Eh ben, attends, tu vas comprendre.

Le 30 octobre 1999, au cours de cette sublime saison qui aboutira à notre remontée dans l’élite, Lille reçoit Sochaux. A Vingt minutes du terme, Greg Wimbée est expulsé. Jusqu’ici tout va mal. Tout va encore plus mal quand on comprend que, à l’époque, il n’y a pas de gardiens sur le banc des remplaçants (c’est possible, mais la probabilité d’une blessure ou d’une expulsion d’un gardien reste faible, donc on préfère mettre des joueurs de champ : seuls 14 noms sont autorisés sur la feuille de match) et que c’est donc un joueur de champ qui va prendre les gants. Et encore plus, quand on sait qu’on perd (0-1). C’est Christophe « Robocop » Landrin qui s’y colle. Et plutôt bien, notamment lorsqu’il sauve les siens du deuxième but doubiste, en remportant un face-à-face contre Stéphane Dedebant. On perd (0-1), mais Christophe n’y est pour rien et Lille et encore leader. The Sochaux must go on comme on dit.

Image de prévisualisation YouTube

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Deux semaines plus tard, Greg, tout juste revenu de suspension, se fait tout juste expulser alors que Lille mène 1 à 0 contre Guingamp peu après la mi-temps. Et c’est là qu’on entre vraiment dans l’atypique : Christophe Landrin endosse pour la deuxième fois de sa carrière, le tout en quinze jours, des gants du gardien de but (3). Et là encore ça sera avec succès puisque Lille l’emportera au final sans que son gardien de fortune n’encaisse un but (petit rappel grammatical : le « n’ » précédent est un « ne explétif » et non un « ne de négation »).

Wimbée Landrin « Il est en train de me prendre ma place de titulaire. Vite, poignardons-le discrètement avant qu’il ne soit trop tard »

Nicolas Bonnal : une bonne occasion de se faire remarquer

Au cours d’un début de saison 2002-2003 assez maussade côté championnat, le LOSC parvient à tirer son épingle du jeu en coupe Intertoto, en éliminant successivement les Roumains de Bistrita (2-0, 1-0) puis les Anglais d’Aston Villa (1-1 ; 2-0). En finale de la compétition, les Dogues sont opposés aux Allemands de Stuttgart. Cette double confrontation va permettre à Nicolas Bonnal de se mettre en valeur à divers titres. À l’aller, il est l’unique buteur du match, un but superbe au passage : reprise de volée aux 18 mètres sur un centre de Brunel après une belle action collective. 15 jours plus tard, le 27 août 2002, Lille tient, et se crée même quelques occasions en 1e mi-temps. Mais Pichot est expulsé dès la reprise pour un main sur la ligne de but. Le péno finit sur la barre mais, à 10, les Lillois craquent deux fois en fin de match, aux 81e et 88e minutes. À la 95e, Greg Wimbée, poussé par un joueur allemand, heurte Mathieu Delpierre : fracture de la pommette. Tous les changements ayant été effectués, c’est Nicolas Bonnal, le buteur de l’aller, qui enfile les gants, pour quelques secondes. C’est bien l’une des rares fois où Bonnal aura été dans la lumière à Lille.

Bonnal4D’accord, on est en Allemagne, mais le salut nazi n’est pas pour autant indispensable


Nicolas De Préville et Ibrahim Amadou : un après-midi de cauchemar

En ce dimanche d’août, la confiance est côté lillois : lors de la journée précédente, la première, Lille s’est imposé de façon convaincante face à Nantes, dans une certaine euphorie suite à l’arrivée de Marcelo Bielsa (3-0), tandis que Strasbourg, qui reste sur 2 montées consécutives, s’est lourdement incliné à Lyon (0-4). Mais rien ne se passe comme prévu : Lille est bousculé, et hormis une occasion pour De Préville (35e), on peut s’estimer heureux d’arriver à la mi-temps sans être mené. Surtout, très vite, deux joueurs (Thiago Mendes et Malcuit) sortent sur blessure ; peu avant la mi-temps, Bielsa décide d’effectuer, déjà, son 3e remplacement en sortant Ballo-Touré, en difficulté et déjà averti. Autrement dit, il n’y a plus qu’à croiser les doigts pour qu’on ne subisse plus de blessure… ou pour que le gardien ne soit pas exclu. Ce qui ne manque pas d’arriver, stupidement, à la 63e minute. On a bien encore un gardien sur le banc, mais il y a eu 3 entrants en première période. Nicolas De Préville, qui joue parfois dans les cages à l’entraînement, est donc chargé de garder le 0-0. Cocasserie dans la cocasserie : le maillot de Maignan étant trop grand pour lui, il prend celui de Koffi. De Préville tient 10 minutes, remportant même brillamment un face-à-face avec Saadi. Mais il cède une minute plus tard, ne pouvant rien sur une volée au premier poteau. Lille est mené, à 10, avec son avant-centre dans le but. Pour maximiser les chance d’égaliser, De Préville reprend sa place en attaque et il revient à Ibrahim Amadou d’aller dans le but ! 3 gardiens en 15 minutes, ça c’est Unlimited. Notre capitaine ne peut rien sur un pénalty, puis a peut-être la main un peu fébrile sur un dernier but à la 88e. Défaite 3-0.

De Préville


Voilà, voilà. Il n’est donc pas impossible qu’on en ait oublié. Dans l’idéal, il aurait fallu visionner l’ensemble des matches du LOSC pour s’en assurer. Avouons, nous n’avons pas poussé la rigueur intellectuelle jusque là.

(1) Ceci étant, à une époque, le LOSC jouait toujours avec un Gardien sur son banc. Mais, c’était dans les années 1970, quand leur entraîneur était René Gardien.

(2) Soit dit en passant, Rousseau est le titulaire avec Laval en 1988/1989. Il avait cependant fort opportunément laissé sa place à sa doublure lors de la dernière journée de cette saison, lors de la défaite des siens à Lille (8-0).

(3) Il se dit que c’est Pascal Cygan qui lui a passé les gants de gardien ce jour-là, en lui disant : « Maintenant que je viens de te passer deux gants, je ne suis plus que Pascal Quatregan ». Mais sachant que cette rumeur ne vient que de nos cerveaux, il n’est pas impossible qu’elle soit infondée.


Posté le 5 mai 2017 - par dbclosc

Thierry Rabat, le coup de vieux

Thierry Rabat a laissé un souvenir mitigé de son passage au LOSC (1995-1997), jonglant entre performances tantôt correctes, tantôt décevantes, dans un collectif lui-même sur courant alternatif et bien souvent en difficulté. Polyvalent, il fait partie des nombreux joueurs expérimentés recrutés lors du mercato 1995, au même titre que Joël Germain, Philippe Périlleux ou Amara Simba, et dont on ne peut pas dire que le passage ait été une grande réussite – pour Philippe Périlleux, on ne parle que de ce retour lors de la saison 1995/1996, sa « première carrière » lilloise ayant été, elle, très satisfaisante. Malheureux, Rabat se blesse rapidement après son arrivée, manque une bonne partie des matches amicaux, et ne débute sous les couleurs du LOSC que lors de la 9e journée, le 16 septembre 1995, à Gueugnon, pour une défaite 1-3. Par la suite, il a été un titulaire régulier, jouant 60 matches de championnat au poste de milieu défensif, plus rarement en tant que défenseur central.

Rabat 1996
A Rabat, on écoute du raï

Il est bon ou il est pas bon ?

Thierry Rabat laisse principalement deux souvenirs : d’abord, une remarquable foulée, genoux en avant et talons en arrière (vous allez me dire : l’inverse est difficile. Certes), mettant en valeur une crinière probablement soignée grâce aux meilleurs produits capillaires ; ensuite, de longs débats d’après-match, avec cette impression assez merdique que si on avait perdu en sa présence, c’était un peu sa faute, alors que si on avait perdu en son absence, c’était parce qu’il n’était pas là (les débats portaient plus souvent sur des défaites en ce temps-là). Sens du placement, qualité de passe d’un côté, soucis de marquage, manque de vitesse de l’autre, Thierry Rabat est un joueur professionnel moyen comme il en existe de nombreux prototypes. Passé par Limoges, Lens, le PSG, Martigues, et deux fois Toulon avant de débarquer à Lille, il n’a à son palmarès qu’un titre de champion de D2 (groupe B) avec le club varois, en 1983, au tout début de sa carrière. Et pour cause, il lui était en fait bien difficile d’étoffer ultérieurement son palmarès grâce à ses performances, à mesure que le temps passait. Nous avons en effet découvert que Thierry Rabat était atteint d’un mal peu connu dit « vieillissement accéléré », dont les symptômes se sont accélérés au cours de la période losciste.

Rabat 2 (2)

Pour preuve, nous vous proposons deux documents. En juin 1995, Joël Germain et Patrick Collot ont déjà signé pour le LOSC. Un troisième homme est pressenti : le martégal Thierry Rabat. Une nouvelle que relate la Voix du Nord dans son édition du 7 juin 1995 :

1
Le 9 juin, le même journal confirme l’arrivée de Thierry Rabat : il a signé un contrat de 2 ans. Voici ce que le quotidien relate le 9 juin 1995 :

2
N’avez-vous rien remarqué ? Dans l’article du 7 juin, Thierry Rabat a 30 ans. Or, dans celui du 9 juin, il a 33 ans ! Même en admettant que les nouvelles relatées dans un journal datent de la veille, cela ne change rien à cette problématique fondamentale et étonnante : entre le 6 et le 8 juin, en l’espace de 2 jours, Thierry Rabat a gagné 3 ans d’âge. En prenant pour base un vieillissement de 3 ans tous les deux jours, soit un an et demi par jour, cela signifie donc que lors de ses débuts lors de Gueugnon/LOSC, 103 jours plus tard, Thierry Rabat avait encore vieilli de 154 ans et demi, si bien qu’il était alors âgé de 184 ans et demi. C’est considérable. Cette nouvelle donnée nous invite évidemment à considérer avec beaucoup plus de relativité – et d’admiration – les performances de Rabat, dont on comprend alors qu’elles aient parfois été marquées du sceau de la médiocrité : on n’imagine qu’il n’est pas facile de suivre le rythme de la première division à un âge aussi avancé, quand on voit déjà ce que donne Mavuba à 33 ans. Mais le plus prodigieux dans l’histoire, c’est que Rabat s’est encore maintenu 1 an et demi au haut niveau, 521 jours, jusqu’à son dernier match à Metz le 24 mai 1997 soit, en Rabat-lumière, une durée de 781 ans et demi. En quittant le LOSC, Thierry Rabat était donc âgé de 966 ans. Zanetti et Milla peuvent aller se rhabiller. Il est dès lors assez peu étonnant que l’on ait peu entendu parler de ses performances à Troyes, en D2, lors de la saison 1997/1998. Nous ne savons pas trop ce qu’est devenu Thierry Rabat, mais on peut estimer son âge, 20 ans après ces événements, à environ 11 923 ans.

Rabat14


Il est difficile de savoir si d’autres joueurs du LOSC ont été touchés par ce mal étrange au cours de l’histoire, qui expliquerait bien des déconvenues : chacun aura des noms en tête. Pour terminer, notons que ce symptôme semblait très répandu à l’époque, et que manifestement les rapports à l’âge étaient bien différents qu’à la période contemporaine, puisqu’on pouvait lire ce titre dans la Voix du Nord, toujours en juin 1995 :

3


Posté le 14 avril 2017 - par dbclosc

Dagui Bakari, hors-norme

Il aurait fallu être sacrément visionnaire pour imaginer que le LOSC vivrait une de ses périodes les plus dorées avec pour avant-centre un joueur aussi atypique que Dagui Bakari. Et pourtant : après des débuts plutôt laborieux, Dagui Bakari connaît une progression inespérée. En fait, c’est simple : entre 1999 et 2002, chaque fois que le LOSC a franchi un palier, Dagui était en première ligne.

Été 1999, on oscille entre morosité et optimisme à Lille. Morosité après deux montées ratées ; mais optimisme, car la dernière saison s’est terminée en boulet de canon sous l’impulsion de l’entraîneur Vahid Halilhodzic, qui a profité du mercato pour faire le tri dans l’effectif : on lui fait confiance. Olivier Pickeu, après un total décevant de 7 buts dans un système pas adapté à son jeu, est parti au Mans. En échange, et en donnant un peu d’argent aux Manceaux, le LOSC récupère Dagui Bakari. Tiens donc, quelle drôle d’idée : un avant-centre qui vient de marquer 11, 9 et 9 buts sur les 3 dernières saisons. Très honorable, mais cela correspond-il aux statistiques d’un avant-centre dont le club vise la montée ? Bakari8À Lille, on connaît un peu la D2, tu parles, ça fait 2 ans qu’on y est. Dagui Bakari, c’est un profil d’attaquant « grand et costaud » cher à Willy Sagnol : 1,93m et 90 kgs. Il nous a même mis un but à Grimonprez-Jooris : c’était pour le premier match de Vahid au LOSC, pour un nul 3-3 entre Lille et Le Mans. Un but pas dégueu d’ailleurs, suivi d’une passe décisive à Réginald Ray. Alors, que vaut Dagui Bakari ? À vrai dire, a priori, il nous rappellerait plutôt Samuel Lobé, l’efficacité en moins, autant dire qu’il ne resterait plus grand chose. Peut-être qu’il a été recruté en cas de pépin pour Boutoille, Peyrelade ou Valois, les titulaires… ? Hé bien pas du tout : Dagui Bakari sera l’avant-centre titulaire pour cette saison 1999-2000.

 

Des débuts qui ne convainquent pas le public

On a eu l’occasion de voir de quelle manière le LOSC allait jouer durant cette nouvelle saison au cours des matches amicaux. Le dernier d’entre eux, contre Anderlecht à Roubaix, a mis en évidence l’apport de Dagui Bakari en tant que point de fixation devant. Pour l’ouverture du championnat, le LOSC se rend à Laval, et revient avec une première victoire (1-0) : à l’origine du but, une récupération de Landrin, puis une combinaison Bakari-Peyrelade-Boutoille permettant à ce dernier de marquer. Dagui enchaîne les matches, mais ne marque pas. Alors que l’équipe se procure quantité d’occasions, on trouve rarement Dagui Bakari à la finition, hormis pour quelques tentatives molles ou désespérées. Sa grande taille donne l’impression qu’il est pataud. Son n°10 renforce le contraste entre un chiffre traditionnellement associé à un poste et un joueur techniques, et cette grande carcasse qui donne parfois le sentiment de ne pas quoi savoir faire de ses pieds. Il ne faut compter que sur l’indulgence du public face aux bons résultats et la confiance accordée à Vahid pour ne pas entendre Dagui se faire siffler… Lorsqu’il se blesse à l’automne et manque quelques matches, son remplaçant, Rudi Giublesi, pourtant pas plus efficace, est acclamé, manière polie de signifier que l’habituel titulaire ne convient pas.

 

Bakari7Dagui avait marqué contre Anderlecht (2-3)

Et pourtant, un maillon essentiel

Oui, Dagui Bakari n’est pas un « buteur » traditionnel. Mais son apport au jeu est essentiel : son recrutement répond à un projet de jeu collectif dont il n’est qu’un maillon. Dans ce championnat réputé « physique », Vahid Halilhodzic a bien compris qu’il ne suffisait pas de cumuler les buteurs pour cumuler les buts (au début de la saison 1998/1999, les 6 attaquants du LOSC – Djezon Boutoille, Samuel Lobé, Franck Renou, Laurent Peyrelade, Olivier Pickeu et Jean-Louis Valois – pesaient 64 buts sur la saison 1997/1998 !). Clairement, le jeu est organisé autour de lui. Si son travail est assez ingrat, souvent dos au but, ceux qui tournent autour de lui, notamment Boutoille et Peyrelade, récupèrent les fruits de son travail. Et il n’est pas forcément évident de faire comprendre qu’un attaquant n’est pas forcément là pour marquer ! Alors Dagui ne marque pas, mais Dagui pèse : lors de la 4e journée contre Ajaccio, il sort à la 71e, alors que le score est de 1-1 et que les Corses jouent à 10 depuis la 30e. Lille gagne 4-2 : la preuve que Bakari est mauvais ? Sûrement pas. Si Lille en met 3 derrière, face à une défense qui ne peut plus résister aux assauts de nos attaquants frais, c’est bien parce que Bakari l’a épuisée. Et Dagui sait aussi profiter du travail de ses équipiers : il entre en jeu à Châteauroux à la 73e, le score est de 1-1. Finalement mené, le LOSC pousse en fin de match, et Bakari obtient un pénalty qu’Agasson transforme (85e), avant que Boutoille ne donne la victoire à la dernière minute, Bakari ayant attiré toute la défense sur lui. Travailleur de l’ombre, il met quelques semaines pour se signaler individuellement, en entrant en jeu lors de la 9e journée à Niort à la 70e minute, alors que le score est de 0-0 et que le LOSC est réduit à 10 depuis la 41e minute et l’expulsion de Carl Tourenne. 20 minutes plus tard, le LOSC mène 0-3 : Bakari a ouvert le score, il a ensuite superbement débordé et permis à Agasson de faire 0-2, avant que Boutoille ne parachève le succès lillois. La semaine suivante, il marque enfin son premier but à domicile, contre Le Mans, avant d’obtenir un pénalty après avoir renversé un défenseur d’un petit coup d’épaule. Ce n’est pas un hasard si l’arrivée de Bakari correspond à la systématisation du « Vahid time », cette période du match où l’adversaire, épuisé par 80 minutes de résistance aux coups de boutoir de l’équipe et de son avant-centre Bakari, cède en fin de match. On en avait longuement parlé dans cet article. Si de nombreux succès lillois cette année-là se sont construits de façon précoce, on garde le souvenir de défenses adverses épuisées en fin de match par le pressing du milieu et le poids de Bakari devant. Ainsi, Créteil, Gueugnon, Toulouse, Louhans-Cuiseaux, Cannes ont tous cédé dans les 10 dernières minutes et, pour Valence, Niort et Nîmes, c’était à l’aller et au retour. Pas encore suffisant pour le transformer en idole de Grimonprez (d’autant que Fernando est intouchable), mais son travail commence à se voir. Alors ça reste parfois maladroit, il a quelques ratés à son palmarès, il est parfois mal placé, mais ça fonctionne. Par la suite, son jeu s’est considérablement enrichi : il est aussi l’auteur d’un doublé dans un match au sommet face à Toulouse début février (2-0), avec un premier but rigolo où il défonce Prunier par un bon coup d’épaule, puis buteur face à Caen quelques semaines plus tard (3-2) pour le match de la montée « officieuse », avant de l’être encore pour le match de la montée officielle contre Valence. Dagui est là dans les matches au sommet.

Image de prévisualisation YouTube

Il inscrit donc un total de 7 buts au cours de cette première saison. Moyen pour un avant-centre ? Oui, mais c’est le même total que Laurent Peyrelade, et le meilleur buteur du club, Djezon Boutoille, n’en inscrit « que » 12. Le foot est un sport collectif, et le LOSC est une équipe collective, puisque tout le monde marque : Valois, Giublesi, Agasson, Collot, Br. Cheyrou, les joueurs offensifs savent profiter de leur point d’appui devant. Et, si on élargit un peu la focale, on se rend compte que Dagui Bakari est le deuxième attaquant le plus « décisif », en témoignent ces stats concoctées par DBC.

stats dagui

 

Une formation dans la rue

Tout de même : comment expliquer son jeu si particulier ? C’est simple : pour Dagui Bakari, le foot n’est qu’un sport de rue jusqu’à ses 16 ans, au moment où il signe sa première licence à Romainville, en Seine-Saint-Denis. Autrement dit, il n’a jamais connu de centre de formation, et le football s’est résumé pour lui durant 16 ans à un jeu sans grande discipline collective, sans consignes formelles ni règles du jeu très précises. Un ballon, des copains et un terrain vague faisaient l’affaire : « je n’avais pas pris conscience que le football pouvait être un métier. À mes yeux, ce n’était rien d’autre qu’un loisir1 ». 4 ans plus tard, il signe à Noisy-le-Sec, en troisième division, avant d’atterrir à Amiens en D2 pour son premier contrat pro, où il ne joue que 3 matches : « ce fut une expérience difficile. J’y ai appris beaucoup de choses. J’ai découvert ce qu’était un club professionnel. Malheureusement, je n’avais pas confiance en moi. Peut-être que je n’étais pas encore prêt pour jouer au haut niveau ». C’est finalement au Mans que Dagui se révèle, en y signant en 1996, sous la direction de… Thierry Froger : « ce fut le tremplin. C’est là que je me suis fait connaître. J’ai bénéficié de la confiance du staff pour progresser. En intégrant un club tardivement, j’ai pris du retard par rapport aux autres joueurs. Mais je m’efforce de compenser en travaillant dur ». Sa première saison au Mans est la plus prolifique de sa carrière, avec 11 buts marqués, le même total que son coéquipier Laurent Peyrelade.

 

Contre Saint-Étienne, la révélation

Quand Lille retrouve la D1, on se demande comment Dagui Bakari s’y affirmera, au même titre que nombre de ses coéquipiers. Logiquement, il n’est pas voué à être titulaire : le Danois Beck, plus expérimenté, a été recruté, dans un rôle d’ailleurs assez similaire à celui de Dagui, mais davantage pour dévier de longs ballons, et donc plus aérien. Il découvre la D1 en entrant contre Monaco lors de la 1e journée. Une semaine plus tard, il est titulaire à Strasbourg mais se blesse : il est remplacé par Laurent Peyrelade, buteur en 2e mi-temps. Pas forcément très bon pour sa place dans la hiérarchie des attaquants. Il revient pour la 5e journée contre Metz, en remplaçant Murati à la 73e. Quelques minutes après, il inscrit son premier but en D1. Jusque là, il avait inscrit des buts très classiques : et voilà qu’il nous fait un superbe enchaînement contrôle du droit/reprise du gauche qui donne la victoire 2-1. 3 semaines plus tard, il est décisif contre Lens, d’abord en égalisant 8 minutes après son entrée en jeu, puis en feintant la défense lensoise, ce qui permet à Lolo Peyrelade de marquer. Dans le premier sommet de la saison, au moins pour les supporters, Dagui est déjà là. La fin de l’année civile 2000 est assez quelconque, avec quelques apparitions contrastées : notons tout de même sa remontée de terrain à Lyon *je fais un une-deux sur 70 mètres avec Fernando*, qui permet à l’arrivée à Landrin d’inscrire le but vainqueur. Mais de manière générale, Beck est aligné en pointe, Sterjovski se révèle, Peyrelade semble plus affûté… Dagui est remplaçant.

Image de prévisualisation YouTube

Et puis le match contre Saint-Étienne, ci-dessus. Le même adversaire qui a vu Grégory Wimbée changer de dimension. Mais on parle ici du match retour, le 27 janvier 2001. Ce soir là, ses progrès sautent aux yeux : au-delà du doublé qu’il inscrit, il multiplie les appels, empêche la relance adverse, conserve intelligemment le ballon : « sur un plan personnel, je suis évidemment très heureux d’avoir réussi ce doublé. Je n’ai jamais douté de moi mais, évidemment, une telle réussite ne peut que me mettre en confiance pour la suite. Cela dit, rien n’est terminé. Il n’y a pas d’équipe-type et je devrai continuer à me battre pour gagner ma place2 ». Il n’y a pas d’équipe-type, mais le LOSC est en tête du championnat et son avant-centre pour le sprint final est désormais Dagui Bakari. La semaine suivante, il confirme à Lens, même s’il manque deux belles occasions : c’est sous sa pression que Rool marque contre son camp. L’hiver s’achève, Bakari en profite pour se teindre les cheveux et la barbiche, et il « crève l’écran » : c’est France Football qui l’écrit.

17191088_1861047797453468_6619858561861134123_n



Une exceptionnelle fin d’année 2001

La saison s’achève. Dagui a ajouté à son répertoire de grandes chevauchées en contre-attaques, un jeu de tête toujours plus précis, et une menace permanente pour les défenses adverses. Il entame la saison 2001/2002 dans la peau du titulaire, et score dès la 2e journée contre Lorient, peu après être entré en jeu (3-1) : il fallait en effet le ménager avant de se rendre à Parme. À l’aller comme au retour, Dagui pèse sur la défense italienne, dévie les ballons, obtient des fautes. Dagui lensSon match aller est remarquable d’intelligence, et Bassir et les autres savent en profiter ; au retour, il permet à l’équipe de respirer quand elle est en difficulté. Lille se qualifie pour la Ligue des Champions, et son grand avant-centre y prend une part prépondérante. Entre les deux chocs contre les Italiens, il a permis à Lille de battre Montpellier à la 93e (2-1). 4 jours après la qualification, il égalise à Lens à la 86e (1-1).

http://droguebierecomplotlosc.unblog.fr/files/2017/04/lens.mp3

Dans cette première partie de saison, il est souvent remplaçant en championnat, où il entre en fin de match, et titulaire en coupe d’Europe. Ainsi, contre Nantes, ci-dessous, il inscrit le seul but du match à la 93e, dans un scénario typique des années Vahid. Au total, il a inscrit à Lille 8 buts dans les 10 dernières minutes, pour un gain total de 8 points. Cette fois, Dagui est bel et bien devenu une des coqueluches de Grimonprez-Jooris. C’est cette incroyable époque où le public se lève quand le temps additionnel est annoncé, faisant complètement paniquer les adversaires, et attend le but vainqueur à la dernière seconde.  Regardez la vidéo : le stade est debout et semble certain de l’issue victorieuse.

Image de prévisualisation YouTube

http://droguebierecomplotlosc.unblog.fr/files/2016/05/bakari_nantes.mp3 Le but sur Fréquence Nord

En Ligue des champions, Lille débute à Manchester, résiste mais s’incline en fin de match. Dagui maintient son niveau, trouvant même la barre de Fabien Barthez sur un lointain centre-tir.

Bakari2

Deux semaines plus tard, contre l’Olympiakos, le LOSC inscrit son premier but en phase de poules. Le buteur, bien sûr : Dagui Bakari.

http://droguebierecomplotlosc.unblog.fr/files/2017/04/dagui-grece.mp3

Image de prévisualisation YouTube

 

Dagui FiorentinaIl se blesse malheureusement au Pirée, ce qui n’est sans doute pas négligeable dans la défaite ce soir là (1-2). Après quelques semaines d’absence, il signe son retour par un but à Florence, pour une nouvelle victoire lilloise en Italie (1-0), avant d’inscrire un but similaire à Monaco quelques jours plus tard (2-2) : oui, Dagui Bakari sait désormais placer des petits ballons piqués en face-à-face avec les gardiens.

 

Image de prévisualisation YouTube

Il inscrit cette saison là 9 buts en championnat, son meilleur total, alors même qu’il ne prend part qu’à 25 matches, dont un bon tiers comme remplaçant. La fin de saison, comme celle de toute l’équipe, marque une fin de cycle : il est plus irrégulier mais parvient à hisser le club à la 5e place. Puis, comme Cheyrou, Cygan et Ecker, il part.

Après Lille, peines de cœur

Et comme Cheyrou, Cygan et Ecker et bien d’autres, sa carrière post-lilloise ne revêt pas vraiment la même envergure. Il faut dire que Dagui a la mauvaise idée de partir à Lens. Ça, c’est pas bien du tout, mais on ne t’en veut même pas Dagui, même si tu nous a mis un but le 25 octobre 2003, nous causant une défaite d’autant plus amère (1-2).

derby7

Mais Dagui a eu la décence de ne jamais retrouver à Lens le niveau qu’il a eu à Lille. Régulièrement raillé par le public en sa seule qualité d’ancien Lillois, il subit également l’ire des Lensois en raison de sa maladresse. Il reste 3 saisons là-bas, entrecoupées d’un transfert raté à Valladolid. Il signe finalement à Nancy en 2005, où il ne joue qu’un seul match (contre Lens) avant que ne soit détectée chez lui une anomalie cardiaque incompatible avec le sport de haut niveau. À 31 ans, il doit prématurément mettre un terme à sa carrière. Après deux ans de traitement, il est déclaré hors de danger et après avoir entraîné des jeunes à Lambersart puis à Valenciennes, il est aujourd’hui entraîneur-joueur à Lomme-Délivrance, et s’est en parallèle reconverti dans le coaching privé, avec des exercices basés sur l’aspect psychologique du sport, et vit toujours dans la métropole lilloise. Pour terminer sur une anecdote sympa, l’un de nous l’a croisé il y a un an à Carrefour Gambetta : et comme 15 ans auparavant, la réflexion a été assez longue pour savoir comment aborder ce grand et impressionnant gaillard ; mais comme 15 ans auparavant après les entraînements à Grimonprez, Dagui a été absolument charmant. Et c’est nous qui avons le cœur lourd en repensant à ce qu’il a représenté.

D'Amico Bakari

 

FC Notes :

1 Cette citation (et les autres, sauf indication contraire) sont extraites d’un supplément à la Voix des Sports du 26 juillet 1999, p. VIII.
2 La Voix des Sports, 29 janvier 2001, p. 2


Posté le 28 mars 2017 - par dbclosc

Et Wimbée devint invincible

Le 17 septembre 2000, Grégory Wimbée réalise une prestation exceptionnelle à Saint-Étienne. Pas de chance pour la Voix du Nord, cette performance coïncide avec un article publié le matin même dans les colonnes du journal, qui remettait en question la légitimité du gardien lillois.


Ce dimanche de septembre est un événement pour les supporters Lillois : c’est la première fois que le LOSC a les honneurs d’une retransmission télévisée dominicale sur Canal + depuis un Lille/Lyon, le 17 novembre 1996. Il faut dire que, depuis, le club a végété 3 ans en deuxième division, mais sur une pente toujours ascendante : après une première saison manquée en 1997/1998, l’arrivée de Vahid Halilhodzic en septembre 1998 a permis à Lille de redresser la barre, échouant de peu à remonter au printemps 1999, avant de signer une saison record en 1999/2000, avec le titre de champion de D2 à la clé. Le LOSC retrouve la D1 avec des prétentions modestes : il s’agit seulement de se maintenir dans l’élite. Les premiers matches ont été très encourageants, puisque le LOSC se hisse même en tête du championnat un soir d’août, après une victoire contre Rennes. Une nouvelle victoire contre Metz fin août cale tranquillement les Lillois en haut de classement, seulement devancés par les voisins Lensois. Mais le mois de septembre semble marquer la fin de l’euphorie estivale : sans Richert, Fahmi, D’Amico, Collot et Murati, blessés, deux défaites consécutives, à Bastia (0-1), puis contre Troyes (1-2), replacent rapidement l’équipe en milieu de tableau, et ramènent les supporters à une dure réalité : la saison sera difficile avec un effectif au complet, et d’autant plus avec des blessés. Se profile alors ce déplacement à Saint-Étienne, qui vient de se faire défoncer à Paris (1-5). A priori, pas le meilleur endroit ni le meilleur contexte pour se relancer. Et pourtant, Lille repart avec un excellent point (1-1). Surtout, ce match, couplé au suivant contre Lens, constitue un tournant dans la saison, pour l’équipe et plus particulièrement pour son gardien, Grégory Wimbée. Interrogé par Vincent Alix, sa réaction d’après-match illustre une grande satisfaction, et l’accomplissement d’une forme de revanche.

Image de prévisualisation YouTube

D’habitude dans la modération et peu enclin à régler des comptes, on a connu notre Greg plus pondéré. Que s’est-il donc passé avec ce « journaliste de la Voix du Nord qui fait très mal son travail » ?

 WimbéeeeUne interview que l’on comprend mieux avec la caméra opposée


Le délicat rapport aux sources des journalistes

D’abord, soulignons que la Voix du Nord, en tant que presse quotidienne régionale, relaie quasi quotidiennement l’actualité du LOSC, au moins dans les éditions locales proches de la ville de Lille. Cette situation implique donc, pour les journalistes du quotidien, des relations de proximité avec les joueurs, principaux pourvoyeurs d’informations. Du point de vue des journalistes, il est parfois délicat de trouver la distance adéquate afin de concilier information envers le public, supposée neutre et objective, conformément aux idéaux journalistiques de transparence voire de pilier de la démocratie, et la nécessité de ne pas froisser ses sources, sans quoi, même sans aller jusqu’au boycott de la presse de la part de l’entreprise – ce serait mal vu, mais les Parisiens l’ont récemment fait –, les relations risquent d’être froides, et ce n’est jamais agréable, et si je veux j’allonge encore ma phrase. Bref, tout ça pour dire que, dans l’esprit d’un.e journaliste, toute « vérité » n’est peut-être pas bonne à dire, mais ça fait quand même un peu chier de devoir taire une « information » ou une opinion qui semble largement partagée. Et, en l’occurrence, la Voix du Nord avait manifestement un message à faire passer : Grégory Wimbée ne mérite pas sa place en première division. Écrit comme ça, c’est un peu trash. Dans quelle mesure et comment peut-on « mal » parler de ceux qui nous fournissent la matière de notre travail ?

Wimbée5

Histoire de ne pas s’engager personnellement ni d’y impliquer le journal, on peut alors faire passer une idée en faisant parler d’autres qui pensent comme soi-même. C’est la stratégie adoptée par Frédérick Lecluyse qui, dans l’édition du 17 septembre 2000, signe un article basé sur des témoignages saisis dans la semaine lors d’un entraînement du LOSC. L’idée est de saisir l’ambiance autour du club : venant des supporters, les propos ne peuvent alors que refléter une certaine authenticité, et révéler ce que tout le monde pense tout bas1. Donner la parole aux supporters, c’est ainsi la garantie de relayer un propos brutal tout en se dédouanant de l’avoir écrit en son nom propre.

 

Pas de ménagement à Troyes

Au menu de cet article, titré, reprenant une parole de supporter, « On savait que ce serait dur ! »  : les inquiétudes autour des blessures, des deux défaites consécutives, et de Grégory Wimbée : « La longue absence de Teddy Richert, remplacé par un Greg Wimbée qui s’est un peu troué samedi dernier sur le second but troyen, relance aussi le débat : « C’est sûr qu’on ne retient que les erreurs du gardien, mais je pense que Lille devrait penser à recruter à ce poste car on peut craindre que Richert ne revienne jamais », pense Benoît, de Lomme. « On le savait que Wimbée n’avait pas le niveau » tranche Stéphane. « Il est trop nonchalant », complète David, un jeune Marquettois ». Voilà donc le déclencheur du courroux2 : une performance jugée médiocre contre Troyes, une semaine auparavant. Jbari, le joueur préféré de Babar, excellent en défense, ouvre le score ; Bruno Cheyrou égalise rapidement. Puis, tout particulièrement, Greg Wimbée est mis en cause sur le deuxième but troyen : une reprise instantanée de Nicolas Goussé à 20 mètres, effectivement pas très puissante, mais soudaine et bien placée. Chacun peut se faire son opinion à partir d’un résumé du match, ci dessous:

Image de prévisualisation YouTube

Mais si l’on en croit les témoignages de l’article, les performances de Greg sont remises en question depuis bien plus longtemps. Quel a été son parcours jusqu’alors ?

 

Un gardien correct, en manque de confiance

Quand Grégory Wimbée débarque à Lille à l’été 1998, c’est auréolé – et non Aréola – d’une sacrée réputation : il est en effet à ce moment le premier et seul gardien à avoir inscrit un but sur une action de jeu, et ce contre ces pauvres Lensois, et contre ce malheureux Jean-Claude Nadon (on en avait parlé ici). Mais sa carrière lilloise est commence sans relief particulier : malchanceux, il a même marqué contre son camp lors de son premier match à Grimonprez, contre Guingamp, en août 1998. Hormis une période, fin 1998, où il perd même sa place au profit de Bruno Clément durant 7 matches après une prestation collective décevante contre Ajaccio (1-3), Grégory Wimbée est un gardien de but qui fait le job, sans être ni spécialement mauvais, ni particulièrement décisif. Il a tout de même à son palmarès un fait d’armes particulièrement cocasse dont, à notre connaissance, il n’y a pas d’autre exemple : contre Gueugnon, en octobre 1998, il détourne deux fois le même pénalty. Explication : un pénalty est sifflé pour Gueugnon : Alain Bettagno s’élance, et Greg détourne sur sa droite. Oui, mais l’arbitre fait retirer le pénalty : étonnamment, changement de tireur, c’est cette fois Fabien Weber qui frappe : Greg détourne de nouveau, sur sa gauche. Quelques minutes plus tard, Pascal Cygan inscrit le but de la victoire en détournant une frappe de Momo Camara. Cadeau DBC : on a cette action avec la voix de Vincent Delcroix, sur Fréquence Nord. C’est tellement la fête du football dans la métropole lilloise en quelques minutes que Wasquehal marque en même temps à Guingamp.

http://droguebierecomplotlosc.unblog.fr/files/2017/03/wimb_e_.mp3 « L’ami Bettagno »


Grégory Wimbée est ensuite le gardien de la meilleure défense de D2 en 1999/2000, avec seulement 25 buts encaissés. Il reste difficile d’isoler les performances individuelles d’un gardien du reste de l’équipe, mais il est significatif que Greg avait réussi la même performance avec Nancy en 1996, avec seulement 23 buts encaissés, et ce dans une D2 à 22 clubs. Seules ombres au tableau lors de cette saison : ses deux expulsions, contre Sochaux, puis contre Guingamp (mais « c’était pas juste » nous disait Fernando), et une perte de balle face à un attaquant en voulant dribbler, ce qui nous a coûté un but à Cannes en mars 2000 (2-2). Faisant parfois passer quelques frissons dans le stade en cas de passe en retrait d’un de ses équipiers, Greg est à Lille dans la continuité de sa carrière professionnelle : potentiellement excellent mais un peu sur la retenue. Il a tout de même été international Juniors et compte une vingtaine de convocations en Espoirs (pour 4 titularisations), avant de connaître une forme de « relégation professionnelle », en défendant les buts d’équipes de bas de tableau en D1 (Nancy, Cannes, avec 2 descentes), puis en retrouvant la D2 avec Lille.

Wimbée2


Numéro 2, puis numéro 1

Lille et Greg Wimbée retrouvent la D1 en 2000. Sans que cela ne choque grand monde, le club se met en quête d’un gardien, car Greg est voué à devenir n°2. Teddy Richert, doublure d’Ulrich Ramé à Bordeaux, débarque. Il a à son actif deux saisons pleines en D1 et une demie en D2, avec Toulouse : sur le papier, un profil pas tellement différent de Wimbée, et même moins expérimenté. Pour le premier match de la saison, Richert garde correctement le but lillois, avec à l’arrivée un valeureux nul contre Monaco, champion en titre (1-1). Mais, dans la semaine, le gardien se blesse gravement à l’entraînement : rupture du tendon d’Achille, et longue indisponibilité. Logiquement, Grégory Wimbée est alors promu n°1, a priori jusqu’au rétablissement de Richert. On ne le sait pas encore, mais on ne reverra plus Teddy sous le maillot lillois. Greg prend part aux victoires à Strasbourg (4-0), puis contre Rennes (1-0). À Sedan, il est de nouveau expulsé pour une main hors de sa surface, l’occasion d’offrir à Eric Allibert deux apparitions en D1 : il encaisse un but sur le coup-franc qui suit, seul but du match, puis garde le but contre Metz (2-1). Greg revient pour le match à Bastia (0-1). Et arrive donc le match contre Troyes, qui accouche donc de l’article de la Voix du Nord le 17 septembre, juste avant le déplacement à Saint-Étienne.

Et donc voici une partie de la performance de Greg ce soir-là, qui explique sa réaction vue plus haut : il cède face à Alex à la 21e, puis s’interpose notamment contre ce même Alex (36e, 77e, 91e), Panov (49e) et Pédron (81e). Incontestablement, si Lille prend un point, c’est grâce à son gardien. C’est aussi l’occasion de revoir notre n°1 du Top 18 des buts à la con du LOSC. Le commentaire de France 3 ne manque pas de faire référence aux critiques que Greg a subies dans la semaine :

Image de prévisualisation YouTube

La Voix du Nord applaudit la performance

Dans l’édition du mardi 19 septembre, toujours sous la plume de Frédérick Lecluyse, Grégory Wimbée est en tête du « Top 5 » des joueurs lillois, avec ce commentaire : « Troyes est oublié. Le gardien Lillois a tout simplement permis aux siens de revenir du Forez avec le point du match nul ».

Wimbéeetop

Dans la partie sur l’analyse du match, le même journaliste : « si le LOSC n’a plié qu’une seule fois, il doit en grande partie à son gardien Grégory Wimbée, qui a sans doute sorti un de ses meilleurs matches depuis qu’il est au LOSC. Très fâché par les déclarations de quelques supporters (notre édition de dimanche), le grand Greg a effectué des arrêts de grande classe, et démontré qu’il avait largement sa place en D1. Ses coéquipiers et le coach étaient unanimes dans l’hommage. Tout comme d’ailleurs l’ancien Lensois Jean-Guy Wallemme, capitaine des Verts, et le néo-stéphanois Patrice Carteron ». F. Lecluyse prend la position de celui qui n’a fait que jouer un rôle de médiateur, semblant même s’opposer aux propos qu’il a relayés, reprenant du coup l’appellation « Grand Greg ». Alors, mea culpa ou position d’absolue neutralité du journaliste parfait ? Sans doute beaucoup de l’un, et un peu de l’autre. Un autre article, dans la même édition, signé cette fois Sébastien Darnaux, souligne : « sur le plan psychologique, ce nul au goût de victoire a fait le plus grand bien au club. À Grégory Wimbée également ! Le gardien du LOSC, pas très brillant face à Troyes, s’est repris de la meilleure façon qui soit en intervenant efficacement devant le duo Alex-Panov, impuissant ». Beau compromis  : « mon collègue n’avait pas tout à fait tort mais Wimbée est aussi un excellent gardien ».

Wimbée Valois

Et histoire de tout remettre à plat, le vendredi 22 septembre, la Voix du Nord offre un portrait croisé de Guillaume Warmuz et de Grégory Wimbée, à l’avant-veille du derby. Greg y est qualifié de « héros de Geoffroy-Guichard ». La parole est donné à ses entraîneurs. Vahid Halilhodzic : « Je savais pouvoir compter sur lui. Il a répondu à mes attentes ! » ; Jean-Pierre Mottet : « Cela fait deux ans et demi qu’il est performant. Il n’a connu qu’une période difficile chez nous : lorsque Bruno Clément avait pris sa place. Et puis, si Lille a terminé meilleure défense de D2 l’année dernière, c’est aussi grâce à lui ».


Image de prévisualisation YouTube On a fait un petit montage pour résumer tout ça

On dit merci qui ?

Alors, merci la Voix du Nord ? Ce serait une explication bien trop hâtive : s’il suffisait de dire qu’un joueur est « mauvais » pour qu’il devienne excellent, le football devrait une fière chandelle à Pierre Ménès et à Jean-Michel Larqué. Nul doute que Grégory Wimbée a été piqué par cet article, dont on conçoit que certains passages, mettant explicitement et publiquement – c’est quand même une particularité du métier dont on a sans doute peine à évaluer la portée3 – en cause son niveau, ont pu être considérés comme blessants, et l’ont peut-être surmotivé. Mais ce serait faire bien trop d’honneur au rôle de la presse : on ne s’improvise pas excellent gardien. Cela rappellerait la pathétique défense de Jérôme Bureau, patron de L’équipe, après le titre mondial en 1998 : en gros, si les Bleus sont devenus champions du monde, c’est parce que la ligne éditoriale du journal, critique voire diffamante envers Aimé Jacquet, a soudé le groupe. Ce serait surtout mettre de côté le travail réalisé avec Jean-Pierre Mottet depuis l’arrivée de Greg à Lille. Et, cela compte aussi beaucoup chez un homme comme Grégory Wimbée, le simple fait de vivre à Lille, dans un environnement qui lui convient et contribue largement à son épanouissement professionnel. Ce n’est pas un hasard s’il habite encore dans le coin. En fait, la relation entre Grégory Wimbée et la Voix du Nord avait commencé la semaine précédente, juste avant le match contre Troyes. Le quotidien avait dressé un portrait plus personnel de Greg : il posait avec ses enfants, Manon et Théo, évoquait la profession de ses parents, son déménagement dans le Vieux-Lille, les bouffes avec Bruno Cheyrou, Sylvain N’Diaye et Dagui Bakari. Et on pouvait lire : « Le déménagement à Lille m’a sauvé. Au cours de la saison 97/98, j’étais à Cannes. J’habitais Grasse, plus précisément. C’est affreux là-bas. Les gens sont superficiels. On peut vous dire plusieurs fois de venir manger à la maison sans lancer une véritable invitation ». Alors, voilà notre interprétation : l’arrivée de Grégory Wimbée à Lille l’a replacé dans un contexte propice à sa réussite. Le grand espoir qu’il était sommeillait encore. Après deux saisons correctes, les résultats de son travail sont apparus de façon éclatante un soir à Saint-Étienne, le jour où la Voix du Nord le critiquait. Simple coïncidence chronologique. Et depuis, Greg est devenu invincible, comme ce jour où il fut sauvé 4 fois par ses poteaux, et où il arrêta un pénalty. C’était… à Troyes, un an après. La chance et le talent des très grands gardiens.

Image de prévisualisation YouTube


FC Notes :

1 À la différence de Pierre Ménès qui, comme l’énonce très justement notre estimé collaborateur Jean-Marie Pfouff, « dit tout haut ce que personne ne pense tout bas ».
2 À propos, vous avez vu l’actualité en Guyane ?
3 Tiens, imagine que, au boulot, tu rédiges mal un rapport : le lendemain, le quotidien local, fait parler les gens de ta boîte : « ouais franchement, Duchmol a vraiment une grammaire pas au niveau », « on savait que ce boulot serait dur pour lui », « faudrait penser à le remplacer… ». Oui, je sais, tu t’appelles pas Duchmol, c’était un exemple.


Posté le 23 mars 2017 - par dbclosc

Quand Vahid faisait le Guignol

En novembre 2001, les téléspectateurs de Canal + voient apparaître une nouvelle marionnette dans l’émission « Les Guignols de l’info » : celle de l’entraîneur du LOSC, Vahid Halilhodzic. Caricaturé en entraîneur tyrannique, on ne peut pas dire que cette guignolisation ait plu à l’intéressé. Pas sûr cependant que l’émission satirique ait particulièrement décrédibilisé l’entraîneur.

Automne 2001. Après une très honorable campagne de Ligue des champions dont il sort 3e de sa poule, le LOSC est reversé en coupe de l’UEFA. Et pour la deuxième fois en 3 mois, après la victoire à Parme, les lillois s’imposent en Italie, grâce à un but de Dagui Bakari. Au lendemain de cette victoire, le 23 novembre 2001, la marionnette du présentateur, PPD, conclut l’émission avec un dernier invité : Vahid Halilhodzic, l’entraîneur du LOSC. Voici la transcription de l’échange :

PPD : Voilà, sans transition football ! Le Lille Olympique (sic) de Vahid Halilhodzic a créé un véritable exploit en gagnant 1-0 en Italie contre la Fiorentina hier soir. Vahid, vous êtes un entraîneur heureux là, non ?
Vahid : Euh, oui, Vahid dit : Vahid content. Vahid dit : c’est bon pour LOSC, important image de LOSC, équipe progresser, Vahid content pour LOSC… MAIS !!!
PPD : « Mais ? » Mais, mais quoi ?
Vahid : Vahid dit : imperfection dans jeu LOSC !
PPD : Ah bon ?
Vahid : Pas marqué deuxième but, un contrôle raté, deux passes trop longues.
PPD : Bon pas grave. Gagner en Italie, c’est un exploit !
Vahid : Oui, mais Vahid déçu, obligé punir équipe.
PPD : Hein ?
Vahid : Demain, joueurs faire 150 tours terrain avec sacs ciment sur épaules tout nus dans neige.
PPD : Vous allez pas faire ça ?
Vahid : Si, quand joueurs revenir Italie, Vahid fait.
PPD : Vous n’êtes pas rentrés hier soir en avion ?
Vahid : Vahid oui, mais joueurs rentrer à pied comme ça eux apprendre faut pas rater occasion but.
PPD : Mais c’est une méthode… très sévère.
Vahid : Non, ça victoire. En cas défaite, Vahid prend joueur au hasard et exécute lui balle dans nuque.
PPD : Ah oui, ça explique les bons résultats du coup… Bon allez, À tchao bonsoir !

Pas la peine d’être spécialiste de football pour comprendre que Vahid est présenté comme un entraîneur qui, certes, obtient des résultats, mais au prix de méthodes quasi-dictatoriales. Il faut dire que, depuis son arrivée à Lille en septembre 1998, le Bosniaque s’est construit une réputation : outre ses excellents résultats sportifs, qui ont conduit Lille de la 17e place de D2 à la Ligue des Champions en à peine 3 ans, il ponctue régulièrement les entretiens relatifs à ses méthodes de quelques mots qui reviennent comme un leitmotiv : travail, rigueur, discipline. Lors de la première interview qu’il donne à France 3 Nord à son arrivée, il plante le décor : « J’ai dit aux joueurs : ‘Vous êtes tombés dans cette situation à cause de vous. Personne d’autre. Si vous voulez vous sortir de là, vous en sortirez vous-même. Vous devez réagir le plus vite possible, ce sera mieux pour vous’ ». On en avait parlé dans notre article sur la saison 1999/2000. Et Fernando D’Amico, qui nous relatait récemment son arrivée à Lille et l’accueil qui lui a été réservé, ne nous contredira pas. Très récemment, Grégory Tafforeau revenait lui aussi sur le travail avec Vahid1.

L’accent très prononcé et ce phrasé si particulier entretiennent une austérité apparente. Sa lourde histoire personnelle est de plus connue, et contribue à susciter le respect : ancien buteur prolifique du FC Nantes puis du PSG, il a connu la guerre en Bosnie à partir de 1992, et confie volontiers le rôle qu’il y a tenu et les blessures qui lui restent : « J’ai vu le fascisme de mes yeux. Pendant un an et demi. J’ai vu des atrocités, des choses que l’on croyait réservées aux livres d’histoire. J’ai affronté directement les fascistes. Devant eux, sans armes. Je leur ai tourné le dos. Je suis fier de mon rôle pendant cette guerre, parce que j’ai sauvé des milliers de gens. Pendant les bombardements, j’organisais des convois pour aller mettre les femmes et les enfants en sécurité, au bord de la mer. J’ai mis ma vie en danger. Je me demande comment je suis sorti vivant de cette guerre. Mais j’ai perdu en une journée tout mon travail de vingt ans. Parce que j’étais musulman, riche et célèbre, ils ont bombardé ma maison et ma vie ».

Dans la vidéo ci-dessous, Vahid, blessé, témoigne depuis un lit d’hôpital à Mostar

Image de prévisualisation YouTube


En outre, Vahid a su maintes fois mettre en scène ses conditions, voire ses exigences : en évoquant Grimonprez-Jooris, « honteux pour la région », en virant Edwin Murati lors d’un entraînement public au lendemain d’une élimination en coupe, en soufflant le chaud et le froid sur son avenir en avril 2001, quitte à dramatiser certaines situations qui n’étaient sans doute pas aussi catastrophiques qu’il le laissait entendre, pour mieux mettre la pression sur qui se sentirait visé (« on n’est pas prêts », à la veille du match contre Monaco en juillet 2000 ; « si on est qualifiés la Coupe d’Europe, je refuserais, vous avez vu l’état du club ? » au printemps 2001). Grandiloquent quand Lille était en D2, feignant le rôle du petit quand Lille était au sommet, il est indéniable qu’ avec Vahid Halilhodzic, on tient un personnage.

 

Graille VahidUn extrait du fameux feuilleton « je pars, je reste », printemps 2001

 

Consécration ou humiliation ?

Il y a deux façons d’envisager sa « guignolisation » : soit on la considère comme une reconnaissance, voire une consécration – c’est ainsi que la plupart des personnalités politiques la prennent -, soit on la considère comme une insulte adressée à son travail et à sa personne. Les politiques, même malmenés, y voient la plupart du temps l’occasion d’accroître leur popularité, l’important étant que l’on parle d’eux, fût-ce2 pour être tournés en ridicule. Les rumeurs sur l’arrêt de l’émission au printemps 2015 avaient ainsi permis de mesurer l’attachement à l’émission satirique, un soutien à la caricature qui n’est pas réductible au contexte post-attentat à Charlie-Hebdo. Ainsi, François Bayrou, pas le moins raillé, y allait de son tweet de solidarité :

BayrouQuand même… Dans une société comme la nôtre…!

Voilà désormais Vahid successeur des « footeux » de l’émission, le premier ayant été régulièrement caricaturé étant Bernard Tapie, l’ancien président de l’OM, vu comme « sévèrement burné ». L’Euro 1992 installe définitivement les marionnettes de footballeurs, avec les arrivées du sélectionneur national, Michel Platini, et des deux vedettes de son équipe Jean-Pierre Papin et Éric Cantona. JPP est considéré comme un simplet qui épelle son nom « P-A-P-1 », et qui doit souvent être calmé par le serein Cantona. Plus tard, le duo Roland (au mieux chauvin)-Larqué (M. Loyal) et ses fameuses répliques (« Tout à fait Thierry », « on aura beau dire on aura beau faire », « il n’aura pas fait le voyage pour rien », « c’est une parodie de football », y en a même une chanson), Guy Roux, Aimé Jacquet, et les champions du monde Zidane et Barthez ont alimenté la chronique des footeux moqués, et contribué à la renommée de l’émission ainsi qu’à la notoriété des personnages ainsi caricaturés. On remarque que Vahid est dans une lignée assez prestigieuse… Encore un symptôme de la place qu’occupe désormais le LOSC, mais surtout son entraîneur, qui a souvent protégé son groupe en se mettant en avant. L’émission est de plus régulièrement soupçonnée d’avoir une grande influence sur son public, ce qui est particulièrement souligné dans le domaine politique : en faisant passer Jacques Chirac pour un sympathique mangeur de pommes, les Guignols auraient contribué à le rendre sympathique, et ainsi à le faire élire à la présidence de la République en 1995. Quelques travaux de sociologie de la réception seront bien moins catégoriques, car les effets sociaux des programmes politiques de télévision demeurent plus hypothétiques que réels (le même Chirac, qualifié de « Supermenteur » en 2002, a été réélu – bon d’accord, dans un contexte particulier), mais l’important est cet effet de croyance dans une influence de l’émission sur ce et ceux qu’elle caricature, et c’est bien cette croyance qui produit des effets, davantage que le programme lui-même.

halilhodzic 41

Quoi qu’il en soit, pour Vahid Halilhodzic, c’est plutôt la seconde interprétation qui l’a emporté : sa marionnette tyrannique ne l’a pas franchement fait rire, comme si, justement, il estimait qu’elle altérerait son image. Si d’aucuns sont parvenus à jouer de la confusion entre caricature et caricaturé, en entretenant les traits que l’on moquait chez eux (Guy Roux a par exemple profité de son image de radin pour faire une pub pour La Poste, dans laquelle il donnait des conseils d’épargne), Vahid n’a pas apprécié, ce qui du coup contribue à renforcer sa caricature : « Ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas comme ça. Je ne comprends pas. Certains sont contents de passer aux Guignols de l’info. Pas moi ».

Avant la retransmission de Lille-Dortmund en févier 2002, les Guignols font intervenir Vahid. C’est à voir ici, sur notre page facebook, car le grand méchant Youtube nous a supprimé la vidéo.

Les Guignols n’ont pas inventé grand chose

On a le sentiment que Vahid estime que l’image que lui donnent Les Guignols est inédite. Si, incontestablement, elle augmente son audience, en dehors du cercle des amateurs de foot et au-delà de la métropole lilloise, elle n’a rien de nouveau. Dès son arrivée, comme en témoigne la citation relatée précédemment, Halilhodzic a posé d’emblée son empreinte, basée sur le travail, la rigueur, la discipline. Et les portraits que l’on peut lire de lui sur le net, antérieurs à sa guignolisation, évoquent largement cet aspect, d’autant plus qu’il insiste dessus, dans des termes que les Guignols ne renieraient pas : c’est parfois soft, comme dans Libération en septembre 2000 : « l’homme est rigoureux et exigeant, mais sa méthode a fait ses preuves (…) Tacle et retard sont sanctionnés. En fait, Halilhodzic noue avec ses joueurs une relation ambivalente. Intransigeant sur le terrain, proche à l’extérieur », dans la Croix, en février 2001 : « Halilhodzic impose la ponctualité aux entraînements, transmet son goût immodéré du travail à ses joueurs » ; c’est parfois plus marqué, avec forces anecdotes sur la main de fer du coach, comme dans L’Humanité en avril 2001 : « Vahid Halilhodzic redouble d’exigence avec ses hommes. « Je ne connais pas un sportif qui puisse arriver à quelque chose sans travailler  » (…) Il insuffle à son groupe un état d’esprit de combattant, une véritable haine de l’échec. « L’an dernier, après une défaite, j’ai vu des joueurs qui rigolaient dans le bus et je leur ai dit : « Si ça vous fait rire, vous sortez tout de suite. » (…) Enfin, Vahid impose à ses troupes une discipline de fer, au point de les envoyer courir autour du terrain, quelques minutes après avoir concédé le match nul à domicile face à la lanterne rouge strasbourgeoise », dans L’Equipe en avril 2001 : « Je fais ce que je veux », ou dans Le Parisien en août 2001, où Vahid est qualifié3 de « sorcier » : « Avec moi, il n’y a jamais d’entraînement à 90 % : c’est toujours à fond. Mes hommes sont en match comme ils s’entraînent. Quand je sors un joueur du groupe, il sait pourquoi ».

Surtout, le travail prôné n’a jamais été considéré comme un défaut, surtout à Lille, après des décennies de résultats décevants et d’entraîneurs pas franchement réputés pour leur capacité à mobiliser un groupe… Vahid est si colère qu’il déclare ne pas supporter le surnom « Coach Vahid » que lui affuble les Guignols : surprenant, quand on considère que cela n’a rien d’infâmant (c’est même assez cohérent), qu’il n’est pas le seul entraîneur à être appelé « Coach » , et que, c’est à vérifier – mais cette généalogie semble bien difficile à effectuer – mais il nous semble que l’appellation « Coach Vahid » est bien antérieure à sa guignolisation. En ce sens, la marionnette de Vahid est-elle autre chose que l’officialisation d’une réputation ? Le producteur de l’émission de l’époque, Yves Le Rolland, ne semble pas dire autre chose : « on s’inspire tout le temps de la réalité. Nous n’inventons rien, nous sommes juste un miroir déformant. On regarde la télé, on lit beaucoup de journaux et quand un personnage sort du lot ou nous semble incroyable, on y va. Lorsque Lille cartonnait, il y avait des dizaines d’anecdotes sur la dureté et la discipline d’Halilhodzic. On a trouvé qu’il avait un caractère facilement caricaturable ».


À Paris, chez les proprios de l’émission

Les choses prennent une tournure encore différente lorsqu’Halilhodzic rejoint le PSG lors de l’été 2003. Quelques joueurs semblent marqués par l’image véhiculée dans les Guignols, mais rectifient rapidement leurs préjugés. Ainsi, Jérôme Alonzo dit à son propos : « je ne voyais de lui que son personnage aux Guignols de l’Info, et maintenant que je le connais, je trouve ça sévère. Sa méthode n’a rien de folle. Avec lui, la notion de collectif est très forte ». Libération se montre bien plus incisif que quelques mois plus tôt : Vahid a droit au titre « costard-cravache » ; l’article s’étonne d’une réputation qu’il contribue pourtant à construire ou à relayer : « préparations physiques stakhanovistes », « mesures disciplinaires mythiques », « il ne souffre guère la contradiction », « doctrine Halilhodzic, entre absolutisme et collectivisme footballistique ? ». L’effet Guignols ? Une nouvelle donne est à prendre en compte : la médiatisation du PSG, bien plus forte que celle de Lille. À l’époque, le propriétaire du club est Canal +, diffuseur des Guignols de l’Info. Les liens entre le club et la chaîne sont donc privilégiés, puisque le groupe a fourni au PSG trois présidents directement issus de ses rangs (M. Denisot, C. Biétry et L. Perpère4) de 1991 à 2003. Quant au contenu de l’émission, il a – sciemment ou pas – toujours offert une surexposition au PSG, parce que, en effet, le PSG est un club-phare du pays, mais certainement aussi par parisiano-centrisme et par ces relations historiques entre Canal et le PSG. La marionnette de Denisot, les aventures « Nico et Luis », puis le latex de Ronaldinho, en témoignent.

 

28e06


Dès son arrivée officialisée, Vahid interdit de faire référence à son Guignol. L’émission le croque de suite, dans un sketch où il fait irruption dans une boîte de nuit pour en sortir Ronaldinho, qui s’amuse en compagnie de filles et de champagne5. Très rapidement, en septembre 2003, une polémique éclate à propos de la supposée censure d’un sketch des Guignols avec, dans le rôle principal, Vahid Halilhodzic. Le désormais entraîneur du PSG y joue le rôle d’un directeur tyrannique de Canal +. Stéphane Bern, fraîchement recruté par la chaîne arrive pour son premier jour de travail : des vigiles lui prennent ses empreintes, puis le laissent entrer. Apparaît alors Vahid, qui annonce froidement : « Finie la rigolade ». On aperçoit ensuite Emmanuel Chain, lui aussi nouveau transfuge de la chaîne, demandant un peu de pain. Stéphane Bern s’affole : « J’aurais jamais dû partir de TF1 ». Vahid lui répond : « C’est une phrase que tout le monde dit, ici ». Mais les téléspectateurs n’ont jamais vu ce sketch. Le patron de Canal, Bertrand Méheut, y aurait opposé son veto, une version en tout cas soutenue par les auteurs des Guignols et rapportée par Le Parisien en septembre 2003. Difficile de savoir ce qui relève de la réalité de ce qui relève de la vision subjective des auteurs des Guignols, sans compter la volonté d’influer sur la vie interne à Canal, toujours est-il que le rôle du despote échoit encore et toujours à Halilhodzic. Officiellement, les auteurs des Guignols ne sont pas aux ordres de la direction de la chaîne ; officieusement, celle-ci souhaite redorer à la fois l’image de la chaîne et celle du PSG : dès lors, hors de question de mettre en scène d’énièmes bisbilles mêlant les deux, fussent-elles6 tirées d’une émission parodique. « On nous a déjà demandé de ne pas dénigrer la grille de programmes, raconte Yves le Rolland, mais il n’y a jamais eu de censure sur le PSG ».

Et il faut aussi dire que l’équipe de Vahid tourne bien pour sa première saison à Paris. Le club talonne Lyon, termine 2e du championnat en 2004, et remporte la coupe de France. Toujours officiellement, cette réussite justifie que les Guignols lâchent un peu le club : selon Le Rolland, « nous avons pris l’arrivée d’Halilhodzic au PSG comme une aubaine. On a fait quelques sketchs au début mais, maintenant qu’il a la baraka, le PSG nous intéresse moins. C’est connu : on ne parle que des trains qui n’arrivent pas à l’heure. Il n’y a plus d’affaires, ça manque de personnages originaux. Francis Graille n’aura pas sa marionnette chez nous, il n’est pas drôle ». Francis, c’est quand même un prénom super drôle, mais apparemment ça ne suffit pas.

halilhodzic 42

Et après ?

Lorsque Vahid a été viré du PSG en février 2005, sa réputation est faite. De là à dire que Canal + y a joué un rôle… Difficile à dire, ainsi que nous l’énoncions plus haut. Cet article de L’obs profite de sa sortie pour compiler un best-of vahidesque : « une rigueur et une exigence poussées à l’excès » ; « ténébreux », « discipline de fer », « impulsif », « droiture », « inflexible ». Sa page wikipédia dispose d’une rubrique intitulée « Méthode », là où d’autres entraîneurs ont droit à « tactique », « style de jeu » ou « philosophie ». En général, et curieusement, quand on parle de « méthode », on sous-entend que celle-ci a quelque chose de dur, tout comme quand on dit d’une personne qu’elle a du « caractère ». Difficile tout de même de penser que la marionnette l’emporte sur l’homme et l’entraîneur. Pour ce que l’on en connaît plus particulièrement, à Lille : il a été professionnellement exigeant. Et ça a marché, les joueurs de l’époque se remémorent aujourd’hui à l’unisson le bonheur de ce qui a correspondu, pour la plupart d’entre eux, au sommet de leur carrière. Voilà d’ailleurs probablement le principal atout de son CV : sa capacité à apporter de la discipline et une dimension plus « professionnelle » là où il passe. Vahid a beau regretter de ne souvent prendre que des équipes ou des sélections « à  reconstruire », cela correspond à nombre de ses qualités. Et il est tout aussi possible que Les Guignols aient contribué à répandre à son sujet une réputation d’entraîneur tirant le meilleur d’un groupe. On sait aussi combien il est sensible et s’est montré chaleureux avec les supporters, hors de son travail. Par la suite, on n’en fera pas la compilation tant c’en est presque comique mais, partout où il est passé, en Turquie, en Algérie, en Côte-D’Ivoire, en Croatie, la presse locale et les joueurs qu’il a dirigés font part des mêmes caractéristiques, soit qu’ils les louent, soit qu’ils les lui reprochent. Une rapide recherche sur Internet vous le confirmera. Dernière péripétie en date : actuellement sélectionneur du Japon, Vahid s’est vu imposer un adjoint en septembre afin de pacifier les relations entre lui-même et ses joueurs. Il leur avait interdit de sourire après une défaite face aux Emirats Arabes Unis !

Avec quelques années de recul, Vahid reconnaît quelques excès. En 2012, dans France Football, il revenait sur le sujet des Guignols : « j’ai aussi ma part de responsabilité. Je n’ai pas toujours fait ce qu’il fallait en termes de communication. J’étais un peu rigide. Mais je suis quelqu’un d’attachant, de sincère, de fidèle. Je suis même un peu naïf. A un moment donné, j’étais plus connu pour mon guignol que pour mon travail. Or ma plus grande qualité, c’est mon travail. Et ça, on n’en parle jamais. Vahid n’est pas un tyran! J’aime l’humour et la bonne humeur. L’argent est évidemment important mais les joueurs ne peuvent pas jouer que pour l’argent. Je suis sans doute le derniers des guignols à croire ça, mais je suis comme ça. On ne me fera pas changer. J’ai compris que je devais vivre avec mon image. Je ne regrette pas grand-chose d’ailleurs, même si j’aurais dû mettre un peu d’eau dans mon vin ». Allez, Vahid : « Ce que l’on te reproche, cultive-le, c’est toi-même ». C’est du Jean Cocteau.

Vahid6

 

 FC Notes :

1 : Contacté hier, Ted Agasson dément les propos de Grégory Tafforeau à son sujet : « Vahid Halilhodzic est le meilleur coach que j’aie jamais eu ».
2
Ben quoi, c’est du français.

3 Vahid est souvent qualifié.
4 De couilles, de couilles.

5 Dans les fait, Halilhodzic n’entraînera pas Ronaldinho, qui quitte Paris lors du mercato estival en 2003.
6 Quoi ?


Posté le 17 février 2017 - par dbclosc

Destinées de jeunes loscistes de la génération 1981

Je vais te parler aujourd’hui des carrières footballistiques des jeunes nés en 1981 formés au LOSC. Pourquoi parler d’eux, me diras-tu, et, pourquoi de cette génération en particulier. Il y a plusieurs bonnes raisons à ça.

1. Parce que je suis né en 1981, comme eux, et que, du coup, ça m’incline à penser que c’est une génération vachement intéressante.

2. Parce que les petits jeunes du centre de formation, quand ils ne percent pas en pro, on a tendance à les oublier. Si bien que, des trajectoires de ces jeunes talents, on ne retient que celles de ceux qui percent, ce qui occulte un pan entier du foot de haut-niveau.

3. Parce que cette génération 1981 est celle dans laquelle on nourrissait au LOSC le plus d’espoirs depuis un paquet d’années. Elle a même été championne de France des 15 ans en 1997.

moins de 15 1981

4. Parce que j’ai envie. Et d’abord, j’ai pas de comptes à rendre. C’est bon, j’ai déjà donné assez de raisons. Désolé, je m’emballe un peu pour rien, là.

1. Benoît Cheyrou

Au départ, quand Bruno Cheyrou débute avec les pros en D2, on nous parle déjà de son petit frère qui, paraît-il, a encore davantage de talent que Bruno. Sur cette question, on te laisse seul juge. Un point partout dirait-on, parce que si Bruno a eu la chance de porter le maillot de l’équipe de France A, à la différence de Benoît, ce dernier a quand-même duré plus longtemps que Bruno à un très bon niveau.

Bref, Benoît débute avec les pros à 18 ans, le 3 septembre 1999 lors d’un match contre Toulouse, lancé qu’il est par Vahid. Il met ensuite deux bonnes saisons à s’imposer comme titulaire avec les pros. Ben poursuit sa carrière à Auxerre (2004-2007), Marseille (2007-2014) et la termine à Toronto.

Pendant ce temps, il se forge un beau palmarès (le palmarès étant la chose la plus forgée au monde, au moins à en croire la presse sportive) : champion de France de D2 avec Lille (2000), champion de France (2010), vainqueur de la Coupe de la Ligue (2010, 2011, 2012) avec l’OM, champion du Canada et finaliste de la MLS (2016), sans compter les anodins Trophées des Champions (2010, 2011). Il remporte aussi quelques distinctions personnelles pas dégueulasses, en étant désigné dans l’équipe-type de L1 des trophées UNFP en 2008, 2009 et 2010, puis comme meilleur joueur du championnat canadien en 2016. Canadien, d’accord. Mais, meilleur.

2. Matthieu Delpierre

Pas encore pro, Matthieu est déjà courtisé. A 17 ans, on parle de lui à Manchester United quand, au même âge, on parle de moi au FC Pérenchies. Très vite, il se fait remarquer à Lille et s’impose comme titulaire à 20 ans. Pourtant, Mathieu ne passe pas le cap qu’on attendait de lui et perd sa place de titulaire en 2003/2004.

delpierre

Déjà tout jeune, on savait qu’il irait loin. Mais on n’imaginait pas que ça serait jusqu’en Australie

Parti se requinquer à Stuttgart, Mathieu mettra un an avant de s’imposer, mais après, ça sera quelque chose. Il est champion d’Allemagne avec Stuttgart en 2007, il en devient le capitaine en 2009 et il est même convoqué en équipe de France, même s’il ne jouera finalement qu’avec les A’ (sans doute, complot oblige, parce qu’il est lillois). Il s’en va finalement en 2012 pour Hoffenheim, où il joue deux saisons, puis à Utrecht et enfin à Melbourne où il est champion d’Australie et vainqueur de la Coupe en 2015. Il a désormais pris sa retraite. A 35 ans. Enfoiré.

3. Mathieu Maton

Mathieu est un autre grand espoir du foot lillois. Déjà, en 1999/2000, il marque 10 fois en 17 rencontres avec la réserve du LOSC et, à l’été 2000, il a le bonheur de faire partie de l’équipe de France des moins de 19 qui remporte le championnat d’Europe aux côtés de Djibril Cissé et de Philippe Mexès (et d’autres, hein, ils étaient pas que trois non plus). L’année suivante, il fait aussi partie de l’équipe de France des moins de 20 qui est quart-de-finaliste du championnat du Monde. Bref, une carrière qui s’annonce bien, mais toujours pas de match en pro.

En plus, en 2001/2002, il est sur le point de se faire dépasser par un autre espoir du club, un « 1982 » : Matt Moussilou. Mathieu est prêté à Châteauroux, en L2, mais il ne joue que trois matches. Il est prêté la saison suivante à Cannes, en National, où ses perfs ne sont pas bien meilleures : 5 matches, 2 buts. Après une nouvelle saison avec la réserve lilloise, Mathieu semble quand-même loin des espoirs placés initialement en vue, certes en bonne partie à cause des blessures. A 23 ans, Mathieu part se relancer en Belgique, à La Louvière. Remplaçant, il parvient à se faire une petite place et il inscrit 3 buts en 16 rencontres de Jupiler League.

Mathieu ne confirme cependant pas au haut niveau. Après une nouvelle saison sans match avec la première du LOSC en 2004/2005, il rejoint la D2 belge de l’Union Saint-Gilloise (2005/2006) sans grand succès (1 match). Il jouera ensuite dans le championnat réunionnais puis rejoint Marquette en 2008 dont il sera plus tard entraîneur-joueur, à l’image de ce qu’on imaginait d’Addik Koot quand il arriva au LOSC. Et comme il n’est jamais trop tard, c’est avec Marquette que Mathieu découvre les 32ème de finale de la Coupe de France en 2010.

Il devient ensuite entraîneur de Roncq, remplaçant l’ancien pro Hippolyte Dangbeto. T’y es toujours Mathieu ?

4. Mike Klukowski

Polono-Candadien né en Autriche, c’est tout naturellement en France qu’il fait ses gammes. Il arrive en France à la Fin du XXème siècle et joue successivement avec la réserve de Dijon (1999) avec Tourcoing (1999/2000) avant de rejoindre le LOSC (2000/2002). Arrière gauche ou milieu de terrain, ce bon vieux Mike a fait une carrière pas dégueu, d’abord à La Louvière (2002/ janvier 2005) avec qui il remporte la Coupe de Belgique puis avec le FC Bruges où il connaît le sommet de sa carrière en remportant le championnat de Belgique (2005) puis une seconde Coupe de Belgique (2007).

Mike n’a jamais joué en équipe première avec le LOSC et il est certain qu’on n’aurait pas misé au départ sur une si belle réussite : international canadien, bien sûr, mais aussi 27 matches de Coupe d’Europe, dont 25 avec le seul club brugeois. Après son départ en 2010, Mike joue ensuite en Turquie (Ankaragükü (10/11), Manisaspor (11/12) puis à Chypre, à l’APOEL Nicosie où il finit sa carrière en 2013 sur un titre de champion.

5. Le gang des Finésiens

Parmi les jeunes joueurs de la génération 1981, quatre d’entre eux porteront le maillot de Feignies dans la seconde partie des années 2000. Parmi eux, Julien Addis, petit arrière latéral gauche réputé hargneux rejoint Feignies dès 2003. Il y reste au moins jusqu’en 2009, mais après, on sait pas trop.

 addis

En fait, je m’suis fait expulsé parce que le coach a dit qu’on était meilleur à dix. Comment ça en fait il a dit qu’on état meilleur AVEC Addis ?

En 2006, Mehdi Gerrouad, ancien international Espoirs algérien les rejoint. Auparavant, Mehdi avait passé un an et demi à La Louvière, aux côtés de Mike Klukowski (8 matches), un an et demi au Danemark, à Viborg (4 matches), puis une saison avec la réserve du Feyenoord (2005/2006). Après une saison à Feignies, Mehdi rejoint les Belges de Tournai. Mehdi devient ensuite entraîneur-joueur de Lille-Carrel.

 guerrouad 81Mehdi Guerrouad

C’est également en 2006 que Julien Decroix arrive de Lesquin où il vient de passer quatre ans. Julien passe quatre nouvelles saisons à Feignies. Note au passage qu’il est l’homonyme du chanteur Soan, lequel s’intitule en vrai « Julien Decroix ».

C’est enfin Laurent Pichon, qui reste au LOSC jusqu’en 2007, sans jouer le moindre match de championnat en L1 avec l’équipe première, qui devient le gardien de Feignies à partir de 2008. Ceci dit, Laurent a quand-même joué une fois avec les A du LOSC : c’était en Coupe d’Europe le 15 février 2006. Entré en lieu et place de Grégory Malicki à la 50è minute du match aller contre le Shakhtar Donetsk, Lolo, se prend deux buts en fin de match (87è et 89è). Pas grave, Lille l’emporte 3-2 et se qualifie au retour.

pichon

Il est beau, il est frais mon Pichon !

6. Kader Zelmati

Au centre de formation, Kader est un grand espoir du club, milieu offensif dont on loue le grand talent au points qu’on le surnomme « ZZ ». Pas de bol, il faut se rendre à l’évidence, en fait il s’agit bien de « KZ » (ce qui est quand-même déjà pas mal). Du coup, on perd un peu de vue Kader et on le retrouve ensuite en CFA, d’abord à Noisy-le-Sec (2008/2009), au Maccabi Paris (2009/2010), Aubervilliers (2010/2014) puis, enfin, à l’Amiens AC (2014/2015). Son meilleur ami serait Benoît Cheyrou et ils seraient tous les deux d’accord sur le fait que la nouvelle génération n’accepte plus certains reproches. C’est en tout cas ce qu’il disait à un journaliste du Parisien en novembre 2013.

il a ensuite rejoint Renaix (et non René, d2 Belge, 2003/2004), Boulogne ou il a côtoyé Ribéry, puis en Algérie avec Bejaia (janvier 2007).

7. Charles Diers

Né cinq jours après moi, le 6 juin 1981, Charles Diers fait une carrière sympathique, pour l’essentiel entre le championnat National et la L2. Il joue ainsi à Dijon (2002/2005), Boulogne (2005/2006), Clermont (2006/2008) puis passe les huit saisons suivantes à Angers avant de prendre sa retraite sportive l’été dernier à l’âge de 35 ans.

Par ailleurs, Charles marque son tout premier but en L1 lors de la 32ème journée, un peu plus d’un mois avant la fin de sa carrière pro. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour nous ça veut dire beaucoup.

8. Bob Cousin

Né le 4 novembre 1981, Bob Cousin semble promis à un bel avenir. En 1998, il est même en contact avec le Milan AC. Cannes, particulièrement intéressé, lui aurait alors promis une maison ainsi qu’un emploi à ses parents. Mais finalement, Bob est resté fidèle au LOSC. Sauf qu’il quitte Lille, apparemment fâché en 2001. A tel point qu’il rejoint Lens une saison. Il signe ensuite à Renaix avec Mehdi Guerrouad, joue en D1 belge à Mouscron (9 matchs) et à La Louvière (10 matchs) (avec un passage à Courtrai entre deux). Il joue ensuite à Deinze, en D2 belge, où il s’impose (2006-janvier 2009). Bob poursuit ensuite sa carrière à Beveren (D2), avec l’Endracht Alost (D3 puis D2) aux côtés d’Olivier de Castro dont je parle plus loin (et qui est culte, de mon point de vue au moins). En 2013, il signe avec le Géant Athois (D3).

bob cousinEh ! Cousin !

Bob est par ailleurs un très honnête buteur et n’hésite pas à allègrement consommer du carton rouge, comme les quatre qu’il reçoit en 2009/2010 avec Beveren (et les 8 au total entre 2008 et 2012).

Et aussi …

comme on l’a dit, cette génération a aussi été championne de France des 15 ans en 1997. Parmi eux, on sait que Aurélien Fuoco jouait à l’AS Quiery La Motte en 2012-2013 et qu’il aime la bédé. Trésor Empoke joue d’abord 8 matchs avec Mouscron avant de se trouver au centre d’une polémique : en cause, il signe deux contrats, l’un avec Lierse, l’autre avec Mouscron. Finalement, il reste à Lierse où il ne joue qu’un match. Il signe a nouveau à Mouscron (9 matchs), s’en va à Harelbeke, puis à Wasquehal et enfin à Cambrai où il joue depuis 2006 (bon, d’accord, Trésor est né en 1982 et pas en 1981, mais bon). Olivier De Castro a d’abord été à l’école à Saint-Nicolas, avec moi de 1987 à 1992 où il était un peu meilleur que moi, mais pas tant que ça (Il me marque d’ailleurs un jour un but du milieu de terrain (j’étais goal) avec un ballon corner). Après l’école et le LOSC, il joue ensuite à Tournai (2005/2007), au RBDB (2007/2008), à Peruwelz (2008/2009) puis avec l’Endracht Alost (2009/2012).

 


Posté le 25 janvier 2017 - par dbclosc

Fernando D’Amico : « On était préparés à se défoncer »

Fernando D’Amico était de passage en France à l’occasion du match Lille/Saint-Etienne, le 13 janvier 2017. Avec sa gentillesse habituelle, il nous a accordé du temps, pour une libre discussion qui a été l’occasion de savoir quelles étaient désormais ses (nombreuses) activités, mais aussi de revenir sur quelques moments forts de son passage à Lille, photos et vidéos à l’appui (celles qu’on vous met régulièrement sur notre page facebook).

Passer 1h30 en compagnie de Fernando D’Amico, c’est réactiver beaucoup de souvenirs : ceux, bien sûr, de l’extraordinaire progression du LOSC à partir de 1999, de la D2 à la Ligue des Champions ; ceux d’une autre époque où les soirées à Grimonprez-Jooris restent ancrées dans une mémoire que le temps a idéalisée ; et, enfin, ceux qu’on garde d’un joueur, inconnu à son arrivée, qui est parvenu en peu de temps à devenir un modèle pour les supporters, aussi bien pour sa combativité sur le terrain que pour sa tendresse en dehors. Fernando D’Amico est donc bien plus qu’un ex-joueur du LOSC : il est celui dont la trajectoire s’est confondue avec le renouveau du club ; celui qui a symbolisé « les années Vahid », avec des joueurs parfois moyens techniquement, mais poussés par une irrésistible envie de se battre, et donc terriblement attachants ; et celui qui garde un lien particulier avec les supporters : sa disponibilité à notre égard en témoigne encore. Nous avons déjà déclamé notre reconnaissance, notre admiration et, disons-le, notre amour à son égard dans cet article, sobrement intitulé « Gloire éternelle à toi, Fernando D’Amico ». Quelques heures avant qu’il ne rejoigne le Grand Stade, Fernando est revenu avec passion et émotion sur sa carrière lilloise, mais il nous a également évoqué ses reconversions professionnelles, qui l’ont notamment conduit à ouvrir une école de football pour enfants ; à passer quelques diplômes (universitaire et footballistique), et à sortir un ouvrage « Happy Football », dont une traduction française devrait arriver à l’automne 2017.

Fernando 2


[L'intervieweur est fébrile face à son idole. Attention, il s'agit de trouver une bonne question] Que deviens-tu, Fernando ?

Je suis toujours le même. Je n’ai pas beaucoup changé, sauf que quelques années ont passé depuis mon passage ici à Lille. Sur le plan personnel, je suis un père de famille, très amoureux de ma femme, Erica, et de mes 3 enfants : Maria est née quand j’étais ici à Lille, elle a 14 ans ; Alessandro a 8 ans ; et Fatima, la plus petite, a 2 ans et demi. J’habite en Espagne, à Badajoz, d’où est originaire ma femme, et où j’ai joué avant d’arriver à Lille. Ma femme tenait à ce qu’on retourne là-bas. Ensuite, au niveau professionnel, je suis toujours dans le football. J’ai vite pensé à ma reconversion : deux ou trois ans avant la fin de ma carrière, j’ai lancé une petite école de foot, avec les enfants de l’école de ma fille, Maria, qui avait 4 ans. J’ai un petit terrain de foot chez moi : les parents me demandaient si je pouvais donner des cours. Donc j’ai commencé d’abord avec 5-6 enfants. Et aujourd’hui, ça fait désormais 10 ans, j’ai une école de foot privée (Escuela de Futbol Fernando D’Amico), sur un autre terrain beaucoup plus grand ! J’ai environ 80 enfants de 4 à 16 ans, et je leur donne des cours moi-même, tous les mois. C’est ma passion.
J’ai fini ma carrière en 2009 à Badajoz. J’ai débuté des études pour devenir directeur sportif à la fédération espagnole de football, et des études pour devenir coach en Argentine, car j’aime la méthode argentine. Donc j’ai le diplôme national de première division d’Argentine, et j’ai le diplôme de directeur sportif pour la fédération espagnole de football.
Ensuite, cela fait un an et demi que je suis devenu agent FIFA intermédiaire. Donc je suis agent de joueurs. Pour le moment, c’est pour la fédération espagnole de football. Et en juillet, je devrais pouvoir obtenir la licence en France.
Enfin, en 2010, j’ai démarré des études en intelligence émotionnelle à l’université de Madrid. Ça a duré 4 ans. Cela m’a aidé aussi dans ma vie personnelle, pour rationaliser les émotions vécues lors de ma carrière de joueur. Cela a abouti notamment à l’écriture d’un livre pour enfants.

Tu nous présentes ce livre ?

Le livre a été écrit avec l’associé de mon entreprise Quality players, Àlvaro Roa. On a fait tous les deux un cursus à l’université. Moi je suis expert, avec mon master, en intelligence émotionnelle. J’ai aussi une entreprise qui s’appelle « despierta tu talento », ça veut dire « éveille ton talent » : on donne des cours de coaching, d’intelligence émotionnelle, et de motivation. Donc j’ai relié mes études en développement personnel avec mon expérience de footballeur. Avec Àlvaro Roa, on a donc créé « Happy football ». L’idée principale de ce livre, c’est de dédramatiser le football. Je crois que c’est ce dont les enfants ont besoin pour libérer leur talent. Pour être un meilleur footballeur, il faut dédramatiser le football : quand on est un enfant, ce n’est pas sérieux le football ! C’est avant tout un jeu. Bien sûr, tout le monde rêve de devenir footballeur professionnel, mais il faut savoir mettre certaines limites. Personnellement, j’ai souffert dans mon enfance avec des équipes trop « professionnelles », qui nous traitaient, mes parents, mon frère et moi, comme si on avait 20 ans, alors qu’on avait 8 ans, 10 ans !

CouveturePour découvrir ce livre, voici sa page facebook, et son site web.

Il y a la vraie grinta dans le livre. Pas celle des fous furieux ; c’est pour devenir un meilleur footballeur, mentalement. C’est ça que je veux inculquer aux enfants : quand il faut vraiment aller au charbon, c’est ta tête qui te permet d’y aller. Je ne veux pas que les enfants se brûlent les ailes dans leur jeunesse. Oui, tu peux avoir la grinta à 8 ans, tu peux tout donner, mais il ne faut pas avoir déjà l’angoisse de ne pas gagner. Alors, dans notre livre, on trouve beaucoup de valeurs issues de mon parcours en intelligence émotionnelle. C’est un ouvrage qui fait appel à l’imagination, avec beaucoup d’aventures, beaucoup de matches, et mon expérience, depuis mon enfance jusqu’à mon parcours de footballeur.

Aujourd’hui, j’ai rencontré un éditeur à Lille – supporter Lillois, en plus ! -, et on a entamé les démarches pour une traduction française.

 

« J’ai tout donné pour jouer à Lille »


On va désormais revenir vers le passé. Tu arrives à Lille en 1999 : dans quelles circonstances es-tu arrivé au club ?

Je venais de finir mon contrat à Badajoz. Avant de partir à Buenos Aires pour des vacances, mon agent m’a conseillé d’envoyer des cassettes vidéos à plusieurs clubs en Europe dans lesquels il avait des contacts. J’avais la possibilité de revenir en première division argentine, mais je voulais rester en Europe pour être auprès d’Erica. Si je restais en Argentine, je ne la voyais plus… et c’était mon amour ! On a envoyé des cassettes en Belgique, en Suisse, en Italie, et à Lille. En attendant, je m’entraînais à Buenos Aires, seul. Et mon agent avait des contacts avec un Argentin qui a joué à Lille, Fernando Zappia, qui lui-même connaissait Philippe Lambert et Jean-Pierre Mottet. Donc Zappia a joué les intermédiaires, et au bout d’un moment, la cassette est arrivée à Pierre Dréossi et à Vahid. Et je me rappelle très bien : j’étais en train de courir dans un bois pour me préparer, et je reçois un appel de mon agent : « Fernando, il faut que tu te prépares, tu as un essai à Lille ».


Et que savais-tu de Lille avant d’y venir ?

En vérité, je ne connaissais pas Lille. Après ce coup de téléphone, tout de suite, on a regardé où était Lille : c’est la première fois que j’en entendais parler.


Et donc tu débarques dans l’inconnu, et tu fais le stage avec le groupe en Bretagne. Comment as-tu été accueilli ?

(Il réfléchit quelques secondes) Ça s’est passé… de différentes façons. J’arrivais sans parler un mot de français, après 20 heures de voyage. J’étais tellement fatigué : 15h d’avion, puis il fallait rejoindre la Bretagne, à Saint-Cast. J’étais avec Fernando Zappia.

ZappiaLibéro, Fernando Zappia a joué 65 matches pour le LOSC entre 1987 et 1989

Vahid, sérieux, nous accueille et prévient d’emblée : « j’espère que vous travaillez dur ». Il était 23h. On a terminé cette première entrevue à minuit, ou 1h du matin. Je demande si je peux dormir. Vahid me dit : « oui mais demain, 5h30, réveil ! ». Réveil à 5h30 ?!? Et il poursuit : « oui, et à 6h30, entraînement, puis à 10h30, entraînement, et à 16h, entraînement ! ». C’était de la folie. C’était comme au service militaire. Je me lève à 5h ; on m’avait donné 3 survêtements, mais je ne comprenais rien puisque je ne parlais pas un mot de français : ce survêt là, c’est pour le matin ? L’après-midi ? Et celui-là ? J’avais aussi 3 couleurs de maillot. Je me souviens qu’en sortant de ma chambre, j’avais mis un maillot vert, et je vois que tout le monde portait un rouge ! Donc je retourne dans la salle en courant pour me changer… C’était un stage de fou. J’ai tout donné.

 

Equipe 99-2000 (3)

 Le groupe en Bretagne. Fernando semble déjà très déterminé.

 

Donc le premier contact a été difficile, quand même…

Ah oui ! Très difficile !


Et le groupe des joueurs, comment t’a-t-il accueilli ?Fernando 4

Normalement. Je me souviens que j’avais appris quelques mots dans l’avion, avec un traducteur, mais je me suis vite rendu compte qu’on ne me comprenait pas ! Et personne ne parlait espagnol… Je pense qu’aujourd’hui, c’est différent : les joueurs parlent davantage espagnol. Mais je te dis la vérité : c’était très dur. On est restés une dizaine de jours là-bas. J’étais tellement fatigué. En plus, j’arrivais avec une blessure derrière la cuisse, mais je ne voulais pas arrêter. Le soir, je me massais dans la douche, et je ne voulais pas dire que j’avais mal. J’avais tellement envie de rester que j’ai fait un stage de fou. C’était très très très, très dur. Mais j’ai donné tout ce que j’avais, et Vahid l’a vu.

[Ci-contre : photo prise lors d’un match amical d’avant-saison]


Comment Vahid t’a dit que tu allais rester ?

Vahid ne disait rien. Quand je demandais, Philippe Lambert disait : « c’est bien, c’est bien… », mais c’était flou. Le dernier jour, je suis monté dans le bus, je ne savais toujours rien. Vahid m’a regardé, il m’a fait comme ça, avec la tête (il mime un signe d’approbation). C’était seulement un signe de tête, et j’ai senti que j’avais réussi le stage. C’est comme ça qu’a commencé l’aventure.

 

Pour Fernando, l’aventure commence officiellement le 7 août 1999 : il est absent lors du premier match à Laval, et il participe à son premier match en championnat avec le LOSC contre Nîmes. Il est remplacé à la 67e minute, déjà sous les applaudissements, par Bruno Cheyrou, qui donne la victoire au LOSC à la 89e. Ensuite, Fernando enchaîne : il devient rapidement un titulaire indiscutable au milieu de terrain, où ses qualités de récupération font merveille. Aux côtés de Carl Tourenne, dans un rôle plus sobre, Fernando se projette plus facilement vers l’avant en initiant les attaques. Son activité est impressionnante : il semble infatigable. Dans la vidéo ci-dessous, on a un aperçu de cette activité débordante : c’est le 27 août 1999 (6e journée), contre Louhans-Cuiseaux (« Louhans-Cuiseaux ? J’étais tellement motivé que je ne regardais même pas contre qui on jouait… »).

Image de prévisualisation YouTube

 

« Je me sentais en communion avec le public »


Grâce à ses performances, Fernando D’Amico devient très rapidement le chouchou des supporters. Pourtant, en dehors des terrains, l’adaptation reste difficile : il y a la barrière de la langue ; et aussi l’absence d’Erica, pendant plusieurs mois :

Je me souviens que je pleurais après chaque match, dans les vestiaires. Je me vidais tellement. Je donnais tellement de rage, de grinta. Et j’étais tout seul. Je ne parlais pas français…


Ton épouse est arrivée après ?

Oui, elle est arrivée après. Erica est arrivée 6 mois après, vers janvier-février… Pour Erica aussi, ça a été difficile. On n’avait pas encore d’enfant à ce moment là. Maria est née en 2002, 3 ans après. Mais je sentais aussi que Vahid était attentif, il me soutenait. Un jour, alors que j’étais triste, il me dit : « mais Fernando, tu es le chouchou des supporters, tu joues super bien, qu’est-ce qui t’arrives ? ». Vraiment, c’était très dur. Ça, c’est une dimension que peu de gens connaissent : j’ai beaucoup souffert au début, c’était pas facile, surtout à cause de la langue et de la solitude.


Qu’est-ce qui t’a aidé à tenir ?

Le soutien des supporters était très important. Quand les supporters chantaient mon nom, ça me donnait beaucoup de force. Je me sentais en communion avec le public, c’était une relation extraordinaire que je n’ai pas retrouvée après. Je m’entendais aussi très bien avec les dirigeants : Pierre Dréossi, Philippe Lambert, pour moi le meilleur préparateur physique du monde, il prenait le meilleur de moi ! Pareil avec Vahid aussi, le président Bernard Lecomte… Tout le monde a fait le nécessaire pour mon adaptation. Ensuite, les amitiés se créent. Je partageais notamment ma chambre avec Grégory Wimbée lors des mises au vert. Après l’entraînement, à la fin des matches, je retrouvais Didier [Didier Bauwens, l'ancien concierge du stade], la famille Régent. Heureusement que j’ai rencontré la famille Régent, c’était une grande chance et un grand réconfort pour moi.


Comment tu as rencontré cette famille ?

Mon professeur de français connaissait Thomas Régent, le plus grand des enfants. Ils m’ont contacté, et je me rappelle qu’on est allés boire un coup sur la Grand’ place. La maman, Joëlle, m’aidait à faire mes courses, à meubler mon appart’, je mangeais chez eux… Vraiment, la famille Régent, c’est une des clés de mon adaptation. Joëlle, Bruno, Benjamin… Des gens extraordinaires. Ils m’ont beaucoup aidé.


En novembre 1999, à la moitié de la saison, France 3 Nord-Pas-de-Calais réalise un reportage sur Fernando. Il y est présenté comme la « révélation de la saison ». Pierre Dréossi raconte les circonstances de sa venue. Fernando y évoque ses difficultés lors de son arrivée, et sa rencontre avec la famille Régent.

Image de prévisualisation YouTube


« On avait trouvé la formule pour gagner »


Sur le plan sportif, tu gardes quels souvenirs de cette première année à Lille, avec la remontée ? [Notre article sur cette saison 1999-2000]

On était une machine… Un TGV lancé à 400 km/h qu’on ne peut pas arrêter. On était solides, costauds, déterminés. On s’entraînait, on gagnait, on gagnait. On avait trouvé la formule pour gagner. On n’arrêtait pas ! Vahid me pressait toujours comme un citron pour extraire le meilleur de moi. Et comme moi je suis un mec très obéissant, ça marchait. Je venais de la D2 espagnole, j’avais 23 ans, je ne connaissais rien ! J’étais comme les autres : on venait d’en bas, on n’avait pas de stade.. Si un mec prend le meilleur de toi et t’amène en D1, tu es reconnaissant. On a beaucoup souffert lors des entraînements, mais ça marchait. Les entraînements, c’était plus difficile que les matches ! Beaucoup plus difficile. Quand je commençais un match, j’avais l’impression que les joueurs adverses étaient des fourmis, tellement je me sentais costaud.

 Fern ERica

À l’issue de sa première saison, Fernando est champion de France de D2, et remporte un trophée individuel : l’étoile d’or France Football, qui récompense le joueur qui a obtenu la meilleure moyenne des notes données par le magazine. Le voici dans les locaux du journal, avec Erica.


Est-ce qu’on peut revenir sur quelques matches spécifiques, où ça c’est passé de manière particulière pour toi ? D’abord, la double confrontation contre Guingamp [Pour rappel, dans le match au sommet de la 19e journée, Lille mène 1-0, puis Wimbée est expulsé pour une main hors de sa surface. Sur le coup-franc qui suit, Fernando se met sur le chemin du Guingampais Tasfaout, tombe, et l'arbitre expulse Tasfaout. Lille gagne ce match 2-0. Au retour, les Guingampais veulent se venger de Fernando, et Claude Michel le tacle violemment par derrière en fin de match].

Moi j’étais très malin hein… Comme tu l’as écrit dans ton article, je pouvais faire sortir du match n’importe qui. Écoute, il est venu vers moi, Tasfaout. J’étais dans le mur. Je me mets sur le passage, je tombe, il a eu carton rouge. Mais le carton de Grégory, c’était pas juste. Donc on a compensé un peu. C’est pas tricher, c’est être malin. C’est très professionnel finalement.

Le résumé du match :

Image de prévisualisation YouTube


Et au retour, Claude Michel te tacle par derrière…

Oui, pour me blesser ! C’était le seul match où j’étais remplaçant, parce qu’au match aller, j’ai fait le malin devant Tasfaout, et il s’est pris un rouge (il rit). Claude Michel disait qu’il voulait me casser la jambe, donc Vahid m’avait mis remplaçant, mais je ne comprends pas pourquoi il m’a fait jouer. Il ne fallait pas me faire jouer ! Dès que je suis rentré, Coco Michel s’est jeté par derrière, et heureusement qu’il ne m’a pas cassé la cheville ! Ça, c’est des mauvais perdants (on voit le tacle à la vidéo : Fernando répète : « ça c’est des mauvais perdants. Et lui aussi là [Guy Lacombe] Mauvais perdant ! On était meilleurs qu’eux »).
Et je n’ai blessé personne dans ma carrière. Dis-moi si c’est arrivé une fois ? Si, c’est arrivé une fois, contre le Paris Saint Germain. Sans le faire exprès, j’ai blessé Frédéric Déhu. Je l’ai attrapé par derrière, et je lui ai mis mes crampons sur les mollets. J’ai pris un jaune, et j’ai demandé pardon. Il était capitaine, j’étais pas bien du tout. Mais jamais je n’ai blessé, jamais je ne suis allé pour casser une jambe comme Coco Michel l’a fait avec moi. Jamais je n’ai pris un rouge parce que je faisais mal.

 

Et puis il y a le match à Nîmes. Tu marques tes deux premiers buts avec le LOSC, mais le match finit en bagarre générale…

L’angoisse. Tu sais ce qu’est l’angoisse ? J’ai failli me faire tuer ! Il y avait un joueur qui était toujours très méchant avec moi… Cyril Jeunechamp. Il était toujours derrière moi, très méchant. Il ne savait pas rivaliser à la régulière, et il s’enflammait rapidement. Ce jour-là, Nîmes était meilleur que nous. Mais tu sais que dans les duels, tu sais que je rentre dedans. Lui, il m’insultait. On n’était pas bien, on était menés 3-0 hein ? (il rit) Donc à 3-0, il me chambrait. Et moi, la première chose, si un mec m’insulte sur un terrain de foot… Moi je suis un ange hors des terrains, mais sur un terrain, je suis un démon. Je suis un fou ! Donc il m’insulte, les insultes classiques… Moi je réponds, je l’insulte, mais ce sont normalement des choses qui s’arrêtent quand le match se termine. Quand c’est fini, c’est fini. On a gagné ou on a perdu, et c’est tout, on en reste là. Mais eux, les Nîmois… Non seulement ils menaient 3-0, mais ils prennent 2 rouges, et moi je marque 2 buts, dont un à la dernière minute ! Le match se termine, des Nîmois viennent vers moi, jaloux, et m’insultent. En Argentine, quand on fait ce geste (il lève les mains), ça veut dire : « j’ai rien fait ». Donc je lève les mains. Et eux ont cru que je les chambrais. Tu crois que moi, je vais chambrer à Nîmes, où les gens étaient tout fous dans le stade ? Après être revenus de 0-3 à 3-3 ? Je suis fou mais pas con ! Que estoy loco, pero no estúpida ! Sur la vidéo, on voit bien que je lève les bras . Même le journaliste dit que D’Amico chambre, etc. Bon, du coup, j’étais triste, je n’ai pas profité de mes 2 buts. Tout le monde voulait me frapper. Vahid s’interposait pour que je ne prenne pas des coups de pied de karaté… J’avais rien fait ! Juste des duels costauds avec l’autre. Tu m’insultes, je t’insulte, et on en reste au match, il n’y avait rien de personnel là-dedans. Lui, Cyril Jeunechamp, avait quelque chose de personnel contre moi. Après la douche, je me rappelle, j’en ai pleuré parce que tout le monde me demandait « mais qu’est-ce que tu as fait Fernando ? », et moi j’avais rien fait, c’était juste des duels et des insultes sur le terrain. On nous a jeté des cailloux sur le bus… La folie. Vahid m’a dit que j’avais un peu baissé mon niveau lors du match à Nîmes ! Hé, j’avais marqué 2 buts ! Quand même !

Les 10 dernières minutes du match à Nîmes, avec le doublé de Fernando :

Image de prévisualisation YouTube

 

Allez, passons à la suite : Le LOSC est remonté en D1.

En D1, on était sur notre lancée. Idem en Ligue des champions. On était préparés à se défoncer. Et on sentait qu’on pouvait rivaliser avec n’importe quelle équipe.


Là, je voudrais te montrer deux souvenirs : d’abord, un match contre Sedan.

J’ai pris un carton rouge. On n’avait pas fait un bon match. Je suis en retard. C’est un deuxième carton jaune… Je n’ai pas blessé en tout cas.


Et donc là contre Saint-Etienne, tu marques ton premier but à Lille !


Le 27 janvier 2001, Lille bat Saint-Etienne (entraîné par Rudi Garcia) 4-1. Fernando marque son premier but en D1, et son premier but à domicile ! Et pas n’importe comment : une frappe de 20 mètres en lucarne ! De plus, le LOSC prend ce soir-là la tête du championnat.

Image de prévisualisation YouTube


C’est incroyable… Dans ma carrière, il me manquait des buts. Je courais tellement que j’étais fatigué quand j’arrivais devant les buts ! Quel but…

D'Amico4


Alors cette saison se finit à Monaco. Mais avant, on perd des points contre Lyon (1-2) et à Paris (2-2).

Oui, c’est là qu’on a perdu le titre. On a décroché. Le but de Delmotte, c’est ça qui nous nique. On savait aussi qu’il nous manquait un petit quelque chose, et c’est ça peut-être l’unique regret de cette époque : ne pas avoir remporté le titre en 2001. On n’a pas pu parce qu’on était limités, soyons honnêtes. Il nous manquait de quoi rivaliser avec les plus grands. À Paris, j’ai une occase, et je m’arrête au lieu de continuer. Vahid me l’a reproché : « mais pourquoi tu t’es arrêté ? ». J’avais pas l’habitude d’aller jusqu’au bout. J’ai frappé… Trop facile pour le gardien. On a fait 2-2 là… Et, à Monaco, super passe de Fahmi… Dommage que Laurent (Peyrelade) ne soit pas resté avec nous en Ligue des champions. Il était très efficace, il a fait meilleur buteur. Je sais pas pourquoi il est pas resté avec nous.

 

Collectif Parme6« Quand Christophe Pignol est tombé malade, ça nous a tous beaucoup touchés. On s’est serrés les coudes. On jouait pour lui. Il nous téléphonait, il nous envoyait des cartes. Je garde toujours avec moi une carte très personnelle qu’il m’a écrite. Je l’ai revu à l’inauguration du grand stade et aux 70 ans du LOSC. J’étais très content de le voir »

 

« Jouer la Ligue des champions, c’est toucher le ciel avec la main »


Quel souvenir gardes-tu de la confrontation contre Parme ? [On a écrit un article sur le match aller, ses circonstances, son scénario]

C’était un jeu de stratégie. Jamais je n’ai vu dans ma vie un match aussi bien préparé que celui-là. On était tellement bien préparés physiquement, suite au stage de début de saison avec Vahid. C’était une partie d’échecs. On a changé le système juste pour ce match. On a joué à 3 derrière, avec Tafforeau et Pichot sur les côtés, au milieu, avec N’Diaye et moi au milieu, et Landrin devant. Chacun avait sa fonction. On a surpris Parme. Je me souviens… Je ferme les yeux, et je vois une partie d’échecs où on contrôle le jeu, on sait ce qu’on doit faire. On a très bien occupé le terrain. On les a surpris d’une façon énorme, on a contrôlé le match. Un de mes meilleurs souvenirs de ma vie, c’est le marquage individuel sur Nakata. Le pauvre… Je crois que je suis un cauchemar pour lui. Je lui criais dans les oreilles, je lui faisais la totale. Il me regardait comme ça en se demandant ce qui lui arrivait. Et en plus j’étais malin, l’arbitre sifflait toujours en ma faveur ! À cette époque, il était encore très bon. Je crois que ça lui a fait du mal dans sa carrière. Je ne veux pas aller plus loin, mais il a été moins en vue après. J’étais tellement bien physiquement, je pouvais accélérer facilement. C’est lors de ces matches que j’ai dit « il faut pas lâcher, il faut continuer ». On m’a interviewé à la mi-temps, j’étais fou. On perdait je crois déjà 0-1, moi j’ai dit : « il faut pas lâcher, il faut continuer, il faut se qualifier, seulement ça ». Je m’en souviens comme si c’était hier.

Pour son premier match européen, le LOSC réalise l’exploit de s’imposer à Parme (0-2). La star parmesane, Hidetoshi Nakata, est complètement neutralisée par Fernando, à l’aller comme au retour. Au retour, Lille perd (0-1) mais est qualifié. Le résumé du match aller :

Image de prévisualisation YouTube

 

Fern Nakata« Il faut pas lâcher, il faut se qualifier !!! » La photo illustre parfaitement le propos.

Image de prévisualisation YouTube

 

Ensuite, débute la campagne de Ligue des champions…

Pour être honnête, quand on est allés à Manchester, j’avais peur qu’on en prenne 7. Mais on était tellement bien préparés, l’équipe était tellement costaud, qu’on arrivait à rivaliser avec tout le monde. J’ai un regret sur cette campagne de Ligue des champions : avoir perdu en Grèce. C’est là que ça s’est joué. On gagnait 1-0. Et je ne sais pas comment ça a tourné… Il y avait le feu dans le stade. On avait une drôle de sensation, où on se fait avoir et on ne s’en rend pas compte. On a eu 10 minutes de déconcentration, on se demandait s’il y avait hors-jeu ou pas, et on l’a payé cher. Si on avait une possibilité de se qualifier, c’était sur ce match là. On s’est ratés.

4e journée de la première phase de la Ligue des champions 2001-2002 : Bassir ouvre le score (38e, Fernando est au départ de l’action : mais on le voit pas sur cette vidéo), mais les Lillois sont battus (1-2) :

Image de prévisualisation YouTube


Il y avait aussi beaucoup de rotation, mais on n’avait pas l’effectif pour jouer à fond. Mais bon, après, on fait deux nuls contre La Corogne, on perd à la dernière minute contre Manchester, on bat l’Olympiakos à la maison. J’ai ces deux regrets : perdre le match à Olympiakos, et le match retour contre Manchester, où on fait 1-1, j’étais sur la retenue ; je n’ai pas fait un bon match, parce que Vahid ne voulait pas qu’on prenne de risque. Il pensait qu’avec le match nul, on se qualifiait. Manchester était déjà qualifié, et nous on avait besoin d’un point, donc c’était un match particulier, je me retenais, il fallait surtout ne pas encaisser de but. Après, les autres matches, je me sentais à l’aise. Je sentais que je faisais de bons matches. L’équipe était bonne, et moi, individuellement, je rivalisais avec les grands joueurs. Ça reste une de mes meilleures années. Quand tu joues la Ligue des champions, c’est toucher le ciel avec la main.

Cette année, dans mon école de foot, je fais l’entraînement, le jeu, tout ça, et avant de démarrer le petit match, je fais entrer les joueurs dans le vestiaire, je prépare les deux équipes, je mets la musique de la Ligue des champions ! Ils ont le drapeau de l’école, et ils sortent en rang avec les parents qui les applaudissent. Et quand j’oublie de le faire, les enfants réclament la musique de la Ligue des champions !

 

Fern EquipeEn Une de « L’équipe », Ruud van Nistelrooy observe un des meilleurs milieux de terrain du monde. Et à droite, on aperçoit David Beckham.


Et la dernière saison, elle, a été plus difficile

Oui, Vahid est parti. On a démarré la coupe Intertoto…


Et tu marques !

Oui, tu as les vidéos des buts ?


Oui, buts de la tête.

Les buts de Fernando dans cette vidéo : le 31 juillet 2002 contre Aston Villa (1-1) et, auparavant, le 27 juillet contre les Roumains de Bistrita (1-0) :

Image de prévisualisation YouTube

http://droguebierecomplotlosc.unblog.fr/files/2017/01/d_39_amico.mp3 Le but contre Aston Villa, en direct sur Fréquence Nord, avec la voix de Mickaël Foor.

 

J’ai démarré super bien. Dans mon livre, il y a une histoire qui est inspirée du but qu’on a pris contre Aston Villa : aller rechercher le ballon au fond des filets. Regarde ce que je fais, sur le but de Aston Villa : je suis allé rechercher le ballon dans le but. Tu vois ? Je ramène le ballon au milieu. Combativité ! Et ensuite je marque. Quel beau but, hein ? Je m’en souviens comme si ça venait d’arriver. J’ai plongé.. Quelle joie de marquer un but à la dernière minute ! Après, Puel a commencé à faire tourner. Il ne m’a pas mis au retour à Aston Villa. Il ne m’a pas mis en finale à Stuttgart. Il a fait tourner, et moi je suis un joueur qui a besoin de jouer tous les matches pour garder le rythme. À mon avis, sur ce plan là, il s’est trompé avec moi. Avec Vahid, je jouais tout : championnat, ligue des champions. Jamais il ne me laissait me reposer. Mais Puel me faisait jouer en championnat, et ensuite je ne jouais plus. À Stuttgart, j’ai joué 20 minutes. Et après, on a fait un très mauvais début de championnat : 0-3 contre Nice, et 0-3 contre Bordeaux, à la maison ! C’était une année de transition, très mauvaise.

Le 17 août 2002, après avoir déjà perdu 0-3 contre Bordeaux, et avoir fait un nul au Havre (0-0), le LOSC perd de nouveau 0-3 à Grimonprez. Mais « il faut pas lâcher ! » :

Image de prévisualisation YouTube

 

« Plus les années passent, plus je me sens proche de Lille »

 

À l’issue de la saison, ton contrat n’est pas renouvelé. Comment as-tu vécu ton départ ?

C’était une année très compliquée pour moi, car j’étais en fin de contrat. Lille a d’abord fait une proposition. La négociation s’est déroulée avec mon agent ; moi, je ne m’en occupais pas. Au début, le LOSC voulait me prolonger. Quand j’ai marqué les deux buts en Intertoto, mon agent était au match et a parlé avec Michel Seydoux. J’attendais un effort de Lille pour me retenir : les supporters me voulaient, et moi je voulais rester. Ensuite, j’ai eu quelques désaccords avec Puel. Je jouais moins. Durant mes 4 ans au LOSC, je jouais toujours, et je n’avais pas eu cette sensation encore. La fin de contrat donne une sensation bizarre… Et soudainement, il ne s’est plus rien passé. En fait, ils ont laissé tomber l’affaire. Ils n’ont pas lutté pour me garder.


Tu as des regrets ?

Non, je n’ai que des bons souvenirs. 14 ans après, je me rends compte que je n’ai rien à regretter, parce que mes 4 ans au LOSC étaient 100% purs. C’était moi. C’était le meilleur D’Amico. Peut-être que si j’étais resté, j’aurais régressé. Tu sais ce que les supporters pensent de moi : je donnais tout. Je n’aime pas l’idée que j’aurais pu être moins bon. 4 ans d’amour avec les supporters, c’est suffisant. Peut-être que si j’étais resté davantage, je n’aurais pas laissé le même souvenir. Et peut-être que je n’aurais pas gardé le même souvenir du LOSC. C’était aussi la fin d’un cycle. Il y avait des circonstances. Si les dirigeants ne font pas d’efforts pour me garder, je ne regrette pas. Et il faut reconnaître qu’on n’est pas parfait. Dans la vie, on ne sait pas ce qui va se passer. Parfois, on dépend d’autres personnes : de ton agent, de ta famille… On ne contrôle pas tout.


Quel regard portes-tu sur le LOSC depuis ton départ ?

Le LOSC a toujours progressé. Aujourd’hui, le président s’en va : je l’ai vu tout à l’heure en allant chercher mes places. Avec lui, le LOSC a poursuivi son ascension : si on regarde le bilan, il y a le doublé, le domaine de Luchin, le grand stade… Alors je lui tire mon chapeau, et je le félicite pour son travail. Je n’oublie pas non plus de saluer Claude Puel dans la progression du club. Je voudrais ajouter que, dans un club, les supporters ont une place très importante : quand les supporters se rendent compte du pouvoir qu’ils ont, ils changent le football. S’il n’y a pas de supporters, il n’y a pas de football. Et moi je voudrais bien que les vieux supporters continuent à fréquenter le stade et portent les valeurs du LOSC. C’est bizarre, mais plus les années passent, et plus je me sens proche de Lille, du club, des supporters. À un moment, je m’en suis éloigné et puis, avec les réseaux sociaux, j’ai beaucoup d’échanges avec des supporters. Ce soir, je vais voir le match et saluer les supporters !


Et quand Fernando va supporter le LOSC, il ne fait pas les choses à moitié : il était dans le kop !

Image de prévisualisation YouTube

 

IMG_20170113_180128

Merci Fernando pour ta disponibilité !

 Fernnn

15 ans séparent ces deux photos. Hormis une excroissance du pouce, nous n’avons pas changé. Le selfie a été pris avec le téléphone de Fernando, dont le fond d’écran est une photographie de lui sous le maillot lillois, avec l’inscription « il faut pas lâcher ! » !


Posté le 10 décembre 2016 - par dbclosc

29 novembre 1996 : Wimbée scorbute Nadon

Vendredi 29 novembre 1996, Nancy, stade Marcel Picot. Aux alentours de 21h50, l’ASNL, toujours menée 0-1 par Lens, obtient un corner de la dernière chance. Jouant le tout pour le tout, son gardien de but monte et, fait inédit dans le championnat de France, égalise sur une action de jeu. Retour sur cette première, qui met en scène deux anciens gardiens du LOSC : Grégory Wimbée et Jean-Claude Nadon.

 

Deux remarques pour commencer

Salut à tous. Avant d’entamer cet article proprement dit, je réfléchissais à quel jeu de mots foireux je pouvais trouver pour un titre rigolo. Après avoir brodé autour de « but », « Greg » et « Wimbée », je ne trouvais pas mieux que : « Nadon bute sur Wimbée » ce qui, avouons-le, est assez faiblard, mais avait au moins l’avantage de mettre en avant les noms de deux de nos anciens gardiens, même si ce bon vieux Jean-Claude aurait sans doute préféré ne pas figurer là. Ben fallait pas aller à Lens, tiens ! J’avais aussi : « Wimbée, le but de sa vie », mais ça fait trop grandiloquent, et puis ça a sûrement déjà été fait. Tout ça pour dire que le mot « scorbut » m’est venu, et je me suis dit que ce serait bien de le caser à l’occase, parce que c’est tout de même le mot rêvé pour les footeux (y a « score » et « but », pour celles et ceux qui n’ont pas suivi). Mais c’est bien difficile cependant, puisque le Larousse définit le scorbut de la façon suivante : « maladie générale caractérisée par des hémorragies multiples, par une cachexie progressive, et provoquée par la carence en vitamine C ». Le lien avec le foot n’est pas évident. Mais à DBC, on ne s’arrête pas au premier obstacle venu et on innove ; après tout, le français est une langue vivante et il n’est pas interdit de contribuer à son évolution : d’aucuns ont récemment inventé le verbe « zlataner » pour désigner l’idée qu’on écrase un adversaire, tout comme « fernandodamiquer » signifie « faire chier l’adversaire en lui courant après avec des jambes arquées jusqu’à ce qu’il s’énerve ». Donc on s’en tape : le verbe « scorbuter » désigne désormais « marquer un but tout en rendant le gardien adverse très malade, pouvant aboutir à des hémorragies multiples, par une cachexie progressive, et provoquée par la carence en vitamine C, tellement qu’il est zaraf d’encaisser un but pareil ». Vous allez donc voir dans cet article comment Grégory Wimbée a scorbuté Jean-Claude Nadon.

Et, deuxième remarque liminaire, les réactions extraites de cette page sont tirées d’un article de France football du 3 au 9 décembre 1996, p. 18-19, signé Claude Bernard, et titré « Wimbée, label histoire », comme quoi on n’a pas le monopole des titres qui ne veulent rien dire.

IMG_20161207_141601

Une situation sportive difficile

Revenons donc à ce 29 novembre 1996. Il y a quelques jours, nous avons diffusé sur notre page facebook la vidéo de cet exploit, à l’occasion de ses 20 ans. Car il s’agit bien d’un exploit : jamais un gardien de but n’était jusqu’alors parvenu à inscrire un but en première division française, autrement que sur pénalty : c’est donc historique. À DBC, on aime en outre souligner, ce que les archivistes font rarement, que ce but a été marqué contre Lens, notre rival préféré, ce qui ne gâche rien à l’affaire.

Nancy est promu en D1 après une belle saison 1995-1996 à l’issue de laquelle l’équipe a terminé 3e de D2, derrière Caen et Marseille. Avec une particularité non négligeable : l’ASNL a terminé l’exercice avec la meilleure défense du championnat : 23 buts encaissés seulement1. Dans les buts à 40 reprises, un grand artisan de la montée : Gregory Wimbée, 24 ans, gardien longiligne. Lorrain (il est né à Essey-lès-Nancy), il a été formé à l’INF Clairefontaine avant de rejoindre le centre formation de Nancy en 1990 comme stagiaire. Il a été international Juniors et compte une vingtaine de convocations en Espoirs (pour 4 titularisations) Après un passage par Charleville (D2) lors des saisons 1992-1993 et 1993-1994, Greg est enfin titulaire à Nancy à l’orée de la saison 1994-1995. Au cours de cette saison, il joue l’intégralité des 42 rencontres de championnat.

863c0

Mais l’apprentissage de la D1 est rude. En cette fin d’automne, collectivement, la situation est peu joyeuse à Nancy : le club est 19e et compte seulement 2 victoires après 19 journées, soit exactement à la moitié du championnat : à Bordeaux (1-0) et contre Guingamp (2-0). Pour ce premier match retour de la saison , les Lorrains retrouvent des Lensois qui les ont aisément battus en août à Bollaert (1-3). Les Sang et Or, quant à eux, après un début de saison intéressant (ils étaient leaders début septembre), sont dans un trou d’air : ils restent sur 4 défaites consécutives, ayant été battus à Lille (1-2), contre Bordeaux (3-4), à Marseille (1-2), puis contre Strasbourg (1-2). Les voilà désormais 14e. Mais ils ont tout de même deux fois plus de points que leurs adversaires du soir (24 contre 12).


Déjà un jour particulier

Mais ce vendredi matin, Grégory Wimbée se lève l’esprit guilleret : l’avant-veille, il était invité chez Jean-Luc Delarue. « À croire qu’à la 2, ils avaient senti le coup. Cela n’avait pas grand-chose à voir pourtant. Dans son émission, Jean-Luc Delarue évoquait le stress. Il a pensé, entre autres, au gardien de but, l’angoisse de l’homme seul. Pourquoi moi ? Simplement parce que Bernard Lama préparait le match contre l’Olympique de Marseille, que Mickaël Landreau, de Nantes, le plus jeune de D1, n’avait pas été libéré par Jean-Claude Suaudeau. On a recherché ensuite parmi les mal classés, c’était Bruno Valencony ou moi, j’étais disponible ». À une époque où le foot n’est pas aussi médiatisé qu’aujourd’hui, et d’autant moins quand on joue à Nancy, c’est déjà en soi un petit événement ; en outre, la veille, Grégory a fêté le premier anniversaire de son fils Théo. Enfin, il apprend qu’en l’absence du capitaine nancéien Paul Fischer, suspendu, c’est lui-même qui va enfiler le brassard de capitaine, et ce pour la première fois de sa carrière. L’entraîneur, Lazlo Bölöni, justifie ainsi son choix : « Greg le mérite du fait de son ancienneté au club, de ses performances sportives et de son influence sur le jeu ». Il ne croyait pas si bien dire.

Jean-Luc-Delarue-une-autobiographie-le-5-decembre_exact1024x768_l

Sur le terrain, le match est arbitré par M. Derrien, une vieille connaissance. La différence de niveau entre les deux équipes se confirme : Delmotte ouvre le score en début de deuxième mi-temps. Le temps passe, et Nancy, avec une attaque limitée (plus mauvaise attaque, à égalité avec Caen, 11 buts marqués), semble incapable d’égaliser. Les Lorrains, des quiches ? Depuis son but, Greg assiste, impuissant, au mauvais scénario qui se dessine : « ce match, je l’ai vécu en tant que gardien avec les devoirs de mon poste, sans jamais ressentir de l’irritation ou du dépit parce que mes partenaires ne parvenaient pas à marquer. Je sais ce que peut être la condition d’un gardien qui n’est pas en confiance. Les coups malheureux s’enchaînent sans qu’on n’y puisse rien. Mes copains devant ont déjà fait leurs preuves en d’autres circonstances, sinon ils ne seraient pas là. Il suffit parfois d’un déclic pour que ça marche bien. Je ne m’estime pas en droit d’adresser le moindre reproche à un partenaire après un ratage. Un pro est capable de s’analyser. Moi-même, je m’en veux, par exemple, de n’avoir pas esquissé un geste sur le but que nous avons encaissé. J’ai eu quelques secondes de déconcentration pour placer quelqu’un sur Delmotte. Le football est un sport collectif avec chacun un rôle défini. Le mien est d’éviter les buts et de bien relancer ». Position très sage : le gardien de buts est là pour garder les buts. Jusque là, tout est normal.

 

Et si je veux, je monte, j’contrôle, je pivote et je marque

On joue le temps additionnel. Nancy est toujours mené d’un but. Corner pour les locaux. Plus rien à perdre, dans 30 secondes, le match est terminé, il faut égaliser : Greg monte. 0-1 ou 0-2 si ça foire, quelle importance ? Nous voilà dans la situation cocasse où un gardien de but se retrouve dans la surface de réparation adverse. Précision réglementaire, à destination des non-initié.es au football : en pareil cas, il n’a pas droit de mettre les mains ; il ne peut que prêter main forte à ses coéquipiers en utilisant toute partie du corps à l’exception des bras. C’est rigolo, le public est content et, l’air de rien, ça suscite toujours un petit sentiment de panique chez l’adversaire. Sébastien Schemmel botte le corner sortant côté droit.

« Je ne suis pas monté pour égaliser. Dans mon esprit, c’était seulement pour mettre la pression ajoutée à la panique dans la défense de Lens avec le surnombre. Non, vous savez, moi, de la tête, je suis nul, je n’ai pas le timing. D’ailleurs, c’est Wallemme, je crois, qui m’a largement dominé sur le premier tir de Schemmel au corner ». En effet, et comme on le voit sur le beau croquis ci-dessous de Lem, le premier centre – qui est tout de même tiré à destination de Wimbée ! – est facilement renvoyé par la défense lensoise. Retour à l’envoyeur : « [Schemmel] a repris, puis Lécluse a remis le ballon sur moi, j’ai ratissé, je me suis retourné, j’ai tiré dans le paquet. Il y a eu un ricochet et le but ». Et voilà, 1-1 ! En fait, le ballon est dévié par David Régis, ce qui trompe Jean-Claude-Nadon, ravi par ailleurs de la passivité de sa défense : sur un corner, à proximité des six-mètres, l’adversaire a tout de même le temps de faire un contrôle approximatif du genou, de se retourner et de frapper sans opposition ! « Je suis masqué, j’ai un de mes deux coéquipiers devant moi. Il frappe mais je vois le départ du ballon qui part à ras de terre. Seulement, quand il est détourné au passage, il prend une trajectoire plus aérienne (…) Wimbée est très grand, 1,93m je crois. Alors, s’il avait marqué de la tête, on aurait compris. Mais là, c’est du pied. Il a tout le temps de se retourner, il n’est pas attaqué (…) Il faut que ça tombe sur moi ! ».

 

http://droguebierecomplotlosc.unblog.fr/files/2016/12/but-de-gregory-wimbee-nancylens-29-novembre-1996.mp4

dessin


Postérité assurée

Grégory Wimbée devient ainsi, officiellement, le premier gardien de but à marquer sur une action de jeu en D1. « Officiellement », car les données d’avant 1945 sont parcellaires et, même si c’est peu probable, rien ne garantit que l’événement ne se soit pas déjà produit. Les sentiments pour Greg sont ambigus : fidèle à sa modestie et à son habituelle lucidité, il sait qu’un nul à domicile laisse Nancy englué en bas de classement ; mais il se laisse tout de même aller à sa joie : « Ce que j’ai réussi contre Lens, c’est hors programme. Une péripétie exceptionnelle, un réflexe de dernière chance, presque un gag. Cela s’arrête là. Je n’ai pas le goût ni le talent pour jouer ailleurs que dans ma cage (…) Je ne devrais pas, parce que ce nul pour nous n’est pas un bon résultat, mais je suis heureux (…) Je n’avais jamais éprouvé la joie de marquer, sinon dans la séance de tirs aux buts en coupe de France, ce n’est pas pareil. J’avais déjà vu à la télé des gardiens buteurs. L’an dernier, Peter Schmeichel en coupe d’Europe avec Manchester United contre Volgograd, mais autant que je me souvienne, cela n’avait servi à rien son équipe avait été éliminée. C’était un but de raccroc, comme le mien… Il y avait aussi eu un Autrichien, et puis ce Guyannais qui avait traversé tout le terrain avec le ballon. Mais c’était dans un championnat plus facile. Malgré tout, je les avais enviés à chaque fois d’avoir goûté à ce plaisir rare pour un gardien. Maintenant, je connais, je fais partie du club ». Jean-Claude Nadon, même un peu dépité, salue le geste de son collègue : « la vie continue mais on n’aime pas trop subir ce genre d’événement. J’aurais voulu être à sa place ! Tout le monde souhaite un jour connaître la joie du buteur. Je ne suis jamais monté de la sorte sur le but adverse au cours de ma carrière. C’est un concours de circonstances et ça reste quand même une prise de risque. Si jamais il y a contre-attaque… je n’oserais pas. Si on prend un but en contre, on est encore plus ridicule ». Certes, mais il y a encore plus ridicule : monter sur le but adverse alors que l’adversaire attaque.

Nadon (2)

Quand il jouait à Lille, Jean-Claude Nadon s’amusait à donner des coups de pied à Mickaël Debève quand l’arbitre avait le dos tourné.

Le cas Hernandez, et les autres

En fait, il serait plus juste de dire que Greg Wimbée est le premier gardien de but à marquer sur une action de jeu dans l’exercice de ses fonctions. Pourquoi ? Parce que, d’abord, et ensuite car lors de la saison 1962-1963, le gardien de but de Monaco, Jean-Claude Hernandez inscrit contre Valenciennes le troisième but de son équipe, d’une tête ou d’une volée des 20 mètres, selon les sources. Alors, qu’est-ce que c’est que cette histoire ?

commandant

En fait, à la 79e minute, Hernandez se blesse à un bras : embêtant pour un gardien. Les remplacements ne sont pas autorisés. Il intervertit alors son poste avec son équipier Jean-Marie Courtin, attaquant. 5 minutes plus tard, il permet à son équipe de mener 3-1. Avec, donc, la vareuse d’un joueur de champ.

On sait que, désormais, Gregory Wimbée n’est plus le seul à avoir réalisé cet exploit : en septembre 2012, le gardien Toulousain Ali Ahamada permettait en effet à son équipe d’égaliser contre Rennes, en reprenant de la tête un coup-franc à la 93e minute. Hormis ces cas, les seuls buts marqués par des gardiens en D1 l’ont été sur pénalty. En voici la liste exhaustive depuis 1945 :

César Ruminski (un ancien Lillois) a inscrit 2 pénos avec Le Havre lors de la saison 1950-1951 contre Sochaux puis à Strasbourg.

Le Nîmois Stéphane Dakoski en 1954-1955 contre Strasbourg.

Chritian Laudu, du Red Star), en 1971-1972 contre Bordeaux.

Le Bordelais Dragan Pantelic en 1981-82 contre Valenciennes et Montpellier.

Bernard Lama (décidément, il doit y avoir un truc avec les gardiens passés par le LOSC) en 1988-1989 contre Laval, avec Lille, puis en 1991-1992 à Metz, avec Lens. Mais ça ne marche pas à chaque fois : lors de la dernière journée du championnat 1993-1994 contre Bordeaux, avec le PSG, il frappe son pénalty à côté.

Et n’oublions pas que notre bon Jean-Claude Nadon, la malheureuse victime de Greg, avait aussi marqué sur pénalty : c’était lors de la coupe de la ligue 1992, contre Saint-Quentin. Mais il jouait en tant qu’attaquant, une fantaisie parmi d’autres de cette étrange édition.

Par ailleurs, récemment, on se rappelle que Subasic, le gardien monégasque, a marqué un coup-franc à Boulogne-sur-mer. Chez nos voisins Belges, ça rigole davantage : il y a 10 ans, Bertrand Laquait (en fait, y a aussi un truc avec les portiers passés par Nancy) marquait en dégageant depuis sa surface ; en 2008, Silvio Proto2 plaçait une superbe tête ; en coupe d’Europe, en 2009, le gardien du Standard égalisait contre Alkmaar en Ligue des champions, toujours de la tête ; il y a un an, c’est le gardien de Saint-Trond qui scorait superbement.

Celles et ceux que cette question passionne pourront se rapporter à ce tableau qui recense les gardiens-buteurs. Autrement dit, les scorbuteurs.

 

FC Notes :

1 On ne s’est pas amusés à vérifier dans toute l’histoire de la D2/L2, mais c’est probablement un record, en tout cas à 22 clubs. Angers, en 1993, dans le groupe B de D2, a encaissé 22 buts mais en 34 matches, tandis que Metz, en 2007, est parvenu à ce même nombre en 38 matches, si bien que leur moyenne de buts encaissés par match est supérieure à celle de Nancy 1996. Même notre LOSC 2000 ne fait pas une si belle performance, avec 25 buts encaissés en 38 matches.

2 A-LLEZ PROTO, SAUTE AVEC NOOOOUUUS ! (souvenir d’un mémorable Mouscron-Anderlecht)


Posté le 28 novembre 2016 - par dbclosc

Patrick Collot, formidable

Ce samedi 26 novembre 2016, Patrick Collot était sur le banc lillois en tant qu’entraîneur de l’équipe première du LOSC pour la deuxième fois, un peu plus d’un an après sa première, à Troyes, et dans les mêmes circonstances : assurer l’intérim après un mauvais début de saison. Habituellement discret, il répond présent en cette période troublée pour l’équipe et floue pour le club. Mais on n’en doutait pas : d’abord comme joueur, puis comme recruteur ou entraîneur des jeunes, voilà plus de 20 ans que Patrick Collot répond présent. Portrait d’un éminent losciste et d’un homme aux qualités morales unanimement saluées par ceux qui l’ont côtoyé.


Été 1995. Les supporters Lillois sont tristes : leur chouchou de l’aile droite, Eric Assadourian, s’en est allé. Pour le remplacer, le LOSC fait appel à Patrick Collot, ailier droit du FC Martigues. 21 ans après, il était difficile d’imaginer qu’il serait toujours dans le Nord, et qu’il a d’ores et déjà durablement inscrit son empreinte sur le club et dans le cœur des supporters.

Un gars du Sud

 À DBC, on a souvent évoqué d’anciens joueurs en disant que c’étaient « des gars du coin ». Une fois n’est pas coutume, Patrick Collot n’est pas « un gars du coin »1 : il est né à Avignon, le 22 juin 1967. C’est donc logiquement sur ses terres natales que Patounet débute le football, à la MJC Avignon. Repéré par Toulon, il rejoint le club varois, qui évolue alors en première division, en 1987. C’est là qu’il dispute son premier match en D1, le 9 avril 1988, à Bordeaux, à l’occasion d’une cinglante défaite. La fiche France Football ci-dessous vous indiquera que, lors de ce match, Jean-Pierre Mottet gardait le but toulonnais, tandis que Dupraz sortait déjà ses couilles. On trouve aussi dans les rangs toulonnais un autre ancien Lillois : Bernard Pardo.

Collot 1er
Pat1Pat2Au cours de cette première saison professionnelle, Patrick Collot prend part à 6 matches et inscrit déjà 2 buts. Durant les deux saisons suivantes, son temps de jeu augmente considérablement : entre 1988 et 1990, il dispute 55 rencontres de D1 et inscrit 6 buts, mettant notamment en avant ses qualités de rapidité.

La saison suivante, il est prêté en D2 : retour dans sa ville natale, au sein de l’Olympique Avignonnais. Il a notamment pour coéquipier Laurent Paganelli, qu’il avait déjà fréquenté à Toulon. L’actuel consultant de Canal + se rappelle : « c’était un super-coéquipier, un joueur avec beaucoup de qualités. Gentil mais avec du caractère. Il incarnait bien les valeurs du sport. C’est un gars qui vaut le coup, très attachant ». Si, lors de cette année 1990/1991, Patrick s’en tire bien à titre personnel (30 matches, 7 buts), la saison du club est complètement plombée par de lourds problèmes financiers, et Avignon est rétrogradé par la DNCG, au point de retrouver la DH Méditerranée en 1994. Patrick retrouve alors le Sporting Club de Toulon durant deux saisons. Mais l’affaire de « la caisse noire du Sporting Club Toulon » (une affaire de détournement d’argent au sein du club, et de transferts arrangés notamment avec l’OM) révèle les liens qui unissent certains clubs du sud au grand banditisme (ce qui conduira en 2002 à l’assassinat de François Vanverberghe, coéquipier de Pat’ à Toulon). Rolland Courbis, entraîneur de Toulon de 1986 à 1990, est reconnu comme l’instigateur de ce système et est condamné à une lourde amende et à de la prison avec sursis. Déjà sportivement rétrogradé en D2 – en dépit, encore, de chiffres honorables pour Patrick Collot : 26 matches, 5 buts –, le club est rétrogradé d’une division supplémentaire par la DNCG. Décidément, ce n’est pas de chance. Pat3Patrick rebondit alors dans un autre club du Sud, à Martigues. Casanier, Patrick ? Dans le Magazine du LOSC n°40, du 17 mai 1997, il reconnaît : « j’aurais sans doute pu mieux faire. Je ne suis pas parti assez vite du Sud où j’avais toutes mes attaches. J’ai toujours choisi la solution de facilité et de
proximité. Depuis que je suis à Lille, je me suis épanoui et j’ai le sentiment que mes performances se sont améliorées J’ai peur de l’inconnu et m’éloigner n’était pas dans ma logique de vie. Aujourd’hui, je le regrette car je pense qu’une expérience de ce type aurait été intéressante ». D’abord remplaçant lors de sa première saison au FCM, il joue un rôle essentiel dans le maintien du club en fin de saison, en marquant notamment 5 fois lors de ses 7 derniers matches, dont 3 fois en sortant du banc. Logiquement, il débute alors l’exercice suivant en tant que titulaire. En deux saisons à Martigues, de 1993 à 1995, Patrick Collot joue 49 matches de D1 et inscrit 8 buts, dont celui ci-dessous, à Saint-Etienne (à 3’15).

Image de prévisualisation YouTube

On remarque une caractéristique de Pat’ quand il est buteur, qu’avait bien identifiée Paganelli, à propos d’un but marqué avec Toulon : « je revois son but contre Laval, avec Toulon. Une volée d’un autre monde. Derrière, il courait dans tous les sens ! On ne pouvait plus l’arrêter ! J’étais heureux comme si c’était moi qui avais marqué ». Paganelli évoque ici le 1er but en D1 de Collot, pour son deuxième match, lors de la 32e journée du championnat 1987/1988 : il n’avait alors que 38 minutes de D1 dans les jambes.

 

Vite adopté dans le Nord

En fin de contrat avec Martigues, Patrick Collot répond aux sollicitations du LOSC. Mais il arrive à reculons dans le Nord. En 2007, il avait confié à France Football avoir l’impression d’être parti vers « le froid et la grisaille ». L’influence de Courbis, probablement. Il reconnaît d’ailleurs que, davantage que l’attrait de la ville ou du challenge sportif, « c’est Thierry Rabat qui [l']a fait venir », lui qui avait déjà signé au LOSC quelques semaines auparavant, également en provenance de Martigues. C’est sans doute là la meilleure action de Thierry Rabat en faveur du LOSC.

Comme pour l’équipe entière, le début de saison est compliqué pour Patrick. Lille se traîne en fond de classement, et il faut attendre la 10e journée pour signer un premier succès. Patrick inscrit son premier but avec le LOSC quelques semaines plus tard, à Rennes, insuffisant pour éviter la défaite (1-3). Mais il s’affirme en milieu de terrain. Il joue un peu plus bas que ne jouait Eric Assadourian, et a une position plus centrale sur le terrain. Sa rapidité et sa qualité de passe en font un joueur fiable et régulier. Il se révèle notamment lors du match contre le leader messin (14e journée, 21 octobre 1995). Presque à lui seul, il déstabilise l’équipe adverse à chaque action : seule manque la réussite, et le match s’achève sur un 0-0.

Image de prévisualisation YouTube

Désormais titulaire indiscutable, il signe le but de la victoire à Guingamp (0-1) juste avant Noël, dans cette curieuse saison où Lille ne gagne à l’extérieur que chez les gros (bon, Guingamp n’est pas un « gros », mais c’est leur seule défaite à domicile cette saison là). Si l’équipe tourne globalement moins bien que la saison précédente, au moins le chouchou Assadourian a été remplacé, et ce n’était pas une mince affaire. Au cours d’une fin de saison haletante, Patrick Collot inscrit un but improbable au Parc des Princes, en dévissant un centre, ce qui contribue largement à maintenir le LOSC en D1.

Image de prévisualisation YouTube

 11-de-coeur-4

Réservé, charmant… mais un peu sanguin aussi

Outre ses performances sportives, Patrick Collot fait l’unanimité autour de sa personnalité. On a déjà évoqué plus haut les souvenirs de L. Paganelli, par exemple. Lui-même, en interview, met en avant l’importance de sa famille, ou des relations humaines dans son métier. Ainsi, en septembre 1997, dans le magazine du LOSC n°42, il déclare : « je suis réservé (…) Je fais un métier extraordinaire mais qui comporte un aspect frustrant : la plupart des gens vous connaissent, mais vous vous ne les connaissez pas. On vous considère comme un joueur, comme un numéro au sein d’une équipe. Le côté humain de votre personnalité est complètement occulté. Difficile dans ces conditions de se faire des amis en dehors du milieu du foot. Tout ça fait qu’effectivement, j’ai parfois l’air un peu en retrait (…) Le football me prend beaucoup de temps et je passe le reste avec ma fille, Camille ». On garde en effet de Patrick, joueur, l’image d’un joueur calme, posé, et aimable avec les supporters. Certes, on dit ça de beaucoup d’ex-joueurs sur ce site. Mais c’est particulièrement le cas pour Collot, ne serait-ce que pour lancer un amical « bonjour » aux entraînements ou après les matches, à la fois aux enfants, qui le regardent de près, mais aussi aux parents, derrière, qui regardent tout cela d’un air bienveillant. Simple et les pieds sur terre, Patrick Collot a toujours été conscient de la brièveté d’une carrière de footballeur, et soucieux de son avenir après sa retraite sportive : « Mon avenir, c’est le gros point d’interrogation. Comme la plupart des professionnels, j’ai arrêté l’école assez tôt (BEP comptabilité) pour me consacrer entièrement au football. Alors je n’ai pas une vision précise de mes possibilités en dehors de ce sport. J’avais commencé un bilan de compétences l’année dernière mais j’ai dû tout arrêter pour faire face aux difficultés de fin de saison. Je vais sans doute reprendre ce cursus car cela me semble très utile. Les clubs devraient se soucier davantage de l’avenir de leurs joueurs, ce serait un plus indéniable pour les joueurs qui tentent l’aventure d’une carrière professionnelle (…) Les gens ici sont très attachants. On n’oublie pas un passage dans un club nordiste (…) Si mon avenir professionnel passe par Lille ou le Nord, cela ne me posera pas trop de problèmes. Je suis bien ici » (Le Magazine du LOSC, septembre 1997).

Collot2Patrick Collot est tellement sympa qu’il fait des dédicaces personnalisées, à son initiative. Cette photo, je l’ai eue des années dans mon portefeuille, si ça vous intéresse, chers lecteurs. Et puis, tant qu’on y est dans les anecdotes, sachez que j’ai gagné un maillot 95/96 floqué « 11″ grâce à lui, suite à une tombola à Gondecourt, où il était venu avec David Garcion pour le lancement de la section locale de supporters.

Sur le terrain, Patrick Collot a parfois donné le sentiment inverse : celui d’un joueur bagarreur, qui répondait facilement à la provocation. Lors de sa première saison, il récolte ainsi 7 cartons jaunes, ce qui fait tout de même beaucoup pour un milieu offensif. Et on se rappelle aussi quelques coups de sang mémorables, comme cette fois où il boxe Enzo Scifo avec un remarquable pif/paf crochet droit-poing gauche, alors que ça joue à 30 mètres de là, ce qui lui vaut une exclusion directe dès la 21e minute d’un très bizarre Lille-Monaco en janvier 1996. En février 1998, il est expulsé pour un deuxième jaune après un tacle dangereux sur un Lorientais ; enfin, en août 2001, il défonce Jean-Christophe Rouvière (la raclure), juste après l’ouverture du score de Montpellier à la 82e… Nouvelle exclusion, mais, heureusement, le Vahid time a fait le reste. Mais avouons que ce n’est pas ce qu’on retient de lui.

Collot11Là par exemple, ça n’a pas l’air d’être le grand amour entre Patoche et Moravcik


1996, la douleur et les sommets

Irréprochable sur le terrain, Patrick Collot est bien parti pour entamer la nouvelle saison 1996/1997 comme l’un des cadres du LOSC. Mais peu avant la reprise du championnat, son épouse décède suite à un accident à cheval. Patrick manque alors le début de championnat, et nul doute que l’attachement qu’on lui porte est aussi lié à ce drame, la pudeur avec laquelle il l’a évoqué, et la dignité avec laquelle il a repris son métier.

Il reprend la compétition en octobre, à Strasbourg, et retrouve progressivement une place de titulaire, au cours d’une première partie de saison remarquable. Le point d’orgue de cette saison a lieu le 6 novembre : le LOSC bat Lens 2-1 grâce à un doublé de Patrick Collot, de nouveau buteur un mois après son retour. Ce soir là, Lille est 4e. Outre l’immense joie sportive, l’émotion collective est grande pour le buteur du soir, ovationné par le public.

Collot4

Sportivement, la suite de la saison est malheureusement catastrophique : on en a parlé ici. Patrick Collot parvient à scorer ensuite à Paris, sur un but tout aussi ridicule que celui de la saison précédente au Parc (1-3), puis contre Strasbourg, sur pénalty (2-4). Il est l’un des rares joueurs expérimentés de cette jeune équipe qui s’effondre, et ne peut éviter la relégation en deuxième division. À l’issue de cette triste saison, à la fois pour le joueur et pour l’homme, Patrick Collot pense aux supporters : « j’aimerais qu’ils se souviennent que nous nous sommes battus pour le maintien deux années de suite en 1996 et 1997 ».

 

Cadre de l’équipe en D2

 En deuxième division, Patrick Collot fait désormais partie des anciens du club. Toujours titulaire, il est aussi bien souvent le capitaine de l’équipe. Dans des équipes parfois contestées et chahutées par le public, sa côte ne faiblit pas. Lors de la saison 1997-1998, il prend part à 33 rencontres et inscrit 5 buts ; puis 31 matches, sans marquer, en 98/99. À l’orée de la saison 1999/2000, il est l’un des rares survivants à entamer une troisième saison consécutive en D2 (avec Boutoille, Cygan, Landrin, Peyrelade et Tourenne). D’abord parce qu’il n’a jamais déçu ; ensuite parce que Vahid Halilhodzic, arrivé en septembre 1998, compte beaucoup sur lui : « J’étais un joueur moyen, en fin de carrière. Quand Vahid est arrivé, j’ai connu mes plus belles heures de professionnel. Au départ, on le jaugeait, mais on était dans une telle détresse sportive qu’on n’a pas eu d’autres choix que de foncer. Après, on le suivait les yeux fermés. Il a recrée l’état d’esprit qu’on avait perdu, sa grande force a été de nous donner confiance en nous »2. Si, pendant cette troisième saison en D2, Collot joue de moins en moins, ses prestations sont toujours remarquées : dès la 5e journée, il permet au LOSC d’ouvrir le score à Châteauroux (3-2), avant d’inscrire le seul but du match contre Louhans-Cuiseaux une semaine plus tard. Quand Collot entre en jeu, le public le célèbre ; et quand il marque, il continue de courir partout :

Image de prévisualisation YouTube

Il participe à 30 matches, dont 13 en tant que titulaire. Il fait face à la concurrence de Ted Agasson, de Djezon Boutoille, et observe l’émergence de Bruno Cheyrou. Mais son rôle est désormais aussi ailleurs : il est devenu le relais de l’entraîneur, et a un rôle fondamental dans le vestiaire. En quelque sorte, sa reconversion a déjà commencé.

Collot3

 

Retour en D1

Mais pour le moment, Patrick Collot est encore footballeur professionnel. Le LOSC retrouve en 2000 la première division. À 33 ans, le temps de jeu de Pat’ est voué à diminuer. Mais il est aussi l’un des rares de l’effectif à avoir connu l’élite. L’heure de la retraite n’a pas encore sonné. Et il va le prouver très rapidement : après un nul encourageant contre Monaco lors de la première journée, où Patrick entre en jeu à la 81e, Lille se rend à Strasbourg, et mène déjà 2-0 après une heure de jeu. Il entre en jeu à la 76e et, sur son premier ballon, il se jette pour reprendre un centre d’Agasson côté droit, et le score passe à 0-3. 3 ans et demi après son dernier but en D1, contre ce même adversaire, Patrick Collot marque de nouveau à ce niveau, dans le même stade que celui où il avait repris la compétition en octobre 1996. Il semble ne pas en revenir lui-même : après tant d’épreuves personnelles et sportives, il permet à son équipe de mener 3-0 à l’extérieur. Mieux : face à une équipe complètement à la rue, il inscrit le 0-4 quelques minutes plus tard, sur un but similaire, et sous les vivas ironiques du public strasbourgeois.

Collot Strasbourg


Image de prévisualisation YouTube

Blessé durant quelques semaines, il ne réapparaît que le 29 novembre pour le match retour contre Strasbourg. Nul doute que cela lui a permis de savourer sa nouvelle paternité. Une semaine après ce retour, il inscrit contre Sedan le deuxième but lillois, son dernier en D1. C’est à réentendre avec le son de Fréquence Nord :

http://droguebierecomplotlosc.unblog.fr/files/2016/11/collott.mp3

Et en vidéo :

Image de prévisualisation YouTube

Comme prévu, son temps de jeu diminue. Il prend part à 15 matches, dont 3 comme titulaire (avec 3 victoires à la clé : contre Saint-Etienne, à Lens, à Guingamp). Il est également présent dans la dernière ligne droite : entrées en jeu contre Marseille, à Toulouse, contre Bordeaux, à Auxerre, et enfin à Monaco, pour le bouquet final et la qualification en Ligue des Champions. Halilhodzic a fait d’une équipe mal classée de D2 une équipe européenne, en faisant de Collot un élément essentiel du terrain et du vestiaire. Le 9 avril 2001, dans un entretien à L’équipe, l’entraîneur évoquait le chemin parcouru et évoquait sa relation particulière avec son joueur : « Dans les vestiaires, aujourd’hui, les joueurs me chambrent. Quand on gagne, ils peuvent. Quand on perd, non. Pendant ma première saison, après une défaite, les joueurs ont commencé à rigoler. J’ai stoppé le bus. J’ai dit : « Je suis déçu. Si vous rigolez, vous sortez ! ». Le joueur qui ne déteste pas perdre ne peut pas avoir de résultat. La défaite est acceptable mais il ne faut jamais avoir de regrets. J’aime bien la relation humaine avec mes joueurs mais je ne fais pas de cadeaux. Si je dois en faire, c’est à Pat’ Collot. Et pourtant, je ne le fais pas jouer souvent ».

 Collottt

 Une nouvelle carrière, toujours à Lille

2001-2002 est la dernière saison de Patrick Collot. Il participe à 5 matches de championnat, 2 de Ligue des Champions, et 1 d’UEFA. Pour insister sur la mentalité du joueur et de l’homme, relayons ici cette anecdote racontée par Stéphane Pauwels, quand Lille s’est déplacé à Manchester en septembre 2001 pour la première rencontre de poule de Ligue des Champions : « C’était son rêve de jouer contre Manchester United. Mais Vahid l’a mis 17e homme juste avant le match. Il a pleuré de chagrin, puis s’est redressé, est allé dans le vestiaire et a regardé les joueurs un par un en leur disant : ‘Écoutez moi bien, les gars. Ce maillot du LOSC, il représente quelque chose. S’il y en a un qui ne bouge pas ses couilles aujourd’hui, ça va faire mal.’ ».
Il prend sa retraite durant la trêve hivernale, en janvier 2002. Récemment, sur le site du LOSC, il faisait le bilan de ses années de joueur à Lille : « avec le LOSC, c’est un peu une histoire d’amour. Ici, j’ai tout connu. De grosses joies, comme la remontée en 2000, ou la qualification en Champions League l’année suivante. Mais aussi de vrais moments de tristesse avec cette descente en 1997. Au final, il en reste beaucoup d’émotions, ce qui a eu pour effet de créer un lien très fort entre le club, les supporters et moi ». Au total, toutes compétitions confondues, il a disputé 199 matches pour le LOSC, et inscrit 18 buts. Avec le soutien de Vahid Halilhodzic, il intègre la cellule de recrutement, avec Marcel Campagnac, au sein de laquelle il reste 4 ans, tout en assurant pendant les deux dernières années la formation des U15 et des U16, à l’arrivée de Claude Puel.
Par la suite, le 23 mai 2006, Claude Puel lui propose de devenir son adjoint, après le départ de Laurent Roussey vers Saint-Etienne : « le club avait réfléchi à l’idée d’intégrer une personne du club au sein du staff. Claude a accepté de me former à ce nouveau métier. Débutait alors une nouvelle aventure ».

 

Fidélité à Puel…

Le tandem Puel/Collot fonctionne deux ans sur le banc lillois. À l’issue de la saison 2007/2008, Claude Puel signe à Lyon. À sa demande, Patrick Collot l’accompagne, toujours en tant qu’entraîneur adjoint. Puel ne tarit pas d’éloges au sujet de son adjoint : « « j’apprécie l’homme, sa droiture, son honnêteté intellectuelle. On peut compter sur lui en toute circonstance, notamment dans les moments difficiles, comme maintenant. Il est franc, fidèle en amitié et pas du tout calculateur ». Patounet se rappelle cette période : « un nouveau cycle sportif s’ouvrait au LOSC, différent de celui de Vahid Halilhodzic. Après deux belles saisons lilloises, Claude Puel m’a proposé de venir l’épauler à l’OL. J’ai vu ce projet comme une valorisation de notre travail, avec la possibilité de connaître la Champions League chaque année. Cela a duré trois ans. Trois saisons intéressantes à Lyon ».

a-domicile-adjoint-de-claude-puel-a-lyon-patrick-collot-(a-gauche)-retrouvera-demain-une-ville-avignon-ou-il-n-a-laisse-que-des-bons-souvenirs-pqr-stephane-guiochon-1433231579Malheureusement, l’histoire avec l’OL termine en eau de boudin : Patrick Collot, tout comme Claude Puel, est licencié en juin 2011 pour « faute grave ». Au-delà de la qualification juridique, qui colle assez mal avec l’image que l’on se fait de Pat’ Collot et de Claude Puel, le président Aulas cherchait davantage à se débarrasser de son entraîneur. D’ailleurs, quelques temps après, la décision a été jugée abusive, et Patrick a récupéré 500 000 € en mai 2013, somme qui couvre les salaires et primes dues ainsi que les dommages et intérêts pour préjudice personnel, professionnel et moral.

 

 … Mais surtout au LOSC

Après 2 ans de chômage, Patrick Collot revient au LOSC en janvier 2013, au même poste que celui qu’il avait occupé en 2002, dans la cellule de recrutement : « nous avons eu avec ma femme, envie de remonter dans le Nord. C’est ici qu’on s’est rencontrés, que nous avons nos amis. Les contacts avec le LOSC n’ont pas tardé à se matérialiser, si bien que je suis revenu au club en janvier 2013. Un vrai plaisir de retrouver la maison lilloise ». En août 2014, il retrouve un poste d’adjoint, au Royal Mouscron Peruwelz, qui à l’époque est partenaire du LOSC. Il y retrouve un autre fidèle de la maison lilloise, Rachid Chihab, qu’il a connu lorsqu’ils travaillaient chez les jeunes. À son retour, il reprend encore un poste qu’il a déjà occupé : entraîneur-adjoint, cette fois d’Hervé Renard. Suite à son licenciement le 11 novembre 2015, il prend en charge, par intérim, l’équipe première lors d’un déplacement à Troyes (1-1), avant de devenir l’adjoint du nouvel entraîneur, Frédéric Antonetti. 

Quasiment un an plus tard, après l’éviction d’Antonetti, Patrick Collot a entamé un nouvel intérim à la tête du LOSC, en dirigeant l’équipe à Nantes. Quel sera son avenir au sein du club, au moment où celui-ci se restructure et tente d’attirer des « grands » noms ?
A DBC, et nul doute que cet avis est partagé par nombre de supporters du LOSC, on espère que le club saura trouver une place de choix à celui qui n’a jamais déçu, qui a fait preuve de sa compétence, a montré sa gentillesse, et a toujours su répondre présent, même quand on l’appelle pour le rôle peu valorisant de pompier de service. Et sans considération pour les chemises qu’il porte.

maxnewsspecial085301_1

FC Notes :

1 Du coin de Lille hein. Parce qu’on est toujours du coin de quelque part, si on y réfléchit bien.
2 Coach Vahid : une vie comme un roman, Laurent Jaoui et Lionel Rosso, 2006, Sport et récréations.

 


Posté le 15 novembre 2016 - par dbclosc

Longue vie au Roi des Belges. Trajectoire et carrière d’Eden Hazard

Dans le cadre de notre « dossier belge », on t’a déjà parlé de notre histoire d’amour avec Georges Heylens, Filip Desmet et Erwin Vandenbergh ainsi que de notre Belgian connection depuis un siècle. Troisième volet, on va te parler aujourd’hui d’un ancien du LOSC, un p’tit jeune pas très connu mais qui, à nos yeux de grands spécialistes dénichant les pépites là où les autres sont aveugles à leurs talents, a eu une influence considérable sur le jeu de nos chers Dogues. Retiens bien ce nom, peu t’en parleront, il s’agit d’Eden Hazard. S’il est si méconnu, c’est aussi et surtout en raison d’un quiproquo : lorsque l’on interrogeait ses entraîneurs suite à une victoire, ceux-ci déclaraient souvent que « la victoire ne doit rien au hasard », les gens, mésinterprétant ces propos pensant alors à tort qu’Hazard avait été très mauvais.

En matière de jeux de mots, nous nous arrêterons là : Eden a suffisamment subi en la matière. On a bien essayé d’en faire quelques uns, mais à chaque tentative nous vomissions, dégoûtés qu’on était de notre propre médiocrité.

Une famille de footeux

Eden, c’est le fils de Thierry Hazard. Rassure-toi, pas celui-là.

Image de prévisualisation YouTube

Non, non, plutôt celui-là (celui de droite, hein, en dessous duquel il est marqué « Thierry Hazard »).

 Thierry Hazard

Et, plus généralement, Eden vient d’une famille de footeux plutôt que de musicos. Sa mère était elle même footballeuse en première division belge et ses petits frères Kylian et Thorgan sont depuis devenus footballeurs professionnels. Et Ethan, le petit dernier, on ne l’a jamais vu jouer, mais on soupçonne qu’il ne soit pas une brêle totale en foot. C’est vrai qu’on a pas de preuve absolue, mais t’avoueras que le contraire serait sacrément surprenant.

2007/2008 : Au Nord, c’était Eden (1)

Alors qu’il s’entraîne avec les professionnels depuis quelques semaines, Eden profite de la trêve internationale d’octobre 2007 pour faire ses débuts à l’occasion d’un match amical contre Bruges. Le LOSC s’impose 3-0, trois buts inscrits dans les cinq dernières minutes. Si les deux premiers sont inscrits par Nicolas Fauvergue, le troisième est l’œuvre d’Eden, qui pique son ballon devant le gardien après avoir dribblé quelques compatriotes. Puel est satisfait et le reprend quelques semaines plus tard pour un déplacement à Nancy. Il y fait ses débuts en Ligue 1 en rentrant à 15mn du terme, ne pouvant empêcher la défaite 2-0. Eden fera 3 autres apparitions dans la saison (Metz, Sochaux, Paris), se contentant de quelques minutes à chaque fois.

Lancer un joueur de 16 ans peut souvent paraître précoce. Néanmoins, Jean-Michel Vandamme justifie la décision du club, dans un reportage de 2010 : « Ça ne servait plus à rien de le laisser avec les jeunes du centre de formation, parce qu’il voyait plus vite, parce qu’il agissait plus vite. Il faisait des trucs qui ne correspondaient pas au niveau des autres. Donc là, on allait perdre notre temps. Donc on a pris le risque de le balancer chez les pros, ce que j’ai trouvé un peu audacieux, mais on n’avait plus le choix ! »

Les débuts d’Eden sont donc extrêmement précoces (16 ans et 10 mois), signe évident de son grand talent pour ceux qui ne l’auraient pas compris en le voyant jouer. Ceci étant, méfiance : les autres talents du LOSC qui ont débuté avant leurs 17 ans étaient tous extrêmement prometteurs mais n’ont pas atteint les sommets qui leurs étaient promis : Pascal Plancque (qui débute à 16 ans et 11 mois) ne se remet jamais de la blessure subie à Auxerre à 24 ans. Oumar Dieng (pas encore 16 ans et 10 mois) et Joël Henry (16 ans et 4 mois) feront également d’honnêtes carrières mais nettement en-dessous de ce qu’on en attendait.

La suite de la carrière d’Eden Hazard sera très différente …

2008/2009 : quand Eden s’installe en équipe première

Avec l’arrivée de Rudi Garcia, Eden en profite pour apparaître de nouveau sur les feuilles de match. Il est toutefois, dans un premier temps, utilisé avec parcimonie. Ainsi, lors de la première journée à Nancy, Pierre-Alain Frau (ailier sur ce match) se blesse gravement après une demi-heure de jeu. En l’absence d’Obraniak, on pouvait s’attendre à une entrée d’Eden. Garcia lui préfère Larsen Touré, ce qui est assez amusant à lire huit ans plus tard. Il restera sur le banc jusqu’à la 5ème journée, lorsqu’il entre pour une demi-heure à Sochaux. La semaine suivante, Rudi lui donne vingt minutes. Le LOSC est tenu en échec par Auxerre 1-1. Pire, à la 80’, Auxerre prend l’avantage. Mais sur un corner mal repoussé à la 88’, Eden contrôle de la semelle et frappe dans le petit filet, inscrivant son tout premier but en Ligue 1. Dans la foulée, De Melo donnera la victoire.

hazard 17Conflit avec son coiffeur ? Admiration envers Tony Vairelles ? Même pour nos meilleurs chercheurs cette coiffure reste un mystère

Dès lors, Eden rentre régulièrement en jeu et obtient mi-novembre sa première titularisation face à Saint-Etienne. Un fort joli but et 70mn plus tard, il sort sous l’ovation du Stadium. Le consultant en bord de terrain (Florian Genton) s’empresse de le retrouver sur le banc de touche et ne résiste pas à l’idée de demander à un gamin de 17 ans qui a 200mn de Ligue 1 dans les jambes s’il pense à partir : « un dernier mot sur votre avenir Eden, parce qu’on sait que vous êtes supervisé. Plusieurs clubs s’intéressent à vous. Vous faîtes un gros début de saison, votre avenir dans un premier temps, c’est Lille pour commencer ? ». Connard.

Eden continue son apprentissage et gratte quelques titularisations en Ligue 1 (Auxerre, Le Mans, Sochaux) ou en Coupe (Sainte-Geneviève-des-Bois, Dunkerque). Mais c’est le 4 mars 2009 qu’il va se montrer aux yeux du grand public. Lille reçoit Lyon en 1/8 de finale de Coupe de France, devant les caméras de France Télévisions et les commentaires de Xavier Gravelaine. Lille s’impose 3-2 et élimine le champion de France en titre. Eden inscrit un but et offre deux passes décisives.

Hazard 2Lors du tour suivant, Lille se déplace à Toulouse. Ce qui nous intéresse n’est pas l’élimination, ni la Panenka réussie par Eden lors de la séance de tirs au but (couillu, quand même). Ce jour-là, Lille termine à neuf, après les expulsions d’Obraniak et de Cabaye. Récemment, Ludovic expliquait que cette expulsion avait été un tournant dans sa carrière, puisqu’elle a permis à Eden de prendre son envol et de piquer la place de titulaire de son coéquipier : « là où il arrive à prendre sa chance et à se lancer, c’est une erreur de ma part. […] Derrière, la donne elle change, et ma carrière change aussi puisque je ne suis plus titulaire indiscutable ».

Titulaire lors de neuf des dix derniers matchs, Eden s’impose dans le 11, ce qui poussera Obraniak à demander un départ, refusé. Il décroche également son premier trophée individuel, en étant élu meilleur espoir lors des trophées UNFP.

2009/2010 : Eden s’affirme

A 18 ans, Eden part comme titulaire au sein d’une équipe ambitieuse. Le talent d’Eden, tout le monde le voit, même ma grand-mère qui n’y connaît pourtant footrement rien en foute et qui, de surcroît, a quelques problèmes de vue en raison de son grand âge. Pourtant, son début de saison est compliqué. En cause, un problème que rencontrent très souvent les grands talents, celui du manque d’efficacité. On l’a peut-être oublié, mais même un gars comme Cristiano Ronaldo, avant d’enchaîner les buts, était un jeune talent pas très efficace.

Bref, après 14 journées, Eden n’a pas marqué le moindre de but ni effectué la moindre passe décisive en L1 même s’il a déjà inscrit 3 buts après 8 rencontres d’Europa League. Eden retrouve le banc contre Valenciennes au profit d’Obraniak. Force est de constater que le LOSC s’en tire très bien sans son petit prodige puisqu’il cartonne son voisin (4-0). Fort logiquement, l’équipe est reconduite lors du sommet contre Lyon. Cette fois, c’est plus compliqué puisque Lyon mène 3 buts à 2 quand Eden entre en jeu à 25 minutes du terme malgré un jeu offensif et alléchant de la part des Dogues. Eden fait alors une entrée en jeu magnifique et soyeuse, et, alors qu’on est dans le temps additionnel, il jaillit dans les pieds d’un défenseur lyonnais, récupère la balle sur la gauche du rectangle et offre le but de la victoire à Gervinho (4-3).

Image de prévisualisation YouTube

Eden retrouvera alors sa place dans le onze, contribuant largement à la magnifique orgie offensive du LOSC. Lille enchaîne contre St-Etienne (4-0), à Monaco (4-0), contre Le Mans (3-0), à Nancy (4-0), contre Rennes (3-1 en coupe de la Ligue) puis contre le PSG (3-1), dernière victoire d’une série de huit succès consécutifs avec 29 buts inscrits, dont 18 de suite sans en encaisser un seul. Eden y contribue activement, marquant 3 fois et effectuant 4 passes décisives. Le bref retour d’Haard sur le banc semble l’avoir aidé à se montrer décisif.

Le LOSC est alors loué pour son jeu, certains le désignant audacieusement comme le « Barça du Nord », et Eden n’y est pas pour rien. Ça se finira malheureusement mal, Lille échouant à se qualifier en Ligue des champions suite à une ultime défaite à Lorient (2-1). Eden est pour sa part désigné meilleur espoir de L1.

2010/2011 : Hazard, leader du champion de France à 20 ans

En début de saison 2010/2011, Eden n’a encore que 19 ans mais déjà deux titres de meilleur espoir du championnat de France de L1. Ca n’est pas vraiment nouveau, mais il est un joueur très convoité. A l’intersaison, les Turcs de Fenerbahce tentent de le recruter proposant 12 millions d’euros. Même sans avoir d’infos précises à ce propos, on pense pouvoir affirmer sans grand risque d’être démenti que la réaction de Michel Seydoux à cette proposition fût un grand éclat de rire.

A l’instar de ses coéquipiers, Eden souffre pourtant en ce début de saison, se montrant globalement assez peu décisif au point d’enchaîner trois matches de suite sur le banc des remplaçants lillois. Seulement 1 but et 1 passe décisive en championnat après 11 journées, Eden reprend des couleurs et accompagne les Dogues dans leur montée en puissance pour ne pas dire qu’il y joue un rôle primordial. Fin novembre, il réalise notamment une prestation de grande classe contre l’AS Monaco, signant au passage deux passes décisives qui ne constituent qu’un indice bien maigre de l’exceptionnelle qualité de son match.

Le LOSC prend alors la tête du championnat et se met à rêver au titre. Contre Marseille, pour un match que nombre d’observateurs considèrent comme la finale avant l’heure du championnat – ce qui est étrange puisqu’il n’y a pas de finale dans ce championnat – Eden Hazard est l’auteur du but de l’ouverture du score et contribue activement à mettre l’OM au supplice. Si Marseille égalisera contre le cours du jeu, nous faisant craindre un match nul décevant au regard du niveau affiché ce soir-là, Pierre-Alain Frau inscrira le but décisif.

Au-delà de ces quelques exemples, Eden affiche des progrès considérables notamment en termes d’efficacité, inscrivant 8 buts et réalisant 7 passes décisives toutes compétitions confondues au cours de la deuxième partie de saison. Le LOSC remporte alors son premier titre de champion depuis 1954, sa première coupe depuis 1955, et Eden Hazard est l’indiscutable leader de cette très belle équipe.

Collectif

« Hé, t’as une crotte de nez »

2011/2012 : Eden passe un palier, et on parle pas de celui de sa maison

S’il y a bien une chose dont personne n’a jamais douté à propos d’Eden Hazard, c’est de son talent. Pour autant, soulignons combien on parle souvent de « talent » sans jamais vraiment se donner la peine de le définir ce qui tend à faire de la notion une coquille vide ou un terme fourre-tout dépourvu de sens. On repère toutefois quelques constances dans les cas de figure de joueurs désignés comme « talentueux » : à défaut d’être systématiquement les plus efficaces, ces joueurs se distinguent par le fait qu’ils disposent d’une habileté rare dans un domaine particulier. Ce qui fait alors le talent, c’est la rareté dans la maîtrise spécifique d’une technique (2).

Parmi les joueurs ainsi qualifiés de talentueux au LOSC, on peut dire que Karasi, Pelé et Hazard se sont distingués. De leurs pieds (3) pouvait naître l’inattendu. Pour autant, au-delà des incroyables fulgurances dont Eden pouvait être l’auteur, on a aussi longtemps pu regretter une efficacité relativement modeste à l’échelle de son talent. On dit bien « à l’échelle de son talent », car peu de joueurs de L1 pouvaient revendiquer une telle influence sur les performances offensives de leur équipe. L’année du titre, Eden est ainsi l’auteur de 7 buts et 10 passes décisives, des scores plus qu’honorables, mais pas encore à la hauteur d’un candidat aux places d’honneur à l’élection du Ballon d’Or.

Hazard4

A nos yeux, c’est pour sa dernière saison au LOSC qu’Eden franchit ce palier. Il réalise une fin de saison particulièrement éblouissante, inscrivant 9 buts et offrant 8 passes décisives lors des 11 dernières journées. Ce qui avait changé avec cet Eden-là, c’est qu’il avait énormément progressé dans sa capacité à ne pas faire le geste de trop tout en ayant conservé une excellente vision de jeu. On se souvient du match gagné à Dijon (2-0).

http://www.dailymotion.com/video/xqaiw3

Un but et une passe décisive, il est improbable qu’Eden aurait eu les mêmes stats sur un tel match un an plus tôt. C’est surtout sur sa passe décisive qu’on voit à la fois le talent qu’on a toujours connu chez Eden associé à ses nouveaux progrès : comment fait-il pour ne pas trop en faire et voir Mavuba qui arrive ? Et, taquins, on ajoutera même : et comment a-t-il fait pour savoir que Rio n’allait pas la mettre à côté cette fois-ci ?

Eden avec Chelsea

A l’été 2012, Eden est transféré à Chelsea pour un somme de 40 millions d’euros qui nous paraît coquette au regard du temps qu’il nous faudrait pour la gagner (4) mais qui paraît presque une bonne affaire en comparaison des prix actuellement pratiqués sur le marché des transferts. On a presque du mal à croire qu’Hazard n’a alors que 21 ans tant cela fait longtemps qu’il nous éblouit.

Il y a peu, le site en ligne de Lequipe nous gratifiait d’un article intitulé « Docteur Eden et Mister Hazard » décrivant l’expérience londonienne du joueur comme un parcours erratique fait de hauts et de bas. Or, derrière la thèse défendue, on se demande un peu si les journalistes n’en font pas un peu trop, découvrant simplement qu’Eden est un être humain, aussi capable de « coups de sang » comme ça peut arriver à toi et moi.

Certes, on ne dit pas que le parcours d’Eden fût complètement linéaire, mais il faut bien reconnaître que les bas connus par Hazard se résument à un vrai passage à vide en 2015/2016 et par quelques faits qui relèvent davantage de l’anecdote que du bas. Certes, en janvier 2013, il est en plein centre d’une polémique sur le fait qu’il aurait « tapé dans un ramasseur de balle » de Swansea, lequel coquinou refusait de céder le ballon à Eden pour gagner du temps. Présentation largement trompeuse, d’ailleurs, puisque si Eden donne bien un coup de pied, son intention est clairement d’attraper le ballon que le petit jeune lui refuse. Certes, il a eu parfois des tensions avec son entraîneur, mais personnellement ça me gonflerait un peu qu’on fasse des tonnes dans la presse des tensions que je peux connaître avec ma meuf ou un pote.

Sinon, le parcours anglais d’Eden, c’est plutôt du rêve. Ses débuts sont tonitruants et il y a plutôt consensus pour louer les incroyables qualités du joueur. Hazard apparaît ainsi comme un joueur rare, capable de faire tout seul la différence. Certains vont d’ailleurs très vite le présenter comme l’un des tout meilleurs du monde au côté de Christian Ronald et de Messi. Eden est évidemment élu meilleur jeune de Premier League en 2014 et meilleur joueur tout court l’année suivante. Après son passage à vide de 2015/2016, Eden revient fort la saison suivante, scorant déjà à 7 reprises en 11 matches de Premier League à ce jour et, surtout, avec un paquet d’actions vraiment pas dégueulasses à son actif.

Derrière ce tableau flatteur, certains voient en Eden un défaut qui, à nos yeux, est une énorme qualité : Hazard n’est pas un pur compétiteur mais avant tout un « joueur », ce qui, au-delà de la question du « niveau » des joueurs le distingue largement des deux « meilleurs joueurs du Monde » précédemment cités. Il est moins une machine à stats que ses deux collègues de la Liga et le plaisir de tâter le ballon relève pour lui d’une importance considérable. Ce qui ne l’empêche pas, à seulement 25 ans, d’avoir déjà cumulé 128 buts et 112 passes décisives en pro.

Eden et le Ballon d’Or

Le 13 janvier 2014, tombaient les résultats du Ballon d’Or 2013. On s’y attendait, mais c’est maintenant officiel, Eden Hazard a bénéficié de ses premiers votes qui lui ont permis de finir à la 22ème place du classement. Complot contre le LOSC oblige, Eden ne pouvait bien sûr pas bénéficier de votes pour le ballon d’or l’année précédente, puisqu’il avait passé la moitié de l’année sous nos couleurs. Alors, dans ce contexte, cette 22ème place, c’est un peu la nôtre aussi.

L’année suivante, Eden progresse d’une place, terminant à la 21ème place et, pour 2015, il finit pour la première fois dans le top 10 de la prestigieuse récompense, terminant à la 8ème place.

Alors, entre nous, Eden méritait bien un top 10 dans sa carrière. On s’étonne pour notre part que ça soit justement en 2015 qu’Eden remporte cette récompense alors même que ses six derniers mois de l’année sont probablement les moins bons de sa carrière depuis sa dernière année en U17 (c’est à dire quand il avait 12-13 ans).

Enfin … quand on dit qu’on « s’étonne », ça n’est pas tout à fait vrai. En effet, l’élection du Ballon d’Or a pris la fâcheuse habitude de récompenser quelques exploits, voire, pire, quelques titres, au-delà des performances globales du joueur sur l’année. Or, ici, c’est vraisemblablement en raison de son titre de meilleur joueur de Premier League pour la saison 2014/2015 qui explique qu’il soit monté aussi haut dans le classement du Ballon d’Or. Et pourtant, si son début d’année 2015 fût de très haut niveau, ce fût aussi le cas de l’ensemble de l’année 2014. Autrement dit, autant sa 21ème place de 2014 ne nous paraît pas chère payée, autant sa 8ème de 2015 nous apparaît grossièrement surpayée.

eden-hazard-chelsea-europa-league_i28zztf0ua171baolpwtct71p

Il n’empêche, Eden Hazard demeure à ce jour le seul joueur ayant porté le maillot du LOSC a avoir figuré à trois reprises dans le classement du Ballon d’Or. Avant eux, parmi les Lillois, seuls Erwin Vandenbergh (11è en 1980 et en 1983), Patrick Kluivert (5è en 1995 et 16è en 2000) et Kenneth Andersson (24è en 1994) avaient réussi cette performance ne serait-ce qu’une fois. Des quatre, seul Andersson y est parvenu une année où il portait nos couleurs (et encore, pendant six mois). Bientôt, Dimitri Payet devrait les rejoindre dans la petite famille des Anciens Dogues classés au Ballon d’Or.

Avec les Diables Rouges

Quelques jours après sa première titularisation en Ligue 1, Eden découvre les joies de la sélection nationale, à tout juste 17 ans et 10 mois, sans passer par la case Espoirs. L’opposition n’est pas très relevée (le Luxembourg) mais la Belgique a encore dans son effectif des joueurs très moyens et à tout jamais liés aux terribles années 2000 de la sélection. Lors de ce match, on trouve ainsi Stein Huysegems titulaire en attaque, un type qui a vécu l’apogée de sa carrière (du moins, ce qui devait l’être vu son âge) en Nouvelle-Zélande. Score final, 1-1, avec un but de Kevin Mirallas. Eden monte à 20mn du terme et se procure tout seul une grosse occasion. Il entre en jeu à trois autres reprises en 2008/2009.

http://www.dailymotion.com/video/x7gqs0

En fin de saison, il accepte de redescendre en U19 à l’occasion du Tour Elite. La Belgique doit terminer 1ère de son groupe de 4 pour se qualifier pour le championnat d’Europe. Eden inscrit le seul but du premier match, face à l’Irlande. Deux jours plus tard, les Diables écrasent la Suède 5-0. Eden est décisif trois fois (1 but, 2 assists). Malgré ce sans-faute, la Belgique doit obligatoirement gagner son dernier match face à la Suisse, leader grâce à une meilleure différence de buts. Malgré un nouveau but sur penalty, Eden et ses coéquipiers n’obtiennent qu’un nul et termine 2èmes.

Il connaît ses premières titularisations en 2009/2010. Il est aussi décisif, puisqu’il délivre 5 passes décisives en 9 matchs. Néanmoins, il manque d’ouvrir son compteur but en échouant sur penalty face à la Bulgarie en tout début de match. Il se rattrape en offrant le but égalisateur à la 89’. La Belgique s’imposera finalement 2-1 dans ce match amical.

Ses performances commencent néanmoins à être critiquées : à 19 ans, Eden doit commencer à être aussi performant en club qu’en sélection. Mais que faire dans une équipe entraînée par Georges Leekens, où les talents sont encore trop bruts et les joueurs expérimentés trop nuls ? Pas grand-chose. La Belgique dit probablement adieu à l’Euro 2012 lors de cette saison 2010/2011, même s’il reste 3 matchs. Leekens met d’ailleurs une énorme pression sur le néo-champion de France à l’occasion du tout dernier match de la saison, à domicile contre la Turquie. La Belgique est 2ème (et donc virtuellement barragiste) avec un point d’avance sur les Turcs. Après cette confrontation, il restera toutefois à ces derniers un match de plus à disputer. La Belgique serait donc bien inspirée de gagner et Eden d’être performant. Le match se termine sur un nul 1-1, avec en prime un pénalty manqué par Axel Witsel dans le dernier quart d’heure. A l’heure de jeu, Eden est remplacé et file directement aux vestiaires sans serrer la main du sélectionneur, sous l’ovation du public. On le retrouve quelques minutes plus tard à l’extérieur du stade en train de manger un hamburger, avant de retourner s’asseoir sur le banc pour la fin du match. En conférence de presse, Leekens dédramatise et pardonne une « erreur de jeunesse ». Il finira par changer d’avis : Eden sera puni lors d’un match amical en Slovénie. Ça c’est d’la sanction. Il est amusant de remarquer que Leekens avait déjà essayé de « pousser à bout » Enzo Scifo dans les années 90 lors de son premier passage en tant que sélectionneur. Leekens aime couper toutes les têtes qui dépassent pour paraître le seul maître à bord.

La saison 2011/2012 ne sera pas spécialement plus évidente : la Belgique rate effectivement l’Euro 2012. Plus que le nul face à la Turquie, on retiendra plus facilement les points perdus à domicile contre l’Autriche ou à l’extérieur en Azerbaïdjan. Tout n’est pourtant pas à jeter : il inscrit –enfin- ses deux premiers buts, contre l’Azerbaïdjan et contre le Monténégro. Cerise sur le paquebot en mai 2012 : Georges Leekens quitte son poste de sélectionneur. Marc Wilmots prend l’intérim et Eden se montre lors d’un match à Wembley, quelques jours avant de signer à Chelsea, présentant en avant-première ses futurs exploits au public anglais. Malgré la défaite, la performance est en net progrès.

Alors que tous les voyants semblent au vert, Eden va pourtant se faire voler la vedette. En effet, Eden est tellement dangereux qu’il est régulièrement marqué par 2 voire 3 joueurs et n’arrive pas à se défaire du marquage. De Bruyne en profite pour se mettre en valeur et devient l’homme des qualifications à la Coupe du Monde 2014. Eden n’est toutefois pas excusable de tout : sa pichenette ratée (à 2’12) en Serbie alors que la Belgique ne mène que 0-1 ne plaît pas à Wilmots, qui le remplace immédiatement. La Belgique s’impose 0-3 et Eden débute sur le banc le match suivant, contre l’Écosse. La Belgique n’arrive pas à faire la différence, obligeant Eden à rentrer à la mi-temps. Les Diables s’imposent 2-0, avec une passe décisive pour notre héros. Il marque lors des trois matchs suivants.

2013/2014 est une saison compliquée pour les Diables Rouges. L’effet post-Leekens est retombé et le jeu ne progresse pas. La qualification pour la Coupe du Monde est acquise, mais les matchs amicaux face à des équipes de meilleur niveau (Colombie, Japon, Côte d’Ivoire) ne sont pas concluants. En plus de ça, Eden est surutilisé en club : de décembre 2013 jusqu’à sa blessure début avril 2014 contre Paris en Ligue des Champions, il joue en moyenne 120mn par semaine. Le rythme est insoutenable. Wilmots le place d’ailleurs sur le banc lors d’un match amical pour qu’il puisse souffler. Exténué en fin de saison, il vit une Coupe du Monde compliquée, malgré deux passes décisives lors de ses deux premiers matchs. Sa saison se termine sur un remplacement dès la 75’ en ¼ de finale contre l’Argentine, alors que la Belgique est menée 1-0. Un choix rarissime qui montre le niveau de fatigue d’Eden sur cette compétition.

1331103-28615657-2560-1440

C’est à partir de l’automne 2014 qu’Eden commence à bien trouver ses marques. Son influence est grandissante et sa justesse est précieuse. Néanmoins, ses statistiques sont toujours plutôt décevantes (2 buts, 1 passe décisive) et il n’échappe pas aux critiques injustes. Paradoxalement, c’est lors de sa pire saison en club que ses statistiques s’amélioreront nettement en sélection. Il marque ainsi lors de quatre matchs consécutifs officiels. Puis, lors de la préparation à l’Euro 2016, il prend le jeu à son compte contre la Norvège et renverse le match à lui tout seul (3-2) alors que la Belgique était incapable d’imposer un jeu très pauvre. Blessé en début d’année 2016, Eden reconnaît qu’après l’élimination de Chelsea de la Ligue des Champions, il a pris son temps pour revenir en forme et être à son meilleur niveau lors de l’Euro. C’est réussi : si la prestation collective ne restera pas dans les annales, Eden est de loin le meilleur joueur de l’équipe et enchaîne les prestations de très haut niveau, que ce soit dans un style sobre (contre l’Italie) ou dans un style plus spectaculaire (contre la Hongrie). Avec quatre passes décisives, il est élu meilleur passeur du tournoi.

Depuis juillet 2016, Roberto Martinez est le nouveau sélectionneur. Il a amené avec lui un nouveau système de jeu, un 3-4-2-1 qui permet à Eden d’avoir un rôle très libre sans lui confier la seule responsabilité du jeu. Antonio Conte semble avoir un schéma similaire avec Chelsea, avec succès pour le moment. Très à l’aise dans ce système, Hazard régale et n’a jamais semblé si épanoui avec les Diables.

Souvent critiqué, Eden n’a donc que rarement été réellement mis de côté par les différents sélectionneurs. En 77 sélections, il a débuté 63 fois. Sur ses 14 entrées en jeu, 8 l’ont été avant ses 20 ans, c’est-à-dire à un âge où il n’avait probablement pas la capacité physique de jouer si souvent. Deux fois, il a commencé sur le banc parce que la Belgique était déjà qualifiée (contre le Pays de Galles lors de la dernière journée de qualifications à la Coupe du Monde, contre la Corée lors de la Coupe du Monde). Deux autres fois, il l’a été pour cause de fatigue (contre la Serbie après une blessure, contre la Côte d’Ivoire en amical). Il reste donc une entrée en jeu contre l’Azerbaïdjan en mars 2011 et ce match contre l’Ecosse qui est, avec sa suspension d’un match dans l’affaire du hamburger, sa seule mise à l’écart pour raisons sportives.

Avec 17 buts et 20 passes décisives (dont respectivement 9 et 7 depuis septembre 2015), Eden semble enfin lancé en sélection.

Alors, Eden est-il le « joueur idéal » aux yeux des rédacteurs de Drogue, Bière & Complot contre le LOSC ? Peut-être pas tout à fait, précisément parce que Hazard a trop de facilités, là où on aime les fêlures et les trajectoires cabossées. N’en déplaise aux journalistes de Lequipe, le parcours d’Eden se caractérise bien davantage par son aspect rectiligne que seule sa précédente saison vient contredire. Alors, certes, il donne parfois l’impression qu’il pourrait en donner encore un peu plus. Mais qu’il ne cède pas envers et contre tout aux sirènes de la « performance à tout prix », c’est plutôt quelque chose qui a jalonné l’ensemble de son parcours et qui n’est pas fait pour nous déplaire (5).

  1. Mix entre « Au Nord c’était les corons » et « à l’est d’Eden »

  2. A ce titre, un joueur comme Prieto n’est pas nécessairement celui qui serait jugé le plus talentueux. Doté d’un haut niveau de maîtrise dans différents domaines, il dépassait les autres parce qu’il était un joueur extrêmement complet davantage que par une excellence toute particulière dans un domaine.

  3. Ou de leurs mains, comme quand Karasi tenta d’étrangler Parizon en plein match. Ceci étant, il ne semble pas que ce soit ce genre d’acte qui explique qu’on parle de talent à propos de Karasi. Même si cela contribue indéniablement à son souvenir.

  4. Un individu gagnant le salaire médian français mettrait ainsi 25.806 mois (soit 2150 ans et six mois) pour gagner une telle somme. Et encore, à supposer qu’il ne dépense rien pendant ce laps de temps ce qui apparaît improbable. Dit autrement, si on veut pouvoir se payer Eden, faudra qu’on soit plusieurs à se cotiser.

  5. On tient quand-même à vous dire qu’on a vachement galéré pour le titre. Vous avez notamment échappé à « Zlatan de mes couilles, Hazard tac-tac dans la lucarne inch’allah »

1...678910...12

  • Recherchez aussi :

    • - vahid halilhodžić dijana halilhodžić
    • - emilie poyard point
    • - matt moussilou
    • - amis du losc
    • - george kasperczak
  • Articles récents

    • Lille/Valenciennes 1974 : le LOSC à la barre
    • Lille/Boulogne 1974 : le derby traîne dans la boue
    • Un feu d’armistice pour la dernière à la maison
    • Le LOSC à 9 (1995-2022)
    • Les Anciens Dogues à Londres
  • Commentaires récents

    • Beaucourt dans À jamais les premiers ! L’Olympique Lillois premier champion de France professionnel (1932-1933)
    • Antoine dans Destinées de réservistes du LOSC
    • bauwens dans 9 000 spectateurs à Grimonprez… Guichets fermés !
    • Francois dans Les destins liés du LOSC et de Didier Simon (Last night, Didier saved my life)
    • Stanaszek Eddie dans Le coup de barre du LOSC
  • Archives

    • mai 2022
    • avril 2022
    • mars 2022
    • février 2022
    • janvier 2022
    • décembre 2021
    • novembre 2021
    • octobre 2021
    • septembre 2021
    • août 2021
    • juillet 2021
    • juin 2021
    • mai 2021
    • avril 2021
    • mars 2021
    • février 2021
    • janvier 2021
    • décembre 2020
    • novembre 2020
    • octobre 2020
    • septembre 2020
    • août 2020
    • juillet 2020
    • juin 2020
    • mai 2020
    • avril 2020
    • mars 2020
    • février 2020
    • janvier 2020
    • décembre 2019
    • novembre 2019
    • octobre 2019
    • septembre 2019
    • août 2019
    • juillet 2019
    • juin 2019
    • mai 2019
    • avril 2019
    • mars 2019
    • février 2019
    • janvier 2019
    • décembre 2018
    • novembre 2018
    • octobre 2018
    • septembre 2018
    • août 2018
    • juillet 2018
    • juin 2018
    • mai 2018
    • avril 2018
    • mars 2018
    • février 2018
    • janvier 2018
    • décembre 2017
    • novembre 2017
    • octobre 2017
    • septembre 2017
    • août 2017
    • juillet 2017
    • juin 2017
    • mai 2017
    • avril 2017
    • mars 2017
    • février 2017
    • janvier 2017
    • décembre 2016
    • novembre 2016
    • octobre 2016
    • septembre 2016
    • août 2016
    • juillet 2016
    • juin 2016
    • mai 2016
    • avril 2016
    • mars 2016
    • février 2016
    • janvier 2016
    • décembre 2015
    • novembre 2015
  • Catégories

    • Classements oubliés
    • Complot contre le LOSC
    • Derbys du Nord
    • Donne-nous des nouvelles …
    • Elucubrations vaguement intellectualisées
    • Féminines
    • le LOSC est grand, le LOSC est beau
    • Tournois oubliés
  • Méta

    • Inscription
    • Connexion
    • Flux RSS des articles
    • RSS des commentaires
  • Suivez-nous sur Twitter !

    Twitter

    Twitter

    • 70 ans aujourd'hui : joyeux anniversaire Vahid ! https://t.co/R6JfiZiiVQ il y a 1 jour
    • Puis le derby Lille/Valenciennes gagné par les Dogues, qui prolongent une impressionnante série d'invincibilité. Av… https://t.co/f9mR6SttKK il y a 2 jours
    • Tout d'abord, le derby Lille/Boulogne en janvier 1974 : un match heurté, joué dans des conditions difficiles, qui s… https://t.co/C2zcR8fc1f il y a 2 jours
    • Cette semaine, on s'est replongés dans la saison 1973/1974, année de remontée en D1 pour le LOSC ⏬⏬ https://t.co/oR80VBlxWz il y a 2 jours
    • [Rediffusion] Il y a 89 ans, l'Olympique Lillois devenait le premier champion professionnel de football ⬇️ https://t.co/D9svrbgiGq il y a 3 jours

    Suivre @dbc_losc sur TwitterSuivez-moi

© 2022 Drogue, bière & complot contre le LOSC - Le foot est un sport qui se joue à 11, et à la fin il y a un complot qui empêche le LOSC de gagner

Actufootclub |
Danserbougerbouger |
Dbclosc |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Onambg Wrestling
| Book Léo
| Pétanque de l'Europe