Archive pour la catégorie ‘Elucubrations vaguement intellectualisées’
Posté le 24 janvier 2025 - par dbclosc
1961, première nocturne : Henri-Jooris sous le feu des projecteurs
Après des décennies où la question de la lumière du jour est une contrainte pour organiser un match, le LOSC entrevoit la lumière en juin 1961, à l’occasion d’un match amical contre les Brésiliens de Porto Alegre : le stade Henri-Jooris inaugure son éclairage électrique. Mais, dans ces années de marasme, le LOSC ne voit pas encore très clair.
Remontons le temps :
_En janvier 1913, le match Olympique Lillois/Boulogne-sur-mer se termine à la 81e minute. En accord avec les deux équipes, le score de 9-3 pour les Lillois est officiellement entériné.
_En novembre 1913, en coupe du Nord, l’Amical Club Lillois et Fives en sont à 2-2. Une première prolongation est jouée, mais le score n’évolue pas. Le règlement prévoit alors qu’il faut jouer une deuxième prolongation. Mais l’arbitre et les équipes s’entendent pour la jouer un autre jour.
_En avril 1914, un « tournoi de Pâques » met aux prises sur deux jours l’Olympique Lillois, le Sporting Club de Courtrai (Belgique), Het Zesde Breda (Pays-Bas) et Croydon (Angleterre). En finale, Néerlandais et Anglais ne parviennent pas à se départager. Alors, prolongation, comme le prévoit le règlement ? Non, on s’arrête là. Et comme les équipes étrangères doivent rentrer chez elles, les organisateurs décident de ne pas attribuer la coupe : « force fut de remplacer la coupe par 22 breloques offertes aux finalistes » (La Vie Sportive du Nord et du Pas-de-Calais, 18 avril).
On pourrait ainsi multiplier les exemples issus de la presse, jusqu’à la fin des années 1920, qui racontent la fin prématurée d’un match, ou le report à une date ultérieure d’une prolongation.
Le point commun de ces événements ? La tombée de la nuit.
Dans le premier cas, malgré un coup d’envoi à 15h qui aurait dû garantir 90 minutes de jeu, le stade de l’avenue de Dunkerque est balayé par une tempête. Couplée au coucher précoce du soleil en plein hiver, elle provoque l’interruption du match. Etant donné le score, « à la demande des visiteurs, qui veulent regagner Boulogne le plus tôt possible, la seconde mi-temps est écourtée de 9 minutes » (Le Grand Hebdomadaire Illustré).
Dans le deuxième cas, également à une période où les journées sont courtes, la première prolongation s’achève à la tombée de la nuit, et il n’est pas possible de poursuivre.
Dans le troisième cas, nous sommes au printemps. En raison d’une course à l’hippodrome situé à côté du stade de l’avenue de Dunkerque, les organisateurs du tournoi ont retardé le coup d’envoi de la finale, afin que les amateurs de chevaux puissent également assister au match Breda/Croydon. Dès lors, même avec un coucher de soleil aux alentours de 21h en cette saison, le décalage de l’horaire de la finale n’a pas permis de jouer la prolongation : il faisait déjà nuit.
Plus récemment, on se rappelle qu’en décembre 1985, le match Lille/PSG fut interrompu (puis rejoué) à cause d’une panne de courant en ville ; en janvier 1997, le coup d’envoi de Lille/Bordeaux a été décalé en raison de la panne de deux projecteurs ; puis en novembre 1997, Lille/Caen, en prolongation (coupe de la Ligue), a été interrompu en prolongation pour la même raison.
On le comprend aisément : comme pour la grande majorité des activités humaines, le football a besoin de clarté pour être pratiqué, sans quoi on ne voit rien. Dans une telle situation, joueurs, arbitres, spectateurs et journalistes sont bien en peine de s’adonner ou d’observer leur loisir favori. C’est ce que regrette un journaliste de l’Auto le 29 novembre 1920 : la veille, un match entre le Stade Roubaisien et l’Olympique Lillois a été interrompu en seconde période durant de longues minutes en raison de bagarres entre joueurs, puis d’un envahissement de terrain. Le temps que tout revienne à peu près dans l’ordre, le soleil avait quasiment disparu. Mais, cette fois, le match a repris et est allé à son terme, malgré la disparition de la lumière du jour. Seulement, « malgré toute la bonne volonté qu’on puisse y mettre, il n’[était] plus possible de distinguer la balle ».
Le football s’est longtemps pratiqué le jour, en l’occurrence l’après-midi. Sa banalisation en soirée est relativement récente – avant qu’un mouvement inverse ne se produise dans les années 2000 avec le saucissonnage des journées de championnat pour maximiser le temps de retransmission télévisée – et correspond à la généralisation de la lumière artificielle dans les stades, qui elle-même conduit à un nouveau rapport au football, et par extension à l’organisation du week-end des amateurs de football.
Au niveau lillois, la première rencontre jouée en nocturne par un club de la ville remonte probablement à 1934, quand les Dogues de l’Olympique Lillois se sont rendus à Bruxelles pour y affronter l’équipe de Belgique. C’est un peu moins de 30 ans plus tard que le terrain de l’OL, devenu celui du LOSC, va pouvoir lui aussi accueillir des adversaires de nuit. Nous sommes à la fin de la saison 1960/1961, et le vieux stade lillois se dote de projecteurs.
Pour la Voix du Nord, l’installation électrique dont va bénéficier le stade Henri-Jooris est le « dernier cri de la technique française » (3 juin). Grâce un un « gros effort de la municipalité », deux poteaux de 41 mètres vont être érigés côté sud-est, avec 12 lampes de 3 000 watts sur chaque pylône. Cette installation est considérée comme « la plus moderne de France » et « la plus haute ». Sur ce dernier point, c’est sans doute oublier un peu vite la Tour Eiffel. En attendant l’inauguration, prévue le 7 juin, « les techniciens de Mazda règlent les projecteurs ». Mais pourquoi donc installer des projecteurs, alors qu’il ne fait pas davantage nuit qu’à d’autres époques ?
Une vue du stade Henri-Jooris, avant 1961, si vous suivez bien
Si l’on en croit quelques papiers dans la Voix du Nord, les goûts et les pratiques du public évoluent, notamment en raison de deux facteurs : « automobile » et « télévision ». Appliqués au football, ces deux facteurs dessinent deux tendances contradictoires pour les spectateurs : d’un côté, ils peuvent davantage se déplacer au stade (automobile) ; de l’autre, ils ont aussi la possibilité de glandouiller chez eux (télévision). Mais les retransmissions télévisées de football à cette époque sont très rares et, sur ce point, le football subit plutôt la concurrence d’autres sports, comme le vélo. Par exemple, lors du Paris-Roubaix 1961 (télévisé) devait se jouer au même moment le match LOSC/CORT (D2). Les dirigeants nordistes se sont alors entendus pour avancer le match au samedi. Bien leur a pris, selon eux, puisque 7 000 personnes ont assisté au match ; ils estiment que ce chiffre aurait été moindre si le match avait été maintenu le dimanche. Et pendant la course cycliste, le match Valenciennes/Lens (D1) a quant à lui été maintenu : là aussi, 7 000 personnes ont assisté au match, mais ce chiffre a déçu les dirigeants de VA qui ont estimé que la télévision leur avait « coûté » 3 000 spectateurs.
Ignacio Prieto choisit un Telefunken et assiste au coup d’Etat au Chili le 11 septembre 1973, décalé en semaine
Bref, les pratiques de consommation, les pratiques culturelles, et sans doute d’autres facteurs liés aux évolutions du monde du travail, changent, et le football doit s’y adapter s’il veut maintenir son public. Puisque le créneau du dimanche après-midi risque d’être encombré, on envisage désormais de jouer le samedi, et pourquoi pas le soir. D’ailleurs, mi-mai, les dirigeants du LOSC ont fait un autre test, en avançant Lille-Marseille au samedi 13 mai, car ils craignaient d’être concurrencés par les communions solennelles d’un week-end prolongé. 4 500 spectateurs étaient alors venus à Henri-Jooris et le tandem présidentiel Pierre Klès et Roger Deschodt disait : « nous n’aurions sans doute pas atteint un tel chiffre le dimanche ». Le LOSC remet ça le samedi 20, contre Strasbourg.
Sondant ses lecteurs, la Voix du Nord rapporte que le samedi après-midi convient aux amateurs de sport, qui peuvent dès lors pratiquer le dimanche ; en revanche, les commerçants, qui sont rarement contents de quoi que ce soit, sont plus rétifs. Le samedi soir fait quasiment l’unanimité, hormis du côté de Lens, où ce moment ôte à deux postes de mineur la possibilité d’assister aux rencontres. Spécificités locales mises à part, on se dirige vers une pratique du football le samedi, ceci entérinant les évolutions évoquées plus haut.
Le fait que le LOSC se montre à la pointe technologique ne masque pas les difficultés du club. Le club vient de terminer la saison à la 9e place de la deuxième division. Dès le mois de mai, Pierre Klès annonce qu’il n’y aura pas de recrue. Et que si Vandooren, l’entraîneur, veut rester, ce sera pour s’occuper des jeunes. Autrement dit, il est invité à trouver un nouveau travail. Le comité directeur officialise le départ de l’ex-taulier de l’OL fin mai, résumé dans ce communiqué : « à la suite d’un entretien avec le président du LOSC, nous vous informons que Jules Vandooren n’entraînera plus le LOSC à dater du 1er juillet 1961 ». L’éclairage nocturne est donc loin d’être une cerise sur un gâteau, mais résulte d’« une volonté de refaire du LOSC un club correct » : cela permettrait de « faire venir des Allemands, des Yougoslaves, des Espagnols », « même si ce n’est pas la fine fleur nationale » qui elle est bien trop chère pour les Dogues (15 millions pour faire venir le Real Madrid).
Le LOSC a trouvé un adversaire intéressant, malgré la difficulté à libérer des clubs aux calendriers bien fournis : il a longtemps été question de Fluminense ou de Saragosse, mais ce sera Porto Alegre, également en tournée en Europe. Ce club brésilien est champion de sa province ce qui, vu d’ici, ne nous renseigne pas beaucoup. On comprend davantage le niveau de l’équipe en considérant qu’elle comporte 8 internationaux (A et B), dont le champion du monde Orlando, a battu à Hambourg l’équipe nationale de Bulgarie 5-1, et n’a été battu à Strasbourg par le Real Madrid « que » 4 à 1. Pour la Voix du Nord, les Brésiliens sont d’« incomparables techniciens » ; « ils ont du football une conception différente de la nôtre. Tout, chez eux, est sacrifié au spectacle, à la beauté du geste, et à l’élégance de l’action ».
Allègre Porto
Pour mettre toutes les chances de leur côté, les Lillois effectuent quelques entraînements en nocturne à partir de la fin mai. En effet, existe une croyance selon laquelle jouer de nuit demanderait d’autres qualités que jouer de jour, ou demanderait a minima un temps d’adaptation. C’est déjà ce qu’on retrouvait dans la presse des années 1930 : quand, en 1932, le Sparta Prague est venu jouer à Lille, le Grand Echo indiquait que, quelques jours avant, en jouant à Bruxelles, les Tchèques s’étaient plaints des lumières toutes neuves du Stade du Heysel. De la même manière, le déplacement des Dogues dans la capitale belge en 1934 avait conduit le quotidien à attribuer le début de match laborieux de l’OL à un problème d’accoutumance à l’éclairage artificiel. Dans quelle mesure étayer ou non la véracité de cette croyance ? Impossible de le savoir.
En ce 8 juin 1961, le lumineux événement est doublé d’un autre : juste avant le match, à 18h30, le nom du nouvel entraîneur du LOSC sera dévoilé. Sans surprise, Jean Baratte, 38 ans, fait son retour. Depuis les tribunes, il pourra voir évoluer le lensois et international Français Maryan Wisniewski, qui vient renforcer le LOSC (juste pour ce match). En revanche, Yvon Douis, en partance pour Le Havre, n’est pas là.
Pierre Klès et Jean Baratte
La Voix du Nord, 9 juin 1961
Après un nul en lever de rideau entre les juniors de Lille et de Lens (6-6), c’est la « foule des très grands jours » à Henri-Jooris (9 800 spectateurs) pour une « inauguration majestueuse ». Le match commence à 21h. Si la lumière naturelle est d’abord suffisante, le public lillois, impatient de voir son stade éclairé, crie « lumière, lumière ! »
Baratto a dû déclarer forfait et est remplacé par Montagne
Sur le terrain, l’« équipe lilloise est dépassée par le rythme de la rencontre » : après 23 minutes, le score est déjà de 0-3. À la pause, c’est 0-4 : « la grande force de cette équipe, comme d’ailleurs de toutes les équipes brésiliennes, est de trouver à tout moment et en attaque comme en défense, trois joueurs autour du ballon, à tel point que Porto Alegre a toujours 6 joueurs qui se trouvent à la fois en défense et en attaque. Evidemment, cela suppose chez tous les joueurs de l’équipe des courses incessantes et un dévouement absolument magnifique ».
Photo Jacques Verhaeghe
Pour la deuxième période, Walczak et Thétard entrent aux places de Fatoux et Montagne. Résultat immédiat : 0-6 après 51 minutes.
Alors que l’éclairage démontre désormais toute son utilité, une éclaircie se produit aussi sur le terrain : Chiarelli frappe sur le poteau (54e) ! Puis « Milton envoie dans des conditions inattendues un bolide sensationnel de puissance qui tape la barre et qui rentre (0-7, 67e). En fin de match, Walzack profite d’une mésentente (à moins qu’il ne s’agisse d’une généreuse entente) entre Elon et le gardien pour piquer le ballon et marquer pour les Dogues (1-7, 82e).
La saison se termine par 3 matches amicaux : 6-1 à Bailleul, 2-2 contre Rot Weiss, et surprenante victoire 3-0 à Lens.
Personne ne reproche aux Lillois d’avoir lourdement perdu face aux Brésiliens mais, au-delà de ce match, le chantier est immense pour Jean Baratte. Un an plus tard, après une nouvelle saison sportivement moyenne, les difficultés financières sont telles qu’une fusion avec Sedan est sérieusement envisagée. Il faudra bien du temps au LOSC pour revêtir ses habits de lumière.
Posté le 3 décembre 2024 - par dbclosc
Passe aveugle : Rémy Cabella condamné à payer une amende de 10 000€
Trop, c’est trop. En raison d’un usage excessif de la passe aveugle, la direction du LOSC a souhaité frapper fort : Rémy Cabella devra payer 10 000€.
Dans l’euphorie des festivités liées au 80 ans, l’information est passée inaperçue : en coulisses, à l’issue du match contre Rennes, Olivier Létang a convoqué le meneur de jeu lillois, encore auteur d’une passe aveugle. Ce geste, bien connu des puristes, consiste à transmettre le ballon à un coéquipier en regardant dans une autre direction, dans l’espoir de tromper la vigilance de l’adversaire. Si cette méthode peut s’avérer spectaculaire, il est reproché au joueur de 34 ans un usage tout à fait inutile du geste.
On savait que le LOSC ne lésinait pas avec la discipline : après la sanction infligée à Momo Bayo en août 2022 ou les décisions, plus récentes, à l’encontre de Jonathan David et Thomas Meunier en août 2024 – les deux joueurs avaient séché un dîner collectif à la veille du match contre le PSG -, la présidence, en concertation le coach Bruno Genesio, a désormais décidé de s’immiscer sur le terrain sportif.
À l’appui de leur jugement, les deux hommes forts du LOSC mettent notamment en avant deux arguments : d’une part, la passe ne mettrait pas spécialement les coéquipiers de Cabella dans une position favorable, alors qu’elle est censée déstabiliser l’adversaire et aboutir à une situation dangereuse. Et comme ce geste est souvent réalisé en fin de match, à un moment où l’enjeu est plus faible ; dès lors, le joueur ne prendrait en réalité aucun risque et se contenterait d’amuser la galerie, parfois avec arrogance.
D’autre part, plus grave, Rémy Cabella ne tromperait personne avec ses passes aveugles. En effet, au lieu de tourner la tête puis d’effectuer une passe, il fait d’abord une passe avant de tourner la tête, ce qui rend le geste ridicule. Bruno Genesio, particulièrement remonté, a signalé que ce geste faisait rire dans le vestiaire, et qu’ « à la limite, s’il déstabilise quelqu’un, ce sont ses coéquipiers ».
Mais qu’est-ce qui, cette fois, a poussé la direction du club à sanctionner Cabella, coutumier du fait ? La raison est toute simple : contre Rennes, non seulement il a de nouveau fait sa passe avant de tourner la tête et, de surcroît, il a tourné la tête vers le public. Dès lors, Olivier Létang a souligné que même si la combinaison des deux gestes avait été faite dans le bon sens, elle n’aurait jamais trompé un défenseur sensé, qui se doute bien qu’un adversaire ne va pas faire une passe au public, fût-il le sien.
Pour sa défense, le meneur lillois a avancé qu’il aimait les passes, et que l’amour rendait aveugle. Ce bon mot n’a pas ému Olivier « Lopez je t’emmerde » Létang. Intransigeant, le club a indiqué dans un communiqué que « cette décision a été prise de manière concertée et partagée entre le président et l’entraîneur (…) Elle fait suite au non-respect du règlement intérieur et des règles collectives en vigueur au sein de l’effectif et du vestiaire lillois dans le cadre d’un match ».
En outre, la direction losciste a rappelé que quiconque s’essaierait prochainement à une passe aveugle sera encore plus sévèrement sanctionné : « l’égalité de traitement entre les joueurs doit être absolue, aucun joueur n’étant au-dessus du club et du cadre collectif ». On peut dès lors considérer que la sanction n’a rien à voir avec le fait que le joueur a systématiquement manqué ses entrées en jeu en 23/24, ou que son attitude d’adolescent attardé contraste avec l’idée qu’on se fait traditionnellement d’un « joueur d’expérience ».
Farouche opposant à la passe aveugle, Renato Sanches et pour le port des lunettes pour tous. Ce qui n’est pas sans poser d’autres types de problèmes.
Le n°10 lillois a accepté la sanction, indiquant qu’il souhaitait que la somme soit versée à une association de promotion du Cécifoot.
Après cette nouvelle provocation, la direction du LOSC envisage désormais d’écarter le joueur du groupe professionnel.
Passeur aveugle, il arrive à Rémy Cabella d’être buteur muet alors qu’il frappe comme un sourd
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Posté le 14 juillet 2024 - par dbclosc
Adresse à M. Macron : pour un gouvernement de Dogues !
Face à la situation institutionnelle française après les récentes élections, l’Elysée décrète une situation de blocage qu’il a provoquée parce que sinon-c’est-la-gauche-qui-passe. Que faire alors ?
M. Macron, en ce jour de fête nationale, Drogue, Bière et Complot contre le LOSC vous offre un gouvernement sur un plateau !
Et puisque certaines rumeurs envoient Marine Tondelier à Matignon, une réaction s’impose : il est en effet inconcevable d’imaginer une supportrice lensoise gouverner le pays. Pourquoi ne supporte-t-elle pas les Verts ? Quelle incohérence ! Et on s’étonne que le pays aille mal.
Que les constitutionnalistes intégristes – et ils sont nombreux – ne nous en veuillent pas : on sait qu’en théorie, il revient au Premier Ministre de composer le gouvernement, mais la pratique est un peu différente, et avec Macron, bon.
Ça veut contourner tout le monde par la droite, mais le ballon se retrouve à gauche,
gros malin
Nous avons déjà évoqué dans quelle mesure le LOSC peut influencer la vie politique, comment losciser la vie, et nous avions donné quelques consignes de vote en 2017. En reprenant quelques-unes de ces idées et en nous adaptant à la situation actuelle, voici nos propositions, qui répondent à la demande d’un gouvernement d’union.
Ce gouvernement n’est pas paritaire, et pour cause : au LOSC, on n’aime pas les scores de parité, on gagne !
En guise de pièce à conviction supplémentaire quant à son attractivité, nous verrons en fin d’article que notre gouvernement, avec quelques-uns de ses membres les plus éminents, peut facilement évoluer dans un audacieux 4-3-3, preuve indéniable que nous présentons des politiques de terrain.
Premier.e Ministre : Aubry
C’est une grande innovation avec un Premier Ministre de genre neutre, à une époque où il suffit d’aller en mairie pour changer de sexe, comme l’énonçait fort justement un chroniqueur de Cnews (ou le président de la République, on ne sait plus).
En réalité, notre Premier.e Ministre est un binôme : il s’agit de Martine Aubry, maire de Lille, supportrice du LOSC ; et de Jean-Marie Aubry, gardien du but des Dogues entre 1995 et 1998.
D’après notre consultante, Ingrid Maucroizet, cette alliance assure à la France une « bonne connaissance des dossiers« , ainsi que l’assurance d’une maison bien gardée, à l’image d’une cage de but inviolée.
« J’ai décidé de dissoudre le RC Lens »
Ce duo pose une orientation gouvernementale plutôt à gauche, vu que Jean-Marie Aubry était gaucher.
La nomination de l’ancien keeper losciste est aussi une astuce vis-à-vis des sympathisants du RN, dont il existe une forte concentration du côté du bassin minier : si on leur dit « Jean-Marie est Premier Ministre », ils ne chercheront pas plus loin que le bout de leur nez et seront contents.
Poste sur le terrain pour Jean-Marie Aubry : gardien.
Ministre de la Jeunesse et des Sports : André Santini
Nous suggérons de confier ce portefeuille à Dédé car il est le plus vieux (83 ans) et probablement le moins sportif de notre gouvernement ; or, en tant qu’amateurs de football, et particulièrement du pénalty, nous aimons prendre le public à contre-pied.
André Santini présente en outre l’avantage d’avoir un patronyme composé du nom de deux joueurs du LOSC : Benjamin André et Didier Santini.
Ministre de l’alimentation : Jean-François Copé
Profitant des récentes élections pour ressortir sa trombine que tout le monde avait oubliée à la télé, Jean-François « pain au chocolat » Copé s’est refait une santé médiatique.
Sa nomination constituerait un clin d’œil évident à Alain Copé, losciste de 1970 à 1972.
Plus précisément, M. Copé serait spécialisé dans la récupération, étape indispensable après l’effort sportif. Diététique, soins du corps, gestion du stress : notre récupérateur politique professionnel fera un excellent ministre récupérateur.
Poste sur le terrain : récupérateur.
Ce ministère est complété par un secrétariat d’Etat à la gastronomie au feu de bois, dirigé par Kévin Malcuit, un délégué à la cuisine asiatique, Neném, et un préposé au beurre, descendant de Jean Baratte.
Adick Koot et Jean Debuf renforceront cette équipe pour former le prometteur duo Koot-Debuf qui a déjà fait ses preuves sur le sujet.
« Messieurs les secrétaires d’Etat, je Neném pas, cette Koot-Debuf est vraiment mal cuite ! »
Ministre de la guerre : Anne-Sophie Roquette
« Si tu veux la paix, fais gaffe à ton cul » disait le philosophe. Puisque que le monde part en cacahuète, nous devons être armés. Mme Roquette sera particulièrement en charge de l’Ukraine et de Gaza.
À ses côtés, le secrétaire d’Etat Michel Bastos étudiera les possibilités d’envahir la Russie.
Poste d’Anne-Sophie : milieu explosive.
Ministre de la Défense : Pascal Cygan
Infranchissable !
Poste : défenseur central.
Ministre de la culture : Jonathan Ikoné
Il connait tout.
Le ministère de la culture étant situé rue de Valois, n’oublions pas que nul n’est censé ignorer Valois : Jean-Louis Valois sera secrétaire d’Etat aux noms de rue.
Manon Guitard et Jonathan Bamba assureront l’organisation annuelle de la fête de la musique.
Ministre du logement : Caroline La Villa
Elle travaille déjà sur le chantier du 8e stade « à domicile » du LOSC, au stade du « Henno » en août 2024.
Elle sera associée à Jonathan Delaplace, secrétaire d’État à l’aménagement urbain.
Ministres de l’économie : Marc-Antoine Fortuné et Louis Bourgeois
Notez que nous ressuscitons les morts.
Dans une économie mise à mal par Bruno Le Maire, et dans un contexte de crise de l’Etat-providence, Gérard Lopez sera intégré à ce ministère en tant que secrétaire d’Etat au déficit. Actuellement retenu à Bordeaux où il fait preuve de toute sa maestria, il faudra le convaincre de se lancer dans un nouveau challenge déficitaire.
Poste de Gérard Lopez : dans la défense-passoire.
Ministre de la solidarité et des personnes âgées : Pépé
Dans le sillage de Claude Papi et de Mémé Jacquet.
Poste sur le terrain : pas très offensif.
Ministres des cultes : Eric Decroix, Jonathan David, Slavo Muslin
Pour une cohabitation pacifique entre catholiques, juifs et musulmans.
Dans les premiers jours de la formation du gouvernement, un hommage sera rendu à Jules Bigot.
Ministres des anciens combattants : Lucas Chevalier et Mattéo Makhabe
Matteo Makhabe présente sans doute le profil idéal pour rendre l’hommage qu’ils méritent à ceux qui sont morts pour la France. Lucas Chevalier développera pour sa part une politique tournée vers les très anciens combattants.
Ministre de l’éducation sexuelle : Morgane Nicoli.
Parce qu’il faut commencer gentiment. Roger Boli lui sera associé et aura la responsabilité de l’équipement sur ces questions d’éducation sexuelle.
Rôle sur le terrain : force de pénétration (des défenses adverses)
Ministre de l’inaction climatique : Michaël Frey
Le grand Suisse sera assisté par quatre secrétaires d’Etat : au réchauffement climatique (Claude Fichaux) ; au soleil (Gérard Soler) ; à la crème solaire « écran total » (Pelé) ; pour lutter contre les problèmes de sécheresse qui s’aggravent, qui de mieux que Junior Tallo comme secrétaire d’État aux nappes phréatiques et aux zones aquifères ?
Ministre du droit des femmes : Amadou Onana
Il travaillera en étroite collaboration avec le ministère de l’inaction climatique car « y a du soleil et Onana » (darladidadada)
Le cabinet promouvra Pascal Françoise au poste de secrétaire d’Etat aux prénoms féminins ; quant à Pierre-Alain Frau (« Madame » en allemand), sa mission consistera à s’occuper de sa cousine Germaine.
Un axe franco-allemand renforcé grâce à « Pierre-Alain Frau Merkel »
Ministre de l’identité nationale : Marine Ducoin
Un nom bien de chez nous.
Poste : extrême-ailière droite
Ministres du tourisme : Jean-Paul Delemer, Jacky Montagne, Marcel Campagnac
Delemer, natif de Lambersart, est déjà surnommé « Delemer du Nord » par la presse satirique.
Jacky Montagne sera particulièrement attentif à l’équipement des randonneurs, comme en témoigne son leitmotiv : « tout schuss du combien ? »
Quant à Marcel, il est l’assurance d’une belle campagne (électorale).
Ministre de la cause animale : Bernard Lama
Notre ancien gardien de but sera à n’en pas douter un excellent défenseur des Camélidés, mais aussi des félins, en souvenir de son surnom. Son directeur de cabinet, Martin Terrier, s’occupera de la faune des forêts tandis qu’Hervé Renard sera en charge des espèces femelles. Marc Devaux, finalement écarté, rumine dans son coin (coin).
Poste d’Hervé Renard : Renard des surfaces.
Ministre de la Fahmi : Abdelilah Fahmi
On évitera les blagues racistes sur le regroupement familial.
Ministres de la pêche : Bernard Gardon et Laurent Pichon
Pour les assister, Olivier Létang s’occupera de l’aménagement des plans d’eau, et Jean-Louis Thétard de la qualité de l’eau.
Ministre de la santé : André Strappe
Allez, un strap et c’est reparti !
À ses côtés, Noémie Mouchon sera promue à l’Observatoire de lutte contre le rhume.
Poste de Noémie Mouchon : dans un couloir pour enrhumer ses adversaires
Ministre de l’éducation nationale : Robert Lemaître
Nous restaurerons l’autorité des instituteurs et revaloriserons leur salaire.
De gros moyens seront mis sur l’apprentissage des mathématiques dès l’école primaire, grâce au concours des secrétaires d’Etat Johnny Ecker (géométrie), Cédric Carrez et Roger Carré (tracé des carrés), Younousse Sankharé (ronds et triangles) Alphonse Six (calcul mental), et Bernard Lecomte (calcul des budgets et stratégie comptable à long terme).
L’étude des textes littéraires sera confiée à Jean II Makoun, qui porte le même prénom que La Fontaine.
Younousse Sankharé/Younousse avec un carré
Ministres des parfums : Lorena Azzaro et Julie Rabanne
On ne sait pas encore bien à quoi servira ce ministère, mais un argumentaire sera prêt pour la déclaration de politique générale. Nous envisageons une collaboration avec Gérard Lopez (voir plus haut) pour vérifier si l’argent qui sort du LOSC n’a pas d’odeur.
Ministre de la bonne humeur : Roger Hitoto
Blagues d’Hitoto à volonté !
Exemple : pourquoi Toto le Lensois se rend chez le coiffeur ? Pour enfin avoir une coupe !
Roger se retient de pouffer de rire
Porte-parole du gouvernement : Penjamin Bavard
Poste sur le terrain : second poteau.
Notre gouvernement de terrain :
On remarque aisément que tous les pans de la société sont représentés et que certaines valeurs-clé sont mises en avant : défense, autorité, animaux, sexualité, féminisme, santé, personnes âgées, finance, communication : c’est la preuve d’un gouvernement résolument offensif, qui quadrillera parfaitement le terrain. Couloir droit, couloir gauche, chacun y trouvera son compte et, en cas d’offensive adverse, notre récupérateur saura toujours trouver une solution, fût-elle contre l’esprit des institutions.
M. Macron, le destin de la France est entre vos pieds.
Vive la République et, surtout, vive le LOSC !
Posté le 5 mars 2024 - par dbclosc
Évidence avec les loups
L’arbitre de Toulouse / Lille dans l’erreur, « une évidence » ? Pas vraiment. Mais une énième illustration que la VAR, pour quelques décisions corrigées, contribue à transformer le football et ce qui l’entoure en un spectacle assez détestable.
Près de 10 jours après les faits, une polémique chassant l’autre, et le temps montrant que tout cela est finalement assez vain (surtout si une victoire suit immédiatement), cet article à froid n’aura rien de comparable avec l’ampleur des réactions indignées qui ont suivi le match Toulouse / Lille. Et c’est d’ailleurs dommage que, même à chaud, ce type de péripéties ne génère pas des réflexions plus globales tant elles se multiplient et illustrent leur pouvoir de nuisance sur le football, alors que l’outil incriminé – le VAR – est censé pacifier les relations entre ses acteurs : joueurs, arbitres, dirigeants, supporters.
Quelques jours après le match, le LOSC en remet une couche avec ce tweet.
On peut d’abord s’étonner que le compte officiel du club s’immisce sur le terrain arbitral : les précédents exemples de clubs l’ayant fait, à commencer par nos voisins, ont plutôt montré que ce type de réactions provoquait une large désapprobation et qu’elles étaient probablement contre-productives.
Ensuite, le tweet renvoie à un article du site lesviolets.com – très complet au demeurant sur l’actu du TFC -, et il reste assez rare qu’un compte officiel de club ne renvoie pas au compte d’un autre club. Mais pourquoi pas ! Il existe d’excellents site de supporters. La démarche reste toutefois surprenante.
Enfin, même si le site en question est ici dans une logique de « décryptage », il propose une vision des événements qui est tout à fait défendable, mais qui n’est pas moins valable qu’une autre qui, avec les mêmes moyens et les mêmes images, aboutirait à des conclusions très différentes, comme on va tenter de l’illustrer.
Que trouve t-on sur le site Les Violets ? Le point de vue d’un arbitre amateur de 29 ans sur les trois buts toulousains. En résumant les choses, il indique que le premier but n’aurait pas dû être accordé (faute sur Gudmunsson avant le corner) ; que le deuxième est valable ; et que le troisième aurait dû être refusé (hors-jeu). Alors évidemment, si des Toulousains le disent, l’arbitre s’est indiscutablement trompé. La démarche est appréciable : peu de supporters écrivent « contre leur camp ». Signe-t-elle pour autant le conclusion de l’affaire ?
Quitte à relayer des propos sur l’arbitrage, autant que ceux-ci soient nets et précis : or, on peut noter à ce stade que sur les premier et troisième buts, les formulations que nous mettons en gras constituent autant d’éléments qui entretiennent la discussion et appellent à la prudence quant à l’interprétation des actions.
Sur le premier :
« En regardant les ralentis de plus près, on observe que la jambe de Kamanzi vient heurter la jambe droite et le pied droit de Gudmunsson. Cela a pour effet de faire trébucher le défenseur lillois. Cette impression est même soutenue par le fait que Kamanzi semble lui-même être déséquilibré par le contact qu’il vient d’initier »
Sur le troisième :
« D’après les images proposées par Prime, il semble que Dallinga était, effectivement, en position de hors-jeu au moment de la passe de Gboho. Le but de l’attaquant néerlandais aurait dû être refusé par la VAR. Décision a priori erronée ».
En somme, les propos sont très nuancés. Ils reflètent finalement ce vers quoi nous dirige le VAR : des impressions qui peuvent rarement aboutir à un jugement définitif, sur base du décorticage images télévisées.
Le bon et le mauvais arbitrage
On voudrait signaler un fait si évident qu’on le relève souvent pas : en football, on ne parle d’arbitrage que quand c’est en notre défaveur. Quel entraîneur ou quel joueur prendrait la parole pour s’indigner que son équipe ait bénéficié d’une décision arbitrale litigieuse ? Or, si l’on a des principes, en l’occurrence un arbitrage juste/cohérent pour tous, cela devrait être exprimé sans considération pour ses intérêts propres.
Une semaine avant Toulouse/ Lille, au cours de Reims/Lens, le rémois Okumu a fait un tacle dégueulasse sur le Lensois Frankowski. L’arbitre lui met un jaune puis, appelé par le Var, reste sur sa décision alors qu’on s’attendait à une expulsion. Après le match, Will Still, entraîneur de Reims, est invité à réagir à la séquence au micro de Prime vidéo. Il déclare : « ah oui, je comprends la frustration des Lensois ». Fin de l’interview. Bref, tant pis pour eux, et on passe à autre chose. Franck Haise, lui, sera beaucoup plus disert par après. On rappelle que Will Still, au match aller à Bollaert, avait principalement axé ses déclarations d’après-match en critiquant l’arbitrage. Il avait perdu…
Quant à Fonseca, si prompt à réagir à ce qu’il estime être une injustice, on ne l’avait pas beaucoup entendu après Lille/Lorient en janvier. Et puisqu’on imagine que ce sont principalement des Lillois qui nous lisent, vous ne voyez sans doute pas spontanément à quoi on fait référence.
À la 36e minute, l’arbitre siffle une faute de Bakayoko sur André. Les Lorientais contestent. Sur le coup-franc, Angel sert David qui ouvre la marque. Les ralentis laissent circonspects quant aux fondements de la « faute » sifflée en faveur des Dogues. Sachant qu’on a mis le deuxième but à la 92e, on peut estimer que c’est une décision lourde de conséquence. Y a-t-il eu un grand débat, une indignation côté lillois, un tweet…?
Après le match à Reims, les Rémois sont largement revenus sur l’intervention limite de Yoro dans la surface, qui aurait pu aboutir à un pénalty, quand les Lillois n’en ont pas dit un mot. Tout comme ont suscité bien peu de réactions côté lillois la rumeur d’une intervention du président dans le vestiaire des arbitres à la mi-temps (L’équipe a précisé les faits en indiquant que les accusations du président rémois étaient infondées).
Finalement, par mauvaise foi, fainéantise ou on ne sait quel mécanisme psychologique, on est très sélectif dans nos indignations. Celles-ci varient selon que les faits nous soient ou non favorables, ou selon le résultat. On imagine combien le pénalty concédé par Yoro contre Metz en décembre aurait été considéré comme scandaleux si Lille n’avait pas gagné (et ce grâce à un premier but sur pénalty gentiment sifflé). Mais dans ces deux cas de figure, on se contentera d’un « ça fait partie du jeu » ou d’un « ça s’équilibre sur une saison ».
Il est tout cas flagrant de constater que le commentaire sur l’arbitrage ne se fait souvent pas qu’à l’aune de la décision elle-même, mais de la décision couplée au déroulement ultérieur du match.
Bref, il y a le « bon mauvais arbitrage », et le « mauvais mauvais arbitrage »…
Les règles et l’esprit des règles
Quand il y a des litiges arbitraux, on se rend compte de la méconnaissance des règles de pas mal d’acteurs qui gravitent autour du foot : supporters (chez qui cette histoire de bras hors-jeu a beaucoup perturbé – pour rappel les mains et les bras, jusqu’au bas de l’aisselle, ne sont pas pris en compte pour estimer un hors-jeu), mais aussi de dirigeants et de journalistes, c’est-à-dire de gens dont le professionnalisme devrait conduire, ou même obliger, à s’y pencher de très près.
Hors ce match à Toulouse, combien de fois entend-on les commentateurs avouer leur ignorance des règles et demander sans complexe à l’un de leurs collègues d’envoyer un texto pour obtenir une réponse qu’ils devraient avoir eux-mêmes ? C’était par exemple le cas lors du match interrompu pour jets de pétards à Montpellier en octobre : impossible à l’antenne de Prime de trouver quelqu’un qui savait ce que devait alors faire l’arbitre, et quel était le délai maximal d’interruption provisoire d’un match.
Sans compter les rappels récurrents au mythe du « jeu à terre ». Les lois du jeu se trouvent facilement, et c’est même parfois très amusant : oui, un gardien peut prendre le ballon à la main s’il reçoit une passe en retrait du genou d’un défenseur ; un six-mètres contre son camp donne un corner, etc.
Lille/Benfica, 2005 : à croire que, sur cette action, seuls Tavlaridis et Sylva connaissent la règle. Gilardi, Larqué, Koeman et les supporters portugais ne semblent pas comprendre (Vidéo AlexisBarou69)
Arrêtons-nous sur le principal sujet de débat : le troisième but toulousain. Nous voilà contraints de juger les choses dans les termes qu’impose la VAR, c’est-à-dire se référer à une ligne dont il faut supposer qu’elle est correctement tracée, et dont la largeur peut aussi être discutée, à partir d’une image arrêtée censée être prise au moment où le ballon quitte le pied du passeur, soit un moment pas toujours clair à estimer précisément. Bref, les modalités de l’outil ne peuvent garantir l’infaillibilité.
Voici l’image proposée.
On a l’impression que le bord gauche du (large) trait bleu place le toulousain hors-jeu, et pas le bord droit. Et il semble que ce soit ce dernier qui est pris en compte. Mais bon, à ce degré de détail, qu’y a-t-il de choquant à accorder ce but ?
Demandons-nous aussi ce qu’est un hors-jeu. L’existence de cette règle a une justification : éviter que les attaquants ne restent plantés devant le gardien adverse, et puissent ainsi bénéficier d’un avantage trop important par rapport aux défenseurs adverses.
Seulement, la VAR détourne le hors-jeu de son esprit : avec des révélateurs à prétention scientifique, on évalue au microscope une situation qui devrait être jugée dans sa globalité. Alors certes, il faut bien fixer un point de repère à un moment mais, honnêtement, en imaginant qu’il était hors-jeu, l’attaquant toulousain a-t-il bénéficié d’un avantage décisif sur la défense lilloise… ? Est-ce qu’on est allés à l’encontre de l’esprit du jeu ? L’esprit du jeu ne recommande-t-il pas, en cas de doute, de favoriser l’attaquant ?
Evidemment, on aurait préféré que ce but soit refusé, mais voilà typiquement le genre de situation dans laquelle chaque camp a des raisons légitimes de défendre sa position.
À partir de là, quand une situation suscite des avis divergents, voire contradictoires, il faut arbitrer. Alors oui, on va satisfaire les uns, et mécontenter les autres. Ça tombe bien parce qu’il y a un arbitre sur le terrain. Selon le Larousse, un arbitre est une :
1. Personne qui a pour mission de trancher un litige à la place d’un juge public ; membre d’un tribunal arbitral.
2. Personne qu’on choisit pour trancher un débat ou apaiser une querelle (en ce sens, peut être aussi féminin)
La polémique, l’ambivalence, le doute : c’est la raison d’être de l’arbitrage. Or, les outils censés favoriser le travail de l’arbitrage alimentent son procès, car on prend trop peu en compte qu’une part des décisions repose sur l’interprétation d’actions ambivalentes, qui génèrent des décisions immanquablement discutables.
Une évidence : le LOSC a fait des erreurs
Revenons sur les deux autres buts toulousains : à notre avis, juste avant l’égalisation, il y a une faute sur Gudmunsson, et nous rejoignons l’avis de l’arbitre qui s’exprime sur lesviolets.com.
Mais sur le corner, le fait de se faire battre au premier poteau dans un duel aérien et de laisser un type seul au second, ce n’est pas la faute de l’arbitre : c’est un duel perdu et une grossière erreur de marquage.
Et ce qui est encore plus regrettable, c’est qu’il y avait eu un sérieux avertissement juste entre le but d’Haraldsson et la mi-temps. Même action : corner pour Toulouse, tête du 19 au premier poteau, pas de Lillois au second. Heureusement, cette fois, le Toulousain était trop court. L’adversaire peut avoir ses points forts et on peut ne pas réussir à les surmonter, mais laisser un mec seul deux fois au deuxième poteau, ce n’est pas très sérieux.
Parfois, oui, on peut ne pas être d’accord avec l’arbitre, mais ce désavantage peut être rattrapé et, sur cette action, le LOSC ne s’en est pas donné les moyens, par manque de travail tactique, par inattention, en tout cas quelque chose qui relève du jeu et des joueurs. Or, trop souvent, le courroux (coucou !) tombe toujours sur l’arbitre seul.
Quant au deuxième but, peu voire pas contesté, il a pour origine une mauvaise relance de Santos, à 30 mètres du but lillois. Là aussi, cette erreur aurait pu se rattraper, mais c’est mal défendu derrière. Les Lillois sont à 2 contre 1 : Santos est pris dans son dos mais un bon retour de Bentaleb semble suffire pour récupérer le ballon. Mais Santos a le mauvais réflexe d’obstruer le passage, de façon inutile.
Et inutile de tomber sur le défenseur : Santos donne beaucoup de satisfaction depuis qu’il est là. Il est un jeune joueur, étranger, qui doit s’adapter tactiquement et personnellement. Le problème quand un défenseur fait une erreur c’est que ça se voit très vite. Il en fera d’autres, et on ne doute pas de sa capacité et de celle de son entraîneur à pointer des axes de progression.
Par ailleurs, le LOSC a fait preuve en seconde période d’une incapacité à réagir qui, là aussi, ne doit rien aux compétences de l’arbitre. Entre le 1-1 et le 2-1, Santos a été protagoniste d’une altercation avec un adversaire : trois toulousains ont alors surgi pour entourer Santos quand, côté Lillois, seul Bentaleb est venu protéger son équipier. Ce manque de solidarité peut aussi être pointé. Ou encore le fait que nos milieux offensifs, s’ils ont toujours une très belle note artistique avec leurs dribbles et leurs passes à n’en plus finir, ont de sérieuses lacunes dans la finition.
Dans la gueule du loup
Dès lors, même si le LOSC a été mauvais, le principal enseignement de ce match réside sans doute dans la capacité de nuisance de l’utilisation de la VAR et des réactions qu’elle suscite.
Contraints de commenter les matches à l’aune de la grille de lecture qu’elle propose (focalisation excessive sur les décisions arbitrales qui sont autant de « faits de match », multiplication de ralentis à la recherche de mini-contacts, émotions sous condition, jeu haché par de longues interruptions aboutissant à des décisions qui n’en sont pas moins contestées, temps additionnel étiré, commentaires journalistiques trop peu portés sur le jeu et les analyses tactiques), les acteurs du football offrent le triste spectacle d’une extension du domaine de la lutte interprétative entre des positions qui ne peuvent par principe pas s’accorder, et un prétexte de plus pour s’écharper ou théâtraliser les conférences de presse avec des images qui ne prouvent rien.
Tant qu’on y est, pourquoi ne pas demander à rejouer le match ? En Belgique, Anderlecht/Genk va être rejoué suite à une « erreur » d’arbitrage…
À ce titre, la VAR est loin de régler les problèmes qu’elle était censée résoudre. Elle élargit la base de la critique de l’arbitrage sans donner en retour la possibilité d’apporter des éléments incontestables sur les faits (de fait, ils ne sont pas incontestables). Ses partisans avancent même l’idée que son champ d’application devrait s’étendre (notamment aux mains), comme si cela n’allait pas déplacer les mêmes polémiques sur d’autres aspects du jeu ; il parait aussi que la sonorisation des arbitres va tout résoudre, alors qu’elle porte d’autres risques. Sur ce dernier point, il existe pourtant des arguments qui s’y opposent (ici par exemple), tout comme il en existait contre la VAR, mais ils ne semblent pas pouvoir s’exprimer au-delà des cercles de quelques spécialistes critiques, qui viendraient peut-être perturber ce avec quoi les diffuseurs adorent meubler l’antenne.
On n’imagine pas que le tweet du LOSC soit une initiative isolée du Community Manager du club : si le club et son président souhaitent s’immiscer sur le terrain de l’arbitrage, il aurait été souhaitable de prendre parti pour un meilleur football, plutôt que de hurler avec les loups.
Posté le 26 janvier 2024 - par dbclosc
Où en est le projet Pierre-Mauroy II ?
Face aux insatisfactions que provoque depuis des années le « Grand stade Décathlon Arena Pierre Mauroy », les supporters du LOSC, soutenus par la direction du club, s’activent pour donner au club un stade digne de son standing et ainsi le faire entrer dans une autre dimension. Hélas, le projet se heurte à de nombreux obstacles. Reportage.
Les récentes plaintes exprimées publiquement par le président Létang envers la MEL sont le dernier avatar d’une relation compliquée entre le LOSC et l’institution métropolitaine : l’attribution du chantier avec modification en dernière minute des critères d’évaluation ont permis à Eiffage de remporter la mise au détriment de projets réputés meilleurs et moins coûteux ; de forts soupçons de corruption pèsent (Damien Castelain sera jugé en février 2024 pour « recel de biens et détournement de fonds publics publics » – la fameuse affaire des pierres bleues à 17 000€).
Le loyer payé par le LOSC (plus de 6 M€ par an) semble exorbitant, et on en a jusque… 2043 ; le principe même du partenariat public-privé est problématique, le privé n’y voyant qu’une source de profit en comptant sur l’argent public pour compenser les éventuelles pertes (par exemple, le loyer resterait le même en cas de relégation sportive, mais le LOSC ne devrait plus en payer qu’un million, la collectivité payant le reste). Dans la lignée des stades construits en vue de l’Euro 2016, l’équipement est symptomatique de l’éloignement des clubs de leurs aires géographiques historiques, et d’un spectacle sportif sur lequel se greffent un ensemble d’animations plus ou moins réussies.
Et puis cette pelouse, maintes fois montrée du doigt.
14 septembre 2023 : match de rugby France Uruguay à la Décathlon-Arena
Ces considérations ont conduit la direction du club, soutenue par une large majorité de supporters, à envisager le projet « Pierre-Mauroy II ». Il s’agirait alors de rénover du bâti existant, pour en faire un outil davantage conforme aux besoins du club, du public, et d’un jeu qui ne serait pas parasité par l’état de la pelouse.
Colère des opposants
Cependant, un certain nombres de difficultés se présentent, et mettent déjà en péril le projet. En effet, la rénovation de l’Arena est considérée comme infondée pour quatre raisons.
Tout d’abord, il convient de préciser que, bien entendu, la pelouse serait intégralement changée, de même que le sol sous la pelouse, considérée comme instable et potentiellement porteur d’un champignon. Comme il se doit quand un chantier est envisagé, de premières fouilles scientifiques sont menées, afin de s’assurer que ne s’y trouveraient pas des vestiges historiques. Or, des premiers coups de sonde ont permis à des archéologues de mettre la main sur trois éléments remarquables qui étaient profondément enfouis : le football de Marvin Martin, un carnet de notes tactiques de Marcelo Bielsa, ainsi qu’une ardoise qui correspondrait à des impayés de Gérard Lopez. Ces découvertes laissent penser que plusieurs catastrophes ont eu lieu sur le site, et elles permettraient de comprendre bien des vicissitudes de la vie footballistique. Leur intérêt scientifique pourrait dès lors retarder les premiers coups de pelle.
Ensuite, le remplacement de la pelouse et de la terre provoque la colère d’une association écologiste spécialisée dans la sauvegarde des taupes. Son représentant, Jean-Marc Débute, affirme : « nous savons que ce ne sont pas des taupes modèles car elles dégradent la qualité du spectacle sportif. Cela étant, la défense du vivant doit primer sur tout autre considération. Il fût un temps où le club avait la fibre animaliste, avec Gardon ou Pichon. La disparition progressive de ses chèvres, particulièrement présentes dans les années 1990 a en outre éloigné le club de nos amis à quatre pattes ».
Troisième obstacle : le chantier nécessiterait d’empiéter sur les terres alentours, et notamment sur le parvis où se trouvent de nombreux commerces où se restaurer. L’association « Sauvons la fricadelle » craint que les travaux ne mettent en péril cette tradition et a bien l’intention d’utiliser tous les recours administratifs pour préserver ce patrimoine régional.
Également, de l’autre côté du stade, la présence du centre commercial « V2 » se heurte à un premier avis défavorable de l’architecte des monuments pas historiques ; or tout centre commercial est classé dans cette catégorie, ce qui empêche toute démolition, même partielle.
Enfin, il semble que le projet soit freiné pour des raisons administratives, juridiques et politiques. Ainsi, après un premier feu vert du tribunal administratif, la Cour de Cassation a donné raison aux opposants. Mais devant le Conseil d’Etat, une autorisation a finalement été donnée, avant qu’une plainte au civil n’amène à déplacer le problème auprès d’une juridiction qui, s’estimant incompétente, a émis un référé dont la contestation par le parquet, qui représente l’intérêt général, a rebattu les cartes. À ce jour, la Défenseure des droits a délégué la décision à une commission ad hoc, composée des meilleurs juristes, qui devra statuer à la majorité des 3/5e (pondérée selon le statut des experts) afin de déterminer s’il faut retourner devant le tribunal administratif, après avis du Ministère de la culture.
L’inconnue de la coupe d’Europe
Cette rénovation aurait toutefois une fâcheuse conséquence : l’inévitable indisponibilité du stade devrait en effet conduire à délocaliser les matches du LOSC au Stadium Lille-Métropole, un stade situé en banlieue lilloise, inauguré en 1976, et qui n’a jamais vraiment eu de club de football résident. Hic : en cas de qualification en coupe d’Europe, il ne serait pas possible d’y jouer car ce stade n’est pas homologué par l’UEFA, qui l’a un temps qualifié de « stade de République Tchèque ».
De plus, la tribune Nord a été retirée l’été dernier. En cas de qualification en coupe d’Europe, le LOSC devrait alors probablement se déplacer dans un autre stade, conforme aux normes de standing et de sécurité de l’instance européenne. La solution la plus pratique serait alors de migrer vers le stade Bollaert, mais des supporters locaux ont déjà exprimé leur opposition à ce projet par de nombreux tags aux abords de la N41 et de la N47, le plus fréquent étant :
« Non ̶o̶ au LOSC à ̶B̶e̶a̶u̶ ̶B̶a̶u̶ Bolarte ».
Dès lors, on pense au stade de France (SDF), toujours prompt à offrir le gîte, mais pas le toit couvert. Le LOSC s’y est déjà rendu pour une campagne de Ligue des Champions, en 2005/2006.
Un nouveau stade ?
Si trop de difficultés persistaient, reste une dernière solution : relocaliser le LOSC à Lille et revenir à la tradition, à rebours des récentes évolutions du football. Cela étant, cette option se heurte aux réticences de celles et ceux qui, précisément, aiment particulièrement l’ambiance et les animations du stade.
La maire de Lille devant la maquette du projet
Car il faut bien comprendre que ce projet ne mise pas sur une « expérience stade », dans une zone excentrée et bourrée de lieux de consommation où le match de football semble être un spectacle parmi d’autres. En voici quelques éléments, non-exhaustifs, qui mis bout à bout forment un concept où spectateurs et supporters viendraient assister à un match de football.
Sylvain Armand, Martine Aubry et Olivier Létang ont organisé une conférence de presse pour soutenir le projet
Grâce à des prix attractifs visant à populariser ce sport, le public aurait accès gratuitement à un magazine imprimé où seraient exposés la vie du club, des portraits de joueurs, et des propos de la direction sur l’orientation qu’ils souhaitent donner au club. La sono du stade serait audible. Un émetteur brouillerait le réseau 4G ce qui, en l’absence de « contenus » à partager et de commentaires en direct, empêcherait d’énoncer une probable descente quand le LOSC prend un but, ou de prédire une victoire prochaine en coupe d’Europe dès qu’il en marque. Un speaker ne hurlerait pas six fois le nom des buteurs, et les spectateurs seraient alors libres d’exprimer spontanément leur joie. Pas de loges, pas d’hôtesses, pas de flagornerie envers les VIP.
Un beau projet, dans un cadre verdoyant
Bien sûr, cette ambition est moins populaire. Et se pose la question de savoir à quel emplacement elle pourrait prendre corps. Il se trouve qu’une zone du côté de la Citadelle de Lille serait idéal. Actuellement, s’y trouve justement un espace hybride entre plaine de jeux et terrain vague. Par une heureuse coïncidence, on y trouve même un monument en souvenir d’Henri Jooris.
À quelques pas de là, une vaste étendue servirait de camp d’entraînement, et permettrait d’authentifier et d’apaiser les relations, en donnant l’image de joueurs proches du public, plutôt qu’inaccessibles dans un bunker que le club consent à ouvrir à quelques personnes trois fois par an non sans leur avoir pris identité et coordonnées.
Mais cette idée a elle aussi peu de chances d’aboutir. Selon nos informations, elle serait principalement portée par une poignée de marginaux qui aiment un peu trop cultiver leur nostalgie, et qui devraient penser à franchir eux-mêmes, dans leur esprit mélancolique, un nouveau stade.
Alors rendez-vous en 2043.
Note : Les titres de presse sont issus de la presse régionale, de 2002 à 2006.
Posté le 30 mai 2023 - par dbclosc
Stades bruxellois
Bruxelles comporte quelques stades remarquables, empreints d’une grande nostalgie. Puisque l’un de nous y vit désormais, un pèlerinage s’imposait.
Nous autres Lillois avons connu de nombreux stades où voir évoluer nos Dogues. Et pour nous trois, l’apprentissage du football s’est fait à Grimonprez-Jooris : en effet, tout petits déjà nos pères nous emmenaaaaient à Grimonpreeeez, lalalalalalalalalalalaaaa Lille OSCCCCC. Bien, ça c’est une bonne accroche.
La grande mélancolie que le stade Grimonprez-Jooris suscite chez nous est sans doute inversement proportionnelle à l’absence de consensus qu’il a suscité « de son vivant » : trop grand, trop petit, pas assez fonctionnel, mal placé, mal desservi… D’ailleurs, te souviens-tu de Grimonprez-Jooris ? On a tout dit sur ce stade qui, au-delà de ces inconvénients, avait un avantage certain : s’y dégageait une ambiance qui, avec le recul, nous semble tout à fait typique de son temps : proximité avec des joueurs accessibles (surtout avec le terrain d’entraînement à côté), ouvert à tout le monde (combien de fois a-t-on pu se balader dans ces gradins vides, juste pour le plaisir), liberté de mouvement en son sein (pas de problème pour passer d’une tribune à l’autre « juste pour aller saluer un copain« ). Et après tout, ces tribunes à moitié vide symbolisent bien ce LOSC laborieux des années 1980 et 1990, pour qui une victoire 1-0 sur un but de raccroc à 3 minutes de la fin équivalait à une magnifique performance. Avec le temps, notre image du passé est probablement déformée, et idéalisée. Mais impossible de passer aujourd’hui sur la plaine Félix Grimonprez sans se remémorer ce qui s’y est passé, et en tentant de se rappeler le plus précisément possible où étaient situées les tribunes, le parking, le terrain d’entraînement.
Cet effort de mémoire est moins difficile à faire à Bruxelles, où subsistent quelques stades qu’on croit sortis tout droit d’un passé révolu ailleurs. Au-delà de leur intérêt architectural ou de leur curieuse apparence, ils rappellent qu’un stade, même vide, contient une atmosphère particulière et, pour peu qu’on fasse preuve d’un peu d’imagination, est peuplé de fantômes. Les stades présentés ci-après portent les traces de leur temps, du temps qui passe, et renvoient quelque chose d’une ferveur passée. En y déambulant, à côté de ces vieilles buvettes en bois et dans ces vieux gradins de béton, on se prend même à être nostalgique d’une époque qu’on n’a pas connue. Voici une petite sélection en guise de voyage, dans des endroits où les veilles photos en noir et blanc semblent prolonger leur vie en couleurs.
Toutes les photos ont été prises récemment par nos soins. N’hésitez pas à cliquer dessus pour les voir dans un plus grand format.
Vivier d’Oie (Uccle)
« Au début du siècle dernier, des messieurs en chapeau boule y prenaient place pour suivre les internationaux » lit-on dans l’ouvrage édité par l’Union Belge pour fêter ses 125 ans en 2020. Le stade du Vivier d’Oie est probablement celui qui fait se représenter le mieux les origines aristocratiques du football, tant l’endroit transpire encore une atmosphère d’entre-soi élitiste. Preuve irréfutable : la plupart des gamins qu’on y croise jouent désormais au hockey et ont des mèches qu’ils renvoient ostensiblement vers l’arrière de leur crâne, tout en exprimant un langage qui les classe socialement : tout termine par « -han ». Exemple : « ton père t’a offert quoi pour ton anniv-han ? » (authentique).
On est ici à Uccle, une des communes les plus riches de Bruxelles, dont certaines rues feraient passer les quartiers les plus huppés de Croix ou de Mouvaux pour des ZUP. L’ancienne entrée, « rue du Racing », qui donne sur un boulevard très fréquenté, n’est plus utilisée. S’y trouve encore une arche qui rappelle que, de 1902 à 1948, le Royal Racing Club de Bruxelles, 6 fois champion de Belgique entre 1897 et 1908, y a été le club résident, avant que l’équipe ne déménage au stade des Trois Tilleuls (voir plus bas).
Pour y accéder, il faut passer à l’opposé, le long du Bois de la Cambre. Là, une sorte de chalet avec une grande terrasse domine des courts de tennis, bien séparés des regards les uns des autres par de la végétation. En contrebas, se situe un terrain aujourd’hui synthétique, principalement occupé par de jeunes hockeyeurs. On ne joue plus de football ici. Mais se trouve un formidable vestige : celle qui est réputée « la plus ancienne tribune de football du pays », et probablement la plus ancienne du genre en Europe : faite de béton armé, de verre et de boiserie, elle a été construite en 1902 et a une capacité de 1 000 places.
Le 1er mai 1904, devant 1500 spectateurs, a eu lieu ici le premier match international officiel en Europe, entre la Belgique et la France (3-3). Les joueurs ont pu ainsi profiter des premières douches d’eau chaude de Belgique ! C’est surtout l’occasion pour certains dirigeants qui, jusqu’alors, n’avaient eu que des échanges épistolaires, de se rencontrer enfin physiquement. Notamment, Louis Muhlinghaus, secrétaire du Racing Club de Bruxelles, suggère au français Robert Guérin de créer une ligue de football internationale. Trois semaines plus tard, la FIFA est créée.
Le 9 mars 1919, le premier match international officiel de football d’après-guerre se joue de nouveau au Vivier d’Oie. Il s’agit une fois de plus d’un Belgique-France (2-2).
La tribune semble aujourd’hui dans un état d’humidité et de fragilité avancé. Elle est pourtant classée depuis 2010.
Stade Joseph-Marien (Forest)
Les supporters de l’Union Saint-Gilloise ont beau hurler « ici, ici, c’est Saint-Gilles ! » lorsque l’Union marque, en fait, ici, on est administrativement dans la commune bruxelloise de Forest, juste à côté de Saint-Gilles et d’Uccle. L’USG, créée en 1897, n’a joué à Saint-Gilles que jusqu’en 1898, à proximité de l’actuelle maison communale, avant de devenir un club nomade dont les stades ont régulièrement changé au sein de Uccle (1898-1919). Le club se sédentarise au sortir de la guerre, quand est inauguré le « Stade du parc Duden », du nom de l’emplacement dans lequel il se trouve, et duquel est offerte une belle vue sur l’ouest bruxellois.
Pour inaugurer le stade, un grand match de gala contre le Milan Club (l’actuel AC Milan) est organisé par la Direction unioniste. Milan s’était ensuite rendu à Lille pour y affronter l’Olympique Lillois. Si le stade est idéalement situé, avec une seule tribune couverte et trois autres adossées aux grands arbres du Parc, il est surtout connu pour sa façade Art-Déco, construite après une rénovation dans les années 1920. Sur la partie qui donne sur la chaussée de Bruxelles (c’est le nom de la chaussée), une façade d’une centaine de mètres présente sept panneaux sculptées qui représentent les deux disciplines par lesquelles l’USG a brillé : l’athlétisme et le football.
Si l’Union est redevenue à la mode depuis quelques années, son stade semble sorti tout droit d’une époque qui a échappé à une modernité footballistique qui, bien souvent, emporte avec elle les charmes d’une enceinte pas complètement saisie par des logiques mercantiles. Outre la sono, qui préfère passer des hits rigolos plutôt que des messages publicitaires, le club house du rez-de-chaussée est ouvert à tous, qu’il y ait match ou pas. La tribune couverte offre quelques vestiges qui semblent avoir figé la décoration à l’époque de l’entre-deux-guerres, quand l’Union était le centre footballistique du pays, et même au-delà.
Domine une grande bâtisse qui est aujourd’hui une résidence d’artistes et qui, autrefois, était le vestiaire du stade. Les joueurs fendaient la foule avant de rejoindre la pelouse. S’y sont déroulées de grandes rencontres, comme un Belgique/France (3-1) en 1921, devant 30 000 personnes. L’Olympique Lillois est également venu ici dans les années 1920, mais aussi le LOSC, en 1946, pour y affronter l’équipe B de Belgique, juste avant de réaliser son premier doublé coupe/championnat.
Belgique/France. Le Miroir des Sports, 10 mars 1921
Quant à l’ambiance à Joseph-Marien (nom du stade depuis 1933), elle est incomparable : le public saint-gillois est chaud et n’est pas tellement porté sur les insultes lancées aux arbitres et aux adversaires. Si on s’y risque, il est d’ailleurs plus probable d’être invité à ne plus revenir.
Depuis sa remontée en première division en 2021, l’Union n’en finit pas d’étonner. Championne de la phase régulière en 2022 avec 5 points d’avance sur le second, elle a malheureusement craqué lors des play-offs lors de la double confrontation contre Bruges. Pour info ou rappel : après 34 journées, les points obtenus durant la phase régulière sont divisés par deux et les 4 premiers s’affrontent en confrontations aller et retour. Cette réforme devait, il y a quelques années, apporter davantage de piment à un championnat las de voir Anderlecht, le Standard ou le FC Bruges truster les titres sans panache. Dommage que son application se soit faite au détriment d’un « petit » club historique comme l’Union en 2022, qui court après son premier titre depuis… 1935.
En 2023, elle est de nouveau qualifiée pour les play-offs 1 et reste bien placée pour décrocher le titre, après avoir été éliminée en demi de la coupe de Belgique, et en quarts de l’Europa League. Spécialiste des remontada et des buts tardifs, l’USG a un style très « vahidesque » : la politique du club – qui appartient à Brighton – est à l’opposé du star-system, à tel point que le président intervient régulièrement dans la presse pour rappeler que si ses joueurs réclament légitimement de meilleurs contrats, ce n’est pas à l’Union qu’ils les auront. Dès lors, l’USG va chercher des inconnus dans des divisions inférieures, et ça marche ! Sans avoir de grandes vedettes, l’équipe, depuis son retour dans l’élite, est probablement celle qui propose le jeu collectif le plus abouti.
La progression du club a ses inconvénients : le stade, d’une capacité de 9 500 places, est bien trop petit. Cette année, pour la coupe d’Europe, l’Union a été contrainte de s’exiler à Louvain, et même à Anderlecht, pour les matches à élimination directe. Le club est actuellement à la recherche d’une solution pour déménager un peu plus au Sud de Forest, où un nouveau stade, d’une capacité d’environ 15 000 places, serait construit. La façade, classée, dans un parc lui-même classé, empêche tout agrandissement de la structure actuelle.
L’Union a récemment fêté ses 125 ans avec de belles zwanzes. Un ouvrage très documenté est sorti à cette occasion. Que nos lecteurs néerlandophones se rassurent : il est bilingue.
Stade Adrien Bertelson (Forest)
Situé à quelques centaines de mètres au sud du parc Duden, où joue l’Union Saint-Gilloise, et à proximité de la salle de concert Forest national, ce stade doit son nom à un ancien élu communal, résistant, dont l’intérêt pour le sport a permis sa construction dans les années 1950.
Les tribunes du stade sont aujourd’hui entièrement recouvertes de mousse et de mauvaises herbes. Il faut dire qu’il n’y pas de club résident : même si son nom apparaît encore du côté de la buvette, la Forestoise, qui avait fusionné avec le FC Léopold, a disparu en 1996. Le stade est désormais ouvert au sportifs du dimanche.
Avec ses tribunes en béton presque entièrement debout et une seule petite tribune couverte, il est un autre exemple de ces stades qui pouvaient contenir une foule dense : sa capacité est estimée à 20 000 personnes ! Lors du mandat de Constant Vanden Stock à la tête de l’équipe nationale (1958-1968), le sélectionneur voulait faire de ce stade alors flambant neuf la résidence des Diables Rouges. Finalement, il n’en a été que le terrain d’entraînement durant des années, les Diables migrant vers le Heysel, au nord de Bruxelles.
Si ce stade a une histoire moins riche que les autres présentés ici, sa taille surprend eu égard aux usages qui en ont toujours été faits. Au pied de tours grises que masque en partie la végétation, il donne l’impression d’avoir été soudainement abandonné et oublié, et offre, comme souvent à Bruxelles, le sentiment d’une charmante anomalie dans le paysage urbain.
Jusqu’à récemment, un stade Bertelson agrandi était l’une des solutions possibles pour le « nouveau stade » de l’Union Saint-Gilloise. A priori, cette option est désormais écartée.
Stade des Trois Tilleuls (Watermael-Boitsfort)
Au sud-est de Bruxelles, à l’Est du Bois de la Cambre et au Nord de la forêt de Soignes, se trouve la très verte – et très prospère – commune de Watermael-Boisfort. S’y trouve le « parc sportif des Trois Tilleuls », un vaste complexe où se trouvent notamment une piscine, 11 courts de tennis, un terrain de padel, de nombreux locaux pour exercer divers sports, et un stade entouré d’une piste d’athlétisme.
Le stade a été construit entre 1946 et 1948 par des prisonniers de guerre allemands. Il a accueilli le Racing Club de Bruxelles (RCB), après qu’il a déménagé du Vivier d’Oie (voir plus haut). En théorie, cet ensemble constitué d’une tribune couverte et d’un espace circulaire en béton peut contenir 40 000 personnes. Bien entendu, les normes actuelles de sécurité ne le permettent pas, mais cela donne une idée de la grandeur du site, d’où on devine cette impression de compression des foules qu’on voit sur les images en noir et blanc.
Cela étant, le déficit de transports en commun, de stationnement, et les piètres prestations du RCB n’ont pas permis d’en faire une enceinte très fréquentée. Le club local l’a d’ailleurs quitté en 1954, car il n’était plus capable de payer à la commune les mensualités contractées lors de l’achat du terrain. Une convention prévoyait alors que le stade redeviendrait propriété communale. Le RCB est alors parti jouer dans un Heysel vide.
En fait, le stade n’a fait le plein qu’une fois : lors de son inauguration, le 11 novembre 1948, pour un match entre une sélection des meilleurs joueurs bruxellois et le Torino, qui restait alors sur 4 titres successifs de champion d’Italie. Ce stade porte tellement la poisse que quelques mois plus tard, l’équipe italienne disparaissait dans un accident d’avion. Le vestiaire « visiteurs » du stade rend d’ailleurs hommage aux 31 victimes du crash, dont 18 footballeurs (parmi lesquels Roger Grava, champion de France avec Roubaix-Tourcoing en 1947), toutefois sacrés champions d’Italie en 1949 à titre posthume, leur avance n’ayant pas été comblée par leurs poursuivants.
Le stade, ouvert à tout le monde, est un monument classé depuis 2011. Il accueille aujourd’hui la section football du club local du Royal Racing Club de Boisfort (hommes et femmes).
Stade Edmond Machtens (Molenbeek)
Ce stade a accueilli de nombreuses équipes : Daring Club de Bruxelles, Daring Club de Molenbeek, Racing Daring Club de Bruxelles, FC Molenbeek Brussels Strombeek (dit « FC Brussels »), RWDM Brussels FC, et de nouveau Racing Daring Club de Bruxelles (avec un autre numéro de matricule que le précédent RWDM)… En réalité, Daring d’origine mis à part, ces équipes n’en forment qu’une seule : les fusions et liquidations successives masquent une certaine continuité dans l’histoire du football à Molenbeek.
De la même manière, ce stade, qui porte aujourd’hui le nom d’un ancien bourgmestre de Molenbeek, s’est appelé Charles Malis lors de son inauguration en 1920 (du nom d’un ancien président du Daring), puis Oscar Bossaert (ancien footballeur du Daring, international belge avant-guerre, puis chocolatier et bourgmestre de la commune voisine de Koekelberg) de 1939 à 1973.
A son inauguration en 1920, il était doté de toute la technologie dernier cri, avec notamment un solarium, et l’équipe nationale y a parfois joué dans l’entre-deux-guerres devant près de 30 000 personnes. Lors de l’inauguration d’une nouvelle tribune chauffée en 1973, 33 000 spectateurs accueillent le Real Madrid !
Mais il ne reste plus grand-chose de ce prestige d’antan. Situé au pied de barres d’immeubles, le stade qui a aujourd’hui 12 000 places ne comporte désormais que deux tribunes, les deux situées derrière les buts ayant été détruites pour cause de vétusté. En 2005, l’une de ces tribunes pris le nom de Raymond Goethals, qui a joué ici dans les années 1940.
A l’issue de la saison 2022/2023, Molenbeek est de retour dans l’élite du football belge. Trop heureux, son propriétaire, John Textor, entend bien rivaliser avec ses collègues bruxellois d’Anderlecht et de l’Union Saint-Gilloise, dont les stades ne sont qu’à quelques centaines de mètres : il a ainsi déclaré vouloir « botter des culs ». La direction du club s’est ensuite excusée. Beaux derbies bruxellois en perspective !
Stade Roi Baudouin et Petit Heysel (Laeken)
Le plateau du Heysel désigne à Bruxelles un quartier presque dénué d’habitations et voué au tourisme, aux expositions et aux affaires. C’est là que se sont déroulées de nombreuses festivités de l’histoire de la Belgique (fête du Centenaire en 1930, expositions universelles de 1935 et de 1958). En 1927 est décidée la construction d’un stade de 70 000 places, officieusement appelé Stade du Centenaire ou Stade du Jubilé. Ce n’est qu’après-guerre qu’il est baptisé Stade du Heysel. Résidence principale de l’équipe nationale, le stade est surtout tristement célèbre pour avoir été le théâtre d’affrontements en mai 1985 ayant conduit à la mort de 39 spectateurs. Après ce drame, et en vue d’accueillir l’Euro 2000, le stade est rénové et est rebaptisé du nom du roi décédé en 1993. Il accueille une nouvelle finale de coupe d’Europe en 1996, remportée par le PSG, et est le théâtre de la piteuse élimination des Belges au premier tour en 2000.
Le « stade du centenaire » lors de son inauguration (photo piquée sur le site de la RTBF), avec une seule zone couverte.
Entouré d’une piste d’athlétisme (le mémorial Van Damme s’y déroule annuellement), il est considéré comme froid et peu accueillant. Sa fermeture, voire sa destruction, sont régulièrement évoquées, avant que ne surgissent divers projets de rénovation.
Juste à côté se trouve le Petit Heysel. D’une capacité officielle de 8 000 places, son côté vieillot avec, là encore, ces gradins de béton envahis par les mauvaises herbes, lui donne du charme. Il a accueilli l’équipe du Racing Jet (Jette) de Bruxelles jusque dans les années 1980, club de la commune de Jette. Le club a même connu la D1 sous la direction de Goethals (et avec Böloni dans l’effectif) au milieu des années 1980.
Le Petit Heysel et, dans le fond, le stade Roi Baudouin et l’Atomium
Toujours dans l’ombre de Molenbeek et d’Anderlecht, le Racing est parti à Wavre et se nomme désormais Wavre Sports Football Club.
Jusqu’à récemment, on pouvait voir au petit Heysel l’équipe nationale de rugby à XV. Aujourd’hui, on y voit de jeunes footballeurs, notamment ceux d’Anderlecht.
Lotto Park (Anderlecht)
Résidence des Mauves d’Anderlecht (mecs et, rarement, filles), le Lotto Park est ainsi baptisé depuis une opération de naming commercial initiée par Marck Coucke, propriétaire du club. Lors de son inauguration en 1917, l’enceinte portait le nom d’Emile Versé, un des premiers mécènes du club. De 1983 à 2019, il a porté le nom de Constant Vanden Stock, ancien joueur, entraîneur, et dirigeant du club (et brasseur. Sans doute inspiré par Henri Jooris). Sous sa direction, Anderlecht a été champion d’Europe à trois reprises.
Le stade n’est pas très grand puisqu’il peut accueillir environ 22 000 personnes. Des projets d’extension sont à l’étude, avec deux contraintes principales : le stade donne pour moitié sur un parc (Astrid), et pour l’autre moitié sur des habitations.
Le LOSC y a joué en 2006 et y a ramené un point grâce à un but de Fauvergue (1-1). Par tradition, les joueurs sont accueillis à leur entrée sur la pelouse par le titre « Anderlecht champion » du Grand Jojo, à qui on doit aussi le remarquable « Allez Lille » (même air, comme la plupart de ses succès relatifs au football, hormis l’inoubliable Victor le footballiste).
Avertissement : avec, en plus, un tifo Quick et Flupke lors du derby bruxellois de janvier 2023 (« Les nouveaux exploits des gamins de Bruxelles »), la séquence ci-dessous comporte un degré très élevé sur l’échelle de la belgitude. Ne pas reproduire chez soi.
Stade communal de Jette
Au stade communal de Jette joue le Royal Scup Dieleghem Jette, produit de la fusion, en 2002, du Royal Sporting Club Union et Progrès Jette et de l’Etoile Dieleghem Jette, qui eux-mêmes ont été antérieurement connus sous les noms de Excelsior Athletic Club Football de Jette, Sporting Club Jettois, Cercle Union et Progrès Jette, Cercle Royal Union et Progrès Jette, Royale Sporting Club Union et Progrès Jette, Sporting Dieleghem Jette (qui a fusionné avec La Caravelle Bruxelles, devenue AS Etoile Caravelle Bruxelles en 1979). Ça en jette. Mais ici, en dépit d’une histoire tumultueuse, la commune soutient le foot ; comme on le dit ici : « si le club a une dette, Jette l’éponge ».
Ici aussi, on trouve un beau petit stade : le terrain est entouré d’une partie boisée et d’une partie où le public peut s’installer soit dans une vieille tribune couverte qui a l’air d’avoir été posée à la va-vite sur un talus, soit sur de vieux gradins bétonnés (avec options mousse et mauvaises herbes).
Le RSDJ joue en deuxième division amateure. Une grosse affaire a récemment occupé les esprits puisqu’un journaliste de la Dernière Heure a rapporté être tombé « nez à nez » (sic) avec un serpent au cours du match Jette/La Louvière : « cela semble assez habituel dans les environs, comme l’ont confié des membres du club jettois à notre journaliste ».
Le dessinateur Roba, résident de Jette de 1951 jusqu’à son décès en 2006, était un fervent supporter du club. Il a même dessiné un logo officieux que le club utilise de temps à autres. Quant aux footballeurs jettois, on les surnomme les Boule & Bill boys.
Epilogue : humour local, vu dans une boutique des Marolles.
Posté le 11 novembre 2021 - par dbclosc
Protégé : 11 novembre 1920 : l’Olympique Lillois se souvient et se relève
Posté le 29 mai 2021 - par dbclosc
A qui profite le trading ? L’illusion Gérard Lopez
« Si tu t’assieds à une table et qu’au bout d’une demi-heure t’as pas repéré le pigeon, c’est que le pigeon : c’est toi… »
Les joueurs, Mike McDermott
Selon Mickaël Terrien, maître de conférences en économie à l’Université de Lille, la stratégie de Gérard Lopez a bénéficié d’un soutien des supporters parce qu’ils « ont pensé qu’à force de faire des plus-values sur les transferts, elles allaient bénéficier au club ». Cette perception du modèle économique ignorait alors que cette manne « partait bien plus dans les commissions d’agent et dans les autres charges comme des commissions déguisées sous des frais de scouting. ». L’universitaire souligne également le manque de transparence de ce projet, soulignant par exemple qu’ « on ne sait pas qui est actionnaire de Scoutly [la société de scouting de Campos] donc on ne sait pas qui en a bénéficié » (1).
Ce manque de transparence constitue en effet bien une caractéristique de la gestion financière du LOSC de Gérard Lopez, puisque l’on constate à la fois une opacité certaine sur qui sont les bénéficiaires de ce projet mais aussi à propos de la réalité de la situation financière du club. Cela tient notamment au fait que, si les comptes étaient bien publiés annuellement au registre du commerce sous l’ère Seydoux, ils ne l’ont plus été tout au long du règne Lopez. Il n’empêche, en dépit de ce flou qui entoure la réalité des finances loscistes, les quelques informations qu’on peut trouver ici et là permettent d’étayer la thèse d’une stratégie extrêmement risquée et dont le succès semble peu compatible avec l’aléa sportif.
Une stratégie risquée de « trading »
Quatre ans et demi après l’arrivée de Gérard Lopez (qui a quitté ses fonctions il y a quelques mois), quel bilan de sa présidence peut-on faire de son quadriennat à la tête de notre club ? Sportivement, le bilan peut être considéré comme satisfaisant, puisque Lille a accroché la deuxième place du championnat en 2019, la quatrième l’année suivante, pour enfin aboutir au titre de champion de France en 2021 ! Certes, ce dernier titre a été obtenu sous la direction du président Létang, mais il est certain que ce résultat sportif est largement le produit des années précédentes et avec les joueurs de l’effectif construit sous l’ère Lopez. Si le LOSC s’est péniblement maintenu en 2018, il semble compliqué d’en faire Gérard Lopez le principal responsable ou, en tout cas, le seul. Et le jeu déployé a été des plus satisfaisants, pour ne pas dire qu’il a souvent été emballant.
D’un point de vue économique, la situation est plus complexe à évaluer. Schématiquement, sur la fin de l’ère Seydoux, le club a des recettes hors transferts (2) d’un peu moins de 60 millions d’euros par an et des dépenses d’environ 80 millions. Le club est alors structurellement déficitaire et est tenu de vendre chaque année pour 20 millions d’euros de plus qu’il n’achète pour rester à l’équilibre. Quand Gérard Lopez reprend le club au début de l’année 2017, il projette une stratégie de trading qui consiste à des investissements importants dans les transferts de joueurs qu’on espère pouvoir revendre ensuite avec une importante plus-value.
Si, comme avec Seydoux, cette stratégie implique in fine de faire davantage de ventes que d’achats, elle s’en distingue sur le fait qu’elle implique d’importants investissements au départ et, parallèlement, de faire de nombreuses ventes chaque année pour des sommes très conséquentes. Le problème d’une telle stratégie est qu’il est extrêmement dépendant de faits particulièrement aléatoires comme le fait qu’un joueur voit ou non sa valeur exploser sur le marché des transferts. Avec le LOSC, il est donc nécessaire pour Lopez de dépenser beaucoup en transfert (250 millions de transferts sous sa présidence) et de trouver des sources de revenus permettant de compenser ces investissements ainsi que le déficit structurel (qui dépasse donc les 20 millions par an).
C’est aussi une stratégie qui implique un accroissement des charges hors-mutations, notamment pour rémunérer différents prestataires qui permettent cette forte activité sur les marchés des transferts et notamment Scoutly dans le cas du LOSC. Comme on le voit sur le graphique suivant, alors que les charges hors-mutations étaient en baisse sur la fin de la présidence Seydoux, elles ont brusquement augmenté avec l’arrivée de Gérard Lopez, dépassant les 138 millions en 2018/2019.
Entre 2015/2016 et 2018/2019, ce sont d’abord les « autres charges » qui ont connu la plus forte croissance (+112%), même si les charges salariales ont également nettement cru (+45%). Toutefois, on imagine a priori qu’un gars capable de revendre 80 millions d’euros un joueur qui n’est plus coté que 38 millions deux ans plus tard est capable de faire des miracles pour trouver de nouvelles ressources pour le LOSC.
Toutefois, les bilan financiers publiés par la DNCG ne montrent pas d’augmentation significative des « produits hors-mutations ». Ainsi, la tendance à la baisse des produits constatée lors des dernières années de la présidence Seydoux n’a pas pu être pleinement enrayée avec l’arrivée de Gérard Lopez.
On constate ainsi un frémissement du côté des produits hors droits télé, mais une dépendance encore forte à ces droits dont on sait qu’ils sont déjà ordinairement incertains (car liés aux performances sportives et aux participations aux compétitions européennes). L’affaire du désengagement de Mediapro, qui semblait offrir de nouvelles ressources considérables aux clubs professionnels, n’a bien sûr pas arrangé l’affaire.
Et si le LOSC avait perdu de l’argent avec Osimhen ?
Le cas du transfert de Victor Osimhen à Naples illustre bien les différentes dimensions de la stratégie de Gérard Lopez à la tête du club. Fin juillet 2020, on apprend ainsi par la presse que l’attaquant nigérian est transféré chez les Napolitains pour un montant affiché de 81,3 millions d’euros. Sur le papier, la culbute peut apparaître en première lecture monstrueuse puisque il était arrivé à Lille un an plus tôt pour la somme de 12 millions d’euros, soit près de 70 millions d’euros de différence !
Pour autant, le bénéfice réel est bien moindre. La première raison tient au fait que le montant du transfert serait en réalité de 70 millions d’euros complétés par d’éventuels bonus dont on ne sait s’ils sont atteignables. Ensuite, il s’avère que Charleroi, le précédent club d’Osimhen avait négocié un pourcentage à la revente du joueur (15 % à la revente semble-t-il), ce qui fait que le coût réel du transfert du Nigérian a au final été bien plus coûteux que ce qui avait été annoncé initialement : selon Transfermarkt, Charleroi aurait reçu en définitive 22,4 millions pour ce transfert.
Il apparaît ensuite que l’accord sur ce transfert a été artificiellement gonflé, puisque Naples a négocié en contrepartie que Lille achète quatre de ses joueurs pour une somme totale de 20 millions d’euros. Parmi eux, Lille a recruté Orestis Karnezis, devenu la doublure de Mike Maignan. Dans son cas, s’il y a une logique sportive, on peut souligner que Lille n’aurait eu aucune difficulté à trouver un joueur de cet âge (35 ans) ou plus jeune à un niveau équivalent sans payer la moindre indemnité de transfert et qu’il était déjà très bien pourvu en potentielles doublures avec Jardim, Koffi et Chevalier. Dans le cas des trois autres, si certains ont cru y voir un nouveau bon coup de Campos qui aurait déniché de nouvelles « pépites », il est plus probable qu’il ne s’agisse que de transferts « de papier », les trois jeunes achetés par le club n’ayant que des perspectives médiocres de percer un jour au plus haut niveau (3) : le plus probable est que leur avenir footballistique se situe en Serie D ou dans les divisions régionales italiennes plutôt que dans l’élite française.
Le pourcentage à la revente ainsi que l’arrangement avec les Napolitains réduit donc déjà à 27,6 millions le bénéfice réalisé sur le transferts d’Osimhen. Cela reste une excellente affaire ? C’est peut-être l’une des meilleures du club, mais le profit est en réalité bien moindre que ce que pourrait laisser croire a priori de tels chiffres. Cette interprétation s’appuie sur les différentes coûts supplémentaires induits par la stratégie déployée, lesquels doivent être in fine intégrés à l’équation. A combien doit-on estimer ces coûts supplémentaires ? Il est plus difficile de répondre à cette question, mais on peut toutefois apporter des éléments de réflexion à ce propos.
Comme nous l’avons indiqué plus haut, les charges hors-mutation ont fortement augmenté sous Lopez passant de 80 millions d’euros en 2015/2016 à 136 millions en 2017/2018 puis 138 la saison suivante. Si l’on n’a pas les chiffres des deux saisons suivantes – les bilans n’ayant pas été publiés par la DNCG – on peut toutefois faire l’hypothèse qu’ils n’ont pas baissé, le plus probable étant même qu’ils soient plus élevés puisque les joueurs recrutés depuis ont vraisemblablement des salaires au moins aussi élevés que ceux qui sont partis et que l’importante activité sur le marché des transferts se soient en partie répercutée sur les charges. Sur quatre ans, le système mis en place a coûté environ 250 millions d’euros supplémentaires. Si on fait le rapport entre les 349 millions d’euros rapportés par les transferts et les 250 millions de charges supplémentaires, on peut calculer que chaque euro supplémentaire dans les charges équivaut à 1,40 euros de revenus issus des transferts. Bref, pour 70 millions euros de vente, le club a, en moyenne, dépensé … 51 millions d’euros sans même que soient compris dans ce calcul les investissements faits dans les transferts !
Ne serait-on pas un peu dans la merde ?
Le bilan de 350 millions d’euros de ventes peut apparaître colossal, mais il apparaît de suite bien moins reluisant mis en balance avec les 500 millions de dépenses nécessaires (4) pour l’atteindre. Certes, ce dernier constat doit également être nuancé, dans la mesure où l’effectif actuel du LOSC reste valorisé à un niveau élevé (297 millions selon Transfermarkt), mais il faut avoir en tête que cette valeur nous dit finalement peu de choses des sommes que le club récupérera réellement pour les transferts de ces joueurs et de la capacité du club à se pérenniser à un haut niveau malgré ces ventes. Un premier enjeu pour le club sera de réaliser de bonnes ventes tout en conservant un effectif suffisamment qualitatif pour maintenir des performances suffisantes au niveau national pour obtenir le plus régulièrement possibles des qualifications européennes, si possible en C1.
Le deuxième enjeu pour pouvoir équilibrer les finances du club tient aux marges de manœuvre qu’aura Létang pour réduire les charges du club qui ont atteint un niveau particulièrement élevé sous l’ère Lopez. Il est probable qu’une partie conséquente de ces charges soient variables et directement liées à la stratégie de trading et qu’elles pourront alors être supprimées dès lors que le club aura décidé de changer de stratégie. Toutefois, nous ne pouvons même pas l’affirmer : est-il certain que les arrangements contractuels relatifs aux joueurs transférés sous l’ère Lopez n’aient pas déjà scellé les conditions des rémunérations des prestataires qui on travaillé sur ces dossiers ? Autrement dit, n’est-il pas déjà contractuellement défini qu’un forfait ou un pourcentage doive être reversé à certains « intermédiaires » à la revente des joueurs actuellement sous contrat à Lille ? Si c’était le cas, la marge de manœuvre des dirigeants lillois pour réorienter la stratégie en faisant baisser les charges serait extrêmement réduite.
Par ailleurs, et comme nous l’avons souligné plus haut, une autre partie de l’augmentation de ces charges tient à l’inflation salariale, essentiellement due aux contrats des joueurs, laquelle est plus difficile à gérer à court terme. L’une des interrogations à ce propos tient à la capacité qu’aura la direction à réduire l’effectif professionnel de la manière la moins coûteuse possible. La question se pose notamment pour les joueurs sous contrat mais dont les perspectives de percer en équipe première sont faibles : Létang parviendra-t-il à les transférer contre des indemnités de transfert ? Ou faudra-t-il se contenter de les libérer gratuitement ? Ou encore, faudra-t-il les conserver dans l’effectif avec les charges salariales que cela implique ?
De ce point de vue, la stratégie la plus efficace pour renflouer les caisses consisterait à vendre en priorité les joueurs qui ont à la fois un salaire élevé et une cote importante sur le marché des transferts. Renato Sanches, dont le salaire est d’environ 300.000 euros bruts (soit un coût, cotisations comprises, de 5 millions par an) et dont la valeur est estimée à 28 millions d’euros constitue à ce titre l’exemple-type du joueur dont il faudrait se séparer vite pour équilibrer les comptes. Mais un tel choix pourrait se heurter à d’autres contraintes : Boubakary Soumaré qui joue au même poste que Sanches est sur le point de rejoindre Leicester. En se séparant des deux, Lille pourrait espérer 50 millions d’euros et économiser 6 millions de salaires mais n’aurait plus aucun de ses numéro 8 de métier. C’est toute la difficulté des dirigeants lillois pour les années à venir : maintenir un effectif qualitatif, tout en vendant relativement massivement.
Quelles perspectives pour les années à venir ?
Le plus probable – si l’on abandonne bien la stratégie de trading – est donc que les charges hors mutations du LOSC baissent dans les saisons à venir mais qu’elles restent à un niveau au moins aussi élevé – et sans doute supérieur – que celui qu’on connaissait dans les dernière années de la présidence de Michel Seydoux. Le plus probable est aussi que le club s’appuie largement, au moins dans un premier temps, sur les transferts des joueurs pour chercher à atteindre l’équilibre économique et qu’il ne trouve pas immédiatement de nouvelles sources de revenus pérennes. Là est pourtant tout l’enjeu si le LOSC souhaite se maintenir durablement parmi les principaux clubs du pays.
En effet, l’ « échec » de Michel Seydoux, sur ces dernières années a tenu au fait que les produits hors mutations étaient systématiquement inférieurs aux charges : schématiquement, il fallait vendre chaque année pour une vingtaine de millions d’euros de plus qu’il n’était investi dans les transferts de joueurs. La question qui se posait alors était de savoir si Gérard Lopez allait se montrer capable de diversifier les sources de revenus ou s’il n’allait se reposer que sur le trading. Plus de quatre ans plus tard, la réponse semble sans équivoque : il a été presque entièrement dépendant de ce trading et le LOSC fait sur ce point moins bien que des clubs qui pourraient nous sembler plus modestes (comme Rennes et Saint-Etienne) et reste à des années lumières de ses concurrents directs (comme Marseille et Monaco).
En supposant que le LOSC parvienne à un niveau de charges moyen de 100 millions d’euros sur les prochaines années (ce qui nous semble une hypothèse optimiste) tout en restant à un niveau équivalent de produits, il manquerait d’emblée 36 millions chaque année pour équilibrer les comptes, et ce sans même tenir compte des transferts de joueurs lissés sur la durée du contrat (5). Or, ces amortissements de joueurs pèsent déjà lourds dans les bilans à venir puisqu’ils représentent près de 120 millions d’euros de 2021 à 2025 selon nos estimations.
Dès lors, avec 36 millions de produits hors mutations de moins que les recettes par an, soit 144 millions sur quatre saisons, le LOSC devrait trouver plus de 260 millions de recettes par le biais des compétitions européennes et des ventes des joueurs pour parvenir à l’équilibre, soit 65 millions par an en moyenne. Et tout cela sans investir le moindre euro sur le marché des transferts. Et il n’apparaît pas que la stratégie soit de ne pas investir du tout sur le marché des transferts, notamment si l’on considère que Lille envisage de recruter Paul Bernardoni, coté à 10 millions d’euros, pour remplacer Mike Maignan qui vient de rejoindre Milan.
Etait-il réaliste d’imaginer une efficacité du trading sur le long terme ?
Parmi les raisons avancées aux difficultés financières actuelles du LOSC, on voit parfois avancer l’argument du caractère imprévisible du désistement de Mediapro et de la « crise du covid ». Dans le cas de Mediapro, on pourrait au contraire retourner l’argument : était-il prévisible, en janvier 2017, quand Gérard Lopez a repris le club, qu’un diffuseur mette autant d’argent sur la table que n’allait le faire Mediapro pour les droits de diffusion de la Ligue 1 ? Tout au moins, il faut bien admettre que si l’explosion de ces droits télé avait pu être envisagée, elle relevait tout au plus de la spéculation quand Lopez décide d’investir dans le LOSC. Quant à la crise du covid, soulignons qu’elle a d’abord eu un impact sur les recettes de billetterie qui, fort heureusement pour nous, ne constitue qu’une part relativement modeste des produits du club.
Surtout, là où l’argument pèche, c’est que, à défaut d’informations sur les bilans financiers des clubs depuis 2019 (donc avant les évènements précités), les seules analyses que l’on peut réaliser sont des estimations construites sur la base des années précédentes et des transferts réalisés ensuite. Or, on se rend compte que même en s’appuyant sur des estimations « si tout va bien », les perspectives s’avèrent loin d’être rassurantes. D’une certaine manière, on pourrait presque avancer la thèse selon laquelle ces « crises » apparaissent comme une bénédiction pour Gérard Lopez dans la mesure où elles lui fournissent des arguments pour justifier l’échec d’un projet qui y était déjà voué.
En effet, nous avons essayer d’estimer plus haut les produits nécessaires pour atteindre l’équilibre financier dans l’hypothèse où les dirigeants parviendraient à réduire les charges hors-mutations aux alentours des 100 millions par an. De plus, nous avons également mené nos raisonnements dans l’hypothèse selon laquelle le club n’investirait plus que marginalement sur le marché des transferts. Dès lors, si l’on veut estimer les produits nécessaires dans le cas où Lopez serait resté, il faut ajouter une quarantaine de millions de charges hors-mutations à laquelle on doit ajouter environ 50 à 60 millions d’euros en moyenne d’investissements dans les transferts. En estimant les produits hors-mutations à 60 à 70 millions par an, cela signifie que le LOSC aurait dû trouver chaque année 130 millions d’euros par le biais des transferts et des qualifications européennes.
En tablant sur 25 millions de rentrées liées aux compétitions européennes en moyenne par an (ce qui est en réalité très ambitieux), Lille aurait dû encore vendre pour plus de 100 millions par an pour atteindre cet équilibre. Surtout, cette stratégie implique de faire tenir conjointement ces deux objectifs dans la mesure où les bons résultats soutiennent à la hausse la valeur marchande des joueurs : il faut donc vendre suffisamment peu pour que les résultats n’en pâtissent pas, mais tout de même assez pour ne pas être déficitaire.
C’est là toute la difficulté de l’équation. Le titre de champions acquis cette saison peut laisser penser que le schéma est réaliste, le LOSC réalisant là un résultat inespéré. Mais il l’a réalisé sans parvenir à l’équilibre financier, échouant à répondre à l’une des exigences qu’implique cette stratégie. Et encore, ces estimations ne correspondent qu’à une situation dans laquelle le club n’augmente pas son déficit sans qu’il ait encore remboursé ses dettes. Il n’est donc pas abusif de dire que, si cette stratégie a permis au LOSC de devenir champion cette saison, il s’agit d’une « victoire à crédit ».
La faute au « système » ?
Face à ces observations, beaucoup affirment que la stratégie mise en place par le LOSC est la seule viable pour pouvoir espérer pouvoir concurrencer les plus grands clubs français. C’est sans doute exact. Il n’empêche, si tout supporter espère voir son club triompher, on peut toutefois s’interroger sur la conception qui semble réduire l’intérêt du football à cette seule finalité. On peut se demander si il n’y a pas une forme de cécité partagée y compris par certains supporters quand, face à la stratégie des dirigeants actuels (en tout cas ce qu’on peut en voir), certains se demandent s’il n’y aurait pas mieux valu « prendre le risque » de maintenir la stratégie de Lopez plutôt que de changer de cap vers un futur qui apparaît moins grisant. Qu’un club puisse mourir est une chose. Prendre un risque mortel pour ce club dans l’espoir – sans doute vain – de pouvoir aller encore plus haut est encore autre chose.
Pourtant, le constat de cette cécité partagée par nombre de supporters traduit à notre sens une réelle perversité d’un système qui amène ses perdants à en devenir les principaux défenseurs. Car, oui, les supporters sont de toute évidence les perdants de ce système. Ils sont d’abord les perdants dans la mesure où l’accroissement considérable des budgets des clubs au cours des 40 dernières années a été largement financé par eux-mêmes ou par le contribuable (donc en partie encore eux!) sans même qu’ils s’en rendent tout à fait compte. Le supporter devient la vache à lait consentante d’une armée de parasites qui s’est petit à petit greffée au milieu du football. Ils sont ensuite les perdants car il semble que jamais les supporters n’ont été autant expropriés de leur influence sur leurs propres clubs de cœur. Il est important que les clubs restent d’abord la « propriété » – ne serait-ce que symbolique – des supporters. Cela n’a sans doute jamais été aussi peu le cas qu’aujourd’hui.
Crédit: Goodmorninglille.org
Il pourrait nous apparaître risible de voir certain des nôtres défendre bec et ongle la stratégie de trading de Gérard Lopez tout en se plaignant régulièrement des ventes de nos meilleurs joueurs en pointant benoîtement que « l’argent pourrit le foot ». C’est en réalité assez inquiétant, puisque cela traduit la réussite des parasites du football à faire croire aux supporters au mythe selon lequel ils pourraient espérer avoir le beurre et l’argent du beurre. Succès d’une vision libérale valorisant la réussite individuelle sans jamais s’interroger sur les conséquences réelles des réussites de ces soi-disant self-made men : dans ce monde merveilleux, il n’y aurait pas de lien entre l’enrichissement des uns et l’appauvrissement des autres. L’évidence voudrait que l’on constate combien cette vision peut apparaître naïve tant la réalité des faits ne cesse de la contredire. Éblouis que nous sommes par les promesses jamais tenues d’un avenir footballistique luxueux, nous ne voyons même plus les risques réels que font prendre pour le football une poignée de parasites engoncés dans leurs certitudes.
FC Notes
(2) Quand nous parlons « hors-transferts », nous nous appuyons sur chiffres issu des rapports de la DNCG publiés par la LFP desquels nous déduisons les frais de mutation.
(3) Nous nous sommes demandés au départ si les transferts de ces trois joueurs ne relevaient pas davantage de la rumeur que de la réalité tant cela semblait gros. Mais avec Gérard, tout est possible, surtout si cela paraît absurde, les transferts ayant bien été officialisés comme le confirme Le Petit Lillois:https://www.lepetitlillois.com/2020/09/10/manzi-liguori-et-palmieri-sur-le-site-de-la-ligue-et-de-la-fff/. Pour la petite histoire, à peine transférées à Lille, les trois pépites ont été prêtées à Naples qui les a prêtées à Fermana en Serie C. A eux trois, les Napolito-lillois ont été titularisés à 13 reprises au cours de la saison 2020/2021.
(4) 250 Millions de charges supplémentaires auxquels il faut ajouter environ 250 millions d’investissements dans les transferts.
(5) Par exemple, quand Renato Sanches signe un contrat de 5 ans à l’été 2019 pour une somme de 20 millions d’euros, cette somme est étalée sur les budgets des cinq saisons suivantes pour 4 millions par saison.