Archive pour la catégorie ‘Elucubrations vaguement intellectualisées’
Posté le 24 octobre 2020 - par dbclosc
À quoi reconnaît-on un « beau but » du LOSC ?
Durant la période de confinement, le LOSC, via ses réseaux sociaux, a demandé à ses supporters et supportrices d’élire, parmi une sélection, « le but du siècle » en championnat. Au fil d’étapes de style « confrontations à élimination directe », les électeurs et électrices ont ainsi, depuis les 16e de finale jusqu’à l’ultime confrontation, désigné le but vainqueur.
Mais au fait, ça veut dire quoi « le but lillois » ? C’est étonnant de constater qu’alors qu’aucun adjectif ou superlatif ne permet de préciser quel type de but on cherche et donc sur quels critères on vote, le scrutin semble avoir mobilisé pas mal de monde. Alors, le but le plus con ? Le plus moche ? Le plus important ? Le plus gélatineux (ce qui ne veut rien dire) ?
Bon, ne faisons pas les idiots plus longtemps : on a compris qu’on cherchait probablement « le plus beau but ». Avec cet implicite, à la surprise générale (non), ce référendum a permis au but d’Eden Hazard marqué à Marseille en 2011 de réunir en finale (contre lui-même, avec un but qu’il marqué à Saint-Etienne) le plus grand nombre de suffrages et d’être ainsi désigné « but lillois du XXIe siècle » à une majorité quasi-chiraquienne d’un peu plus de 80%.
Extrait LOSCTV
Un résultat assez prévisible donc, tant ce but convoque un souvenir évident et immédiat : une frappe lointaine, puissante, et en pleine lucarne, ce qui offre au moins 3 critères permettant d’objectiver ce que désigne un « beau but ».
De la diversité d’appréciation du « beau »
Mais on l’aura compris : une fois qu’on a déterminé qu’on cherchait un « beau but », il n’est pas certain que toutes et tous s’entendent sur le but à désigner, parce que la « beauté » est subjective, même (surtout) en football. Selon les goûts, un seul des trois critères précédemment évoqués pourrait très bien suffire, ou alors ces mêmes critères cumulés pourraient ne pas être suffisants pour faire un « beau but ». Il existe donc une grande diversité de critères qui permettent de qualifier un but de « beau » et, d’ailleurs, sur Twitter, le LOSC l’illustrait en proposant des critères d’appréciation différents à chaque confrontation. Par exemple, sur le quart de finale entre Sofiane Boufal (à Toulouse, décembre 2015) et Joe Cole (contre Lorient, septembre 2011), le compte du LOSC orientait la lecture des internautes entre d’un côté « la praline » de Soso, et de l’autre « la trajectoire parfaite » du tir de l’Anglais ; de même, sur la « demi-finale » opposant Eden Hazard (à Saint-Etienne, août 2011) à Luiz Araujo (à Nice, octobre 2019), on propose d’un côté un « numéro de soliste », de l’autre « la finesse », etc.
Tweet du compte du LOSC, capture d’écran
Alors, un but est-il d’autant plus « beau » qu’il est le résultat d’une action personnelle ou collective, qu’il résulte d’une frappe puissante et lointaine ou d’un habile et astucieux lob, qu’il est marqué d’une aile de pigeon ou d’un retourné ? On ne tranchera évidemment pas ce débat sans fin, qui mobilise tant de paramètres que, précisément, il n’est pas certains que toute voix s’appuie sur les mêmes références. Le principe même de l’exercice pourrait être contesté tant il semble reposer sur un postulat qui, à l’évidence, ne peut être rempli : c’est celui selon lequel tous les votant.es auraient une égale connaissance de l’offre proposée. Nous reviendrons plus bas sur ce postulat qui nécessite de la prudence quant à la lecture des résultats, mais après tout il est commun à tout type d’élection ou de consultation référendaire.
Bien entendu, on aura aussi compris qu’au-delà, solliciter ainsi ses followers par ce prétexte a probablement pour objectifs essentiels de se rappeler des souvenirs, discuter, et entretenir une activité « virtuelle » coûte que coûte – surtout dans une période dépourvue d’actualité « chaude » – puisque tels sont les attendus (surtout le dernier) des réseaux sociaux.
On peut juste s’amuser de trouver dans la sélection des buts celui que Mathieu Debuchy a marqué à Nancy en décembre 2006 d’un coup-franc lointain, profitant d’une montée générale de la défense adverse jouant le hors-jeu, qui a conduit le gardien lorrain à oublier d’essayer d’attraper la balle : de notre côté, on peut trouver cette réalisation en 3e position de notre top buts… « à la con », qu’on avait effectué en août 2016 ! Évidemment, la frontière entre un « beau but » et un but « à la con » est rarement aussi poreuse (on avait d’ailleurs écrit « un joli but, mais tout de même un sacré coup de bol »), mais ce cas-limite illustre toute la relativité et la subjectivité du regard qu’on porte sur une même action.
Eden Hazard introduit lui-même une partie du débat
Étant donné les infinies possibilités qu’un but soit « beau », la large victoire d’Eden Hazard peut interpeller. Face à l’incertitude de la définition d’un « beau » but, n’est-il pas remarquable d’être à ce point consensuel (pour rappel, 80%) ? Cet exercice met alors en exergue cette question : y a-t-il des buts qui, indépendamment des aspects purement techniques de réalisation du geste, ont davantage vocation à être « beaux », ou en tout cas à être qualifiés comme tels ? Dans l’extrait vidéo publié plus haut, on entend Eden Hazard, répondant probablement à la question de savoir en quoi son but est beau : « c’est le plus beau parce que c’est ici, c’est dans un grand stade… En plus, pied gauche ! ». Difficile de savoir si la réponse du Belge à la question est intégrale mais, loin de s’attarder sur la beauté de son geste, il met d’emblée en avant une raison qui n’a rien à voir (« c’est ici, c’est dans un grand stade »), tandis que le deuxième argument (« pied gauche ») renvoie à une caractéristique personnelle (Hazard est droitier) qui laisse penser que le même but marqué par un gaucher ne le rendrait pas aussi « beau », ce qui vient là aussi relativiser l’idée qu’un but aurait une beauté intrinsèque. En traduisant davantage le propos d’Eden, on peut même probablement comprendre que si le but est d’autant plus beau « ici », c’est parce que ce « ici » renvoie au stade Vélodrome, et qu’il s’agit du stade du champion de France en titre, alors 3e, 1 point derrière le leader lillois. Ce serait donc d’autant plus « beau » de marquer ici que ce but (qui contribue à la victoire ce soir-là) signifie que le LOSC frappe un grand coup et est plus que jamais un candidat sérieux pour le titre national.
On pourrait comprendre de ce propos que, curieusement, parler du but n’a pas d’importance pour qualifier sa beauté. De façon plus circonstanciée, on peut considérer que parler du but n’est pas suffisant pour qualifier sa beauté. Et si, alors, la « beauté » d’un but était l’addition d’un ensemble de paramètres plus ou moins objectifs ? Et comment interpréter l’octroi du qualificatif « beau » à un but ? Bref, de quoi la qualification de « beau but » est-elle le révélateur ?
Quelque(s) chose(s) en plus
Quand on retourne sur les échanges Twitter autour de cette consultation, il est assez frappant qu’à chaque étape de ce référendum, les internautes, pour justifier leur choix, se sont finalement assez peu attardés sur les buts en eux-mêmes. Tout se passe comme s’il y avait un consensus sur le caractère « beau » de chaque but mais, précisément en raison de la subjectivité du « beau », les votant.es ne cherchent pas tant à argumenter sur ce point qu’à trouver aux buts pour lesquels ils/elles votent une saveur particulière qui se situe à côté de toute considération technique ou de la seule « beauté du geste ». Très vite, on sent le besoin de justifier son choix par le fait que ce but a quelque(s) choses(s) en plus. Pour caricaturer les choses, on pourrait dire que les internautes parlent de beaucoup de choses… sauf du but en lui-même ! Et voici une liste à peu près exhaustive des arguments qui ont justifié la « beauté » du but de Hazard :
- Bien évidemment, la qualité du geste : frappe limpide, lointaine, puissante. On l’a déjà évoqué et, encore une fois, ce critère est rapidement évacué.
- Le moment du match dans l’histoire du LOSC : ça tourne bien à Lille depuis quelques années, et l’arrivée de Garcia en 2008 a amené un football offensif et séduisant. Bref, la sauce monte depuis quelques mois, on prend du plaisir et on se prend même à rêver. C’est en lien avec le point suivant : la bonne santé du LOSC augmente la probabilité d’avoir des « matches importants ».
- L’importance du match (qui inclut la qualité de l’adversaire et le moment de la saison durant lequel tombe ce match), on l’a aussi déjà brièvement évoqué : le LOSC est – déjà – leader et se déplace à Marseille, champion en titre, et juste derrière au classement. Il est fort probable que ce match, dont on parle pendant des jours avant, constitue un moment-clé de la saison. Une victoire de Lille, non seulement permettrait de distancer Marseiile, mais marquerait indéniablement les esprits. Si le LOSC est capable de remporter ce match au coeurt de la saison (26e journée) alors que s’amorce son dernier tiers (soit le sprint final), c’est bien qu’il a l’étoffe d’un champion.
- En lien avec ce qui précède, ce « match au sommet » a conduit Canal + à le diffuser un dimanche à 21h, ce qui renforce sa dimension événementielle : en décalant le match, Canal + officialise « l’importance » du LOSC. Par la suite, le commentaire de Grégoire Margotton sur le but a été tellement marquant (« même lui n’en revient pas ») que, 9 ans après, certains internautes l’ont transcrit en évoquant ce but. Un « second poteau Pavaaaaard » limité à la communauté des Lillois en quelque sorte.
- Toujours en lien avec ce qui précède : le lieu du match. Eden Hazard le souligne lui-même et on peut l’interpréter comme ça : le silence que vous parvenez à créer dans un stade comme le Vélodrome n’a pas la même valeur que celui que vous créez à Monaco. En clair : parvenir à susciter un silence incrédule dans un stade plein est remarquable.
D’où cette question : le même but dans un stade vide aurait-il été perçu comme aussi beau ? - L’identité du buteur : Eden Hazard est bien entendu le joueur le plus doué de l’équipe, en plus de véhiculer une image de garçon sympathique. Belge, formé à Lille, les pieds sur terre : il a tout pour plaire et ce but propose la configuration idéale dans laquelle le joueur-phare brille dans le match-phare, tel un Zidane dans un France/Brésil en 1998.
- La qualité du gardien adverse : Steve Mandanda, n°2 de l’équipe de France, qu’on ne peut pas soupçonner de faiblesse sur cette frappe, alors qu’on peut imaginer qu’un doute aurait subsisté si ça avait été un gardien de 5e division dans un match de coupe… Si même Mandanda ne parvient pas à détourner ce ballon, c’est bien que ce tir était inarrêtable car parfaitement exécuté. L’identité du gardien adverse contribue donc à renforcer le prestige du but.
- Les conséquences du but : 3 points pour le LOSC, 0 pour Marseille, et un écart qui passe à 4 points entre les deux équipes. Même si Lille est talonné par Rennes et Lyon (et que Marseille parviendra tout de même à repasser devant au soir de la 32e journée), Lille a crédibilisé sa première place.
- Le scénario du match. Si Lille s’impose 2-1 ce soir-là, rappelons-nous à quel point, jusqu’au but tardif de Frau, nous avions été frustrés : en première période Sow et Gervinho manquent 2 immenses occasions qui auraient pu « tuer le match », tandis que le jeune arbitre, novice à ce niveau (il y avait eu une grève des arbitres), n’avait probablement pas osé expulser Ayew après une semelle sur Béria. Dès lors, qu’un tel but contribue à rétablir une forme de justice est aussi un critère d’importance. Le but aurait-il eu la même saveur s’il avait permis de n’apporter qu’un point… ?
- Le moment du match (?) : le but arrive de façon assez précoce (10e minute) après plusieurs minutes assez crispantes où on se demande toujours si son équipe va être à la hauteur de l’enjeu. Passer devant si tôt peut être de nature à rassurer et d’évacuer la tension de la semaine, avant même qu’on ne soit pleinement dans le match. Mais cela est probablement plus adapté au but de Frau qui arrive à un moment encore plus décisif (90e). Bon, il n’y a pas de mauvais moment pour marquer. Mais cet argument du but tardif était le critère choisi par la Revue des deux mondes pour expliquer en quoi le but de Payet contre la Roumanie en 2016 était « d’anthologie » : « si le but de Payet est d’anthologie, et repasse en boucle sur les réseaux sociaux, c’est aussi parce qu’il a un effet libérateur, à une minute du coup de sifflet final. Marquer à cet instant précis, alors qu’on allait droit vers le match nul, c’est sortir d’une situation difficile par le sublime ».
Adhésion au buteur, type, moment, lieu du match, classement de l’équipe, forces en présence, éclairage médiatique… Il est aussi probable que des personnes éloignées du LOSC ont voté : en ce cas, ne peut-on pas penser qu’il y aurait un biais à voter de toute façon pour le joueur le plus connu et le plus doué, celui dont on connaît le mieux le talent, qui bénéficierait ainsi d’une prime à la popularité ? Ces éléments suggèrent que la « beauté » d’un but doit finalement à des éléments qu’il est possible d’identifier avant même que le but ne survienne. C’est en définitive la conclusion à laquelle arrivaient les Cahiers du Foot en réponse à la question « quand peut-on parler d’exploit ? » (ici et là) : « les conditions de l’exploit sont définies avant l’exploit (sauf cas exceptionnel: un score très défavorable en cours de match) alors que, paradoxalement, il est souvent inattendu ou improbable. Un exploit n’est-il pas, finalement, proportionnel à l’espoir qui l’a précédé ? ».
Notre choix et ses raisons
Prenons maintenant l’exemple de notre rédaction à DBC : nous sommes trois. Et quand nous nous sommes demandés quel but du LOSC on élirait comme « le but du LOSC », on se rend compte qu’il est surtout celui qui nous a le plus marqués : non seulement pour sa « beauté », mais aussi pour un certain nombre de facteurs contextuels.
24 avril 2020, extrait exclusif de notre conversation et origine de cet article. Réalisé sans trucage, ne pas reproduire sans l’aide d’un professionnel
Pour deux d’entre nous, le vainqueur est un but marqué par Laurent Peyrelade contre Bordeaux en avril 2001. Un but qui, d’ailleurs, ne figure pas dans la sélection proposée par le LOSC, ce qui souligne là encore toute la subjectivité de la perception (tout comme un autre but qui nous est spontanément venu : Mirallas contre Toulouse en 2008).
Si on reprend en vrac les arguments des deux votants, outre ce coup de tête magistral et lointain qui en fait un but étonnant, on trouve à peu près les mêmes éléments que ceux avancés par les supporters lillois à propos du but marqué par Hazard à Marseille : l’importance du match et son enjeu (1er contre 3e) ; la position du LOSC à ce moment là, avec une équipe sauce Vahid revenue des profondeurs de la D2 et qui n’en finit pas de surprendre ; le fait que même si le LOSC est en tête, ça reste le « petit » contre le « gros » : un promu contre un européen régulier, champion de France 2 ans avant ; avant même que ce match n’ait lieu, on l’attendait pour la présence de Pauleta, un joueur très apprécié ; parce que le match était avancé un vendredi sur Canal + ; parce que ce but correspond au moment où le LOSC est au plus haut cette saison-là au classement : c’est le but du 2-1 qui place Bordeaux à 7 points et nous maintient en tête encore une semaine – mais Bordeaux égalisera ; parce que le match a été superbe ; parce que l’un de nous – presque 11 ans – se rend compte des enjeux autour de ce match ; parce que Lolo Peyrelade ; parce que cela renvoie à des moments de jeunesse qu’on a probablement idéalisés ; et pour une raison toute personnelle relative à la faiblesse du jeu de tête de l’un de nous, malgré une grande taille (« ce coup de tête, c’est vraiment le truc que je me suis jamais senti capable de marquer »)
Pour le troisième d’entre nous, le vainqueur est Rio Mavuba, pour son but à Dijon en 2012.
Extrait LOSCTV
Les raisons ? « 1) parce que Mavuba marque 2) Parce que Hazard et la simplicité de sa passe, ça m’avait marqué », soit une raison liée à l’identité du buteur, et une autre liée au jeu du passeur. Et rien sur le plat du pied de Rio.
Palmieri contre Monaco : le « beau » but pas éligible
Prenons une sorte d’exemple inverse : un but qui, « dans l’absolu », est « beau » mais qui, pourtant, pour diverses raisons extérieures au but en lui-même, ne nous semble pas pouvoir concourir au titre de « but du LOSC ». Il s’agit du but marqué par Julian Palmieri contre Monaco en septembre 2016.
Qui nierait que cette reprise de volée lointaine est parfaitement exécutée ? Certes, on peut toujours s’interroger sur l’opportunité du choix du gardien monégasque pour arrêter le ballon : se mettre à genoux. Mais ce but peut facilement être qualifié de « beau » : il ne figure pourtant même pas dans la sélection proposée par le LOSC. Mettons de côté les arguments sur la subjectivité du « beau », et intéressons-nous à des critères qui « dévalorisent » ce but :
- à ce moment du match, le LOSC est mené 0-4, à la maison. Un but du LOSC, on prend toujours, mais l’heure n’est plus à s’enthousiasmer. On le voit d’ailleurs à la réaction du public (applaudissements de politesse) et du buteur : l’heure est davantage aux excuses pour la prestation collective fournie. Bref, on aimerait que ce match n’ait pas existé.
- Le scénario du match a également eu de quoi bien plomber le moral des supporters et supportrices des Dogues : deux des quatre buts monégasques ont été marqués par d’anciens lillois (Sidibé et Traoré). En somme, ce match rappelle que le LOSC est contraint, pour survivre, de vendre ses meilleurs éléments à des concurrents nationaux qui ont davantage de moyens. Les buts d’ « anciens » sonnent comme un rappel de la relégation relative du LOSC depuis l’époque Garcia ou la 2e place avec Girard.
- Où en est le LOSC à cette époque ? Ça ne va pas fort. Malgré une fin d’exercice 2015/2016 en boulet de canon, le club a été piteusement éliminé de la coupe d’Europe par Qabala durant l’été. Le début de saison est poussif : après 3 journées, Lille est 13e, avec une défaite (à Metz) une victoire (poussive, contre Dijon) et un nul. Une morosité ambiante qui n’aide pas à inscrire ce but dans un contexte festif.
- L’identité du buteur : sans vouloir faire offense à Julian Palmieri, on ne peut pas dire qu’il ait laissé une grande trace au club. En outre, la rumeur publique lui a prêté des relations tendues avec Patrick Collot, dont il devait ignorer qu’il était à peu près intouchable dans le coeur des supporters. Or, quand on se rappelle l’origine du clash présumé (Collot remplace Palmieri lors d’un match de coupe contre une DH car Palmieri, déjà averti, avait un comportement très limite sur le terrain), difficile de donner tort à l’entraîneur lillois.
En résumé, cet exemple vient conforter notre idée que la « beauté » du but n’est pas suffisante en elle-même. En quelque sorte, on peut aussi prévoir qu’un but sera « moche » ou qu’il ne fera pas date avant même qu’il ne soit marqué. Un but que nous marquerait Lens, par exemple, est toujours moche.
Le vote, une histoire collective
Ces éléments accréditent la thèse selon laquelle, contrairement à l’image que l’on se fait d’un vote (supposément produit d’un choix individuel rationnel, symbolisé par l’isoloir, conformément à l’idéologie démocratique du « bon » citoyen qui fait son choix de manière raisonnée et comparée), le vote est plutôt « une expérience de groupe » comme l’ont montré bien des chercheurs en science politique, et cela vaut aussi pour le foot. S’il se matérialise en effet par une voix, cette voix est équivoque, c’est-à-dire que ses motivations sont plurielles. Les électeurs et électrices ne votent pas selon le même degré d’information, selon le même rapport affectif à la question posée. « L’électeur idéal » n’existe pas : on ne peut se délester (complètement) de son ancrage social, de ses déterminismes, de ses affects.. quand on vote.
Dès lors, l’expression du suffrage de l’un.e n’a pas forcément la même signification que l’expression du suffrage de l’autre : une élection est donc le produit d’une rencontre entre une offre (électorale) et une « demande » (quoique..) en tout cas un public, divers, qui lit l’élection à travers les lunettes de ses propres références et préférences (culturelles, personnelles, politiques…) et interprète les messages en fonction de celles-ci. Autrement dit, pour comprendre le sens d’un vote, il est nécessaire de comprendre ce qui l’a motivé : et ce qui l’a motivé est rarement la seule offre, qui peut être interprétée de différentes manières, précisément en fonction des perceptions et du vécu de chacun.e. Comme le résumait de façon un peu caricaturale Michel Rocard, « un référendum, c’est une excitation nationale où on met tout dans le pot. On pose une question, les gens s’en posent d’autres et viennent voter en fonction de raisons qui n’ont plus rien à voir avec la question ».
Appliquée au foot et à l’élection qui nous intéresse, cela signifie que la perception que l’on a d’un but doit beaucoup au subjectif, au-delà de la définition de ce qui est « beau » ou non : notre manière de qualifier la beauté d’un but est éminemment corrélée à notre rapport au club et, davantage que la résultante d’une analyse visant à démontrer de manière absolue la beauté d’un but, elle semble davantage relever du produit de la rencontre entre des éléments objectivables et d’autres plus subjectifs.
À ce titre, un but n’est pas un objet froid sans valeur que l’on ne regarderait que d’un air désintéressé : il dépend de notre « état » de supporter : depuis quand supporte-t-on le club ? De quels éléments de comparaison dispose-t-on pour juger la beauté de ce but par rapport à un précédent ? Est-ce une période où on se sent très impliqué ? Qu’est-ce que ce but a réveillé comme émotions, elles-mêmes produites par des facteurs tellement pluriels, et parfois difficilement étayables ?
Même si l’intégralité des buts proposés par le LOSC pour cette élection étaient accompagnés de vidéos pour les voir, notre rapport à ces buts est différent selon, par exemple, que l’on découvre ce but (pour les plus jeunes) ou qu’on l’ait vécu en direct. À la limite, si l’on cherchait à déterminer la « beauté » d’un but uniquement sur ses qualités techniques, chacun.e serait plus disposé.e à le faire à propos d’un but totalement inconnu, soit surgi du passé, soit surgi d’un championnat étranger que l’on ne suit pas, histoire de ne pas convoquer les affects en tous genres qu’il a suscités sur le moment : comme si la postérité ou l’étrangeté étaient en quelque sorte meilleurs juges de la qualité technique du but.
Cela n’invalide bien sûr pas que le but d’Hazard à Marseille puisse légitimement être « le but du LOSC » du XXIe siècle. Nous souhaitons seulement complexifier la grille de lecture du but et questionner l’opération magique qui consiste à agréger des motivations diverses en une seule signification, pour ne pas occulter une grande part de ce qui fonde notre lien au football : le jeu bien sûr, mais surtout tout ce qu’il y autour, et qui appartient à chacun.
Posté le 8 octobre 2020 - par dbclosc
A quelle fréquence la hiérarchie est-elle bousculée en Coupe de France (2015-2020) ?
La Coupe de France a pour particularité de permettre à chaque club français jusqu’à ceux des plus basses divisions de se frotter, en théorie, à ceux les plus huppés. Chaque année, la compétition offre son lot de surprises et de belles histoires comme celle de Calais, finaliste en 2000 alors que le club évoluait au 4ème échelon national, ou, plus récemment, celle des Herbiers, également finalistes en 2018 l’année même où ils terminaient en position de relégable en National
On se réjouit ainsi très souvent quand on voit ces équipes renverser la hiérarchie en éliminant un adversaire jouant dans une division supérieure à la leur. Mais, au fond, ces « surprises » en sont-elles vraiment ? La différence est-elle si élevée entre un club de l’élite et un club de niveau National ? Nous avons voulu apporter des éléments de réponses à ces questions en objectivant statistiquement la fréquence de ces « surprises ».
Cette étude porte sur une période de cinq saisons (2015-2020) et recense l’ensemble des matchs de Coupe de France opposant des équipes de divisions différentes à partir du stade des trente-deuxièmes de finale, soit un total de 231 rencontres.
La hiérarchie bousculée sans plus d’un quart des cas
Le premier constat que l’on peut faire est qu’il n’est pas si rare que des équipes éliminent des adversaires qui leur sont supérieurs dans la hiérarchie. Sur la période 2015-2020, ces cas de figure correspondent à 26,9 % des matchs ayant opposé des équipes de niveaux différents, soit plus d’un quart des cas.
On peut par ailleurs observer que si la fréquence des « surprises » est, comme on peut s’y attendre, négativement corrélée au nombre de divisions d’écart, ça n’est véritablement qu’à partir du moment où il y a au moins quatre divisions d’écart que les « surprises » se raréfient nettement.
Ainsi, si c’est quand il n’y a qu’une division d’écart que le club de niveau inférieur parvient le plus souvent à renverser la hiérarchie (près de 4 fois sur 10, 39,5 % de qualifications), trois clubs sur dix se situant à deux niveaux en dessous de leurs adversaires réalisent également cette performance (28,8%) et encore plus d’un cinquième de ceux qui se situent trois divisions en dessous (22,2%). Si trois divisions d’écart paraissent un écart extrêmement important, l’objectivation statistique montre qu’il ne s’agit pas d’un élément garantissant une sécurité majeure aux clubs de niveau supérieur. A partir de quatre divisions d’écart, il est en revanche très rare que le club de niveau inférieur crée la surprise (3 cas sur 44, 6,8% des cas).
Pas de différence de la L2 à la N2, mais un fossé avec la N3
L’une des statistiques des plus remarquables de notre étude est la fréquence des « surprises » dans les oppositions entre clubs de niveaux différents de la L2 à la N2. Ainsi, dans les oppositions entre ces clubs, le club de niveau inférieur s’est imposé dans plus de la moitié des cas (57 %, 21 sur 37). Dans ces confrontations, non seulement les clubs de L2 ne ressortent pas avec une probabilité de victoire plus élevée, mais ce sont eux qui se qualifient le plus rarement (42 % des fois), se plaçant loin derrière les clubs de National (64% de qualifications) et même derrière ceux de N2 (46%).
En revanche, les clubs de ces trois divisions remportent leurs matchs contre les équipes de niveau N3 dans près de trois-quarts des cas (25 sur 35, 71%), ce qui étaye la thèse que c’est entre le quatrième et le cinquième niveau national que l’on observe une cassure de niveau importante entre les clubs. En outre, la comparaison des résultats des clubs de N3 contre les clubs des trois divisions supérieures vient également étayer que ces dernières sont d’un niveau proche : les clubs de N3 remportent 3 de leurs 13 confrontations contre des clubs de N2 (23%), 2 de leur 8 contre des clubs de National (25%) et 5 des 14 contre ceux de L2 (35%).
Au regard de ces statistiques, les clubs de L2 pourraient même sembler présenter des performances moindre que celles de leurs concurrents des divisions inférieures. Pourtant, il est plus exact de dire que leurs performances sont en moyenne d’un niveau équivalent : contre les L1, ce sont eux qui se qualifient le plus fréquemment (33 % de qualifications) par rapport aux équipes de National (23%) et de N2 (21%).
A l’examen de leurs performances en coupe, on ne constate ainsi aucune différence significative dans les chances de qualification entre les clubs de L2, de National et de N2.
La Ligue 1 supérieure mais en danger jusqu’au niveau National 2
Contre leurs adversaires de L2, National et N2, les clubs de L1 sortent vainqueur dans près de trois-quarts des cas (74%). La part des défaites n’est toutefois pas anodine puisque, comme nous n’avons indiqué plus haut, les échecs contre des équipes de N2 constituent encore plus d’un cinquième des cas (21%).
Il est en revanche exceptionnel qu’ils se fassent éliminer face à un club de niveau inférieur à la N2 (3 %, 1 cas sur 36). L’écart avec le Niveau National 3 s’objectivant également par le fait qu’ils remportent la totalité de leurs 23 oppositions contre les clubs de ce niveau.
Au total, sur 140 rencontres disputées contre des équipes de niveau inférieur, les clubs de l’élite en remportent 112, soi très exactement 80 %.
La coupe de France, la revanche des recalés du professionnalisme sur … la L2 ?
Sur ces cinq dernières années, la coupe de France a surtout permis aux amateurs se situant à la limite du professionnalisme (National et N2) de se mettre en lumière et de montrer que leurs performances ne souffrent pas outrageusement de la comparaison avec les équipes qui leurs sont hiérarchiquement supérieures.
Les clubs de National de qualifient ainsi dans 41 % de leurs 37 confrontations contre des clubs de niveau supérieur, ceux de N2 faisant de même dans 32 % des cas sur 60 matchs disputés. La marche semble en revanche un peu trop haute pour les représentants de N3 (17 % de victoires) et encore davantage pour les clubs jouant dans les divisions inférieures (12%).
Or, les joueurs de National, N2 et, dans une moindre mesure de N3 sont, dans de très importantes proportions, les « recalés » des centres de formations français, jouant aux plus hauts échelons amateurs à défaut d’avoir réussi à percer dans le monde professionnel. Nombre d’entre eux ont d’ailleurs joué dans les divisions professionnelles, même s’ils sont rares à s’y être imposés sur la durée. Ce sont ces joueurs qui, pour l’essentiel, n’avaient pas à souffrir la comparaison avec la plupart de leurs collègues des centres de formation qui allaient, eux, s’imposer en professionnel, parfois en L1, le plus souvent en L2, mais qui, pour quelques contingences, ont échoué à raccrocher durablement le wagon du professionnalisme.
La coupe de France devient alors pour eux une revanche, revanche que subissent particulièrement âprement les clubs de L2. Ainsi, ils sont 5 clubs de N3 sur 14 (35%) à ressortir gagnants de leurs confrontations avec des clubs de L2 ; ils sont même 6 sur 15 (40%) parmi les clubs de N2 à sortir ces équipes situées deux divisions au-dessus d’eux. Statistiques encore plus effarantes, 2 des 6 équipes de niveau régional à avoir joué une L2 l’ont emporté et 9 des 11 équipes de National (82%) ont sorti leur adversaire placé dans la division d’au-dessus ! Au final, la Ligue 2 résiste assez bien à ses « supérieurs » de la L1 (33 % de qualifications), mais elle trébuche à la probabilité d’un pile ou face contre les équipes situées une, deux ou trois divisions en-dessous d’elles (20 éliminations sur 40).
Depuis 15 ans, le LOSC fait bien respecter la hiérarchie
Depuis son retour en Ligue 1 en 2000, le LOSC a disputé 34 rencontres contre des clubs d’une division inférieure est s’est qualifié à 27 reprises (79,4%), s’inscrivant de ce fait dans la tendance des clubs de L1. Avec 8 qualifications sur 11 contre les clubs de L2, les Dogues ont une réussite (73%) très légèrement supérieure à celle des clubs de L1 sur la période 2015-2020 (67%), et face aux clubs du quatrième échelon, ils présentent un taux (73%) légèrement inférieur (79%). Avec 8 qualifications en 8 matchs contre les adversaires de niveau N3 et R1, ils présentent des statistiques équivalentes et même un peu meilleure que la tendance nationale (97%).
De sa création, en 1944 jusqu’en 1951 (et une défaite contre Valenciennes), le LOSC remporte la totalité de ses confrontations en Coupe de France contre des adversaires de niveau inférieur
Toutefois, on peut distinguer deux périodes pour le LOSC en coupe de France. De 2000 à 2005, les Lillois perdent un peu plus de la moitié (4 sur 7) de leurs rencontres contre un adversaire de niveau inférieur. Depuis, ils s’approchent du sans-faute avec 24 qualifications sur 27 (89%).
Point remarquable, depuis leur défaite contre Grenoble, alors en L2, en 2005, ils restent sur 7 victoires consécutives contre des adversaires de ce niveau (comme contre ceux de niveau N3-R1), mais ne sont qualifiés que 10 fois sur 13 contre les adversaires de niveau N2. La statistique n’est pas infamante (suivant la norme des clubs de L1 sur 2015-2020, le LOSC aurait dû perdre 2,73 fois sur 13 rencontres), mais elle traduit un contraste entre la solidité lilloise contre les professionnels de L2 et une certaine fragilité contre les amateurs.
Posté le 31 mai 2020 - par dbclosc
Le LOSC, pionnier des sociétés d’économie mixte
Mai 1980. Au terme d’une saison sans éclat, où le maintien n’a jamais été mis en danger et une place en Coupe d’Europe n’a jamais semblé accessible, le LOSC s’apprête à changer de statut juridique. Pour la première fois en France, un club professionnel sera doté d’une société d’économie mixte.
Au milieu des années 1970, diverses mesures sont engagées afin « d’assagir » le football. Inspirés par la réussite de l’AS Saint-Etienne, parvenue en demi-finale de Coupe d’Europe avec des joueurs majoritairement formés au club, ou contraints d’effectuer des économies en réponse à la situation financière (déjà) inquiétante de certaines équipes, les clubs de première division votent, lors de l’assemblée générale du 28 juin 1975, la limitation du nombre de mutations et d’étrangers.
Ces mesures sont décidées alors que le football professionnel français est devenu une activité économique importante et en essor constant. Sur la saison écoulée, les recettes de billetterie ont ainsi progressé de 30%[1]. Dans le même temps, une autre réalité marque les inégalités et ses déséquilibres : les clubs de première division cumulent 25 millions de francs de passif et le PSG réalise à lui seul 20% des recettes de billetterie de toute la division.
Un an plus tard, gros succès : le déficit s’est aggravé. Bravo les veaux. Plusieurs municipalités ont dû intervenir pour éviter des mises en liquidation judiciaire, notamment via des emprunts destinés à combler tout ou partie des déficits. C’était le cas à Reims, à Valenciennes, ou à Avignon… Et derrière ces soucis, la question du statut juridique des clubs est présente. A-t-on affaire à des associations sans but lucratif ? Des entreprises, à caractère commercial ?
La masse salariale des clubs est en effet la principale cause de ce déficit : elle a plus que doublé en l’espace de 3 ans, passant de 41,4 millions de francs en 1972 à 89,3 millions de francs en 1975[2]. A tel point que l’UNFP a signé, avec les présidents de clubs, le blocage de tous les salaires mensuels supérieurs à 6000 francs en D1 (4000 francs en D2). Des dérogations sont accordées aux équipes justifiant une gestion saine. Dopé par une subvention municipale délirante (près de 3 millions de francs par an), l’OGC Nice est perçu comme un des responsables de la surenchère sur les transferts. L’ambition démesurée de certaines municipalités est ainsi comparable à celles de certains présidents, persuadés que les collectivités supporteront les dépenses excédentaires. Le contrat de 6 ans accordé à Jean-Marc Guillou, trentenaire, symbolise ces dérives.

Jean-Marc Guillou, ici en 2017 après sa signature d’un contrat jusqu’en 2032. Le p’tit malin.
© OGCNISSA.COM
Le monde d’après
Ainsi, la remise du rapport de Philippe Séguin (« Sur certaines difficultés actuelles du football français », février 1973) exposait deux ans plus tôt les maux du football : « Le moment peut sembler venu de mettre un terme à une situation dont les ambiguïtés sont préjudiciables à toutes les parties intéressées ».
Fin 1974, Pierre Mazeaud, secrétaire d’Etat à la Jeunesse et aux Sports, annonce vouloir restreindre les transferts, jugés « scandaleux ». D’autant qu’au-delà de la moralité discutable de vente de joueurs, la régularité de certains transferts (tel celui de Michel Mézy de Nîmes à Lille) était remise en cause. Volonté entendue lors de l’assemblée générale des clubs en juin 1975 : afin de promouvoir la création de centres de formation et d’apprentissage, les transferts seraient effectivement limités à trois joueurs par équipe pour la saison à venir (1975-1976), puis deux pour la suivante (1976-1977). Exception faite des équipes promues qui, pour se renforcer, auront droit à cinq arrivées. Toutefois, il ne semble pas clair si cette mesure est juridiquement applicable. Mais s’il aime se faire taper sur les doigts, il ne serait pas un peu sado, Mazeaud ? Quant aux mesures limitant la présence d’étrangers dans les effectifs, elles se heurtent au traité de Rome et à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur des frontières du marché commun[3]. Mais, aux yeux de l’UNFP, de la Fédération et du Groupement, tout semble alors « acceptable » pour sauver le football français et ses salariés. Dans tous les cas, que ces mesures soient imposables ou non, il est a minima conseillé aux clubs de faire preuve de sagesse.
En juin 1976, Pierre Mazeaud détaille les mesures adoptées ou envisagées afin de réduire le déficit du football professionnel. Parmi celles-ci, diverses aides à la formation, mais aussi une baisse du taux de cotisation des accidents de travail (de 35 à 25%), alors que les 600 footballeurs professionnels cumulent 11 000 journées d’arrêt de travail. Les déplacements seront également moins coûteux, puisqu’un voyage en train coûtera 50% de moins aux équipes.

A force de passer son temps au téléphone pour proposer des solutions au football français, le bras de Pierre Mazeaud a cicatrisé sur son visage. Un fâcheux handicap, qui rend son ascension de l’Everest en 1978 d’autant plus incroyable. A ce titre, il a tout notre respect.
Mais la mesure la plus marquante est la possibilité pour les clubs d’adopter un nouveau statut : les clubs de D2 peuvent opter pour le statut promotionnel, afin de réduire les charges. Auxerre et Brest, qui y jouent les premiers rôles, semblent montrer l’efficacité de la formule : les joueurs perçoivent des honoraires, permettant ainsi au club de ne pas verser de charges salariales et sociale. Les abus sont toutefois nombreux, notamment avec l’assurance-chômage, entraînant des sanctions de clubs et des suspensions de joueurs.
Autre formule possible, pour tous les clubs professionnels : les sociétés d’économie mixte sportive locale (SEMSL), version footballistique des sociétés d’économie mixte présente depuis quelques années dans l’immobilier. La SEMSL est une société anonyme dont la majorité de son capital doit être détenu par une association support (le club) et une collectivité locale. Outre l’apport de capitaux extérieurs, le principal avantage de la société d’économie mixte semble résider dans l’élargissement du contrôle de la gestion. Cette nouvelle formule comporte aussi des risques. Devenu minoritaire dans une telle société, le club peut difficilement s’opposer à la promotion de son équipe fanion au détriment, peut-être, des autres sections amateures. À ce risque s’ajoute la menace d’une aliénation plus grande au pouvoir municipal, donc politique, et aux capitaux privés.
Le décret d’application de la loi est soumis au Conseil d’Etat, mais deux clubs, Lille et Tours, seraient déjà prêts à opter pour cette formule.
Les expériences de sociétés d’économie mixte dans le bâtiment incitent pourtant à la prudence : le ralentissement de ce marché a mis en évidence les faiblesses structurelles d’un système qui masquait ses erreurs grâce à la forte croissance (en moyenne 5,3% par an entre 1965 et 1974). La récession de 1975 (-1%) ayant entraîné une chute de la demande, de nombreuses sociétés d’économie mixte, principalement en région parisienne, se sont retrouvés en cessation de paiement en moins de deux ans, plombant les comptes publics qu’ils étaient censés gérer avec plus de rigueur.
A jamais les premiers
Après avoir frôlé la disparition à la fin des années 1960, avec un abandon du professionnalisme durant une saison et la création d’un comité de soutien du football lillois, le LOSC semblait être reparti dans la bonne direction. Soutenu financièrement à un niveau inédit par la municipalité, le LOSC avait obtenu sa promotion en D1 en 1970, à peine un an après avoir été autorisé à rejoindre la D2. Une réussite qui ne tarda pas à prendre l’aspect d’un cadeau empoisonné, tant elle était prématurée. Les titres de champion de D2 obtenus en 1970, 1974 et 1978 montrent aussi bien la facilité pour une ville comme Lille d’avoir un club supérieur à tous ses concurrents de D2 (issus de communes plus modestes) que l’incapacité du LOSC à se stabiliser parmi l’élite avec un projet viable.
Ainsi, le 6 mai 1977 marque la fin de la présidence de Paul-Marie Delannoy. Son départ s’effectue alors que le LOSC a un déficit de 1,7 millions de francs et un passif près de trois fois plus important. Pour éviter le dépôt de bilan, deux membres du comité directeur (Jacques Amyot et Roger Deschodt) font le relais en attendant la prise de fonction de Jacques Dewailly. Ce dernier est le président de l’Association Pour le Développement et la Promotion du LOSC, qui se transformera en SEM dès que les décrets d’application auront été publiés au Journal Officiel. Une fois encore, la ville de Lille soutient l’opération : au-delà des 700 000 francs annuels de subvention et de l’entretien de Grimonprez-Jooris, la municipalité consent un effort de 2 millions de francs et, pour éviter de nouvelles dérives, Pierre Mauroy impose la rigueur. Un tournant.
Fin mai, Mauroy dirige à Nantes la réunion « des maires socialistes des villes intéressées par le football professionnel ». Un consensus se fait sur l’inadaptation de la loi de 1901 pour la gestion des clubs professionnels. Les maires socialistes conviennent que leurs municipalités ne peuvent plus accorder de subventions aux clubs sans qu’elles aient, en contrepartie, un droit de regard sur la gestion, sur les rémunérations, sur les comptes et sur l’orientation de la politique sportive. Mauroy déclare :
« Les collectivités locales ont leur part de responsabilités dans la gestion des clubs professionnels. À partir du moment où elles apportent leur concours financier et qu’elles font ainsi usage des fonds publics. Il est normal qu’elles en contrôlent l’utilisation, qu’elles exigent une moralisation de la situation financière, qu’elles prennent des mesures pour que les clubs ne vivent pas au-dessus de leurs moyens. Dans la société d’économie mixte, la municipalité ne se substitue pas aux dirigeants de club puisqu’elle reste minoritaire, du moins chez nous, à Lille. Nous n’avons pas l’intention de municipaliser le football professionnel, ni de le commercialiser mais seulement de mieux l’intégrer dans nos activités sociales. »
À la demande du maire, les sept joueurs les mieux payés du club étaient remerciés à la fin de la saison. » Je ne suis pas contre les vedettes, mais une région comme le Nord-Pas-de-Calais est capable de fournir de bons joueurs. D’autre part, je suis contre les équipes composées presque exclusivement d’étrangers à la région qui restent une année ou deux avant de s’en retourner, à partir de considérations qui n’ont rien à voir avec le football. «
Après 18 mois de négociations, la SEM est officiellement créée le 1er janvier 1979. La société dispose d’un capital de 1,6 millions de francs, répartis ainsi : 49% à la Ville de Lille, 35% au LOSC et 16% venant du privé « par souscription publique », c’est-à-dire toute personne souhaitant détenir une action. Pionnier français en la matière, le LOSC semble enfin sur la bonne voie : les saisons 1978-1979 et 1979-1980 se terminent avec un bilan équilibré, et le centre de formation alimente l’équipe première : au cours d’une saison sportivement calme, le LOSC titularisait au Parc des Princes cinq joueurs passés par son centre de formation : Zagar, Grumelon, Dréossi, Plancque et Denneulin.
Interrogé sur le poids de cette gestion sur le sportif, le directeur sportif Charly Samoy explique : « en fait, c’est sans doute M. Mauroy qui déterminera ces rapports, estime M. Charles Samoy, le directeur sportif du L.O.S.C. Je ne crois pas que les sociétés d’économie mixte sportive puissent constituer une panacée pour les clubs professionnels. C’est encore sur le terrain que se louera la réussite ou l’échec de cette expérience. Il est toujours difficile de faire des prévisions de gestion dans le domaine sportif. En France, une équipe ne fait recette que si elle obtient des résultats. Or qu’y a-t-il de plus aléatoire qu’un résultat sportif ?[4] »
Samoy (qui n’est pas Niortais) en fait l’expérience un an plus tard. Au terme d’une saison 1980/1981 ratée et dont le maintien peut sembler miraculeux au vu du scénario de la dernière journée[5], le LOSC termine avec 1,2 millions de francs de déficit. En cause, la moyenne de spectateurs, autour des 11 000 spectateurs, quand le budget prévisionnel prévoyait un équilibre autour des 13 000 personnes.
La décennie qui s’annonce allait être morose pour le LOSC. Si la politique de formation porte ses fruits (35 à 40% du temps de jeu est effectué par des joueurs formés au club), les résultats sportifs sont sans intérêt en championnat. Les bons parcours en Coupe (deux demi-finales, trois quarts de finale) ne suffisent pas et le club s’enfonce petit à petit dans une crise économique, dont le club ne sortira qu’à la fin des années 1990 après le travail extraordinaire de Bernard Lecomte.
Par la suite, de nombreux clubs opteront pour la société d’économie mixte. Nice, qui a suivi le LOSC dès 1981, ne s’en sortira pas mieux. Relégué en 1982, le club retrouve la D1 en 1985 et effectue des saison inégales (entre la 6e et la 18e place) jusqu’en 1991 où, criblé de dettes et accusant un déficit de 58 millions de francs, l’OGC Nice est sanctionné d’une relégation administrative.
Délaissées par les clubs de D1 dans les années 1990 au profit des sociétés anonymes à objet sportif (SAOS), les SEMSL continuent d’exister principalement en D2, où environ 40% des clubs ont conservé ce statut. Ce statut disparaît en 1999, alors qu’un seul club de D1 (Guingamp) et quatre de D2 (dont Wasquehal) sont encore concernés.
[1] Le Monde, 9 août 1975
[2] Le Monde, 19 juin 1976
[3] L’arrêt Bosman repose sur le respect du Traité de Rome
[4] Le Monde, 8 mai 1980
[5] 16e avec 2 points d’avance sur le barragiste, le LOSC s’incline 3-2 lors de la dernière journée et voit les 18e et 17e gagner dans le même temps. Fort heureusement, le 15e, à égalité avec le LOSC avec la même différence de buts (mais devant selon le 3e critère de départage), s’incline 2-0 et termine donc derrière le LOSC.
Posté le 27 février 2020 - par dbclosc
Sachy dans la colle
En 2000, après une défaite 0-2 à Lille, le gardien sedanais, Nicolas Sachy, a des propos peu amènes à l’égard du LOSC. Probablement déçu à chaud, Sachy écrit quelques jours après dans la Voix des Sports et fait amende honorable. Une polémique en soi pas très intéressante et vite réglée que nous tenions pourtant à raconter pour plutôt tenter d’approcher de quoi elle est le symptôme.
9 décembre 2000 : au stade Grimonprez-Jooris, le LOSC reçoit Sedan pour la 20e journée du championnat de France. Surprise : c’est un match au sommet. En effet, les Sedanais, emmenés par Cédric Mionnet, Olivier Quint ou Luis Satorra, sont leaders du championnat, juste après avoir explosé le PSG (5-1). Un parcours étonnant pour un club qui est montée en D2 en 1998, a retrouvé la D1 en 1999 (tout en arrivant cette même année en finale de la coupe de France), et qui a terminé 7e pour son retour dans l’élite lors de la saison 1999/2000 (on a un peu évoqué cette trajectoire dans cet article sur le Lille/Sedan de 1999). En face, le LOSC, promu, ne vient pas de si loin mais semble suivre les traces des Sangliers : les Lillois, avec un match en moins, sont 5e à 3 points des Ardennais. Depuis la victoire contre Lens en septembre, les Dogues se sont tranquillement installés dans le haut de tableau et gâtent leur public. Mais qui du Dogue ou du Sanglier l’emportera ? Eh bien c’est le Dogue, 2-0.
Ça n’a pas souvent été le cas durant cette saison, mais on peut dire que le LOSC s’en tire bien sur ce match : plutôt dominés, les Lillois ont eu la bonne idée de marquer d’entrée, grâce au premier but sous les couleurs du club de Mile Sterjovski, avant de subir et de concéder de nombreuses occasions : mais les poteaux (3 fois!) et un Wimbée impérial dans le but ont permis de garder la cage inviolée, même à 10 après l’expulsion de D’Amico. En fin de match, Collot double la mise alors que Nicolas Sachy a déserté son but.
Un résumé de la rencontre :
On aperçoit tout le désarroi de Nicolas Sachy au moment du deuxième but encaissé : alors que le raisonnement présidant à la montée devait être « bon, au pire on perd 0-1, alors je tente d’égaliser » et que finalement on se retrouve avec 0-2, il y a de quoi se sentir floué, et même un peu bête quand on court vainement derrière les attaquants adverses filant vers votre but (« hé mais c’est pas ce qui était prévu ça ! On avait dit 0-1 ou 1-1 ! »). Tout le monde ne peut avoir la réussite de Greg Wimbée, mais c’était le jeu.
Au passage, c’est le 18e et dernier but de Patrick Collot avec le LOSC
Nicolas Sachy est un joueur qui correspond bien à l’image qu’on a du groupe ardennais de l’époque : gardien à la carrière ponctuée par des moments d’incertitude, qui a connu le chômage et des clubs en galère financière, il retrouve de la stabilité à Sedan, qu’il contribue donc largement à faire remonter en D1, avec des joueurs au même parcours chaotique, désormais désireux de revanche. Son franc-parler, sa proximité avec les supporters, la mise en avant de la camaraderie dans son métier, et toute cette aventure sedanaise sponsorisée par les voitures Smart en font un bonhomme sympathique, sympathie « récompensée » par une chronique régulière dans Téléfoot durant cette période. Alors, quel est le problème ?
Le problème est qu’à l’issue de ce Lille/Sedan, il déclare : « le LOSC n’a pas été dangereux. Il a joué avec les seules armes qu’il connaît. Les joueurs lillois balancent devant et dévient. Je préfère jouer comme Sedan et perdre 2-0 que jouer comme Lille et gagner ». Une déclaration, en effet, pas des plus malines, mais pas de quoi fouetter un chat non plus, ni même un sanglier. Et pourtant : s’il a voulu déclencher l’ire des supporters lillois, c’est gagné : la semaine suivante, la Voix des Sports est inondée de courriers mécontents. Il est toujours difficile de savoir qui fait la démarche d’écrire à un journal, avec quelles informations, quelles intentions, quelles prétentions, et donc de quoi c’est représentatif, mais c’est toujours fascinant de lire ce que peut déclencher le football et à quel point il suscite des vocations d’experts en divers domaines.
Parmi les lecteurs, il y a ceux qui démarrent au quart de tour et se sentent gravement attaqués dans leur identité dès lors qu’on s’en prend au LOSC : ainsi, J-M, de Lesquin, expert juridique, évoque un Sachy « diffamatoire » envers « cette brillante et courageuse équipe du LOSC » ; mais J-M est aussi psychologue puisqu’il estime que le gardien « s’est senti ridicule en s’inclinant une seconde fois alors qu’il avait déserté son but » ; l’expertise est telle qu’elle se risque à une explication des méandres du raisonnement du gardien de but qui, « probablement, se considère comme une star depuis ses apparitions dans Téléfoot ». M. L., de Beaucamps-Ligny, s’adresse directement à Nicolas Sachy en lui indiquant ses insuffisances physiques : « vous n’avez réussi qu’à trottiner pour tenter, en vain, de revenir dans les buts (…) M. Sachy, sachez désormais que lorsqu’on ne sait pas courir, on reste sagement à sa place. Et si, par la suite, votre équipe se met à enchaîner les défaites, restez-y : vous avez le parfait profil du perdant ». Un autre n’hésite pas à disqualifier le gardien sedannais : « j’ai cru quelques temps que Nicolas Sachy était grand… C’est sans doute un grand dans la victoire, mais un petit dans la défaite ». N’omettons pas l’importante contribution de R.F., de de Saint-Pol-sur-Mer, qui préfère orienter le débat vers quelque chose qui n’a rien à voir : « [Nicolas Sachy] oublie qu’à aller, l’injuste expulsion de Grégory Wimbée avait donné 2 points à Sedan ». Une posture assez proche de celle de M.F., de Flines-lez-Raches, qui après avoir dit tout le mal qu’il ou elle pense de Nicolas Sachy, en profite pour poser la question que personne ne se pose à ce moment-là : « et pourquoi vouloir un stade de 30 à 40 000 places alors que nous n’étions que 15 500 spectateurs pour recevoir le leader ? »
Bref, Nicolas Sachy, c’est un mauvais, c’est caca, c’est pas LOSC, c’est même « contre le LOSC », et tant mieux s’il ne veut pas jouer à Lille, selon R.F d’Auberchicourt : « qu’il se rassure, le LOSC a Grégory Wimbée et n’est certainement pas preneur au mercato. Voilà ce que je pense et… c’est mon choix », l’occasion de souligner que l’année 2000 a vu le lancement, sur France 3, d’une émission de « débat » dont la logique est assez similaire à ce que nous observons : une affirmation fracassante ou une position « hors-norme », volontairement choisie pour sa capacité à polariser des « opinions » dont la logique d’expression, en retour, aboutit bien souvent à la prime aux plus outrancières. Un format dont on peut en partie trouver l’origine dans le football au moment où, ce sport prenant une place médiatique grandissante dans les années 1990, ont essaimé çà et là des émissions comme « on refait le match » sur Europe 1. Le décès d’Eugène Saccomano a opportunément permis de poser la question de son « embarrassant héritage », aujourd’hui généralisé sur les chaînes d’information en continu, quand il s’agit de parler de politique.
Jérôme Latta, sur le site Arrêts sur Images, à propos du talk-show de Saccomano
Pour résumer : une déclaration maladroite, point de départ d’une myriade de réactions épidermiques qui ne cherchent pas à comprendre son contexte d’énonciation, et qui autorise les jugements tactiques, personnels et psychologiques sur une personne, sans compter ce qui est à côté de la plaque. Aucun doute : certains lecteurs ont tendance à s’engluer (des Ardennes) dans des interprétations insensées. Et bien entendu, cette énergie et ce temps ne servent pas à prendre un peu de recul sur des évolutions plus lourdes du football, à propos desquels, précisément, Nicolas Sachy et le LOSC de cette époque sont de parfaits contre-exemples qu’il aurait été plus opportun de louer, au lieu de s’indigner d’une rafraîchissante déclaration au premier degré et de foncer tête la première dans le mur. Manquer sa cible à ce point et s’en prendre à ceux qu’on devrait défendre, ça défoule et puis la semaine d’après, plus personne ne se rappelle de ce qu’il s’est passé.
Sauf que, cette fois…
…l’intéressé répond ! S’il fallait trouver une confirmation que Nicolas Sachy n’est pas un joueur ordinaire, voilà de quoi alimenter cette thèse. Qu’il lise la Voix des Sports (ce qui semble peu probable) ou qu’on lui ait signalé l’abondance du courrier qui lui était destiné, cette démarche est peu banale. En guise de cadeau de Noël, voici donc ce qu’on peut lire dans le journal du 25 décembre :
« Après la lecture du courrier des lecteurs de la Voix des Sports du 18 décembre, je voudrais préciser que je n’ai rien contre le LOSC ni ses joueurs (Wimbée est un des gardiens que je mets le plus souvent en avant dans Téléfoot). Les gens m’ont mal compris. Mes propos se résument seulement au match Lille-Sedan, où il est vrai que Lille m’avait paru très en dessous de niveau habituel, et non sur l’ensemble de la saison, car je sais que l’on n’est pas en haut du classement sans joueurs ni jeu de qualité.
Pour ce qui est du second but encaissé, j’avais trouvé vaine une course de 80 mètres, qui n’aurait de toute façon pas empêché ce but.
Lille, comme Sedan, pratique un jeu offensif, et je pourrais aussi bien y jouer.
Etant Nordiste d’origine, je me réjouis donc des résultats de Lille et de Lens cette année. J’aime cette région. D’ailleurs, je viens passer mes deux semaines de vacances à Dunkerque pour Noël, et je vais faire les magasins à Lille.
Joyeux Noël et bonne année sportive à tous ».
On trouve également dans le courrier des lecteurs de ce 25 décembre une réaction de F .M., de Charlevilles-Mézières, qui apporte son soutien à Nicolas Sachy : « vous ne connaissez pas Nicolas Sachy, chers lecteurs, pour vous permettre de le critiquer aussi violemment. Il est toujours comme ça et c’est tant mieux. C’est le gros rayon de soleil à l’image de toute l’équipe de Sedan d’ailleurs, de notre championnat de France. Vive le beau jeu et Sedan et Lille en coupe d’Europe ! »
Aux dernières nouvelles, Nicolas Sachy est à la tête d’un « bar d’ambiance » à Charlevilles-Mézières. C’est sur l’excellent site Foot d’avant que nous avons appris cette information, et avons eu le plaisir de lire les propos de Nicolas Sachy retraçant sa carrière.
Quant aux lecteurs et lectrices qui se sont bien défoulés sur l’instant, nous n’avons pas de nouvelles. On peut imaginer qu’ils et elles ont un compte twitter très actif, ou participent à des émissions de radio interactives sur le sport, qui contribuent quotidiennement à donner plus d’ampleur à des histoires qui n’en valent vraiment pas la peine. Il est bien dommage, hier comme aujourd’hui, de voir autant de personnes et de médias consacrer tant de temps, tant d’espace et tant d’énergie au football vu par le petit bout de la lorgnette.
Posté le 1 février 2020 - par dbclosc
« LOSCiser la vie »
Un match ou deux par semaine, c’est bien trop peu. Mais quand on le veut, on peut rendre losciste le quotidien. Les fidèles de notre blog ont déjà déménagé en masse suite à nos conseils immobiliers, en s’installant rue François Bourbotte ou à proximité du stade Marceau Somerlynck. En outre, ces mêmes fidèles choisissent désormais leur destination de vacances en fonction du tour de France que nous leur avons suggéré, permettant de découvrir les sympathiques bourgades de Plestan, Peyrelade, Le Landreau ou Peyrieu.
Dans les années 1970, le Parti Socialiste avait un projet de société : « changer la vie ». Eh bien sur ce modèle, sachez désormais que nous vous offrons de nouvelles ressources dans notre grand projet : « losciser la vie ». Quel(le)s professionnel(le)s consulter ?
Souci d’argent ? Problème juridique ? Maux d’estomac ? Kilos en trop ? Faire de la politique ? Découvrir des arts, comme la photographie ou la musique ?
Tous les domaines de la vie sont concernés ! Alors prenez votre répertoire et notez le nom des professionnel(le)s suivant(e)s :
Santé/Soin du corps
Déprime passagère suite à une défaite du LOSC, noeud à l’estomac à l’approche d’un match à fort enjeu, nausées en vous remémorant la saison 2017/2018, le docteur Fabien Leclercq vous remettra d’aplomb à la vitesse d’un déboulé d’Eric Assadourian !
> 3 rue Roger Salengro, 59112 Annoeullin. Téléphone : 03 20 85 57 32
Qui veut se reconvertir dans la médecine ?
Problèmes de poids, allergies alimentaires… La diététicienne Silke Demeyere est là pour vous ! Elle exerce en Belgique Flamande, à Mortsel. Attention à ne pas vous prendre un tacle au passage ! Allez voir son site Internet !
> Sint-Benedictusstraat 47, 2640 Mortsel. Téléphone : +32 495 18 23 57
Allez voir son site Internet !
Mais n’oubliez pas non plus l’excellent Benjamin André, diététicien nutritionniste, un récupérateur qui vous aidera à récupérer !
> 13 Rue Louis Frédéric Rouquette, Quartier des Beaux-arts, 34090 Montpellier. Téléphone: 06 19 80 73 95. Site Internet.
Soin aux animaux
Il était un renard des surfaces, sa reconversion l’a conduit vers les chevaux : Clément Garcia est maréchal-ferrant dans l’Hérault ! Vous pouvez également lui rendre visite si vous êtes à cheval sur les principes : soyez donc ponctuel(le).
Bâtiment/Jardin
Philippe Desmet, désormais retiré en Belgique, a mis à profit les premières années de sa retraite sportive en s’établissant comme maçon à Lille : il faut dire qu’il était déjà bien bâti. Une psychanalyse approfondie a permis de révéler que cette reconversion était due au fait qu’il a contourné un nombre considérables de murs sur coup-franc : pour compenser, il a souhaité en construire de nouveaux. Il a cessé cette activité en 2000.
Pour une pelouse en parfait état, n’hésitez pas à contacter Michel Beck, qui propose un matériel de qualité pour l’entretien de votre jardin.
Une vocation découverte lors d’un Lille/PSG qui fit souffrir la pelouse de Grimonprez-Jooris
Culture/Arts
Les arts et la culture sont bien entendu indispensables dans ce monde difficile et incertain ! Pourquoi ne pas s’évader en écoutant un magnifique récital du ténor Ignacio Prieto ? Un gars qui en impose sur la scène aussi bien qu’en défense centrale !
Pensons également à écouter le chanteur Christophe Avril, qui interprète l’indispensable Ballade à Lille :
La musique permet également de se lâcher voire de servir d’éxutoire, quand on se sent trop frustré(e). La pratique de la batterie, très physique, est idéale pour évacuer les tensions. Pensez à prendre des cours avec le batteur Hervé Gauthier, dont les qualités de formateur ne sont plus à prouver ! Vous pouvez le contacter directement sur sa page facebook.
Sensibles au Beau, les supporters et supportrices du LOSC ont l’oeil artiste ; leurs joueurs aussi ! Ne dit-on pas que certains gardiens font des arrêts « pour la photo » ? Cela tombe bien, Jean-Marie Aubry est un photographe « amoureux de la nature », joignable très facilement. Pour vos photos de mariage, de baptême, de PACS, ou pour tout autre événement dans lequel vous embarquez des gens qui n’en ont parfois rien à faire, pensez au photographe Hector Tapia !
Vous aimez les arts manuels ? Stéphane Dumont est ébéniste ! On se rappelle d’ailleurs qu’il avait déjà touché du bois en fin de match à Villareal en 2005, ainsi s’explique cette belle reconversion. L’artiste Gérard Soler, plus complet, travaille le bois et toutes sortes de métal !
Si vous aimez davantage le théâtre, les pièces dans lesquelles joue le comédien Gérard Lopez sont pour vous ! Et comme Gérard Lopez est très riche, ça fait pas mal de pièces.
Philosophie
Vous avez davantage l’âme d’un(e) intellectuel(le) ? Plongez-vous dans les œuvres complètes du philosophe René Girard ! Son dernier livre, paru en 2011, Géométries du désir, est entièrement consacré au ballon rond, et notamment à Roger Carré, à Cédric Carrez et à Johnny Ecker, avec une surreprésentation défensive assez frappante.
Gestion/Finance/Marketing/Conseil
En matière financière, mieux vaut avoir affaire à des hommes de confiance : voici dressé le portrait de Patrick Collot, à votre service pour ses analyses et son expertise, du côté d’Epinal.
Dôté de plusieurs casquettes, Stéphane Dumont est également consultant marketing ! Analyser les marchés avec quelqu’un qui a une forte endurance, c’est l’idéal.
Droit/Politique
Julie Dufour est aussi à l’aise à droite, qu’à gauche ou au centre : rejoignez-là en politique et allez aussi de gauche à droite et de droite à gauche, sans oublier de ratatiner vos adversaires ! C’est pour nos ami(e) expatrié(e)s, car Julie Dufour est conseillère municipale au Québec.
Mais que nos lectrices et lecteurs fidèles à la France se rassurent : Julie Dufour est aussi avocate à Besançon et peut régler vos litiges, avec votre voisin lensois par exemple. Voici son site internet, qui vous prouvera qu’elle est aussi bonne en défense : https://www.juliedufouravocat.fr/
Toujours en politique, Anthony Garcia est membre du Parlement de Trinité-et-Tobago, bravo à lui. Il a même été nommé ministre de l’éducation.
Il a un peu changé mais on reconnaît bien ses traits
Humanitaire/Charité
Très belle générosité de Guy « moustache » Lacombe, qui profite de sa récente retraite dans une province du Canada (l’Alberta) pour aider des familles à « optimiser en français leurs connaissances, leurs habiletés et leurs compétences pour atteindre leur mieux-être ». C’est tout le sens de la mission de l’Institut auquel il a donné son nom. Voici le site Internet de l’Institut Guy Lacombe de la famille.
Sport
Cédric Carrez est devenu un pionnier du freeride : rejoignez-le dans cette pratique extrême ! Il est désormais connu sous le pseudonyme de Pouky et a notamment marqué le célébrissime Enduro World Series de Val d’Isère.
Si vous passez par Miami, allez donc dire bonjour à Fred Machado, Executive Coach spécialisé en Leadership Development !
Automobile/Mécanique
Cet aperçu de notre projet « LOSCiser la vie » demande des déplacements parfois coûteux ou difficiles à effectuer pour votre vieille voiture. Qu’à cela ne tienne ! Le garage Lauricella, en Moselle, répare votre voiture et vous propose de belles occasions de toutes marques.
Posté le 18 décembre 2019 - par dbclosc
Réflexions sur le racisme dans les stades
Qu’est-ce qu’être noir ou perçu comme maghrébin en France, aujourd’hui, quand est évoquée la question du racisme, dans les stades ou ailleurs ? C’est voir se multiplier les réactions qui symétrisent le racisme dont ils peuvent faire l’objet avec celui que peuvent subir les Blancs, c’est-à-dire qui établissent une équivalence entre racismes et leurs effets. Ainsi, à la publication sur le site lequipe.fr, le 13 octobre 2019, d’un article portant sur les cris de singe racistes dont a été victime Kalidou Koulibaly, une partie conséquente des commentaires s’inscrit dans cette rhétorique. Il en est par exemple ainsi de Gaulois.eu quand il affirme : « on comprend Coulibaly [sic], on dénigre Ménez [re-sic] qui évoque pourtant le même sujet, mais l’inverse ne rentre pas dans la pensée unique ».
Il y a là une certaine ironie à qualifier de « pensée unique » le discours qui s’oppose à celui de Gaulois.eu quand on voit, en réalité, l’omniprésence des prises de position qui symétrisent les pratiques racistes commises à l’égard des Blancs et celles commises à l’égard des non-Blancs. Ceux qui dénoncent la « pensée unique » semblent à bien des égards être les premiers à l’appeler de leurs vœux, à condition, bien sûr, qu’elle aille dans le sens de leurs certitudes.
Précisons-le d’emblée, le propos de ce texte n’est pas de nier l’existence d’actes discriminatoires envers les Blancs – même s’il est essentiel de les recontextualiser dans l’ensemble des discriminations existantes – et ils sont, bien entendu, tout à fait dégueulasses. Qu’on soit blancs ou non-blancs, il est tout à fait intolérable d’imaginer que nos enfants puissent être rejetés et dénigrés en raison de leur couleur de peau ou, d’ailleurs, pour toute autre de ses caractéristiques (y compris s’il ont les pieds carrés (1)). Pour autant, tout en admettant cela, il faut faire preuve d’une sacrée dose de mauvaise foi pour ignorer que la probabilité d’être confronté de manière récurrente au racisme et d’en subir d’importantes conséquences est bien plus élevée pour les non-Blancs que pour les Blancs. Si l’on doit dénoncer toute acte de discrimination, on ne peut faire l’économie de la réaffirmation d’effets profondément différenciés de ces discriminations sur les réalités quotidiennes des individus.
Asymétrie quantitative et relations de pouvoir
Certes, il n’est pas inutile de rappeler que la bêtise raciste n’est pas « naturellement » réservée aux Blancs. Pour autant, en se limitant à ce discours, on met en équivalence les réalités sociales des Blancs et des non-Blancs alors même que les seconds sont beaucoup plus lourdement touchés par le problème.
Et pourtant, avec ses initiales, Kalidou Koulibaly était bien parti pour plaire aux suprémacistes blancs
Il s’agit, d’abord, d’une réalité tout simplement mathématique. Ainsi, savez-vous que, dans l’hypothèse où les membres de deux groupes commettraient strictement autant d’actes racistes à l’égard des membres de l’autre groupe, comment on peut calculer le différentiel de victimation de l’un et de l’autre groupe ? Tout simplement en ramenant le rapport de taille des deux populations au carré. En l’occurrence, sachant qu’en France il y a environ 7 Blancs pour 1 non-Blanc, on peut calculer que, à propension égale à commettre des actes racistes, les non-Blancs subissent 49 fois plus fréquemment d’actes racistes que les Blancs (c’est-à-dire 7 au carré). Il ne s’agit là que d’une bête question de probabilité statistique que les Blancs qui dénoncent la « pensée unique » ne veulent pas voir : à pratiques discriminatoires égales, les membres du groupe minoritaire subissent bien plus lourdement ces discriminations.
Ceci étant, la différence d’expérience de victimation ne tient pas uniquement à une asymétrie quantitative mais dépend également des rapports de force entre les différents groupes sociaux. La question n’est pas seulement celle des actes subis que celle de la capacité à les faire dénoncer et reconnaître comme illégitimes au sein de la société. Et sur ce point, pas de pitié pour les membres du groupe dominé (2) : on s’en rend sans doute assez mal compte en tant que Blanc, mais les peurs les plus irraisonnées que nombre d’entre eux peuvent nourrir rencontrent un écho assez remarquable au regard des faits sur lesquels elles s’appuient. La peur du « communautarisme » en est une claire illustration.
De quel « communautarisme » parle-t-on ?
Parmi les discours les plus irrationnels qui peuvent se développer avec succès dans l’espace public, celui sur le risque de « communautarisme » occuperait sans nul doute une bonne place. On voit ainsi resurgir avec régularité ce discours mettant en exergue le fait que certaines populations, notamment si elles ont étiquetées comme musulmanes, ne souhaiteraient pas s’intégrer.
L’ « analyse » pourrait faire sourire si le sujet n’était pas si grave. En substance, la dénonciation du « communautarisme » vient stigmatiser les Musulmans (et, par extension, ceux qui seraient « suspects » d’en être (3)), qui devient un groupe ethnicisé, pour le refus de se confronter à la culture dominante alors que, d’une part, ils sont au contraire bien plus fréquemment dans la situation d’être en interaction avec des membres d’autres groupes sociaux que ne le sont les Blancs, et que, d’autre part, le fait qu’ils se concentrent spécifiquement dans certains espaces sociaux est une réalité qu’ils subissent du fait même des structures de la société dans laquelle ils vivent. Qui croit ainsi sérieusement que la concentration de ce qu’on appelle les « minorités visibles » dans certains quartiers populaires est le produit d’un choix rationnel et souhaité de leur part ?
On voit à son oeil vif et pétillant que Pierre Ménès est sur le point de nous livrer son analyse sur le racisme anti-blancs dans les stades et d’expliquer à quel point les bras lui en tombent
Il y a indubitablement quelque chose qui relève du déni, dans le sens fort du terme, à dénoncer le « communautarisme » d’une population donnée tout en appelant de ses vœux à l’exclusion de ces mêmes populations de différents espaces sociaux au nom même de ce « communautarisme » supposé. La récente polémique sur le voile l’illustre jusqu’à la caricature : on exclut une femme de l’accompagnement de sorties scolaires parce qu’elle porte un bout de tissu sur la tête et, en parallèle, on vient justifier cette exclusion au nom des risques que sa présence pourrait faire peser sur les enfants ce qui relève de toute évidence d’un large fantasme : ne serait-ce qu’en raison de cette stigmatisation dont elles font l’objet, les femmes qui portent le voile subissent davantage de suspicion, ce qui, d’une part, limite les risques d’expressions de pratiques prosélytes et, d’autre part, limite également le risque de de telles pratiques ne soient pas repérées le cas échéant.
Avis de recherche : 100 000 $ de récompense pour qui retrouvera le footballeur pro blanc victime de racisme
Pour en revenir à la question du racisme dans les stades, on a récemment vu fleurir les discours qui, en parallèle de l’évocation des nombreux cris racistes dans les stades à l’égard de joueurs noirs, rappelaient l’existence de faits de « racisme anti-blancs » sur certains terrains amateurs. « Amateur », il faut le préciser, car on aurait bien de la peine à trouver ne serait-ce qu’un exemple de tels chants/actes racistes anti-blancs proférés dans les stades de football professionnel.
En premier lieu, la question n’est pas de savoir si cela est plus ou moins grave, mais le simple fait que les fameux actes de racisme « anti-blancs » n’aient jamais lieu dans les stades où jouent les clubs professionnels devrait nous interpeller.
Que veut-dire cette différence dans les lieux d’expression de ces racismes ? Tout simplement, qu’il y a un racisme (principalement celui à l’égard des Noirs) que certains se sentent la force d’exprimer publiquement devant des dizaines de milliers de personnes et devant les caméras de télévision, quand l’autre ne s’exprime que dans certains contextes beaucoup plus spécifiques et qu’il exige pour exister la présence d’un groupe de pairs se ressentant eux-mêmes bafoués par l’expérience récurrente des discriminations.
Il s’agit là d’une différence fondamentale. Elle n’exonère personne de ses propres propos, mais la prise en compte de cette réalité est la condition sine qua non à une lutte réelle et potentiellement efficace contre le racisme.
Racisme édenté VS Racisme dominant
À propos des actes racistes que pouvaient commettre des Noirs à l’égard de Blancs, Albert Memmi avait parlé de « racisme édenté ». L’image vient alors souligner que si cette forme de racisme existe bel et bien, il s’agit d’une forme de racisme d’abord réactionnel (certains ont parlé de « contre-racisme »), pour partie inoffensive (en tout à l’échelle de la totalité des membres du groupe) et, en quelque sorte désespérée, dans le sens où il s’agit d’abord de l’expression d’une exaspération résignée plutôt que d’une volonté de maintenir l’autre la tête sous l’eau.
Ce « racisme édenté », qui peut parfois s’exprimer à l’égard de Blancs, peut s’avérer très cruel et nombre de ceux qui liront ce texte le comprendront, parfois à travers leur propre expérience. Il n’empêche, si la dénonciation de ce type de faits est nécessaire, elle ne peut être lue que comme une hypocrisie « bien pensante » (4) si elle ne s’accompagne pas d’une prise de conscience de l’asymétrie profonde existante quant aux conséquences du racisme selon sa couleur de peau : si l’on trouve choquant que des petits perçus comme Maghrébins puissent exclure des petits Blancs en raison de leur origine supposée, ne doit-on pas en parallèle parler d’un scandale à propos de ce que vivent au quotidien nombre des premiers nommés ?
Si l’on veut sérieusement lutter contre le racisme, il est nécessaire de resituer les actes qui en sont l’expression dans leurs différentes significations qui prennent ancrage dans une histoire de longue date. Ainsi, le cri de singe n’est pas une insulte ou une moquerie comme une autre : la pratique s’inscrit ainsi dans un passé pas si lointain où l’Occidental percevait le Noir comme un être inférieur et réactualise alors cette lecture des choses. Elle ne fait pas que blesser, comme d’autres insultes, elle infériorise.
Quand la fin justifie les moyens racistes
Il y a quelques semaines, l’attaquant de l’Inter Milan Romelu Lukaku a été victime de cris de singe de la part des supporters de Cagliari alors qu’il devait tirer un pénalty. Les représentants des Ultras de l’Inter se sont alors empressés de publier un communiqué dans lequel … ils enjoignaient Lukaku à ne pas interpréter ces cris comme racistes ! Loin de soutenir leur attaquant, les supporters intéristes venaient lui expliquer sa méprise.
Ce qui m’apparaît comme l’une des dimensions les plus violentes de ce texte est que le propos est tenu en toute bonne foi. On n’est pas dans le cas de figure du petit enfant pris la main dans le pot de confiture qui, tout honteux, vient expliquer que en réalité c’est le chat qui s’est servi dans le cellier tout en sachant pertinemment la réalité. Non, ici, c’est tout à fait sincèrement que ces supporters viennent expliquer que les fameux cris racistes – pardon, les méthodes de « déstabilisation » – sont tout à fait légitimes : ils ne traduiraient aucune idéologie mais ne constitueraient qu’un usage « instrumental » visant à maximiser les chances de réussite de leur équipe.
Pourtant, avec certaines lettres de son nom, Lukaku avait tout pour plaire aux suprémacistes blancs
Là ou le bât blesse, c’est que même si l’on voulait bien admettre que les supporters en question n’étaient pas racistes pour un sou, on ne peut que constater qu’ils défendent une conception selon laquelle tout est permis pour l’emporter. En quelque sorte, on pourrait traduire le communiqué par la formule suivante : « nous ne sommes pas racistes, mais si cela peut nous permettre de l’emporter, nous n’hésiterons pas à attiser les braises du racisme ». La violence de cette conception des choses réside dans le fait que ceux qui la défendent ne semblent pas percevoir la contradiction entre la réaffirmation de la nécessité de lutter contre le racisme – car cela est affirmé dans le communiqué – et la défense d’une pratique jouant sur une conception explicitement infériorisante des Noirs. Par extension, cela ne serait donc pas raciste si, pour l’obtention d’une promotion, nous jouions sur les stéréotypes racistes pour évincer un concurrent ?
Une phrase de ce communiqué est éloquente pour illustrer les mécanismes psychologiques qui expliquent ce déni: « Soyez assuré que ce qu’ils disent ou font à un joueur noir adverse n’est pas ce qu’ils diraient ou feraient dans la vie réelle ». Pour des raisons qui m’échappent, le supportérisme ne serait pas la « vie réelle » : dès lors, puisque cela n’a aucun effet sur le réel, alors pourquoi se priver de mobiliser les moyens les plus abjects ?
L’élitisme militant antiraciste au service du racisme ?
Cette analyse ne vise pas pour autant à exonérer de leurs propres responsabilités nombre de militants se disant « anti-racistes » qui, effectivement, se contentent d’un discours dénonciateur et moralisateur plutôt qu’ils ne cherchent à expliquer ce qu’ils veulent dire, à supposer, d’ailleurs – ce dont je doute franchement – qu’ils le sachent eux-mêmes. À bien des égards, ceux d’entre eux qui tombent dans ces biais ne font que reproduire ce qu’ils dénoncent : la certitude d’ « être dans le vrai », d’être « du bon côté », sans pour autant se donner la peine de comprendre les racines profondes du racisme, n’est en effet certainement pas l’apanage des « racistes » par rapport aux « anti-racistes ». Il s’agit là d’une faute morale de la part de ce type d’anti-racistes dans la mesure où, en l’absence d’une réflexion sur la manière dont leurs discours pourrait être réappropriés par ceux qui cèdent aux discours racistes, se satisfont d’une représentation d’eux-mêmes comme appartenant à une élite éclairée. Ceux-là, à bien des égards, se satisfont de l’existence du racisme : sans lui, ils ne seraient plus ces êtres intellectuellement supérieurs, mais de simples communs des mortels dans un monde sans racisme.
Le plus grand drame de ces fractions du mouvement anti-raciste réside sans doute dans cette tendance à d’abord travailler à renforcer son outillage conceptuel qu’à se poser la question des conditions de la réception de son discours par les non-initiés : pour ces derniers, à mesure que l’argumentation de ces militants développe de nouveaux concepts, le discours apparaît alors toujours plus ésotérique. Mon propos n’est pas de contester l’intérêt d’une consolidation des concepts des militants, mais bien de souligner que ceci peut avoir des effets contre-productifs si l’on ne se soucie pas de la manière dont ceux qui ne sont pas a priori militants peuvent comprendre ces concepts. En faisant ce travail d’explicitation, on peut espérer rallier à sa cause d’autre militants en devenir. À défaut, on met toujours plus à distance les non-militants et l’on s’enferme au contraire dans un entre-soi se vivant comme le mouvement des purs contre le reste du monde.
On voit fleurir ce type de discours y compris au sein des sciences sociales : certains se sont ainsi faits les spécialistes de la traque du racisme dans les moindres propos, quitte à regrouper sous une même appellation de propos « racistes » des propos franchement racistes comme d’autres qui ne peuvent être étiquetés comme tels qu’à la condition de contorsions intellectuelles franchement malhonnêtes. Ceci ne peut alors qu’aboutir à brouiller la compréhension du racisme puisque sont rangés sous une même bannière raciste le fait d’imiter des cris de singe à la vue d’une personne noire comme, par exemple, le fait de porter une critique à l’égard du discours (hautement critiquable) du Parti des Indigènes de la République (5). Ceux-là ont un rôle tout à fait essentiel dans le maintien du racisme dans la mesure où ils divisent le mouvement antiraciste en mettant chacun en demeure de choisir son camp : le leur ou celui des racistes.
La lutte antiraciste implique alors d’abord une grande réflexivité par rapport à ses propres prises de position en la matière. Une position réellement antiraciste ne se mesure pas à la fidélité au dogme mais à ses effets concrets sur le racisme : la virulence dans la dénonciation du racisme n’est donc pas un critère pertinent pour juger de son propre antiracisme.
FC Notes :
(1) Ce qui pourrait s’appeler la « morphopodophobie » Mot-valise composé à partir de « morpho » (forme), « podo » (pieds) et « phobie » (peur), qui désigne la peur ou l’hostilité à l’égard de ceux qui ont une forme de pieds hors-norme, en l’occurrence carrée.
(2) Parler de « groupe dominé » à propos des non-Blancs ne vise pas à contester l’existence de profondes différences en matière de pouvoir au sein de ce groupe mais à souligner une probabilité plus faible pour les membres de ce groupe à exercer ce pouvoir.
(3) Les Musulmans constituent un groupe « ethnicisé » en ce sens où ils ne sont pas perçus comme les croyants d’une religion avec toute la diversité de pratiques qui en découlent potentiellement mais comme un groupe fortement homogène d’un point de vue culturel et assimilant sans distinction ledit groupe à une religion. A contrario, les catholiques ne sont assimilés à aucun groupe ethnique.
(4) Il y a une certaine ironie dans le fait que ceux qui réagissent aux articles sur le racisme en mode « nous aussi les Blancs on subit ça » accompagnent fréquemment leurs commentaires d’une dénonciation de la « bien pensance » – laquelle se caractérise par le fait de se placer du côté des « gentils » sans se donner la peine de mener une analyse contextualisée de ce qu’ils dénoncent – alors même que leurs discours présentent précisément les propriétés de cette bien pensance.
(5) Exemple choisi entre mille, un doctorant (blanc) en sciences sociales m’avait affirmé que « même le Monde Diplomatique deviennent racistes ». À l’appui de sa thèse, une simple critique d’une prise de position des Indigènes de la République : n’est-ce pas là une brillante démonstration de paternalisme que de refuser, au nom de la lutte anti-raciste, aux non-Blancs le droit à être honnêtement critiqués ?
Posté le 30 septembre 2019 - par dbclosc
Où (s’)investir en France quand on aime le LOSC ? Nos conseils immobiliers
Envies d’ailleurs ? Litige avec un voisin ? Pas de couverture 4G ? Nuage industriel sur vos têtes ?
Il y a 1001 raisons de vouloir déménager. Il y en a moins de bien déménager. Suivez nos conseils : nous proposons un recensement à peu près exhaustif des rues et équipements sportifs qui portent le nom d’un ancien joueur du LOSC.
Un sondage exclusif DBC/IFLOP portant sur les nouvelles stratégies devant l’immobilier indique que près de 86% des personnes interrogées déclarent choisir leur lieu de résidence en fonction d’affinités footballistiques. Autrement dit, quand les Français investissent dans l’immobilier, ils le font de plus en plus en fonction des noms de rue et des noms d’équipements sportifs qu’ils trouveront à proximité, noms qui les rassurent car ils ont bien souvent bercé leur enfance et leur imaginaire. À Lille, les possibilités de cette stratégie immobilière sont assez réduites, car aucune rue ne porte le nom d’un ancien footballeur du LOSC. On trouve en revanche, étonnamment, une rue au nom d’un ancien footballeur de Guingamp : rue Carnot.
Les fans et les nostalgiques des Dogues préféreront alors s’installer le long des bords de la Deûle, à proximité des anciens stades Henri-Jooris et Grimonprez-Jooris, où les fantômes du passé rôdent auprès des péniches et des bouteilles en plastique. Depuis 2019, l’espace vert sur lequel se situait le stade a été officiellement baptisé « plaine Félix Grimonprez ». Il n’était certes pas footballeur, mais le « Grimonprez » de Grimonprez-Jooris, c’est lui. Hockeyeur (sur gazon), trois fois champion de France (1927, 1928, 1936), il est mort en défendant Calais le 26 mai 1940.
Mais à deux pas de là, sur la commune voisine de Lambersart, se trouve l’allée Jean Baratte. Lambersart est la ville natale du meilleur buteur de l’histoire du LOSC, et ses parents tenaient une brasserie, La Laiterie, non loin de là. Nous préférons vous prévenir : si la vie est douce et paisible à Lambersart, il faut souvent y mettre le prix. L’allée Jean Baratte n’est ouverte qu’aux résidents, qui vivent ainsi dans une sorte de ghetto de riches.
À notre connaissance, cette allée est la seule de la métropole lilloise à porter le nom d’un de nos glorieux anciens. Il faut ensuite aller vers… le bassin minier si vous souhaitez investir tout en rendant hommage au LOSC. Ainsi, à Loison-sous-Lens, vous pourrez loger dans la rue Bourbotte, du nom de François Bourbotte, ancien illustre joueur et capitaine du SC Fives, de l’équipe « Lille-Flandres » du régime de Vichy, de l’éphémère Stade Lillois, et bien entendu du LOSC, avec qui il réalise le doublé coupe/championnat en 1946. Si le « grand François » est ainsi mis en valeur, c’est là aussi un hommage de sa ville natale. À ses débuts, il avait même défendu les couleurs de Bully-les-Mines.
Enfin, un peu plus loin dans la région, nous vous conseillons d’acheter ou de louer une résidence de vacances sur la côte, à Étaples-sur-mer, dans la rue Jules Bigot, grand buteur de l’Olympique Lillois durant l’avant-guerre, et également auteur de quelques buts pour le LOSC après-guerre, après des passages à Marseille et à Saint-Etienne. Sa présence à Etaples est un mystère pour nous, à tel point que nous nous sommes demandés s’il ne s’agissait pas en fait de Jules Le Bigot, dont la présence serait tout aussi peu explicable, mais qui a au moins la particularité d’avoir été amiral, donc dans une ville avec un port de pêche, ça se tient. Mais a priori il s’agit bien de « notre » Jules Bigot : si vous avez une explication, nous sommes preneurs.
Et c’est tout pour les noms de rue, a priori. Méfiez-vous des contrefaçons : la place Georges Berry dans le 9e à Paris ne désigne pas le nom du premier entraîneur du LOSC mais un député parisien du début XXe.
On peut s’étonner que la ville de Lille n’ait jamais eu l’idée ne serait-ce que d’une impasse Junior Tallo, mais c’est ainsi. La ville de Roubaix, elle, compte une allée et un stade Maurice Maertens, du nom d’un footballeur du Stade Roubaisien du début du XXe siècle, mort au combat à Ypres en 1914. Lens a une allée Marc-Vivien Foé, juste à côté du stade Bollaert. L’attribution des noms de rue étant une compétence municipale, nous pouvons faire quelques suggestions à Madame la Maire, fidèle lectrice de notre blog et qui, avec le nom qu’elle porte, sait très bien ce qu’elle doit au LOSC et à Jean-Marie : Madame Aubry, pourquoi ne pas attribuer la rue Saint-André et la place Saint-André à Benjamin André ? Deuxième suggestion, pourquoi ne pas ajouter un « o » à la rue de Turenne, pour en faire la rue de Tourenne ? Franchement, une lettre sur quelques panneaux, ça pèse combien dans le budget d’une grande ville comme Lille ? Troisième suggestion, la rue du petit paon ne pourrait-elle pas être baptisée rue du petit pont, en hommage à nos attaquants virevoltants ?
Si les noms de rue offrent donc un choix limité aux supporters du LOSC pour s’installer en France, il est possible d’adopter une autre stratégie. Les équipements sportifs, quand ils ne s’appellent pas Pierre de Coubertin, portent bien souvent le nom de sportifs. Cela offre de nouvelles possibilités pour mettre en valeur des Dogues et, à ce jeu-là, le LOSC s’en tire bien mieux que pour les noms de rue. C’est ainsi que de nombreux fidèles du LOSC investissent à proximité de ces équipements, afin de les fréquenter et de socialiser correctement leurs enfants. En somme, ils investissent pour s’investir. Voilà l’occasion d’un autre pèlerinage à travers la France, après celui que nous avons proposé à propos des noms de ville inspirés par le LOSC.
D’abord à Lille même : bien entendu, rappelons l’existence passée des stades Henri-Jooris et Grimonprez-Jooris. Si on a vu plus haut qui désignait Grimonprez, Henri Jooris fut notamment président de l’Olympique Lillois.
Aujourd’hui, la ville de Lille comprend deux équipements sportifs notables : le stade Julien Darui, avenue Duray (Saint-Maurice), et le complexe sportif Jean Baratte, rue Anatole de la Forge (Fives). Julien Darui fut gardien de but à l’Olympique Lillois, dans l’équipe « Lille-Flandres », au LOSC, puis à Roubaix. Considéré comme un des premiers gardiens de but prenant une part active au jeu, il compte 25 sélections en équipe de France et a été élu « gardien du siècle » par le journal L’équipe en 1999.
Ailleurs dans la métropole, les plus nostalgiques d’Henri-Jooris pourront trouver un peu de réconfort en se rendant à Seclin : s’y trouve un effet un stade Henri-Jooris, toujours debout celui-là. Saluons la ville de Ronchin, où vécut Marceau Somerlinck, joueur le plus capé du LOSC, après sa carrière de joueur. La ville dispose désormais d’une salle Marceau Somerlinck, rue Victor Schnoelcher. Il y a près de 2 ans, 4 individus ont tenté d’y mettre le feu, probablement des Lensois à la solde d’un immonde complot. À Marquette-lez-Lille, il est possible de s’amuser sur le stade Jean Van Gool. Jean Van Gool, né à Marquette, fut gardien du LOSC à partir de la fin de l’époque dorée : il gagne avec les Dogues une coupe de France en 1955, puis un titre de champion de D2 (1964). L’Union Sportive de Saint-André joue sur le terrain synthétique Joseph Jadrejak. Ancien joueur de Fives, de « Lille-Flandres », puis du LOSC dans les années 1940, Jadrejak entraîne même les Dogues en 1969-1970, après la perte du statut professionnel.
Mais les hommages ne sont pas réservés aux disparus : depuis 2016, à Wattignies, on peut s’entraîner sur le stade Mathieu Debuchy ; et à Dechy, depuis 2017, c’est sur le stade Yohan Cabaye que les futurs champions du LOSC sont formés. Gros big up à la sympathique ville de Dechy qui compte aussi un stade Guillaume Bieganski. Bieganski joua au LOSC de 1951 à 1959 et y remporta un championnat la même année que sa participation à la coupe du monde (1954) et deux coupes de France (1953, 1955)
Toujours dans le Nord, à Proville, le stade Jean Vincent se trouve voie D’Hermenne : Jean Vincent fut champion de France et double vainqueur de la coupe de France avec le LOSC.
Jean Vincent a aussi marqué le Pas-de-Calais, ce qui nous permet de poursuivre notre tour de France en nous éloignant de Lille, pour celles et ceux qui souhaiteraient investir plus loin : né à Labeuvrière, Jean Vincent a porté le maillot d’Auchel dans les catégories cadets et juniors. On trouve donc aussi un stade Jean Vincent à Auchel. Tout près, à Bully-les-Mines, le stade André Strappe, sur lequel jouent les jeunes de Bully et du FC Charcot, rend hommage à ce natif de Bully, vainqueur de 3 coupes de France (dont 2 avec Lille) et d’un titre national avec le LOSC. À 40 kilomètres de là, à Beaurains, 41 Hameau des épis, se trouve le complexe sportif François Bourbotte, à propos duquel nous écrivions plus haut qu’il était natif du coin.
Quittons la région : à Audun-le-Tiche (Moselle, 57), un autre stade Julien Darui (qui est l’annexe du Stade Fauchère) vous accueille. C’est dans cet bourgade que Darui a passé son enfance. À Fidelaire (Eure, 27), pensez à visiter le stade François Heutte ; à Villetaneuse (Seine-Saint-Denis, 93) le stade Bernard Lama, 40 rue Edouard Vaillant ; à Le Grau du Roi (Hérault, 34), le stade Michel Mézy ; pas loin de là, à Marsillargues (34), le stade Christian Coste ; à Saint Brevin (Loire-Atlantique, 44), encore un stade Jean Vincent : il y vivait en retraite, après avoir entraîné Nantes.
La Seine-Maritime (76) nous « offre » deux stades : à Lillebonne, un stade Jules Bigot ; et à Sainte-Adresse (76), un stade André Strappe, où le buteur s’est établi après sa retraite sportive. S’il a bien sûr marqué les esprits à Lille, André Strappe a également contribué à la grandeur passée du Havre : capitaine de l’épopée de 1959, il est le premier à brandir la coupe de France avec les Ciel et Marine. Il a ouvert un magasin de sport Strappe Sports à Sainte-Adresse : si André Strappe nous a quittés le 9 février 2006, l’enseigne a été reprise et porte toujours son nom, au 100 rue de Paris.
Comme pour les noms de rue, méfions-nous des imitations : les quelques « RAMI » que nous pouvons trouver dans la métropole lilloise (à Lille, Lomme ou Hellemmes par exemple) ne sont pas des hommages à notre facétieux Adil, mais désignent des Relais d’Assistantes Maternelles Indépendantes. Toutefois, rien ne vous empêche de vous installer à proximité et d’entretenir l’idée d’un lien avec le LOSC auprès de vos ami(e)s mal informé(e)s.
Ainsi s’achève ce tour de France, qui devrait nous donner des idées. Nous en appelons là aussi à la mairie, même si son pouvoir sur des commerces privés est moindre, mais pourquoi ne pas nommer
_un centre de pressing Idrissa Gueye ?
_un hôpital Marvin Martin ?
_un chenil Florent Balmont ?
_un cabinet de cardiologie Fernando D’Amico ?
_une boucherie Milovoje Vitakic/Ricardo Costa associés ?
_un centre éducatif fermé Vahid Halilhodzic ?
_une école de la deuxième chance Thierry Froger ?
_un magasin de Farces et Attrapes Joseph Zacharias ?
_une discothèque Rio Mavuba ?
_un magasin de tricot Sofiane Boufal ?
_un magasin d’armoires à glace Pascal Cygan ?
_fournitures scolaires Johnny Ecker, spécialisées dans la géométrie ?
_une association d’entraide entre voisins Baptiste Guillaume ?
_une école de communication Marcelo Bielsa ?
Nul doute que Madame la Maire trouvera dans ces quelques suggestions de bon sens de quoi valoriser le club-phare de la région, tout en gérant habilement les flux de population à sa guise, selon leurs intérêts. Qu’elle n’oublie pas que les supporters sont aussi des électeurs, et que Violette Spilebout nous suit sur twitter depuis ce week-end. Nous sommes attentifs à la campagne électorale qui débute, et nous tiendrons nos (é)lecteurs au courant.
Posté le 10 août 2019 - par dbclosc
Grimonprez-Jooris, laboratoire arbitral
Si nous sommes aujourd’hui familiarisés à l’idée que les arbitres de football communiquent entre eux via micros et oreillettes, ce dispositif n’a été généralisé en L1 qu’à partir de la saison 2003/2004, sur la base d’un test considéré comme réussi au cours d’un match de la saison précédente : c’était Lille/Nantes, le 9 novembre 2002 au stade Grimonprez-Jooris.
L’histoire du rôle des arbitres de football peut-être celle d’une institutionnalisation qui passe par une position toujours plus centrale et des compétences toujours plus élargies1. De simple garant du temps à la fin du XIXe à désormais acteur que l’on souhaiterait omniscient et infaillible au point qu’on l’ « assiste » de paire d’yeux supplémentaires pour être informé de ce qu’il n’aurait pas vu, l’introduction de l’arbitrage vidéo a doté l’arbitre de football d’une quasi-capacité d’ubiquité2. Si la capacité d’intervention grandissante des arbitres concerne principalement des faits de jeu (introduction de l’avantage, arrêter le match en cas de blessure d’un joueur…), les débats relatifs à l’arbitrage et son évolution se sont plus récemment axés sur l’aide à la décision, que ce soit par la participation d’arbitres supplémentaires (d’abord un 4e arbitre, puis des arbitres de surface) ou l’assistance technologique. Et sur ce dernier point, on peut dire que le stade Grimonprez-Jooris a été un haut lieu de l’évolution du football : d’abord de façon clandestine et officieuse, il a été le premier endroit au monde (sauf si on nous informe d’un précédent…) où le football professionnel a eu recours à la vidéo : c’était le 21 septembre 2002, un Lille-Guingamp au cours duquel Mme Viennot a fait changer d’avis son collègue arbitre central après avoir, probablement, vu l’action en vidéo sur la touche, on en avait parlé ici ; moins de deux mois plus tard, c’est cette fois de manière officielle que Grimonprez-Jooris va servir de laboratoire.
Ce diable de Christian Jeanpierre
Pour la première fois en France et dans le football, les arbitres vont être équipés d’oreillettes et de micros « HF », un système déjà en vigueur dans le rugby depuis une dizaine d’années. Le dispositif appellé « système d’arbitrage techniquement assisté » sera testé par Laurent Duhamel, arbitre central, et Philippe Bombart et Alain Dutheil, arbitres-assistants. À l’origine de l’initiative, Christian Jeanpierre, rédacteur en chef de l’émission Téléfoot sur TF1. Le 10 novembre 2002, le président de la FIFA, Joseph Blatter, sera l’invité de l’émission : à cette occasion, CJP souhaite organiser un événement inédit et contacte alors Michel Vautrot, président de la commission centrale des arbitres. Vautrot n’a rien contre l’idée, mais il indique qu’il a besoin d’autorisations de la la FIFA et de l’International Board. En fait, ce n’est pas nécessaire : Bernard Saules, ancien arbitre et désormais représentant des arbitres au conseil fédéral souligne que « ce n’est pas un appui extérieur, comme la vidéo. Rien ne précise dans le règlement l’interdiction pour un arbitre de porter un micro et une oreillette ». Mais s’agissant d’autorisation, « mieux Vautrot que pas assez ». Donc c’est OK : tous les accords, notamment ceux des deux clubs concernés, sont obtenus ; TF1 obtient un accord pour un montage de quelques minutes dans Téléfoot (voir plus bas) ; la commission centrale des arbitres a un droit de regard sur les images sélectionnées afin de ne pas aller vers du sensationnel. L’expérience est estampillée « LFP » et, par diplomatie, son président Frédéric Thiriez demande tout de même l’accord de la FIFA, précisant ensuite qu’il a « l’aval personnel » de Blatter. Le jour du match, Christian Jeanpierre explique la démarche à une quarantaine de jeune arbitres du CREPS de Wattignies : « il y a 3 grands axes. Le premier vise à un meilleure communication entre les arbitres eux-mêmes. On ne peut plus se contenter d’un bip sur le drapeau de touche. Ensuite, ça devrait améliorer les rapports entre les arbitres et les joueurs. Grâce aux micros, on pourra entendre les insultes proférées par les joueurs, ce qui devrait sérieusement les limiter. Enfin, le micro permettra à l’arbitre de justifier, d’expliquer ses décisions. C’est l’aspect pédagogique vis-à-vis du public ». Pour Michel Vautrot, « l’objectif est simplement de voir ce que ce système pourrait apporter. Dans un car-régie, on pourra constater les éléments à charge et à décharge. C’est davantage un travail de recherche, de progression. On nous reproche d’être conservateurs, mais nous sommes simplement prudents. Les Anglais ont déjà essayé l’oreillette et ils n’ont pas conservé l’idée. Donc on verra bien ce qui ressort de cette expérimentation ».
On n’a pas trouvé d’éléments nous permettant d’avoir quelques pistes sur les intérêts qu’auraient TF1 ou CJP en personne à faire ça, ni dans quelle mesure « l’initiative » de TF1 aurait été suggérée par d’autres acteurs, ni dans quelle mesure une telle expérience accélère une évolution en la rendant inévitable alors qu’elle n’est présentée que comme un « test », mais bref, on va en rester aux faits que l’on a, c’est-à-dire des réactions, plutôt satisfaites.
Les enjeux sportifs
Et puis c’est l’occasion de parler de notre LOSC adoré. D’ailleurs, pourquoi est-ce match qui a été choisi, outre que parce que le LOSC est grand, le LOSC est beau ? On ne sait pas, donc on va se contenter de cette explication. Lille reste sur 3 années exceptionnelles, mais le début de cette saison 2002-2003 est plus laborieux, car bien des changements sont intervenus à l’intersaison, on en parlé ici et là. Après une reprise de championnat très dure, le LOSC s’est depuis 2 mois installé en milieu de tableau, et reste sur 4 victoires consécutives à domicile, dont une très probante contre Marseille. La semaine précédente, Lille s’est incliné à Bastia (0-1), mais Puel a affiché une certaine satisfaction de voir son équipe prendre une certaine consistance collective. Le LOSC est 12e, à 7 points de la zone de relégation, et à 7 points du leader. L’enjeu pour les Dogues est de confirmer la bonne tendance et de passer dans la première moitié de tableau.
Les Nantais, eux, sont dans la mouise : 16es avant ce match, ils restent sur 6 matches sans victoire, et ont perdu 5 de leurs 6 derniers matches à l’extérieur.
Côté effectifs, à Lille, Sterjovski, Tapia, Chalmé et Beck sont blessés, tandis que D’Amico est suspendu. À Nantes, Moldovan et André sont convalescents, Da Rocha est suspendu, tandis que Makukula, Quint et Laspalles sont écartés.
Voici les compositions de départ et leur évolution :
Lille
Wimbée ; Pichot, Delpierre, Abidal, Tafforeau ; Bonnal (Boutoille 65e), Landrin, N’Diaye, Cheyrou (Makoun 81e) ; Manchev, Moussilou (Brunel 65e)
Nantes
Landreau ; Delhommeau, Yepes, Gillet, Savinaud, Armand ; Djemba, Berson, Ziani ; Pujol (Dalmat 64e) Vahirua (Glombard 73e)
15 222 spectateurs sont présents, et souhaitent un joyeux 27e anniversaire à Djezon Boutoille.
Pas de panique dans l’oreillette
Le coup d’envoi est donné, et M. Duhamel a comme une gêne : les 800 grammes de sont appareil représentent une difficulté, vite évacuée : « bien sûr, au moment du coup d’envoi, j’y ai pensé, mais au bout de 2 ou 3 minutes, j’étais trop concentré dans ma partie pour y songer. Il n’y a donc pas eu de gêne ». Le micro de l’arbitre principal est constamment branché (les téléspectateurs pouvant même bénéficier de ses commentaires) tandis que les assistants doivent actionner un bouton placé à la ceinture pour se faire entendre. Les trois oreillettes fonctionnent en permanence. Le dispositif pointe des aspects méconnus d’un match de football à grande affluence, comme la multiplicité des échanges entre l’arbitre et les joueurs, ou entre les joueurs. Est-ce pour autant intéressant de les partager au-delà des acteurs de terrain ?
Au niveau du jeu, la première mi-temps est clairement lilloise, avec quelques situations intéressantes comme une frappe de Moussilou (14e), une autre, lointaine, de Bonnal (19e), et surtout un loupé de Landrin, seul après un bon travail de Moussilou et un relais de Manchev (21e). À la mi-temps, le score est de 0-0 et il y a de quoi être optimiste. Mais dès la reprise, les Canaris marquent par Ziani (50e). Ce n’est pas pour autant un hold-up car Nantes est bien compact et reste à l’affut d’erreurs adverses. Aux alentours de l’heure de jeu, un incident survient, relaté par l’un des assistants : « un deuxième ballon est entré sur l’aire de jeu, raconte Philippe Bombart. J’ai immédiatement appelé Laurent Duhamel pour lui signaler ». « Sans cela, j’aurais peut-être fait reprendre le jeu sans voir ces ballons » », complète L. Duhamel. Bon, ce n’était pas non plus le scandale des scandales si ça avait joué… On apprend également que l’intervention musclée de Pichot à la 71e (voir le résumé) a immédiatement été signalée comme valant un avertissement par Philippe Bombart, proche de l’action.
Dans le dernier quart d’heure, le public, jusque-là bruyant et festif, s’impatiente. Bonnal était déjà sorti sous les sifflets à la place de Boutoille (65e). Ce même Djezon va avoir la meilleure occasion du match à la 78e : un coup-franc de Cheyrou est faiblement repoussé par Landreau ; Boutoille, seul au point de pénalty, tente de lober le gardien nantais mais ça passe au-dessus.
Le LOSC n’obtient son premier corner qu’à la 86e.. Dans la foulée, Cheyrou tente d’obtenir un pénalty : « Non M. Cheyrou, non M. Cheyrou... » lui dit Duhamel ; « pas sûr » répond Benoît ; « eh ben moi je suis sûr » conclut l’arbitre, qui a gagné sur ce coup-là. Puis Djezon Boutoille s’effondre grossièrement alors qu’il semble en bonne position pour conclure. Djez’ a beau hurler « vous avez pas le droit ! », on ne voit pas trop comment lui donner raison, et c’est bien sa mauvaise foi qui transparait ici.
Les Nantais s’imposent au terme d’un match globalement confus, et sous les sifflets du public. On entend M. Duhamel dire à Stéphane Pichot : « allez M. Pichot, il y aura des jours meilleurs », ce qui fait dire à l’arbitre après le match, qui découvre ces images : « je fais aussi un peu de psychologie ». Non, ça c’est de la prophétie ; la psychologie est définie par le CNRTL comme la « science qui étudie les faits psychiques ». Alors, Monsieur-je-suis-sûr-de-tout ?
Un système auquel on prête l’oreille
Après le match, du côté des arbitres et de la LFP, on affiche sa satisfaction. Pour Michel Vautrot, qui a suivi le match avec Marc Batta et Frédéric Thiriez dans un vestiaire, « on a vu de bonnes choses. Il n’y a pas eu de couac. Techniquement, le son était très bon, on avait vraiment la sensation de vivre le match de l’intérieur. Peu de situations ont fait l’objet de discussions, donc il faudra attendre pour juger véritbalement l’intérêt de cette oreillette. Au fond, je crois surtout que ça humanise l’arbitrage ». Quant au principal intéressé, Laurent Duhamel, il est dans un premier temps très agacé de son tic verbal « ça va, ça va… ». Puis il déclare : « c’est difficile de tirer des conclusions avec seulement une heure et demie de test, mais nous l’avons utilisé une dizaine de fois pour diverses petits choses. Sur des changements, des fautes qui méritaient ou pas un avertissement. À l’avenir, ça peut éviter quelques contestations. C’est intéressant de ne pas avoir à se déplacer pour consulter ses assistants. On a un lien direct qui est assez rassurant. On prend les décisions plus sereinement. On évite ainsi les attroupements de joueurs et les contestations inutiles. C’est une expérience qu’il faudra renouveler à plus grande échelle pour véritablement juger des bienfaits ». Son assistant Alain Dutheil estime que « ce système va impliquer un changement d’attitude des joueurs. Tout ce qu’ils diront à un arbitre sera entendu. Ce ne sera plus la parole du joueur contre celle de l’arbitre ! De même, on reproche à certains arbitres de ‘chambrer’ les joueurs. Ce système pourrait amener plus de clarté à tous les niveaux ».
Un coup d’arrêt pour le LOSC
Finalement, le seul à ne pas être emballé est le président du LOSC, Michel Seydoux : « tout le monde a l’air heureux. Mais j’ai l’impression qu’on fait une messe avec un psaume. Je ne conteste pas l’intérêt de l’objet, mais je pense que ça aurait dû se faire sur tous les matches de la journée pour avoir un meilleur potentiel de jugement ». Il faut dire aussi que ces oreillettes sont bien le cadet de ses soucis. Le LOSC était à un virage, et il l’a très mal négocié, avec cette deuxième défaite consécutive. Si la première période a été bonne dans le jeu, les joueurs déplorent de ne pas avoir trouvé de solution face à la défense à 5 de l’adversaire. Par exemple, Grégory Wimbée souligne : « lorsqu’on a affaire à une défense regroupée, ça peut perturber. Peut-être aurions-nous dû varier davantage nos combinaisons pour éloigner les Nantais de leurs repères ». Mais Mchel Seydoux termine sur une note optimiste : « et si ces 2 défaites consécutives débouchaient sur 3 victoires ! ». Oui, ou 12, 17 ! Dans les faits, ce sera 2, puisque Lille s’en va gagner à Sedan dès la semaine suivante, pour sa première (seule) victoire à l’extérieur de la saison, avant de battre Lyon à Grimonprez 15 jours plus tard (2-1). La suite du championnat sera difficile, et le maintien sera acquis lors de la 37e journée.
Frédéric Thiriez s’emballe : « bientôt, on dira que cette première expérience a été un grand pas pour le football. Je vais présenter un projet plus ambitieux à la Fédération française et à la Fifa qui pourrait concerner une compétition comme la prochaine Coupe de la Ligue ». Il assure recevoir « des tonnes de lettres dans ce sens ». Non mais sérieux, Fredo ? En attendant, l’expérience des oreillettes est renouvelée dès le 4 janvier 2003 pour les 32es de finale de la Coupe de France, par la FFF donc. Pour le match-phare de ce tour (c’est-à-dire le seul qui oppose deux équipes de D1), TF1 propose la transmission du son en direct à la télévision. Au cours de Marseille/Bastia, on entend donc les propos d’Alain Sars, dans un match très correct. Pour Bernard Saules, c’est toujours le même argument qui justifie le recours à ce dispositif : « maintenant qu’ils savent que tout ce qu’ils vont dire peut être entendu par des millions de gens, les joueurs ont peur et se calment tout seuls ». ça rappelle un peu l’argument suivant lequel les pays qui appliquent la peine de mort auraient un taux de criminalité plus bas car « les criminels prendraient peur », alors qu’on constate bien souvent l’inverse, mais bon. Canal + suit aussi de près ce qu’il se passe : la chaîne fournit un micro à l’arbitre de Marseille/Lyon en janvier 2003, Pierluigi Collina. Mais son utilisation sera plus prudente, avec seulement un résumé des interventions proposé à la mi-temps et à la fin du match. Pour Karl Olive, le directeur des programmes sports de la chaîne, « il faut réfléchir à ce qu’on va donner à l’antenne. Laisser le micro ouvert à l’arbitre pendant tout le match n’apporte rien au téléspectateur et nuit aux commentaires. Il faut donner la parole à l’arbitre uniquement quand il se justifie d’une décision importante ».
L’essai est réédité lors des finales 2003 de la Coupe de la Ligue puis de la Coupe de France avant d’être pérennisé sur l’ensemble des matches de Ligue 1 dès l’ouverture de la saison 2003/2004, puis en Ligue 2 en 2004/2005. Seul bémol pour B. Saules : il trouvé M. Sars exagérément poli : « l’arbitre doit rester lui-même sur un terrain. Quand j’arbitrais, je ne me gênais pas pour dire à un joueur de la fermer et d’arrêter ses conneries. C’est aussi ça le jeu. Pas la peine de donner du Monsieur à chaque fois qu’on parle à un joueur parce qu’on passe à la télé. Cela ne fait pas très naturel ».
Régulièrement, des innovations sont apportées : au cours de la saison 2004/2005, tous les échanges sont désormais sécurisés et cryptés, la technologie sonore permet d’isoler les conversations du bruit du stade, tous les appareils sont ouverts et non plus seulement celui de l’arbitre central, et le boitier ne pèse plus que 120 grammes, avec une autonomie de 8 heures, sans piles.
Conservateur, Rudi Garcia préfère le téléphone portable pour interpeller l’arbitre : « Hep M. l’arbitre, donnez-moi une bonne excuse pour ma conférence de presse d’après-match ! »
À l’échelle européenne
Début 2006, la LFP s’enorgueillit que le système « français » soit désormais testé en coupe d’Europe. En effet, l’UEFA reprend en grande partie le dispositif jusque là utilisé en France. À l’occasion des seizièmes de finale de la Coupe de l’UEFA, quatre quatuors arbitraux disposent aussi d’un système de micro-oreillettes. L’UEFA a choisi les matches suivants, qui se jouent le 15 février : Bâle-Monaco, Schalke 04-Espanyol-Barcelone, FC Thoune-Hambourg et.. Lille-Shakhtar Donetsk. Depuis, le système a été généralisé, et on s’est habitués aux décisions arbitrales découlant de communication via l’oreillette. Parmi elles, la fameuse scène durant laquelle Zidane se fait expulser contre l’Italie en 2006. à moins que, comme l’affirme Raymond Domenech, ce soit la vidéo qui ne soit officieusement intervenue.
Qu’importe la méthode, on sait qu’elle a été inaugurée à Lille, à Grimonprez-Jooris.
Ah, au fait : Blatter s’est décommandé de Téléfoot, il avait d’autres obligations. Le sujet est tout de même diffusé. Le voilà.
FC Notes :
1 On pourra se reporter à cet article de Thierry Arnal, Hélène Joncheray et Ludovic Tenèze pour un aperçu de cette histoire : https://hal-insep.archives-ouvertes.fr/hal-01563276/document
2 Ce qui ne prémunit en rien face à de nombreuses difficultés d’où, précédemment, nos guillemets. Des arguments à lire ici : http://www.cahiersdufootball.net/article-manifeste-contre-l-arbitrage-video-7001
Posté le 1 août 2019 - par dbclosc
De Louis XVI à George Weah, comment le LOSC influence la politique mondiale
Le LOSC est prétexte à tout, et notamment à choisir son candidat/sa candidate favori.e lors d’une élection comme nous l’avons fait ici. Il est donc prétexte à parler plus généralement politique. L’arrivée au LOSC de Timothy Weah, fils de George Weah, président de la République du Libéria, est le dernier avatar d’une longue tradition : si les Dogues sont souvent engagés en Ligue des Champions, les membres de leur famille préfèrent s’engager en politique.
Après avoir relaté rapidement le parcours politique du père de Timothy Weah, qui confirme donc cette tendance, nous présenterons d’autres cas, moins connus, qui rappelleront que les Loscistes ont largement inspiré de grandes réussites politiques, tandis que certains proches des Dogues ont carrément occupé de très éminentes fonctions. De Louis XVI à George Weah en passant par Barack Obama et Martine Aubry, voilà comment le LOSC tente d’influer sur les grandes puissances du monde, pour atténuer la puissance du complot contre lui.
Timothy Weah, fils de George Weah
Timothy Weah arrive au LOSC avec une lourde dette à l’égard du LOSC : il se doit d’inscrire rapidement 6 buts pour la solder, 6 buts qui correspondent aux réalisations de son avant-centre de père contre le LOSC.
George Weah marque tout d’abord le championnat de France en se révélant à l’AS Monaco sous la direction d’Arsène Wenger, où il inscrit 47 buts, dont 3 contre le LOSC (le 1er août 1989 à Grimonprez : 1-1 ; le 24 août 1991 à Louis II : 1-0 ; puis le 18 janvier 1992 à Grimonprez : 1-2). Il signe ensuite au PSG en 1992 où, en 3 ans, il inscrit cette fois 32 buts, en étant notamment récompensé à la fin de l’année 1995 par l’obtention du ballon d’or. Sous les couleurs parisiennes, il inscrit encore 3 buts contre le LOSC, dont un malencontreux doublé en janvier 1995 au Parc (3-0). Il revient en France en 2000 en signant « joker » pour l’OM : il débute contre le LOSC, mais ne peut empêcher la victoire des Dogues (0-1) grâce à un but d’un avant-centre d’un autre calibre : Mikkel Beck. Dégoûté du foot après cet épisode, il se lance en politique. Il échoue d’abord à la présidence du Libéria en 2005, battu d’un cheveu par le même Mikkel Beck ; il échoue ensuite à la vice-présidence en 2011, avant de triompher en 2017, alors qu’il a été élu entretemps sénateur (en 2014). La signature de Timothy Weah marque un tournant dans les relations diplomatiques du LOSC, qui jusqu’alors s’étaient cantonnées à l’arène nationale, ou plus largement occidentale, avec les cas de Mme Merkel et de M. Obama (voir plus bas).
« Ma première décision de Président sera de soumettre à la Cour Pénale Internationale l’inscription de mes 6 buts contre le LOSC au rang de crime contre l’humanité »
José Saez, arrière arrière petit-fils de Louis XVI
En 2000, José Saez parvient jusqu’en finale de coupe Gambardella avec le LOSC. Il manque malheureusement le sacre, battu par d’infâmes bourguignons à quelques kilomètres de Versailles. Deux siècles plus tôt, son arrière arrière grand-père avait régné sur le royaume français, en tant que Roi de France (1774-1789) puis en tant que Roi des Français (1789-1792). D’abord connu sous le patronyme Bourbon, il prend l’appellation « XVI » pour faire Roi. L’épisode révolutionnaire est bien entendu décisif : pour faire plus populaire, il reprend l’un des patronymes de sa famille tout en étant dans la continuité monarchique : ce sera Saez, Louis Saez. Le subterfuge ne fonctionne pas : Louis Saez est décapité.
De son arrière arrière grand-père, José Saez a gardé une coiffure abondante. Ironie de l’histoire, il a un très bon jeu de tête.
Jean Baratte, inspirateur de Barack Obama
Meilleur buteur de l’histoire du LOSC avec (probablement) 228 buts, Jean Baratte symbolise la grandeur du LOSC d’après-guerre : sa réussite était telle qu’on disait de lui qu’il avait la baratta, version nordiste de la baraka. Surfant sur le succès de son petit génie, la famille Baratte, propriétaire de la guinguette La Laiterie, à Lambersart (ça c’est vrai), décide de renommer sa brasserie la Baraka Frites. L’usage de l’expression Baraka Frites est à ce point popularisé qu’on en oublie le nom originel, Baratte : même les plus anciens évoquent à tort la célèbre famille Baraque (traduit outre-Manche et outre-Atlantique par « Barack »). Devenu synonyme de réussite, le terme « Baraque » ou « Barack » est utilisé comme un atout dans les campagnes électorales par quelques personnalités politiques, le plus célèbre étant M. Obama, élu président des États-Unis en 2008 puis en 2012.
La légende raconte que M. Obama, proche du LOSC, aurait choisi comme pseudonyme de campagne « Obamayang » si Pierre-Emerick avait percé au LOSC avant son élection à la présidence.
Jean Van Gool, frère de Charles de Gaulle
Né à Lille, Charles de Gaulle a un nom prédestiné pour le football. Piètre tacticien sportif, (selon sa « certaine idée du football », il ne fallait jouer « ni à droite, ni à gauche »), il se lance dans le commentaire sportif sur la BBC avant de se réorienter dans la tactique militaire puis en politique. Alors qu’il est en pleine traversée du désert dans une IVe République instable, son frère, Jean Van Gool, garde les buts du LOSC à partir de la saison 1954-1955. Profitant de la blessure du titulaire Ruminski, il prend part à une fin de saison pénible en championnat, mais est également de la fête pour un nouveau sacre en coupe de France contre Bordeaux. Solidaire de son frère, dans la difficulté, Jean Van Gool stoppe sa carrière de footballeur professionnel à l’issue de la saison 1967/1968.
21 mai 1967, finale de coupe de France Lyon/Sochaux au Parc des Princes : par un extraordinaire hasard, le ballon dégagé par un défenseur niçois atterrit dans la tribune présidentielle, sur Charles De Gaulle lui-même, qui le renvoie… à la main, tel un gardien de but. Maintenant, on sait pourquoi.
Alain Copé, grand-oncle de Jean-François Copé
L’excellente polémique sur le pain en chocolat lancée par Jean-François Copé en 2013 doit beaucoup à la région : c’est en effet parce que la famille du maire de Meaux était installée depuis des générations dans le Nord que nous avons échappé à la « polémique sur la chocolatine », appellation plus sudiste du « petit pain ». La preuve, c’est que Alain Copé, oncle de Jean-François, a été attaquant des Dogues entre 1970 et 1972. Il a inscrit 16 buts pour le LOSC lors de sa première saison en D2, puis 8 lors de sa deuxième en D1. Le LOSC est malheureusement de nouveau relégué en 1972 : une lose tenace qui se traduit par un sondage auprès des supporters du LOSC réalisé en 2016. Seulement 0,3% des répondants le considèrent comme un « grand attaquant du club », la même année où son neveu réalisait un score similaire à la primaire de l’UMP.
Zarko Olarevic, inspirateur de Nicolas Sarkozy
« Sarko, Sarko ! » hurlait la droite en 2007 après l’élection de son chouchou qui parvenait enfin à réaliser un vieux rêve : faire semblant de venir de la gauche en mobilisant Jaurès dans la campagne, pour finalement virer très à droite. Cela ne rappelle-t-il rien ?
En 1979, les supporters lillois hurlaient « Zarko, Zarko ! » après que l’élégant gaucher serbe eut distillé 3 passes décisives contre Saint-Étienne : à chaque fois, le ballon partait de la gauche pour atterrir à droite vers Pleimelding (deux fois) et Cabral, pour une mémorable victoire 3-0. Il faut bien sûr voir dans la stratégie du candidat Sarkozy une inspiration directement puisée dans le LOSC de José Arribas et son superbe trio offensif Olarevic-Cabral-Pleimelding. Il ne faut dès lors pas s’étonner si c’est lors du quinquennat sarkozyen que le LOSC a réalisé un nouveau doublé coupe/championnat.
François Brisson, arrière petit neveu de Henri Brisson
Henri Brisson n’est pas la plus connue des personnalités politiques françaises : elle a pourtant occupé à deux reprises l’équivalent du poste de Premier ministre sous la IIIe République (en 1885 puis en 1898) ; il fut trois fois président de la Chambre des députés (de 1881 à 1885, puis de 1894 à 1898, et enfin de 1906 à sa mort en 1912) ; et aussi Ministre de la Justice et Ministre de l’Intérieur. Cette polyvalence dans une République hyper-centriste dont les gouvernements s’allient tantôt avec la droite, tantôt avec la gauche, est un trait caractéristique de la famille Brisson : quelques décennies plus tard, le petit François Brisson débute le football professionnel a PSG, où il alterne entre milieu et attaque, souvent à gauche, mais parfois à droite. Il fera de même durant toute sa carrière, faisant fi des rivalités et cherchant toujours la meilleure alliance : du PSG à Marseille, de Lens à Lille, sa volonté de ne froisser personne le pousse à un extrême-centrisme. Désormais au MODEM, François Brisson approuve tout autant l’accueil des réfugiés que la fermeture des frontières, l’allongement de la durée de cotisation que le départ à la retraite à 60 ans, etc. Comme il le dit si bien : « 1 partout, balle au centre ! ».
Amara Simba : le Roi Lion de la Bicyclette
« Je voudrais déjà être roi » chante Simba en 1994 dans un dessin animé. C’est oublier que Simba est à cette époque déjà roi, en l’occurrence de la bicyclette. Grâce à quelques retournés acrobatiques, il s’est en effet taillé la part du lion, ainsi qu’une belle réputation. Ces exercices l’ont toutefois sérieusement fragilisé puisqu’à son arrivée à Lille en 1995, il savait à peine marcher. Il n’empêche : après le décès accidentel de son père, renversé par des gnous, sa soif de pouvoir l’a poussé à combattre son oncle, qui a installé une dictature hyéniste et occupait illégitimement le trône de roi des animaux. Parvenu à ses fins, il a régné en Afrique durant presque 15 ans, avant qu’un autre animal, le Renard, ne gagne 2 CAN avec la Zambie puis la Côte d’Ivoire. Curieuse ironie pour le Simba, qui n’était pas un Renard des surfaces. Tout comme le Simba, le Renard n’a ensuite pas vraiment réussi à régner sur le LOSC, citadelle imprenable.
Antoine Sibierski dans le rôle de Rafiki pour un remake de « C’est l’histoire de la vie »
Jean-Marie Aubry, fils de Martine Aubry
C’est peu connu, mais le règne de Martine Aubry à la mairie de Lille depuis 2001 a été préparé en amont par son fils Jean-Marie qui, surfant sur sa popularité de footballeur, avait pour mission de préparer le terrain politique pour sa mère. L’histoire est simple : Martine Aubry est parisienne ; après de brillantes études à Sciences-Po Paris et à l’ENA, elle occupe divers postes au ministère du Travail et des Affaires sociales, ainsi qu’au Conseil d’Etat. En 1991, elle devient même ministre pour la première fois ! Oui mais voilà : pour atténuer son image de fille à papa, il lui faut un point de chute électoral. C’est Lille qui est choisi par la famille Aubry en 1995 : Martine sera d’abord adjointe au maire, et Jean-Marie gardera les buts. Logiquement, le succès du football popularise le nom « Aubry » à Lille et contribue à ancrer davantage Lille à gauche, car Jean-Marie est gaucher. Dès lors – et non Delors – Martine surfe sur la vague et devient députée du Nord en 1997. Elle est même de nouveau ministre ! Jean-Marie peut partir tranquille et quitter la République afin de rejoindre la principauté de Monaco en 1998 : sa maman devrait triompher. Et en effet, elle est élue maire de Lille en 2001, puis en 2008, puis en 2014, et apparemment elle voudrait recommencer en 2020.
Angela Merkel, correspondante allemande de la famille de Pierre-Alain Frau
Les Dogues ont toujours été malheureux contre des clubs allemands : Dortmund en 2002 (1-1 ; 0-0) ; Stuttgart en 2002 (1-0 ; 0-2) ; Aix-la-Chapelle en 2005 (0-1). C’est pourquoi le LOSC pense avoir du nez en engageant en 2008 Pierre-Alain Frau. Pierre-Alain Frau est né à Montbéliard, dans l’est de la France. La proximité géographique de sa famille avec l’Allemagne a toujours favorisé les échanges avec la RDA, d’autant que les Frau sont très démocrates. Or, la petite Angela Merkel vivait en RDA et a eu l’occasion de se lier d’amitié avec les Frau au cours d’un échange Erasmus : c’est de là qu’elle tire son surnom Frau Merkel. Depuis lors, elle s’est engagée à favoriser les clubs dans lesquels joue Pierre-Alain Frau, surtout si c’est contre des Allemands. Sinon, comment expliquer que Sochaux ait éliminé Dortmund en 2003 (2-2 ; 4-0), avec 2 buts de PAF ? Malheureusement, même parvenue Chancelière, Frau Merkel ne parvient pas à aider le LOSC, car les adversaires allemands s’en donnent à coeur joie contre le LOSC : Munich en 2012 (0-1 ; 1-6) et Wolfsburg en 2013 (1-1 ; 0-3). Comme on dit outre-Rhin : « Ich glaub mein Schwein pfeift ».
Vêtue des couleurs du LOSC, Mme Merkel salue la performance de Pierre-Alain Frau : « Was für ein Tor ! »
Eric Assadourian, aux racines de la dictature syrienne
Un bien mauvais exemple nous vient de Syrie. Le pays, à son tour gagné par les révolutions dites du « Printemps arabe » en 2011, demande le départ de celui qui avait déjà succédé à son père, dans un pays verrouillé et gangréné par la corruption. Cependant, Bachar se souvient très bien d’une banderole de Grimonprez-Jooris qui énonçait : « Assad ou rien« , référence à Eric Assadourian, que les supporters du LOSC vénéraient, même après son départ en 1995. Les dirigeants du LOSC ont alors appelé la Syrie en demandant à Bachar de ne pas céder aux pressions occidentales car c’est « Assad ou rien« . Bachar prit opportunément cette banderole pour lui et se maintient depuis au pouvoir par tous les moyens, bien qu’il les nie : répression, torture, utilisation d’armes chimiques… Une politique bien éloignée des valeurs du LOSC mais qui rappelle que la diplomatie est aussi un équilibre de la terreur : si le complot se manifeste trop, nous saurons répliquer.
Le LOSC développe ses activités au Moyen-Orient. Ici, Bachar présente le maillot third destinée au marché syrien.
Posté le 2 mai 2019 - par dbclosc
Jean Vincent, profession : footballeur
Grand buteur du LOSC puis de Reims, Jean Vincent est moins connu pour son excellent placement en dehors du terrain. Pourtant, à deux reprises, en 1947 devant la FFF puis en 1955 face à la direction du LOSC, il se distingue de façon spectaculaire par une attitude intransigeante pour que lui soient reconnus, en tant que footballeur, des droits : une position pionnière pour son époque, bien avant la création de syndicats professionnels.
On les appelle les « réfractaires » : ce sont les footballeurs du LOSC dont nous avons déjà eu l’occasion de parler dans de précédents articles. Il s’agit par exemple du Néerlandais Cor Van Der Hart, qui refuse de reprendre la saison 1954/1955 avec le LOSC, sauf si le club l’augmente de 10 000 francs : « réfractaire » selon le président Henno ; un an après, il s’agit de Jean Vincent, Yvon Douis et Bernard Lefèvre, qui refusent de prendre part au match de reprise de la saison 1955 entre Lille et Monaco : « réfractaires » pour La Voix du Nord. Leur tort ? Avoir réclamé le paiement d’une prime au nom de leur statut d’internationaux français (A pour Vincent, B pour Douis et Lefèvre).
Le CNRTL définit comme réfractaire une personne « qui refuse d’obéir, de se soumettre » et va chercher dans l’histoire révolutionnaire, militaire et politique du pays ses illustrations de l’adjectif. Est ainsi réfractaire « un prêtre qui avait refusé, pendant la Révolution, de prêter serment à la Constitution civile du clergé », le « conscrit qui refuse de se soumettre au service militaire obligatoire » et c’est encore « en 1941-44, sous l’occupation allemande en France, [un] résistant qui refusait le travail obligatoire en Allemagne ». Autant dire que le mot est fort et renvoie à des situations dans lesquelles il faut bien comprendre qu’être réfractaire est une faute. D’ailleurs, après avoir en partie renoncé à leurs revendications, la Voix du Nord évoque la « résipiscence » des trois « réfractaires », un terme issu du vocabulaire religieux et qui désigne, selon le CNRTL, une « reconnaissance de sa faute, avec la volonté de s’amender ».
Un contrat de travail entre un employé et son employeur est par nature inégalitaire. Mais c’est peu dire qu’à cette époque le rapport entre les footballeurs et leur club est inégalitaire. Si le championnat de D1 est professionnel depuis 1932, les relations entre employés et employeurs ne le sont pas vraiment. Concrètement, pas grand chose n’encadre juridiquement les intérêts des footballeurs : les joueurs sont liés à leur club par un contrat « à vie ». Durant cette période, le club dispose de son joueur à sa guise, décide de ses transferts sans son accord, et verse des salaires fixés avec le Groupement. En 1955, et a fortiori en 1947, on est encore loin de la création de l’UNFP (1961) ou de la déclaration fracassante de Raymond Kopa dans France Dimanche en 1963 : « les joueurs sont des esclaves », qui lui valut… 6 mois de suspension avec sursis.
Premières tentatives de défense collective dans les années 1930
Et pourtant, dès 1934, Marcel Langiler, vainqueur de la coupe de France avec l’Excelsior Athlétic Club de Roubaix en 1933, crée l’Amicale des joueurs professionnels. Son objectif déclaré est de défendre les intérêts des footballeurs, notamment en cas de blessure, mais la reconnaissance du métier de footballeur, les salaires et les transferts sont aussi au cœur du combat de l’Amicale. Une caisse, financée par des matches de bienfaisance, est mise en place. Marcel Langiler, internatioanl dès 1927, s’était fait remarquer lors d’un match France/Angleterre (0-6) joué à Colombes : avec ses coéquipiers, il avait présenté à la Fédération Française de Football (FFF) des notes de frais afin qu’ils se fassent rembourser leurs déplacements, et la FFF s’en était acquitté.
À l’automne 1936 est créé le Syndicat des joueurs professionnels de football, présidé par l’international Jacques Mairesse. Son but est de « grouper les joueurs de toute nationalité opérant en France dans le but de créer un organisme de défense des intérêts moraux et financiers des joueurs (…) Le Syndicat aura peut-être à intervenir lors de l’application de certains articles du règlement qui régit le football professionnel ». En janvier 1938, en réaction à sa non-reconnaissance par la FFF et pour demander une augmentation des salaires, le syndicat lance un appel à la grève, quelques jours avant un France/Belgique. Très hostiles au mouvement, la presse sportive et les dirigeants du football le mettent en échec1. L’entrée en guerre, la mort de Jacques Mairesse lui-même, abattu le 15 juin 1940 par l’armée allemande, marquent la fin du syndicat.
Après-guerre, quelques projets naissent çà et là sans aboutir. Un article du Monde daté du 14 octobre 1948 évoque ainsi une réunion entre dirigeants des clubs professionnels à propos du statut des joueurs. Entre autres idées, est évoqué un salaire minimum mensuel variable « selon l’Importance des villes », qui s’échelonnerait de 17.500 à 25.000 francs. Un joueur aurait aussi la possibilité de réclamer une « prime de valeur », dont le montant serait en accord avec son club : « si un joueur l’estime insuffisante, il aura la faculté de se faire porter, par l’intermédiaire du Groupement, sur la liste des mutations. Selon les propositions qui lui seront faites, son club aura la possibilité de le conserver, en lui offrant une somme équivalente, ou de le transférer. Dans ce dernier cas le montant du transfert sera fonction de l’âge du joueur. Il sera calculé en multipliant le montant de la prime offerte par 17 si l’Intéressé n’a pas vingt-cinq ans révolus, par 15 si son âge s’échelonne entre vingt-cinq et trente ans et par 19 s’il dépasse trente ans ».
Le LOSC, comme toujours à l’avant-garde
De nombreux épisodes de la vie du LOSC témoignent des tensions récurrentes entre la direction et ses joueurs pour des histoires d’argent. Rappelons-nous que notamment François Bourbotte fut viré en 1946 suite à une altercation avec le trésorier du club dans un train, de retour d’un déplacement en région parisienne, pou une histoire floue de note de buvette qui devait refléter un problème d’une autre ampleur ; quelques mois plus tard, le repas qui suit la victoire en coupe de France ressemble à « un repas d’enterrement où, dans une ambiance sourdement aigre-douce, on se chamaille autour de la succession du défunt » écrit Jacques De Ryswick, journaliste à L’Équipe, un quotidien sportif. En cause : la prime de victoire, jugé trop faible par les joueurs lillois. Un an plus tard, en mai 1948, le LOSC remporte sa 3e coupe de France d’affilée, mais a bien failli ne pas se présenter à Colombes : jusqu’au matin même du match, les joueurs, emmenés par Jules Bigot, réclament une prime de 75 000 francs en cas de succès, que le président Henno refuse de leur octroyer : ce ne sera « que » 50 000. En décembre 1949, les Lillois menacent de ne pas se rendre à Nice en championnat : leur ex-coéquipier Justo Nuévo, désormais au Havre en D2, leur apprend qu’il y gagne bien mieux sa vie… En sondant leurs camarades internationaux, les Dogues se rendent alors compte que leurs salaires sont bien inférieurs à la moyenne ! Ils obtiendront gain de cause avec une sensible augmentation. Et nous évoquions donc en début de texte le cas du « réfractaire » Van Der Hart : cette fois Henno ne veut rien entendre et se croit en position de force car il a trouvé un remplaçant à son solide arrière néerlandais : du moins, le croit-il car son Joseph Zacharias est en fait un imposteur. Quelques mois plus tard, alors que le LOSC est en fâcheuse posture en championnat, le président rappelle Van Der Hart et daigne lui accorder ses 10 000 francs mensuels supplémentaires, mais Corry réclame encore davantage et ne reviendra pas. Il est alors définitivement transféré au Fortuna Greelen pour la somme de 9 MF ce qui, pour la presse de l’époque, constitue la moitié de sa valeur marchande réelle.
La sélection, un « manque à gagner »
Bon, on avait pas annoncé un article sur Jean Vincent ? Si. Donc on voudrait désormais fournir deux illustrations de ces relations entre joueur et club, avec Jean Vincent, en 1947 puis en 1955. Jean Vincent est né en 1930 à Labeuvrière, à côté de Béthune, en plein bassin minier. Jean Vincent fait rapidement parler de lui pour ses talents de footballeur du côté de Labeuvrière, puis d’Auchel à partir de 1946, juste à côté. Il est même sélectionné à l’âge de 16 ans pour un tournoi juniors avec l’équipe de France à Rotterdam, que les Bleus remportent. L’année suivante, Gaston Barreau le sélectionne en équipe de France amateurs, pour jouer un match contre l’Angleterre, à Londres. Or, à cette époque, Vincent est employé au Service de construction des Mines et ambitionne d’étudier à l’école des Mines de Douai. À son retour d’Angleterre, au moment d’apporter une sorte de note de frais à la Fédération Française de Football, il ajoute quelques lignes originales : il demande en effet le remboursement de ses 4 journées de travail perdues à cause du déplacement, ainsi que le paiement de la prime de régularité dont toute absence à la mine faisait perdre le bénéfice. Il argumente sa demande en plaidant un « manque à gagner » dû à sa sélection. Ainsi, la démarche est assez proche de celle de Marcel Langiler 20 ans plus tôt, mais Vincent y ajoute une différence notable : le paiement des heures de travail perdues auprès de son employeur. La demande est d’autant plus audacieuse qu’elle se fait cette fois au niveau amateur ! La FFF est dans un premier temps scandalisée, mais finit par payer.
« Une belle tête de lard »
L’année suivante, en 1948, bon nombre de clubs s’intéressent à lui : Lens, le CORT, le Racing, le Stade Français, Troyes, inondent de coups de téléphone les mines d’Auchel pour attirer Vincent, qui a donné sa parole au LOSC, sur les conseils de son père. Durant cette même année, le LOSC vient jouer à Auchel. Avant le match, le Lillois Lefèvre est à la recherche d’un « pied de fer » pour fixer ses crampons. La Voix du Nord raconte : « Vincent, qui était en train de clouer les siens, n’aimait pas les professionnels. Lentement, tout en narguant Lefèvre, il monopolisa le pied de fer ». Dans le vestiaire lillois, Lefèvre s’énerve : « ce Vincent qui doit venir chez nous, c’est une belle tête de lard. Quel crétin ! Il se prend déjà pour Rastelli2 ». En 1949, Vincent signe une licence amateur avec les Dogues. Il commence à jouer avec la réserve du LOSC, se fait remarquer pour son habitude matinale « café au lait-camembert » et est toujours sélectionné, cette fois avec les militaires. Puis il devient professionnel en 1950. Dès sa première saison, en seulement 4 matches joués, il inscrit son premier but en D1, et participe même à la rocambolesque Coupe latine 1951 ; il en inscrit 14 la saison suivante, puis 8 en 1952-1953, année où il remporte sa première coupe de France. À Lille, il se révèle au poste de milieu axial offensif, en « 10 » comme on dirait aujourd’hui, tandis que le côté gauche, où il a surtout joué à Reims et en équipe de France, est occupé par Jean Lechantre puis par Bernard Lefèvre lors de son passage à Lille. Fin 1953, il découvre l’équipe de France A, et c’est du prestige qu’il y acquiert que va venir un autre conflit, cette fois avec la direction du LOSC.
Entre Jean Vincent et Guillaume Bieganski, la coupe de France 1953
Confirmations nationale et internationale
Sa première sélection en A date du 17 décembre 1953 : en vue de sa qualification à la coupe du monde 1954, la France affronte le Luxembourg. 4 Lillois sont titulaires : Pazur, Lemaître, Bieganski et, donc Vincent, qui après 10 minutes de jeu a déjà inscrit un doublé. Il offre en seconde période une passe décisive et la France s’impose 8-0. Près de 6 mois plus tard, en mai 1954, il honore sa deuxième sélection, à Bruxelles, contre la Belgique. En 1953/1954, il n’a inscrit que 4 buts, mais c’est toute l’équipe lilloise qui a peu marqué cette saison-là, ce qui ne l’a pas empêchée de conquérir le titre grâce à sa défense de fer.
En Belgique, c’est le dernier match de préparation avant l’annonce de la sélection pour la coupe du monde. Et là encore, il marque. Il est donc du voyage en Suisse (avec Ruminski et Lemaître). Si la France ne passe pas le premier tour, Vincent, auteur d’un nouveau but, est unanimement reconnu comme l’un des rares Français à avoir fait bonne figure.
Malgré la difficile saison du LOSC en championnat en 1954-1955, Vincent retrouve ses talents de buteur : 15 buts en championnat (dont 1 lors du barrage), et 5 en coupe (il marque en finale et remporte encore le trophée). Parallèlement, il ajoute 5 sélections à son palmarès, marquant notamment chez les champions du monde ouest-Allemands en octobre 1954, et confirme qu’il est l’un des meilleurs footballeurs de sa génération.
Guillaume Bieganski et Jean Vincent, avec la coupe de France 1955
La sélection avec « l’équipe du Continent »
Cette réputation va se traduire par la sélection de Jean Vincent dans « l’équipe du Continent » en août 1955. Voilà de quoi il s’agit : une équipe composée de joueurs évoluant en Grande-Bretagne rencontre une équipe composée de joueurs du « continent » (européen). Cette nouvelle tradition, dont la fréquence est aléatoire, connaît là sa 4e édition, et se déroulera à Belfast car la date coïncide avec les 75 ans de la fédération irlandaise (en fait, la fédération nord-irlandaise, l’Irish Football Association, voyez ici ce qu’on a dit sur son histoire). La Voix du Nord ne manque pas d’impertinence pour présenter l’événement : « à l’origine, ces rencontres avaient leur raison d’être. La Grande-Bretagne était l’incontestable maîtresse du football mondial. Mais son isolement, son manque de contact avec les types de football étranger, le rigorisme et le traditionalisme de ses méthodes ont provoqué rapidement la déchéance du football anglais. Étrillé par les Hongrois, étrillé en Suisse lors de la coupe du monde, étrillé récemment encore en URSS, le football anglais subira bien d’autres mortifications s’il ne se rend pas à des méthodes plus modernes, donc plus valables ». Par ailleurs, le quotidien régional moque la façon dont est composée cette équipe du continent « bâtie à la hâte, privée du concours des prestigieux Hongrois et des Allemands (qui ont estimé avec beaucoup d’orgueil ne rien avoir à apprendre des Britanniques), qui n’aura d’équipe que l’appellation. En fait, il s’agit plutôt d’un puzzle ». Il n’empêche : la VDN s’enorgueillit d’y trouver deux Nordistes : le Rémois Raymond Kopa, né à Noeux-les-Mines, et le Lillois Jean Vincent, né à Labeuvrière, à côté de Béthune, en plein bassin minier, on l’a déjà écrit. On n’avait pas eu de Nordiste dans cette équipe depuis 1947 : cette année-là, c’est Julien Darui, le gardien de Roubaix-Tourcoing (et ancien du LOSC), qui gardait la cage de l’équipe continentale3. Donc bon : la VDN se moque, mais elle est bien contente et voit là le signe incontestable que Vincent, le Lillois, est « le meilleur ailier gauche européen ». Voici la sélection complète, coachée par le Belge José Crahay, avec la présence dans les buts de l’Italien Buffon, dont la longévité au plus haut niveau est décidément exceptionnelle.
Pronostic de la Voix du Nord en ce 13 août 1955 : « les Anglais, avec leur légendaire étroitesse de vue tactique, auront beaucoup de mal à battre l’amalgame continental ». 60 000 personnes se massent dans les tribunes et exultent quand, à la 25e minute, l’Ecossais Johnstone lobe Buffon : 1-0 pour les Britannniques ! Mais 2 minutes plus tard, la « mixture continentale » égalise par… Jean Vincent : 1-1.
La seconde période est tout à l’avantage des « européens », qui ne concrétisent que dans le dernier quart d’heure grâce à 3 autres buts du Yougoslave Vukas. Score final : 1-4. Les « continentaux » ont fait la preuve de leur supériorité, Jean Vincent s’est particulièrement distingué : tout va bien, et le championnat va pouvoir reprendre.
Si l’on en croit la Voix du Nord, voici l’égalisation de Vincent, ici sur la gauche
Hé oui, c’est la reprise
Dimanche 21 août 1955 : c’est la reprise. Au stade Henri-Jooris, le LOSC reçoit Monaco, et a à cœur de renouer avec la victoire à domicile, ce qui n’est pas arrivé depuis janvier. L’effectif a peu changé lors de l’intersaison : seul Somerlynck a changé de statut, retournant au niveau amateur4. C’est donc désormais Michel Taisne qui est amené à être titulaire à sa place. Seule inquiétude : durant un tournoi de pré-saison aux Pays-Bas, Robert Lemaître s’est blessé au genou ; il sera remplacé au poste d’arrière gauche par Jacques Delepaut. En attaque, la VDN annonce que le public se réjouit à l’avance de voir évoluer Douis et Vincent, tous deux en « excellente forme » et qui « étonnent leurs partenaires, tant est grande leur réussite et leur forme ». Les regards seront particulièrement portés sur Jean Vincent : « le public lillois aura l’occasion de manifester sa sympathie à Jean Vincent, l’un des meilleurs (sinon le meilleur) ailiers gauches d’Europe, et qui vient d’être honoré d’une splendide sélection dans l’équipe du Continent ». Voici les équipes annoncées :
Mais à 15h, pas de Vincent, ni de Douis ou de Lefèvre dans le 11 de départ lillois. Ils sont respectivement remplacés par Walzack, Somerlynck et Lenglet. Les trois joueurs sont pourtant dans les tribunes et paraissent valides : c’est bien l’entraîneur, André Cheuva, qui les a écartés. Sportivement, la décision est difficilement justifiable : ce sont quasiment les 3 meilleurs éléments de l’équipe. Alors , quel est le problème ? Depuis son retour de sélection avec l’équipe du Continent, Jean Vincent est en dscussion avec ses dirigeants. Une nouvelle réglementation de la FFF lui a fait perdre une partie de la prime à laquelle il avait droit en tant qu’international. Il conteste le bien-fondé de la réglementation, et demande a minima que cette perte soit compensée par une augmentation de salaire. Ses coéquipiers Bernard Lefebvre et Yvon Douis, internationaux B, et donc potentiellement concernés par la même problématique, le soutiennent et rencontrent la direction du club.
Mais face à l’intransigeance de la direction, les 3 joueurs affirment dimanche midi qu’ils ne joueront pas contre Monaco. Cheuva, soutenu par sa hiérarchie, écarte volontiers les « réfractaires » et convoque en dernière minute Walzack, Somerlynck et Lenglet. À 14h, les 3 grévistes reviennent sur leur décision et se déclarent prêts à jouer : trop tard pour les dirigeants, qui laissent leurs joueurs sur la touche. Sur le terrain, les Dogues battent Monaco à l’issue d’un match médiocre : 2-0, doublé de Taisne (42e, 59e).
Mis à l’amende
Dans la semaine, la Voix du Nord revient sur « l’incident » et donne quelques détails. On apprend ainsi que Vincent, Douis et Lefèvre seraient « rentrés dans le rang » : « la loi, même injuste, est la loi » philosophe le journal. Certes, mais la loi est surtout le produit d’un rapport de forces bien peu favorable aux footballeurs, et très favorable à la direction du LOSC, qui a, dans un premier temps, pris les sanctions suivantes en attendant une convocation devant le conseil de discipline :
_Amende pour avoir manqué le rendez-vous de dimanche midi
_Amende pour avoir eu des réflexions désobligeantes à l’égard de l’entraîneur
_Amende pour avoir failli à l’esprit d’équipe.
Le quotidien précise qu’avec l’absence de la prime de match, les trois grévistes ont perdu entre 50 000 et 60 000 francs. La VDN dit d’un côté comprendre les revendications de Vincent (« il est vexant de voir échapper – à cause d’une nouvelle réglementation – un capital que l’on touchait du doigt ») mais salue la fermeté des dirigeants du LOSC qui « se sont engagés à respecter les salaires dictés par le Groupement ». Le problème semble précisément dans l’utilisation du verbe « dicter » : quelle place pour les revendications salariales des joueurs ? On se rend bien compte du caractère peu encadré de la situation (et de la toute puissance des clubs) quand on apprend que la direction du LOSC daigne bien plaider la cause de son joueur auprès du Groupement. Finalement, ce qui a surtout déplu aux dirigeants lillois, « c’est l’allure brutale, genre ultimatum, de leurs joueurs. Répétons que le fait de s’être présenté au stade à 14h mérite l’absolution. La faute n’était pas entière ».
En attendant, la Voix du Nord est elle-même embarrassée car elle reçoit « pas mal de lettres de lecteurs » mécontents que le journal n’ait pas prévenu de l’absence des internationaux ! Ainsi, M. Delgrange, résidant rue de Valenciennes à Lille, indique fort justement qu’ « avec ou sans vedette, le tarif est toujours le même pour nous ». Le journal se justifie : « les dirigeants [du LOSC] ont fait face à une situation imprévue. Déclenchée vendredi, l’affaire n’a pris corps que dimanche matin. Il était trop tard pour en informer le public. D’ailleurs, la plupart des dirigeants loscistes, plusieurs joueurs et la presse en général, ignoraient le différend ».
Le 25 août, Vincent, Douis et Lefèvre sont convoqués devant le conseil de discipline du LOSC, présidé par Henri Kretzschmar. L’ambiance est détendue, et le conseil de discipline se termine par un apéritif : « les trois footballeurs s’en tirent avec ne amende qui n’atteint pas les chiffres énoncés hier [15 000 francs chacun] et l’espoir d’une intercession de leurs dirigeants auprès du Groupement, afin de défendre leur cas, et d’obtenir une augmentation dont personne ne discutera l’équité. Car même si la qualité d’international A ne leur est pas officiellement accordée par une sélection, on admettra qu’en valeur absolue, ils méritent cette qualité. Ne serait-ce que par le truchement d’une comparaison avec d’autres footballeurs français, touchés par la grâce (parfois absurde) de la sélection ».
« Je ne veux pas être une cigale »
Après cet épisode, Jean Vincent expliquait son rapport à l’argent et faisait la preuve de sa connaissance des fables de Jean II La Fontaine en déclarant à la Voix du Nord le 28 août 1955 : « j’ai 25 ans. Notre métier va rarement au-delà de 30 ans. Sous mes yeux, j’ai l’exemple de quantité de camarades dont la carrière a été brutalement détruite. Albanési est tourneur, Stricanne pèse de la viande aux abattoirs. Et combien d’autres ont vécu la mésaventure. Le football nous a procuré quantité de satisfactions matérielles : je ne veux pas être une cigale. Ai-je tort ? ».
Cet été 1955 a eu une résonance profonde tout au long de la saison. Même si la version officielle soutient que les malentendus ont été levés et que les rapports entre joueurs et dirigeants sont au beau fixe, Jean Vincent garde quelque rancune à l’égard de son entraîneur. À l’automne, lorsque le sélectionneur, Paul Nicolas, appelle André Cheuva pour savoir s’il est opportun de faire jouer Vincent en équipe de France, l’entraîneur du LOSC répond par la négative, c’est à dire « non », arguant de la méforme de son attaquant. Mais à cause d’une fuite, Vincent tient Cheuva pour responsable de son éviction de la sélection et le prend à partie dans le vestiaire. On peut toujours extrapoler en se disant que cette ambiance est en partie responsable des mauvais résultats du LOSC et de sa descente en 1956… En tant que joueur, le dernier rapport de Jean Vincent avec le LOSC fut également conflictuel, reflétant encore une fois les rapports entre footballeur et direction de club : son transfert-record à Reims lors de l’été 1956 a été négocié dans son dos ! « L’épisode Zacharias nous a fait bien rire, d’autant que Louis Henno n’était pas toujours notre copain. Comment se faisait-il appeler déjà ? Louis XIV ? Louis XIX dites-vous, oui c’est ça. Quel personnage ! Quand j’ai été transféré à Reims, je lui en ai voulu. D’abord parce qu’il a tout arrangé sans me prévenir. Après il m’a dit : « pour ta prime de transfert, débrouille-toi avec eux, cela ne me regarde plus ». Ce fut surtout dur à encaisser car je venais d’ouvrir un magasin d’articles de sports et d’acheter une maison pour laquelle j’avais effectué un emprunt ».
Vers le contrat « à temps »
Fin 1956, le président Henno annonce à Gérard Bourbotte : « toi, tu vas rester toute ta vie au LOSC. Tu fais partie intégrante du club ». Surpris par cette déclaration péremptoire mais qui, dans un sens, peut l’arranger, Gérard en profite pour investir dans l’immobilier et achète une maison. 6 mois plus tard, Henno lui apprend qu’il est transféré à Strasbourg. « J’ai eu du mal à le digérer » dit Gégé ; en 1958, c’est André Strappe qui était transféré, à sa grande surprise, au Havre, après 10 ans passés au club ; en 1959, Fernand Devlaminck entre en conflit avec le LOSC, qui refuse de le céder, et reste 3 mois sans jouer, donc sans salaire : « tous les bons joueurs avaient été vendus et moi on voulait me conserver en 2e division alors que j’avais plein de propositions, de Monaco et du Racing Club de Paris notamment. Pourquoi ? Je ne sais pas, je ne comprenais pas ». On pourrait donner bien d’autres exemples qui ont scandé la vie du LOSC et, probablement, de tous les clubs professionnels de l’époque. C’est le reflet d’un temps où les joueurs n’ont comme levier que la possibilité de négocier une prime à la signature de leur contrat (la « prime de valeur » dont il est question plus haut), ce qui représente bien peu par rapport à 15 années (à peu près la durée d’une carrière professionnelle) au cours desquelles un club fait de ses footballeurs des « objets » qu’il « utilise à sa volonté » (ces expressions sont tirées d’un article du Monde de 1967) : « il s’ensuit alors cette véritable « traite d’hommes », pudiquement appelée « transfert », qu’il convient d’abolir ». À cette période – l’UNFP a été créée entretemps – on discute déjà de la création d’un contrat « à temps », visant à abolir la « toute-puissance féodale des clubs en instituant un système démocratique » (Le Monde, novembre 1967) : « ce contrat sera discuté cette fois par les deux parties (club et joueur) et pourra être établi pour un, deux, trois ans, etc. Il doit permettre un brassage réel de nos meilleurs footballeurs, en laissant à chaque joueur la possibilité de construire sa carrière et en éliminant les médiocres, dont le contrat ne sera pas renouvelé ».
C’est peu connu, mais Mai 68 a aussi concerné les footballeurs : c’est lors de ce printemps que le contrat à vie a été aboli. Le 22 mai, une centaine de footballeurs se rend au siège de la FFF et dénoncent un football soumis à l’argent et au bon-vouloir des présidents des clubs et de la Fédération.
Le 12 juin 1969, Michel Hidalgo, président de l’UNFP, obtient l’entrée en vigueur du contrat à durée librement consentie. Dans les faits, il faudra encore quelques années pour respecter la réglementation, mais le principe est acquis5. Nul doute que Jean Vincent, alors entraîneur en Suisse, n’y est pas pour rien.
FC Notes :
1 Ainsi, Henri Desgrange, directeur du quotidien L’Auto, écrit : « Ce que je n’arrive pas à comprendre, c’est la raison pour laquelle les revendiquants persistent à exercer une profession qui ne les nourrit pas, un métier qui n’enrichit d’ailleurs personne, et un métier qui leur impose d’avoir une autre occupation. Ne semblerait-il pas plus logique, si leur métier de joueur ne les nourrit pas suffisamment, qu’ils aillent exercer celui qu’ils faisaient auparavant ? Car enfin, de quel droit exigeraient-ils que le métier de joueur les fasse vivre ? »
2 Encrico Rastelli, un célèbre jongleur du début du XXe siècle, qui a la particularité d’avoir introduit des ballons de football pour ses jonglages.
3 Après sa carrière, ce Julien Darui a été engagé par le cirque Jean Richard : son numéro consistait à arrêter des pénalties sur la piste. Une reconversion toute trouvée pour Mike Maignan.
4 Il resignera très vite un contrat professionnel pour tenter de sauver les meubles durant la saison.
5 Et déjà se posent deux craintes, qui s’actualiseront sans cesse ultérieurement avec d’autres termes : « l’insécurité de l’emploi et le risque d’expatriation de notre élite, avec l’application du traité de Rome concernant la liberté du travail entre les pays du Marché commun »