Archive pour la catégorie ‘le LOSC est grand, le LOSC est beau’
Posté le 24 septembre 2020 - par dbclosc
Comme un air de déjà-vu
Ah, cet enfoiré de Germain qui coupe au premier poteau et nous fait concéder un but, comme l’an dernier à Pierre-Mauroy ! On avait l’impression non seulement d’avoir déjà vu cette action mais plus largement, depuis quelques minutes, d’avoir senti ce scénario à la con se dessiner. D’ailleurs, avez-vous remarqué ? C’est souvent le cas. Cette impression peut être assez fréquente pour les buts marqués par certains joueurs en raison de leurs caractéristiques techniques et de leurs préférences de jeu (pensons aux buts de Pépé de l’intérieur du gauche à ras de terre dans le filet opposé du gardien : à Nantes, contre Lyon, contre Nice, à Caen) ou pour d’autres buts correspondant au schéma préférentiels d’une équipe (les buts à l’époque Vahid qui venaient d’une déviation aérienne de Beck ou de Bakari), ou à des actions qui se sont répétées (faute sur Gervinho, pénalty et expulsion du défenseur adverse).
Mais il s’agit davantage ici de souligner des curiosités moins évidentes, qui parfois se répètent à plusieurs années d’intervalle : pensons par exemple aux victoires contre le PSG dans les années 1980, et une incapacité du PSG à gagner à Lille qui s’est en gros prolongée jusqu’à la reprise du club parisien par les Qataris (on en a parlé ici et ici).
Voyons donc quelques-uns de ces cas de « déjà-vu » dont nous a gratifié le LOSC.
La défaite à Nantes 0-1 sur un pénalty concédé par l’arrière gauche, expulsé (1997 et 2003)
En 2003, le LOSC commence à flipper : une mauvaise série au cœur de l’hiver le place sous la menace de la relégation. Lille, 15e, n’a que 3 points d’avance sur le 18e avant de se rendre chez le 6e, Nantes. Et ça ne va pas s’arranger : dès le début de la seconde période, Eric Abidal retient le maillot de Vahirua et l’empêche de conclure : pénalty et carton rouge. Nicolas Gillet transforme le pénalty et Lille s’incline 0-1.
Cette configuration rappelle ce qui est arrivé sur la même pelouse 6 ans auparavant. Le LOSC est là aussi en pleine dégringolade : après un premier tiers de saison exceptionnel, les Lillois se devenus relégables après une défaite à Caen début mars. Une victoire contre Nancy permet de respirer mais il faut désormais se rendre chez le 3e, Nantes. Et alors que Lille tient bien le coup, l’arbitre accorde un pénalty pour Nantes à la 75e minute, pour une faute présumée de Gilles Hampartzoumian, qui est expulsé. Pourtant, l’arrière lillois a joué le ballon et c’est bel et bien un « pénalty imaginaire », ainsi que l’écrit la Voix des Sports, qui est accordé. Le LOSC s’incline 0-1. La vidéo suivante, favorable à Nantes, n’en dit rien mais le résumé de Jour de Foot est bien plus « engagé » sur la décision de l’arbitre.
Après le match, quelques joueurs lillois considèrent que l’arbitre a voulu aider les Nantais, qui marquaient là leur 2 000e but en D1. Bon… L’événement avait été maintes fois souligné dans la presse nantaise avant le match. D’ailleurs, ce n’est pas le tireur habituel (Gourvenec) qui frappe ici, afin que soit mis en valeur un joueur emblématique.
On voit clairement d’après cette photo qu’il n’y a pas faute
Le pénalty qui entraîne l’expulsion injustifiée de l’arrière gauche (1997 et 2007)
D’ailleurs, cette action d’Hampartzoumian crée un autre précédent : après Abidal en 2003, c’est Emerson en 2007 qui s’inspire directement de Gillou. Si Eric Abidal avait suivi la consigne « rouge et défaite 0-1 », notre latéral brésilien retient quant à lui le côté « tacle parfait mais carton rouge quand même ». C’était à Marseille, en 2007 : Emerson réalise un excellent tacle sur Pagis, mais l’arbitre considère que ça vaut pénalty et carton rouge. Niang transforme le pénalty. L’arbitre a à ce point la conscience tranquille qu’il accorde dans la foulée un pénalty litigieux au LOSC, qui égalise, mais cette fois Lille s’incline 1-4, avec un doublé de Civelli.
Le défenseur central débutant qui dévisse et manque le csc (Delpierre 2000, Gabriel 2019)
Matthieu Delpierre a la particularité d’avoir joué son premier match avec l’équipe première du LOSC en tant que titulaire. C’est une particularité notable, là où d’autres jeunes commencent plutôt avec quelques bouts de matches par ci par là. Mais en février 2000, les absences simultanées de Fahmi et de Cygan poussent Halilhodzic à composer une charnière centrale inédite pour le choc de la journée de D2 en Lille (1er) et Toulouse (2e) : ce sera Ecker-Delpierre. Et si le jeune Matthieu s’en est pas mal sorti, il aurait pu toutefois garder un très mauvais souvenir de sa première : à la 82e minute, il reprend maladroitement un centre de Moreau et dévisse du pied gauche. Le ballon termine proche de la lucarne d’un Greg Wimbée qui semblait battu. Plus de peu que de mal : le LOSC gagne 2-0 grâce à un doublé de Bakari.
19 ans plus tard, même action : à Guingamp, le jeune Gabriel, qui a déjà fait 2 apparitions avec le LOSC mais qui connaît ici sa première titularisation (en championnat) en raison de la suspension de Soumaoro et d’un Dabila peu convaincant face à Toulouse, dévisse du gauche un centre de la droite, et le ballon termine au pied du poteau de Maignan. On n’a pas la vidéo, mais comme c’est la même action que celle de Delpierre, c’est inutile.
Le corner direct à Metz (2004, 2006 et 2007)
En l’espace de 3 ans, le FC Metz a encaissé à domicile 3 corners directs par le LOSC. Quand on sait que ce type d’action est relativement rare, ça en dit beaucoup sur l’état du club lorrain. Le premier a été l’oeuvre d’Acimovic, pour son premier match avec le LOSC : de la gauche vers la droite en regardant le but, un tir tendu et légèrement enroulé, au premier poteau de Butelle.
Le deuxième a été marqué par Michel Bastos en coupe de France, janvier 2007. Inutile de le décrire : c’est exactement le même que celui qu’il a marqué 8 mois plus tard en championnat, et le voici :
Les 3 victoires consécutives aux 35e, 36e et 37e journées pour se maintenir miraculeusement (1996 et 2018)
Saison 1995-1996 : après 34 journées et une nouvelle défaite contre la lanterne rouge martégale, le LOSC est 19e, ne compte que 30 points, et a 2 points de retard sur le premier non-relégable. Sachant que l’équipe n’a gagné que 6 fois jusque là, voyez comme ça pue du cul :
Mais le LOSC va augmenter son pourcentage de victoires de 50% en 3 journées : 3 victoires consécutives contre Nice (1-0), à Paris (1-0), puis contre Lyon qui, conjuguées aux contre-performances de ses adversaires directs, sauvent le LOSC au soir de la 37e journée. Un dénouement heureux après une entame très pourrie (2 points après 9 matches) dont on a plus spécifiquement parlé ici. Du coup, on laisse filer le dernier match : 0-2 contre Bordeaux, mais rien à foutre !
Rebelote 22 ans plus tard : au soir de la 34e journée et d’une éclatante prestation à Marseille (1-5), le LOSC est 19e, avec 29 points et… 5 points de retard sur le premier non-relégable. Par chance, des barrages ont été instaurées, et Lille compte le même nombre de points que le 18e, mais l’état d’esprit et la cohésion dont a fait preuve le groupe ne rend guère optimiste, y compris pour une confrontation ultime conte un club de L2. Mais là aussi, le miracle se met en place : deux victoires contre Metz (35e journée) puis à Toulouse (36e) sortent le LOSC de la zone de relégation. Lille compte même 3 points d’avance sur le 19e ! Enfin, lors de la 37e journée, en battant Dijon, le LOSC se sauve (merci les contre-perfs des concurrents) et s’évite un dernier match angoissant à Saint-Etienne. Ce dernier déplacement sera si peu angoissant que ça fera 0-5. Un beau bouquet final !
L’adversaire se retrouve à 9 en 30 secondes pour contestation (Caen 1997, Lens 2004)
Le 15 octobre 1997, le LOSC reçoit Caen pour un choc du championnat de D2. Même si les deux récents relégués traînent un peu (11e et 13e), les écarts sont faibles et les places pour la montée pas très loin. Le match est indécis jusqu’à la demi-heure de jeu, moment où les Normands décident de rendre le match moins équilibré : Etienne Mendy reçoit un avertissement, conteste, et est expulsé. Raphaël Guerreiro, en capitaine exemplaire, conteste à son tour et est expulsé. Le tour est joué : Caen est à 9 et Lille peut tranquillement s’imposer 3-0 (Tourenne et doublé de Lobé).
Ce scénario avantageux est renouvelé quelques années plus tard : le LOSC, en plein renouveau depuis le début de l’année civile, reçoit son voisin lensois pour la 29e journée de L1. Alors que le score est de 1-1, le Lensois Bouba Diop reçoit un second avertissement à la 55e. Lens se retrouve donc à 10. En capitaine là aussi exemplaire, Rigobert Song proteste et récolte lui aussi un deuxième avertissement. Lens termine à 9, mais cette fois le LOSC est incapable d’en profiter : le score ne bouge pas.
Avec un intervalle plus long entre les deux expulsions, on pense aussi au Lens/Lille de septembre 2010, où Roudet (42e) puis Jemââ (46e) laissent leurs équipiers à 9 très précocement. Si Lille panique dans un premier temps, en laissant Lens égaliser, les Dogues s’imposent finalement 4-1 en fin de match.
Les boulettes de Benard Lama face à Patrick Collot (avril 1996 et novembre 1996)
Bernard Lama aime le LOSC. Il l’a bien sûr prouvé en réalisant de belles performances sous la tunique lilloise mais aussi, plus curieusement, avec les couleurs du PSG. Ainsi, personne n’a oublié qu’on lui doit une grande partie du maintien de la saison 1995/1996 : surpris par une frappe excentrée de Patrick Collot après avoir anticipé le centre, il ne parvient à revenir vers son but que pour y boxer la balle. 3 points bienvenus, merci Bernard !
Un peu plus de 6 mois plus tard, Bernard Lama prouve de nouveau son amour au LOSC, toujours par le biais de Patrick Collot. Alors que le LOSC est au summum de sa saison (4e) après avoir battu Lens, il se rend au Parc des Princes et se retrouve mené 0-2 après 33e minutes. C’est en trop pour Bernard, qui décide de relancer le LOSC : frappe de Patrick Collot à 20 mètres, dans l’axe, et hop ! On laisse passer, en touchant toutefois un peu le ballon pour ne pas trop éveiller les soupçons. Comme on le voit sur ces images, cela permet à Bernard de retrouver le sourire. Malheureusement ses coéquipiers, à la solde du complot contre le LOSC, ne le suivent pas et s’imposent 3-1.
Le doublé jumeau de Bruno Cheyrou (2000 et 2001)
Si nous vous disons « Cheyrou » et « jumeau », vous répondez bien sûr Bruno et Benoît ! Et vous vous trompez lamentablement car ils ne sont pas jumeaux. Non, nous parlons ici de deux des trois doublés réussis par Bruno Cheyrou, l’aîné, avec les couleurs du LOSC. En l’occurrence les deux premiers, réussis contre Créteil (avril 2000) puis contre le PSG (mai 2001).
Contre Créteil en D2, il marque les 2e et 4e buts lillois de la soirée : d’abord en profitant d’un bon service côté gauche : excentré, il frappe du gauche et trouve le filet opposé ; puis en transformant un coup-franc à une vingtaine de mètres, décalé côté droit : du pied gauche, il choisit le côté ouvert, à ras de terre.
De retour en D1, le LOSC et Bruno Cheyrou gardent leurs bonnes habitudes : au Parc des Princes, pour l’avant-dernière journée, le n°28 lillois signe son deuxième doublé : le premier but est marqué sur un coup-franc à 20 mètres, décalé côté droit, côté ouvert ; et le second vient d’une frappe pied gauche petit filet opposé alors qu’il est excentré.
Voilà donc les doublés jumeaux de Bruno Cheyrou, dont on a spécifiquement parlé ici. Bruno Cheyrou a réalisé un troisième doublé en D1 avec le LOSC, contre Lorient en août 2001. Et bien sûr, c’était aussi un coup-franc puis une frappe pied gauche, mais pas exactement les mêmes qu’ici.
Le but de Gueye en une-deux, intérieur pied droit, filet opposé
Lens/Lille, décembre 2014 : Idrissa Gueye s’appuie successivement sur Rodelin puis sur Roux pour se trouver en position de frappe et conclure de l’intérieur du pied droit, à ras de terre, dans le filet opposé du gardien.
Quelques mois plus tard, contre Lyon, c’est un jeu collectif assez similaire qui permet à Lille d’inscrire un deuxième but contre Lyon : Premier échange entre Béria et Koubemba (RIP), puis Gueye sollicite le une-deux avec Ronny Lopes et conclue de la même manière qu’au stade de France.
Le coup-franc excentré que personne ne touche (Hazard 2010, Benzia 2016, Boufal 2016, mais aussi Landrin 2004 et Valois 1998)
En ce mois de janvier 2016, c’est la première action de Jérémy Pied en faveur du LOSC : faute sur Obbadi, et coup-franc bien placé pour le LOSC. Benzia enroule, ne trouve aucune tête, Civelli manque la balle et ça termine doucement dans le but.
Rebelote un mois plus tard : le ballon est plus près de la ligne de touche. Boufal enroule, ne trouve aucune tête, Civelli manque la balle et ça termine doucement dans le but.
Ces deux buts sont bien évidemment inspirés du maître, Eden Hazard, qui a ouvert la voie, avec un coup-franc similaire contre Liverpool en 2010 :
Si on devait en trouver une généalogie plus lointaine, on peut aussi penser à ce coup-franc de Christophe Landrin, à Lens, mais à ras de terre : la frappe écrasée la plus efficace du monde :
Mais le coup-franc excentré qui enrhume toute la défense n’est pas l’apanage des droitiers : en 1998, pour la première d’Halilhodzic sur le banc du LOSC, Jean-Louis-Valois concluait le premier scénario vahidesque à Grimonprez, en enroulant une drôle de frappe qui terminait dans le petit filet opposé.
Posté le 2 juin 2020 - par dbclosc
Zidane adoube le retour du LOSC en D1
Au lendemain du dernier match de l’exceptionnelle saison 1999/2000 qui a vu Lille regagner sa place en D1, le club organise une « fête de la remontée » au stade Grimonprez-Jooris. L’occasion de revoir d’anciennes gloires du LOSC et d’inviter Christophe Dugarry et Zinedine Zidane.
Samedi 20 mai 2000 : en battant Laval (1-0), le LOSC signe sa 25e victoire de la saison. Celle-ci s’achève par un nouvel envahissement de terrain (après ceux connus contre Caen et Valence). Les Dogues, en tête depuis la deuxième journée de championnat, clôturent cet exercice 1999/2000 avec une moyenne de points pris par match qui est à l’époque un record.
Si l’on ajoute à côté des performances de l’équipe première la finale de Gambardella, on peut dire que le LOSC a brillé sur le terrain : un changement considérable pour un club qui a singulièrement manqué de crédit depuis plusieurs années. En coulisses, cette réussite coïncide avec le changement de statut du club ; s’il est autant générateur d’espoirs que d’incertitudes, il propose en tout cas une alternative plus intéressante que celle entre la médiocrité et l’ennui dans lesquels le club semblait enlisé. Durant l’été, le stade Grimonprez-Jooris va être agrandi. Bref, ça bouge, et avant de vivre une saison en D1 qui s’annonce difficile, le LOSC a bien mérité de faire la fête : l’occasion ne se présentera peut-être pas de sitôt. Dès le lendemain de cette ultime victoire, et avant que tout le monde ne parte en vacances, le LOSC, via Stéphane Plancque, Philippe Fargeon et Michel Castelain, lance les invitations.
Est présente, bien sûr, l’équipe championne de D2 ; et d’autres joueurs, dont beaucoup d’anciens Dogues : Eric Péan, Nordine Kourichi, Filip Desmet, Dominique Thomas, Pierre Pleimelding, Alain Tirloit, Jean Pierre Meudic, Pierre Dréossi, Jean-Pierre Mottet, René Marsiglia, Patrick Zagar, Bruno Metsu, Hervé Gauthier, Didier Simon, Patrick Rabathali, Claude Robin, Pascal Plancque, Jean-Luc Buisine, Fernando Zappia, Abdelkrim Krimau, Patrick Deschodt, José Bray, Patrick Rey, Eric Prissette, Jean-Luc Courson, Michel Titeca, Cédric Carrez, Philippe Piette, Christian Pérez, Francis Hédoire, Pierre Neubert, Daniel Krawczyk, Didier Sénac, Patrice Lestage, Jean-Marc Ferreri, Fabrice Mège, Pascal Zaremba, Vahid Halilhodzic, Corentin Martins, Chérif Oudjani, Mickaël Gérard, Antoine Sibierski, Jean-Claude Nadon, Jean-Marie Aubry. À l’applaudimètre, ces trois derniers sont particulièrement appréciés. La Voix des Sports indique même que le retour de Sibierski est réclamé « avec véhémence » par les supporters. Tout juste vainqueur de la coupe de France, où il a été double buteur en finale, on ne sait pas encore qu’il s’apprête à signer à Lens, et que sa côte de popularité va s’effondrer par ici. Seul regret : Zarko Olarevic, qui n’a pas su se procurer un passeport à temps, n’a pas pu regagner le Nord. Zinedine Zidane avait été annoncé, mais ce devait être pour attirer du monde, car il n’est pas là.
Antoine Sibierski ; Jean-Marie Aubry et Patrick Collot ; Christophe Pignol (qui vient de signer) et son épouse
L’après-midi s’organise autour de quelques matches aux compositions diverses. Les champions de D2 affrontent d’abord une équipe mixte. À cette occasion, les 6100 spectateurs présents, malgré le froid et la pluie, acclament les héros de la saison, et particulièrement Carl Tourenne, buteur la veille sur penalty, et dont on sait qu’il part. Régulier durant 3 saisons dans l’entrejeu, son contrat n’a pas été renouvelé. Les champions ont gardé une chevelure blonde du meilleur effet, qu’ils arboraient déjà la veille (hormis Cygan et Viseux). Fahmi est avant-centre et Peyrelade est stoppeur.
Une équipe exclusivement composée d’anciens Dogues est managée par Georges Heylens, chaleureusement accueilli par ses anciens joueurs. Il a décidé de prendre une année sabbatique après avoir entraîné les forces armées royales au Maroc. Et il balance un scoop : il a été contacté par le LOSC la saison précédente (probablement aux alentours du licenciement de Thierry Froger) : « les Lillois cherchaient un entraîneur. Ils m’ont contacté. J’aurais volontiers fait mon retour mais ce fut impossible. Il fallait respecter la signature, pour le roi ». Il explique garder un souvenir ému de son passage à Lille, néanmoins marqué par des divergences avec le directeur sportif : « j’ai connu deux grands clubs, Seraing, où par deux fois nous avons fait un parcours extraordinaire, et Lille. Si je suis parti, c’est uniquement parce que je ne m’entendais pas avec Bernard Gardon. J’ai vécu 5 bonnes années ici mais ce n’était plus possible. Je me suis cependant toujours intéressé aux résultats du LOSC. Sur le fil du rasoir la saison dernière, ils ont prouvé, cette année, qu’ils étaient prêts ».
L’ambiance bon enfant est l’occasion de considérations générales sur le temps qui passe et le football qui évolue. Le même Heylens déclare ainsi qu’« une équipe de foot, c’est devenu une véritable entreprise avec de bons et de mauvais moments », et Eric Prissette remarque que « l’approche économique est différente de celle que nous avons connue, il y a une dizaine d’années ». Bon, on n’apprendra pas grand chose.
L’après midi est marquée par quelques rebondissements qui montrent que, à l’époque, on savait bien rigoler : entrée sur le terrain de Marc Cuvelier en kilt (on en avait parlé dans notre article sur les actions dégueulasses) ; Alain Tirloit jouant avec un masque de Jacques Chirac et reprenant de volée les ballons qui sortent en 6 mètres ; ou quelques anciens, emmenés par Pierre Dréossi, qui lancent « une farandole ». En revanche, il y en a un qui râle un peu : c’est Vahid Halilhodzic qui, dans l’avant-dernier match, n’a pas réussi à marquer un but à Jean-Pierre Mottet : il paraît qu’il y tenait beaucoup et a ensuite beaucoup pesté.
Filip Desmet et Alain « Chirac » Tirloit
Et sur les coups de 21h, peu avant la fin du dernier match, arrivent Christophe Dugâchis et Zinedine Zidane, invités d’honneur. Leur arrivée suscite dans un premier temps un envahissement de terrain. Réfugiés dans le vestiaires, ils reviennent quelque minutes plus tard, bien escortés, et reçoivent chacun un maillot à leur nom des mains de Jean Lechantre et de Jules Bigot.
Déclaration de Zizou : « le LOSC va retrouver l’élite. Et c’est vraiment une bonne nouvelle, car c’est une place forte du football français. Les gens du Nord sont des passionnés et ils méritent une équipe au plus haut niveau. D’Italie, il n’est pas évident de suivre l’actualité française, notamment celle de la D2, Mais à travers la presse spécialisée, je pouvais suivre les résultats. Lille a vraiment fait une belle saison. Je ne suis pas du coin, mais je suis vraiment heureux de participer à cette fête ». Rien de sensationnel non plus, mais c’est sympa d’être venu et d’avoir apporté davantage de prestige à cette soirée. Les deux champions du monde repartent : ils ont un Euro à gagner.
Ainsi s’achève cette soirée qu’on imaginait initialement comme le point d’orgue d’un heureux événement ponctuel : la montée en D1. Sur le terrain, le LOSC se chargera bien vite de « banaliser » cette soirée, et d’offrir à la vue de ses supporters des stars venues non pas en VIP, mais pour affronter les Dogues, sur le terrain.
Posté le 22 mai 2020 - par dbclosc
Des adversaires bien frileux
Sur le site du LOSC, nous avons récemment publié une série de 10 articles autour du thème « le jour où… ». Sollicités au début du confinement, nous espérions ainsi faire passer le temps durant une période sans football que nous n’avions pas imaginée aussi longue, en relatant quelques matches du LOSC qui, d’une manière ou d’une autre, ont été arrêtés, interrompus, reportés. Pluie, panne de courant, tempête de neige, envahissement de terrain, attentat, barre transversale cassée, adversaire absent, toit effondré : la liste n’est pas exhaustive et rappelle qu’exceptionnellement, un match de foot reste dépendant d’aléas très divers.
Ces courts articles sont toujours en ligne (les liens sont en bas), et nous ajoutons ici le bref récit de deux reports : deux cas assez similaires puisque leur point de départ est le gel ; le report vient clairement de l’adversaire, qui a plutôt intérêt à ne pas jouer ; le match est reporté vers l’année civile suivante ; et comme il y a une morale, l’affaire se conclut les deux fois par une victoire du LOSC.
Voici donc : Lille/Marseille 1992/1993, et Lens/Lille 2007/2008.
Lille-Marseille, 4 décembre 1992 : l’OM en froid avec le championnat
Le gel est déjà arrivé à Lille en ce début de mois de décembre : le match qui devait opposer les Dogues, en bien mauvaise posture, au leader marseillais est reporté en raison du danger que le terrain constitue pour les joueurs. Décision logique ? Cet intérêt soudain pour la santé des joueurs a le don de fâcher le coach nordiste, Bruno Metsu : « on a déjà joué dans des conditions bien plus difficiles que ça ! À Sochaux, personne ne s’est soucié de savoir s’il y aurait des blessés ou pas. Et ici, comme par magie, on a peur qu’il y en ait ». Et quand on voit la satisfaction des Marseillais, facile de deviner que ce report arrange plus une équipe que l’autre. Mais de quoi ont donc peur les Olympiens ? On les a pourtant vus moins farouches 10 jours avant à Ibrox Park, où ils ont affronté les Glasgow Rangers en Ligue des Champions, sous le déluge… Voilà l’explication : l’OM doit assurer dans sa phase de poule d’une coupe d’Europe à la formule bien différente d’aujourd’hui. Après avoir remporté deux doubles confrontations en 16e puis en 8e, l’OM se retrouve dans une poule de 4 qu’il doit terminer à la première place pour arriver en finale. Et l’élimination prématurée de Barcelone a ouvert une voie royale aux Phocéens pour y accéder, d’autant que le Milan AC se retrouve dans l’autre poule. 5 jours après, l’OM reçoit Bruges, et il serait dommageable que le groupe ne soit pas au complet… C’est en substance ce qu’a fait comprendre Tapie aux arbitres qui, dès leur arrivée à Grimonprez-Jooris, sont entrés dans des palabres entraînant une agitation indescriptible dans les couloirs du stade, sous les yeux ébahis de la presse française et belge.
Dommage pour le LOSC car, du côté de l’OM, Desailly, Deschamps et Casoni auraient été suspendus, et Rudi Völler est blessé. Signe que tout cela est le fruit de drôles de transactions, le président marseillais promet de ne pas les aligner lorsque le match sera rejoué !
L’affiche se joue finalement le 6 janvier. Bien évidemment, les suspendus de décembre sont là… Sur un terrain à peine dégelé et désormais boueux, les Marseillais ne rechignent pas à jouer. Grand bien leur fasse : le LOSC, pourtant relégable, s’impose 2-0 ! Emmenés par un trio d’attaque Assadourian/Nouma/N’Diaye, les Dogues ouvrent la marque par Oumar Dieng, reprenant de volée un coup-franc de Samba N’Diaye (65e), avant de doubler la mise grâce à une tête plongeante d’Eric Assadourian sur un centre de Per Frandsen (75e). Un bon coup de froid sur l’OM, et une petite éclaircie dans une saison lilloise bien morne.
Lens-Lille, 22 décembre 2007 : un problème de (ba)bâche
Le dernier match de l’année civile 2007, qui est aussi le dernier des matches de la phase « Aller » de cette saison 2007/2008, aurait dû être la première manche du derby, mais le gel a rendu la pelouse impraticable et dangereuse pour les joueurs. Pas de chance, le système de soufflerie, ainsi que la toute nouvelle bâche du stade Bollaert, ont dû être inefficaces… voire n’ont pas servi du tout. Les Lensois arguent, comme si c’était une excuse, qu’ils ont bâché alors que le terrain était déjà gelé, ce qui rend le bâchage inefficace. Pas de chance, hein : car si le match avait été joué, Aruna Dindane, le meilleur buteur des Sang & Or, était suspendu ; Yohan Demont et Olivier Monterrubio étaient incertains ; et Vitorino Hilton venait tout juste de reprendre. 4 joueurs absents ou incertains, la tuile… Quant à l’entraîneur lensois, Jean-Pierre Papin, qui joue sa place sur ce match, il préfère passer l’hiver au chaud et garantit qu’« on ne peut même pas enfoncer une clé » dans la pelouse lensoise (rappelons qu’enfoncer une clé dans la pelouse n’est d’aucune utilité pour marquer un but). Gervais Martel fait l’innocent : « que voulez-vous que je vous dise ? C’est toujours emmerdant de devoir reporter un match comme cela. On peut tout de même se satisfaire d’une chose : c’est de ne pas avoir du remettre cette rencontre à deux heures du coup d’envoi. Nous avions déjà eu le tour contre Sedan une fois. Imaginez un peu la catastrophe que cela aurait été si nous avions du le faire à nouveau sur un derby comme celui-là… »
Le président du LOSC, Michel Seydoux, n’est pas dupe : « ce qui m’étonne, c’est qu’on va jouer sur toutes les pelouses européennes sauf à Lens. Nous ne sommes pas bêtes, le climat à Lens est le même qu’à Lille. La bâche chauffante de Bollaert doit avoir quelques problèmes. Mais ce n’est pas pour ça qu’on va déterrer la hache de guerre entre Lille et Lens ». Le match est reporté à 2008.
Pas de chance pour les Lensois, déjà assez secoués par un début de saison marqué par l’échec de Guy Roux : en mars 2008, s’ils ont récupéré leur buteur, ils se trainent désormais dans la zone de relégation, et reçoivent leur voisin la peur au ventre. A l’inverse, les Lillois, qui ont démarré très doucement après un été marqué par de nombreux départs (Keita, Bodmer, Tavlarisids, Chalmé, Odemwingie…), vont bien mieux en 2008. De plus, Frau et Mavuba sont arrivés au mercato hivernal ; ils ne sont toutefois pas qualifiés pour ce match. Après un premier but refusé à Bastos, le Brésilien donne l’avantage au LOSC en ouvrant le score (du droit !) à la 17e minute. En fin de match, Béria ajoute logiquement un second but, après un déboulé d’un Mirallas en feu (83e). Hilton parvient à scorer in extremis, mais les Dogues reviennent victorieux de Bollaert. Ils planteront une autre banderille à leur voisin lors de la 37e journée, en les battant de nouveau 2-1, les expédiant quasiment en L2, comme une revanche de 1997. Pas de quoi réchauffer les relations avec le voisin.
Nos articles sur le site du LOSC :
Episode 1 : Le jour où le toit d’Henri-Jooris s’est effondré, Lille/Lens, février 1946
Episode 2 : Le jour où la barre transversale a cédé, Lille/Nîmes, mai 1959
Episode 3 : Le jour où le courant s’est coupé face au PSG, Lille/PSG, novembre 1985
Episode 4 : Le jour où l’OM n’est pas venu, Lille/Marseille, janvier 1997
Episode 5 : Le jour où LOSC/PSG a été interrompu à cause de la pluie, Lille/PSG, novembre 2000
Episode 6 : Le jour où les débuts européens du LOSC furent reportés, septembre 2001
Episode 7 : Le jour où LOSC/Lorient donna une avalanche de buts, Lille/Lorient, décembre 2010
Episode 8 : Le jour où le 12e homme fête une victoire mythique (envahissement de terrain), Lille/Bordeaux, mars 1985
Episode 9 : Le jour où le LOSC retrouve la D1 (envahissement de terrain), Lille/Valence, mars 2000
Episode 10 : Le jour où les plombs ont sauté, Lille/Caen, novembre 1997
Posté le 23 avril 2020 - par dbclosc
Quand le football mondial et le showbiz sauvaient le LOSC
Le 24 mars 1970, Anderlecht affronte l’Olympique de Marseille. Très belle affiche pour l’époque certes, mais on est sur un blog du LOSC, alors on s’en fout, non ? Effectivement, non. Car ce match amical, premier du genre, est organisé par le Comité de Soutien du Football de la Métropole, dont il s’agit ici de la première preuve d’activité, dans le but de « rendre aux sportifs de la région un spectacle de qualité ».
Alors que le LOSC a abandonné son statut professionnel quelques mois plus tôt et affronte chaque week-end des équipes amateures, des équipes professionnelles françaises, belges, néerlandaises et brésiliennes vont venir fouler la pelouse d’Henri-Jooris, tandis que des personnalités des milieux sportif et du divertissement se mobilisent pour retrouver « le LOSC d’antan ».
Après une dizaine de saisons fastes (5 Coupes, 2 Championnats), le LOSC enchaîne avec une autre décennie de saisons faite de hauts et de bas. Les présidents (Henno, Klès, Denis, Barbieux) et les entraîneurs (Cheuva, Vandooren, Baratte, Poitevin, Bigot, Langrand) se succèdent. Vers 1965, soit au moment du départ de Jules Bigot, le LOSC s’enlise lentement dans les sables mouvants du déficit, à cause du manque de réalisme financier de ses responsables successifs, disons-nous poliment.
« Nord, qu’as-tu fait de ton football ? »
En janvier 1970, un mensuel régional publiait sous ce titre une enquête consacrée au déclin du football professionnel dans le nord de la France. En 1968/1969, le club retrouve la Division 2 et s’entête à maintenir une équipe professionnelle nécessitant des ressources d’un club de l’élite. Installée à la 7e place au terme des matchs aller, l’équipe tourne correctement, sans panache ni relief, et sans avant-centre. Mais une élimination en Coupe de France contre Strasbourg (D1) déclenche la colère du président Barbieux. Excédé, il prend la décision de baisser les salaires des joueurs au SMIG (l’équivalent de 700 euros en 2020, en prenant en compte l’inflation), complétés par des revenus fluctuant selon les recettes de billetterie.
Evidemment, cette réaction impulsive fut assez mal perçue par les joueurs et par le groupement des clubs professionnels. Cet éclat parfaitement inopportun mène à un climat fâcheux et de graves conséquences : alors que la dette du club a été divisée par deux, le groupement ne réclame plus 80 000 francs de caution à Robert Barbieux, mais 250 000 ! Ce dernier s’entête, s’isole. Daniel Langrand, l’entraîneur, démissionne le 22 avril 1969. Puis les joueurs menacent de faire grève, réclamant leurs salaires tels que contractuellement convenus. Barbieux cherche à calmer le jeu, noue des liens pour renforcer l’équipe. Mais le 23 juin, constatant les bâtons mis dans les roues du club à tous les niveaux, le LOSC annonce renoncer au professionnalisme. Il évoluera en 1969/1970 en division amateur, la seule de son histoire.
Si la presse régionale dénonce le traitement du dossier lillois, une lecture de la presse nationale nous apprend que le problème est bien plus général. Ainsi, les principaux clubs professionnels du pays s’inquiétaient de la situation du football français. Le public déserte les tribunes (819 000 spectateurs de moins sur la saison écoulée) et le nombre trop élevé de clubs au statut professionnel (39), notamment dans des villes relativement modestes, n’apporterait rien au football national. Leur volonté de réduction du nombre de ces clubs (16 ou 18) n’étant pas entendue, plusieurs clubs avaient auparavant choisi la même voie que le LOSC : Paris voit le Racing Club abandonner le professionnalisme en 1966, le Stade Français en 1968 et le Red Star fusionner avec Toulouse (!). Le Havre, après avoir retrouvé l’amateurisme à partir de 1962, descendra jusqu’en 4e division. En 1969, Montpellier abandonne le professionnalisme, tout comme le RC Lens, lâché par les Houillères, son principal investisseur.
Magnusson, Skoblar et Van Himst
C’est dans ce contexte de régression nordiste et de « persistance de tactiques négatives » que se forme le comité de soutien. Formés de fanatiques du LOSC, ils sont ingénieurs, commerçants, directeurs de société… Tous ont une vision commune : une organisation méthodique et rationnelle doit permettre au LOSC de renaître de ses cendres encore chaudes. Mais les membres de ce comité de soutien arrivent les poches vides.
Sa première action publique, et donc d’officialisation de son existence, est la mise en place d’un match amical Anderlecht-Marseille. Malgré le titre qui lui a échappé en 1969 pour la première fois depuis 1963, Anderlecht n’est pas une étoile qui pâlit. Le club vient d’être repris par Constant Vanden Stock et est emmené par son leader technique, Paul Van Himst, légende du football belge au même titre qu’Enzo Scifo et Eden Hazard. Malgré les appels du pied du Real Madrid et du FC Barcelone et des offres qui auraient constitué un record mondial sur le marché des transferts, Van Himst a choisi de rester à Anderlecht. Autour de lui, un futur entraîneur du LOSC, Georges Heylens. Sur le banc, le Français Pierre Sinibaldi doit se souvenir de son duel avec René Bihel pour le titre de meilleur buteur, il y a près de 25 ans. Les Mauves viennent de se qualifier en Coupe des Villes de foire sur le terrain de Newcastle, dans une ambiance délirante et un match arrêté à deux reprises, avant de décrocher leur ticket pour le tour suivant grâce à un but marqué à la 88e (2-0 ; 3-1).

Skoblar et Heylens, à la lutte à Henri-Jooris
Côté marseillais, le club continue de se structurer après sa remontée en D1 en 1966. L’équipe a terminé 7e du dernier championnat mais a remporté la Coupe de France. Dans cette saison 1969-1970, l’OM est 2e, derrières d’intouchables Stéphanois. Outre Joseph et Loubet, les meilleurs buteurs du club, ou encore Jean Djorkaeff, les présences de Skoblar et de Magnusson, assurées contractuellement, sont une attraction alléchante. Ces deux joueurs ont d’ailleurs permis à l’OM de multiplier l’affluence par 7 au Vélodrome. Magnusson est alors comparé à Garrincha, à George Best, ou encore à Stanley Matthews.
La Voix du Nord l’assure : « manquer un tel spectacle serait témoigner d’une élémentaire ignorance des choses du football ». La demande en billets dépasse d’ailleurs largement les frontières de la métropole. Les autocars viennent de Boulogne, de Calais, de Béthune, de l’Avesnois… Déjà, la métropolisation du club, qui sera effective beaucoup plus tard, est évoquée : s’il veut redevenir grand, le LOSC ne doit plus être le club de Lille, mais le club de la métropole, alors que la création d’une ville nouvelle autour d’Ascq permettrait la création ou la modernisation des installations en tout genre, et donc sportives. On comprend d’ailleurs, ici et là, qu’émerge l’idée de débaptiser le LOSC pour un fade « Football Club de la Métropole du Nord ».

« Alleeeeez….FCMN…..Allez Lillois… Alleeeeez ! »
Ce sont au final plus de 13 000 spectateurs qui prennent place à Henri-Jooris. Et si tous sont d’accord pour reconnaître la grande qualité du match qui vient de leur être proposée (score final : 2-2), ils le sont aussi pour pointer du doigt un problème majeur : comment faire naître un sentiment de renouveau sportif local lors d’un affrontement entre une équipe étrangère et une équipe du Sud ?
Guy Lux, Michel Sardou et le football mondial à la rescousse
L’idée est désormais de continuer à proposer au public nordiste des matchs censés donner un nouvel élan (orignal, pour nos ami·e· québécois·e·s). Dès lors, le comité de soutien multiplie les contacts pour trouver deux équipes disponibles le 24 avril. Saint-Etienne ? Impossible avec un tel calendrier. Le Standard de Liège ? Six joueurs vont partir à la Coupe du Monde, pas question de les fatiguer. Séville, Prague ? Forfaits. Les Corinthians ? Ils ne seront en France qu’en mai. Chelsea, pour un retour des Blues à Henri-Jooris ? 8 millions, complètement hors budget. Alors les Lillois se tournent vers l’Ecosse. Aberdeen, récent vainqueur la Coupe d’Ecosse aux dépens d’un Celtic qui survole totalement le championnat (quadruple champion en titre, cinq autres suivront) et la Coupe d’Europe (finale de Coupe d’Europe à jouer), accepte de venir sur les bords de la Deûle. Dans la foulée, un accord est trouvé avec Bordeaux. Les Girondins cherchent un nouvel orignal (élan, pour nos ami·e·s francophones non-québécois·e·s) lors d’une saison compliquée. Ils sont également intéressés par deux Lillois, Paul-Charles Lestringuez et Pierre Lechantre, alors autant en profiter pour faire d’une paire de couilles.
Oui mais voilà, Aberdeen est victime de son succès : trois de ses joueurs sont retenus en équipe d’Ecosse. Le Bayern Munich est prêt à remplacer les Ecossais, mais fait grimper les prix. Aucun accord n’est trouvé. Aucun match n’aura lieu le 24 avril, Lestringuez et Lechantre n’iront jamais à Bordeaux.
Une bonne nouvelle balaie toutefois la déception : au terme d’une réunion commune aux dirigeants du LOSC et du comité de soutien, il est annoncé que le club est prêt à redevenir professionnel dès l’été 1970, si la 2e division est maintenue en l’état. Il est toutefois précisé que « cette décision est liée, d’une part, à la réussite des diverses manifestations de propagande qui seront organisées à partir du 15 mai dans la Métropole Nord, et d’autre part, au soutien que la ville de Lille apportera au club nordiste ».
Le comité de soutien a en effet imaginé une grande campagne de publicité à l’occasion de cette opération « Renouveau du football ». Avec pour objectif de réunir suffisamment de fonds, une tombola est mise en place : 2 millions de tickets doivent être vendus. En réalité, cette tombola est un referendum payant sur le thème « Voulez-vous du football à Lille ? ». Le « oui » se vend 1 franc et donne le droit à un tirage au sort avec de nombreux lots. Pour assurer la réussite de cette ambitieuse loterie, le comité de soutien a prévu la venue d’une « grande vedette » par jour, pendant 11 jours. Sans que le LOSC ne soit cité, tou·te·s doivent permettre à la métropole de retrouver un grand club de football, de la sportive Christine Caron au déjà vieux Michel Drucker, en passant par Guy Lux avec mes sabots.
Le 15 mai, l’événement est lancé par un match de gala. Face à Marseille, qui a enthousiasmé le public contre Anderlecht et a convaincu le Comité de revenir, une équipe brésilienne. En tournée depuis le 30 avril, les Corinthians sont à Henri-Jooris, après des passages par Nice, Liège, Casablanca et la Yougoslavie. Le public raffole des équipes sud-américaines. Voilà quelques temps, Lens avait convaincu le club de Bangu de venir à Bollaert : 18 000 spectateurs pour un match amical. Devant un tel succès, Bangu est revenu : 20 000 spectateurs. Alors ce 15 mai, tout le monde attend les « félins, adroits et jongleurs » Brésiliens. Leur entraîneur, Dino Sani, champion du monde 1958, aligne sa meilleure équipe, dont 2 joueurs deviendront champions du monde au Mexique quelques semaines plus tard.
Dans les coulisses de ce supposé spectacle, une réalité moins glamour : les clubs brésiliens multiplient les tournées européennes pour survivre. Si ces équipes ne sont plus capables d’apporter de « l’exotisme », les tournées disparaîtront et les budgets ne seront pas bouclés. D’autre part, elles ont également compris que la technique ne suffisait plus pour dominer la scène mondiale : la Coupe du Monde 1966, où le Brésil a subi l’engagement physique (souvent très agressif) de ses adversaires et a été éliminé dès le premier tour, fut un traumatisme, après les victoires en 1958 et 1962. Affronter des équipes européennes est ainsi un moyen de s’adapter, parfois à contre-cœur, à ces méthodes qui l’ont provisoirement écarté des premiers rôles.
Le match est dans un premier temps la preuve des carences brésiliennes : la technique est précise, mais l’impact physique et l’intensité moindres limitent cette qualité. Marseille ouvre le score mais subit l’engagement très maladroit des Corinthians : Joseph sort sur blessure, bientôt rejoint par Skoblar, dont la jambe « est ouverte sur 10cm ». Une fois privé de deux de ses meilleurs éléments, Marseille cherche surtout à éviter les contacts. Les Brésiliens en profitent et égalisent après une série de dribbles, avant de remporter le match grâce à un but dans les dernières minutes.

Raoul de Godewarsvelde (à droite) accueille Christine Caron (à gauche évidemment).
Après Michèle Torr, dont on avait déjà oublié ce qu’elle chantait, c’est au tour de Michel Drucker de venir se la raconter. Les personnalités, généralement oubliées aujourd’hui, défilent, parfois sans idée précise de ce qu’ils sont venus soutenir. Le 23 mai, Guy Lux réunit le souriant Michel Sardou et Jean Baratte, lors d’une grande journée de bals populaires. Le 26 mai, l’acteur Raymond Bussières, supporter du LOSC « depuis 25 ans », clôt cette période de festivités en tout genre.
« Que ceux qui avaient préféré le confort douillet du fauteuil se frappent la poitrine ! »
Après quelques jours sans manifestation, le Comité de soutien revient au premier plan avec un nouveau match amical à Henri-Jooris. Le 1er juin, le Feyenoord Rotterdam est annoncé à Henri-Jooris. Avec le légendaire Ernst Happel comme entraîneur, les Néerlandais viennent de remporter la Coupe des clubs champions en battant en finale le Celtic, vainqueur 1967, après avoir écarté l’AC Milan, champion d’Europe en titre. Il s’agit donc de la meilleure équipe européenne à cette époque qui se présente. Pour clôre cette belle saison, le Feyenoord s’est lancé dans une série de matchs amicaux. Devant 32 000 personnes réunies à De Kuip, Rotterdam vient d’ailleurs de surclasser les Corinthians (4-2, 3-0 à la mi-temps).
En face, l’adversaire semble modeste. La Gantoise, troisième du championnat belge, connaît de temps à autre de belles saisons, récompensées par un podium (1954, 1955, 1957, 1958), une victoire en Coupe (1964) ou une bonne performance en Coupe d’Europe (élimination de Bordeaux en 1966). Mais l’irrégularité se traduit par un passage d’un an en 2e division, en 67-68.
Cet affrontement, qui se ferait entre deux équipes d’un même pays si elles n’étaient pas étrangères l’une pour l’autre, est considéré comme « le plus beau, le plus extraordinaire que l’on ait vu depuis fort longtemps ». Les Néerlandais s’imposent 4-2, malgré l’honorable résistance gantoise. Malheureusement, le public n’était pas au rendez-vous : 6700 spectateurs sont venus, alors qu’un record autour de 15 000 personnes était attendu. A se demander si les prévisionnistes de recettes de billetterie du stade Pierre-Mauroy n’étaient pas déjà au LOSC quarante ans plus tôt[1].
« De quoi demain sera-t-il fait au LOSC ? »
Un mois après l’officialisation de l’existence du Comité de soutien, où en est l’opération Renouveau ? Avec qui ? Quand ? Rebondissant sur la faible affluence du dernier match, la Voix du Nord s’interroge : « L’esprit sportif est tombé bien bas dans cette région. Les Nordistes seraient-ils incapables de discerner la qualité, ne connaitraient rien au football européen ? Triste. Parfois, on se demande même s’il est opportun de leur offrir un spectacle de cette qualité ». PAF, dans vos gueules les Nordiss’ !
En réalité, on comprend que le Comité, malgré ses louables intentions, s’est construit en deux mois là où il en fallait six. En résulte une organisation imparfaite, et notamment la mise en place de cette ambitieuse tombola devant écouler deux millions de tickets qui n’atteint pas le résultat escompté, en raison d’un manque de personnel. Si les chiffres ne sont pas publiés, il est assez facile de connaître le nombre de tickets vendus : le règlement prévoit un véhicule à gagner par tranche de 200 000 tickets et…deux Renault 4L ont été achetées par le Comité. 400 000 tickets ont donc été vendus, cinq fois moins que ce qui était espéré… Les lots sont à retirer avant le 31 octobre 1970. Alors si certains d’entre vous comptaient les retirer au secrétariat du Stade Henri-Jooris, dépêchez-vous !
Tout n’est pas à jeter pour autant. En direct à la radio, Guy Lux a ainsi relayé l’idée d’une « Tribune 2000 » : pour baisser la moyenne d’âge des supporters, il imagine un moyen de faire venir gratuitement au stade 2000 jeunes durant la saison prochaine. Fidèle à lui-même, Sardou n’a pas esquissé pas un rictus. Mais les entreprises suivent et s’arrachent les 2000 places à 10 francs l’unité (alors même qu’un billet arraché n’est plus valide, c’est malin). De même, la médiatisation de l’événement, à défaut d’apporter une manne financière suffisante, semble avoir des effets positifs sur la constitution de l’effectif de la saison à venir.
Toutefois, l’échec de la loterie entraîne en conséquence un manque à gagner. La question d’une subvention revient lors du conseil municipal. A moins d’un an des élections municipales, la mairie peut-elle refuser l’octroi d’une subvention de 800 000 francs ? Si un prêt est envisagé, l’opposition rappelle judicieusement que les fonds accordés au club ne sont jamais réapparus et n’ont servi qu’à éponger dettes et déficit. Et surtout, à qui s’adresser ? L’équipe dirigeante du LOSC est en pleine mutation et les interlocuteurs ne sont pas encore bien identifiés. Surtout, la présence de Robert Barbieux à la présidence est un véritable obstacle à la réalisation de projets communs au club et à la municipalité.
Pommerolle propulsé président
Ces derniers doutes ne tarderont pas à être levés : mi-juin, il est annoncé que Robert Barbieux et ses associés démissionnent, en abandonnant 2/3 de leurs créances. Max Pommerolle prend la direction du club, « avec l’intention de lui donner, dès que possible, une structure métropolitaine et régionale ». Ainsi, l’équipe de l’ancien joueur de Fives et de l’Olympique Lillois est constituée de Georges Verriest, ancien président du RC Roubaix, du CO Roubaix-Tourcoing, ancien joueur et sélectionneur de l’Equipe de France (1960-1964) ; de Paul-Marie Delannoy, seul rescapé de l’équipe dirigeante précédente ; de Roger Deschodt, ancien joueur du LOSC, arrivé lors de la création du club ; d’Yves Bonhomme, inspecteur de la Jeunesse et des Sports ; Pierre Dubuissez, chef des finances de l’Académie de Lille. Outre le comité directeur, le comité d’honneur accueille le maire de Lille, le recteur d’académie Guy Debeyre et le président de la chambre du commerce et de l’industrie de Lille-Roubaix-Tourcoing, Pierre Decoster.

De gauche à droite : MM. Dubrissiez, Delannoy, Pommerolle, Verriest, Bonhomme, Deschodt.
Dans la foulée, le conseil municipal, qui se déroule devant 16 personnes (« un beau résultat »), vote à l’unanimité l’aide demandée par le LOSC, tout en se défendant d’avoir obéi à toute considération d’ordre électoral. En attendant, Pommerolle a obtenu ce qui avait refusé à Barbieux trois ans plus tôt. Voici la déclaration intégrale de Raymond Allard, adjoint aux sports :
« C’est en se rappelant ces temps glorieux que des hommes de bonne volonté ont conçu le projet de faire renaître le grand LOSC ; d’autres sont venus prolonger leurs intentions en concevant pour le grand club local des structures nouvelles de fonctionnement et des formes nouvelles de gestion. Un mouvement d’opinion a été créé qui se prolonge. La ville, par l’intermédiaire d’un nouveau Comité directeur installé, est invitée à participer à ce renouveau par un appui moral et financier, et à prendre une attitude résolument tournée vers l’avenir. Il y a certes des choses qui dépendent de la ville, et d’autres ne dépendent pas d’elle. Parmi ces dernières, faut-il souligner la nécessité impérieuse pour le sport professionnel de se réformer fondamentalement ? L’obligation, pour les groupements des clubs professionnels, d’élaborer un statut du joueur faisait à la fois la part de ses devoirs vis-à-vis du public et de ses droits quant à son avenir ? Est-il nécessaire d’indiquer que la pratique du football professionnel a, depuis des années, dépassé les limites de la ville pour atteindre aux dimensions communautaires sinon métropolitaines ? Certes, la ville ne nie pas le caractère de « ville-pilote » qu’elle joue et qu’elle doit continuer à jouer, et les devoirs que lui impose son rôle de capitale. La demande présentée par les dirigeants du LOSC est donc parfaitement recevable.
Son examen nous conduit à vous présenter une série de mesures qui devraient permettre, dans des délais raisonnables, la mise à la disposition de la société de liquidités importantes, susceptibles, avec d’autres appuis financiers, d’apporter les capitaux immédiatement nécessaires à la constitution d’une grande équipe. En agissant comme nous le faisons, nous sommes guidés par la préoccupation de ne pas surcharger le contribuable, de veiller au bon emploi des fonds mis à la disposition du LOSC, d’assurer un redémarrage satisfaisant à une entreprise courageuse. Nous avons, enfin, la conviction d’agir dans le sens des intérêts bien compris de la cité.
Après avoir recueilli les informations nécessaires sur la situation financière du club, et compte tenu des avis émis antérieurement par les commissions municipales intéressées en fonction des éléments d’appréciation dont elles disposaient, nous vous proposons : d’alléger de façon substantielle les charges auxquelles le LOSC a à faire face ; de permettre à ce club de reformer une équipe de joueurs valables et pour faciliter sa remontée en division nationale, par les mesures suivantes :
• Mise à disposition du stade Henri-Jooris et de ses installations dans la mesure nécessaire à l’entraînement des joueurs et au déroulement des matchs, suivant convention à intervenir.
• Octroi d’une aide financière de la ville en portant de 160 000 à 250 000 francs le montant de la subvention à allouer eu LOSC dans le cadre des subventions de fonctionnement aux sociétés sportives et d’éducation physique, au titre de l’année de l’année 1970, et en décidant à cet effet l’inscription d’un crédit supplémentaire de 90 000 francs au budget complémentaire de 1970 ; en prenant dès à présent l’engagement d’allouer pour 1971 une subvention d’égale importance ; en consentant en 1971 un prêt de 750 000 francs sans intérêt, remboursable en un an et assorti des sûretés légales requises. »
M. Pommerolle, pour en avoir demandé moins que M.Barbieux, a sans doute obtenu plus. Car outre les efforts consentis par la municipalité, le LOSC bénéficiera à l’avenir des recettes produites par la location des emplacements publicitaires d’Henri-Jooris. Ce changement de « propriétaire » s’est d’ailleurs traduit immédiatement par une augmentation du prix de location et Pommerolle estime à 120 000 francs par an l’apport de cette subvention indirecte. En contrepartie, la ville n’a posé qu’une seule condition, mais de taille : un fonctionnaire des finances de la municipalité exercera chaque année un contrôle du budget de fonctionnement du LOSC.
Enfin, la présence de Georges Verriest est un atout important dans la métropolisation du club. La notion de « métropole » étant relativement récente, des réserves apparaissent, notamment venues de Roubaix et Tourcoing, qui eurent jadis de glorieux clubs. Mais en tant que Roubaisien, Verriest peut servir d’intermédiaire intéressant pour Pommerolle. Désormais doté d’un support juridique, la communauté urbaine (900 000 habitants) a, aux yeux du nouveau président, beaucoup plus d’arguments à faire valoir que la seule ville de Lille (190 000 habitants).
Le complot belgo-polonais
Le football français étant en plein doute sur la réforme de ses championnats, le LOSC en profite pour déposer un dossier, accepté, en D2 après une saison en amateur terminée à la 10e place.
La nouvelle direction ne fait pas table rase du passé : dans la lignée des festivités de mai 1970, Max Pommerolle organise un nouveau match amical. Sa volonté est d’attirer les clubs des villes jumelées avec Lille depuis 1958 : Leeds, Turin, Cologne et Liège, Rotterdam et Esch-sur-Alzette.
Rotterdam étant déjà venu et Esch-sur-Alzette ne répondant pas aux critères de « promotion du football de qualité », des contacts sont entrepris avec les quatre autres villes. En attendant, le premier club étranger que le LOSC reçoit en cette nouvelle saison est Katowice, 6e du dernier championnat polonais. Qualifié en Coupe d’Europe, le GKS a accepté de faire un détour par Lille avant de jouer le match retour contre le FC Barcelone, vainqueur 0-1 en Pologne. Quoi de mieux pour se préparer, effectivement ?
Ce match a toutefois une particularité : si le spectacle proposé jusqu’alors par les Corinthians, Anderlecht, Marseille, le Feyenoord et La Gantoise était de haut niveau, il manquait au public une équipe en laquelle il était possible de s’identifier. Face à Katowice, c’est donc l’équipe locale, qui jouera sur son terrain. Leader de D2, le LOSC a ainsi l’occasion de se tester contre une équipe du niveau de première division.
Enthousiasmé par un début de saison réussi (2 matchs, 2 victoires, 7 buts marqués), le public répond présent. Et alors même que le match à Barcelone est reporté de 3 semaines, Katowice confirme souhaiter honorer son engagement et venir dans le Nord. Alors c’est bon, coup d’envoi ? Et bien non. Les Polonais ne sont pas là. A 24h du match, ils ont appelé : les visas ne sont pas arrivés. Alors dans l’urgence, les Lillois font ce qu’ils peuvent pour autoriser Katowice à quitter la Pologne et entrer en France. Les négociations sont même tant en bonne en voie qu’il est annoncé que le match est décalé de 48h. Rendez-vous est donc pris dimanche 6 septembre, à 20h30.
Samedi 7 septembre, bonne nouvelle : les Polonais doivent arriver en France dans la matinée. Mauvaise nouvelle : ils sont attendus à Bollaert pour un match face au RC Lens à 16h30 ! Ah les bâtards ! En fait, en l’espace de 3 jours, Katowice a prévu 3 matchs amicaux : Lens donc, Lille le dimanche soir, et Boulogne mardi soir. Seulement, les Lensois se font également prendre au piège de la technique du « bien fait pour ta gueule » : les joueurs et les 3500 spectateurs apprendront durant l’échauffement que l’équipe polonaise n’est jamais arrivée en France, faute d’autorisation de sortie du territoire. Pour la petite histoire, après avoir mené 0-2, Katowice s’inclinera 3-2 à Barcelone, passant donc très proche d’un très bel exploit.
Une nouvelle fois confrontée à l’urgence, Max Pommerolle, Max pour les intimes, se démène pour dénicher un adversaire valable. Il a 24h devant lui. Et rapidement, une équipe accepte : le Cercle Brugge, « un très bon de seconde division belge ». Les Groen-Zwart sont présentés comme solides, candidats à la montée grâce à un excellent recrutement, dont l’international roumain Ion Ionescu.
Alors cette fois c’est bon, coup d’envoi ? Oui ! Rapidement, les Lillois se montrent plus rapides, plus précis. Les Brugeois sont dépassés. Les buts défilent. 1, 2, 3… 9-0 ! Alors qu’est-ce qui a pu se passer ? Les Lillois sont-ils effectivement inarrêtables et foncent-ils vers la D1 ? La D2 belge est-elle si faible que ça ? La réponse est beaucoup plus décevante : la première journée du championnat belge s’est déroulée quelques heures plus tôt. Le Cercle est donc venu avec son équipe réserve. Si la volonté était d’avoir des adversaires de qualité et un public nombreux, ce match amical est donc un échec total, puisque 2100 spectateurs ont assisté à cette branlée.
Samoy mis à l’honneur
Alors pour se rattraper, le LOSC fait coup double : la venue du Standard de Liège, leader du championnat belge, sera l’occasion de mettre à l’honneur le fidèle Charly Samoy, qui fait désormais les beaux jours de Mouscron, alors leader de la 3e division. Arrivé au LOSC en 1963, les déboires financiers du club l’ont empêché de terminer sa carrière là où il l’aurait voulu. Mais c’est tout de même sur cette pelouse qu’il souhaite organiser son jubilé. Alors le LOSC met les petits plats dans les grands (ce qui ne sert à rien, rappelons-le) et met à disposition du gardien de but l’équipe, le stade et toutes ses facilités. En première partie a lieu un match opposant les Va-Nu-Pieds (une équipe créée par Charly Samoy, réunissant ses amis, dont Claude Brasseur, Alain Barrière et Jean-Pierre Beltoise) aux anciens du LOSC, emmenés par Bigot, Bourbotte, Dubreucq et Lechantre.

De gauche à droite : Charly Samoy, son fils et Léon Semmeling, le capitaine du Standard de Liège.
Et pour ce dernier « match de promotion » de l’année, le LOSC fit mieux que se défendre face à une équipe de calibre européen : rapidement mené au score, l’équipe trouve les ressources pour passer devant au marquoir. Supérieurs physiquement, les Liégeois retournèrent la situation dans les dernières minutes pour finalement s’imposer 2-3.
Malgré la défaite et l’affluence modeste (5000 spectateurs), la prestation de l’équipe était de nature à rassurer la qualité du groupe et les objectifs de montée en première division. La bonne série de résultats continua d’ailleurs de longues semaines, permettant au LOSC de décrocher la première place du Groupe Nord et d’assurer son retour en première division.
[1] Michel Seydoux avait annoncé avant l’entrée dans le Grand Stade attendre 35 à 40 M€. Lors de la première saison à Pierre-Mauroy, avec l’effet nouveauté, une affluence supérieure à 40 000 personnes, la Ligue des Champions et une équipe a priori solide, les recettes de billetterie étaient de 15M€. Record toujours à battre en 2020.
Posté le 16 avril 2020 - par dbclosc
Lille/Lens 2005 : en route vers la Ligue des Champions
Le 16 avril 2005, le LOSC bat son voisin 2-1 et s’ouvre une voie royale vers une deuxième participation en Ligue des Champions. Nicolas Fauvergue inscrit son premier but en professionnel.
Après 18 premiers mois compliqués en termes de jeu et de résultat, le travail de fond de Claude Puel manifeste des effets franchement positifs à partir du début de l’année civile 2004. À la faveur d’un mercato hivernal qui, en dépit d’inévitables « loupés » (qui sont aussi une marque des mercatos de Puel, comme en 2002), voit notamment arriver Tavlaridis et Acimovic, le LOSC parvient enfin à allier solidité défensive et créativité offensive. Encadrés par les expérimentés Tafforeau, Wimbée, Pichot ou Brunel, les jeunes joueurs régulièrement lancés par le coach depuis son arrivée s’installent comme titulaires, à l’image de Moussilou, qui « profite » de la blessure de Manchev pour évincer définitivement le Bulgare ; les Makoun, Bodmer, Be. Cheyrou, Dernis et Chalmé sont devenus de bons joueurs aux performances régulières ; et les Dumont et Debuchy pointent leur nez.
Cette dynamique se poursuit à l’aune de la saison 2004/2005 : en dépit de quelques départs majeurs (Wimbée, Abidal, Cheyrou), le LOSC s’appuie sur une ossature relativement jeune, qui s’étoffe avec des bonnes pioches (Sylva, Angbwa, Vitakic, Odemwingie), la percée régulière de jeunes joueurs (Cabaye, Fauvergue, Mirallas), et d’autres ayant franchement progressé, comme Rafael. La victoire en coupe Intertoto au mois d’août, qui sur le coup a pu paraître peu significative, laissait ainsi augurer une belle saison basée sur un jeu collectif très agréable et dans lequel, en dépit d’un important turnover, les performances ne changent pas. Après un mois d’août poussif (avec notamment une lourde défaite à Marseille 0-3 en ayant fini à 9, un 0-0 contre Bordeaux) laissant craindre une nouvelle saison mi-figue mi-raisin, le LOSC enchaîne une belle série, n’encaisse son premier but à domicile que mi-octobre, et se place même en tête du championnat à l’issue de la 9e journée. Parallèlement, le LOSC réussit un beau parcours en coupe UEFA, en terminant premier de son groupe devant Séville, et est donc qualifié pour les 16e de finale qui ont lieu en février. Et le LOSC réussit quelques « coups », comme l’élimination de Lyon en coupe de la Ligue (3-2).
Signe de la qualité collective de l’équipe : à mi-saison, en janvier, Claude Puel a utilisé 26 joueurs toutes compétitions confondues, dont 13 ont marqué au moins un but (Brunel, Dernis, Acimovic, Moussilou, Bodmer, Audel, Odemwingie, Dumont, Landrin, Debuchy, Tafforeau, Vitakic, et Manchev avant son départ).
C’est donc en deuxième position que le LOSC accueille le leader lyonnais, invaincu, le 23 janvier 2005. L’OL est 6 points devant et, au terme d’un match haletant et d’une grande performance de Tony Sylva, le LOSC s’impose 2-1. On aimerait s’emballer comme L’Equipe qui prétend que « Lille relance la L1 » (une expression courante de l’époque dès que Lyon perdait des points), mais on se réjouit surtout que l’équipe ait été à la hauteur dans ce sommet, et qu’elle semble manifestement entamer 2005 avec la ferme intention de maintenir sa place de dauphin.
Le LOSC va pourtant marquer le coup après ce match. À Caen, le gardien Planté détourne 13 frappes lilloises ; à Saint-Etienne, Rafael marque un but parfaitement valable mais refusé. Sans moins bien jouer, Lille n’a plus de réussite et enchaîne une série de 8 matches sans victoire, tout en ne perdant qu’une seule fois (ce qui fait 7 nuls si vous comptez bien – même si vous ne comptez pas bien d’ailleurs). En 8e de coupe UEFA, Auxerre élimine les Dogues. Le LOSC est redescendu 4e, tout en restant au contact du 2e : va-t-il rentrer dans le rang ? Claude Puel reste optimiste avec le retour du printemps : « nous avons atteint les limites d’un système sur des terrain en mauvais état. Balancer, on ne sait pas faire. La qualité du jeu revient avec les bonnes pelouses. On parvient à nouveau à déstabiliser l’adversaire ». Début avril, la pauvre équipe d’Istres va alors servir d’éxutoire : 8-0. Comme le dit Jean Makoun, « tous les buts qu’on n’a pas marqués depuis trop longtemps, on les a mis en seul match ».
Le LOSC est relancé et espère poursuivre à Monaco, deux points derrière, sa marche en avant. Mais le match est reporté pour cause de… décès du Prince Rainier. Le match suivant se joue donc contre Lens.
Si, au début des années 1990, on était au coeur d’une série de derbies pénibles et peu spectaculaires, on peut dire que, depuis la remontée du LOSC en 2000, à de rares exceptions près, les matches entre Lillois et Lensois offrent régulièrement un duel où au moins une des deux équipes est en haut de tableau, et ce jusqu’à la descente de Lens en 2008, comme l’illustre cet astucieux tableau :
Pour cette saison 2004/2005, à l’aller, au stade Bollaert, les deux équipes se sont séparées sur un nul 1-1, un score plutôt flatteur pour les Lensois, largement dominés en seconde période. Ce 16 avril, ce sera la troisième confrontation de la saison entre les deux équipes puisqu’en février, durant la série de non-victoires du LOSC en championnat, les Dogues ont battu les Sang & Or en coupe de France (3-2).
Avec un match en moins, les Dogues sont toujours deuxièmes, à égalité de points avec Marseille, tandis que les Lensois connaissent une saison moyenne : ils sont 10e mais peuvent encore espérer jouer l’Europe, même si Auxerre, 5e, est à 7 points.
Claude Puel aligne l’équipe suivante :
Sylva ;
Chalmé, Tavlaridis, Rafaël, Vitakic ;
Dumont, Makoun, Landrin ;
Dernis, Brunel, Moussilou
Le match est équilibré et pauvre en occasions. Le LOSC ouvre le score à la 39e minute : bien lancé par Geoffrey Dernis, et avec l’aide d’une lourde défense centrale, Moussilou s’échappe et trompe Itandje, parti trop tard, d’un tranquille plat du pied droit. Mais les Lensois égalisent 4 minutes plus tard par Jérôme Leroy. À la mi-temps, les deux équipes sont à égalité (1-1).
En seconde période, Lille domine de façon stérile, sans se créer d’occasion franche. Les entrées d’Odemwingie à la place de Dernis (59e) et de Debuchy à la place de Landrin (78e) n’y changent rien : on se dirige vers un nul. Le buteur, Matt Moussilou, est remplacé par Nicolas Fauvergue à la 88e minute.
Formé à Lens à partir de l’âge de 13 ans, Nicolas Fauvergue a quitté la formation lensoise deux ans plus tard en raisons de « lacunes techniques », selon ses formateurs. Après deux années à Béthune, il rejoint le LOSC, sous la direction de Rachid Chihab puis de Pascal Planque, et signe pro à Lille en 2003. Il a jusqu’alors été peu utilisé : il fait ses 30 premières minutes en L1 en octobre 2003 contre Ajaccio, en remplaçant Hector Tapia, puis ne réapparaît que durant la campagne Intertoto de l’été 2004, où il entre en jeu en fins de match, contre Minsk puis contre Leiria. Il fait également une apparition en championnat contre Bordeaux (août 2004), puis en UEFA contre Auxerre (mars 2005) : chaque fois, il est sur le terrain pour une dizaine de minutes.
Nicolas Fauvergue effectue donc sa 6e apparition sous le maillot lillois. La plus courte, et la plus décisive. Sur son premier ballon, il réceptionne un centre de Brunel et fait un mauvais choix en ne plaçant pas sa tête sur un ballon qu’il semble pouvoir reprendre ; son contrôle de la poitrine est approximatif, mais il semble garder le contrôle du ballon. Seulement, Jérôme Leroy revient et le lui enlève… du bras ! Pénalty pour Lille.
Le tireur attitré est Philippe Brunel : il en déjà transformés 4 depuis le début de saison, dont un lors du match de coupe contre le même adversaire. C’est toujours tiré à gauche du gardien, sans que ce ne soit très bien placé… Charles Itandje a peut-être bien révisé et renvoie le tir prévisible de Brunel : explosion dans le kop lensois. Mais ce n’est pas fini : Debuchy et Gillet se jettent sur le ballon, sans pouvoir le toucher. Ça arrive finalement à l’entrée de la surface, où Fauvergue arme du pied droit : le ballon est dévié sur la ligne des 6 mètres par Gillet, au sol avec Debuchy, et trompe le gardien lensois. 2-1 pour Lille, explosion dans le Stadium ! Nicolas Fauvergue est le 11e buteur lillois de la saison en championnat (le 14e en tout).
Avec cette victoire, le LOSC conforte sa position car, le soir, Monaco coule à Ajaccio (0-3). En dépit d’une défaite au stade Louis II lors du match en retard et d’un faux pas à domicile contre Ajaccio, le LOSC parvient à assurer sa deuxième place en s’imposant à Strasbourg, contre le PSG (avec un nouveau buteur : Mirallas), à Nantes (avec un nouveau buteur : Rafael), et enfin à Auxerre. Lille, pour la première fois de son histoire, se qualifie directement pour la phase de poules de la Ligue des Champions.
En juin 2018, quand il a raccroché les crampons, Nicolas Fauvergue confiait que le meilleur souvenir personnel de sa carrière était son premier but en pro, comme une revanche sur Lens où le coup des « lacunes techniques » « résonne toujours dans [s]a tête ».
Posté le 14 avril 2020 - par dbclosc
Le LOSC passe la Seconde
Pour le retour du LOSC en D1 le 29 juillet 2000, Grimonprez-Jooris présente un nouveau visage à son public : au cours de l’été, le stade a été réaménagé et les « Secondes » ont été surmontées de 2000 places, condition imposée par la Ligue pour jouer dans l’élite. Une belle occasion de remuer la poussière accumulée sous le tapis avant d’entrer dans une nouvelle dimension.
Dans le serpent de mer que constitue la question des stades du LOSC, Grimonprez-Jooris occupe une place privilégiée : stade construit à la hâte, en quelques mois en 1974/1975, la nostalgie qu’il suscite aujourd’hui semble inversement proportionnelle au consensus dont il a peu fait l’objet au cours de ses 30 ans d’existence : mal placé, trop grand, trop petit, trop vétuste, mal desservi, peu accueillant pour la presse ou les hôtes « de marque »… à partir des années 1990, le stade apparaît clairement désuet. À tel point qu’il compromet un temps l’accession du club en première division, acquise sur le terrain sportif. Grimonprez-Jooris et ses 15 000 places ne sont plus aux normes, et il faut trouver une solution.
De 25 000 à 13 400 places
La situation peut paraître incongrue car, à l’origine, le stade Grimonprez-Jooris a été conçu pour accueillir 25 000 spectateurs, dont une majorité debout. D’ailleurs, cette affluence a parfois été atteinte à la fin des années 1970 et au début des années 1980, quand le pétillant LOSC de José Arribas sut attirer les foules. Officiellement, le record d’affluence du stade est de 25 578 spectateurs, le soir d’une mémorable victoire contre Saint-Etienne, le 7 avril 1979 (3-0). Mais quelques catastrophes dans les années 1980 ont alimenté une législation plus restrictive en matière d’accueil du public, au nom de la sécurité. Ainsi, progressivement, la capacité officielle du stade diminue, jusqu’à tomber à 13 400 places après Furiani. En 1995, la loi dite « Pasqua » fait des organisateurs des manifestations sportives les responsables. Autrement dit, ce sont les clubs et la ligue qui sont chargés d’organiser les conditions d’accueil des spectateurs et, logiquement, cette législation incite à la prudence, même si au même moment, la LNF se fait de plus en plus pressante pour inciter le LOSC et la ville de Lille à « moderniser » l’enceinte. Seulement, le club a bien d’autres chats à fouetter : l’urgence est de rétablir des fonds propres pour le club (selon le président Lecomte, ce sera fait en 1998) ; quant à la mairie, quand elle s’intéresse au LOSC, c’est pour presser ce processus et préparer la transition vers une société privée.
Grimonprez-Jooris en octobre 1975, juste avant son inauguration. Photo La Voix du Nord.
Par petites touches, Grimonprez-Jooris gagne quelques sièges, à force d’aménagements mineurs. Mais c’est dans l’urgence que, en en cas d’affluence comme ça a été le cas au début de la saison 1996/1997, le club procède à des travaux et demande des dérogations. Ainsi, lors du derby Lille/Lens du 6 novembre 1996, et alors que le LOSC a déjà dû refuser du monde à deux reprises depuis le début de saison, Bernard Lecomte demande une autorisation pour que la capacité du stade soit de 18 500 places : le matin même du match, une commission de la LNF se rend à Grimonprez-Jooris et accorde au LOSC, en dernière minute, 16 311 places, le temps d’un match. Ce n’est donc que par à-coups, et toujours de façon dérogatoire, que Grimonprez-Jooris s’adapte, tant bien que mal. Et il faudrait que la question soit résolue le 1er janvier 1998 : à cette date, la Ligue impose aux clubs de D1 20 000 places assises, sous peine de rétrogradation. La descente du LOSC en mai 1997 permet de masquer le problème dans l’immédiat et de laisser les non-projets dans les cartons.
En D2, d’autres aménagements se font : on se rappelle qu’au cours de la saison 1998/1999, le gros panneau d’affichage à points rouges et verts (ci-dessous) est remplacé par un écran plus moderne (et plus compréhensible) ; les grillages sont supprimés. Mais c’est encore insuffisant, et maintenant que le LOSC cartonne au cours de la saison 1999/2000 et s’apprête à retrouver la D1, la configuration de son stade l’empêcherait administrativement de monter. Une première solution envisagée serait de se replier au Stadium Nord mais à part le maire de Villeneuve d’Ascq, ça fait chier tout le monde.
L’entrée de Grimonprez-Jooris en février 1998. Source : nos belles archives
4 ans que la Ligue tanne le LOSC afin de monter la capacité de Grimonprez-Jooris à 20 000 places assises : la descente avait assoupi le projet et, désormais, le club et la ville ne peuvent plus surseoir à l’échéance, ou alors la Ligue refusera la montée éventuelle. Signe indéniable que le LOSC va mieux : Pierre Mauroy est de retour au stade ; il ne s’y était pas pointé depuis 3 ans.
Dans le Magazine du LOSC de novembre 1999, Bernard Lecomte est clair : « il nous faut 20 000 places, sinon la Ligue nous refusera la montée en D1, ne serait-ce que pour éviter un recours d’un autre club ayant satisfait à cette exigence ». Il existe encore des dérogations aux règles, mais elles concernent des villes de taille modeste (comme Guingamp) ; mais en aucun cas la Ligue ne souhaite faire de cadeau à une métropole de la taille de celle de Lille, qui n’a de plus que trop traîné les pieds. Dans l’urgence, encore et toujours, la LNF propose au LOSC une porte de sortie : il est possible de compléter la capacité de Grimonprez-Jooris en 1999 par des équipements provisoires, tolérés durant quelques années, en attendant le choix définitif du futur stade : il s’agirait alors de surmonter la tribunes « Secondes » d’une structure de 5 000 places. C’est cette dernière issue qui est proposée par la ville le 30 novembre 1999, avec toutefois une structure inférieure à 5 000 places, d’autres places pouvant être gagnées dans d’autres tribunes. Deux représentants du club (Bernard Lecomte et M. Hubeau) et deux de la ville (M. Circo, architecte, et M. Lebrun, secrétaire général adjoint de la ville) se rendent au siège de la LNF le 8 décembre pour présenter le projet et obtenir son feu vert.
Le Magazine du LOSC, Novembre 1999
Un premier projet de 20 268 places
Voici ce que présente la délégation lilloise : à ce jour, Grimonprez-Jooris dispose de 15 485 places aux normes de sécurité, dont seulement 9000 assises. Il est possible d’ajouter 8000 sièges vissés dans les virages (ce qui fait 17 000) ; on peut ajouter 2 rangées de gradins autour du terrain, à 50 centimètres au-dessus des panneaux publicitaires (pour un total de 1000 sièges, on arrive donc à 18 000). Manquent 2 000 places : on a le compte en ajoutant 14 gradins au-dessus de la tribune « Secondes ». Dans un premier temps, l’architecte a privilégié une structure amovible, sur le modèle de ce qui a été fait à Créteil ou au Mans, mais cette piste a été abandonnée car « cela ne donnait pas une impression de grande sûreté ». Selon Circo, « techniquement, ça ne pose aucun problème, on peut faire ce qu’on veut. Mais comme nous sommes dans une zone inscrite à l’inventaire des Monuments historiques, nous avons des contraintes ». Ces contraintes sont principalement d’ordre esthétique : faut pas que ce soit moche. Il s’agit de faire en sorte que la structure s’intègre harmonieusement dans l’environnement proche : « cette structure doit être le plus léger et le plus transparent possible. Elle est métallique, soutenue par des crémaillères très discrètes. Il est important de soigner la façade : c’est la vitrine. C’est cette face qu’on voit depuis l’esplanade ». Quant à la hauteur, le débat avec l’architecte en chef des Bâtiments de France (qui a aussi ses exigences) porte sur la hauteur de l’extension : « jusqu’à présent, un compromis avait été trouvé, souligne Pierre-Marie Lebrun : les tribunes et leur couverture ne devaient pas dépasser les plus hauts arbres ». Le dernier rang serait ainsi à 15,5 m du sol, au niveau de la couverture des autres tribunes (et à 133 mètres du but opposé). Au total, comme chez le boucher, y en a un peu plus et on le met : 20 268 places assises. Le coût de l’opération est estimé à une fourchette de 10 à 12 MF.
Si tout va bien, le compte à rebours sera enclenché sans tarder, et voilà l’échéancier qui se profile : le conseil municipal donne son aval ; un appel d’offres publiques est lancé fin décembre ; le choix des entreprises retenues est pour février ; le lancement d’ordres en mars ; et les premiers coups de pioche arrivent dès après la dernière journée de championnat, en mai.
Surprise : la Ligue pousse ses exigences
L’audition de la délégation lilloise se déroule bien, du moins pour ce qui était prévu, hormis quelques critiques que la Voix du Nord juge « tatillonnes » : il semble que les ¾ des places ne seront pas couvertes, comme le demande le règlement de la Ligue. Il en manque 1000 ; et l’installation de 2 rangées de gradins supplémentaires amènerait le public à 4,8 m de la ligne de touche : or, la ligue ne veut voir aucune tête à moins de 6 m ! Il faudra donc prévoir quelques aménagements supplémentaires (et des dérogations) qui, selon Bernard Lecomte, feront passer le coût du projet à 15-20 MF.
Mais la commission des stades de la Ligue a réservé une surprise, par la voix de son président, Charles Girardot. Elle a formulé une exigence qui ne semblait pas au programme : oui, la Ligue va permettre au LOSC de jouer en D1, mais à la condition que la ville s’engage, dans les 3 ans, à construire un grand stade ! De quoi faire grimper la tension chez les élus lillois. Selon la Voix du Nord, il faut probablement voir dans cette demande un retour de bâton de la Ligue, « excédée par les atermoiements loscistes qui renâclent depuis plusieurs années à se mettre aux normes ». Le quotidien rapporte ce qu’aurait dit Girardot, en substance : « nous voulons rendre service à la ville en la forçant à investir dans un équipement d’avenir, pour lequel elle obtiendra des crédits et des subventions ». Et la Ligue demande à la ville un « billet d’engagement » pour le mois de février ! Revoilà donc cette affaire de grand stade « espéré par les supporteurs, redouté par les contribuables ». Se dirige-t-on vers un bras de fer entre la Ligue et la ville ?
Lille/Louhans-Cuiseaux, août 1999
Lecomte ravi, Roman un peu moins
Le président du LOSC, qui a maintes fois demandé que le projet du « grand stade » avance, est ravi : « je n’imagine pas une seconde que l’équipe ne soit pas autorisée à rejoindre la D1 si elle gagne ce droit sportivement et je me réjouis de l’intransigeance de la Ligue. Car pour moi il va de soi qu’il n’y aura pas de grand club à Lille s’il n’y a pas un stade digne de ce nom, c’est-à-dire une enceinte moderne, fonctionnelle, qui accueille autre chose que du football et qui, les soirs de matches, puisse rassembler 35 00 à 40 000 spectateurs ». Dans le Magazine du LOSC de décembre 1999, il surenchérit : « la mise en chantier d’un stade de 30 000 voire 40 000 places doit être clairement inscrite dans les priorités de la mairie de Lille. De grands sponsors ne viendront pas soutenir le LOSC si son stade n’offre pas les moyens de valorisation imposés, aujourd’hui, pour tous les clubs professionnels : des espaces VIP, le merchandising, les parkings, etc. Ce contexte n’exclut pas de faire de Grimonprez-Jooris un chaudron à l’anglaise mais sans traîner : dans moins d’un an, le LOSC pourrait recevoir Marseille, Lens, Saint Etienne, Il y aura du monde dans le stade et des besoins de stationnement ». On comprend qu’avec cette demande inattendue, Bernard Lecomte a trouvé un allié de poids pour faire pression auprès de la mairie…
Et du côté de la mairie, on souligne que Bernard Roman, adjoint en charge du dossier du LOSC, n’a que « modérément apprécié » la manœuvre et ne cache pas son « agacement ». Selon lui, la réunion à Paris était d’ordre technique et devait se borner à avaliser le plan d’extension de Grimonprez-Jooris : « les responsables de la commission des stades étaient parfaitement au courant des points qui nécessitaient une dérogation, comme la distance insuffisante entre les premiers gradins et la ligne de touche, et la couverture incomplète du stade, et ils m’avaient personnellement donné quitus ». Oulà, quand on sort les mots latins, c’est que l’affaire est grave. Elle vient surtout télescoper une autre actualité du LOSC : la privatisation.
« J’étais à deux doigts de conclure un beau mandat, et sur un malentendu la LNF a décidé d’un commun accord qu’on devait avoir un grand stade… J’sais pas ce qui me retient de leur casser la gueule »
Après avoir temporisé, tout le monde temporise
À force d’avoir traîné, on se retrouve avec un chevauchement de la question du stade avec celle du statut du club. Avec les attentes de la LNF, c’est un peu une rencontre entre tout le bordel qu’a pu être le LOSC et les questions liées à son avenir.
L’identité des repreneurs du LOSC est entérinée en conseil municipal le 13 décembre 1999, soit 5 jours après l’audition du LOSC à la LNF. Avant que le choix de la mairie ne soit annoncé, Bernard Lecomte avait annoncé son départ prochain, pour éviter tout soupçon sur une éventuelle préférence. C’est donc en homme « libre » que Lecomte met la pression sur la mairie, à un moment où on ne sait pas encore quelles sont les intentions du duo Dayan/Graille quant à la question du stade : nouvelle enceinte ou agrandissement de Grimonprez-Jooris ? À un peu plus d’un an des municipales (en mars 2001), on voit mal la mairie (qui par ailleurs réaffirme sa volonté, sur le principe, de voir un grand stade à Lille) s’engager dans les dépenses nécessaires à l’une ou l’autre solution, et aimerait temporiser pour se débarrasser du problème en même temps qu’elle refourguera ses dernières parts dans le club, donc quand le LOSC sera une SA. Et les repreneurs aimeraient bien un dernier coup de main des contribuables pour alléger les futurs coûts… Ou alors, puisque la loi « Chevènement » l’autorisera à partir de janvier 2001, une autre solution serait de faire financer une construction ou une rénovation par le biais de la métropole, qui peut s’emparer de la compétence des installations sportives. En cas de « complexe sportivo-commercial à Fives », on parle tout de même de 400 à 500 MF ; un peu moins si on agrandit Grimonprez par une ceinture supplémentaire au-dessus des tribunes actuelles. Alors, qui paiera ? La ville, la région, la CUDL, le privé ? Bernard Lecomte en profite pour rappeler que Lille s’était engagée dans la course de Lille 2004 avec un budget prévisionnel de 10 milliards, et que sans cette « occasion manquée », le problème était réglé.
Bref, la ville n’a aucune envie de s’engager seule sur ce projet, à ce moment-là. Pierre Mauroy va donc écrire à Noël Le Graët, président de la LNF, pour avoir davantage de précisions sur ses exigences ; entre maires socialistes, on devrait parvenir à s’entendre.
« Président, tirez sur mon doigt »
On bricole
En attendant, le conseil municipal valide la délibération qui projette d’accroître la capacité du stade à 20 000 places. En revanche, les élus disent non au grand stade « dans l’immédiat », ce que la Voix du Nord traduit par « tant que le LOSC ne sera pas une des vedettes de la première division ». En gros, ce que le uns posent comme condition correspond à ce que les autres posent comme conséquence : pour Lecomte, ce sont les infrastructures qui permettront au LOSC de jouer les premiers rôles ; pour la mairie, ce sont les résultats qui autoriseront d’avoir de grandes infrastructures. On se dirige donc vers un pis-aller, où on exploite au maximum les structures d’un stade vieillot, en attendant mieux, un jour, par quelqu’un. Ainsi, pour ce qui est des parkings, la Voix indique que « la municipalité se pose la question mais ne s’en inquiète pas vraiment ». Lors du match au sommet contre Guingamp, en novembre, 15 000 spectateurs étaient présents. Les services de la ville ont compté 5000 voitures ; par une astucieuse règle de 3, on estime que 20 000 spectateurs, c’est 6 000 voitures : « ce n’est pas beaucoup plus. En outre, 1000 véhicules étaient sur le champ de mars, qui peut en contenir 2000. Il faut bien les ranger pour en sortir vite » indique P-M Lebrun. À partir de janvier, on étudie comment Grimonprez peut respecter le cahier des charges de la D1 au niveau de la sécurité et des chaînes de télé (pour lesquelles il faut 1 200 m2 de parkings pour les 27 caméras).
Quelques dérogations et un nouveau report de la question du « grand stade » permettent au LOSC de retrouver la D1 avec un stade dont la capacité d’accueil est finalement de 21 128 places, dont 2/3 sont couvertes, et dont 14 435 sont assises. Bien entendu, ce réaménagement sera insuffisant pour satisfaire aux exigences liées aux ambitions du club et aux normes du football les plus récentes. Pour la réception de Parme, d’autres restrictions européennes limitent l’accueil à 14 700 places, et il faudra jouer la Ligue des Champions à Lens, avant de migrer au Stadium Nord en 2004 en attendant que la question du « grand stade » soit enfin réglée.
Et voici les « Secondes hautes » !
Le changement le plus spectaculaire est donc l’apparition de la tribune « Secondes hautes », qui a pour conséquence de transformer les « Secondes » en « Secondes basses ». Après un gros orage en fin d’après-midi, c’est sous un franc soleil que, ce 29 juillet 2000, elle se révèle au public lillois : Lille reçoit le champion de France monégasque pour son retour en D1, et on doit bien dire que cette tribune, pourtant pas bien grande, est impressionnante. Officiellement, il y a 19 146 personnes au stade : une affluence probablement inédite depuis près de 20 ans. Des spectateurs en « Secondes Hautes » qui auront l’occasion de chavirer une première fois cette saison quand à la 52e minute et à environ 130 mètres de là, Bruno Cheyrou inscrit le premier but lillois de la saison et égalise.
Patrick Collot nous a raconté que, du point de vue des joueurs, l’érection de cette tribune avait un effet important sur l’image que le club renvoyait : « il y avait une dynamique à l’intérieur du club. Je me souviens qu’à cette période, cette tribune derrière les buts a été construite. On sentait un club qui commençait à bouger, à s’améliorer pour accueillir ses supporters dans de meilleures conditions. C’est bête à dire, mais c’est quelque chose que nous, joueurs, on ressent aussi : que le club évolue, qu’il fait des efforts, qu’il veut progresser ».
Dans un premier temps, on ne sait pas si elle porte la poisse, mais personne ne marque du côté de cette tribune jusqu’au 4e match, en septembre 2000, où Bruno Cheyrou transforme un coup-franc et égalise contre Troyes.
Migrations vers le Nord
Le réaménagement du stade a une conséquence importante et peut-être inattendue sur le placement des sections de supporters, qui migrent progressivement en « Secondes basses » au cours de la saison : les virages étant désormais des places assises (même si on a le droit d’être debout), aussi bien les DVE (à l’est, donc), que les Dogs United, placés depuis quelques temps en face, se tournent alors vers la seule tribune officiellement « Debout ». On peut ainsi penser que l’installation de sièges a tendance à aseptiser un lieu, le rendant alors peu compatible avec la pratique d’une culture de supporters ; et que le caractère désormais relativement impressionnant des tribunes « Secondes » créent un effet de masse à la fois visuel et sonore bien plus propice à cette pratique et susceptible d’impressionner les adversaires ; dernière hypothèse possible : la grandeur de la tribune permet de réunir un nombre important de supporters, au-delà des concurrences et rivalités.
De nos archives : Lille/Lyon, avril 2001, où un groupe important est déjà constitué
Durant 4 ans, l’apparition de cette nouvelle tribune n’a donc pas eu que des conséquences en termes d’affluence : elle a déplacé le centre de l’activité du stade vers les « Secondes », amenant de plus en plus de supporters « actifs » et d’animation, supporters qui ont connu leurs moments de joie et de fierté avec l’ère Vahid, des moments plus compliqués avec les 18 premiers mois de Puel, leurs embrouilles, leurs provocations avec les supporters adverses placés à côté ; bref, comme l’ont illustré les les festivités organisées le 15 mai 2004 pour la dernière, c’est ici que pendant 4 ans battait le cœur de Grimonprez-Jooris.
Posté le 6 avril 2020 - par dbclosc
À jamais les premiers ! L’Olympique Lillois premier champion de France professionnel (1932-1933)
Comme un symbole du grand complot contre le football lillois, le premier championnat professionnel de football débute officiellement un 11 septembre, en 1932. Dès leurs débuts, les ancêtres du LOSC allaient découvrir que rien n’allait leur être épargné par les forces obscures qui n’allaient reculer devant rien pour empêcher la consécration du football de la grande métropole nordiste. Mais ces mêmes complotistes découvraient en parallèle qu’il leur faudrait être plus coriaces pour contrecarrer les velléités de succès de nos chers footballeurs.
Henri Jooris, qui est à la fois président de la Ligue du Nord et de l’Olympique Lillois est l’un des acteurs les plus mobilisés autour du projet de création d’un premier championnat professionnel. Il est voté le 17 janvier 1931 lors du conseil national de la Fédération Française de Football. Un an plus tard, la Fédération définit les règles permettant aux clubs de postuler au Groupement des Clubs Autorisés. L’Olympique Lillois fait bien sûr d’abord partie des 24 premiers candidats ainsi que des 17 premiers à être autorisés à rejoindre le Groupement. Ils seront rejoints en mai et juin par le Red Star, le CA Paris, le RC Paris et le Stade Rennais.
Pourtant, en raison de tensions entre le Groupement et la Ligue du Nord, l’Olympique Lillois, le RC Roubaix et Amiens vont finalement se désengager le 27 juin, moins de trois mois avant le début du premier championnat professionnel. Le SC Fives, qui est alors un club modeste qui navigue entre haut de classement en PH Nord et bas de classement de DH (Nord, là encore), profite de ces désistements pour déposer un dossier de candidature qui … sera accepté le 22 juillet 1932 ! Louis Henno en profite pour débaucher plusieurs joueurs de l’Olympique Lillois, dont l’international André Cheuva, qui viennent alors renforcer l’effectif de ce qui devient le premier club lillois professionnel.
Cet évènement imprévu amènera Henri Jooris à changer à nouveau son fusil d’épaule et à déposer un nouvelle candidature, bien que les délais officiels soient dépassés. Le 1er août, cette candidature est déjà acceptée. L’OL fera ainsi bien partie des 20 clubs qui disputeront le premier championnat professionnel de l’histoire.
Huit victoires de suite après la défaite initiale
Ce premier championnat est alors organisé en deux poules de dix équipes qui s’affrontent en matchs aller-retour, les vainqueurs de chacune des deux poules devant s’affronter en finale au Stade de Colombes au mois de mai 1933. La découverte du professionnalisme débute bien mal pour ceux qui sont déjà surnommés les « Dogues ». Ils s’inclinent ainsi à domicile au Stade Victor-Boucquey contre un autre Olympique, celui de Marseille (1-2). Fallait-il y voir le signe d’une domination à venir des Marseillais sur la saison, lesquels pourraient en conséquence revendiquer d’avoir été « à jamais les premiers » champions de France professionnel ?
Bélinogramme du match OM-Lille publié dans Match l’intran en septembre 1932
En tout cas, après ce premiers revers, les Dogues allaient montrer qu’ils ne comptaient pas se laisser faire. La semaine suivante, les Lillois repartaient ainsi dans le bon sens à la faveur d’une victoire sur le terrain du RC Paris. Les Dogues montraient alors quelles allaient être leurs qualités comme le résume le journaliste de Match en charge du compte-rendu. « A quoi Lille dut-il sa victoire ? A sa défense et à son cran. Le trio Défossé-VanDooren-Théry a été magnifique […]. Les Dogues Lillois peuvent avancer qu’on ne leur marquera pas beaucoup de buts ».
Les Lillois n’allaient pas s’arrêter en si bon chemin et allaient battre la totalité de leurs adversaires suivants jusqu’à la fin des matchs aller, leur permettant d’atteindre la mi-championnat en tête avec trois points d’avance sur leur dauphin marseillais. Le 11 décembre 1932, c’est donc en position de force que l’OL se rend au Stade Vélodrome pour affronter la seule équipe qui a jusqu’ici réussi à contrecarrer ses plans de victoires. Comme annoncé par le journaliste de Match, la défense est effectivement leur point fort puisqu’elle n’a cédé qu’à 7 reprises en 9 rencontres, à une époque où la moyenne de buts par match (3,95) est bien plus élevée qu’aujourd’hui.
Le scandale du Vélodrome
Il était dit que ce match au sommet ne se passerait pas sans tension. Voyons le compte-rendu qu’en fait Le Grand Echo du Nord de la France le 12 décembre 1932. On y apprend d’abord que les Marseillais dominent la rencontre et mènent déjà par 2 à 0 à la pause. On y lit ensuite que les Phocéens inscrivent le troisième but en début de seconde mi-temps quand intervient « un premier incident, opposant Lutterlock et Rabih. L’intérieur lillois eut le tort de chatouiller les chevilles de Rabih et ce dernier lui porta un coup de tête. L’arbitre mis les deux hommes dehors ». Si l’on n’est pas bien sûr de comprendre ce que Lutterlock a fait, on comprend en revanche que notre Anglais s’est pris un gros coup de boule en retour et que les deux équipes se retrouvent alors désormais à dix.
Sur ce, les Marseillais inscrivent un quatrième but quand survint le deuxième incident opposant Barrett et Trees – l’article n’évoque ici aucune chatouille ni le moindre coup de boule, même métaphoriquement – valant également aux deux joueurs l’expulsion. Les Lillois protestèrent et, semble-t-il, souhaitaient que le match s’arrête là, ce que refusa l’arbitre. S’ensuivit une mascarade de football, les Lillois décidant de concert de ne plus jouer le jeu. Défossé, par exemple, bloqua un tir puis le mis volontairement dans ses filets ; solidaire, le Marseillais Boyer profita des largesses volontairement données par la défense lilloise pour aller jusqu’à la ligne de but de Défossé pour enfin … revenir en arrière ! Alcazar – qui allait ensuite jouer à Lille – en profita pour inscrire un doublé et porter la marque à 7-0, ce qui resta le score final.
Si de nombreux articles ont relaté avant nous cet épisode – Patrick Robert parle par exemple à ce propos d’un match « assez scandaleux » – un détail manquant nous a cependant toujours chiffonnés. Pourquoi les Dogues se sont-ils rebellés de la sorte après la deuxième série d’expulsions ? Certes, on pourrait avancer que le score à ce moment-là (4-0) leur donnait un mobile évident pour trouver prétexte à faire arrêter le match. Mais cela n’explique pas tout. Or, l’article du Grand Echo nous donne sur ce point une information importante.
En fin d’article, on apprend ainsi que le journaliste est allé voir un certain M.Hochart, « membre du comité-directeur de l’O.Lillois » après la rencontre, lequel nous en dit un peu plus sur l’appréciation faite par les Lillois sur ce match. « La rencontre a été gâchée par l’arbitrage. M.Féron manqua de sévérité dès le début et eut le tort de ne pas réprimer plus vite les irrégularités. Après un quart d’heure de jeu, nous avions déjà MacGowan, Delannoy, Amanet Wattrelos blessés. Nous ne pouvions plus espérer grand chose ». On peut bien sûr s’interroger sur la nature réelle des blessures des joueurs Lillois, mais le témoignage permet en effet de restituer l’état d’esprit des Lillois quand ils perdent Barrett. Déjà handicapés par les blessures de quatre joueurs, ils se retrouvent amputés de deux autres joueurs, seuls Défossé, Meuris, Beaucourt, Winkelmans et Théry restant à la fois valides et autorisés à rester sur le terrain.
En tout cas, le groupe A du premier championnat de France était alors relancé…
Pour vous aider à mieux vivre ce confinement, DBC LOSC vous offre en exclusivité de calendrier illustrant les vainqueurs nordistes de l’année 1933 (publié dans Le Grand Echo)
Malheureusement pour le suspense, les Lillois continueront sur le rythme infernal qu’ils imposaient à leurs adversaires Marseillais (sauf bien sûr quand ils jouaient contre eux). Lille enchaîne par des victoires contre le Racing (4-1), le Club Français (5-3), Nice (3-0), Mulhouse (2-1) et Nîmes (4-0). A trois journées du terme, ils sont déjà presque assurés de la première place, avec 5 points d’avance sur l’OM, et ont remporté la totalité des 13 rencontres de championnats non jouées contre leur dauphin. Les Dogues s’autorisent un petit relâchement contre Sète (0-1) qui leur suffit toutefois pour assurer la première place, Marseille s’étant incliné. Ils terminent par une défaite contre Roubaix (1-2) avant une ultime victoire contre Hyères (2-1).
Lille-Antibes en finale ?
Lille est donc qualifié pour la finale du premier championnat de France professionnel de football ! Mais, qui donc affrontera-t-il en finale ? Pour le savoir, rendons-nous à Antibes, où un certain « Allègre » rend compte de la victoire des locaux contre l’autre club lillois, le SC Fives, lequel reçoit ce jour-là une belle raclée (5-0). « Antibes a justement mérité, par sa brillante saison, l’honneur d’aller à Colombes disputer aux ‘’Dogues Lillois’’ le titre envié et inédit de champion de France professionnels ». Et bien, certes, pour nos références contemporaines, cela ressemble un peu à une affiche de Pro B en basket mais, soit, va pour Antibes !
Sauf qu’un malheureux imprévu viendra ruiner les espoirs des joueurs d’Antibes de disputer le titre aux Lillois. Le 8 mai, la Commission d’organisation du Championnat de France professionnel décidait de déclasser Antibes, premier du groupe B, au profit de Cannes. La raison ? Valère, l’entraîneur d’Antibes, et Rodriguez, l’un de ses joueurs, se voient reprocher d’avoir offert une grosse somme d’argent à des joueurs fivois pour qu’ils lèvent le pied lors de la dernière rencontre de la phase régulière du championnat le 30 avril 1933. Une banale affaire de corruption en somme.
Comme on peut le lire sur cette coupure de presse, la raclée fivoise sur fond de corruption a été immortalisée par une photo transmise par « Système Belin », l’autre non du bélinographe
Par ailleurs, Antibes perdra aussi un match sur tapis vert contre le Red Star pour avoir aligné des joueurs non-qualifiés ainsi que six étrangers (contre quatre autorisés). Sans doute un problème de phobie administrative.
A jamais les premiers
Le 14 mai 1933, l’OL dispute la première finale du championnat de France professionnel de football au Stade de Colombes. Il s’agit là potentiellement de parachever le succès du football nordiste en cette saison 1932/1933. En effet, une semaine plus tôt au même endroit, c’est l’Excelsior de Roubaix qui avait remporté la finale de la Coupe de France contre … le RC Roubaix, pour ce qui reste encore la seule finale de l’histoire de la Coupe à avoir opposé deux clubs d’une même ville.
– Messieurs, serrez-vous la main. Je suis l’arbitre de cette rencontre, M.Rodolphe Mitler.
- Comment ?! Vous êtes Ad…
- Je répète, j’ai bien dit: je suis Rodolphe Mitler!
C’est très bien parti pour les Lillois qui dominent outrageusement la première période. C’est l’avant-centre Britannique Barrett qui donne l’avantage aux Lillois (25è) avant que l’inter hongrois Varga ne double la mise (2-0, 30è). Et, comme le fait remarquer le journaliste du Miroir des Sports dans son compte-rendu, « seul le brio du gardien cannois Roux […] empêcha [les Lillois] d’acquérir une plus nette avance à la marque. Au repos, la victoire définitive de l’OL ne faisait guère plus de doute que celle de l’Excelsior sur le Racing Club de Roubaix le dimanche précédent ».
Mais la deuxième mi-temps débuta sous la pluie, ces conditions semblant déstabiliser les joueurs de l’OL. Pourtant, selon le journaliste ces conditions devraient au contraire avantager les Dogues qui seraient « habitués aux champs de jeu détrempés ». Ben Voyons ! Faut-il le rappeler – apparemment oui – mais, clichés mis à part, le Nord connaît un niveau de précipitations inférieur à la moyenne et plus de trois fois inférieur à celui observé dans les Alpes-Maritimes, le département des Cannois !
Quoi qu’il en soit Fecchino réduisit l’écart pour Cannes (2-1, 59è), mais Winkelmans sembla enterrer définitivement les espoirs des Azuréens (3-1,76è). Pourtant, dans la minute suivant l’ailier cannois Calecca ramena à nouveau les siens à un but de leur adversaire (3-2, 77è). C’est la stupeur dans le camp lillois – enfin, on l’imagine – quand, sur un corner, le défenseur Tourniaire égalisa d’un tir à ras de terre (3-3, 82è).
Même si, comme le souligne cette fois fort opportunément le journaliste « beaucoup d’autres équipes auraient […] perdu la tête » en de pareilles circonstances, cela n’a pas été le cas des Dogues. Urbain Decottignies déborda ainsi côté droit et centra pour la reprise de Winkelmans (4-3, 86è).
Illustration publié on ne sait dans quel journal, diffusée sur Footnostalgie.com par Bukovi
L’Olympique Lillois devenait alors le premier champion de France de l’ère professionnelle et ce malgré l’action conjuguée des nombreux complotistes qui, déjà, cherchaient mille et une manière de nous mettre des ballons dans les roues.
Bientôt, on vous parlera des héros de l’équipe dirigée par l’entraîneur belge Robert De Veen.
Posté le 31 mars 2020 - par dbclosc
Division des tâches offensives. Sur les rôles respectifs des joueurs du LOSC sur phases d’attaque (1986-1990)
Comment les transmissions du ballon s’effectuaient sur les phases offensives du LOSC entre 1986 et 1990 ? Derrière cette interrogation, nous avions un double objectif. D’une part, nous souhaitions faire une analyse des rôles respectifs des différents joueurs du LOSC dans la construction de ses attaques et plus spécifiquement sur une période qui n’est pas nécessairement bien connue des supporters lillois actuels. D’autre part, l’ambition était méthodologique en montrant que, à partir d’un corpus de courts comptes-rendus issus de France Football, on pouvait produire des connaissances permettant d’objectiver certaines réalités du jeu lillois de la fin des années 1980 en combinant les données issues de ce corpus avec d’autres données comme les vidéos des matchs de l’époque.
Profitant du confinement, nous évitant fort opportunément des sorties au parc ou en forêt (ainsi qu’au stade), nous nous sommes rendus sur l’excellent site footnostalgie.fr pour y trouver l’ensemble des comptes-rendus des matchs de D1 du LOSC au cours des saisons 1986 à 1990. Dans ceux-ci, on trouve les descriptions des buts et des principales occasions des Lillois sur un total de 152 matchs. Ce matériau ne porte donc pas sur l’ensemble des actions lilloises mais uniquement sur les actions les plus dangereuses ou, en tout cas, sur celles qui sont apparues comme telles aux journalistes en charge de ces comptes-rendus.
Ces comptes-rendus décrivent les actions lilloises et nous permettent alors d’objectiver le déroulé de ces actions (en réalité surtout la fin de ces actions), quels sont les joueurs qui y ont pris part le plus activement et, pour ce qui nous intéresse en particulier, quels ont été les échanges de passes ayant eu lieu entre joueurs. Ceci nous donne un aperçu des schéma privilégiés entre joueurs et nous informe sur les rôles respectifs de chacun sur ces phases offensives.
Buisine et Mobati ne se faisaient jamais une passe. Cela ne les empêchait pas de très bien s’entendre.
Nous présentons ici les rôles respectifs de six joueurs du LOSC ayant disputé au moins trois saisons sur la période d’étude (à l’exception de Pelé, resté un peu moins de deux ans).
Cette présentation débute par la présentation des milieux défensifs. S’ils sont moins présents dans notre échantillon, d’abord parce que les courts descriptifs des comptes-rendus de FF ne décrivent que la fin des actions ou en tout cas leurs parties qui apparaissent les plus significatives aux yeux des journalistes qui en ont la charge, l’analyse du matériau permet toutefois de restituer le rôle spécifique qu’ils jouent sur les phases offensives. On verra ainsi que Philippe Périlleux et Alain Fiard ne jouent pas exactement le même rôle en la matière, le premier jouant de sa puissance de frappe pour envoyer de longs ballons à ses coéquipiers ou de lourdes frappes en direction du but adverse, tandis qu’Alain Fiard participait en apportant le surnombre sur les coups de pieds arrêtés et sur les attaques.
On abordera ensuite le rôle des milieux offensifs, Abédi Pelé et Jocelyn Angloma. On verra que le premier se caractérise par une grande mobilité sur le terrain ce qui contribue à rendre son jeu bien moins prévisible que les autres notamment parce qu’il n’a pas a priori de schéma d’échanges privilégiés avec l’un ou l’autre de ses partenaires. Le rôle de Jocelyn Angloma est lui plus stéréotypé mais il n’en est pas moins complémentaire du jeu du Ghanéen. Angloma avait ainsi pour rôle de faire des appels pour des passes de ses coéquipiers occupant des positions défensives pour ensuite transmettre le ballon aux attaquants.
On terminera par le rôle des attaquants, Philippe Desmet et Erwin Vandenbergh. On verra que le rôle de Desmet est alors celui d’un dynamiteur dont les accélérations ouvraient des espaces pour ses coéquipiers auxquels il servait de bons ballons et à Vandenbergh en particulier. Ce dernier, en position de pointe jouait en particulier sur son sens de l’appel.
Alain Fiard, d’abord milieu défensif, parfois en soutien des attaquants
Alain Fiard est pour sa part bien moins présent dans les phases offensives que l’ensemble de ses partenaires que nous évoquons ici. En trois saisons, on relève pour lui 13 passes effectuées pour 21 reçues. Ceci s’explique par le fait que l’essentiel de son rôle est celui d’un numéro 6 qui a la charge de la récupération du ballon et de sa transmission à ses camarades les plus proches sur le terrain.
Contre l’intuition première à propos d’un milieu défensif, Fiard reçoit ainsi davantage de passes qu’il n’en effectue lui-même et il en reçoit en priorité en provenance des attaquants. Ainsi, Vandenbergh, Sauvaget, Desmet, Mobati, Boli et Pelé lui font près des deux tiers des passes qu’il reçoit sur ces phases offensives. Ceci s’explique par le fait que, des deux milieux défensifs, c’est lui qui avait pour rôle de monter pour prêter main forte aux attaquants. Très souvent, il reçoit des passes en retrait d’attaquants excentrés après qu’il soit monté pour créer le surnombre, et il joue un rôle analogues sur les coups de pieds arrêtés.
Sur cette passe de Desmet, on voit clairement l’intention d’Alain Fiard de tenter d’apporter le surnombre en attaque.
Erwin Vandenbergh est le joueur avec lequel il échange le plus de ballons, lui faisant 5 passes et en recevant autant. Presque toujours, il s’agit de passes en retrait de l’attaquant belge qui, se retrouvant esseulé, voit arriver en trombe celui qui était fort peu opportunément surnommé « le Chinois ».
La « spéciale Fiard » : Erwin reçoit le ballon, mais je vois qu’il s’excentre et que mes autres coéquipiers sont solidement marqués. Je monte donc pour créer le surnombre, Erwin me la remet et je marque.
Philippe Périlleux : loin devant
La lecture des comptes-rendus de France Football montrent à propos des actions de Philippe Périlleux des descriptifs qu’on ne trouve presque pour aucun autre : « longue ouverture pour Hansen », « frappe lourde des 30 mètres sur la barre », « tir de mule », « Pelé met en retrait pour la fusée de Périlleux ».
Première caractéristique du rôle de Philippe Périlleux sur les phases offensives : il ne se retrouve presque jamais à proximité du but adverse. Deuxième caractéristique : le milieu lillois est doté d’une puissance de frappe et d’une précision peu communes. Il en découle un rôle offensif simple et efficace pour Philippe : soit, il envoyait des patates de 30 mètres, soit il envoyait de longue passes.
Philippe Périlleux sur le point de tenter une reprise des 80 mètres
Puisque ses passes sont presque toujours de longs ballons, ses bénéficiaires sont presque toujours les joueurs les plus hauts sur le terrain : Mobati, Pelé, R.Boli, Vandenbergh, Desmet et Angloma reçoivent ainsi 23 des 28 passes du milieu lillois. Ces six joueurs ne lui renvoyant l’ascenseur qu’à 10 reprises (dont 4 du seul Pelé).
C’est également en raison de ce style de jeu qu’il reçoit peu de ballons. Ses tirs ont ainsi souvent pour origine une percée de sa part au milieu de terrain, Périlleux profitant d’espaces au milieu adverse dans lesquels il s’engouffre. Périlleux n’est alors pas un joueur dont le rôle offensif consiste à faire des appels mais, au contraire, à répondre aux appels de ses coéquipiers afin que le jeu se projette rapidement vers l’avant. Il avait plus généralement pour rôle de créer le déséquilibre dans la défense adverse. Ainsi, une fois le premier rideau adverse franchi, les qualités de Périlleux placent ses adversaires face à une douloureuse alternative : soit monter sur lui pour empêcher sa lourde frappe au risque de libérer des espaces pour les autres Lillois (et, au passage, de se manger un missile dans la cuisse), soit maintenir leur marquage sur les attaquants lillois et risquer que le milieu défensif fasse usage de sa puissance de tir.
La « spéciale Périlleux » : Buisine récupère le ballon et me le transmet au milieu, j’enrhume mon vis-à-vis et j’envoie un long ballon à Angloma côté droit.
Angloma, le lien entre l’attaque et les milieux défensifs
Sur les actions offensives, Jocelyn Angloma reçoit d’abord les passes des joueurs défensifs. Alain Fiard, Philippe Périlleux, José Pastinelli et Dominique Thomas lui font ainsi 14 passes (pour 5 dans le sens inverse). S’il reçoit également beaucoup de passes de Philippe Desmet (6), c’est le reflet du rôle spécifique du Belge dans l’utilisation du ballon (cf. plus loin), ce qui explique qu’il transmet souvent le ballon au Guadeloupéen mais qu’il est rarement en position de le recevoir en retour (Desmet ne reçoit qu’une passe de la part d’Angloma).
C’est en revanche aux joueurs offensifs qu’il transmet le ballon. Il fait ainsi 20 de ses 31 passes au trio Mobati-Vandenbergh-Pelé et ne reçoit en retour que 10 passes de leur part. Du trio, c’est avec Vandenbergh qu’Angloma échange le plus de ballons (10 passes réalisées pour 3 ballons reçus), mais c’est avec Pelé que les échanges sont les plus équilibrés, puisqu’il fait 5 passes au Ghanéen pour 6 reçues.
Jocelyn Angloma a donc pour rôle de faire le lien entre les joueurs défensifs, dont il reçoit les passes, et les attaquants, auxquels il fournit de bons ballons.
La « spéciale Angloma » : je fais un appel, Périlleux me la transmet et je centre pour l’avant-centre qui marque.
Abédi Pelé, le chef d’orchestre
Le meneur de jeu ghanéen est celui qui occupe la position la plus centrale sur les phases offensives du LOSC. Avec 32 passes effectuées en moins de deux ans, il présente des statistiques en la matière assez proches de celles de P.Desmet et, avec 35 passes reçues, sa moyenne est très proche de celle d’E.Vandenbergh.
La force du jeu de Pelé tient en grande partie à son imprévisibilité, bien sûr objectivable à travers ses séries de dribbles ravageuses, mais également au niveau des échanges de passes avec ses collègues. Sa mobilité sur le terrain lui permettait d’aller chercher les passes de ses coéquipiers un peu partout sur la zone allant des milieux défensifs aux attaquants. Il en découle que Pelé pouvait recevoir des ballons de n’importe qui et le transmettre à n’importe qui sans que l’on parvienne à identifier des schémas dominants. Il échange ainsi dans des quantités équivalentes avec le milieu défensif Philippe Périlleux (4 passes effectuées pour 5 reçues), le milieu offensif Jocelyn Angloma (6 effectuées et 5 reçues) et les attaquants Erwin Vandenbergh (6 et 4), Gaston Mobati (5 et 4) et Patrice Sauvaget (3 et 4).
Alors que son compère du milieu offensif lillois Jocelyn Angloma joue pour l’essentiel sur la verticalité du terrain (il reçoit le ballon de derrière et le transmet aux avants), Pelé joue à la fois sur son horizontalité et sa verticalité. Pelé disposait en outre d’une palette très large pour déstabiliser les défenses adverses : qualité des appels, vision du jeu et des espaces et, bien sûr, grande qualité de dribble.
La « spéciale Pelé » : je viens récupérer le ballon au milieu de terrain et je le transmets à Périlleux, je fais un long appel et quand Périlleux m’envoie un long ballon, soit je la mets au fond après avoir dribblé un adversaire ou deux, soit je la passe à un copain qui a suivi. Ou encore, je tire des 40 mètres quand personne s’y attend. J’ai pas encore décidé en fait.
Philippe Desmet, le dynamiteur
De tous les joueurs du LOSC de l’époque, Philippe Desmet est celui pour lequel on recense le plus de passes effectuées à ses camarades (59 entre 1986 et 1989). Il se distingue également de ses camarades par le nombre des joueurs différents auxquels il délivre ses passes (22 au total), ainsi que par le fait qu’il reçoit très peu de passes et en particulier de la plupart de ceux auxquels il fournit le plus de ballons. Le trio Mobati-Pelé-Angloma reçoit ainsi 14 passes de la part de Desmet, mais ne lui en rend que 4.
Ainsi, les deux joueurs qui font le plus de passes à Desmet sur ces actions sont Philippe Périlleux (4 passes transmises) et surtout Erwin Vandenbergh (13) qui distribue a lui seul près de 40 % des 33 passes reçues par l’ancien de Waregem. Périlleux est le seul de tous les joueurs du LOSC à avoir fait plus de passes à Desmet qu’il n’en a reçu de lui et Vandenbergh celui qui a le plus bénéficié de ses passes (19 en trois saisons). Avec 32 échanges entre eux, les deux attaquants belges constituent, et de loin, le duo le plus prolifique en la matière.
Au cas où on ne s’en serait pas rendu compte avant, nos statistiques confirment le lien privilégié entre Vandenbergh (à gauche) et Desmet (à droite). Au centre, Georges Heylens, l’entraîneur belge du LOSC de 1984 à 1989.
Ces statistiques traduisent le profil de « dynamiteur » de l’attaquant belge : s’il reçoit peu de passes, c’est parce que son jeu se caractérise peu par la réalisation d’appels dans le dos de la défense mais plutôt par un travail de percussion. Il est alors un attaquant partant d’assez bas sur le terrain dont les accélérations attirent les défenseurs adverses, créant un déséquilibre ouvrant des espaces à ses partenaires auxquels il peut alors transmettre le ballon en bonne position.
La « spéciale Desmet » : je percute dans l’axe, j’attire à moi deux défenseurs, j’en profite pour transmettre le ballon à Vandenbergh qui profite de l’espace ainsi libéré, il me la remet en retrait et je marque.
Erwin Vandenbergh : l’attaquant de pointe
En bout de chaîne, Erwin Vandenbergh est le joueur du LOSC qui reçoit le plus de ballons sur phases offensives (76) que l’on compte en valeur absolue ou en moyenne par saison. Il reçoit pour l’essentiel ces ballons des joueurs les plus proches de lui sur le terrain, attaquants et milieux offensifs. Ainsi, les attaquants lui fournissent 31 passes et les milieux offensifs 21.
S’il réalise moins de passes qu’il n’en reçoit, Vandenbergh se distingue toutefois par le fait qu’il en effectue justement à des joueurs qui en reçoivent peu : dans notre corpus, personne d’autre que lui ne fait autant de passes à Desmet (13) et Fiard (5) et seul Abédi Pelé en fait plus à Périlleux que lui. Et aucun autre joueur que lui ne reçoit autant de passes de Desmet et Fiard, un tiers des 72 passes du duo parvenant dans les pieds (ou sur la tête) de Vandenbergh. Il existe donc une relation spécifique entre ces joueurs.
Toutefois, de par son positionnement d’attaquant de pointe, il reçoit des ballons de la plupart des joueurs. Vandenbergh est aussi le joueur qui reçoit le plus de passes de Mobati (7) et d’Angloma (10), de Victor Da Silva (4) et de Jean-Luc Ribar (4). La relation de l’avant-centre belge avec ces joueurs est cependant relativement unilatérale puisqu’il ne rend au total que 9 passes à ce groupe de joueurs dont il en reçoit 25.
La « spéciale Vandenbergh » : je fais un appel dans le dos de la défense, Desmet ou Angloma me la donne et, soit je marque si je suis bien placé, soit je la remets à Desmet ou à Alain Fiard.
Posté le 24 mars 2020 - par dbclosc
Un LOSC force 7
En août 1997, le LOSC signait ce qui reste aujourd’hui son dernier score de baby-foot : 7-3 contre Martigues.
Un score de baby-foot, c’est un score à 10 buts. On a déjà recensé ces matches dans cet article, en évoquant aussi les quelques matches qui ont dépassé les 10 buts. La dernière fois que c’était arrivé, c’était en 1992 : dans des conditions très particulières qu’on a relatées ici, le LOSC s’était incliné en coupe de la Ligue, à Sedan (1-9). En championnat, il faut remonter à la saison 1965/1966, quand le LOSC s’était incliné sur la pelouse du Red-Star (4-6). Mais depuis, pas de matches à 10 buts (ou plus), malgré la bonne volonté des Lavallois qui se font exploser 8-0 à Grimonprez-Jooris pour la dernière journée du championnat 1988/1989.
En 1997, le LOSC est de retour en D2. On a évoqué ici les objectifs et espoirs du nouveau coach, Thierry Froger. Une chose est certaine : les matches amicaux ont été encourageants et ont confirmé sur le terrain ce qu’on pressent sur le papier : offensivement, le LOSC a de quoi faire parler la poudre. Puis, pour son premier match, le LOSC est allé chercher un nul satisfaisant à Saint-Étienne (2-2). Le 9 août, Grimonprez-Jooris retrouve une division qu’il n’avait pas vue depuis le 20 mai 1978 : ce jour-là, en battant Quimper-Cornouailles 3-2, les Dogues de José Arribas retrouvaient l’élite.
Au programme ce jour : Martigues, qui est descendu en D2 en 1996. En 1996/1997, les Martégaux ont terminé troisièmes : pas de chance, cette saison-là, seules deux équipes montaient en D1. Mais voilà le LOSC prévenu : on reçoit aujourd’hui un prétendant à la montée, entraîné par un ancien du LOSC : Patrick Parizon. Le FCM a bien mal débuté sa saison, puisque les Sudistes ont perdu 1-4 à Sochaux la semaine précédente. Il faut dire que l’élément-clé de sa défense, Dubois, a été expulsé dès la 5e minute. De quoi susciter encore davantage la méfiance de Thierry Froger, qui craint que Martigues ne vienne bétonner : « Martigues était une des meilleures défenses l’an passé. Ils n’auront sûrement pas digéré d’avoir pris 4 buts d’entrée à Sochaux. Cette équipe vaut beaucoup mieux que ça ». Thierry Froger rêve de faire de Grimonprez-Jooris une citadelle imprenable : « on a la volonté de marquer des points sur toutes les équipes, afin que cela devienne un stade où il ne fait pas bon venir pour les adversaires. Nous devons faire en sorte de rendre la vie impossible aux équipes qui se déplacent ici ».
7 000 personnes ont pris place en tribunes, ce qui constitue une belle affluence au coeur de l’été. Thierry Froger aligne la composition suivante, en 3-4-3 :
Aubry ;
Leclercq, Dindeleux, Sanz ;
Duncker, Tourenne, Senoussi, Collot ,
Peyrelade, Boutoille, Lobé
Sur le banc : Abed, Banjac, Raguel. Initialement, Cédric Anselin, prêté par Bordeaux, aurait dû être remplaçant, mais il a appris juste avant l’échauffement qu’il n’était pas qualifié. Il a été remplacé au pied en l’air (ou levé) par Alain Raguel. Mais la principale absente côté lillois, c’est Anne-Sophie Roquette, en vacances. Mais c’est tout de même une femme qu’on entend au micro. Autre absent à Lille : le sponsor maillot.
Du côté martégal, pas grand monde de connu, hormis le jeune Sylvain N’Diaye, prêté par Bordeaux. Notons, pour le plaisir, la présence en attaque de Christophe Branlard.
C’est parti, et on est loin de s’imaginer ce qu’il va se passer ! Le LOSC démarre encore plus fort que chez les Verts où il avait marqué dès la 5e minute : ici, Peyrelade, profitant d’une passe contrée de Tourenne, marque d’une volée du droit sur le premier tir du match (3e), alors que Renaud, le gardien martégal, attendait manifestement un centre ; 4 minutes plus tard, Leclercq lance Boutoille en profondeur qui ajuste à ras de terre et profite de la grande forme de Renaud (2-0, 7e). Comme l’écrit la Voix du Nord, « ce n’était que le début du clavaire de Renaud » qui, comme on le sait, a ensuite sombré dans l’alcool.
Que se serait-il passé si Adjali, en bonne position, avait trompé Aubry au quart d’heure ? Ça aurait fait 2-1, certes. Mais il a tiré à côté et c’est toujours 2-0. Après une vingtaine de minutes d’accalmie, les Dogues repartent de l’avant : d’un extérieur du droit, Boutoille cherche Lobé dans la surface, qui profite de la sortie d’un Renaud au sommet de son art pour conclure dans le but vide (3-0, 28e). Par terre lors de sa sortie après avoir heurté son arrière, le malheureux gardien a à peine le temps de se relever qu’il heurte ensuite Lobé et se retrouve de nouveau au tapis pendant que les Lillois festoient. Les 3 attaquants ont marqué, quel début de match ! Dans la foulée, l’arbitre a l’indulgence de ne pas expulser Renaud qui crochète Lobé qui se présentait seul face à lui (29e). Mais en totale confiance, la défense des visiteurs assure le service encore plus directement : passe en retrait trop molle de Bochu, dégagement de Renaud dans le tibia de Lobé, et ça finit encore au fond, ce qui permet à Samuel Lobé d’imiter la poule tel un grossier Pascal Nouma (4-0, 30e). C’en est trop pour Patrick Parizon, qui sort un de ses arrières, Harchèche, et fait entrer Matingou (33e). Enfin, pour clore ce feu d’artifice avant de rejoindre les vestiaires, Peyrelade, dont le centre est renvoyé, décide de tirer directement et inscrit un nouveau but (5-0, 40e). Il dira après le match : « profitez-en bien, parce que du pied gauche, il y en a un par an ! C’est presque un miracle. Et il faut bien que je marque quelques buts. Si Samuel les marque tous, ce ne sera plus marrant ».
Djezon, ton short est à l’envers
5-0 à la pause, ça aussi c’est presque un miracle. Certes, ce n’est pas la D1, mais il n’en faut pas plus pour faire naître l’espoir de jours meilleurs. Les Dogues vont-ils continuer sur leur lancée en seconde période ? Après un double changement à la 53e, les Martégaux semblent davantage dans leur assiette : c’est l’un des nouveaux entrants, Serreau, qui réduit l’écart (5-1, 57e). Comme pour se faire pardonner d’avoir marqué, le FCM ouvre sa défense à Patrick Collot, qui réussit la performance d’éliminer 3 adversaires sans dribbler, juste en avançant tout droit, et bat du gauche Renaud, encore trompé par on ne sait quoi (6-1, 58e). Les deux équipes se créent alors des occasions. Il faut attendre les 10 dernières minutes pour que le score évolue. C’est cette fois au tour de la défense du LOSC de montrer d’inquiétants signes de passivité, dont profitent d’abord Robin, d’une belle frappe lointaine (6-2, 80e), puis Adjali, là aussi d’une belle reprise de volée (6-3, 82e). Mais Lille frappe le dernier : après un débordement de Boutoille, Lobé frappe en force du gauche et réussit le triplé (7-3, 86e).
Désolé pour la qualité de la vidéo : il y a un décalage entre le son et l’image, et la défense de Martigues est salement alignée
« Vent de folie », « un score qui fleure bon le football de papa » : bien évidemment, après un match si spectaculaire, la presse régionale est ravie. Les buts ont tous été marqués par des joueurs offensifs, et notamment par le trio Boutoille/Peyrelade/Lobé : « ces trois-là risquent de faire mal aux défenses de D2 ! » ; « le LOSC dispose sans aucun doute de l’un des trois meilleurs effectifs de D2, en qualité et en quantité ». Djezon Boutoille souligne la complémentarité avec ses collègues : « on s’est bien trouvé sur chaque but. C’est de bon augure pour la suite ».
Même la presse nationale souligne la performance lilloise : France Football indique que « Lille aboie fort » : « les hommes de Thierry Froger semblent bien partis pour tout casser à domicile ». Et, il faut le dire, c’est un record : jamais un match de D2 en France, depuis qu’il n’y a qu’une poule, n’avait offert autant de buts. Jusque là, ce record était 7-2 (Sochaux/Toulon et Red Star/Sochaux en 1996-1997, et Cannes/Gazélec Ajaccio en 1993/1994)1.
Le message est clair : Lille est un prétendant sérieux à la montée, et contribue avec ce score à impressionner ses adversaires. Ainsi, Samuel Lobé souligne que « si vous êtes forts, il faut le montrer tout de suite à l’adversaire ». Un triplé pour un joueur du LOSC ? Fait inédit depuis le 13 décembre 1986, avec Guy Lacombe contre Sochaux. 5 buts en deux matches pour le nouvel avant-centre du LOSC pour débuter la saison : du jamais vu depuis René Bihel en 19442! Bernard Lecomte est ravi du message envoyé au public : « c’est le démarrage idéal. On ne pouvait pas rêver beaucoup mieux. Il était important de montrer au public l’image d’une équipe qui veut aller de l’avant ».
Mais, bien entendu, tout n’a pas été parfait : le LOSC a encaissé 3 buts, et en une mi-temps. Et après déjà 2 buts pris à Sainté, cela tracasse, à commencer par le président Lecomte : « je regrette que nous ayons pris 3 buts ce soir. Cinq buts en deux matches ça fait un peu beaucoup ». Même les attaquants, pourtant à la fête, insistent là-dessus, comme Laurent Peyrelade : « je suis bien évidemment content, mais j’aurais préféré gagner 4-0 et ne pas prendre de buts. Cette fois, l’équipe a joué haut avec des enchaînements vers l’avant. Mais il faudra travailler nos bases défensives ». Les défenseurs pointent aussi ces insuffisances, comme Frédéric Dindeleux : « c’est vrai que c’est le point noir de la soirée. Pourtant, à la pause, on avait pour objectif de ne pas prendre de but. Ceci dit, on ne va pas faire la fine bouche, tout en sachant qu’il faudra méditer sur ce relâchement pour la suite ». Si France Football salue des attaquants lillois « tranchants, inspirés, percutants », l’hebdo insiste également sur la faible opposition : ainsi, on peut lire que les Dogues « sans pourtant développer un football d’une qualité exceptionnelle, sans afficher une supériorité écrasante dans le jeu, ont montré d’impressionnantes qualités offensives. Ils ont ainsi marqué 5 fois avant le repos, presque sans s’en rendre compte ».
Un constat étonnant et presque vexant avec un score aussi lourd, mais dont on retrouve la traduction dans la feuille de match et les notes données aux joueurs : seuls 5 joueurs lillois bénéficient de la note de 4 (sur 6), et seul Samuel Lobé est dans l’équipe-type FF de la journée (avec Olivier Pickeu d’Amiens, Frédérik Viseux de Sochaux, et Thierry Rabat de Troyes !)
Quand on fait remarquer à Thierry Froger qu’il est peut-être humain de se relâcher en menant de 5 buts à la pause, il rétorque : « humain, mais pas professionnel ». Bref, c’est la fête, mais il y a encore du boulot. Laurent Peyrelade, qui connaît bien la D2, prévient que le chemin sera long : « pour le moment, on est invaincu, c’est l’essentiel. Pour monter, il faudra marcher au rythme d’un nul à l’extérieur et d’une victoire à domicile. On ne marquera pas toujours 2 buts à l’extérieur. Il faudra parfois sortir le bleu de chauffe et tenir le 0-0. Il y a encore des progrès à faire, mais moralement on va se rendre à Sochaux avec des certitudes. Si on pouvait ramener au moins un point, ce serait déjà bien ».
Défensivement, le LOSC se reprend lors des deux matches suivants, en décrochant deux 0-0, à Sochaux puis à Nîmes. Et, en effet, la saison sera longue. D’abord pour Martigues qui, loin de ses prétentions initiales, terminera 21e du championnat. De là à dire que ce 7-3 a été une victoire en trompe-l’oeil…
Quant aux scores de baby-foot, ils n’ont depuis ce match jamais été atteints avec le LOSC, même avec un entraîneur comme Rudi Garcia qui, s’il aimait jouait l’offensive, oubliait parfois quelques bases derrière. C’est ainsi à un but près que les Dogues échouent à compléter ce palmarès, contre Lorient en 2010 (6-3), Marseille en 2011 (4-5) et Bordeaux en 2012 (4-5).
FC Notes :
1 Ce record de 10 buts marqués a été dans un premier temps égalé en 2000 (Cannes-Niort, 6-4) et en 2004 (Troyes-Châteauroux 5-5), puis battu en 2019 (Valenciennes-Béziers 5-6)
2 Et encore, on peut chipoter car les conditions sont différentes, ne serait-ce que parce que René Bihel n’est pas véritablement une recrue du LOSC en 1944 : il jouait avec l’équipe de Lille-Flandres. Mais lors de la saison 1944/1945, René Bihel commence le championnat avec 6 buts en 2 matches, puis 7 en 3 matches : un premier but à Paris (avec le nom de Stade Lillois) ; puis, avec l’appellation LOSC, un quintuplé contre Le Havre, et un but au Mans.
Posté le 11 mars 2020 - par dbclosc
1997, la descente en chantant
Après un match nul contre Le Havre (2-2), le LOSC est officiellement en deuxième division. Le public envahit le terrain pour… célébrer ses joueurs et son président.
Samedi 17 mai 1997, aux alentours de 22h00, le match entre le LOSC et Le Havre s’achève. Il aurait fallu gagner et compter sur d’autres résultats favorables pour entretenir l’espoir, mais les Dogues n’ont même pas assuré le service minimal. En concédant le match nul à domicile, ils sont désormais condamnés à retrouver la D2 qu’ils avaient quittée en 1978. Après des mois de dégringolade au classement, une déliquescence progressive dans le jeu et ce sentiment de démission collective chez les joueurs, c’est une issue logique. L’arrivée du duo Samoy/Gautier fin mars à la place de Cavalli n’aura rien changé à cette infernale spirale (qu’on a relatée ici) : alors que le LOSC comptait 28 points à l’issue de la phase aller et était sur un rythme « européen », il n’a pris que 7 points sur la phase retour, dont seulement 5 en 1997 : une performance presque invraisemblable, d’autant plus incompréhensible que la première partie de saison avait suscité d’immenses espoirs. Comme le résume Jean-Marie Aubry, « on a sans aucun doute joué au-dessus de nos moyens en première partie de saison. Et ensuite… c’est incroyable. N’importe quelle équipe, même une D2, se serait sauvée à notre place. Elle aurait grappillé des points, 2 ou 3 victoires ici où là. Mais nous, nous n’avons pas su le faire ».
Résumé du match (Téléfoot) :
Voilà déjà quelques minutes que les supporters les plus excités se sont placés au bas des tribunes pour envahir le terrain, comme c’est la tradition pour le dernier match à domicile de la saison. On craint le pire. Comme l’indique la Voix des Sports du 19 mai, « tout le monde s’attendait à ce que l’atmosphère soit lourde, voire malsaine », à l’image du violent orage qui s’est abattu sur Lille durant la seconde période du match. Au coup de sifflet final, des centaines de personnes pénètrent sur la pelouse, les joueurs font face et semblent prêts à affronter l’hostilité attendue. Et pourtant : « au lieu des visages tendus, des crispations d’usage, de la colère parfois qui s’empare d’un public frustré et déçu par la tournure des événements, rien ni personne ne vint rappeler que les Lillois venaient officiellement de redescendre en division 2 ». Au contraire, une troupe se forme sous la tribune officielle, et chante à la gloire du LOSC et de Bernard Lecomte. Sur le terrain, les joueurs semblent presque étonnés que les supporters ne leur en veuillent pas. Accolades et serrages de mains : l’ambiance est bon enfant.
« Merci Cédric pour cette belle saison ! »
« Scène surréaliste » ; « on croit rêver » relève la presse régionale. Alors, contents de descendre ? Peut-être pas quand même. Mais on peut avancer trois explications à cet étonnant moment.
Premièrement, le public vient de voir une équipe qui a dégagé de l’envie. Face à des Havrais venus pour jouer, et qui ont marqué deux jolis buts, le LOSC, mené 0-1 puis 1-2, n’a pas baissé les bras. C’est d’abord Dindeleux qui égalise une première fois, et célèbre son but devant les DVE qui ont déroulé une banderole « Faites-nous plaisir » ; puis Miladin Becanovic marque son 13e but de la saison, sur un service de Banjac, comme pour rappeler que cette association a fait un malheur pendant… un tiers de la saison. Charly Samoy, qui s’est vu confier une mission quasi-impossible quelques semaines avant, souligne l’état d’esprit : « vous avez vu, ce soir, nous n’avons jamais renoncé. Nous avons parfois été malmenés, mais nous nous sommes battus avec courage. Dans ces moments-là, le public est toujours prêt à pardonner ». Alors ce n’est que 2-2 contre Le Havre, mais cette façon de s’accrocher a mis du baume au cœur. Et, événement notable, qui a posteriori pouvait préfigurer l’envahissement amical d’après-match : pas un spectateur n’a manifesté son mécontentement. Par ailleurs, le club semble avoir gagné une bataille : même en cette triste fin de saison, la moyenne des spectateurs à Grimonprez-Jooris était supérieure à 10 000, bien au-delà de la moyenne des dernières saisons.
Ce point amène à la deuxième raison : si aucun sifflet n’a marqué la rencontre, c’est, finalement, parce que le temps n’est plus aux reproches. Depuis janvier, le public a eu l’occasion de manifester son mécontentement et sa désillusion, notamment après les indigentes prestations contre Strasbourg (2-4) ou Montpellier (0-4). La défaite à Lens, fin avril, outre la déception qu’elle a suscitée en raison de la rivalité avec le voisin, ne permettait déjà plus guère de doute sur l’issue de la saison. Puis, lors de la réception du PSG, ponctuée par une nouvelle défaite (0-1), le faible espoir était réduit à peau de chagrin (qui fait plus littéraire que peau de zob, pour une signification identique). On a eu le temps de pester sur les blessures (Hitoto, Aubry et Becanovic), sur les erreurs d’arbitrage (le pénalty à Nantes), sur les boulettes défensives à Caen, sur le niveau d’Arphexad, sur la suspension de David Garcion, sur l’irrégularité de certains (Banjac, malgré tout son talent), le manque de prise de conscience de Cavalli, et la presse a évoqué des tensions dans le vestiaire : voilà tout ce qui fait qu’une équipe tombe inexorablement, sans jamais être en capacité d’inverser la tendance, et nous donne un gros chagrin (qui fait plus littéraire que gros zob, pour une signification différente). Bref : la D2, on l’a vue venir depuis longtemps et on est fatigués d’être en colère, alors à quoi bon, encore, siffler ? Comme le résume Bernard Lecomte après le match, avec un certain sens de la formule : « la période de deuil est déjà passée ».
Enfin, et c’est certainement la raison principale : Bernard Lecomte a pris la parole après la défaite à Lens. Pour, dans un premier temps, répondre à la sortie de Gervais « euh » Martel qui évoquait la possibilité d’une fusion, la veille du derby dans France Football. Gervais Martel qui, pour Lecomte, « a peut-être peur du lendemain, lui ». Paf, dans tes dents longues ! Et pour rappeler l’essentiel : on l’a déjà souligné sur ce blog (ici par exemple), depuis sa prise de fonction en 1994, Bernard Lecomte expose régulièrement la situation financière du LOSC, et sa stratégie, notamment dans des éditoriaux au sein du Magazine du LOSC. Et cette stratégie, en l’occurrence, n’a pas varié : avec du travail et du temps, il s’agit de reconstituer les capitaux propres du club pour 1998. D’ici là, les profits réalisés sont consacrés à reconstituer ces capitaux, et non à l’investissement : il s’agit ni plus ni moins de la survie du club. Depuis 3 ans, Lecomte ne s’arrête pas au résultat et au court terme : l’échéance, c’est 1998. Et à la limite, peu importe que ce soit en D1 ou en D2 : « c’est clair, aujourd’hui, il faut bien parler de division 2. Mais si on veut rebondir, il faut des moyens ! C’est ce que j’ai dit, en substance, à Pierre Mauroy récemment au téléphone. Je dois le voir prochainement pur connaître ses intentions. Il est clair que si je n’ai pas de réponse claire à mes demandes, je prendrai d’autres dispositions. On peut tenir en D2 mais nous ne pouvons plus vivoter ».
On le savait : eu égard à la situation financière du club, la D2 serait peut-être un jour le prix à payer. La défaite à Lens semble avoir paradoxalement éclairci la situation : plutôt que d’être sur le fil comme depuis des années en enchaînant de fades saisons, le LOSC va changer de statut à l’étage inférieur, avec une ambition retrouvée : jouer la montée, avec ses jeunes formés au club (Raguel, Landrin, Coulibaly, Dindeleux, Carrez, Boutoille, Machado), des cadres décidés à rester (Collot, Aubry, Duncker), et un entraîneur déjà désigné, Thierry Froger, qui sera présenté dans deux jours. Vu comme ça, la D2 est une opportunité : c’est reculer pour mieux sauter. Et peut-être que, par bonheur, l’assainissement des finances coïncidera avec une remontée : « j’ai toujours dit que je ne partirais du club que sur une trajectoire de succès ».
Dans le Magazine du LOSC de ce Lille/Le Havre, le président rappelle encore, au-delà du verdict sportif : « nous défendrons les objectifs que nous nous sommes fixés : le redressement financier en 1998. C’est alors et seulement que nous pourrons véritablement oeuvrer à la reconstruction complète d’un grand LOSC ». Gageons qu’à force de transparence, Bernard Lecomte avait gagné la confiance des centaines de supporters sur le terrain. Encore quelques mois, quelques crises, et ils en récolteront les fruits : ce 17 mai 1997, c’était déjà demain.