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Posté le 18 février 2020 - par dbclosc
Dortmund 2002, première manche
Après une exceptionnelle saison 2000-2001, les Lillois ont gagné leur ticket pour le tour préliminaire de la Ligue des Champions. En août 2001, à la surprise générale, ils éliminent Parme, après une leçon tactique à l’aller puis un match suffocant au retour. Pour sa première apparition en Ligue des Champions, le LOSC, 3e de sa poule derrière Manchester United et La Corogne, a été reversé en coupe UEFA, où il affronte le Fiorentina en 16e de finale. L’Italie réussit décidément bien aux Lillois, qui s’imposent à Florence (1-0) puis de nouveau au retour à Grimonprez-Jooris. En éliminant la Fiorentina, les Dogues ont repris rendez-vous avec l’Europe pour 2002. Et c’est encore un gros d’Europe qui se présente : le Borussia Dortmund. Le match aller est prévu à Grimonprez-Jooris le 21 février, et le match retour au Westfalenstadion le 28.
Lille au ralenti
Ainsi, en apparence, tout va bien à Lille, 5e du championnat et toujours engagé en coupe d’Europe (comme Nantes et Lyon). Le LOSC a réalisé un excellent début de saison 2001/2002, parvenant à combiner de très honorables performances en Ligue des Champions et en championnat, dont il a été le leader invaincu jusqu’à la 13e journée. Depuis, l’équipe n’est plus sur le même rythme (qui, certes, était très élevé), et est même sévèrement au ralenti depuis deux mois : outre deux éliminations en coupes contre des équipes hiérarchiquement inférieures en décembre (Nancy en coupe de la Ligue, Libourne-Saint-Seurin en coupe de France), le LOSC n’a plus gagné en championnat à domicile depuis fin novembre (1-0 contre Rennes). C’est comme si l’irrésistible ascension entamée avec l’arrivée de Vahid Halilhodzic avait connu un premier accroc. De plus, se sont greffés quelques problèmes auxquels le LOSC ne nous avait pas habitués : Sylvain N’Diaye décidant par exemple de participer à la Coupe d’Afrique, et Halilhodzic réagissant très mal en plaçant son joueur sur la liste des transferts.
« Puisque je n’ai pas assez de joueurs, j’arrête de respirer ! »
Et depuis janvier, la réussite, qui avait tant souri au LOSC ces dernières années, semble désormais le fuir : quand, à Montpellier, Franck Sylvestre sort un ballon de la main sur sa ligne, l’arbitre ne le voit pas ; le LOSC a perdu le derby à domicile à cause d’un rebond capricieux qui a trompé Pascal Cygan ; et une cascade de blessures (Landrin, Pichot, Bakari, Boutoille, Murati, Br. Cheyrou) et l’absence des Africains (Fahmi, Bassir, N’Diaye, Olufadé) fait fulminer Halilhodzic, à peine remis lui-même d’un sérieux accident de ski qui lui a cassé plusieurs côtes et lui a perforé un poumon. Ces blessures, et bien entendu les mauvais résultats en 2002 (3 nuls, 3 défaites), ont amené Halilhodzic à tenir des propos peu amènes à l’égard des médecins du club, MM. Gérard et Debruyne. Francis Graille exprime même son inquiétude : « je crains que l’entraîneur se coupe de ses joueurs et de son staff ».
Vahid « Pépé » Halilhodzic. Hors champ, l’encadrement lillois, paniqué
Sans D’Amico
Mais 5 jours avant la réception de Dortmund, Lille retrouve le goût de la victoire. Une victoire particulièrement bienvenue, et d’autant plus parce que le LOSC a été plutôt chanceux, marquant sur sa seule occasion, tandis que Nicolas Savinaud inscrivait un but-fantôme et que les Nantais manquaient un pénalty dans le temps additionnel. Comme le confirme Angel Marcos, l’entraîneur nantais : « c’est au moment où vous pensez que cette équipe va commencer à plier qu’elle vous fait très mal. Et puis, elle semble avoir retrouvé cette réussite qui lui fit gagner plusieurs matches sur le fil en début de saison ».
Après deux mois de disette, c’est le résultat idéal pour penser à revivre des émotions fortes (et on a déjà été bien servis). Déjà concentré sur Dortmund, Halilhodzic a exceptionnellement demandé à Philippe Lambert, le préparateur physique, de ne pas se déplacer à Nantes afin de travailler à la remise à niveau de Boutoille, Cheyrou et N’Diaye. Bakari, titulaire à Nantes, a semblé en bonne forme, de même que Philippe Brunel, recruté au mercato hivernal, et que les diverses blessures ont mis sur le devant de la scène plus tôt que prévu. Bassir, lui aussi rentré de la CAN, a été très en vue contre Sedan et à la Beaujoire. Seul couac de ce match à Nantes : Fernando D’Amico a été touché au genou et manquera la double confrontation en UEFA.
Encore un monde d’écart
Dortmund, bien entendu, est (encore) un coriace adversaire pour le LOSC. Champion d’Europe puis vainqueur de la coupe intercontinentale en 1997, il a comme le LOSC, été reversé en UEFA après avoir terminé 3e de sa poule de Ligue des Champions, derrière Liverpool et Boavista Porto. Bien sûr, il ne reste plus grand monde du triomphe de 1997 : seuls ont survécu Sammer, Reuter, Kohler, Heinrich, Herrlich et Ricken. Mais pour avoir une idée de l’écart qui le sépare du LOSC, voici un chiffre : le Borussia, au cours de l’été 2001, a dépensé 78M€, soit 4 fois le budget du LOSC, rien que pour recruter 4 joueurs (Rosicky, Koller, Ewerthon et Amoroso). Au sujet de Rosicky, rappelons qu’il avait été repéré par Michel Rablat, de la cellule de recrutement, en 1999/2000, à une époque où il était d’un prix abordable pour le LOSC. Mais les négociations ont tergiversé puis le Tchèque a explosé lors de l’Euro 2000.
Pour venir à Lille, le Borussia peut compter sur sa propre agence de voyage, son avion privé, tandis que le bus du club récupérera la délégation allemande à l’aéroport. Sur le terrain, le Borussia est premier de Bundesliga, et est bien parti pour ravir le titre qui appartient au Bayern depuis 3 ans. L’équipe est entraînée par Mathias Sammer, ballon d’or 1996, champion d’Europe avec l’Allemagne en 1996 après avoir porté le maillot de la RDA et, bien entendu, champion avec Dortmund (en tant que joueur) en 1997. Halilhodzic est admiratif : « à votre avis, pourquoi ai-je choisi, il y a quelques années, d’effectuer deux stages consécutifs là-bas ? C’est une référence internationale. S’il fallait établir une échelle des valeurs, par rapport aux adversaires que nous avons affrontés jusqu’ici, je mettrais Dortmund presque au niveau de Manchester, et au même niveau que La Corogne ».
Chaque club a supervisé l’autre : pour Dortmund, Gerhard Löwel est venu voir Lille/Sedan. Pour le LOSC, Vahid Halilhodzic s’est rendu à Bayern/Dortmund début février, avec Patrick Collot, qui lui a également supervisé deux autres matches, contre Schalke et le Hertha Berlin. Le jeune retraité des terrains est lui aussi dithyrambique : « j’ai vu une très forte équipe de Dortmund. Très athlétique, elle gagne beaucoup de duels et a peu de points faibles. C’est une très grosse équipe, qui peut prétendre gagner la coupe UEFA, avec notamment Rosicky, qui anime toute la partie offensive, et Kehl, en relayeur entre la défense et l’attaque (…) Quand on voit qu’ils laissent des internationaux comme Amoroso ou Herrlich sur le banc, cela en dit long sur les capacités de cette équipe. Ils peuvent toujours remplacer un joueur par un autre joueur de qualité. Ce ne sera pas simple ». Depuis fin octobre et un déplacement à Liverpool, Dortmund est invaincu, toutes compétitions confondues. Halilhodzic a noté quelques particularités tactiques : « c’est une équipe immense, qui a beaucoup de facilités dans le placement et joue sans libero, mais avec deux stoppeurs… et les huit autres joueurs de champ dans le camp adverse ! C’est la première fois que je vois ça. La caractéristique majeure de notre adversaire est de savoir changer de formule à tout moment. On ne sait d’ailleurs plus, au bout de quelques minutes, qui est à droite et à gauche. Tout le monde bouge beaucoup. Je ne me fais pas d’illusions : Dortmund vient ici pour jouer. L’idéal pour nous sera de ne pas prendre de buts et d’essayer d’en marquer un. J’ai toujours une petite idée en tête à la veille d’un match...».
« Une montagne »
Quant aux joueurs, qui ont analysé Dortmund en vidéo, eux aussi s’attendent à une forte opposition. Pour Dagui Bakari, « ce club n’a peut-être pas le prestige d’un Manchester ou d’un Real Madrid, mais c’est quand même une montagne ». Classiquement, le Borussia est présenté avec les habituelles caractéristiques des clubs allemands (Pour la Voix du Nord, « le Borussia Dortmund est à l’image du football allemand : solide, implacable, efficace »), mais également avec une touche technique indéniable, comme l’indique Grégory Wimbée : « on espère apprendre des choses, progresser un peu plus encore. Dortmund joue beaucoup sur les duels, mais c’est aussi un mélange subtil de physique et de technique, avec de très bons joueurs brésiliens et tchèques ». Alors, aucune chance ? Non, selon le grand Dagui, pour qui le LOSC a montré qu’il savait être à la hauteur des événements : « on nous voit en grande difficulté face au Borussia. Mais jusqu’ici, on ne s’est jamais dérobé ». Même son de cloche chez le dernier venu, Philippe Brunel, dont l’expérience en coupe d’Europe avec Lens peut constituer un atout : « dans tous les compartiments du jeu, ils sont complets. Mais le LOSC a déjà prouvé qu’il pouvait tenir face à une grosse équipe. Ces derniers temps, ils n’ont pas vu un grand Lille, et ils vont peut-être nous prendre de haut, mais Sammer saura leur dire qu’un match de coupe d’Europe n’est jamais facile, ni joué d’avance ».
Et les Allemands, que savent-ils des Lillois ? Difficile de le déterminer. Comme à son habitude, Mathias Sammer a peu de mots sur son adversaire. Il prétend juste connaître le LOSC à travers quelques cassettes de matches de championnat : « mes joueurs ne pourraient pas citer les noms de tous nos adversaires de ce soir, mais ça ne change rien sur le plan tactique. Cependant, je leur ai expliqué qu’ils auraient affaire à une équipe compacte, concentrée, très disciplinée et structurée. Le LOSC a bien grandi et sa récente victoire à Nantes a encore renforcé son moral ». Christian Wörns, passé par le PSG, évoque « une équipe solide ».
Les Allemands arrivent à Lesquin le mercredi 20, à 12h30. Ils auront un accès à Grimonprez-Jooris pour un entraînement, aux installations de Tourcoing, et logent au Sofitel de Marcq en Baroeul. Du côté de l’effectif, Sébastian Kehl, arrivé cet hiver, n’est pas qualifié (car il a joué en UEFA avec Fribourg, alors que Brunel n’a pas joué en coupe d’Europe avec Marseille), tandis que Jan Koller est suspendu (il le sera également pour le retour, après avoir pris 3 matches de suspension suite à son expulsion au match aller du tour précédent).
Déjà, le 11e match
Jour de match. C’est déjà le 11e match européen pour le LOSC. La Voix du Nord, par le biais de Guy Delhaye, consacre un éditorial à l’aventure des Dogues : « plus de 6 mois après avoir découvert, un peu crispés mais déjà terriblement déterminés, le stade Ennio Tardini, les Lillois sont toujours là après avoir bousculé la logique, tordu le cou aux pronostics et gagné progressivement le respect de l’Europe du football ». Mais cette fois, le LOSC n’affronte pas un adversaire convalescent ou malade, comme l’était par exemple la Fiorentina. Il n’empêche : l’air de rien, Lille n’a perdu que 3 fois sur la scène européenne, et à chaque fois par un seul but d’écart. « Bousculé par des clubs anglais, espagnols, italiens et allemands qui n’évoluent plus dans le même monde, le football français peut encore compter, aux côtés de Nantes et de Lyon, sur ces irréductibles lillois, qui ne sont jamais aussi forts que lorsqu’on les annonce proches du point de rupture (…) Le LOSC briseur d’idôles n’a peut-être pas fini son oeuvre ».
Voici résumé, via Canal +, le parcours européen des deux équipes jusqu’alors.
Avec Christophe Pignol
Au-delà du match en lui-même, la soirée promet un événement : en effet, Christophe Pignol a été invité par le LOSC. Absent des terrains depuis 10 mois, il va beaucoup mieux au point d’envisager de rejouer. C’est la première fois qu’il retrouve le groupe, avec qui il partagera cette journée : « « j’ai l’impression de ne les avoir jamais quittés, d’être blessé ou suspendu ; J’ai reçu beaucoup de témoignages de sympathie de tout le monde, et en particulier de la part du groupe. Cela ne m’a surpris, car lorsque je suis arrivé j’ai tout de suite senti qu’il y avait des qualités humaines particulières. Je n’oublierai jamais ».
Le matin du match, il reste encore 1 000 places, alors même que la capacité du stade est réduite pour répondre aux normes de l’UEFA. C’est donc devant 16 000 spectateurs, dont 800 Allemands, que ce huitième de finale va se dérouler, dans une fort belle ambiance. Les supporters allemands ont eu bien du mal à arriver à Grimonprez-Jooris : censés venir en bus depuis le parking sauvage du boulevard J-B Lebas pour retrouver une escorte policière, leurs chauffeurs n’ont pas voulu conduire au motif que leur quota d’heures quotidiennes avait déjà été effectué. Les 750 mètres les séparant du stade étaient de trop, ce qui permet à la Voix de souligner encore une fois le « légalisme » des Allemands : la police française les a finalement convaincus. Une excellente coopération qui ravive bien des souvenirs.
L’arbitre est espagnol. Voici la composition des équipes : Bruno Cheyrou, encore trop juste, est sur le banc ; et quand bien même, il n’est pas dit que vu l’état de forme de Philippe Brunel, il en aurait été autrement. En l’absence de D’Amico au milieu, Sébastien Michalowski est titularisé, et Delpierre supplée Pichot, si bien que la défense est composée de 4 défenseurs habituellement centraux.
Déjà, l’avant-match avait montré le retour des sourires sur les visages lillois. Dès les premières minutes, aucun doute : les joueurs sont bien moins crispés qu’avant le match à Nantes. Sans complexe, ils initient des offensives et, dès la 2e minute, Brunel cherche Bakari en profondeur : c’est trop long, mais le LOSC n’attendra pas les Allemands dans son camp. À la baguette : Bassir, dans une configuration différente que ce que le schéma de la Voix du Nord indique. Il est davantage en n°10 et tourne autour de Bakari, indispensable point d’ancrage devant. Très en verve, il dribble beaucoup, mais, à l’image de ses stats en championnat (0 buts), la finition pêche. C’est en tout cas lui qui, en crochetant à la 20e, envoie Heinrich au vestiaire, claqué sur la lourde pelouse de Grimonprez : dans la continuité, sa frappe est trop molle pour inquiéter Lehmann, mais la construction N’Diaye/Bakari/Brunel montre les bonnes intentions et la fluidité lilloises.
En attendant le remplacement allemand, les Dogues profitent de leur supériorité numérique : à la 22e minute, Ecker lance Philippe Brunel, qui efface son adversaire et renverse vers Bakari à droite, qui semble hésiter entre volée et remise du plat du pied vers Bassir : Lehmann est pris à contrepied mais la défense renvoie en catastrophe devant le Marocain. Toujours à 11 contre 10, Lille insiste : après une touche, Delpierre centre, c’est mal renvoyé ; Ecker récupère arme (du droit !) à 20 mètres : Lehmann semble trop court mais ça passe juste à côté !
Oliseh a désormais remplacé Heinrich, et le LOSC pousse toujours. Sur un corner de Bassir, la tête de Bakari au premier poteau frôle le piquet (25e). Sur le ralenti, on remarque ce qui sera une constante du match : Dagui Bakari est systématiquement accroché par le maillot. C’est agaçant mais manifestement la défense allemande n’a pas d’autre solution pour le gêner. Très actif, Bakari manque de lucidité à la 36e, quand les Lillois récupèrent haut : il frappe de 25 mètres en oubliant Philippe Brunel, seul sur sa gauche… 3 minutes plus tard, après un gros travail collectif, Bassir et au départ et à la conclusion d’une incursion mais, encore seul face à Lehmann, il manque son contrôle. Ce n’est qu’à la 44e minute que Dortmund effectue sa première frappe cadrée : à l’entrée de la surface, Ewerthon trouve Wimbée, parfaitement placé.
La mi-temps est sifflé sur ce score de 0-0. Si la possession est allemande, les initiatives offensives et les occasions sont clairement lilloises. C’est rageant et, comme l’écrit la Voix du Nord, « à ce niveau, on ne peut pas se permettre d’avoir autant d’occasions franches sans mettre le ballon au fond ».
Voici un résumé vidéo de la première période :
À la reprise, deuxième changement côté allemand : Ricken est remplacé par Addo. Cela ne change pas le scénario du match. Comme en première période, les Dogues se créent d’emblée une situation dangereuse, avec un centre venu de la gauche de Bassir, que Bakari, qui se remémore un Lille/Lens, laisse passer dans son en plongeant au premier poteau. Derrière, Sterjovski est contré par Dédé aux 6 mètres. Trois minutes plus tard, Bassir, sur corner, trouve astucieusement Brunel à l’entrée de la surface, qui frappe à ras de terre. Dans les 6 mètres, c’est dévié par Bakari puis contré par Lehmann et, décidément, ça ne veut pas rentrer. Par la suite, Sylvain N’Diaye ne profite pas d’un coup-franc bien placé (54e). Et les Allemands ne se créent toujours aucune occasion, se contentant de défendre et de sortir proprement le ballon, mais sans jamais se montrer dangereux dans le camp lillois.
61e minute : après, encore, un beau mouvement, cette fois entre N’Diaye, Michalowski, Bassir et Sterjovski, l’Australien envoie une frappe sèche à l’entrée de la surface sur ce poteau qu’il a tant tapé ! Dans la foulée, Brunel renvoie dans les 6 mètres et s’ensuit un gros cafouillage avec Bakari puis Bassir, qui ne parviennent pas à faire entrer dans le but un ballon qui tourne drôlement : Wörns sauve sur la ligne. C’est encore chaud sur le corner qui suit mais, cette fois, Lehmann récupère.
Ce qui devait arriver arriva : sur l’une de ses rares incursions, le Borussia ouvre la marque : Amoroso trouve Evanilson dans le dos de la défense lilloise : il centre à ras de terre vers Addo, qui reprend à bout portant, Wimbée parvient à s’interposer mais il ne peut stopper le ballon. Ewerthon a suivi et conclut de près, à la limite du hors-jeu (0-1, 68e). Gros coup dur pour le LOSC, qui dominait largement. Mais, fidèle à leurs habitudes, les Dogues reprennent leur marche en avant : « toute autre équipe que le LOSC aurait courbé l’échine devant ce coup du sort, aurait plié face à ce froid réalisme ». Brunel envoie un centre-tir dévié par le gardien allemand (71e). Et l’égalisation survient juste après car « à Grimonprez-Jooris, le cœur et le talent s’allient pour faire des merveilles ». Au départ, un mauvais dégagement de Lehmann, trompé par le terrain, qui atterrit sur Dédé, immédiatement pressé par Sterjovski, qui lui chipe le ballon et cherche Bakari dans l’axe, encore bien repris par Wörns. Dédé récupère, cette fois pressé par Bakari : son dégagement faiblard arrive de nouveau sur Sterjovski, à droite : rebelote, centre immédiat, et cette fois c’est Bassir à la réception, qui reprend instantanément de volée (1-1, 73e). Le buteur se précipite vers la tribune présidentielle, et soulève son maillot pour faire apparaître le n°6 de Christophe Pignol, qui est descendu dans les vestiaires à la mi-temps : « j’ai rêvé de ce moment durant toute mon hospitalisation : revoir le groupe, vivre un match avec lui, retrouver des sensations de vestiaire ».
Bassir, dont le remplacement était prévu avant son but, cède sa place à Olufadé, puis Bruno Cheyrou remplace Michalowski. Cependant, après l’égalisation, le match baisse en intensité et s’achève sur ce score de 1-1. Un très beau résultat dans l’absolu, mais qui laisse quelques regrets quand on se remémore la somme d’occasions qu’a eues le LOSC, qui méritait sans doute mieux : « dans un match globalement bien maîtrisé, malgré la belle organisation tactique du Borussia, le LOSC joua avec beaucoup d’application et su réagir positivement à la pression physique adverse (…) L’égalisation de Bassir ne fut que justice minimale », et le « froid réalisme germanique » ne fera pas taire les clichés sur le football allemand.
Voici un résumé de la seconde période :
Les observateurs saluent la grande performance de Bassir qui, outre son joli but, a été au four et au moulin, et la lucidité de Philippe Brunel. L’Equipe a vu un « épatant Michalowski ». Comme une évidence, Sammer admet : « nous n’étions pas trop sûrs de nous ». Quant à Vahid Halilhodzic, il est déçu et peste – à tort – sur un présumé hors-jeu des Allemands : « c’est une déception car j’ai le sentiment qu’en première temps, nous pouvions faire mieux. SI le LOSC avait ouvert le score, nous aurions eu sans doute un autre match. Le Borussia a une vraie occasion. Il marque. Après avoir revu les images du but allemand, il est clair que cette action est entachée d’un hors-jeu au départ. C’est ainsi. À Lille, on a l’habitude de ces histoires là. Dans le vestiaire, j’ai senti que les joueurs étaient déçus. Déçus d’être passés à côté d’une sacrée performance. Mais on a toujours de l’espoir pour le match retour. Ce sera dur, mais à l’extérieur on a souvent réussi de bons coups. Alors pourquoi ne pas croire en nos chances ? »
Le match retour est prévu dans une semaine en Allemagne. Entretemps, Marseille viendra à Grimonprez-Jooris dimanche pour clôturer la 25e journée de D1 et entretenir l’espoir d’une nouvelle qualification européenne par le championnat.
La suite est ici !
Posté le 27 janvier 2020 - par dbclosc
1950, la première double confrontation entre le LOSC et Chelsea
Et dire que certains ont fait de la confrontation en Ligue des Champions 2019/2020 une affiche inédite…! En mai puis en novembre 1950, le LOSC et Chelsea s’affrontaient pour la première fois.
Le 4 mai 1950, le LOSC reçoit Reims, champion en titre, au stade Henri-Jooris. Il s’agit d’un match avancé de la 33e journée du championnat, qui devait se dérouler dimanche 14 mai. Or, ce jour-là, les Rémois ne seront pas disponibles puisqu’ils disputeront la finale de la coupe de France. Face à des Rémois privés de Penverne, Flarmont et Appel, le LOSC s’impose 4-0 (buts de Vuye 40e, Strappe 48e et 61e, et Vandooren 80e). Mais 3 jours plus tard, le LOSC s’incline à Sochaux, malgré un nouveau but de Jean Baratte (1-3) : dès lors, avec 33 matches joués sur 34, les Lillois sont désormais à 4 points du leader bordelais, qu’ils ne peuvent donc plus rejoindre. Et, cette année, il n’y aura pas de finale de coupe pour se consoler, car l’adversaire des Rémois est le RC Paris, qui a éliminé le LOSC en quarts de finale. Après 5 années consécutives de présence, c’est la première fois depuis la Libération que les Dogues ne jouent pas la finale de la coupe de France ! Mais les dirigeants lillois ont trouvé une autre consolante : dimanche 14 mai à 15h30, le stade Henri-Jooris sera le théâtre d’une affiche amicale entre le LOSC et le Chelsea FC.
C’est une semaine d’honneurs pour le LOSC, puisqu’elle débute le dimanche précédent par la remise à son président, Louis Henno, des insignes d’officier de la Légion d’Honneur (kebab), par l’entremise d’Emmanuel Gambardella, reconnaissable à sa coupe, et président de la Fédération Française de Football Association et du Groupement des clubs autorisés. Assurant que « le LOSC demeurerait un des phares du football français », Louis Henno, dans une ambiance très mondaine, a effectué un bref discours devant 130 convives « dont cent au moins sont des dirigeants sportifs connus et tous aimablement accueillis et répartis par le maître de cérémonie, qui n’était autre que M. Dupont » assure la Voix du Nord1, qui ne se doute pas que « M. Dupont » n’est pas très connu des lecteurs du XXIe siècle.
Revenons à l’essentiel. Il y a bien longtemps que le Nord n’a pas vu une équipe anglaise : avant guerre, l’Olympique Lillois, avant la reprise du championnat, avait eu l’occasion d’offrir à son public un match international. Ainsi, Sunderland, Shieffield Wednesday ou encore Düsseldorf étaient venus au stade Victor-Boucquey, qui ne s’appelait pas encore Henri-Jooris, sinon on aurait écrit Henri-Jooris. Depuis la Libération, sont venus les Young Fellows de Zurich, puis l’équipe de Göteborg mais, selon René Massinon de la Voix du Nord, « le football pratiqué par ces formations, nous devons le reconnaître, est loin d’avoir le même panache que celui des Britanniques dont la technique leur a permis d’être des maîtres en ce sport ». Il paraît qu’à cette époque, parmi les équipes anglaises, seul Arsenal dispute annuellement un match à Paris. La venue de Chelsea, qualifié de « Red Star de Londres », est donc un événement qui permet, à une époque où la coupe d’Europe n’existe que via la première édition de la coupe latine en 1949 (avec 4 participants) de mettre aux prises deux équipes de pays différents et, au-delà, deux cultures, voire deux façons de jouer, dont on se demande si les descriptions journalistiques sont fidèles ou exagérées. Probablement que, en effet, on peut, bien plus qu’à notre époque, déceler des styles de jeu nationaux. Il n’empêche, la lecture systématiquement culturaliste des événements, y compris hors du terrain, prête bien à sourire aujourd’hui. La Voix du Nord et la Voix des Sports se languissent de voir « le visage du football anglais ». L’arrivée de la délégation de l’équipe de Chelsea, vendredi 12 mai, par le train de 16h47 venant de Calais, suscite un grand enthousiasme : ces Britanniques, 12 joueurs et 6 dirigeants, sont « pareils aux collégiens d’un grand orchestre (..) même pantalon de flanelle grise, même cravate aux couleurs du club, même veste bleue marine ornée de l’écusson de Chelsea » ; « dès que l’on entre en conversation avec ces hommes, on est frappés par la discipline qui règne chez eux ». Hé ben on espère que ça fait pas trop mal !
Sur le plan sportif, les différences sont revendiquées par le président du club lui-même : « c’est surtout la technique qui nous distingue », tandis que l’entraîneur, Norman Smith (que la Voix appelle « coach » avec le sentiment d’une immense transgression, comme à chaque fois qu’un anglicisme est utilisé), assure de la spécificité de son organisation tactique : « nous ne connaissons pas très bien le football français. Quant à nous, le WM que nous pratiquons est souple, aéré ; le marquage étant sensiblement sacrifié au bénéfice de l’interception et du placement rationnel ». Jean Chantry, de la Voix du Nord, qui a vu ces « remarquables athlètes » s’entraîner samedi 13, l’assure : « s’ils répondent assez parfaitement à l’image du footballeur britannique, ils brillent essentiellement par leurs qualités techniques. Feintes, amortis, contrôles, précision et frappe de balle sont quasi-naturels chez ces hommes ».
http://www.dailymotion.com/video/x2r2dmf
Accueillie à la gare par les dirigeants lillois, la délégation anglaise file à l’Aubette, siège du club, puis à l’hôtel, avec l’aide de M. Wilson, un anglais, arbitre national en France, qui sera au sifflet lors de la confrontation. Le souper est prévu à 19h, puis départ en groupe au spectacle : « nos amis Britanniques, lorsqu’ils descendent à Paris, filent d’emblée aux Folies-Bergères. À Lille, ils retinrent immédiatement leur place au Casino, où un accueil très chaleureux leur fut réservé ». Le lendemain, samedi, après un entraînement matinal, les Anglais se rendent à Ypres, où sont tombés bon nombre de leurs compatriotes durant la première guerre mondiale. Comme les Lillois, ils sont déjà en vacances, à la différence près que leur championnat est déjà terminé. Chelsea s’est classé 13e en championnat, et a fait bonne figure en coupe, n’étant éliminé que par le vainqueur de l’épreuve, Arsenal (2-2, 0-1, après 240 minutes). Selon la Voix du Nord, les joueurs de Chelsea sont « dignes de l’équipe nationale française. Et Pourtant chez eux, ils ne sont que 13e du championnat. Il est vrai que le dernier de la seconde division anglaise laisserait sur place Montpellier ou Metz ». Allez hop, dans la gueule de Montpellier et de Metz, qui n’ont rien demandé !
La vedette annoncée de l’équipe de Chelsea est l’avant-centre Roy Bentley, « idole de toutes les foules britanniques », malheureusement absent à Lille pour cause de sélection nationale. Mais les talents ne manquent pas : le gardien Harry Medhurst a un jeu « presque parfait » ; Stam Willemse, arrière gauche « possède une technique remarquable » ; John Harrts, le capitaine, est un « joueur complet », international écossais tout comme Campbell Robert, demi « à la technique incomparable » ; Benny Jones possède « un tir puissant des deux pieds » ; en outre, Chelsea peut compter sur Sydney Bathgate, 30 ans, au club depuis ses 16 ans, ou sur Ken Armstrong, qui n’a pas manqué un match depuis 2 ans.
Avant la rencontre, c’est déjà l’heure des festivités : « les joueurs du LOSC ont remis à André Cheuva une magnifique pendulette. Ce geste toucha profondément l’entraîneur losciste. Quant à Jadrejak, depuis 10 ans au même club, il reçut un splendide et énorme briquet de salon ».
Du côté du LOSC, seul Prévost, claqué, est indisponible.
15 000 personnes sont présentes à Henri-Jooris. Voici les compositions :
LOSC
Angel, Van Cappelen, Vuye ; Vandooren, Sommerlynck, Dubreucq ; Walter, Strappe, Baratte, Tempowski, Lechantre
Chelsea
Medhurst ; Willemse, Bathgate ; Amstrong, Harris, Mitchell (puis Dickson) ; Gray, Goulden, Billington, Williams, Jones
C’est Chelsea qui se montre dangereux le premier. Le gardien du LOSC, Pierre Angel, intervient dès la 5e minute pour repousser une frappe de Goulden. Puis deux occasions de Strappe, qui frappe à côté (7e, 12e), promettent un match emballant. Mais en première période, il n’y a pas photo : les Anglais dominent, et sans un excellent Angel, décisif sur une frappe de Williams détournée en corner (30e), sur un « centre-shoot » de Gray (33e), ou encore devant Williams (42e), les locaux seraient menés. Pour René Massinon, chargé du compte-rendu pour la VDN, « la qualité de spectacle est exceptionnelle » et les spectateurs sont « emballés par la maîtrise des Britanniques » : « les Britanniques n’appliquent point le WM avec une rigueur absolue, parce qu’ils misent sur l’interception, sur le remarquable placement de leurs défenseurs et surtout sur la puissance de leur ‘tackling’ ». L’opposition de styles annoncée semble se vérifier, avec des Anglais bien plus techniques, qui se permettent de faire jouer Goulden, 37 ans, car « la technique leur permet de faire voyager la balle vite, de manière précise », face à des Lillois qui misent davantage sur leur rapidité et sur des percées individuelles. Ainsi, après une première période « magnifique », « nettement à l’avantage des Anglais dont la maîtrise étonnait la foule », le score est de 0-0. Car si Chelsea a des « techniciens hors pair », son équipe « se contentait de construire un football qui plut », mais qui n’a pas permis de marquer en dépit de sa domination. On peut imputer une partie de la stérilité offensive des Anglais à l’absence de ses deux grands animateurs de l’attaque, Campbell et Bentley. Si bien que le vent a commencé à tourner dès la fin de la première période.
En effet, à mesure que le match avance, les Dogues développent « conviction et alacrité dans le jeu : le football britannique en fut désorganisé en un rien de temps à la fin de la première période ». Quand les joueurs de Chelsea reviennent sur la pelouse pour la seconde période, « les applaudissements fusaient dans le stade » : fair-play, le public d’Henri-Jooris ? « Il se demandaient ce qu’ils avaient bien pu faire pour mériter de tels encouragements. S’ils avaient su, les pôvres ! ». En fait, le speaker du stade venait d’annoncer le deuxième but de Reims en finale de coupe de France.
En deuxième période, c’est un « LOSC déchaîné en attaque » qui se réveille. Si Billington frappe un coup-franc dangereux, arrêté par Angel (48e), les Anglais sont de plus en plus débordés par « l’interpénétration, c’est-à-dire les dédoublements » des Dogues. Strappe, Lechantre et Tempowski attaquent par les ailes. Seul Walter est bien pris par son « garde-chiourme Bathgate qui ne lui épargnait pas les coups dans les jambes ». À la 53e, Baratte trouve Strappe, qui tire de peu à côté. Chelsea passe alors à une défense de zone, mais les Anglais semblent avoir perdu leurs repères, en laissant seuls, à plusieurs reprises « Baratte et Lechantre démarqués dans une portion de terrain qu’ils n’avaient pas jugé bon de surveiller. Et la pointe de vitesse des Nordistes les désempara ». 58e minute, dernière occasion pour Chelsea, avec un coup-franc tiré par Harris, dégagé en catastrophe par la défense lilloise. Désormais, les vagues offensives lilloises se succèdent.
Medhurst s’interpose devant Baratte
À 20 minutes du terme, les Dogues trouvent la faille : sur un centre de Strappe, Lechantre et Willemse sont surmontés ; la balle arrive au second poteau sur Vuye qui reprend instantanément du gauche et marque (1-0, 70e). Quelques minutes après, Lechantre est proche du break, qui ne tarde pas à arriver : une passe de Lechantre dans l’axe que Baratte laisse filer permet à Tempowski de filer au but, d’éviter la sortie du gardien et d’inscrire le deuxième but des Dogues (2-0, 81e). « Précisons que sur le second but, un bon gardien français n’eut pas été battu : Tempo, ayant réussi à passer Willemse, arrivait seul devant le goal, la balle roulant à un mètre de lui. Un Da Rui eut plongé dans les jambes ; Medhurst sortit en courant et se fit battre à la course par le Lillois, lancé en pleine foulée ». Une minute plus tard, Lechantre frappe sur le poteau ; puis Baratte reprend de volée un centre de Lechantre (3-0, 84e). À l’issue d’une superbe deuxième période, le LOSC s’impose 3-0.
Comme pour mieux mettre en valeur le LOSC, la Voix des Sports et la Voix du Nord insistent surtout sur la qualité de l’équipe adverse, exception faite de sa ligne d’attaque, assez lente, prise par les rapide Van Cappelen et Vuye. Seul se détache le grand Williams « dont la grande carcasse se promena durant les 90 minutes dans tous les coins du ground ». Mais dans l’ensemble, Chelsea a été « très brillant » : « peu soucieux du résutat, les Anglais cherchèrent constamment la beauté de l’action, l’impeccabilité technique, la précision du geste ». Surtout, les journalistes français ont été impressionnés par la pratique du « tackling », une « arme de défense ». Jean Chantry note : « vraiment, les foules françaises ignorent ce qu’est le véritable football. Parce qu’elles ont l’habitude de voir Montpellier, Sète, ou des ‘matraqueurs’ du même acabit, elles ont perdu la notion de la faute volontaire ou de la faute involontaire. Si l’on excepte le bouillant arrière-gauche, aucun joueur de Chelsea ne commit une incorrection. Leur jeu, certes, est rude. Le joueur dribblé tente de reprendre la balle en passant la jambe, mais ne bloque pas le pied de l’adversaire. Les ‘tackles’ ou tentatives de blocage de la balle lorsqu’elle se trouve dans les pieds d’un adversaire, sont empreints d’une certaine force qui, fréquemment, envoie le possesseur du ballon à terre. Il arrive même que les Britanniques bondissent littéralement dans la direction de l’adversaire. Dans les deux cas, c’est le ballon qui est visé, et non les jambes de l’adversaire. Le tackling, principal instrument de défense des Britanniques, surprit quelque peu les Lillois. Mais il ne les déçut jamais car il était pratiqué très régulièrement ».
Ainsi, tout le monde est satisfait de l’opération. « J’aime mieux jouer 10 matches contre Chelsea qu’un seul à Montpellier ou Béziers », déclare André Strappe, qui comme tout le monde en veut à Montpellier. Harris, à qui on demande à quel niveau se situerait le LOSC en championnat d’Angleterre, trouve une réponse qui met en valeur son football national : « facilement aux environs de la 10e place ». Billy Birrell, le manager de Chelsea, met de côté le résultat et préfère affirmer que son équipe était à Lille en démonstration : « les rencontres officielles ont, en Angleterre, un autre caractère d’âpreté ; ici, nous avons cherché à montrer aux spectateurs comment nous jouons bien au football. Nous espérons y être parvenus, et le résultat nous importe peu (…) Lille possède une très belle équipe, elle pratique un excellent football, rapide au point qu’il nous désempara en deuxième mi-temps. Les nôtres construisaient, mais ne terminaient pas l’action ébauchée. Il convient de ne point nous juger d’une manière formelle sur cette rencontre. D’ordinaire, nos avants de pointe sont d’une tout autre valeur. Nous aurons l’occasion de prendre notre revanche, puisque nous recevrons, à notre tour, l’équipe de Lille en novembre ou en décembre... ». Rendez-vous est donc pris : pour la seconde manche, il faudra traverser la Manche !
Une semaine plus tard, le LOSC termine son championnat à la deuxième place, après un nul à Paris (1-1), avant de partir en tournée en Allemagne et d’être enfin en congé mi-juin.
Debout : Angel, Dubreucq, Prévost, Jadrejak, Somerlynck, Carré
Assis : Walter, R. Vandooren, Baratte, Strappe, Lechantre, Cheuva
Photo extraite de l’ouvrage de Paul Hurseau, Soixante ans de football au stade Henri Jooris, 1975
L’intersaison est marquée par les départs de Roger Vandooren au CORT et de Roger Carré au RC Lens. En outre, Joseph Jadrejak prend sa retraite et reprend un café à Saint-André. Arrivent le Néerlandais Van der Hart et l’Argentin Carlos Verdeal, tandis qu’éclosent les jeunes Bieganski, Taisne ou Lefèvre. Cet amalgame donne des performances assez similaires à celles de la précédente saison. Nous sommes au tiers du championnat et le LOSC est deuxième, derrière Strasbourg. Le LOSC vient de jouer à Rennes, ce qui occasionnait la présence des 3 meilleurs buteurs du championnat sur le terrain du Parc des Sports de Rennes (les Rennais Grumellon et Combot, et le Lillois Baratte, tous 3 à 11 buts) : du coup, ça a fait 0-0. Preuve que les Dogues font toujours recette, littéralement : la venue du LOSC a attiré 18 817 spectateurs et le record de la recette à Rennes a été battu (pour info : 3 222 050 francs). Pour la Voix des Sports, si le score est resté vierge, c’est en raison de la pluie qui s’est abattue sur Rennes en deuxième période : « le sol, déjà meuble auparavant, fut plus gluant encore ». C’est après cette rencontre qu’arrive la deuxième confrontation amicale contre les Anglais de Chelsea, le 15 novembre. Chelsea, de son côté, reste sur une belle perf : les Blues ont battu Manchester United 1-0. Ils sont cependant 19e (sur 22).
Les Lillois sont au complet, hormis Walter, qui souffre d’une entorse. La délégtion du LOSC, composée de 50 personnes, rejoint Londres en 6 heures. La traversée en bateau jusque Folkestone a été un baptême de l’eau pour quelques-uns des Dogues, baptême un peu nauséeux pour certains, ainsi que le raconte Jean Chantry : « la mer, assez houleuse, provoqua chez Lechantre quelques malaises, tandis que Vuye, Angel et Dubreucq, qui n’ont pas le pied marin, durent gagner le pont supérieur, où l’air vif du large leur évita de ‘laisser l’appétit à la mer’ ». L’arrivée en gare de Londres-Victoria offre une belle surprise : un large comité d’accueil notamment composé de « sympathiques joueurs de Chelsea » et, cerise sur l’Hitoto, la « délicieuse Sylvie Saint-Clair », célèbre actrice, animatrice et chanteuse de l’époque, dunkerquoise d’origine.
De gauche à droite : Dubreucq, Baratte, Saint-Clair, Harris, Poitevin
Photo issue de l’ouvrage de Patrick Robert : 1944-2014, L’album anniversaire, 70 photos originales, Hugo Sport
« À peine étions nous débarqués à la gare Victoria qu’une armée de photographes vêtus dans le plus pur style dandy britannique et naturellement coiffés du traditionnel melon fixaient pour la postérité cette reprise de contact entre clubs anglais et français sur le sol britannique ». La venue du LOSC en Angleterre n’est pas un événement moindre que la venue de Chelsea à Lille quelques mois plus tôt : un seul autre club français est venu ici depuis la fin de la guerre, mais à en croire la presse régionale, ça ne compte pas : « hormis un insignifiant voyage du Havre AC, qui joua contre une formation de 3e division, il y a 2 ans, aucun club français n’était venu en Grande Bretagne depuis la Libération ». Décidément, ces Anglais sont très bien éduqués, à l’instar de Harris qui « nous ayant reconnu, s’en vint spontanément nous serrer la main ». Les deux délégations échangent quelques amabilités, et Dubreucq arbore dans un premier temps une « mine réjouie » lorsque Harris l’informe de la blessure de Williams, « ce grand diable d’inter qui avait emballé le public nordiste ». Mais il déchante vite : son remplaçant est Bentley, qui n’avait pas joué à Lille pour cause de sélection. Il est considéré comme la Rolls des attaquants et, à ce titre, comme un redoutable adversaire : « ‘enfin, on verra bien !’ déclara philosophiquement le Lambersartois ».
Stamford Bridge impressionne l’envoyé spécial de la Voix : « comparé à bien des stades français, c’est une merveille : 50 000 places, tant pour les matches de football que pour les courses de lévriers qui passionnent une foule de parieurs et font chaque fois le plein ». Les installations dernier cri du stade « ont étonné les Lillois : dans chaque vestiaire on trouve des salles d’hydrothérapie ; le chauffage est électrique et les instructions communiquées par haut-parleur ».
Devant les 10 000 spectateurs de Stamford Bridge, voici la composition des équipes :
Chelsea FC
Pickering ; Bathgate, Hugues ; Armstrong, Harris, Mitchell ; Dyke, Campbell, Billington, Bentley, Gray
LOSC
Angel ; Van Cappelen, Vuye ; Dubreucq, Poitevin, Somerlynck ; Strappe, Meerseman (puis Tempowski) Baratte (puis Mersemen), Verdeal, Lechantre
C’est le scénario inverse du match aller. Cette fois, le LOSC débute très bien, notamment en attaquant par son côté droit : Strappe, Meerseman, Baratte, appuyés par Dubreucq, combinent à merveille et utilisent, comme à Lille, l’arme du redoublement que les Anglais semblent ne pas maîtriser. Baratte, dès la 6e minute, seul, frappe à côté. Ainsi, durant la première demi-heure, le LOSC « n’a rien à apprendre » des Anglais : « nous avions peine à le croire. Et pourtant, ces joueurs au maillot chevronné rouge et blanc étaient bien les Lillois qui manoeuvraient avec autorité sur la pelouse glissante du Chelsea FC. Baratte, Meerseman, Strappe, se riaient du marquage britannique, désaxaient la défense, par des permutations (peu pratiquées par les Britanniques), se ruaient dans les espaces libres, tandis que le bloc arrière, grâce à un excellent placement, étouffait la majeure partie des attaques. Dubreucq, Van Cappelen, Poitevin, Somerlynck même, réussirent certains dribbles ou contrepieds qui leur valurent les applaudissements d’une foule extrêmement ‘sport’, sensible à la beauté du spectacle, fût-il donné par des Français (…) seul le shoot, cette arme britannique, laissait à désirer ». Et en effet, si les Dogues font le spectacle, les tirs sont Anglais, si bien qu’« Angel réussit des parades transcendantes qui lui valurent de nombreux applaudissements » : aux 2e, 5e et 15e, il repousse brillamment les tentatives de Billington. À la 14e, suite à une charge du même Billington, il reçoit un coup dans l’oeil et se foule le pouce droit : après ce match (qu’il termine), il sera absent 6 semaines. Dans la foulée, sur un centre de Dyck, c’est Gray qui ouvre la marque pour les Anglais (1-0, 16e). À partir de la demi-heure, la supériorité du jeu collectif anglais s’affirme : hormis une belle action Verdeal/Barratte/Strappe à la 30e, les Lillois ne procèdent alors plus que par des actions individuelles, notamment grâce à un Strappe « très à l’aise ». Progressivement, Verdeal est dépassé par la rapidité des mouvements de jeu, son jeu devient « terne », « et tout le côté gauche (Somerlynck surtout) en souffrit ». à la 34e, « Lechantre perce, dribble arrières et goal mais ne peut empêcher la balle de sortir » : c’est la dernière action dangereuse des avants lillois. Juste après, Bentley trouve le poteau d’Angel (38e). C’est la pause et Chelsea, qui est monté crescendo, mène 1-0.
Bentley domine Dubreucq et Van Cappelen
Mis à rude épreuve physique, les Lillois, auteurs pourtant d’une belle entame, se désorganisent. Victime d’une déchirure, Baratte est contraint de sortir à la pause : il est remplacé par Tempowski, qui prend la place de Meerseman, qui prend la place de Baratte. Il y a un « déséquilibre dans l’équipe de Lille, plus lente dans sa conception » ; « tout en se dépensant bien moins, les Anglais obtenaient un rendement nettement supérieur, car ils ne gardaient jamais la balle et la font progresser par déviation de trajectoire vers un partenaire qui n’a pratiquement aucun effort à faire pour la capter, tant la passe est précise ». En somme, la confrontation permet de nouveau d’opposer deux styles de football nationaux : les Anglais jouent collectivement alors que « les Français attendent trop d’un partenaire chargé d’organiser le jeu (…) Alors qu’en France les joueurs se démarquent lorsqu’un partenaire est entré en possession de la balle, les Britanniques anticipent constamment, se démarquent avant que le partenaire ait contrôlé. Mais leur technique est telle qu’ils peuvent se permettre pareilles anticipations. Un seul contrôle raté par Harris lui valut une sévère observation de Smith ». Jean Chantry, quant à lui, profite de la pause pour se goinfrer : « thé et cakes nous ont été offerts. Ne cachons pas que ces coutumes nous ont paru fort courtoises et agréables ». Tu m’étonnes !
La seconde période repart sur les mêmes bases : les rares incursions lilloises dans le camp anglais sont toutes « bloquées par des arrêts corrects, mais très secs » : c’est encore l’application du fameux « tackling anglo-saxon » qui a tant impressionné en mai ! « Verdeal, dont les échappées balle au pied paraissent chez nous un trait de génie ne fit jamais plus de 20 mètres sans avoir été chargé (et de quelle manière!) par les défenseurs anglais. Hargneux, il eut d’ailleurs plusieurs discussions qui se terminèrent par un vigoureux ‘shakehands’, après intervention de l’arbitre ». Devant, Bentley fait forte impression : « sa finesse de jeu et son travail de construction sont de beaucoup supérieurs à ceux de Williams à Lille ». Logiquement, Armstrong double la mise : « profitant d’une remise en touche, il courut en pointe et reçut le balon alors que les défenseurs nordistes s’appliquaient à pratiquer le marquage individuel ». Pas trop réussi le marquage individuel apparemment ! Puis Bentley lobe Angel, sorti à sa rencontre (3-0). La dernière occasion du match permet à Angel de briller une ultime fois en détournant sur le poteau un tir de Gray.
La Voix du Nord souligne que la presse britannique s’étend très peu sur cette rencontre. Mais elle ne manque pas de mentionner l’excellente performance de Pierre Angel, dont les interventions au poing (et d’un seul poing, souligne-t-elle) ont impressionné les journalistes britanniques : « il stoppa de nombreux shoots qui étaient des modèles de puissance et de précision (…) Bentley, réputé en Angleterre pour la puissance de ses reprises de volée, nous assura qu’il avait rarement vu un keeper aussi talentueux ».
Ainsi s’achève cette parenthèse européenne. Chelsea profite d’un goal-average favorable pour se sauver in extremis en fin de saison (20e sur 22), tandis que le LOSC termine la saison à la deuxième place, devancé par Nice au goal-average. Mais comme le champion niçois décline l’invitation à la Coupe latine, c’est le LOSC qui s’y colle et qui retrouve un adversaire étranger dès juin 1951.
Premier rang : Walter, Strappe, Baratte, Verdeal, Lechantre
Deuxième rang : Meerseman, Dubreucq, Poitevin, Somerlynck, Van Lent
Troisième rang : Angel, Van Der Hart, Ben Amar, Van Cappelen, Prevost, Vuye, Piatek
Photo extraite de l’ouvrage de Paul Hurseau, Soixante ans de football au stade Henri Jooris, 1975
1 Sauf indication autre, les citations, extraits et documents reproduits ici sont issus de La Voix du Nord et de La Voix des Sports.
Posté le 24 décembre 2019 - par dbclosc
Esprit de Noël : les cadeaux de l’adversaire
Certains adversaires du LOSC n’ont pas attendu Noël pour être d’une grande générosité.
En dépit du complot permanent qui pèse sur lui, le LOSC dispose de quelques agents qui tentent de le contrer, ou au moins de le minimiser. Nous avons ainsi déjà évoqué le fait que le LOSC a quelques copains chez les arbitres. Eh bien figurez-vous Arsène que certains adversaires (joueurs) font parfois la preuve de leur appartenance à cette internationale anti-complotiste. Parmi eux, Sonny Anderson, qui rate sous ses pénos contre nous ; mais aussi d’autres, souvent attaquants, qui « manquent l’immanquable » ou « un but tout fait », et d’autres qui servent nos attaquants dans d’excellentes conditions ou envoient directement le ballon dans leur propre but. Petit rappel de quelques-uns de ces cadeaux sur ces dernières années, par ordre chronologique. Et merci hein !
Bernard Lama (PSG), 27 avril 1996
Lillois un jour, Lillois toujours : telle est la devise de Bernard Lama. Même quand il a porté les couleurs du PSG, ce bon vieux Bernard n’a pas hésité à filer un coup de pouce à son ancien club, en contribuant largement à ce qu’il ne soit pas relégué en D2 à l’issue de la saison 1995/1996. Prenez un Patrick Collot excentré et faites-lui faire un puissant centre-tir : Bernard se charge du reste en boxant le ballon dans son but ! Ce but, on en a parlé maintes fois, avec le principal intéressé, Patrick Collot, ou avec Roger Hitoto, également sur le terrain ce jour-là. Le LOSC s’impose et se maintient une semaine plus tard. Merci, Bernard.
Fabien Lefèvre (Montpellier), 19 octobre 1996
Une fois n’est pas coutume, le LOSC réussit plutôt son début de saison. Après 12 journées, il est 10e, avec une bonne avance sur la zone de relégation. Cette place confortable est sutrtout due à un bon parcours à Grimonprez-Jooris : en 7 matches à la maison, Lille en a gagnés 4, et a concédé 3 nuls. En revanche, c’est plus compliqué à l’extérieur, où le LOSC n’a pris que 2 points en 5 matches. La première victoire sera à l’issue de ce déplacement à Montpellier, grâce au premier but en D1 de David Garcion, et quel but ! Une puissante frappe de 30 mètres, en pleine lucarne de Bruno Martini, dès la 70e seconde.
Ce sera le seul but du match. Et pourtant, il y aurait dû en avoir un autre. Montpellier pousse et, à la 68e minute, un centre de la gauche est repris à 9 mètres du but par Bakayoko : Aubry s’envole mais il est trop court. Fort heureusement, le ballon frappe la transversale. Mais il rebondit juste devant la ligne, où se trouve Fabien Lefèvre… qui marche sur le ballon, tombe lamentablement et s’encastre sur le poteau gauche tout en essayant de contrôler le ballon, qu’il parvient à mettre à côté. Miracle. Première victoire du LOSC à l’extérieur. La saison finira mal, mais merci Fabien.
_Président, qu’avez-vous en cadeau ?
_Un parapluie Vahid ! En cas d’eau, un parapluie… ah, ah !
Maksym Levitsky (Saint-Etienne), 17 septembre 2000
Ce soir à Geoffroy-Guichard, Grégory Wimbée est dans un grand jour. On ne peut pas en dire autant de son homologue stéphanois. Alors que les Verts mènent 1-0 grâce à Alex et que l’on s’approche de la pause, le gardien Ukrainien reçoit un ballon en retrait suite à une touche de Kvarme. Il contrôle une première fois tranquillement du pied droit. Djezon Boutoille vient faire le pressing. Levytsky pousse légèrement le ballon en avant, mais un peu trop pour assurer un dégagement : son dégagement, contré par Djezon, atterrit directement sur Beck qui, surpris, n’a plus qu’à mettre la tête d’un réflexe, et la balle termine tranquillement sa course dans le but vide. Score final : 1-1. Merci, Maksym.
Pierre Issa (Marseille), 22 octobre 2000
L’OM est présenté à l’intersaison comme une attraction de ce championnat, notamment avec ses recrues brésiliennes (dont son entraîneur Abel Braga). Résultat, avant de recevoir Lille, surprenant promu, les Marseillais sont 14e (sur 18). Arrive alors un joker : George Weah, qui connait sa première titularisation contre les Dogues, pour la 12e journée de D1. Mais la vedette du soir, c’est Pierre Issa, défenseur Sud-africain qui s’est déjà distingué en marquant 1 but et demi contre son camp en coupe du monde en faveur de la France, lors du match d’ouverture des Bleus en 1998. À la 66e minute, il contre une attaque des Dogues en chipant le ballon à Ted Agasson. Alors qu’il n’y a plus qu’à relancer, Pierre Issa se vautre lamentablement , et le pire est bien qu’il tente de courir sur les genoux. N’Diaye récupère et Beck conclut, ce sera le seul but du match, que nous avons bien placé dans notre Top 18 des buts à la con du LOSC.
Des images vraiment pénibles. Mais il y a pire.
Quelques minutes après, l’OM a l’occasion d’égaliser. Le coup-franc de Marcelinho est difficilement repoussé par Greg Wimbée, qui ne peut écarter le danger. Le ballon revient sur… Pierre Issa, à 6 mètres, face au but et au gardien couché. Son immonde plat du pied est si peu cadré qu’il file vers le poteau de corner. Lille s’impose 1-0. Merci Pierre.
Olivier Monterrubio et Severino Lucas (Rennes), 25 novembre 2001
3 jours après être allé gagné sur le terrain de la Fiorentina en 16e de finale aller de coupe de l’UEFA, le LOSC reçoit Rennes. En championnat, les Dogues ont connu leurs deux premières défaites de la saison lors des deux journées précédentes (à Lyon puis à Auxerre). Les voilà 4es. Mais à domicile, c’est carton plein : 6 matches, 6 victoires. Mais le match aurait pris une autre tournure si, dès la 5e minute, après déjà quelques occasions lilloises, Rennes avait marqué sur une double occasion en or : centre de la droite, reprise de Monterrubio à 3 mètres du but : sur le poteau ; à la retombée, Lucas, à 1 mètres, est surpris que le ballon lui revienne et place un plat du pied-insécurité à côté. Score final : 1-0 pour Lille. Merci, Olivier et Severino.
Flavio Roma (Monaco), 14 février 2004
Monaco est largement en tête du championnat, avec 7 points d’avance sur ses premiers poursuivants, Lyon et Auxerre, et s’apprête à faire une remarquable phase finale de ligue des champions. De son côté, le LOSC va mieux depuis quelques matches, même s’il reste englué à la 13e place. Autant dire qu’on ne s’attendait pas vraiment à ce que Lille inflige à l’ASM sa première défaite de la saison à domicile. 79e minute : après une passe en retrait d’un de ses défenseurs, Flavio Roma contrôle approximativement le ballon. Matt Moussilou, qui traîne par là, parvient à contrer le portier, qui glisse ; le ballon part en l’air, Moussilou se l’emmène de la tête et conclut dans le but vide. L’erreur de Roma lui offre le prix parodique « Marcel d’or du but à la con » au cours de la cérémonie des trophées UNFP de la saison 2003/2004.
Le LOSC s’impose 1-0. Merci, Flavio.
Lionel Potillon et Teddy Richert (Sochaux), 22 septembre 2004
Lille réalise un début de saison correct (8e) et se déplace pour cette 7e journée à Sochaux, prolongeant une série qui va l’amener à la première place du classement durant l’automne. Lille ouvre le score à la 52e minute : Makoun cherche Odemwingie dans l’axe, mais Lionel Potillon, le défenseur Sochalien, est largement en avance sur le Lillois. Sans contrôle et uniquement guidé par sa générosité et sa complicité avec un ex-Dogue, son gardien Teddy Richert, il place facilement le ballon dans le but, pendant que Teddy fait semblan de vouloir le rattraper. Pour cette belle action, Potillon et Richert reçoivent un Marcel d’or en 2005. En fin de match, un pénalty de Brunel permet d’asseoir la victoire lilloise (2-0). Merci, Lionel et Teddy.
Christian Giménez (Marseille), 29 octobre 2005
Nous sommes prévenus : l’OM a recruté un crack, qui a d’ailleurs marqué lors de son premier match avec ses nouvelles couleurs, contre Ajaccio. Il s’appelle Christan Giménez, est Argentin et arrive de Bâle. En fait, ce but contre Ajaccio sera aussi son dernier en France : la suite de son aventure olympienne aura surtout montré sa capacité à être maladroit devant le but. Ainsi, contre Lille, seul aux 6 mètres après que Ribéry a éliminé Tavlaridis, il reprend du genou/tibia gauche alors que le but semblait grand ouvert. Sylva peut récupérer calmement. Merci, Christian.
Diego Milito (Inter Milan), 2 novembre 2011
4e journée de l’édition de la Ligue des Champions qui suit le titre national de 2011. Les Lillois se déplacent chez les Italiens, favoris du groupe, et déjà vainqueurs à l’aller au Stadium (1-0). Logiquement, l’Inter ouvre la marque à la 18e minute, par Samuel : 1-0 à la mi-temps. En début de seconde période, les Intéristes obtiennent un coup-franc côté gauche. C’est frappé par Sneijder. Juste avant le botté, la défense lilloise monte, afin de placer les Italiens hors-jeu. Tactique régulière avec Garcia, et qui régulièrement n’a pas fonctionné : les Italiens ne sont pas hors-jeu. Les voici à 4 dans la surface face à Landreau. Stankovic remise vers Milito, qui n’a plus qu’à ajuster tranquillement, et qui ajuste en effet tranquillement au-dessus, et pas d’un peu (à 5’13 dans la vidéo). Si la vidéo ne s’affiche pas correctement, suivez ce lien.
Merci, Diego.
http://www.dailymotion.com/video/xm4i1w
Brandao (Saint-Etienne), 15 janvier 2013
Demi-finale de coupe de la Ligue. Les Dogues se rendent chez les Verts de Christophe Galtier. Les Lillois montrent leur mauvais visage de cette saison, en étant très timides offensivement. Les occasions sont stéphanoises, comme à la 30e minute, où Brandao, seul à quelques mètres du but d’Elana, ne cadre pas sa tête sur un centre de Mollo.
Mais à la 58e minute, le Brésilien fait mieux. Bien servi par Lemoine, il est seul aux 6 mètres face au but vide et ouvre bien son pied, ce qui lui permet… de stopper le ballon, et même de l’envoyer légèrement en retrait, si bien que Franck Béria peut dégager. Merci, Brandao. C’en est trop pour Christophe Galtier, qui sort Brandao à la 65e. Le LOSC sera éliminé au tirs aux buts, et les Verts remporteront la coupe grâce à un but de… Brandao.
Disponible en boutique
Wahbi Khazri (Bastia), 21 avril 2013
35e journée du championnat. Après une première partie de saison poussive, le LOSC remonte très fort depuis février, avec 22 points sur 27 possibles. Voilà les Dogues 5emes, à un point de l’Europe, et à 3 points du tour préliminaire de Ligue des Champions. Bastia est en milieu de tableau, et est pour ce match diplomatiquement privé de Florian Thauvin, qui a signé un contrat avec le LOSC en janvier. Dans les buts bastiais : Mickaël Landreau, qui a précipitamment quitté les Dogues en décembre.
À la 9e minute, première occasion du match : Fethi Harek centre aux 6 mètres vers Khazri, seul aux 6 mètres, qui n’a plus qu’à pousser le ballon au fond. Mais encore faut-il cadrer : le ballon est à côté, alors qu’Elana n’avait aucune chance de stopper le ballon.
L’attaquant Tunisien se rattrapera en ouvrant joliment le score à la 47e, mais le LOSC renversera la situation en fin de match. Merci Whabi.
Edinson Cavani (PSG), 13 février 2016
Au cœur de cet hiver, les Lillois n’ont pas encore entamé un remarquable sprint final qui leur fera prendre 26 points sur les 10 dernières journées. Ils trainent encore comme un boulet un mauvais début de saison sous la direction d’Hervé Renard. Quinzièmes, ils se déplacent chez le leader parisien, qui compte 39 points de plus. Les Parisiens font un peu tourner à 3 jours de recevoir Chelsea en Ligue des Champions, tandis que le LOSC aligne son meilleur 11, avec une attaque de feu Bauthéac-Benzia-Tallo. Comme attendu, Paris domine largement, mais est maladroit. À la 57e minute, une perte de balle lilloise permet à Matuidi de centrer côté gauche. Vincent Enyeama manque son intervention et relâche le ballon. À proximité du point de pénalty, Cavani récupère et frappe face au but quasi vide : c’est largement au-dessus (1’40 dans la vidéo). Score final : 0-0. Merci, Edinson.
Mathieu Valbuena (Lyon), 28 janvier 2017
Le LOSC vit une toute belle saison démarrée en fanfare par le recrutement des cracks Sankaharé et Palmieri et une élimination à Qabala dans la foulée. Le championnat est laborieux et peu après une nouvelle défaite contre le PSG, Frédéric Antonetti est limogé. Lui succède Patrick Collot, qui parvient à redresser la barre. Parmi les précieux points apportés par Patoche, une surprenante victoire à Lyon, puisqu’avant le match 17 points séparent l’OL (4e) du LOSC (15e). Logiquement, Lyon domine et Valbunea trouve la transversale sur un coup-franc (9e). Complètement contre le cours du jeu, Les Dogues ouvrent la marque grâce à une frappe de Benzia, contrée, qui prend Lopes à contre-pied. Même scénario après la pause : les Lillois ne font que défendre. À la 70e, Cornet déborde à droite et centre ; Enyeama ralentit le ballon, qui continue de filer sur la ligne des 6 mètres, où Valbuena devance Corchia. Il n’y a plus qu’à pousser le ballon au fond des filets. Et là :
Ca fait donc toujours 0-1. 8 minutes plus tard, sur l’une des rares incursions lilloises dans le camp lyonnais, Mathieu Valbuena, au four et au moulin, accroche Corchia : pénalty et 0-2 pour Lille !
En fin de match, les Lyonnais réduisent l’écart, mais le LOSC s’impose avec une possession de balle de 31%. « C’est incroyable de voir Valbuena manquer l’immanquable de la sorte. Je me suis dit que les dieux du football étaient avec nous ce soir » déclare Patrick Collot à l’issue de la rencontre. Une barre, un immanquable, un péno offert : c’est surtout Mathieu Valbuena qui était avec nous. Merci, Mathieu.
Préjuce Nakoulma (Nantes), 7 août 2017
On retient souvent de ce match que le LOSC a largement dominé son adversaire et a remporté un match qui lui a fait croire à un effet Bielsa durable. Pourtant, les Nantais ont eu quelques nettes occasions jusqu’au deuxième but lillois. Ainsi, à la 20e minute, alors que le score est toujours vierge, Araujo perd un ballon dans l’axe. Touré récupère et arme une demi-volée que Maignan dévie bizarrement sur sa barre. Seul en embuscade, pendant que les défenseurs lillois regardent le spectacle, Nakoulma se jette et fait le choix curieux d’une tête piquée, mais ça devrait rentrer vu sa position.. Ben non, c’est à côté (0’40 sur la vidéo). Score final : 3-0 pour Lille. Merci, Préjuce.
Nuno Da Costa (Strasbourg), 14 août 2017
Après la victoire inaugurale contre Nantes, le LOSC se déplace à Strasbourg, où un autre effet Bielsa va se faire sentir. Alors que a pause est atteinte sur le score de 0-0, que Lille a déjà fait ses 3 changements, que De Préville a manqué une occasion montrant qu’à Lille aussi, on a l’esprit de Noël (1’10 dans la vidéo ci-dessous), Strasbourg entame la seconde période avec une grande générosité. Face à une défense perturbée par une touche, Sacko fait un petit pont sur Junior Alonso et, seul face à Maignan, il glisse dans l’axe où se trouve, seul, Saadi. Mais venant de derrière, Da Costa est persuadé que c’est pour lui : en extension, il devance son partenaire qui allait à coup sûr marquer et propulse le ballon à côté du but lillois. La suite : une catastrophe, avec l’expulsion de Maignan, puis De Préville et Amadou dans le but. 0-3 mais quand même : merci Nuno.
Bonus : Florian Thauvin (Marseille), 25 janvier 2019
Un déplacement à Marseille est toujours (Philippe) périlleux. Le LOSC est 2e, avec 40 points en 21 journées : quel contraste avec la saison précédente. L’adversaire du soir a revendiqué en début de saison la place qu’occupe le LOSC, mais il n’est « que » 5e, 6 points derrière. Ce déplacement est une bonne occasion de voir si Lille peut prétendre se maintenir juste derrière le PSG jusqu’à la fin de saison. Et ça va plutôt bien : les Dogues mènent 1-0 à la pause, suite à un pénalty obtenu après consultation de la VAR. Aucun doute : Luiz Gustavo a sévèrement taclé la cheville de Çelik. Outre le score favorable, le LOSC n’est pas franchement mis en danger, ce qui a le don d’énerver le public : des jets de pétard contraignent l’arbitre à suspendre le match durant 20 minutes. À la reprise, alors qu’on craignait que le match ne prenne une autre tournure, à la 67e minute, Florian Thauvin, qui fête ce jour-là ses 26 ans, donne un coup de pied à Youssouf Koné, et est directement expulsé. Joyeux anniversaire ! Les micros de Canal captent ce contre quoi peste cette tête pleine d’eau : la VAR. Ah bon. « Bande de clochards ! » éructe-t-il. Lille s’impose 2-1. Une belle soirée et un beau cadeau pour tous les Lillois. Merci, Florian.
Enfin, remercions nos généreux donateurs de buts, buteurs contre leur camp en faveur du LOSC, dont voici une liste à peu près exhaustive depuis 1964 (ça l’est à coup sûr à partir des années 1980) :
1964/1965 Rastoli (Sedan)
1965/1966 Plumi (Valenciennes)
1966/1967 Baudet (Bordeaux)
1967/1968 Brucato (Ajaccio)
1971/1972 Vanucci (Sochaux)
1975/1976 Chauveau (Monaco)
1976/1977 Coumba (Valenciennes)
1977/1978 Gautier (Caen), De Martigny (Brest), Morlinière (Tours)
1978/1979 Buisset (Reims), Benoît (Sochaux)
1979/1980 Giresse (Bordeaux)
1980/1981 Barraja (Nice)
1982/1983 Janvion (Saint-Etienne)
1983/1984 Amisse (Nantes), Muller (Nantes)
1984/1985 Rabier (Lens), Sorin (Laval), Steck (Brest)
1985/1986 Bellisi (Brest)
1988/1989 Wallemme (Lens)
1990/1991 Lestage (Toulouse)
1992/1993 Lebourgeois (Caen), Kana-Biyik (Le Havre)
1993/1994 Boli (Marseille), Soppo-Din (Strasbourg)
1999/2000 Baldé (Toulouse)
2000/2001 Rool (Lens)
2001/2002 Bréchet (Lyon) Kapo (Auxerre)
2002/2003 Jaurès (Auxerre)
2003/2004 Caneira (Bordeaux)
2004/2005 Potillon (Sochaux), Pompiere (Metz), Thiam (Istres)
2005/2006 Pitau (Sochaux), Wimbée (Metz), Coulibaly (Lens)
2006/2007 Cris (Lyon), Paauwe (Valenciennes), Chamakh (Bordeaux)
2007/2008 Grichting (Auxerre)
2008/2009 Abardonado (Valenciennes), Hansson (Rennes), Richert (Sochaux)
2009/2010 Monterrubio (Lorient), Cesar (Grenoble)
2010/2011 Penneteau (Valenciennes), Baca (Lorient)
2011/2012 Angoua (Valenciennes), Poulard (Ajaccio)
2012/2013 Bong (Valenciennes), Poulard (Ajaccio), Congré (Montpellier), Mavinga (Rennes)
2013/2014 Hansen (Evian) Weber (Reims) Bourillon (Lorient)
2014/2015 Sirigu (PSG)
2015/2016 Martinez (Ajaccio)
2018/2019 Lautoa (Dijon), Meunier (PSG)
2020/2021 Pallois (Nantes), Gravillon (Lorient)
2021/2022 Giraudon (Troyes)
Merci à tous, et Joyeux Noël !
Posté le 16 décembre 2019 - par dbclosc
Quand le LOSC servait à promouvoir le football belge et la fraternité alliée
Que faire quand, en Belgique, on veut promouvoir son équipe nationale B et qu’on trouve que les Pays-Bas sont un adversaire trop peu prestigieux ? On appelle l’équipe qui cartonne de l’autre côté de la frontière : le LOSC. Le 3 avril 1946, les Dogues se déplacent donc pour le premier déplacement international de leur histoire.
Le LOSC, champion de Belgique ? Pourquoi pas. Rappelons d’abord que Lille est aussi une ville belge de la province d’Anvers, dont le club n’a jamais été plus haut que le 4e niveau national, mais comme « tout va très vite dans le football », le titre lui reviendra peut-être sous peu. Ensuite, quand la Belgique aura annexé les Hauts-de-France, il y a fort à parier que le LOSC devienne le club-phare du Royaume, et devienne aussi, au même titre que Derry, champion de deux pays.
En attendant que ces scénarios se réalisent, Lille a déjà brillé en Belgique, et pas seulement la fois où Nicolas Fauvergue a inscrit un but au Parc Astrid ou quand Pierre-Alain Frau a marqué à La Gantoise. Plus exactement, le LOSC a servi à faire briller un football Belge en quête de reconnaissance et, au-delà, à symboliser la normalisation des relations entre Etats après le conflit mondial. C’était en 1946, peu après la Libération du pays qui, comme en France, s’est étendue d’août 1944 à mai 1945.
La politique et le football incarnées par le célèbre natif de Lille Charles 2 Goal
En cette période de reconstruction, le sport est lui-même en pleine résurgence. Il a bien entendu lui aussi subi le chaos de la guerre et, au-delà des difficultés pratiques (problèmes de déplacements, territoires interdits, équipes disloquées), il compte aussi ses prisonniers, ses déportés et ses morts, comme ce champion de hockey tué lors du siège de Calais en mai 1940 et qui donnera son nom au futur stade de Lille : Félix Grimonprez. Alors que le football international est mis entre parenthèses durant 4 ans, au niveau national, la Belgique et la France connaissent un processus similaire de reprise en main du football, où celui-ci est au service de la propagande nationaliste1. Fin 1944, le football revient donc progressivement, délesté de son ancrage idéologique, mais demeurent des difficultés. En France, un dernier championnat dit « de guerre » est organisé en 1944/1945 : il n’est pas encore national mais en divisé en zones Nord et Sud. Officiellement, il n’est pas pris en considération étant donné les difficultés organisationnelles et la poursuite des combats sur certains pans du territoire. Même situation en Belgique, où une compétition (la « coupe de la Libération ») reprend en novembre 1944, mais est interrompue par de nouveaux bombardements sur les Ardennes en décembre. On tente de reprendre un championnat en janvier, mais là aussi le merdier est tel qu’on s’arrête avant la fin. C’est seulement après la capitulation allemande du 8 mai 1945 que les compétitions nationales vont reprendre normalement.
Sur le plan international, Français et Belges reprennent exactement au même moment, puisqu’ils s’affrontent pour la première confrontation d’après-guerre : c’est à Paris, en décembre 1944 (avec Bigot et Baratte chez les Bleus, qui s’imposent 3-1).
L’année suivante (1945), la France joue 4 fois, et la Belgique une fois : à Molenbeek, les Diables battent cette fois les Bleus 2-1.
Ainsi, le football se normalise, et les matches se multiplient. Après les années de privation, il offre une distraction bienvenue, tout en restant teinté d’arrière-pensées politiques, puisqu’il est désormais un outil au service de la réconciliation nationale et de la fraternité entre les peuples (alliés). Après la Libération, en France comme en Belgique, les autorités civiles se servent du football pour symboliser le rassemblement. L’Union Belge – équivalent belge de la FFF – met le paquet sur son équipe B, composée de jeunes joueurs censés constituer la future équipe des Diables Rouges. Cette équipe (aussi appelée « A’ » ou « équipe officieuse » dans la presse de l’époque) a été créée en 1924, à l’occasion d’un match contre la France B. Ensuite, jusqu’à la guerre, elle n’a affronté que le Luxembourg A, avec 2 ou 3 confrontations par an en moyenne (et ce jusqu’en 1976, pour un total de 75 Belgique B/Luxembourg A en 50 ans). Changement de politique à la Libération : les adversaires se diversifient. Cela s’explique en partie par la volonté, d’un côté, de faire de l’équipe B, à travers sa jeunesse, une vitrine de la future Belgique, et donc de regarder vers l’avant ; et, de l’autre, d’affronter des adversaires parmi les « alliés2 » de la guerre et de rappeler que la Belgique a été du bon côté. Dès lors, en 1945, l’équipe B affronte des équipes britanniques, qui ont la particularité d’être privées de compétitions officielles jusqu’en septembre 1946 : l’Ecosse le 6 janvier 1945 ; puis, plus tard dans l’année, 4 matches contre des militaires britanniques, dont certains internationaux (à l’image du match joué le 25 septembre 1944 entre le LOSC et une sélection britannique composée de soldats stationnés dans la région).
Début 1946, l’Union Belge souhaite organiser une nouvelle rencontre de son équipe B. Les Pays-Bas (B) sont contactés, et donnent leur accord. Mais, courant mars, changement d’avis : les dirigeants Belges ont un œil sur ce qui se passe en France. Très près de là, à la frontière, le LOSC s’est installé en tête du championnat de France, après notamment un remarquable mois de février (victoires 3-1 contre Lens ; 7-0 contre Metz ; 5-1 à Bordeaux). Parallèlement, les Dogues avancent en coupe de France, dont ils ont déjà atteint la finale en 1945 : les voilà déjà cette fois en quarts de finale. Enfin, mi-mars, à Bordeaux, la sélection des « Flandres » a battu celle du « Sud-Ouest » par 7 buts à 1, et le buteur lillois Jean Baratte a inscrit un triplé. Si l’on en croit les raisons, sans doutes un peu partiales, avancées par la Voix du Nord, les Belges ont alors gentiment décommandé les Oranje au profit des Dogues « en raison du rôle de premier plan que joue l’équipe lilloise dans le championnat de France ».
Le 3 avril 1946, au surlendemain d’une qualification losciste en demi-finale de coupe de France (2-1 contre le Racing Paris à Bordeaux), le LOSC se déplace donc Bruxelles, et plus précisément à Saint-Gilles, pour y affronter l’équipe B des Diables Rouges. Après le match contre les militaires Anglais en septembre 1944, on peut considérer que c’est le deuxième match international des Dogues, et leur premier déplacement international. La Voix du Nord met en garde : « les Belges ont composé une équipe robuste, formée de joueurs extrêmement rapides ». En guise de « jeunes », des joueurs nés majoritairement en 1922, et qui ont donc en moyenne autour de 23 ans. On trouve parmi eux :
_des joueurs qui ont déjà quelques sélections en A : Maurice Berloo, arrière de La Gantoise, qui a joué la confrontation France/Belgique de 1945, au cours de laquelle Julien Darui gardait le but français ; Jules Henriet, défenseur de Charleroi ; Désiré Van Den Audenaerde, attaquant de l’Antwerp, qui a joué contre la France en 1944 et en 1945 ; Arsène Vaillant, à l’époque attaquant du White Star puis défenseur (!) d’Anderlecht. Il est par ailleurs connu pour s’être reconverti journaliste pour la RTBF jusque dans les années 1980, où il commentait d’ailleurs la catastrophe du Heysel.
_d’autres qui en obtiendront plus tard : le gardien Ferdinand Boogaerts, du White Star, qui gardera les cages belges 6 fois en 1952 ; Michel Van Vaerenbergh, futur triple champion de Belgique avec Anderlecht ; De Buck, qui répond au doux prénom d’Adolf, défenseur d’Alost ; Henri Govard, du FC Liège ; René Thirifays, de Charleroi ; ou Anould, qui marquera ensuite 20 buts en 48 sélections avec l’équipe première des Diables : belle récompense pour celui qui fait fort dans la belgitude en se prénommant Léopold et en étant né à Saint-Nicolas.
_Enfin, avec nos quelques recherches, d’autres joueurs semblent ne pas avoir percé de manière durable au haut niveau : c’est le cas de Léon Aernoudts (Bechem), de Staf Van den Bergh (Lyra).
Du côté du LOSC, George Berry a emmené 15 joueurs pour ce déplacment court mais transfrontalier : Georges Hatz, Joseph Jadrejak, Emilien Méresse, François Bourbotte, Jean-Marie Prévost, Roger Carré, Jules Bigot, Marceau Somerlynck, Henri Tessier, René Bihel, Jean-Jacques Kretzschmar, Jean Baratte, Jean Lechantre (Belge de naissance mais fraîchement naturalisé Français), Roger Vandooren et Bolek Tempowski.
En perspective, selon le quotidien régional, le football comme diplomatie officieuse : « une belle manifestation d’amitié franco-belge. Ce match marquera de manière tangible la reprise des relations entre la Belgique et nos régions du Nord. Il est probable qu’il sera le prélude à d’autres rencontres. La venue d’une grande équipe Belge à Lille serait, en effet, unanimement appréciée par les sportifs de notre région ».
La rencontre se déroule dans le superbe stade Joseph-Marien, dans le parc Duden, là où joue habituellement l’Union Saint-Gilloise. Du nom d’un ancien président du club, le stade a pris sa forme actuelle en 1926, où il a été inauguré en présence du Prince Charles (de Belgique hein). Il reste de nos jours un étonnant monument architectural, classé comme monument historique par la région de Bruxelles-capitale : sa façade longue de 101 mètres, qui abrite la tribune principale, est de style « Art-déco » et est agrémentée de sept panneaux sculptés, représentant les deux disciplines qui ont fait la gloire de l’Union : l’athlétisme et le football (en l’occurrence, pour le foot, c’est surtout dans l’entre-deux-guerres).
Le temps est radieux et l’envoyé spécial de la Voix du Nord, Augustin Charlet, estime l’affluence à 10 000 personnes, dont quelques dizaines de supporters du LOSC. Les Lillois présentent un « magnifique jeu d’ensemble », et le journaliste ne s’inquiète pas trop de l’issue heureuse du match. Pourtant, à la 35e minute, une mésentente derrière entre Hatz et Prévost permet à Govart d’ouvrir la marque pour les Diables Rouges (1-0) et d’arriver à la pause avec cet avantage. À la reprise, le capitaine François Bourbotte sonne la charge en expédiant un « coup de pied retourné » (?) vers l’avant à Roger Vandooren, qui égalise (1-1). Mais sur le coup d’envoi, Vaillant échappe à Prévost, qui est mystérieusement tombé, et s’en va battre le gardien lillois (2-1). Et Prévost se tient le bras : « on le croit légèrement atteint, mas on apprend bientôt qu’il souffre d’une fracture de la clavicule « non confirmée » ». On imagine que depuis le temps, le diagnostic a été affiné. Il faut se réorganiser chez les Lillois : Bourbotte passe demi-centre, et Jadrejak demi-droit. Pas de réussite : dès la 53e minute, les Belges marquent de nouveau, par Thirifays (3-1). « Est-ce la défaite sévère en perspective ? Non pas ! Le brave François fait feu des quatre fers et les attaques belges sont enrayées », tandis que Somerlynck multiplie les attaques « dans le style belge » (?). Il reste un quart d’heure, et les Dogues poussent : Vandooren marque de nouveau (3-2) puis, 3 minutes plus tard, Baratte égalise (3-3). A l’arrivée, les Belges arrachent « un match nul heureux » car « si le LOSC ne s’était pas trouvé dans l’obligation de modifier complètement la formation de ses lignes suite à une blessure assez sérieuse de Prévost, il est probable que la victoire lui serait revenue ». Petite déception pour les dirigeants de l’Union Belge, et grande satisfaction dans la délégation lilloise qui s’est déplacée : MM. Thellier de Poncheville, Kretzschmar, Dufaux, et Lemaire.
Selon A. Charlet, aucun doute sur la « supériorité incontestable du jeu lillois ». Seulement, les Dogues ont pêché par suffisance et ont « préféré faire de la démonstration » : ainsi, Tessier et Lechantre se sont beaucoup amusé à dribbler, suscitant d’ailleurs « maintes fois les applaudissements d’une foule aimable et cordiale ». « Certains hommes se comportèrent en dilettantes : Hatz, Bourbotte, Carré, qui fut notre meilleur homme, méritent des éloges. Vandooren, effacé en première mi-temps, n’en marqua pas moins de 2 buts par la suite, tandis que Somerlynck se distinguait sans cesse par son allant ». Du côté belge, le correspondant salue la pugnacité de joueurs qui visaient à se faire remarquer pour intégrer l’équipe A : « De Buck et Thirifays jouèrent de façon remarquable, la défense fut solide, mais la ligne d’avants joua trop souvent en ordre dispersé ». Quant à l’arbitre, « il avantagea, parfois, l’équipe de Belgique ».
Voilà comment les performances du LOSC lui ont permis de jouer un match de gala, à la fois pour mettre en avant l’équipe B de Belgique tout en symbolisant le retour à la normale après la guerre. Les Diables B rencontreront dans les années suivantes les équipes B de différentes nations, avant que cette équipe ne soit moins utilisée à partir des années 1970. Elle renaît en 1996 en tant qu’équipe « A’ », avec cette même fonction d’antichambre de l’équipe A, sans son aspect plus idéologique. Outre des rencontres internationales, elle permet de boucher les trous du calendrier en proposant des rencontres amicales contre des clubs nationaux : ainsi, en 2003, à Avion a lieu un Belgique A’/Lens, que les Sang & Or remportent 3-1. Probablement une idée inspirée d’une initiative prise 57 ans auparavant. Par la suite, ce sont les équipes Espoirs puis U21 qu’on peut considérer comme les héritières de cette équipe « B ».
Après ce déplacement bruxellois, les Lillois retournent à leurs compétitions nationales. Dans quelques semaines, ils remporteront haut la main le premier championnat de France d’après-guerre, ainsi que la coupe de France. Ils n’affronteront plus l’équipe nationale de Belgique, ni d’ailleurs aucune autre, mais la proximité frontalière maintient l’avantage d’organiser régulièrement des confrontations amicales entre le LOSC et des club belges.
FC Notes
1 Comment ça « c’est pareil aujourd’hui » ?
2 On met entre guillemets car, officiellement, la Belgique est neutre au début du conflit, l’attitude du roi l’est moins, et le pays est entièrement occupé, avec un gouvernement en exil et des colonies du côté des alliés. Quant à la France, elle est officiellement parmi les pays vainqueurs de la guerre.
Posté le 6 décembre 2019 - par dbclosc
Qui a marqué le premier but du LOSC ?
Question simple, réponse complexe. Si on peut à peu près s’entendre sur ce qu’on entend par « but », la controverse porte plutôt sur ce qu’on entend par « premier » et par « LOSC ». Du coup, on vous propose 10 réponses, prétextes à une petite promenade généalogique.
Les historiens du LOSC, les journalistes, les ouvrages consacrés au club, les souvenirs des anciens divergent parfois à propos de l’origine du LOSC, et les quelques incertitudes qui demeurent peuvent être imputés d’une part à la complexité de l’opération de la fusion entre OL et SCF en 1944 ; et d’autre part à un manque de détails dans les sources documentaires, les journaux de l’époque relatant bien plus longuement, et logiquement, les actualités militaires et politiques liées à la Libération du pays. Si bien qu’il reste délicat de relater précisément aujourd’hui les rapports de force qui ont présidé à la décision finale, ou les atermoiements qui ont rythmé les mois d’août, septembre, octobre et novembre 1944 quant au visage que prendrait le grand club lillois, atermoiements que l’on sent bien quand la presse de l’époque annonce tantôt la formation d’un grand club lillois, tantôt la reconstitution de l’OL et du SCF, sans davantage de précision sur ce qui a motivé ces brusques virages.
Toutefois, l’histoire retient une version simplifiée des choses, sur laquelle on peut s’accorder car elle correspond en effet à une certaine réalité : le LOSC s’est formé en 3 temps.
D’abord, le 23 septembre 1944, un accord, non officiel, est trouvé entre les dirigeants du SCF et de l’OL pour la fusion entre les deux clubs rivaux. Ce club s’appellera « stade Lillois », appellation dont on trouve déjà la trace en août 1944, quand les premières rumeurs de concrétisation de la fusion étaient annoncées.
Le 10 novembre 1944, l’accord est renouvelé, alors qu’il avait été sérieusement remis en question depuis le 23 septembre. Le « Stade Lillois » s’appelle désormais « LOSC ».
Le 25 novembre 1944, l’accord est juridiquement officialisé.
Puisqu’on a des dates, on va alors pouvoir répondre à notre question : qui est le premier buteur du LOSC ?
Solution 1 : Jean Baratte (contre Le Havre, 12 novembre 1944)
Logiquement, le premier buteur du LOSC serait le premier qui a marqué pour le club après l’officialisation du nom « LOSC ». Et, si l’on soutient cette hypothèse, il faut alors regarder le match joué le dimanche 12 novembre 1944. Au stade-Henri Jooris, le LOSC s’impose contre Le Havre… 9-2 ! Voilà des débuts fracassants. Si l’on retient principalement de ce match qu’il a vu René Bihel marquer à 5 reprises, c’est bien Jean Baratte qui a ouvert le score contre les Normands, déjà salement bombardés deux mois auparavant.
Ainsi, Jean Baratte, premier buteur du LOSC, semble de prime abord la version la plus défendable pour répondre à notre interrogation. Et comme il est le meilleur buteur de l’histoire du club, la dimension symbolique est également présente. Dans le cadre des 75 ans du LOSC, c’est d’ailleurs l’information que nous avons transmise au club, qui l’a tweetée, avec une formulation suffisamment prudente. Voilà donc sur quoi nous nous sommes basés.
Solution 2 : René Bihel (contre CA Paris, 5 novembre 1944)
Mais au vu de la construction juridique du LOSC, on peut aisément comprendre qu’on puisse faire un autre choix pour déterminer le « premier buteur » du LOSC. Puisque le LOSC est la même structure que le « Stade Lillois », puisque les joueurs sont les mêmes, après tout, ne faut-il pas considérer que le premier buteur du LOSC est le premier buteur du Stade Lillois ? En l’occurrence, Lille avait commencé le championnat sous l’appellation « Stade Lillois », une semaine avant ce match contre Le Havre, c’est-à-dire le 5 novembre 1944. Ce jour-là, en déplacement au CA Paris, le Stade Lillois s’impose 2-1, avec un premier but signé René Bihel, à la 13e minute de jeu.
Solution 3 : Jean Baratte (contre une sélection anglaise, 24 septembre 1944)
Si on prend comme premier buteur du « LOSC » le premier buteur du Stade Lillois, pourquoi ne pas alors prendre en compte les matches amicaux ?
En cette rentrée 1944, le temps que l’on réorganise le championnat, que l’on abandonne les équipes fédérales imposées par le gouvernement de Vichy, le football reprend tardivement (ce qui explique d’ailleurs que le championnat n’ait repris qu’en novembre). Nous avons trouvé la trace du premier match amical joué par le Stade Lillois : le 24 septembre 1944. Depuis quelques jours, avant même que l’annonce de l’accord de fusion ne soit annoncé, le Stade Lillois existe de fait, et s’entraîne ainsi une majeure partie de la défunte équipe « Lille-Flandres ». Au stade Henri-Jooris, ce match amical est très particulier puisqu’il oppose le Stade Lillois à une sélection britannique dont les éléments ont été choisis, par George Berry himself, parmi les unités militaires qui stationnent dans la région. La Voix du Nord indique même que des petites confrontations ont déjà eu lieu lors de sessions d’entraînement au stade Jules-Lemaire (et donc on pourrait trouver un autre buteur!). Cette fois, le match est payant, et sa recette ira au Forces Françaises Intérieures tombées pour la Libération de Lille.
Pour être plus précis, un premier match oppose à 14h15 des amateurs du Stade Lillois à une première sélection britannique. On trouve dans cette équipe lilloise, entre autres, les dénommés Leporcq, Mahieu, Van Velle, Deschodt, Hoden, Dietrich, Cheuva, Kretzschmar, De Cecco, Secq, Waggi, Stricanne, Kherkhove et Debruyckere. Combien ça a fait ? La Voix du Nord ne nous l’indique pas et préfère s’attarder sur la deuxième confrontation, celle de 16h00, où joueront les professionnels. « Par un temps déplaisant », le Stade Lillois l’emporte 3-1. En face, des professionnels, tels que Greenwood (Chelsea) ; Day, de Southampton ; Shotton, de Wrexham ; Hastié, de Raith-Rovers ; et des amateurs « comme l’étonnant gardien de but, Cotteral ». Bon alors, et le premier buteur lillois ? Jean Baratte, 11e minute !
Solution 4 : Jean Baratte (contre Nice-Côte d’Azur, 5 septembre 1943)
Bon, mais puisque qu’on vous écrit que le LOSC est issu du Stade Lillois, lui-même déjà sacrément inspiré de l’équipe fédérale « Lille-Flandres » de la saison 1943-1944, ne faut-il pas se dire que le premier buteur du LOSC est en fait le premier buteur de « Lille-Flandres » ? Pour rappel, cette équipe, imposée par Joseph Pascot, ministre de Vichy, réorganise le championnat national en faisant des footballeurs des fonctionnaires, contre une professionnalisation privée jugée immorale. Sans logique sportive ou historique, ce championnat crée de toutes pièces des équipes telles que « Lens-Artois », « Clermont-Auvergne » ou « Rennes-Bretagne ».
Si l’on regarde la première composition de l’équipe « Lille-Flandres », il y a franchement de quoi y voir une large ossature du futur LOSC. C’était contre « Nice-Côte d’Azur », le 5 septembre 1943 :
Darui – Jadrejak, Decreton – Bourbotte, Stefaniak, Somerlynck – Bihel, Tancré, Baratte, Urbaniak, Lechantre.
On trouve donc dans cette compo des joueurs de l’OL (Darui, Lechantre, Baratte), du SCF (Bourbotte, Jadrejak, Somerlynck, Bihel, Tancré), qui joueront tous ensuite au LOSC, ainsi que Jadrejak et Stefaniak, futurs loscistes. En fait, seul Urbaniak (Excelsior Roubaix) n’est ni ancien ni futur Dogue. Alors, cette fusion imposée, c’est déjà le LOSC ? On peut le défendre. Dans ce cas, qui a marqué le premier but ce jour là ? C’est Jean Baratte, qui signe un doublé et permet une victoire des « Lillois » (2-1).
Solution 5 : René Bihel (contre Lens-Artois, 29 août 1943)
Comme on l’a fait avec le Stade Lillois, autant remonter aux matches amicaux ! Si le LOSC est le Stade Lillois, qui est Lille-Flandres, alors le premier buteur du LOSC est le premier buteur des matches d’avant-saison 1943-1944 ! Vous suivez ?
Le premier match amical de « Lille-Flandres » s’est déroulé au stade Henri-Jooris, le 29 août 1943. L’équipe n’est pas encore entièrement contituée et est alors renforcée de deux des éléments de son adversaire du jour, Lens-Artois : Georges Fougnies et Eugène Battut.
Voici l’équipe alignée : Darui – Somerlynck, Decreton – Merjean, Stefaniak, Jadrejak ; Bihel, Baratte, Battut, Urbaniak, Fougnies.
Score final 1-1. Le but de Lens-Artois a été marqué par Stanis (18e), tandis que Lille-Flandres a égalisé par René Bihel (80e), à la dernière minute, puisque l’arbitre a fait jouer 2 périodes de 40 minutes.
Alors, on a fait le tour ? Non, pas encore. Rappelez-vous ce que nous écrivions plus haut. Si on s’accorde le 10 novembre sur l’appellation « LOSC », ce nom n’est enregistré officiellement que le 25 du même mois (c’est-à-dire novembre). Faut-il alors considérer que le premier but du LOSC est postérieur à cette date ? Ça se défend aussi. Nous défendons tout ici, tels des Jacques Vergès du ballon rond.
Solution 6 : Jean Lechantre (contre le Red Star, 26 novembre 1944)
Dès lors, il faudrait regarder le premier match joué après le 25 novembre. Il s’agit d’un Lille/Red Star, le 26 novembre, 4e journée du championnat. Alors que la Voix du Nord annonce que grâce à son « jeu plus rapide », Lille devrait s’imposer, il n’en est rien : le Red Star vient gagner 2-1 au stade Henri-Jooris. Et pourtant, le LOSC avait ouvert le score. Le buteur ? D’après la Voix du Nord du 28 novembre, 1944, « Nuévo concéda un corner que Lechantre tira au cordeau. Et trois hommes tombèrent en masse sur la balle, dans la cage, écrasant le cuir de leurs corps nerveux ! Lille comptait un but ». Hé ben. Bon, alors soit on dit qu’on ne sait pas, et on lance un appel à ceux qui ont la réponse ; soit on considère que le but est accordé à Lechantre, ce qui est par ailleurs fort possible, car nous avons des stats sur les buteurs de la saison 1944/1945 qui lui accordent plus de buts que ce que nous lui trouvons, pendant que, de notre côté, ce but n’est pas attribué.
Voilà. 6 solutions. C’est tout ? Non.
Si le championnat 1944/1945 s’est déroulé tant bien que mal, il est considéré comme le dernier championnat dit « de guerre », et n’était pas un championnat « national » : les clubs étaient répartis en 2 groupes, et le LOSC était dans le groupe « Nord ». Autrement dit, officiellement, ce championnat n’est pas pris en compte, et Rouen n’est pas champion de France 1945. Nuls et non avenus donc, les buts de Baratte, Lechantre et autre Bihel. Cette non-officialisation explique par exemple qu’on n’accorde à Jean Baratte « que » 218 buts marqués avec le LOSC : c’est parce que ses 10 buts en championnat de la saison 1944-1945 ne sont pas pris en compte. C’est ce qu’a fait la Voix du Nord en novembre 2019 dans son hors-série pour les 75 ans du club. En revanche, le LOSC, dans LOSC In The City n°38, a bien indiqué 228 buts pour Barrate, en prenant en compte, sur nos indications, cette saison 1944/1945. Et donc vous imaginez aisément que le nombre total de buts de Baratte est encore supérieur, puisque nous ne prenons pas en compte les performances de « Lille-Flandres ».
Il nous resterait donc encore 2 solutions pour déterminer le premier buteur du LOSC : s’il faut prendre en compte la première saison « officielle », c’est-à-dire la première saison d’un championnat qui s’est déroulé à l’échelle nationale, alors notre premier buteur du LOSC est soit le premier buteur d’un match d’avant-saison, soit le premier buteur d’un match officiel de la saison 1945/1946.
Solution 7 : Jean-Jacques Kretzschmar (contre Valenciennes, 12 août 1945)
Le LOSC reprend l’entraînement début août 1945. Le 5, un premier amical est organisé à Henri-Jooris. Il est nommé « possibles contre probables » : il faut comprendre par là qu’il s’agit d’une revue d’effectif qui permettra de déterminer, parmi l’ensemble de l’effectif, le 11 type. Si la Voix du Nord nous offre un commentaire sur quelques joueurs (on apprend ainsi que « Grimonpont, Cappelle, Walter et Dubrucq seront des possibles sous peu ») nous n’avons pas trouvé le résultat du match, et avouons qu’une telle opposition interne est trop particulière pour qu’on la prenne en compte. La première opposition amicale de cette saison contre un autre club est située le 12 août, contre l’USVA au stade Nungesser. Le match se termine par un prolifique 5-5. Le premier buteur du match est le Lillois Jean-Jacques Kretzschmar.
Solution 8 : François Bourbotte (contre Cannes, 26 août 1945)
Quant au championnat, et donc au premier match officiel de cette première saison officielle, ça se passe le 26 août. Le LOSC reçoit Cannes-Grasse, l’occasion de revoir une ville du Sud, ce qui n’était pas arrivé ici depuis quelques années. Avec de nombreux absents (Bihel, Baratte et Vandooren, soldats en Allemagne), le LOSC est mené à la mi-temps (0-1). Mais les Dogues égalisent par leur capitaine, François Bourbotte, dès la 49e minute, avant de dérouler (5-1).
Solution 9 : René Bihel (contre Saint-Quentin, 7 janvier 1945)
Dernière (?) astuce, et donc dernière (?) proposition : si le championnat 1944/1945 n’est officiellement pas homologué, la coupe de France, elle, l’est. Le premier buteur du LOSC serait donc le premier buteur de la saison 1944/1945, mais en coupe de France !
Auquel cas, il faut retourner au 7 janvier 1945, date où le LOSC entame la compétition. À Fives, contre Saint-Quentin, le LOSC signe la plus éclatante victoire de son histoire en match officiel : 12-1 ! Et c’est René Bihel, auteur de 7 buts ce jour-là, qui marqué le premier.
Solution 10 : le Buteur inconnu
Allez, ce n’est pas fini. Sur les conseils avisés de Maxime Pousset, nous pouvons émettre une dernière suggestion : le premier buteur du LOSC serait le premier buteur des clubs « fusionnés », à savoir l’Olympique Lillois ou le SC Fives. Et comme l’OL est plus ancien (création en 1902), il faudrait alors prendre en compte son premier buteur.
L’hypothèse n’est pas si farfelue que ça : c’est d’ailleurs une version défendue par Thierry Berthou, historien de formation, qui s’est notamment intéressé au cas du PSG, et qui estime que, contrairement à l’idée répandue selon laquelle le club de la capitale aurait été fondé en 1970, ses origines remonteraient plutôt à… 1904. Pourquoi cette date ? C’est l’année de fondation du Stade Saint-Germain, qui s’est ensuite allié avec le Paris Football Club en 1970 pour former le PSG. Pour T. Berthou, changer de nom, trouver des nouveaux investisseurs ou déposer le bilan n’entraînent pas la création d’un « nouveau » club.
Les histoires officielles des clubs de foot s’écrivent sans règle précise, et il est alors difficile de trouver une ligne de conduite unique dans cette (ré)écriture permanente : en 2000, l’ATAC, le club de Troyes, est devenu l’ESTAC, et tout le monde s’accorde à dire qu’il s’agit du même club ; même procédé pour le Red Star, club de Seine-Saint-Denis, qui a changé neuf fois de nom depuis 1897. On trouve parfois de drôles d’incohérences : ainsi, nos voisins valenciennois, à travers le VAFC, existent officiellement depuis 1996, après le dépôt de bilan de l’USVA. On lui conserve toutefois son titre de champion de France de L2 de 1972…
En ce qui concerne le LOSC, tout le débat est de savoir si la fusion entre l’OL et le SCF en 1944 s’apparente à la création d’un nouveau club, ou à la continuation du club originel par d’autres moyens.
Nous n’avons pas trouvé le premier buteur de l’OL. En attendant de le trouver, si on rendait hommage au buteur inconnu qui, sur le modèle du soldat inconnu qui commémore les soldats morts pour la France au cours de l’histoire, commémorerait tous les buteurs du LOSC au cours de l’histoire ? Bon, le problème est qu’il y aurait un intérêt quasi-mystique à ne jamais trouver son identité, ce qui va à l’encontre de nos actives recherches. On vous tient au courant !
La victoire en coupe de France 1947 est l’occasion pour quelques Dogues de se distinguer en revendiquant le titre de « Premier buteur du LOSC » lors du tour d’honneur. « C’est moi ! C’est moi » hurlent-ils. Le vote du public ne parvient pas à départager les concurrents.
Cet article à la fois pédagogique et amusant rappelle que les statistiques diffèrent selon les références que l’on prend, et notamment les bornes temporelles. Dans cette période, avec le LOSC, c’est particulièrement éloquent : 10 solutions qui varient selon que l’on s’intéresse à des critères juridiques (la création du LOSC, elle-même sujette à interprétation, avec ses « ancêtres » historiques : l’officiel, le Stade Lillois voire l’OL ; et l’officieux, « Lille-Flandres »), institutionnels (la prise en compte des compétitions par les instances officielles) ou plus symboliques (un but est un but).
On résume :
Solution 1 : Jean Baratte (contre Le Havre, 12 novembre 1944)
> Premier but en championnat avec l’appellation « LOSC ». Championnat non homologué.
Solution 2 : René Bihel (contre CA PAris, 5 novembre 1944)
> Premier but en championnat du « Stade Lillois », futur LOSC quelques jours plus tard
Solution 3 : Jean Baratte (contre une sélection anglaise, 24 septembre 1944)
> Premier but en amical avec l’appellation « Stade Lillois »
Solution 4 : Jean Baratte (contre Nice-Côte d’Azur, 5 septembre 1943)
> Premier but en championnat de l’équipe « Lille-Flandres », à l’ossature très losciste.
Solution 5 : René Bihel (contre Lens-Artois, 29 août 1943)
> Premier but en amical de l’équipe « Lille-Flandres », à l’ossature très losciste.
Solution 6 : Jean Lechantre (contre le Red Star, 26 novembre 1944)
> Premier but du LOSC après l’officialisation juridique
Solution 7 : Jean-Jacques Kretzschmar (contre Valenciennes, 12 août 1945)
> Premier but du LOSC en amical en préparation d’une saison homologuée
Solution 8 : François Bourbotte (contre Cannes, 26 août 1945)
> Premier but du LOSC en championnat dans un championnat homologué
Solution 9 : René Bihel (contre Saint-Quentin, 7 janvier 1945)
> Premier but du LOSC en coupe, dans une compétition homologuée
Solution 10 : le Buteur Inconnu
> Premier buteur de l’OL, plus ancien ancêtre du LOSC.
Le récapitulatif autrement, sous la forme de ce tableau :
On vote ?

Posté le 17 octobre 2019 - par dbclosc
Histoire de la Résistance à Lyon : de Jean Moulin à Jean-Claude Nadon
Tout indiquait que Lille prendrait sa deuxième valise de la semaine. C’était sans compter sur le talent, la chance, somme toute la résistance de Jean-Claude Nadon, sauvé 4 fois par ses montants.
4 jours après une claque à domicile contre Metz, d’autant plus cinglante qu’elle intervenait après une sacrée embellie (7 points sur 8 ; 9 buts marqués sur les 4 derniers matches), le LOSC se déplace à Lyon pour la 36e journée du championnat de France de D1 1993/1994, le 30 avril. La belle série a permis l’essentiel : le maintien est assuré. Derrière, Angers est déjà condamné à descendre, tandis que Toulouse ne peut plus recoller aux Dogues. Martigues, 18e, pourrait le faire, mais on a appris quelques jours plus tôt que l’Olympique de Marseille était administrativement relégué suite à l’affaire de corruption VA/OM : Marseille étant dans le haut du classement, le 18e restera donc en première division.
Lyon vise l’Europe
Le LOSC n’a donc plus rien à craindre, hormis une fin de saison humiliante, sur la lancée du match de Metz ; ni à espérer d’ailleurs, si ce n’est accrocher, au mieux, la 12e place. En revanche, la saison n’est pas terminée pour les Lyonnais : 10e avant cette confrontation, ils ne sont qu’à 2 points de la 6e place, qualificative pour la coupe de l’UEFA. Signe que l’OL prend ce match avec le plus grand des sérieux : Bernard Lacombe était à Grimonprez-Jooris mardi soir pour observer ses futurs adversaires. Pour cette confrontation entre une équipe peut-être démobilisée et une autre gonflée à bloc, il y a donc fort à craindre que les Lillois repartent avec zéro point. De plus, Assadourian, sorti prématurément contre Metz, est blessé.
Mais soyons positifs : le LOSC enregistre le retour de ses 4 suspendus, qui avaient manqué le match contre Metz : Kennet Andersson, Oumar Dieng, Jakob Friis-Hansen et Claude Fichaux, tous titulaires. Cela ne signifie toutefois pas que le LOSC jouera à 15 : ces retours se font au détriment de Assadourian donc ; de Garcia et de Dindeleux, cette fois sur le banc ; et de Jean-Luc Buisine. Seules les présences de Sibierski, Andersson et Boutoille semblent témoigner de timides intentions offensives : pour le reste, Mankowski a bétonné derrière avec une défense à quatre (Bonalair, Dieng, Fichaux, Leclercq) et un milieu pas spécialement porté sur l’avant (Bray, Friis-Hansen, Étamé). Les Lyonnais semblent davantage résolus à attaquer avec Franck Gava, Stéphane Roche, Laurent Delamontagne et Florian Maurice.
Le LOSC à 10
Surprise : les Lillois se présentent aux 13 000 spectateurs du stade de Gerland avec des maillots rouges sur lesquels est indiqué… « AOM », le nom d’une compagnie aérienne. Pourtant, le sponsor habituel est Tousalon. Mais les Lillois se sont rendus compte qu’ils n’avaient pas de maillots rouges à manches courtes au nom de leur habituel partenaire : ce sont donc ces tuniques qui ont été extirpées des « oubliettes », comme l’indique la Voix des Sports.
Lille subit toute la première mi-temps, mais Nadon fait bonne garde, en multipliant les interventions rassurantes. Mais le LOSC est à la peine, et les fautes se multiplient : à la 39e minute, José Bray récolte déjà un second avertissement de la part de M. Lartigot. Il faudra terminer en infériorité numérique. Lille recule encore mais atteint la pause sur le score de 0-0.
Jean Tigana a bien compris que Lille ne va pas davantage attaquer : à la pause, il sort un milieu de terrain, Laurent Debrosse, et fait entrer un ancien Dogue en attaque : Abedi Pelé. Les vagues devant le but de Nadon vont déferler.
Oh Hisse acculés
Pas de surprise : le match est désormais à sens unique. Dès l’entame de la seconde période, Franck Gava, du droit, envoie un petit ballon au second poteau qui frappe l’angle du poteau et de la transversale avant de sortir. Ouf ! Et Nadon multiplie les prouesses devant les attaquants lyonnais. Et s’il est battu, comme à l’heure de jeu où une ouverture d’Amoros, un peu cafouillée par Dieng, est récupérée par Maurice qui ajuste Nadon du gauche, son poteau vient à sa rescousse. Le même Maurice, servi par un Gava intenable sur son côté gauche, voit sa reprise de la tête frapper la transversale puis rebondir sur la ligne. Dans une surface de réparation surpeuplée, les Dogues se dégagent comme ils le peuvent. C’est toujours 0-0 et c’est miraculeux pour le LOSC. À un quart d’heure du terme,Tigana lance son dernier atout : James Debbah remplace Stéphane Roche. Nadon repousse toujours, mais est battu à 5 minutes du terme : un nouveau centre de Gava repris de la tête par Pelé est cette fois hors de portée du gardien lillois : mais la transversale repousse encore ! Pour la quatrième fois, Lille s’en remet à ses montants pour sauvegarder le 0-0.
Et à la 90e, alors que les Lyonnais ont oublié de défendre à force de camper dans le camp lillois, Clément Garcia, entré depuis 5 minutes à la place de Boutoille, s’échappe et se retrouve seul face à Pascal Olmeta. Il tente un lob qui retombe doucement.. juste à côté du poteau ! Le LOSC, acculé durant 90 minutes, a bien failli réussir le hold-up de l’année.
« Putain ! Bravo ! »
Le héros de la soirée, c’est bien sûr Jean-Claude Nadon. Les plus anciens évoquent une résistance jamais vue depuis celle de Jean Moulin. Bien servi par la chance, il a aussi réussi quelques superbes arrêts. Ayew Pelé est admiratif vis-à-vis de son ex-équipier : « Jean-Claude Nadon m’a épaté ! Je sais depuis longtemps qu’il est un des meilleurs gardiens français, mais il a encore sorti un grand match. Avec la chance comme alliée ». De même, Pascal Olmeta, qui a été sifflé par la moitié de son public pour avoir dansé la samba 4 jours avant avec le kop marseillais lors du déplacement de l’OL à Marseille, félicite Jean-Claude, dont on rappelle que le prénom a les mêmes initiales que celles de Jésus-Christ. La Voix des Sports rapporte qu’il est allé interrompre la prestation de Nadon devant les journalistes pour lui dire : « Putain ! Bravo ! ». Qu’en pense le principal intéressé ? « Je ne me sentais pas invincible, mais presque. La chance est venue au secours d’une équipe qui avait à cœur d’effacer sa contre-performance de mardi. Tout le monde a fait son boulot et je suis très satisfait. Dommage que l’équipe montre encore autant de visages différents tout au long d’une saison. En foot, rien n’est acquis et ce ne sont pas 3 victoires consécutives qui bâtissent une saison. Restons humbles, faisons-nous plaisir en gardant les pieds sur terre. Et ne nous foutons pas de la gueule des gens qui payent pour nous voir jouer »
Lyon s’est heurté à un mur
Après le match, Mankowski fait d’abord dans la bonne blague : « Si je voulais faire dans l’humour, je dirais que les Lyonnais l’ont échappé belle », référence à l’occasion de dernière minute, bien entendu. Mais tout le monde s’entend bien : si Nadon a été « exceptionnel », Lille a eu « un beau brin de chance » : « la résistance losciste a été belle, pathétique pour les uns, désespérante pour les autres » souligne la Voix des Sports. « C’est un peu comme si José Bray avait été remplacé par les poteaux » souligne Alain Martinne. Pierre Mankowski relativise du coup la déroute enregistrée contre Metz. Finalement, ce résultat à Lyon, avec la quasi-équipe-type, est dans la continuité des progrès des dernières semaines : « nous avons réussi, grâce à Jean Claude Nadon mais aussi à toute l’équipe, une très bonne opération. C’est vrai que nous avons eu énormément de chance mais ces hauts et ces bas font partie de l’histoire d’une saison. C’est la preuve qu’il ne fallait pas donner une importance démesurée à notre lourde défaite face à Metz. Avec l’équipe alignée mardi, nous aurions explosé à Gerland, j’en suis certain ! » Belle marque de confiance envers les jeunes, ça fait plaisir ! Son homologue lyonnais, Jean Tigana, est résigné : « c’est vrai que les Lillois ont eu un maximum de réussite. Mais nous les avons bien aidés en ne sachant pas élargir notre jeu, en manquant d’initiative dans la conclusion de nos actions. Franchement, nous ne méritions pas de décrocher une participation européenne cette saison ».
4 poteaux concédés sans encaisser un but : ce scénario se répétera 7 ans plus tard, à Troyes, d’où Lille ramena une miraculeuse victoire avant de débuter sa campagne de Ligue des Champions. Et, de plus, Greg Wimbée avait stoppé un pénalty dans le temps additionnel, on en avait parlé ici.
Voici un résumé du match à Lyon :
Au pied du mur après sa défaite contre Metz, le LOSC a au moins rassuré sur le terrain. En coulisses, avec les changements administratifs et politiques qui se dessinent durant ce printemps, on se demande toujours si le LOSC n’y va pas tout droit (dans le mur). En attendant, dès le lendemain, c’est Ayrton Senna qui s’y colle.
Posté le 22 août 2019 - par dbclosc
La plus belle des défaites
Après la surprenante et magnifique victoire du match aller à Parme pour ses débuts en coupe d’Europe, le LOSC doit finir le travail à Grimonprez-Jooris pour accéder à la Ligue des Champions. Mais il découvre la pression, et si ses joueurs semblent dans un premier temps animés de bonnes intentions, le but parmesan crispe les Dogues. Dans une ambiance haletante sur le terrain et survoltée en tribunes, ils parviennent à maintenir un but d’avance sur l’ensemble des deux matches.
Pour son baptême du feu européen, le LOSC s’est imposé à Parme : un exploit. Après une telle performance, il parait que les Dogues ont 98% de chances de se qualifier, sur la foi des confrontations européennes précédentes. Jusqu’alors, le LOSC, profitant de l’effet de surprise, aussi bien tout au long de la saison 2000/2001 en D1 que pour le match aller à Parme, a joué presque sans pression : en gros, « on n’a rien à perdre ». Oui, mais avec une victoire 0-2 en Italie, il y a désormais gros à perdre : le rêve de jouer en Ligue des Champions, un rêve si bien esquissé qu’on s’y voit déjà alors qu’il reste (au moins) 90 minutes à jouer face à, toujours, une redoutable équipe. Après les déclarations enflammées du soir de la victoire, la prudence reste donc de mise : « à la fin du match, Vahid nous est rentré dedans, il nous a prévenus que le retour serait terrible. Pour certains, on se voyait qualifiés et on se demandait qui on prendrait en Champions League » se rappelle Johnny Ecker. Il faudra donc faire abstraction d’une presse unanime à saluer ses nouveaux héros. La victoire de l’aller a en effet suscité des réactions dans toute la presse. En voici une sélection.
Le Monde (9 août) : « le LOSC a étendu aux frontières européennes sa réputation d’ équipe difficile à jouer » ;
Ouest France (9 août) : « Lille, c’est champion L’exploit est tout proche, un de plus pour ces Lillois qui n’en finissent pas de nous surprendre » ;
Nord éclair (10 août) : « les adjectifs manquent pour décrire la performance des Lillois » ;
France Football (10 août) : « Le LOSC a réalisé un authentique exploit. La Ligue des Champions est désormais à portée de main d’une équipe de plus en plus étonnante ».
Lille découvre la pression
Après la victoire face à Montpellier samedi, on peut enfin se concentrer sur ce match. L’attente est forte. 450 maillots et 3 500 écharpes ont été vendus depuis 20 jours dans le minuscule préfabriqué du pied de la tribune Seconde qui sert de boutique : le stock prévu pour 6 mois a été vendu depuis le début de saison et, depuis le match aller, la boutique fait quotidiennement la recette des soirs de match (30 000 F, 4 500€). Difficile donc de se cacher complètement. Vahid le reconnaît : « on n’est pas qualifiés, mais favoris ». Le président Francis Graille évoque même une éventuelle déception en cas de non-qualification : « on n’est pas encore qualifiés. Avant d’aller à Parme, c’était de l’ordre de 5, voire 10% de chances. Aujourd’hui, je dis qu’on a une chance sur deux. Mais c’est vrai qu’après le match fourni là-bas, on serait tous terriblement déçus de ne pas être qualifiés ». Lille favori ! Comment appréhender cette nouveauté ? Alors que la presse rappelle – à juste titre – combien le club a souffert d’un manque de crédibilité et de légitimité depuis plusieurs décennies et qu’il était encore en D2 quelques mois avant, le voilà en position de force face à un ogre européen. « Pour la première fois de ma vie, j’ai les mains moites. On a tellement envie qu’ils fassent quelque chose » espère Stéphane Pauwels. Alors on commence à se poser des questions, ce qui n’est pas déjà pas toujours bon signe pour un club qui s’est notamment signalé pour sa fraîcheur et sa spontanéité. Sur le terrain, comment jouer ? Faut-il attaquer, défendre ? En coulisses, comment recevoir les dirigeants italiens ? Quelles consignes de sécurité ? Quel accueil pour les nombreux journalistes ? Tout peut-il exploser en vol ? Francis Graille rappelle l’essentiel : « il y a un risque, c’est celui de nous prendre pour ce que nous ne sommes pas. N’oublions pas qu’on était en D2 il y 14 mois. Nous avons une chance invraisemblable de jouer la ligue des champions, mais nous devons impérativement rester sur terre et ne pas nous éloigner des valeurs de ce club. L’essentiel reste d’assurer la pérennité du LOSC en première division ».
Main + prise à la gorge en escaladant l’adversaire, c’est pas sifflé en Italie
La plus faible affluence de la saison.. sauf en tribune de presse
La déferlante médiatique sur Grimonprez est sans précédent : en moyenne, 45 personnes sont accréditées « presse » pour suivre le LOSC depuis qu’il est remonté en D1 ; ce mercredi, ce sera 162, dont une trentaine de Japonais ! À 9 mois de la coupe du monde en Asie, la Nakatamania passe par Lille. Et comme on compte 7 quotidiens nationaux sportifs au Japon, tous tirés à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires… Dans le détail, on compte 52 journalistes audiovisuels, 72 journalistes de médias écrits et d’agences de presse, et 38 photographes. Le match est en outre retransmis sur 3 chaînes de télévision (2 télévisions publiques, en France et en Italie, et une chaîne japonaise, Wowo). L’exiguïté de la tribune de presse du stade, qui ne compte que 40 pupitres, a obligé le LOSC à bricoler : on a libéré pour les journalistes une rangée de strapontins en tribune officielle et 35 places en présidentielles.
Si la présence des journalistes est massive, les contraintes imposées par l’UEFA ont réduit la capacité d’accueil du stade de 21 000 à 14 700 places. Comme il y a la foire aux manèges sur le champ de mars, c’est toujours ça de réglé niveau stationnement. 1056 fauteuils ont été placés en Seconde basse, ce qui prend de la place, et les deux virages sont fermés au public : on y place un maillot géant de chaque équipe.
Étonnamment, la Voix du Nord nous apprend le matin du match qu’en cas de qualification de Lille, le club a envisagé la possibilité d’un envahissement de terrain, et ne semble pas décidé à l’empêcher. 220 stadiers seront chargés de le gérer, c’est 30 de moins que lors des matchs à « haut risque » (contre Paris, Marseille et Lens) et on note la présence de deux compagnies de CRS (120 personnes) autour du stade.
Parme à bloc
Du côté parmesan, de grosses critiques ont suivi le match aller, contre l’équipe de Parme, honteusement battue et presque éliminée par une équipe composée d’inconnus, à tel point qu’on voit mal les Italiens s’en sortir. Le coach Ulivierai serait déjà menacé et la presse italienne rappelle que Ancelotti et Zaccheroni sont libres. Selon Il Corriere della Sera, que l’on peut traduire par Le Courrier Picard de la région de Parme, « Parme est déjà en coupe UEFA, sorti par une équipe de Lille buonissima, technique et plus avancée dans la préparation », alors même que le budget du LOSC « suffirait à nourrir Cannavaro et quelques autres ». Pour davantage valoriser la performance de son équipe et lui évacuer un peu de pression, Halilhodzic souligne que les Italiens « seront certainement plus fort après les gifles qu’ils ont reçues de la part médias ».
Et au-delà, la défaite parmesane serait révélatrice de la perte de vitesse du football italien en Europe. En témoigne la défaite, au même moment dans ce tour préliminaire, de la Lazio de Rome, à Copenhague (1-2). Le journal Il resto del Carlino, que l’on peut traduire par Le resto de Carlino où on mange des pizzas, rappelle que Sébastien Frey est bien décidé à ne pas revivre la mésaventure qu’il a vécue un an auparavant : éliminé par Helsingborg avec l’Inter Milan au même stade de la compétition.
Mais on souligne aussi côté italien que ces contre-performances sont dues en partie à la reprise tardive du championnat italien, fin août, ce qui entraîne un retard dans la préparation des clubs. Or, cette fois, avec 15 jours de plus de préparation dans les jambes, il se pourrait que les rapports de forces s’inversent. De plus, l’expérience des joueurs de l’équipe de Parme pourrait leur permettre de gérer les différentes phases du match, là où les Lillois sont tout à fait novices en la matière : seuls Bassir, Ecker et Murati ont une (petite) expérience européenne, auxquels on peut ajouter la (petite) expérience en sélection de Beck. Assez curieusement si l’on se fie au seul score du match aller, les Italiens sont confiants et les Lillois sont méfiants ; quand on regarde les effectifs et leur expérience, on peut comprendre ce sentiment. L’entraineur de Parme trouve des raisons facilement surmontables à la défaite de l’aller : « le match aller n’est pas si négatif. Si nous avons perdu, ce n’est pas en raison de la supériorité lillloise mais de notre condition physique imparfaite, de 2 buts venus d’ailleurs et d’un arbitrage presque constamment anti-italien. Dix mois sur douze, nous sommes supérieurs aux Français. Depuis le match aller, nous nous sommes améliorés et la musique sera différente ». Les Parmesans, sous les yeux de Bruno Baronchelli et de Marcel Campagnac, ont de nouveau perdu en amical. Certes, contre Barcelone, 2-3, avec 2 buts marqués en toute fin de match.
Les joueurs Italiens arrivent à Lille le mardi 21 vers midi et logent dans le même hôtel que certains adversaires récents de Lens en coupe d’Europe. Ils amènent leur eau minérale et leur cuisinier. Alors que les Lillois, restés à Parme un peu plus de 48 heures, avaient pris le temps de visiter la ville, les Parmesans ne sortiront que pour un entraînement le soir de 19h à 20h à Grimonprez-Jooris (à huis clos), et réveil musculaire le lendemain de 10h30 à 11h30 au Stadium (à huis-clos aussi).
Un premier couac intervient au moment de l’arrivée du bus des journalistes italiens (qui logent au Carlton, sur recommandation du club de Parme) : l’attaché de presse est mécontent que le bus ait attendu 15 minutes devant Grimonprez-Joors. Il engueule Loïc Yviquel, directeur de la com du LOSC, et, par ailleurs, les Parmesans se plaignent qu’il n’y ait pas eu de dirigeant lillois pour les accueillir à l’aéroport. Dans un premier temps, la Voix du Nord relate un « responsable de la sécurité aux abois, un vigile stressé, c’était risible et consternant ». Puis M. Yviquel réplique : « j’aimerais bien qu’on m’explique exactement ce qu’ils ont à nous reprocher. Nous sommes allés les chercher directement à l’aéroport, sur une piste privée. Nous avions 4 hôtesses, dont deux bilingues, qui les ont reçus avec des cadeaux. Pour les encadrants, nous avons mis à disposition deux voitures haut de gamme. C’est vrai qu’ils ont attendu un quart d’heure devant la grille de Grimonprez-Jooris. Mais quand on dit qu’on vient à 18h et qu’on arrive à 17h45, on peut s’attendre à voir portes closes ». On va dire que les coups de pression se font aussi en dehors du terrain.
Vahid (s’em)brouille les pistes
Côté lillois, la mise au vert a débuté le lundi à 11h30. Un dernier entraînement, comme pour les Italiens, est prévu le mardi à 17h30. Avant, un petit tour par le zoo de Lille est prévu en matinée. Alors qu’il faut reprendre Vahid, qui s’amuse à prendre le taureau par les cornes, Fernando D’Amico se montre très intéressé par le bocal contenant des sangsues. Après le match, il est prévu que les joueurs mangent avec leurs épouses « afin de ne pas se disperser alimentairement à 4 jours du derby » selon Stéphane Pauwels : toute précaution, même sexiste, est bonne à prendre avant un Lens-Lille (le dimanche 26).
Lors de la traditionnelle conférence de presse de veille de match, en général, l’entraîneur se présente avec son capitaine. Avant le match aller, Vahid avait déjà innové en se présentant avec, en effet, son capitaine, Pascal Cygan, mais aussi avec Patrick Collot. Et cette fois, Vahid n’est accompagné que de… Christophe Landrin, le seul blessé. L’entraîneur de Parme n’est pas en reste : il fait venir son capitaine Canavarro, mais aussi Alain Boghossian, absent lors de la première confrontation. En partie parce que ce dernier est français et peut donc répondre facilement à tous, mais aussi parce qu’il y a un doute sur sa titularisation : au poste de milieu défensif, c’est lui ou Sabri Lamouchi.
Avec cet excellent jeu « tiens-moi le polo avec un sourire bêta », ils ne savent pas encore que ceci sera le meilleur moment de leur soirée.
Pour Vahid, c’est « le jour le plus important de l’histoire du club ». Il se montre offensif : « je n’avais pas apprécié que les journaux italiens nous traitent avec mépris. Je sais bien que Lille est moins fort que le Brésil de Pelé et de Garrincha et je n’ai jamais prétendu le contraire. Parme a de meilleurs joueurs que nous, un meilleur entraîneur peut-être… En Italie, je n’avais pas aligné une équipe pour rigoler. Et ce sera la même chose ce soir (…) Le LOSC est capable de faire quelque chose d’énorme. Même en Italie, on va savoir où se trouve Lille ! ». Oui mais comment jouer ? « Le grand danger serait de vouloir défendre nos 2 buts d’avance. Nous devons nous persuader que c’est un nouveau match qui commence, que nous sommes à 0-0 et qu’il faut gagner ». Djezon Boutoille, de son côté, se « réjouit de revenir dans une semaine où se jouera une partie de la saison avec l’Europe puis le derby dont on connaît l’impact psychologique ». Sur le terrain, « on va prendre notre temps et casser le rythme ». Mais les Lillois doutent : et si Parme marquait rapidement ? « Je ne sais pas alors comment nous supporterons la pression » rassure Pascal Cygan.
Le Jour J, Vahid parle à ses joueurs un par un, puis développe un long briefing tactique. Selon Grégory Wimbée, qui nous l’avait confié, ce moment n’est pas très bien passé et a crispé les joueurs : « on avait la pression. Le matin du match, on a vu des vidéos : un montage sur ce qui avait été, et un montage sur ce qui n’avait pas été. Sur ce qui a été, ça a duré 3 minutes, sur ce qui n’a pas été, ça a duré 20 minutes. Et sur les 3 minutes qui allaient, il trouvait à redire et finalement ce n’était pas bien ! Donc on se rend compte après cette causerie-là – parce qu’il en a fait plein des causeries avant le retour – qu’on a eu un gros coup de cul. Et comment on va faire maintenant..? C’est la seule fois à Lille, avec tous les joueurs, lors de la collation du midi, où il n’y a pas un mot à table. Mais pas un mot. On est tous blancs ».
Il reste encore 700 places à vendre le matin du match. Grimonprez-Jooris ouvre ses portes à 18h30. Le LOSC est à 90 minutes de la phase finale de la Ligue des Champions : pour y parvenir, il doit faire tout résultat meilleur qu’une défaite par 2 buts d’écart. Et deux buts d’écart à partir de 1-3 qualifient les Italiens au bénéfice des buts marqués à l’extérieur. En cas de prolongation (seulement si les Italiens gagnent 2-0), il y aura 30 minutes de prolongation, sans but en or (qui est alors la règle en vigueur dans les compétitions internationales). En France, le match est diffusé sur France 3, et commenté par Charles Biétry et Christophe Josse.
Voici la bande-annonce qui ne donne pas de frissons :
Il fait très chaud et lourd toute la journée à Lille. Officiellement, 14 358 spectateurs ont pris place en tribunes. Les Secondes « haute » ne sont pas remplies car bon nombre de ses spectateurs ont migré vers les Secondes « basse » (vu qu’il y a de la place à cause des sièges de l’UEFA…). Côté VIP, on note les présences de Martine Aubry, Mouss Diouf, Maxime (le comique), Charly Samoy, Bernard Lecomte. Dagui Bakari a l’heureuse surprise de retrouver Paul Fellice, son premier entraîneur à Romainville.
Le LOSC se présente avec son maillot habituel. En revanche, l’UEFA a jugé le sponsor trop voyant sur le short et le logo du club trop voyant sur les chaussettes, donc on a revu la tenue avec un bleu différent, plus foncé, car Kipsta n’avait plus que ça en magasin.
On part sur le même schéma qu’au match aller, avec 3 défenseurs centraux et 2 latéraux qui comblent les côtés. Christophe Landrin, brillant à l’aller, est blessé au tendon d’achille : il est remplacé par Bruno Cheyrou. Surprise : Boutoille, tout juste revenu, est également titularisé à la place de Bassir, qui se plaint du dos.
À Parme, retour de Boghossian. Milosevic est relégué sur le banc.
Présentation du match en vidéo :
20 bonnes premières minutes
Sur l’engagement, le ballon arrive assez vite en retrait sur Grégory Wimbée. Comme il nous l’avait dit : « tu regardes la 1e mi-temps : même une passe de 10 mètres, je n’arrive pas à la faire. Je n’ai jamais eu davantage peur de toute ma carrière ». Et en effet cette première relance est pour le moins laborieuse : une sorte de pointu assez imprécis, qui met Stéphane Pichot en difficulté mais, fort heureusement, il s’en tire avec un coup-franc. Dans la foulée, le deuxième dégagement de Greg est bon et parvient à Boutoille, qui frappe du gauche sur Sébastien Frey.
En ce tout début de match, on note un bon travail de récupération (notamment de la part de N’Diaye et de Pichot), et Bakari, sur qui on joue long, semble aussi bien parti pour emmerder la défense adverse que lors du match aller. C’est bien le LOSC qui tente de construire, alors que les Parmesans sont assez brouillons. Il ne manque qu’un peu de fluidité dans les 30 derniers mètres, mais on est plutôt rassurés. Dès la 7e minute, un premier duel Nakata/D’Amico près du poteau de corner tourne en faveur de notre Argentin, et le Japonais a déjà l’air de revivre son cauchemar d’il y a 15 jours. Après un premier coup-franc dangereux de Cheyou (10e), chaque enchaînement de plus de 3 passes est salué par des vivas du public, comme à la 12e minute, où Fahmi, N’Diaye, Pichot, Boutoille, Tafforeau et Cheyrou permettent une remontée de balle qui termine en touche mais ça rassure, et on gagne (déjà) du temps. S’il n’y a pas encore lieu de vraiment s’inquiéter, on est presque dans une configuration de fin de match où on mènerait : il s’agit de mettre le ballon le plus loin possible de notre but.
À la 15e minute, Vahid se signale en contrôlant magnifiquement un ballon dégagé en touche par Pichot. Dans la foulée, le contrôle de Dagui est moins bon, puisqu’il s’aide du bras. Sa frappe en pivot part au-dessus, mais il signale encore sa présence. Interrogé sur France 3 depuis le banc, Patrick Collot souligne qu’il s’agit surtout de « bien défendre ». Il faut attendre la 19e pour voir une première incursion dangereuse des Parmesans : un faux rebond trompe Cygan, et Marchioni passe à Di Vaio qui ouvre à droite à Nakata. Son centre est envoyé en corner par Pichot. Joué vite, le corner ne donne rien, hormis un premier carton pour Di Vaio qui découpe Fernando D’Amico.
Bon, ça va, Parme n’a pas trop l’air de savoir quoi faire. Quelques-unes des actions décrites ci-dessus sont à voir ici :
Difficile fin de première période
26e minute : on est dans le camp de Parme, à proximité de la surface de réparation. Boghossian résiste à un tirage de maillot de N’Diaye. Le danger semble loin, mais Almeyda sort et trouve un relais avec Nakata, et fonce tout droit. Pascal Cygan est obligé de l’arrêter à 30 mètres des buts. Sympa, l’arbitre ne lui donne pas d’avertissement.
3 parmesans sont dans le mur, avec Nakata et Sensini près du ballon. C’est frappé par l’Argentin qui surmonte le mur et laisse Wimbée cloué sur place. 0-1.
Silence pendant quelques secondes, puis forte réaction du public. C’est à ce moment-là que le LOSC, pas mis en danger jusqu’alors, perd pied, et va vivre une pénible fin de période. Le but paralyse les joueurs. Même dans le public, on sent l’angoisse avec de longs moments de silence et des sueurs froides dès que les Italiens approchent la surface de réparation.
France 3 affiche pendant 2 secondes un score de 4-3 avec des buts lillois de Ecker, Pichot, Collot et Allibert. Si seulement !
Mais même avec un Boghossian très en vue, Parme ne se crée par d’occasion pour autant. Les Italiens jouent presque « à la lilloise », avec de longs ballons et des déviations de la tête. Pour se rassurer, le duel Nakata/D’Amico offre un divertissement régulier et bienvenu. Ponctuellement, Bakari joue les poisons devant et oblige Parme à dégager n’importe comment. Mais globalement, tout le monde est derrière et pare au plus pressé, avec un Bruno Cheyrou vraiment pas à l’aise dans ce genre de configuration. En fin de première période, ça s’agite : une altercation survient car Boghossian reproche à Bakari de mettre le coude sur Almeyda. Résultat, c’est Beau Gosse Chiant qui prend un carton, l’arbitre lui faisant comprendre que ça fait 4 fois qu’il proteste et que ça commence à bien faire, gros malin. Au tour de Fahmi de prendre ensuite un jaune pour avoir empêché les Parmesans de jouer vite un coup-franc ; tiré une seconde fois par Nakata, il est légèrement dévié par Boghossian alors qu’Almeyda était lancé et semblait mieux placé… ça passe à côté.
La mi-temps est sifflée. Boutoille souligne à juste titre que Lille avait bien démarré mais se retrouve désormais hésitant : « on ne sait pas si on doit attaquer ou défendre. On a les fesses entre deux chaises. C’est très difficile ».
« Il faut pas lâcher ! » : une mi-temps salvatrice
Bien sûr, le sort d’un match se joue sur la pelouse. Mais nul doute que ce soir, il se joue aussi dans le vestiaire. Les Lillois quittent la pelouse manifestement pas très bien dans leur tête, comme en témoigne cette déclaration de Boutoille. Si Wimbée n’a pas grand chose à se reprocher sur le but, son attitude, ainsi englué sur sa ligne, symbolise la retenue des Dogues. Le même Greg nous a dit : « à la mi-temps, il s’est passé des trucs dans le vestiaire. En deuxième mi-temps, on est revenus avec d’autres intentions ». En l’occurrence, la Voix du Nord rapporte que ce sont notamment Abdel Fahmi et Fernando D’Amico qui ont mis les joueurs face à leurs responsabilités. Au retour des vestiaires, Fernando donne un aperçu de ce qui a pu se passer dans le groupe, avec une phrase devenue culte.
Du côté de Parme, Gurenko est remplacé par Junior. Comme il fait toujours aussi chaud, on lui demande souvent « Junior, t’as l’eau ? »
Dans un premier temps, on a le sentiment qu’on est hélas reparti sur les mêmes bases. Pire, que Parme joue même un cran plus haut, comme si avoir un but d’avance à la mi-temps sans trop se découvrir était exactement ce qu’ils cherchaient pour mieux porter le coup de grâce ensuite. Pascal Cygan dévie un ballon chaud de Nakata dans les 6 mètres (46e). Les Italiens jouent vite, et seuls quelques coups-francs permettent de souffler. Puis, peu à peu, on redécouvre quelques signes encourageants, comme ce ballon capté par Wimbée sur un corner (51e). Puis le LOSC montre son nez. À la 53e, Pichot envoie un bon ballon vers Djezon, qui s’excentre. C’est récupéré par Junior, mais N’Diaye et Pichot récupèrent le ballon, qui revient à droite sur Boutoille, qui nous fait une Momo Camara : un centre-tir qui file en lucarne. Mais Frey est attentif et capte la balle. Autour de a 55e, on voit un LOSC coupé en deux : on balance à Boutoille ou Bakari devant. En tout cas on respire depuis 3 minutes, et le public s’emballe. Alors que Milosevic est entré (56e), les Italiens tentent des solutions lointaines, avec Almeyda de 30 mètres, au-dessus (59e)
61e Sur une longue balle d’Ecker, Boutoille s’efface pour Bakari, qui fait un vieux sombrero puis frappe de la tête à 13 mètres du but, mais ça manque de force et ça ne lobe pas Frey.
Les Parmesans sont 4 derrière, puis il n’y a personne sur 25 mètres. Les contacts sont plus agressifs. Fernando prend enfin son carton à la 64e, et offre le même coup-franc qu’en première mi-temps… Après un instant de frayeur, tout le monde souffle : c’est trop haut, et Wimbée rassure en accompagnant tranquillement. Sur la relance, un une-deux Boutoille/Bakari termine par une chute suspecte de Dagui dans la surface. Dans la continuité, Johnny Ecker fait une monstrueuse remontée sur 50 mètres et donne à N’Diaye, à droite. Son centre trouve la tête de Dagui aux 6 mètres : au dessus ! Était-il déconcentré par l’action précédente ? De toute façon, il semble qu’il y avait hors-jeu. Vahid profite de ce moment pour mettre un coup de pression sur l’entraîneur adverse, qui ne cesse de s’agiter sur son banc.
Boghossian sort, Lamouchi, plus offensif, entre. Cette fois, Parme joue le tout pour le tout, et met des coups. Par exemple, Cannavaro prend un jaune pour une faute sur Pichot, qui semble lui dire du regard que les Dogues ne vont pas se laisser faire. C’est chaud et on commence à suffoquer.
71e : Almeyda trouve Nakata à droite qui, pour une fois, a échappé à D’Amico. Di Vaio ne peut pas reprendre car Fahmi est bien placé. Bassir remplace Boutoille. On profite que Bakari est au sol pour stopper le jeu et boire. Il fait lourd et l’orage est toujours attendu. À la 74e, Lamouchi frappe de 25 mètres : c’est dévié en corner.
Fernando D’Amico continue son festival, sur Di Vaio puis Nakata, puis sur Nakata, et Nakata.
Un dernier quart d’heure épique
Il reste un quart d’heure quand le match prend une tournure qui ne changera pas : Lille ne cherche plus à contre-attaquer ou à construire. Il s’agit seulement de ne pas prendre un deuxième but. Les Italiens campent dans le camp lillois. On pourrait se dire que la stratégie est dangereuse mais, dans le même temps, la défense des Dogues est rassurante, alors que les Italiens semblent se précipiter et montrent de l’agacement. Il y a toujours un arrière bien placé pour dégager (Cygan devant Milosevic, 77e ; Ecker devant Lamouchi, 78e). Et Wimbée commence à attirer les ballons : il sort à-propos loin de sa ligne pour capter une balle de Cannavaro (82e). Dans la foulée, Nakata, à gauche, sert Lamouchi. Après un contrôle dans la surface, il se retrouve seul face à Wimbée et parvient à mettre un pointu à 10 mètres du but. Cette fois, pense-t-on, c’est dedans. Mais Wimbée la sort d’un superbe réflexe ! Sur le corner, repris de la tête, Milosevic manque d’un rien sa reprise aux 6 mètres, et Wimbée est encore là. Tout comme sur une reprise de Sensini (84e) puis de Di Vaio (87e). Entre-temps, Benoît Cheyrou a remplacé son frère (85e) et un coup-franc de Nakata coupé par Milosevic au premier poteau a fini à côté (86e). L’équipe est en danger mais tient, et le public, lui-même harangué par D’Amico et Collot, pousse. Tout le monde est debout en tribunes. L’exploit est proche. Malgré quelques sorties de balle mal négociées, les Dogues ne subissent plus d’occasion dans le temps additionnel. Une dernière remontée de Bassir est stoppée par Djetou. Les Italiens n’ont pas le temps de relancer : l’arbitre siffle la fin du match. Lille a perdu ce soir, mais signe le plus grand exploit de son histoire. Le public ne s’y trompe pas et scande spontanément le prénom de son entraîneur.
« On s’est battus jusqu’au dernier moment. On avait peur en première mi-temps… À la mi-temps j’ai dit : ‘les gars, pourquoi vous avez peur ? Il faut continuer à jouer !’ » réagit Vahid, en larmes, sur France 3. Les joueurs italiens restent aussi quelques instants sur la pelouse, incrédules : ils sont bien éliminés par cette équipe dont ils n’avaient jamais entendu parler avant le tirage au sort.
Bruno Cheyrou se précipite dans les vestiaires pour récupérer un maillot de Christophe Pignol, dont on apprendra plus tard qu’il est à cet instant dans la période la plus difficile de son traitement. En associant leur coéquipier malade à cette qualification et au tour d’honneur, les Dogues rappellent une nouvelle fois qu’on ne les soutient pas que pour leurs qualités footballistiques.
Fierté
Il y a des salles des fêtes, et il y a des belles défaites : le LOSC jouera la Ligue des Champions 2001/2002. L’exploit est immense, et il est d’autant plus émouvant qu’il a été acquis dans la souffrance, et surtout au regard des années de galère qui l’ont précédé. Bernard Lecomte est sans doute le mieux placé pour en parler : « je suis vraiment très ému, surtout après avoir vécu ce que nous avons vécu. Il y a une morale dans toute cette histoire. Voyez, ça arrive. Nous avons eu un peu de chance, mais il y a eu surtout du travail ».
Dès 22h55, on constate un premier rassemblement sur la Grand’place. La Voix du Nord souligne qu’ « on loue une bande de gars simples, accessibles, compréhensibles, proches ». Vers 23h10 arrivent celles et ceux qui étaient au stade, et l’ambiance est soudain plus chaude. S’exprime la fierté d’un public longtemps frustré. Le « ceux qui ne sautent pas sont des Lensois ! » rencontre un franc succès : il y aura encore de la coupe d’Europe au stade Bollaert, mais cette fois c’est le LOSC qui y jouera.
Le lendemain, la Voix du Nord, sous la plume de Philippe Caron, écrit :
« Jusqu’où peuvent-ils aller en affichant autant de talent et de cœur sur deux matches ? Quelle leçon de courage et quelle leçon de fraîcheur ils nous ont données (…) Les grands clubs, dit-on, ne meurent jamais (même ceux qui n’ont pas de stade !) C’est bien le cas du LOSC. Aujourd’hui, comme ses prestigieux aînés de l’après-guerre, la génération 2000 des Cygan, Wimbée, Cheyrou ou Ecker est irrésistible parce qu’elle sait donner un sens au mot équipe et surtout parce qu’elle a la victoire en elle. À chaque match, ses joueurs sont comme habités par une force intérieure puissante mise au service d’une organisation de jeu magistralement orchestrée par le magicien Halilhodzic.
Avec une entrée aussi remarquée dans la cour des grands et dans les annales de l’histoire du football, les Lillois se retrouvent par la même occasion projetés au rang d’ambassadeurs d’une ville et d’une région. Ça tombe bien, tant ils incarnent, comme les Lensois, les vertus du Nord-Pas-de-Calais où l’on cultive les valeurs d’humilité, de solidarité et de rigueur à la tâche de préférence au tape-à-l’oeil et au surfait par l’argent ».
Le dernier quart d’heure en vidéo :
L’aventure continue
Vendredi 24 août, à Monaco : le tirage au sort offre Helsinki… pour Parme, en C3. Ahah.
En C1, Lille affrontera Manchester United, La Corogne, et Olympiakos Le Pirée. Vahid n’en revient pas : « Vous imaginez Old Trafford, devant 70 000 personnes… ? Tout est allé tellement vite ».
Pas de déclaration arrogante des adversaires, qui cette fois ont entendu parler de Lille. Le meilleur des compliments vient certainement du président du club de La Corogne, Augusto Lendoiro : « même s’il n’y a pas de grand nom, c’est une équipe humble et efficace, qui a réalisé un grand travail. Lille est un bonbon empoisonné ».
Un bonbon empoisonné, qui sortira 3e de sa poule, lui permettant d’être reversé en coupe de l’UEFA. Les Lillois, sans perdre, seront éliminés par Dortmund en huitièmes (1-1 ; 0-0), au même stade que… Parme, qui se consolera avec une victoire en coupe d’Italie au printemps.
Posté le 18 août 2019 - par dbclosc
Lille/Montpellier 2001 : un final ébouriffant en attendant Parme
Le 18 août 2001, Grimonprez-Jooris accueille la 4e journée du championnat de D1. Menés et réduits à 10 à la 89e minute, les Lillois s’imposent 2-1 après une nouvelle fin de match sidérante, et préparent ainsi au mieux la réception de Parme 4 jours plus tard.
« Les Lillois ont l’avantage du terrain. J’espère qu’ils auront la tête à Parme » annonce le président du MHSC, Louis Nicollin, avant la rencontre. Il a bien raison d’espérer : Parme est dans toutes les têtes, du moins dans les têtes des supporters. Après l’exploit réalisé en Italie, l’Europe a fait connaissance avec Lille, et les Dogues ont obtenu une reconnaissance quasi-unanime : « ce qu’il faut mettre en exergue, c’est le match à Parme, poursuit Loulou. Sur 100 Lillois, il n’y en a pas 5 qui y croyaient. Mais le LOSC a montré que ce n’est pas avec de l’argent qu’on joue au foot. Pour ce que fait le LOSC, bravo ».
Pas d’euphorie
Après ce match historique, les Lillois, bien que (logiquement) en souffrance physiquement, sont allés chercher un bon nul à Bordeaux (0-0), ce qui porte leur total à 5 points en 3 journées (après un 0-0 à Paris en ouverture puis une victoire 3-1 contre Lorient). Le match retour contre Parme se profile et tout le monde s’impatiente de voir les Dogues finir le travail. Mais, avant cela, place au championnat : il s’agit d’écarter Montpellier, qui a également 5 points. 4 jours avant le match aller, le LOSC recevait Lorient, et il ne fallait penser qu’à Lorient. Cette fois, 4 jours avant de recevoir Parme, il ne faut penser qu’à Montpellier, malgré l’évidente excitation liée à la coupe d’Europe. La Voix du Nord rapporte même qu’à l’entraînement, Grégory Wimbée rabroue sèchement un supporter qui lui parle de Parme : « et le match de Montpellier, vous allez le jouer à notre place ? ».
Même si Loko est parti à l’intersaison, les Montpelliérains viendront probablement en train, comme le suggère implicitement Grégory Wimbée :
Les Dogues ont obtenu deux jours de repos, et récupèrent ainsi Fahmi, absent à Bordeaux, mais pas Landrin, blessé au tendon d’achille et qui manquera aussi Parme. Ils ont repris collectivement le mardi soir, avec une grosse séance de 4 heures. Vahid ne se laisse pas bercer par l’euphorie après ce bon début de saison et rappelle tout le monde à ses devoirs : « s’il en est un qui manque à ses devoirs, il s’éliminera lui-même du groupe ». Greg abonde : « le rendez-vous de samedi est notre unique objectif. Depuis 3 ans, nous considérons toujours le prochain match comme le plus important, sans jamais nous projeter plus loin. Nous n’allons pas changer notre manière de fonctionner parce que Parme est annoncé la semaine prochaine. Montpellier est une bonne équipe, bien organisée, solide défensivement, portée par une dynamique de succès. Nous avons tout à craindre de cette équipe (…) Je préfère les remerciements d’aujourd’hui au dénigrement d’hier, c’est « évident. Mais je m’en méfie. Notre force est de savoir qui nous sommes. Nous devons faire très attention à ne pas l’oublier, à continuer notre chemin sans nous retourner, en travaillant, en restant très soudés et très concentrés. En particulier en ce moment, car nous n’avons encore rien gagné, rien obtenu de très concret. Nous ne sommes pas encore qualifiés pour la Ligue des Champions, et il nous reste 31 journées de championnat à disputer, donc 31 raisons de ne pas nous bercer d’illusions ». Pas d’euphorie donc. D’ailleurs, l’oeuf au riz, ce n’est pas très bon.
Retour de Djezon Boutoille
Une bonne averse est tombée dans l’après-midi, et il fait désormais doux sur Lille. 16 425 spectateurs ont pris place à Grimonprez-Jooris. Lors de l’annonce de la composition des équipes par Anne-Sophie Roquette, le public s’enthousiasme à l’évocation de Djezon Boutoille, titularisé, qui reçoit une belle ovation. Djezon fait son retour après une absence de 6 mois : il avait manqué le sprint final de la dernière saison après une blessure contractée contre Nantes en février. « J’étais au top… » commente-t-il. Et le LOSC était leader.
Voici la composition alignée par Halilhodzic : Bakari est préservé en vue du retour contre Parme, et Olufadé connaît sa première titularisation.
Wimbée ; Pichot, Fahmi, Cygan, Ecker ; N’Diaye, D’Amico, Cheyrou ; Boutoille, Olufadé, Beck.
En première période, Lille domine sans concrétiser, même si ce sont les Héraultais qui se créent la première occasion avec une frappe de Paulo Sergio Almeida trop croisée (1e). Comme souvent, Beck est remuant, excelle dans le jeu de remise, mais manque de réussite, comme à la 19e où son tir, un rien à côté, fait lever une partie du stade trompée par une illusion d’optique ; à la 43e, il est à un cheveu de reprendre un corner de Cheyrou ; et juste avant la mi-temps, il se heurte à Vercoutre (45e).
Le Lillois le plus en vue est bien Djezon Boutoille : tel un Keita face à un vulgaire Ramos, il est intenable sur le côté droit et donne le tournis à Assoumani, qui débute en première division. Il est proche d’inscrire un magnifique but à la 40e, mais son retourné est bloqué par Vercoutre : « c’est un ballon récupéré par Fernando D’Amico. Je fais un appel dans le dos de la défense et je me retourne au dernier moment. Là, je contrôle de la poitrine et je fais un ciseau en pivotant ». Mi-temps : le score est de 0-0 et, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’ambiance est particulièrement calme dans le stade.
La seconde période est quelconque du côté du LOSC. Ce sont même plutôt les Montpelliérains qui prennent le jeu à leur compte. Dès la 48e, une grosse frappe de Barbosa est arrêtée par Wimbée. Les adversaires cassent le jeu et multiplient les petites fautes : le LOSC ne trouve pas la solution et est inoffensif. C’est alors qu’Halilhodzic procède à un premier changement : Olufadé, pas très à l’aise, st remplacé par un Murati bien plus percutant, qui permet enfin de réveiller un peu le public. Deuxième changement à la 71e avec Boutoille, qui a réussi son retour, remplacé par Patrick Collot : « ça s’est bien passé. Il me manque juste une heure de jeu, pour retrouver parfaitement mes sensations. En seconde période, j’ai baissé de rythme et je suis sorti. Mais ça va revenir ». 73e, Bakari remplace Beck.
Collot pète les plombs…
78e minute : Maoulida part en contre, talonné par Collot, qui semble hurler sur lui. En bout de course, Maoulida trompe Grégory Wimbée et fête son but au poteau de corner. 1-0 pour les visiteurs ! Mais Collot continue sa poursuite et bouscule le buteur ! L’arbitre, Gilles Veissière, lui adresse alors un carton jaune. Un attroupement se crée et Patrick semble toujours aussi en colère : il assène un coup de tête à Rouvière ! Cette fois, il est expulsé. Que reproche donc Collot, auteur d’« un coup de sang dont on ne le croyait pas capable en vérité », aux Montpelliérains ?
Deux minutes avant le but, Pichot est sorti du terrain pour se faire soigner. Au moment où Maoulida s’est échappé, il était encore sur le bord de la touche, attendant l’autorisation de l’arbitre pour revenir en jeu. Et quelques secondes avant, N’Diaye s’est retrouvé au sol après un contact avec Mansaré et, dans la foulée, Murati est sévèrement taclé et a du mal à se relever. Autrement dit, Montpellier ouvre le score avec un joueur lillois sur la touche, et deux au sol ! Et si, d’ailleurs, Colllot se retrouve dernier défenseur sur l’action, c’est parce qu’il avait provisoirement pris la place de Pichot. Pat’ réclamait déjà depuis quelques secondes que le MHSC mette le ballon en touche ; son ultime demande derrière Maoulida n’a pas suffi. Halilhodzic réagit : « en règle générale, on doit arrêter le jeu sur ce genre d’action. Peut-être que les Montpelliérains ne l’ont pas vu. Sur ce coup-là, on a été un peu naïfs d’attendre un geste des Montpelliérains… ». À l’époque, il ne revient pas à l’arbitre d’arrêter le jeu, et il revient au possesseur de la balle de sortir le ballon, s’il le souhaite : on peut alors en effet regretter le manque de fair-play de Montpellier, ce qui n’excuse pas le geste de Patrick qu’Halilhozdic qualifie d’ « inacceptable ». L’entraîneur va lui-même chercher son joueur sur le bord du terrain.
…Le LOSC se révolte
Voilà donc le LOSC, déjà pâlot, mené et en infériorité numérique. Mais s’il fallait ça pour lancer la révolte ? Face au sentiment d’injustice, le public et joueurs sont désormais chauffés à blanc. Chaque prise des balle des Montpelliérains est copieusement sifflée, et les Dogues sont poussés à aller à l’abordage. Alors que le temps réglementaire est presque terminé, Bruno Cheyrou récupère un ballon amené par Murati, s’arrache dans la surface, se déporte côté gauche et égalise d’une pichenette au-dessus de Vercoutre ! Un nul, dans ce contexte, c’est déjà très bien.
C’est bien mais ce n’est pas assez, d’autant que l’annonce de 6 minutes de temps additionnel provoque une nouvelle clameur dans les tribunes. À la 93e, une longue transversale de Johnny Ecker se dirige vers la surface de réparation. Vercoutre sort et semble pouvoir cueillir ce ballon, mais Bakari s’élève et, au sommet d’une détente vertigineuse, parvient à placer sa tête au-dessus des mains du gardien : il est le premier à toucher le ballon… qui finit doucement dans le but : 2-1 pour Lille, et victoire sur le fil !
« Miracle », « Incroyable », « Époustouflant »
À l’issue d’un match, on se félicite de la victoire, même si le match n’a pas été très abouti. Une nouvelle fois (et ce ne sera pas la dernière), le LOSC renverse une situation dans les dernières minutes, et cette fois à 10 contre 111. Le scénario rappelle bien entendu le derby de septembre 2000 et ajoute une nouvelle ligne au palmarès du « Vahid Time ». Vahid parle même cette fois de « petit miracle » : « on a gagné, mais on n’a pas été très présents… Nous avons manqué 4 ou 5 occasions avant d’encaisser le but. Cela dit, avec Parme, je peux comprendre que les gars aient un peu la tête ailleurs. Heureusement qu’il y a eu un miracle ». La Voix du Nord et la Voix des Sports saluent, pêle-mêle, la « révolte », le « tempérament » de joueurs « incroyables », capables de produire un scénario « exceptionnel », « époustouflant ».
Tout le monde s’accorde sur un point : c’est bien l’ouverture du score (et surtout ses conditions) qui a réveillé des joueurs et un public jusque là assez passifs. Pat’ lui-même le reconnaît : « c’est vrai que ce carton rouge entraîne une poussé d’adrénaline dans l’équipe, on peut voir ça comme ça. Quand j’ai vu que nous n’étions qu’à 8 sur la pelouse, j’ai crié aux joueurs de Montpellier de mettre le ballon en touche. Non seulement ils ne l’ont pas fait mais en plus ils marquent... ». Comme le souligne Dagui Bakari, « aujourd’hui, on est allés jusqu’au bout. La victoire est logique, car on a manqué de réussite en première période. Quand ils ont marqué, soit on baissait les bras, soit on continuait. On a continué, pour rattraper l’injustice de leur but. Nos efforts méritaient une telle issue » ; pour Sylvain N’Diaye, « on s’est fait peur mais ces victoires sont les plus belles. On ne pouvait pas perdre comme ça, en encaissant alors qu’on a deux joueurs à terre. On a eu un sursaut d’orgueil et c’est un petit miracle qui a eu lieu ».
Une expulsion comme acte salvateur pour renverser un match, il fallait bien ce LOSC-là pour l’inventer. Loin d’en vouloir à leur coéquipier, les joueurs de Lille comprennent son geste : « Patrick a eu un grand sentiment d’injustice et il s’est emporté. On peut le comprendre, car le sport réclame du fair-play » note Boutoille. Pour Bruno Cheyrou, c’est bien fait pour Montpellier : « il y a eu beaucoup de maladresse devant le but. Il faut dire aussi que les Montpelliérains ont utilisé tous les moyens pour ne pas perdre : tirages de maillots, petites fautes… L’expulsion a suscité un sentiment d’injustice dans l’équipe et je pense que c’est ce qui nous a fait réagir ».
Bon, il vaudra tout de même mieux ne pas compter sur ça à chaque fois. Le lendemain matin, Patrick Collot a pris la parole dans le vestiaire et a demandé à ses coéquipiers de l’excuser pour son geste.
« Le LOSC va niquer les Italiens »
Ce scénario très vahidesque conduit à ce constat : le LOSC fait encore forte impression, et d’abord chez ses adversaires. Comme chez l’entraîneur de Montpellier, Michel Mézy : « c’est la rentrée de Bakari qui nous a gênés. Nous avons fait des erreurs de jeunesse. Je tire mon chapeau aux Lillois qui ont sur démontrer de grosses valeurs morales après l’expulsion ». Le LOSC fait le plein de confiance : « en ce moment, j’ai l’impression que rien ne peut nous arriver » assure Bruno Cheyrou. Espérons. Mercredi soir, ce sera au tour de Parme de tenter de renverser une situation mal embarquée.
Louis Nicollin, lui, l’assure avec finesse : « Le LOSC va niquer les Italiens grâce au moral qu’il a acquis ce soir ! »
FC Note :
1 En septembre 1999, le LOSC s’était imposé à Niort 3-0, grâce à 3 buts marqués en fin de match, alors qu’il évoluait à 10 depuis l’expulsion de Tourenne en première période.
Posté le 16 août 2019 - par dbclosc
Quand le LOSC inspire Hergé : les Dogues en Syldavie
En 1938, Hergé publie le Sceptre d’Ottokar, qui relate les aventures de Tintin en Syldavie, un pays imaginaire situé vraisemblablement dans les Balkans ou en Europe centrale. Au sein de la communauté des tintinophiles, le débat fait rage pour savoir de quel(s) pays s’est inspiré l’auteur belge pour créer ce pays. Si les hypothèses sont nombreuses, celles qui reviennent le plus souvent trouvent l’origine syldave en Roumanie, au Monténégro ou en Albanie. Après être revenu sur ces trois principales hypothèses, nous montrerons qu’une autre hypothèse vraisemblablement encore plus plausible a été oubliée : la Syldavie serait en réalité une métaphore prémonitoire du LOSC.
Peu avant la Seconde Guerre Mondiale, Hergé inscrit pour la première fois les aventures de Tintin dans un pays imaginaire. A partir de quoi l’auteur belge a-t-il construit la Syldavie, pays qui abrite les aventures de Tintin dans trois albums et dans le film Le lac aux requins ? Les hypothèses des tintinophiles sont nombreuses, certains y voyant la Roumanie, d’autres le Monténégro ou l’Albanie ou, pour certains des plus audacieux d’entre eux … la Belgique. En réalité, c’est bien du LOSC qu’il parle.
La Syldavie : une origine roumaine ?
Selon Dodo Nita, traducteur roumain des aventures du reporter, Hergé aurait créé la Syldavie en s’inspirant de son pays (ça tombe bien). Les arguments ne manquent en effet pas pour étayer pour étayer cette thèse. La principale tient au nom même du pays, comme s’il était composé à partir de Transylvanie et de Moldavie, deux régions faisant partie de la Roumanie (si la Moldavie est un Etat indépendant, la région voisine située en Roumanie s’appelle également ainsi). Autre argument géographique, le massif montagneux de Syldavie est intitulé les Zmyhlpathes dont le nom fait immédiatement penser à celui des Carpates situé au coeur de la Roumanie. En outre, l’orthographe habituellement retenue dans la première partie du Xxème siècle était « Carpathes », laquelle se rapproche encore davantage du massif inventé par le dessinateur. Plus généralement, les noms utilisés par Hergé semblent avoir une inspiration d’Europe centrale (les villes de « Klow », de « Tesznik » et de « Dbrnouk ») plutôt que des Balkans et tendent alors plutôt à étayer la piste roumaine.
D’autres éléments vont dans le sens de la thèse roumaine. Par exemple, le nom donné aux conspirateurs syldaves, la « Garde d’Acier » ressemble étrangement à la « Garde de Fer », nom du parti nationaliste roumain de l’époque. Par ailleurs, les Syldaves emploient l’alphabet cyrillique comme on le faisait dans une partie de la Roumanie de l’entre-deux-guerres et à la différence de ce qui se faisait dans les pays balkaniques. Enfin, si la Roumanie n’est pas un pays slave comme la Syldavie, elle a largement subi l’influence slave et a également subi les invasions ottomanes comme le pays imaginaire d’Hergé.
Toutefois, d’autres éléments amènent à douter d’une inspiration uniquement roumaine de la Syldavie. D’abord, les nombreux minarets syldaves indiquent une certaine présence musulmane alors que l’Islam est quasiment absent de Roumanie. Surtout, si l’on ne peut précisément connaître la superficie de la Syldavie, un certain nombre d’indices permettent de l’évaluer à environ 20.000 km² soit environ dix fois moins que la Roumanie. On apprend aussi dans la bédé que la population syldave est alors de 628.000 habitants contre 18 millions pour la Roumanie de 1930. Ces incohérences nous amènent alors aux hypothèses monténégrine et albanaise.
Une évocation du Monténégro ou de l’Albanie ?
En effet, sur ces derniers points, le Monténégro et l’Albanie – pays balkaniques comme l’est la Syldavie – correspondent davantage au profil. Ainsi, juste avant la Seconde Guerre Mondiale, on estime que les Musulmans représentent 20 % de la population monténégrine et 70 % de celle albanaise. La différence entre ces deux pays est donc importante sur ce point, mais rien ne nous permet de trancher à partir de ce que l’on voit dans les aventures de Tintin : on comprend en effet qu’il existe une part conséquente de Musulmans en Syldavie, mais on n’a en revanche pas d’informations permettant de savoir si cette religion est majoritaire (comme en Albanie) ou minoritaire (comme au Monténégro).
Les indices relatifs à la superficie du pays collent également à peu près pour les deux pays, la superficie syldave (environ 20.000 km²) se situant en effet entre celle du Monténégro (14.000 km²) et celle d’Albanie (28.000 km²). Il en est de même quant aux populations respectives de ces deux pays : en 1938, la population monténégrine (400.000 habitants) est en effet un peu plus réduite que celle syldave, tandis que celle d’Albanie (1 million d’habitants) lui est un peu supérieure. Sur ces aspects, Albanie et Monténégro constituent tous deux d’aussi bon candidats au titre de patrie originelle syldave.
Le symbole du pélican, qui orne les armoiries et le drapeau syldave, ne fait référence aux symboles d’aucun pays au monde. Toutefois, sa représentation rappelle celle d’autres animaux : l’aigle bicéphale qui nous ramène encore à l’Albanie et au Monténégro. On trouve ainsi un air de famille entre le drapeau syldave et celui d’Albanie même si le premier est jaune et le second rouge (ci-dessous).
La ressemblance entre les armoiries royales de Syldavie et celle du Monténégro (ci-dessous) laisse encore moins de doute sur l’inspiration d’Hergé sur ce point.
Les armoiries de la Syldavie (derrière le Roi et la Reine sur le dessin) semblent inspirées de celles du Monténégro (à gauche). A moins que ce ne soit l’inverse.
Tout ne colle cependant pas quant aux thèses relatives à ces deux pays. Ainsi, dans aucun des deux on écrit en cyrillique. Dans Objectif Lune, qui se passe également en Syldavie, un tintinologue a estimé (à partir du dessin de la planche 61 de l’album) que la fusée était vraisemblablement partie de la zone située à l’intersection entre la Slovaquie, l’Ukraine, la Hongrie et la Roumanie. Et, comme on l’a dit avant, les lieux noms évoqués dans la bande-dessinée évoquent davantage l’Europe centrale que les Balkans.
Plutôt une métaphore prémonitoire du LOSC !
Alors, que doit-on en conclure ? Qu’il n’y aurait aucune unité de la Syldavie qui ne serait qu’une mosaïque de l’ensemble des pays d’Europe de l’est ? A DBC, nous pensons au contraire que la Syldavie correspond à une seule et unique inspiration originelle. Une équipe de 6 chercheurs s’est consacrée pendant 7 ans à temps plein à une recherche visant à répondre à cette épineuse question. Les conclusions de cette équipe sont claires : la Syldavie serait une métaphore prémonitoire du LOSC. Si le club n’existait pas encore, il serait apparu en songe à Hergé après une nuit passée dans une fumerie d’opium à l’occasion d’un travail préparatoire pour un autre album.
Les références à l’Albanie, au Monténégro et à la Roumanie ne sont cependant pas fortuites. Quand, au cours de sa nuit de défonce, Hergé a visualisé l’histoire du LOSC, il a vu la plupart des joueurs qui allaient construire le club. Parmi ces nombreuses figures, lui apparurent Edwin Murati, un Albanais, qui était alors l’une des deux recrues-phares en 2000, l’année de la remontée. Dans l’esprit d’Hergé, la référence à l’Albanie symbolise alors vraisemblablement le renouveau du LOSC. Lui sont également apparus les Monténégrins Miladin Becanovic et Marko Basa. Hergé ne retient pas ces cas par hasard. Le premier était buteur prolifique l’année de la descente de 1997 et le second se blessait en effet tous les quinze jours pour revenir chaque fois plus fort : ils symbolisent des bêtes blessées qui, même face à la pire des adversités, ne se rendent jamais. Voilà pour la symbolique monténégrine. La Roumanie fait bien sûr référence à la Marius Baciu. Ce bon vieux Marius arriva en 2002, en même temps que Claude Puel, et symbolise alors une nouvelle reconstruction du club, rappelant que le LOSC, plus qu’aucun autre club, a dû toujours se réinventer pour lutter face à l’adversité. Prendre une figure médiocre était pour Hergé une manière de signifier que le collectif est plus important que les individualités qui le composent. Hergé pense également vraisemblablement aussi à la confrontation entre Lille et Bistrita la même année, en coupe intertoto. Pris indépendamment, chacun de ces trois cas manquent d’unité. Pris ensemble, ils représentent trois caractéristiques qui nous mènent à une seule et même entité : le LOSC.
Ensuite, Objectif Lune et On a marché sur la Lune, (dont l’action se passe en Syldavie) constituent de toute évidence une référence au LOSC de l’époque à Vahid. Que sont ces bédés sinon une métaphore de gars partis de rien qui parviennent à atteindre un objectif qui paraissait au départ utopique ? Hergé fait ainsi partir nos héros d’un pays apparemment tout pourri, symbolisant l’état désastreux des finances du club quand le président Lecomte le reprend en main. La métaphore du voyage sur la Lune est une référence encore plus explicite à ce qui allait se passer ensuite : en dépit des obstacles, Vahid et ses hommes n’allaient-ils pas réussir à décrocher la Lune en montant en D1 puis en jouant la Ligue des Champions en seulement trois ans ? Le personnage de Wolff est une allusion à peine voilée à Thierry Froger : on le sent profondément gentil, et pourtant, il mène les héros à leur perte, à la manière de Thierry Froger avec le LOSC. Dans On a marché sur la Lune, Wolff se sacrifie pour la survie des héros, comme dans l’histoire du LOSC le sacrifice de Froger fût la condition sine qua non à la réussite de Fernando D’Amico et de ses camarades.
Si, physiquement, Wolff (à gauche) semble un mélange entre Gilles Hampartzoumian (à droite) et le président Lecomte, il fait en réalité référence à Thierry Froger
Un drapeau des Flandres ?
On a évoqué le drapeau syldave comme entretenant une parenté avec l’Albanie. Pour autant, comme on l’a dit, il existe toutefois une différence assez problématique entre les deux : le fond du drapeau du pays imaginaire d’Hergé est jaune alors que celui d’Albanie est rouge ! Ne peut-on pas trouver une autre référence d’un drapeau jaune avec un animal central en noir ? C’est justement le cas du … drapeau des Flandres !
La seule différence entre les deux drapeaux tient au fait que le lion des Flandres a été remplacé par un pélican. Cet animal ne vous rappelle-t-il pas quelque chose ? Bien sûr, il évoque le symbole d’une célèbre bière, la Pelforth, produite par la brasserie … du Pélican : en 1955, celle-ci faisait justement la promotion de sa bière à partir d’un personnage portant le maillot du LOSC ! En 1971, la limonade Pel d’Or, produite par Pelforth, était l’une des premières marques à s’afficher sur le maillot du club.
Cette statue du pélican de Pelforth rappelle quand-même bien le pélican syldave
Un Turc qui s’lave
Mais, diront les esprits chagrins, alors que la Syldavie est un pays slave ayant jadis subis l’influence ottomane, le LOSC n’a rien de slave ni d’ottoman. On leur répondra qu’il s’agit vraisemblablement d’un oubli d’une référence à une célèbre photo du LOSC, en l’occurrence celle-ci :
Sur le cliché, on voit un Engin Verel, joueur turc (donc « ottoman »), sortant nu de la douche (ce qui prouve qu’il « s’lave ») et serrant la main à Pierre Mauroy (qui allait donner son nom au stade). Au-delà de la photo, la référence ottomane d’Hergé évoque les nombreux transferts ayant eu lieu entre le LOSC et Fenerbahce (H.Nielsen, Kjaer, Sow, Benzia, etc.), celle slave le fait que, au-delà de Verel, tous les Dogues s’lavent (la récurrence de cette pratique chez les joueurs lillois ayant visiblement frappé le dessinateur belge).
On notera aussi que le fameux sceptre de la première bédé faisant référence à la Syldavie est celui d’un certain Ottokar. Là encore, il s’agit d’une référence flagrante aux supporters lillois. En effet, le fin observateur aura remarqué que, lors des matchs à l’extérieur du LOSC, la plupart des supporters faisant le déplacement y vont en autocar. Coïncidence ? Chacun se fera son avis…
La Syldavie, un complot permanent
Mais la référence la plus claire et indiscutable au LOSC tient au fait que la Syldavie d’Hergé est dépeinte comme un pays touché de manière omniprésente par le complotisme qui le ronge, comme le LOSC est la victime permanente d’un long et pénible complot ourdi par qui vous sachiez depuis la nuit des temps (ce qui ne l’empêche pas de briller en déjouant tant bien que mal ledit complot). Si Wolff, cité plus haut, évoque le complot de l’intérieur, les autres complotistes font référence au plus commun complot « de l’extérieur » trouvant son incarnation la plus concrète dans un joueur comme Jean-Christophe Rouvière.
Mais si l’on veut se faire un avis définitif sur les références d’Hergé quand il pense à la Syldavie, ne faut-il pas demander à l’auteur lui-même ? Celui-ci a ainsi déclaré un jour que l’histoire du sceptre d’Ottokar était celle d’un « Anschluss raté », celui de la Bordurie sur la Syldavie. De toute évidence, il fait référence au projet de Gervais Martel d’annexion du LOSC par le RC Lens, quand le président artésien déclarait qu’il n’y avait pas la place pour deux grands clubs dans la région Nord-Pas-de-Calais. Visionnaire, le dessinateur en avait prévu l’issue et avait prophétisé la victoire finale du LOSC. Ainsi, dans la pensée d’Hergé, la Bordurie est le « voisin » de la Syldavie, tout comme Lens est le « voisin » de Lille. En regardant attentivement, on remarque aussi que le personnage bordure du Maréchal Plekzy-Gladz est un habile mélange entre Daniel Leclercq et Cyril Rool.
Dans la fresque de la bataille de Zilheroum que Tintin découvre dans une brochure, on voit les Ottomans fuir devant les attaques syldaves. Là encore, on découvre une métaphore des Lensois fuyant en Ligue 2 sous les assauts répétés des attaquants lillois lors des derbys du Nord.
D’autres références évoquent explicitement le LOSC, comme le nom de la capitale syldave, Klow qui rappelle bien sûr Patrick Collot. La ville de Niedzdrow est visiblement inspirée de Mostar qui n’est autre que la ville d’origine d’un certain Vahid Halilhodzic. Un dernier élément achèvera de convaincre les plus sceptiques : le nom de la Syldavie. De toute évidence, il s’agit d’un mélange entre Sylvain N’Diaye et Anne-Laure Davy, ce qui donne dont Syldavy (francisé par Hergé en « Syldavie »).
Nous étions en 1938. Hergé voulait nous avertir. La Seconde Guerre Mondiale arrivait. Mais le plus abject n’était pas là : le Complot Contre le LOSC allait suivre.
Posté le 22 mai 2019 - par dbclosc
Lille/Sedan 1999 : l’aube d’une nouvelle ère
Le 22 mai 1999, en dépit de sévères contre-performances au cours des dernières semaines, le LOSC est encore en course pour remonter en D1. La réception du 2e, Sedan, va offrir une performance de haut niveau, dans une ambiance que Grimonprez-Jooris n’avait pas connue depuis bien longtemps. La victoire est au bout (1-0) et, avant la dernière journée, les supporters célèbrent autant l’espoir de montée que la fierté d’avoir retrouvé une équipe au visage si séduisant.
En ce soir de printemps, c’est peu dire qu’avoir encore la possibilité de jouer la montée relève de l’inespéré pour le LOSC : il y a 3 semaines, il s’inclinait à domicile contre le 17e Amiens (0-1) et semblait avoir laissé définitivement s’échapper Sedan et Troyes, 5 points devant, alors que Saint-Etienne est hors d’atteinte depuis un moment. Mais en cette fin saison, les Dogues, aussi décevants quand on les attend que surprenants quand on ne croit plus en eux, se sont donné une nouvelle chance en allant battre Châteauroux, tandis que Troyes perdait. Il reste 2 matches, Troyes est 2 points devant, et Sedan 5 points devant. Arrivent alors les Sangliers à Grimonprez-Jooris. Retour un match qui symbolise la transformation de l’équipe depuis l’arrivée d’Halilhodzic, et qui prélude aux superbes saisons qui suivront.
En dents de scie
Après l’échec de la saison 1997-1998, on croyait cette fois le LOSC taillé pour remonter, avec un recrutement ambitieux, et notamment l’arrivée du buteur Olivier Pickeu. Mais manifestement, les mêmes lacunes et errements ont persisté. Après un mauvais départ (3 défaites, 2 nuls, 1 victoire, 2 buts marqués, 5 encaissés en 6 matches), Thierry Froger est débarqué : il est remplacé par Vahid Halilhodzic. Si l’équipe n’est pas flamboyante, elle a retrouvé des résultats corrects et s’est progressivement replacée à proximité de la 5e place au cœur de l’automne. Quand seuls les 3 premiers montent, c’est encore insuffisant, mais on a tendance à penser que la dynamique est positive et la trajectoire ascendante. Le championnat des Lillois est marqué par des performances irrégulières, avec d’un côté de jolis coups comme une victoire à Caen début décembre (1-0) ou une victoire contre Troyes, 2e à 1 point du leader, début février (1-0) ; mais, de l’autre côté, Lille concède de bêtes nuls à domicile contre Châteauroux en novembre (2-2), Wasquehal en décembre (1-1, après avoir ouvert le score à la… 84e) et perd ses deux premiers matches à l’extérieur de l’année 1999 avec une manière qui laisse à désirer (au Mans 1-2 puis à Nîmes 0-3). Mais il n’empêche : le LOSC est toujours en course et après une belle victoire à Gueugnon en mars (1-0), il pointe pour la première fois à la 4e place, à 3 points du podium. Malheureusement, un déplacement à Saint-Etienne se présente : pas de miracle, le LOSC s’incline malgré une belle résistance (2-3) et se retrouve à 6 points du podium ; puis le LOSC gagne à domicile contre Nice (2-0) et se redonne donc de l’espoir, mais perd de nouveau à Laval (0-1). Au soir de la 32e journée, les Dogues sont toujours à 6 points du podium (mais potentiellement 9 car Sedan compte un match en moins), avec une différence de buts nettement plus faible que celle des 3 premiers.
Après ce match à Laval, Frédérik Viseux, qui faisait enfin ses débuts avec le LOSC après sa longue blessure, semble être le seul à y croire encore : « le championnat n’est pas fini, je peux vous le dire. L’an dernier, j’étais à Sochaux, et à 6 journées de la fin, on avait 7 points de retard sur Lille. Et qui est monté ? ». Sochaux, si vous aviez oublié.
Amiens, la défaite de trop
Pour la réception de Valence le 14 avril, l’accueil des DVE est particulièrement hostile : « chèvres », « bouffons » lit-on sur des banderoles, par opposition aux « héros » de l’après-guerre. Lille bat Valence (2-1) puis va s’imposer chez le 8e, Ajaccio (2-0), et se retrouve à 5 points des 2e (Sedan) et 3e (Troyes). Le LOSC reçoit Amiens, 17e, pour la 35e journée. Cette fois, une banderole côté Honneurs énonce simplement l’enjeu du match : « Victoire = Espoir ». Malheureusement, comme le titre la Voix du Nord le lendemain, c’était la soirée « de tous les gâchis » : entre les occasions manquées, l’envahissement de terrain et la défaite (0-1), Lille a perdu gros. Vahid Halilhodzic remet même sa démission au président, qui la refuse. Plus grand monde n’y croit, de Bernard Lecomte (« C’est un mélange de très grande colère et de très grande tristesse. On domine et on prend un but grotesque. C’est un cauchemar. C’était la marche à ne pas rater. Nous sommes coutumiers de ce genre de faits depuis 2 saisons. Je n’y crois plus. À moins d’un miracle ») au capitaine Djezon Boutoille (« Nous avons certainement manqué l’accession »). Carl Tourenne stigmatise l’ambiance au club : « Une part du public ne mérite pas la D1. Ici, le respect d’autrui n’existe pas ». Et dire que Troyes et Sedan ont aussi perdu… !
Remobilisation générale
Pourtant, une fois l’émotion de la défaite atténuée, joueurs et dirigeants affichent de nouveau un visage conquérant. Comme si, finalement, la défaite contre Amiens ne faisait que confirmer qu’à l’issue d’une saison aussi irrégulière, il n’était pas anormal de ne pas monter, surtout quand on se rappelle que le LOSC était 17e début septembre. Retour aux fondamentaux et au long terme : construire des bases solides à Lille pour retrouver la D1. Cette année, le LOSC est parti de trop loin. S’il a remis sa démission samedi, Vahid est désormais projeté vers l’avenir : « J’ai discuté avec le président. Samedi, j’ai pris la défaite comme un échec personnel, sur le coup d’une occasion extraordinaire que nous venions de rater. Je suis très sévère avec moi-même. J’ai pris tout cela pour moi. Mais il n’y a aucune crise, ni de différend. Le président m’a rassuré sur l’avenir du club. Il me reste une année de contrat et je souhaite rester pour construire ». Bernard Lecomte est sur la même longueur d’onde : « Vahid a eu une réaction d’orgueil qui l’honore. Il a toute notre confiance. Il sera l’entraîneur la saison prochaine. L’esprit de nos discussions porte beaucoup plus sur une prolongation et sur l’avenir que sur autre chose ».
Le LOSC se déplace désormais à Châteauroux, pas très loin derrière. Faut-il encore y croire ? La Voix du Nord rappelle que la situation est bien compromise : « perdre chez soi un match relativement facile en apparence, au moment où l’opposition lâche prise, n’est pas pardonnable. Un dérapage de cette envergure constitue même une erreur majeure dont les conséquences, à trois encablures de la fin du championnat, ne peuvent être a priori que douloureuses ». Et pourtant, les Dogues ne vont pas lâcher. Grégory Wimbée : « ce serait bien de pouvoir entretenir l’espoir jusqu’au bout. L’idéal serait de pouvoir affronter Sedan en ayant un objectif. J’ai suivi l’émission D2 Max sur Canal +, au cours de laquelle Fugen, le joueur de Troyes, se posait beaucoup de questions concernant l’aptitude de son équipe à aller jusqu’au bout de ses ambitions. Nos chances sont infimes. Mais on ne peut pas finir le championnat comme ça ! ». L’entraîneur de Châteauroux, Joël Bats, se méfie des Lillois : « Je connais trop bien Vahid, avec qui j’ai joué au PSG. Il va remonter ses joueurs. On va souffrir ! ». Et en effet, Lille gagne, à la dernière minute : « décidément, ces Lillois sont des adeptes du yin et du yang : à la grande déprime de samedi a succédé une énorme bouffée d’espoir » souligne la Voix. Et si Sedan a gagné, laissant Lille à 5 points, Troyes a encore perdu (à Wasquehal), et voilà que Lille n’est plus qu’à 2 points de la 3e place !
« Les Lillois ont prouvé qu’ils avaient cette dignité morale qui permet aux formations les plus meurtries de se relever » pour le quotidien régional. Au-delà du score, Halilhodzic est satisfait du contenu : « ce qui me fait plaisir, c’est que l’on a montré un bon fonds de jeu, on a été combatifs, solidaires. J’espère au moins que ce succès servira à quelque chose… ». Le lendemain, 15 mai, c’est l’anniversaire de Vahid. Après l’entraînement, il invite jouer et dirigeants à le fêter. Au journaliste qui lui demande son âge, il répond : « le soir de la défaite contre Amiens, j’avais 88 ans. Le soir de la victoire à Châteauroux, j’en avais 27 ».
Des Sangliers à bon port
En attendant la finale contre Sedan, il y a 15 jours à tuer. Pour combler ce trou, les Lillois disputent un match amical contre Tourcoing FC (CFA2) et s’imposent 3-1 (Peyrelade, Boutoille et Camara contre Descarpentries). Et si on ne joue pas en championnat le week-end du 15 mai, c’est parce que Sedan a lui aussi sa finale à disputer, une vraie, contre Nantes en coupe de France. En 1999, il faut dire que les Sedanais sont intenables : c’est la meilleure équipe des matches retours, avec 38 points pris sur les 18 derniers matches, et seulement 2 défaites. Personne ne s’attendait à voir les Ardennais si haut dans le classement, puisqu’ils viennent directement de National, dont ils ont été les champions 1998 sous la direction de l’ancien joueur puis coach lillois Bruno Metsu. Désormais, l’entraîneur est Patrick Remy. Il dirige un groupe composé de joueurs dits « revanchards » qui, dans leur parcours footballistique, ont connu des accidents (blessures, pas de contrat après un centre de formation, relégations sportives…). Résultat : un ensemble a priori hétéroclite mais qui fait fureur, et Sedan est en passe de réussir une deuxième accession consécutive. Comme le résume Vahid Halilhodzic, « vous pouvez prendre des joueurs de divers horizons, mais si vous parvenez à leur faire partager l’aventure et qu’en plus ces gars-là ont une revanche à prendre sur leur propre parcours de footballeur professionnel, voilà qui forme une équipe irrésistible ». Devant, Pierre Deblock, Pius N’Diefi, Cédric Mionnet et olivier Quint forment un quatuor particulièrement redouté tandis que derrière, Sachy dans les buts ou Satorra en défense centrale, permettent à Sedan d’être aussi la meilleure défense du championnat de D2.
Du côté du vieux stade Emile-Albeau, cette génération rappelle les anciennes gloires du club telles que Maxime Fulgenzi, Maryan Synakowski, Marc Rastoll, Yves Herbet, Serge Delamore ou bien entendu Louis Dugauguez, instituteur à Carvin, devenu entraîneur qui gagna 2 coupes en 1956 et 1961, quand le club se nommait Union Athlétique Sedan-Torcy. À l’âge d’or du club, entre 1954 et 1969, l’UAST a disputé 5 fois les demi-finales de coupe de France, 3 fois la finale, et en a remporté 2. 34 ans après leur dernière finale, les Sedanais ont donc l’occasion de remporter un 3e trophée, après avoir sorti Le Mans au tour précédent à l’issue d’une demi-finale épique (1-1 après 90 minutes 4-3 après prolongation (allez voir les 5 dernières minutes ! Il y a 3-1 à la 115e, et Le Mans trouve la barre à la 120e). Sedan est sur 2 tableaux mais la priorité reste au championnat. Patrick Remy souligne : « si j’avais le choix entre jouer une finale de coupe de France et avoir un point de plus au classement, je choisirais ce point ». Tant mieux pour lui car Sedan perd sur un pénalty très litigieux (0-1). Ne lui reste plus que le championnat, et 1 point à venir prendre à Lille.
« Tu es un sanglier, tu es un sanglier ! »
La chasse au sanglier
Il ne reste que quelques jours avant ce match décisif. Lille, bien sûr, doit gagner. Et encore, une contre-performance de Troyes n’obligerait même pas les Dogues à prendre 3 points, mais ils seraient tout de même bienvenus, histoire de garder contact Sedan, qu’il est encore possible de dépasser ! Contrairement à la saison précédente, où le LOSC avait passé presque 36 journées sur le podium avant de s’effondrer, Lille n’a jamais été mieux classé que 4e en 1998/1999. Si on part du principe que l’an passé, les joueurs n’ont pas résisté à la pression de voir revenir des adversaires sur leurs talons, peut-on envisager qu’être à l’affût d’un faux-pas des autres est un avantage ? C’est ce que semble dire Djezon Boutoille : « après tout, c’est nous qui mettons la pression sur les autres. L’an dernier, c’est Sochaux qui était en embuscade et qui nous avait mis la pression…On a pu se rendre compte que contre de grosses écuries, on a fait de très bons matches. Le mental fera la différence. On a un très bon groupe. Depuis que je suis au LOSC, je n’ai jamais senti autant de solidarité entre nous. ». Certes, mais même au pied du podium, Lille a fait preuve de son irrégularité depuis quelques semaines, gagnant là où on ne l’attend pas et se déchirant quand la victoire semblait facilement à portée. Comme le résume bien Pierre Diéval dans la Voix du Nord : « cette situation, inconfortable en apparence, n’est, au fond, que le fidèle reflet d’une saison erratique, sans réelle consistance, mais génératrice quand même d’espoirs. Le chaud et le froid… ».
Le jeudi, les joueurs du LOSC s’entraînent à huis-clos (sous les yeux de 3 journalistes), dans le stade Grimonprez-Jooris, comme pour bien leur faire comprendre la dimension exceptionnelle de ce match. Halilhodzic parle à chacun de ses joueurs, les yeux dans les yeux : « je veux que chaque joueur se sente capitaine de l’équipe. Et tout ce que je peux promettre, c’est une motivation exceptionnelle. Moralement, physiquement et tactiquement, nous serons prêts. À nous de ne pas tomber dans le piège d’un excès de motivation comme ce fut le cas lors des 2 ou 3 matches que nous avons manqués à la maison (…) Lorsqu’on est attaqué de toutes parts, on doit montrer sa force de caractère. Je suis fier de constater que mes joueurs ont eu un comportement d’adultes. Ensemble, nous avons souffert. Ensemble, nous avons eu du plaisir. Ensemble, nous avons fait des bêtises. Ensemble, nous battrons peut-être Sedan et… ». C’est marrant : il n’a pas fini sa phrase et le journaliste l’a retranscrite telle quelle. C’est un peu comme si je… Laurent Peyrelade a mis en garde ses adversaires : « j’ai vu la plupart des joueurs ardennais lors de la soirée des Oscars de Canal +, et je les ai prévenus que ce sera chaud ». Le public va répondre présent : les 15 500 places (c’est à ce moment la capacité maximale du stade) ont déjà été vendues. Vendredi soir, le groupe part à l’hôtel.
Chaude ambiance en tribunes
Samedi 22 mai, c’est le jour J. Le LOSC invite les spectateurs à venir tôt au stade en raison de l’important dispositif de sécurité mis en place. L’ambiance est chaude, également grâce aux supporters sedanais, nombreux : 30 bus ont fait le court déplacement. Première manifestation du soutien que porte le public : une banderole « Merci Vahid, reste avec nous » est déployée depuis le Virage Est. Lui qui voulait démissionner il y a 3 semaines sait désormais à quoi s’en tenir concernant les sentiments que les supporters lui portent. Pour se distancier des « envahisseurs » d’Amiens, d’autres se qualifiant de « vrais supporters » demandent la D1. Le stade est entièrement rouge et blanc grâce à la distribution de maillots du LOSC low-cost du genre « sac à patates ».
Sur le terrain, le seul bémol vient de l’absence de Djezon Boutoille, victime d’une élongation. Mais Halilhodzic l’inscrit tout de même sur la feuille de match, histoire de brouiller les pistes. Par ailleurs, Vahid a laissé de côté Dindeleux, Hitoto et Koot. Frédérik Viseux connaît sa seconde titularisation à domicile. Voici la compo lilloise :
Wimbée ; Viseux, Leclercq, Cygan, Camara ; Tourenne, Landrin, Cheyrou ; Collot, Peyrelade, Pickeu.
Tandis que Pasal Cygan prend conscience que ses cheveux ont disparu, Momo Camara tente de se piéger tout seul à « Coucou, qui c’est ? »
Grand spectacle sur le terrain
On comprend bien vite que les déclarations de la semaine dans la presse n’ont pas été des paroles en l’air : les joueurs lillois jouent vite et jouent bien ! Poussés par leur public, les Dogues attaquent fort, avec une grosse frappe de Collot que Sachy repousse des poings (5e) ; puis Peyrelade s’engouffre à droite et centre en retrait, obligeant la défense sedanaise à dégager en catastrophe (16e). À la 25e, Pickeu remise bien un corner de la tête mais ne trouve personne. Les Sedanais sont bousculés comme ils l’ont rarement été cette saison, et ont toutes les peines à sortir de leur camp. Seul Di Rocco met Wimbée à contribution à la 51e. Lille joue vite et bien, mais toujours 0-0… jusqu’à la 60e. Bruno Cheyrou, omniprésent et régulièrement titulaire depuis quelques semaines, trouve Camara à sa gauche qui, dans la surface, envoie un centre-tir puissant que Pickeu ne peut reprendre. C’est dégagé sur la ligne des 6 mètres en plein sur la tête de Bruno Cheyrou, qui propulse le ballon au fond des filets ! Déjà buteur à l’aller sur une pelouse gelée (1-1), Bruno décrit son but : « je récupère un ballon en milieu de terrain. Après un une-deux avec Collot, je fixe Oliveira et glisse le ballon à Camara qui centre. Elzeard essaie de le sortir, mais je me trouve sur la trajectoire et, de la tête, je trompe Sachy ». Au moment où Cheyrou marque, Troyes est mené sur sa pelouse. C’est la première fois de la saison que le LOSC est virtuellement en D1.
Dans la foulée, Peyrelade est proche de faire le break avec une frappe contrée, au-dessus (65e). Sur le corner, Leclercq échoue sur Sachy (66e). Devant un public survolté, Sedan est étouffé. Peyrelade signe la dernière occasion franche lilloise, mais son tir est repoussé par Quint (76e). La fin de match est haletante, même si Lille n’est pas is en danger. Au bord de la crise cardiaque, Djezon Boutoille est rentré aux vestiaires, tandis que Patrick Collot joue les animateurs pour le public. Djezon peut revenir : le LOSC s’impose 1-0, et sa performance est saluée par la Voix du Nord : « ce n’était pas un LOSC de pacotille ! » ; « un match époustouflant » ; « ces Lillois-là ont un tel cœur ! » ; « les Lillois peuvent se retirer la tête haute ». Côté ardennais, pas de regret : « Lille a mérité sa victoire » commente Patrick Remy. Dans le même temps, Troyes a fait match nul contre Niort, et a égalisé dans les arrêts de jeu.
Communion
Au-delà du score et de l’espoir qu’il fait renaître, on note une communion entre le public et ses joueurs, que seuls de rares événements comme la remontée en 1978 ou la victoire contre Bordeaux en 1985 avaient permis. Tous, à l’instar de la VDN soulignent un « public totalement retrouvé » :
Bruno Cheyrou, un peu maladroit : « ce stade était impressionnant. Une sorte de petit Bollaert. Nous avions besoin d’un tel douzième homme. Il nous aura permis de garder le résultat » ;
Fabien Leclercq : « on a gagné sur tous les plans. On a pu voir un public et une équipe, tous unis. Il y a bien longtemps que je n’avais pas vu cela ici » ;
Patrick Collot : « un tel soutien sur le terrain, on le sent. Ça apporte quelque chose. Ça fait tout de même plaisir de ne plus pouvoir nous entendre parler entre nous » ;
Bernard Lecomte : « ce soir, le LOSC a offert une image positive, presque idéale. Je regrette pourtant que le public ne soit pas venu plus nombreux précédemment. Nous serions peut-être en D1 depuis longtemps ! »
Vahid Halilhodzic : « ce soir, il y avait tout : l’ambiance, le public, la combativité, le panache et la qualité de jeu. Nous avons évolué au-delà des standards de la Division 2, ce qui est de bon augure. Et puis vous avez vu cette communion entre le public et son équipe ? À la fin du match, les supporters tiraient sur ma veste, sur ma cravate. Ils voulaient que j’aille avec eux sur la pelouse. Tous me disaient « il y a tellement longtemps, Vahid, qu’on n’a pas pris autant de plaisir ! » ça fait chaud au cœur d’entendre de telles choses » ;
On en oublierait presque que le LOSC n’a toujours pas son destin en main : lors de la dernière journée, à Guingamp, il devra faire mieux que Troyes, en déplacement à Cannes. Sur les 7 derniers matches, Troyes, en perte de vitesse, n’a marqué que 5 points, là où Lille en prenait 15.
Mais encore une fois, en sachant d’où l’on vient, est-ce là l’essentiel ? Le LOSC a marqué des points en termes d’image ce soir. Et ça, le président Lecomte, qui est en pleine négociation pour l’avenir économique du club, ne manque pas de le souligner et d’en faire un atout pour faire monter les enchères auprès des repreneurs qui hésiteraient encore : « cette victoire contre Sedan va m’aider dans mes recherches d’investisseurs. Après une telle soirée, il n’est pas exagéré de dire que le ‘LOSC-Métropole’ existe vraiment ! Jusqu’ici, on me disait souvent, lorsque j’évoquais l’hypothèse d’un nouveau stade : ‘Allez en D1 et on verra !’ Avec un tel déclic, les points de vue vont évoluer, c’est sûr ! ». Pierre Dréossi renchérit : « Si l’on monte en D1, tout changera. On intéressera beaucoup plus de monde ».
Et peut-être qu’après tout, même si l’espoir demeure, ne pas monter cette année n’est pas une catastrophe. Le public sait depuis longtemps qu’avec Lecomte, le LOSC est bien géré. Il sait désormais qu’avec Halilhodzic, il aura une belle équipe, même pour un an supplémentaire en D2. Avec un peu de patience, le LOSC retrouvera l’élite. Ce soir, c’est comme si la saison 1999/2000 avait déjà commencé.