Archive pour la catégorie ‘le LOSC est grand, le LOSC est beau’
Posté le 16 décembre 2019 - par dbclosc
Quand le LOSC servait à promouvoir le football belge et la fraternité alliée
Que faire quand, en Belgique, on veut promouvoir son équipe nationale B et qu’on trouve que les Pays-Bas sont un adversaire trop peu prestigieux ? On appelle l’équipe qui cartonne de l’autre côté de la frontière : le LOSC. Le 3 avril 1946, les Dogues se déplacent donc pour le premier déplacement international de leur histoire.
Le LOSC, champion de Belgique ? Pourquoi pas. Rappelons d’abord que Lille est aussi une ville belge de la province d’Anvers, dont le club n’a jamais été plus haut que le 4e niveau national, mais comme « tout va très vite dans le football », le titre lui reviendra peut-être sous peu. Ensuite, quand la Belgique aura annexé les Hauts-de-France, il y a fort à parier que le LOSC devienne le club-phare du Royaume, et devienne aussi, au même titre que Derry, champion de deux pays.
En attendant que ces scénarios se réalisent, Lille a déjà brillé en Belgique, et pas seulement la fois où Nicolas Fauvergue a inscrit un but au Parc Astrid ou quand Pierre-Alain Frau a marqué à La Gantoise. Plus exactement, le LOSC a servi à faire briller un football Belge en quête de reconnaissance et, au-delà, à symboliser la normalisation des relations entre Etats après le conflit mondial. C’était en 1946, peu après la Libération du pays qui, comme en France, s’est étendue d’août 1944 à mai 1945.
La politique et le football incarnées par le célèbre natif de Lille Charles 2 Goal
En cette période de reconstruction, le sport est lui-même en pleine résurgence. Il a bien entendu lui aussi subi le chaos de la guerre et, au-delà des difficultés pratiques (problèmes de déplacements, territoires interdits, équipes disloquées), il compte aussi ses prisonniers, ses déportés et ses morts, comme ce champion de hockey tué lors du siège de Calais en mai 1940 et qui donnera son nom au futur stade de Lille : Félix Grimonprez. Alors que le football international est mis entre parenthèses durant 4 ans, au niveau national, la Belgique et la France connaissent un processus similaire de reprise en main du football, où celui-ci est au service de la propagande nationaliste1. Fin 1944, le football revient donc progressivement, délesté de son ancrage idéologique, mais demeurent des difficultés. En France, un dernier championnat dit « de guerre » est organisé en 1944/1945 : il n’est pas encore national mais en divisé en zones Nord et Sud. Officiellement, il n’est pas pris en considération étant donné les difficultés organisationnelles et la poursuite des combats sur certains pans du territoire. Même situation en Belgique, où une compétition (la « coupe de la Libération ») reprend en novembre 1944, mais est interrompue par de nouveaux bombardements sur les Ardennes en décembre. On tente de reprendre un championnat en janvier, mais là aussi le merdier est tel qu’on s’arrête avant la fin. C’est seulement après la capitulation allemande du 8 mai 1945 que les compétitions nationales vont reprendre normalement.
Sur le plan international, Français et Belges reprennent exactement au même moment, puisqu’ils s’affrontent pour la première confrontation d’après-guerre : c’est à Paris, en décembre 1944 (avec Bigot et Baratte chez les Bleus, qui s’imposent 3-1).
L’année suivante (1945), la France joue 4 fois, et la Belgique une fois : à Molenbeek, les Diables battent cette fois les Bleus 2-1.
Ainsi, le football se normalise, et les matches se multiplient. Après les années de privation, il offre une distraction bienvenue, tout en restant teinté d’arrière-pensées politiques, puisqu’il est désormais un outil au service de la réconciliation nationale et de la fraternité entre les peuples (alliés). Après la Libération, en France comme en Belgique, les autorités civiles se servent du football pour symboliser le rassemblement. L’Union Belge – équivalent belge de la FFF – met le paquet sur son équipe B, composée de jeunes joueurs censés constituer la future équipe des Diables Rouges. Cette équipe (aussi appelée « A’ » ou « équipe officieuse » dans la presse de l’époque) a été créée en 1924, à l’occasion d’un match contre la France B. Ensuite, jusqu’à la guerre, elle n’a affronté que le Luxembourg A, avec 2 ou 3 confrontations par an en moyenne (et ce jusqu’en 1976, pour un total de 75 Belgique B/Luxembourg A en 50 ans). Changement de politique à la Libération : les adversaires se diversifient. Cela s’explique en partie par la volonté, d’un côté, de faire de l’équipe B, à travers sa jeunesse, une vitrine de la future Belgique, et donc de regarder vers l’avant ; et, de l’autre, d’affronter des adversaires parmi les « alliés2 » de la guerre et de rappeler que la Belgique a été du bon côté. Dès lors, en 1945, l’équipe B affronte des équipes britanniques, qui ont la particularité d’être privées de compétitions officielles jusqu’en septembre 1946 : l’Ecosse le 6 janvier 1945 ; puis, plus tard dans l’année, 4 matches contre des militaires britanniques, dont certains internationaux (à l’image du match joué le 25 septembre 1944 entre le LOSC et une sélection britannique composée de soldats stationnés dans la région).
Début 1946, l’Union Belge souhaite organiser une nouvelle rencontre de son équipe B. Les Pays-Bas (B) sont contactés, et donnent leur accord. Mais, courant mars, changement d’avis : les dirigeants Belges ont un œil sur ce qui se passe en France. Très près de là, à la frontière, le LOSC s’est installé en tête du championnat de France, après notamment un remarquable mois de février (victoires 3-1 contre Lens ; 7-0 contre Metz ; 5-1 à Bordeaux). Parallèlement, les Dogues avancent en coupe de France, dont ils ont déjà atteint la finale en 1945 : les voilà déjà cette fois en quarts de finale. Enfin, mi-mars, à Bordeaux, la sélection des « Flandres » a battu celle du « Sud-Ouest » par 7 buts à 1, et le buteur lillois Jean Baratte a inscrit un triplé. Si l’on en croit les raisons, sans doutes un peu partiales, avancées par la Voix du Nord, les Belges ont alors gentiment décommandé les Oranje au profit des Dogues « en raison du rôle de premier plan que joue l’équipe lilloise dans le championnat de France ».
Le 3 avril 1946, au surlendemain d’une qualification losciste en demi-finale de coupe de France (2-1 contre le Racing Paris à Bordeaux), le LOSC se déplace donc Bruxelles, et plus précisément à Saint-Gilles, pour y affronter l’équipe B des Diables Rouges. Après le match contre les militaires Anglais en septembre 1944, on peut considérer que c’est le deuxième match international des Dogues, et leur premier déplacement international. La Voix du Nord met en garde : « les Belges ont composé une équipe robuste, formée de joueurs extrêmement rapides ». En guise de « jeunes », des joueurs nés majoritairement en 1922, et qui ont donc en moyenne autour de 23 ans. On trouve parmi eux :
_des joueurs qui ont déjà quelques sélections en A : Maurice Berloo, arrière de La Gantoise, qui a joué la confrontation France/Belgique de 1945, au cours de laquelle Julien Darui gardait le but français ; Jules Henriet, défenseur de Charleroi ; Désiré Van Den Audenaerde, attaquant de l’Antwerp, qui a joué contre la France en 1944 et en 1945 ; Arsène Vaillant, à l’époque attaquant du White Star puis défenseur (!) d’Anderlecht. Il est par ailleurs connu pour s’être reconverti journaliste pour la RTBF jusque dans les années 1980, où il commentait d’ailleurs la catastrophe du Heysel.
_d’autres qui en obtiendront plus tard : le gardien Ferdinand Boogaerts, du White Star, qui gardera les cages belges 6 fois en 1952 ; Michel Van Vaerenbergh, futur triple champion de Belgique avec Anderlecht ; De Buck, qui répond au doux prénom d’Adolf, défenseur d’Alost ; Henri Govard, du FC Liège ; René Thirifays, de Charleroi ; ou Anould, qui marquera ensuite 20 buts en 48 sélections avec l’équipe première des Diables : belle récompense pour celui qui fait fort dans la belgitude en se prénommant Léopold et en étant né à Saint-Nicolas.
_Enfin, avec nos quelques recherches, d’autres joueurs semblent ne pas avoir percé de manière durable au haut niveau : c’est le cas de Léon Aernoudts (Bechem), de Staf Van den Bergh (Lyra).
Du côté du LOSC, George Berry a emmené 15 joueurs pour ce déplacment court mais transfrontalier : Georges Hatz, Joseph Jadrejak, Emilien Méresse, François Bourbotte, Jean-Marie Prévost, Roger Carré, Jules Bigot, Marceau Somerlynck, Henri Tessier, René Bihel, Jean-Jacques Kretzschmar, Jean Baratte, Jean Lechantre (Belge de naissance mais fraîchement naturalisé Français), Roger Vandooren et Bolek Tempowski.
En perspective, selon le quotidien régional, le football comme diplomatie officieuse : « une belle manifestation d’amitié franco-belge. Ce match marquera de manière tangible la reprise des relations entre la Belgique et nos régions du Nord. Il est probable qu’il sera le prélude à d’autres rencontres. La venue d’une grande équipe Belge à Lille serait, en effet, unanimement appréciée par les sportifs de notre région ».
La rencontre se déroule dans le superbe stade Joseph-Marien, dans le parc Duden, là où joue habituellement l’Union Saint-Gilloise. Du nom d’un ancien président du club, le stade a pris sa forme actuelle en 1926, où il a été inauguré en présence du Prince Charles (de Belgique hein). Il reste de nos jours un étonnant monument architectural, classé comme monument historique par la région de Bruxelles-capitale : sa façade longue de 101 mètres, qui abrite la tribune principale, est de style « Art-déco » et est agrémentée de sept panneaux sculptés, représentant les deux disciplines qui ont fait la gloire de l’Union : l’athlétisme et le football (en l’occurrence, pour le foot, c’est surtout dans l’entre-deux-guerres).
Le temps est radieux et l’envoyé spécial de la Voix du Nord, Augustin Charlet, estime l’affluence à 10 000 personnes, dont quelques dizaines de supporters du LOSC. Les Lillois présentent un « magnifique jeu d’ensemble », et le journaliste ne s’inquiète pas trop de l’issue heureuse du match. Pourtant, à la 35e minute, une mésentente derrière entre Hatz et Prévost permet à Govart d’ouvrir la marque pour les Diables Rouges (1-0) et d’arriver à la pause avec cet avantage. À la reprise, le capitaine François Bourbotte sonne la charge en expédiant un « coup de pied retourné » (?) vers l’avant à Roger Vandooren, qui égalise (1-1). Mais sur le coup d’envoi, Vaillant échappe à Prévost, qui est mystérieusement tombé, et s’en va battre le gardien lillois (2-1). Et Prévost se tient le bras : « on le croit légèrement atteint, mas on apprend bientôt qu’il souffre d’une fracture de la clavicule « non confirmée » ». On imagine que depuis le temps, le diagnostic a été affiné. Il faut se réorganiser chez les Lillois : Bourbotte passe demi-centre, et Jadrejak demi-droit. Pas de réussite : dès la 53e minute, les Belges marquent de nouveau, par Thirifays (3-1). « Est-ce la défaite sévère en perspective ? Non pas ! Le brave François fait feu des quatre fers et les attaques belges sont enrayées », tandis que Somerlynck multiplie les attaques « dans le style belge » (?). Il reste un quart d’heure, et les Dogues poussent : Vandooren marque de nouveau (3-2) puis, 3 minutes plus tard, Baratte égalise (3-3). A l’arrivée, les Belges arrachent « un match nul heureux » car « si le LOSC ne s’était pas trouvé dans l’obligation de modifier complètement la formation de ses lignes suite à une blessure assez sérieuse de Prévost, il est probable que la victoire lui serait revenue ». Petite déception pour les dirigeants de l’Union Belge, et grande satisfaction dans la délégation lilloise qui s’est déplacée : MM. Thellier de Poncheville, Kretzschmar, Dufaux, et Lemaire.
Selon A. Charlet, aucun doute sur la « supériorité incontestable du jeu lillois ». Seulement, les Dogues ont pêché par suffisance et ont « préféré faire de la démonstration » : ainsi, Tessier et Lechantre se sont beaucoup amusé à dribbler, suscitant d’ailleurs « maintes fois les applaudissements d’une foule aimable et cordiale ». « Certains hommes se comportèrent en dilettantes : Hatz, Bourbotte, Carré, qui fut notre meilleur homme, méritent des éloges. Vandooren, effacé en première mi-temps, n’en marqua pas moins de 2 buts par la suite, tandis que Somerlynck se distinguait sans cesse par son allant ». Du côté belge, le correspondant salue la pugnacité de joueurs qui visaient à se faire remarquer pour intégrer l’équipe A : « De Buck et Thirifays jouèrent de façon remarquable, la défense fut solide, mais la ligne d’avants joua trop souvent en ordre dispersé ». Quant à l’arbitre, « il avantagea, parfois, l’équipe de Belgique ».
Voilà comment les performances du LOSC lui ont permis de jouer un match de gala, à la fois pour mettre en avant l’équipe B de Belgique tout en symbolisant le retour à la normale après la guerre. Les Diables B rencontreront dans les années suivantes les équipes B de différentes nations, avant que cette équipe ne soit moins utilisée à partir des années 1970. Elle renaît en 1996 en tant qu’équipe « A’ », avec cette même fonction d’antichambre de l’équipe A, sans son aspect plus idéologique. Outre des rencontres internationales, elle permet de boucher les trous du calendrier en proposant des rencontres amicales contre des clubs nationaux : ainsi, en 2003, à Avion a lieu un Belgique A’/Lens, que les Sang & Or remportent 3-1. Probablement une idée inspirée d’une initiative prise 57 ans auparavant. Par la suite, ce sont les équipes Espoirs puis U21 qu’on peut considérer comme les héritières de cette équipe « B ».
Après ce déplacement bruxellois, les Lillois retournent à leurs compétitions nationales. Dans quelques semaines, ils remporteront haut la main le premier championnat de France d’après-guerre, ainsi que la coupe de France. Ils n’affronteront plus l’équipe nationale de Belgique, ni d’ailleurs aucune autre, mais la proximité frontalière maintient l’avantage d’organiser régulièrement des confrontations amicales entre le LOSC et des club belges.
FC Notes
1 Comment ça « c’est pareil aujourd’hui » ?
2 On met entre guillemets car, officiellement, la Belgique est neutre au début du conflit, l’attitude du roi l’est moins, et le pays est entièrement occupé, avec un gouvernement en exil et des colonies du côté des alliés. Quant à la France, elle est officiellement parmi les pays vainqueurs de la guerre.
Posté le 6 décembre 2019 - par dbclosc
Qui a marqué le premier but du LOSC ?
Question simple, réponse complexe. Si on peut à peu près s’entendre sur ce qu’on entend par « but », la controverse porte plutôt sur ce qu’on entend par « premier » et par « LOSC ». Du coup, on vous propose 10 réponses, prétextes à une petite promenade généalogique.
Les historiens du LOSC, les journalistes, les ouvrages consacrés au club, les souvenirs des anciens divergent parfois à propos de l’origine du LOSC, et les quelques incertitudes qui demeurent peuvent être imputés d’une part à la complexité de l’opération de la fusion entre OL et SCF en 1944 ; et d’autre part à un manque de détails dans les sources documentaires, les journaux de l’époque relatant bien plus longuement, et logiquement, les actualités militaires et politiques liées à la Libération du pays. Si bien qu’il reste délicat de relater précisément aujourd’hui les rapports de force qui ont présidé à la décision finale, ou les atermoiements qui ont rythmé les mois d’août, septembre, octobre et novembre 1944 quant au visage que prendrait le grand club lillois, atermoiements que l’on sent bien quand la presse de l’époque annonce tantôt la formation d’un grand club lillois, tantôt la reconstitution de l’OL et du SCF, sans davantage de précision sur ce qui a motivé ces brusques virages.
Toutefois, l’histoire retient une version simplifiée des choses, sur laquelle on peut s’accorder car elle correspond en effet à une certaine réalité : le LOSC s’est formé en 3 temps.
D’abord, le 23 septembre 1944, un accord, non officiel, est trouvé entre les dirigeants du SCF et de l’OL pour la fusion entre les deux clubs rivaux. Ce club s’appellera « stade Lillois », appellation dont on trouve déjà la trace en août 1944, quand les premières rumeurs de concrétisation de la fusion étaient annoncées.
Le 10 novembre 1944, l’accord est renouvelé, alors qu’il avait été sérieusement remis en question depuis le 23 septembre. Le « Stade Lillois » s’appelle désormais « LOSC ».
Le 25 novembre 1944, l’accord est juridiquement officialisé.
Puisqu’on a des dates, on va alors pouvoir répondre à notre question : qui est le premier buteur du LOSC ?
Solution 1 : Jean Baratte (contre Le Havre, 12 novembre 1944)
Logiquement, le premier buteur du LOSC serait le premier qui a marqué pour le club après l’officialisation du nom « LOSC ». Et, si l’on soutient cette hypothèse, il faut alors regarder le match joué le dimanche 12 novembre 1944. Au stade-Henri Jooris, le LOSC s’impose contre Le Havre… 9-2 ! Voilà des débuts fracassants. Si l’on retient principalement de ce match qu’il a vu René Bihel marquer à 5 reprises, c’est bien Jean Baratte qui a ouvert le score contre les Normands, déjà salement bombardés deux mois auparavant.
Ainsi, Jean Baratte, premier buteur du LOSC, semble de prime abord la version la plus défendable pour répondre à notre interrogation. Et comme il est le meilleur buteur de l’histoire du club, la dimension symbolique est également présente. Dans le cadre des 75 ans du LOSC, c’est d’ailleurs l’information que nous avons transmise au club, qui l’a tweetée, avec une formulation suffisamment prudente. Voilà donc sur quoi nous nous sommes basés.
Solution 2 : René Bihel (contre CA Paris, 5 novembre 1944)
Mais au vu de la construction juridique du LOSC, on peut aisément comprendre qu’on puisse faire un autre choix pour déterminer le « premier buteur » du LOSC. Puisque le LOSC est la même structure que le « Stade Lillois », puisque les joueurs sont les mêmes, après tout, ne faut-il pas considérer que le premier buteur du LOSC est le premier buteur du Stade Lillois ? En l’occurrence, Lille avait commencé le championnat sous l’appellation « Stade Lillois », une semaine avant ce match contre Le Havre, c’est-à-dire le 5 novembre 1944. Ce jour-là, en déplacement au CA Paris, le Stade Lillois s’impose 2-1, avec un premier but signé René Bihel, à la 13e minute de jeu.
Solution 3 : Jean Baratte (contre une sélection anglaise, 24 septembre 1944)
Si on prend comme premier buteur du « LOSC » le premier buteur du Stade Lillois, pourquoi ne pas alors prendre en compte les matches amicaux ?
En cette rentrée 1944, le temps que l’on réorganise le championnat, que l’on abandonne les équipes fédérales imposées par le gouvernement de Vichy, le football reprend tardivement (ce qui explique d’ailleurs que le championnat n’ait repris qu’en novembre). Nous avons trouvé la trace du premier match amical joué par le Stade Lillois : le 24 septembre 1944. Depuis quelques jours, avant même que l’annonce de l’accord de fusion ne soit annoncé, le Stade Lillois existe de fait, et s’entraîne ainsi une majeure partie de la défunte équipe « Lille-Flandres ». Au stade Henri-Jooris, ce match amical est très particulier puisqu’il oppose le Stade Lillois à une sélection britannique dont les éléments ont été choisis, par George Berry himself, parmi les unités militaires qui stationnent dans la région. La Voix du Nord indique même que des petites confrontations ont déjà eu lieu lors de sessions d’entraînement au stade Jules-Lemaire (et donc on pourrait trouver un autre buteur!). Cette fois, le match est payant, et sa recette ira au Forces Françaises Intérieures tombées pour la Libération de Lille.
Pour être plus précis, un premier match oppose à 14h15 des amateurs du Stade Lillois à une première sélection britannique. On trouve dans cette équipe lilloise, entre autres, les dénommés Leporcq, Mahieu, Van Velle, Deschodt, Hoden, Dietrich, Cheuva, Kretzschmar, De Cecco, Secq, Waggi, Stricanne, Kherkhove et Debruyckere. Combien ça a fait ? La Voix du Nord ne nous l’indique pas et préfère s’attarder sur la deuxième confrontation, celle de 16h00, où joueront les professionnels. « Par un temps déplaisant », le Stade Lillois l’emporte 3-1. En face, des professionnels, tels que Greenwood (Chelsea) ; Day, de Southampton ; Shotton, de Wrexham ; Hastié, de Raith-Rovers ; et des amateurs « comme l’étonnant gardien de but, Cotteral ». Bon alors, et le premier buteur lillois ? Jean Baratte, 11e minute !
Solution 4 : Jean Baratte (contre Nice-Côte d’Azur, 5 septembre 1943)
Bon, mais puisque qu’on vous écrit que le LOSC est issu du Stade Lillois, lui-même déjà sacrément inspiré de l’équipe fédérale « Lille-Flandres » de la saison 1943-1944, ne faut-il pas se dire que le premier buteur du LOSC est en fait le premier buteur de « Lille-Flandres » ? Pour rappel, cette équipe, imposée par Joseph Pascot, ministre de Vichy, réorganise le championnat national en faisant des footballeurs des fonctionnaires, contre une professionnalisation privée jugée immorale. Sans logique sportive ou historique, ce championnat crée de toutes pièces des équipes telles que « Lens-Artois », « Clermont-Auvergne » ou « Rennes-Bretagne ».
Si l’on regarde la première composition de l’équipe « Lille-Flandres », il y a franchement de quoi y voir une large ossature du futur LOSC. C’était contre « Nice-Côte d’Azur », le 5 septembre 1943 :
Darui – Jadrejak, Decreton – Bourbotte, Stefaniak, Somerlynck – Bihel, Tancré, Baratte, Urbaniak, Lechantre.
On trouve donc dans cette compo des joueurs de l’OL (Darui, Lechantre, Baratte), du SCF (Bourbotte, Jadrejak, Somerlynck, Bihel, Tancré), qui joueront tous ensuite au LOSC, ainsi que Jadrejak et Stefaniak, futurs loscistes. En fait, seul Urbaniak (Excelsior Roubaix) n’est ni ancien ni futur Dogue. Alors, cette fusion imposée, c’est déjà le LOSC ? On peut le défendre. Dans ce cas, qui a marqué le premier but ce jour là ? C’est Jean Baratte, qui signe un doublé et permet une victoire des « Lillois » (2-1).
Solution 5 : René Bihel (contre Lens-Artois, 29 août 1943)
Comme on l’a fait avec le Stade Lillois, autant remonter aux matches amicaux ! Si le LOSC est le Stade Lillois, qui est Lille-Flandres, alors le premier buteur du LOSC est le premier buteur des matches d’avant-saison 1943-1944 ! Vous suivez ?
Le premier match amical de « Lille-Flandres » s’est déroulé au stade Henri-Jooris, le 29 août 1943. L’équipe n’est pas encore entièrement contituée et est alors renforcée de deux des éléments de son adversaire du jour, Lens-Artois : Georges Fougnies et Eugène Battut.
Voici l’équipe alignée : Darui – Somerlynck, Decreton – Merjean, Stefaniak, Jadrejak ; Bihel, Baratte, Battut, Urbaniak, Fougnies.
Score final 1-1. Le but de Lens-Artois a été marqué par Stanis (18e), tandis que Lille-Flandres a égalisé par René Bihel (80e), à la dernière minute, puisque l’arbitre a fait jouer 2 périodes de 40 minutes.
Alors, on a fait le tour ? Non, pas encore. Rappelez-vous ce que nous écrivions plus haut. Si on s’accorde le 10 novembre sur l’appellation « LOSC », ce nom n’est enregistré officiellement que le 25 du même mois (c’est-à-dire novembre). Faut-il alors considérer que le premier but du LOSC est postérieur à cette date ? Ça se défend aussi. Nous défendons tout ici, tels des Jacques Vergès du ballon rond.
Solution 6 : Jean Lechantre (contre le Red Star, 26 novembre 1944)
Dès lors, il faudrait regarder le premier match joué après le 25 novembre. Il s’agit d’un Lille/Red Star, le 26 novembre, 4e journée du championnat. Alors que la Voix du Nord annonce que grâce à son « jeu plus rapide », Lille devrait s’imposer, il n’en est rien : le Red Star vient gagner 2-1 au stade Henri-Jooris. Et pourtant, le LOSC avait ouvert le score. Le buteur ? D’après la Voix du Nord du 28 novembre, 1944, « Nuévo concéda un corner que Lechantre tira au cordeau. Et trois hommes tombèrent en masse sur la balle, dans la cage, écrasant le cuir de leurs corps nerveux ! Lille comptait un but ». Hé ben. Bon, alors soit on dit qu’on ne sait pas, et on lance un appel à ceux qui ont la réponse ; soit on considère que le but est accordé à Lechantre, ce qui est par ailleurs fort possible, car nous avons des stats sur les buteurs de la saison 1944/1945 qui lui accordent plus de buts que ce que nous lui trouvons, pendant que, de notre côté, ce but n’est pas attribué.
Voilà. 6 solutions. C’est tout ? Non.
Si le championnat 1944/1945 s’est déroulé tant bien que mal, il est considéré comme le dernier championnat dit « de guerre », et n’était pas un championnat « national » : les clubs étaient répartis en 2 groupes, et le LOSC était dans le groupe « Nord ». Autrement dit, officiellement, ce championnat n’est pas pris en compte, et Rouen n’est pas champion de France 1945. Nuls et non avenus donc, les buts de Baratte, Lechantre et autre Bihel. Cette non-officialisation explique par exemple qu’on n’accorde à Jean Baratte « que » 218 buts marqués avec le LOSC : c’est parce que ses 10 buts en championnat de la saison 1944-1945 ne sont pas pris en compte. C’est ce qu’a fait la Voix du Nord en novembre 2019 dans son hors-série pour les 75 ans du club. En revanche, le LOSC, dans LOSC In The City n°38, a bien indiqué 228 buts pour Barrate, en prenant en compte, sur nos indications, cette saison 1944/1945. Et donc vous imaginez aisément que le nombre total de buts de Baratte est encore supérieur, puisque nous ne prenons pas en compte les performances de « Lille-Flandres ».
Il nous resterait donc encore 2 solutions pour déterminer le premier buteur du LOSC : s’il faut prendre en compte la première saison « officielle », c’est-à-dire la première saison d’un championnat qui s’est déroulé à l’échelle nationale, alors notre premier buteur du LOSC est soit le premier buteur d’un match d’avant-saison, soit le premier buteur d’un match officiel de la saison 1945/1946.
Solution 7 : Jean-Jacques Kretzschmar (contre Valenciennes, 12 août 1945)
Le LOSC reprend l’entraînement début août 1945. Le 5, un premier amical est organisé à Henri-Jooris. Il est nommé « possibles contre probables » : il faut comprendre par là qu’il s’agit d’une revue d’effectif qui permettra de déterminer, parmi l’ensemble de l’effectif, le 11 type. Si la Voix du Nord nous offre un commentaire sur quelques joueurs (on apprend ainsi que « Grimonpont, Cappelle, Walter et Dubrucq seront des possibles sous peu ») nous n’avons pas trouvé le résultat du match, et avouons qu’une telle opposition interne est trop particulière pour qu’on la prenne en compte. La première opposition amicale de cette saison contre un autre club est située le 12 août, contre l’USVA au stade Nungesser. Le match se termine par un prolifique 5-5. Le premier buteur du match est le Lillois Jean-Jacques Kretzschmar.
Solution 8 : François Bourbotte (contre Cannes, 26 août 1945)
Quant au championnat, et donc au premier match officiel de cette première saison officielle, ça se passe le 26 août. Le LOSC reçoit Cannes-Grasse, l’occasion de revoir une ville du Sud, ce qui n’était pas arrivé ici depuis quelques années. Avec de nombreux absents (Bihel, Baratte et Vandooren, soldats en Allemagne), le LOSC est mené à la mi-temps (0-1). Mais les Dogues égalisent par leur capitaine, François Bourbotte, dès la 49e minute, avant de dérouler (5-1).
Solution 9 : René Bihel (contre Saint-Quentin, 7 janvier 1945)
Dernière (?) astuce, et donc dernière (?) proposition : si le championnat 1944/1945 n’est officiellement pas homologué, la coupe de France, elle, l’est. Le premier buteur du LOSC serait donc le premier buteur de la saison 1944/1945, mais en coupe de France !
Auquel cas, il faut retourner au 7 janvier 1945, date où le LOSC entame la compétition. À Fives, contre Saint-Quentin, le LOSC signe la plus éclatante victoire de son histoire en match officiel : 12-1 ! Et c’est René Bihel, auteur de 7 buts ce jour-là, qui marqué le premier.
Solution 10 : le Buteur inconnu
Allez, ce n’est pas fini. Sur les conseils avisés de Maxime Pousset, nous pouvons émettre une dernière suggestion : le premier buteur du LOSC serait le premier buteur des clubs « fusionnés », à savoir l’Olympique Lillois ou le SC Fives. Et comme l’OL est plus ancien (création en 1902), il faudrait alors prendre en compte son premier buteur.
L’hypothèse n’est pas si farfelue que ça : c’est d’ailleurs une version défendue par Thierry Berthou, historien de formation, qui s’est notamment intéressé au cas du PSG, et qui estime que, contrairement à l’idée répandue selon laquelle le club de la capitale aurait été fondé en 1970, ses origines remonteraient plutôt à… 1904. Pourquoi cette date ? C’est l’année de fondation du Stade Saint-Germain, qui s’est ensuite allié avec le Paris Football Club en 1970 pour former le PSG. Pour T. Berthou, changer de nom, trouver des nouveaux investisseurs ou déposer le bilan n’entraînent pas la création d’un « nouveau » club.
Les histoires officielles des clubs de foot s’écrivent sans règle précise, et il est alors difficile de trouver une ligne de conduite unique dans cette (ré)écriture permanente : en 2000, l’ATAC, le club de Troyes, est devenu l’ESTAC, et tout le monde s’accorde à dire qu’il s’agit du même club ; même procédé pour le Red Star, club de Seine-Saint-Denis, qui a changé neuf fois de nom depuis 1897. On trouve parfois de drôles d’incohérences : ainsi, nos voisins valenciennois, à travers le VAFC, existent officiellement depuis 1996, après le dépôt de bilan de l’USVA. On lui conserve toutefois son titre de champion de France de L2 de 1972…
En ce qui concerne le LOSC, tout le débat est de savoir si la fusion entre l’OL et le SCF en 1944 s’apparente à la création d’un nouveau club, ou à la continuation du club originel par d’autres moyens.
Nous n’avons pas trouvé le premier buteur de l’OL. En attendant de le trouver, si on rendait hommage au buteur inconnu qui, sur le modèle du soldat inconnu qui commémore les soldats morts pour la France au cours de l’histoire, commémorerait tous les buteurs du LOSC au cours de l’histoire ? Bon, le problème est qu’il y aurait un intérêt quasi-mystique à ne jamais trouver son identité, ce qui va à l’encontre de nos actives recherches. On vous tient au courant !
La victoire en coupe de France 1947 est l’occasion pour quelques Dogues de se distinguer en revendiquant le titre de « Premier buteur du LOSC » lors du tour d’honneur. « C’est moi ! C’est moi » hurlent-ils. Le vote du public ne parvient pas à départager les concurrents.
Cet article à la fois pédagogique et amusant rappelle que les statistiques diffèrent selon les références que l’on prend, et notamment les bornes temporelles. Dans cette période, avec le LOSC, c’est particulièrement éloquent : 10 solutions qui varient selon que l’on s’intéresse à des critères juridiques (la création du LOSC, elle-même sujette à interprétation, avec ses « ancêtres » historiques : l’officiel, le Stade Lillois voire l’OL ; et l’officieux, « Lille-Flandres »), institutionnels (la prise en compte des compétitions par les instances officielles) ou plus symboliques (un but est un but).
On résume :
Solution 1 : Jean Baratte (contre Le Havre, 12 novembre 1944)
> Premier but en championnat avec l’appellation « LOSC ». Championnat non homologué.
Solution 2 : René Bihel (contre CA PAris, 5 novembre 1944)
> Premier but en championnat du « Stade Lillois », futur LOSC quelques jours plus tard
Solution 3 : Jean Baratte (contre une sélection anglaise, 24 septembre 1944)
> Premier but en amical avec l’appellation « Stade Lillois »
Solution 4 : Jean Baratte (contre Nice-Côte d’Azur, 5 septembre 1943)
> Premier but en championnat de l’équipe « Lille-Flandres », à l’ossature très losciste.
Solution 5 : René Bihel (contre Lens-Artois, 29 août 1943)
> Premier but en amical de l’équipe « Lille-Flandres », à l’ossature très losciste.
Solution 6 : Jean Lechantre (contre le Red Star, 26 novembre 1944)
> Premier but du LOSC après l’officialisation juridique
Solution 7 : Jean-Jacques Kretzschmar (contre Valenciennes, 12 août 1945)
> Premier but du LOSC en amical en préparation d’une saison homologuée
Solution 8 : François Bourbotte (contre Cannes, 26 août 1945)
> Premier but du LOSC en championnat dans un championnat homologué
Solution 9 : René Bihel (contre Saint-Quentin, 7 janvier 1945)
> Premier but du LOSC en coupe, dans une compétition homologuée
Solution 10 : le Buteur Inconnu
> Premier buteur de l’OL, plus ancien ancêtre du LOSC.
Le récapitulatif autrement, sous la forme de ce tableau :
On vote ?
Posté le 17 octobre 2019 - par dbclosc
Histoire de la Résistance à Lyon : de Jean Moulin à Jean-Claude Nadon
Tout indiquait que Lille prendrait sa deuxième valise de la semaine. C’était sans compter sur le talent, la chance, somme toute la résistance de Jean-Claude Nadon, sauvé 4 fois par ses montants.
4 jours après une claque à domicile contre Metz, d’autant plus cinglante qu’elle intervenait après une sacrée embellie (7 points sur 8 ; 9 buts marqués sur les 4 derniers matches), le LOSC se déplace à Lyon pour la 36e journée du championnat de France de D1 1993/1994, le 30 avril. La belle série a permis l’essentiel : le maintien est assuré. Derrière, Angers est déjà condamné à descendre, tandis que Toulouse ne peut plus recoller aux Dogues. Martigues, 18e, pourrait le faire, mais on a appris quelques jours plus tôt que l’Olympique de Marseille était administrativement relégué suite à l’affaire de corruption VA/OM : Marseille étant dans le haut du classement, le 18e restera donc en première division.
Lyon vise l’Europe
Le LOSC n’a donc plus rien à craindre, hormis une fin de saison humiliante, sur la lancée du match de Metz ; ni à espérer d’ailleurs, si ce n’est accrocher, au mieux, la 12e place. En revanche, la saison n’est pas terminée pour les Lyonnais : 10e avant cette confrontation, ils ne sont qu’à 2 points de la 6e place, qualificative pour la coupe de l’UEFA. Signe que l’OL prend ce match avec le plus grand des sérieux : Bernard Lacombe était à Grimonprez-Jooris mardi soir pour observer ses futurs adversaires. Pour cette confrontation entre une équipe peut-être démobilisée et une autre gonflée à bloc, il y a donc fort à craindre que les Lillois repartent avec zéro point. De plus, Assadourian, sorti prématurément contre Metz, est blessé.
Mais soyons positifs : le LOSC enregistre le retour de ses 4 suspendus, qui avaient manqué le match contre Metz : Kennet Andersson, Oumar Dieng, Jakob Friis-Hansen et Claude Fichaux, tous titulaires. Cela ne signifie toutefois pas que le LOSC jouera à 15 : ces retours se font au détriment de Assadourian donc ; de Garcia et de Dindeleux, cette fois sur le banc ; et de Jean-Luc Buisine. Seules les présences de Sibierski, Andersson et Boutoille semblent témoigner de timides intentions offensives : pour le reste, Mankowski a bétonné derrière avec une défense à quatre (Bonalair, Dieng, Fichaux, Leclercq) et un milieu pas spécialement porté sur l’avant (Bray, Friis-Hansen, Étamé). Les Lyonnais semblent davantage résolus à attaquer avec Franck Gava, Stéphane Roche, Laurent Delamontagne et Florian Maurice.
Le LOSC à 10
Surprise : les Lillois se présentent aux 13 000 spectateurs du stade de Gerland avec des maillots rouges sur lesquels est indiqué… « AOM », le nom d’une compagnie aérienne. Pourtant, le sponsor habituel est Tousalon. Mais les Lillois se sont rendus compte qu’ils n’avaient pas de maillots rouges à manches courtes au nom de leur habituel partenaire : ce sont donc ces tuniques qui ont été extirpées des « oubliettes », comme l’indique la Voix des Sports.
Lille subit toute la première mi-temps, mais Nadon fait bonne garde, en multipliant les interventions rassurantes. Mais le LOSC est à la peine, et les fautes se multiplient : à la 39e minute, José Bray récolte déjà un second avertissement de la part de M. Lartigot. Il faudra terminer en infériorité numérique. Lille recule encore mais atteint la pause sur le score de 0-0.
Jean Tigana a bien compris que Lille ne va pas davantage attaquer : à la pause, il sort un milieu de terrain, Laurent Debrosse, et fait entrer un ancien Dogue en attaque : Abedi Pelé. Les vagues devant le but de Nadon vont déferler.
Oh Hisse acculés
Pas de surprise : le match est désormais à sens unique. Dès l’entame de la seconde période, Franck Gava, du droit, envoie un petit ballon au second poteau qui frappe l’angle du poteau et de la transversale avant de sortir. Ouf ! Et Nadon multiplie les prouesses devant les attaquants lyonnais. Et s’il est battu, comme à l’heure de jeu où une ouverture d’Amoros, un peu cafouillée par Dieng, est récupérée par Maurice qui ajuste Nadon du gauche, son poteau vient à sa rescousse. Le même Maurice, servi par un Gava intenable sur son côté gauche, voit sa reprise de la tête frapper la transversale puis rebondir sur la ligne. Dans une surface de réparation surpeuplée, les Dogues se dégagent comme ils le peuvent. C’est toujours 0-0 et c’est miraculeux pour le LOSC. À un quart d’heure du terme,Tigana lance son dernier atout : James Debbah remplace Stéphane Roche. Nadon repousse toujours, mais est battu à 5 minutes du terme : un nouveau centre de Gava repris de la tête par Pelé est cette fois hors de portée du gardien lillois : mais la transversale repousse encore ! Pour la quatrième fois, Lille s’en remet à ses montants pour sauvegarder le 0-0.
Et à la 90e, alors que les Lyonnais ont oublié de défendre à force de camper dans le camp lillois, Clément Garcia, entré depuis 5 minutes à la place de Boutoille, s’échappe et se retrouve seul face à Pascal Olmeta. Il tente un lob qui retombe doucement.. juste à côté du poteau ! Le LOSC, acculé durant 90 minutes, a bien failli réussir le hold-up de l’année.
« Putain ! Bravo ! »
Le héros de la soirée, c’est bien sûr Jean-Claude Nadon. Les plus anciens évoquent une résistance jamais vue depuis celle de Jean Moulin. Bien servi par la chance, il a aussi réussi quelques superbes arrêts. Ayew Pelé est admiratif vis-à-vis de son ex-équipier : « Jean-Claude Nadon m’a épaté ! Je sais depuis longtemps qu’il est un des meilleurs gardiens français, mais il a encore sorti un grand match. Avec la chance comme alliée ». De même, Pascal Olmeta, qui a été sifflé par la moitié de son public pour avoir dansé la samba 4 jours avant avec le kop marseillais lors du déplacement de l’OL à Marseille, félicite Jean-Claude, dont on rappelle que le prénom a les mêmes initiales que celles de Jésus-Christ. La Voix des Sports rapporte qu’il est allé interrompre la prestation de Nadon devant les journalistes pour lui dire : « Putain ! Bravo ! ». Qu’en pense le principal intéressé ? « Je ne me sentais pas invincible, mais presque. La chance est venue au secours d’une équipe qui avait à cœur d’effacer sa contre-performance de mardi. Tout le monde a fait son boulot et je suis très satisfait. Dommage que l’équipe montre encore autant de visages différents tout au long d’une saison. En foot, rien n’est acquis et ce ne sont pas 3 victoires consécutives qui bâtissent une saison. Restons humbles, faisons-nous plaisir en gardant les pieds sur terre. Et ne nous foutons pas de la gueule des gens qui payent pour nous voir jouer »
Lyon s’est heurté à un mur
Après le match, Mankowski fait d’abord dans la bonne blague : « Si je voulais faire dans l’humour, je dirais que les Lyonnais l’ont échappé belle », référence à l’occasion de dernière minute, bien entendu. Mais tout le monde s’entend bien : si Nadon a été « exceptionnel », Lille a eu « un beau brin de chance » : « la résistance losciste a été belle, pathétique pour les uns, désespérante pour les autres » souligne la Voix des Sports. « C’est un peu comme si José Bray avait été remplacé par les poteaux » souligne Alain Martinne. Pierre Mankowski relativise du coup la déroute enregistrée contre Metz. Finalement, ce résultat à Lyon, avec la quasi-équipe-type, est dans la continuité des progrès des dernières semaines : « nous avons réussi, grâce à Jean Claude Nadon mais aussi à toute l’équipe, une très bonne opération. C’est vrai que nous avons eu énormément de chance mais ces hauts et ces bas font partie de l’histoire d’une saison. C’est la preuve qu’il ne fallait pas donner une importance démesurée à notre lourde défaite face à Metz. Avec l’équipe alignée mardi, nous aurions explosé à Gerland, j’en suis certain ! » Belle marque de confiance envers les jeunes, ça fait plaisir ! Son homologue lyonnais, Jean Tigana, est résigné : « c’est vrai que les Lillois ont eu un maximum de réussite. Mais nous les avons bien aidés en ne sachant pas élargir notre jeu, en manquant d’initiative dans la conclusion de nos actions. Franchement, nous ne méritions pas de décrocher une participation européenne cette saison ».
4 poteaux concédés sans encaisser un but : ce scénario se répétera 7 ans plus tard, à Troyes, d’où Lille ramena une miraculeuse victoire avant de débuter sa campagne de Ligue des Champions. Et, de plus, Greg Wimbée avait stoppé un pénalty dans le temps additionnel, on en avait parlé ici.
Voici un résumé du match à Lyon :
Au pied du mur après sa défaite contre Metz, le LOSC a au moins rassuré sur le terrain. En coulisses, avec les changements administratifs et politiques qui se dessinent durant ce printemps, on se demande toujours si le LOSC n’y va pas tout droit (dans le mur). En attendant, dès le lendemain, c’est Ayrton Senna qui s’y colle.
Posté le 22 août 2019 - par dbclosc
La plus belle des défaites
Après la surprenante et magnifique victoire du match aller à Parme pour ses débuts en coupe d’Europe, le LOSC doit finir le travail à Grimonprez-Jooris pour accéder à la Ligue des Champions. Mais il découvre la pression, et si ses joueurs semblent dans un premier temps animés de bonnes intentions, le but parmesan crispe les Dogues. Dans une ambiance haletante sur le terrain et survoltée en tribunes, ils parviennent à maintenir un but d’avance sur l’ensemble des deux matches.
Pour son baptême du feu européen, le LOSC s’est imposé à Parme : un exploit. Après une telle performance, il parait que les Dogues ont 98% de chances de se qualifier, sur la foi des confrontations européennes précédentes. Jusqu’alors, le LOSC, profitant de l’effet de surprise, aussi bien tout au long de la saison 2000/2001 en D1 que pour le match aller à Parme, a joué presque sans pression : en gros, « on n’a rien à perdre ». Oui, mais avec une victoire 0-2 en Italie, il y a désormais gros à perdre : le rêve de jouer en Ligue des Champions, un rêve si bien esquissé qu’on s’y voit déjà alors qu’il reste (au moins) 90 minutes à jouer face à, toujours, une redoutable équipe. Après les déclarations enflammées du soir de la victoire, la prudence reste donc de mise : « à la fin du match, Vahid nous est rentré dedans, il nous a prévenus que le retour serait terrible. Pour certains, on se voyait qualifiés et on se demandait qui on prendrait en Champions League » se rappelle Johnny Ecker. Il faudra donc faire abstraction d’une presse unanime à saluer ses nouveaux héros. La victoire de l’aller a en effet suscité des réactions dans toute la presse. En voici une sélection.
Le Monde (9 août) : « le LOSC a étendu aux frontières européennes sa réputation d’ équipe difficile à jouer » ;
Ouest France (9 août) : « Lille, c’est champion L’exploit est tout proche, un de plus pour ces Lillois qui n’en finissent pas de nous surprendre » ;
Nord éclair (10 août) : « les adjectifs manquent pour décrire la performance des Lillois » ;
France Football (10 août) : « Le LOSC a réalisé un authentique exploit. La Ligue des Champions est désormais à portée de main d’une équipe de plus en plus étonnante ».
Lille découvre la pression
Après la victoire face à Montpellier samedi, on peut enfin se concentrer sur ce match. L’attente est forte. 450 maillots et 3 500 écharpes ont été vendus depuis 20 jours dans le minuscule préfabriqué du pied de la tribune Seconde qui sert de boutique : le stock prévu pour 6 mois a été vendu depuis le début de saison et, depuis le match aller, la boutique fait quotidiennement la recette des soirs de match (30 000 F, 4 500€). Difficile donc de se cacher complètement. Vahid le reconnaît : « on n’est pas qualifiés, mais favoris ». Le président Francis Graille évoque même une éventuelle déception en cas de non-qualification : « on n’est pas encore qualifiés. Avant d’aller à Parme, c’était de l’ordre de 5, voire 10% de chances. Aujourd’hui, je dis qu’on a une chance sur deux. Mais c’est vrai qu’après le match fourni là-bas, on serait tous terriblement déçus de ne pas être qualifiés ». Lille favori ! Comment appréhender cette nouveauté ? Alors que la presse rappelle – à juste titre – combien le club a souffert d’un manque de crédibilité et de légitimité depuis plusieurs décennies et qu’il était encore en D2 quelques mois avant, le voilà en position de force face à un ogre européen. « Pour la première fois de ma vie, j’ai les mains moites. On a tellement envie qu’ils fassent quelque chose » espère Stéphane Pauwels. Alors on commence à se poser des questions, ce qui n’est pas déjà pas toujours bon signe pour un club qui s’est notamment signalé pour sa fraîcheur et sa spontanéité. Sur le terrain, comment jouer ? Faut-il attaquer, défendre ? En coulisses, comment recevoir les dirigeants italiens ? Quelles consignes de sécurité ? Quel accueil pour les nombreux journalistes ? Tout peut-il exploser en vol ? Francis Graille rappelle l’essentiel : « il y a un risque, c’est celui de nous prendre pour ce que nous ne sommes pas. N’oublions pas qu’on était en D2 il y 14 mois. Nous avons une chance invraisemblable de jouer la ligue des champions, mais nous devons impérativement rester sur terre et ne pas nous éloigner des valeurs de ce club. L’essentiel reste d’assurer la pérennité du LOSC en première division ».
Main + prise à la gorge en escaladant l’adversaire, c’est pas sifflé en Italie
La plus faible affluence de la saison.. sauf en tribune de presse
La déferlante médiatique sur Grimonprez est sans précédent : en moyenne, 45 personnes sont accréditées « presse » pour suivre le LOSC depuis qu’il est remonté en D1 ; ce mercredi, ce sera 162, dont une trentaine de Japonais ! À 9 mois de la coupe du monde en Asie, la Nakatamania passe par Lille. Et comme on compte 7 quotidiens nationaux sportifs au Japon, tous tirés à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires… Dans le détail, on compte 52 journalistes audiovisuels, 72 journalistes de médias écrits et d’agences de presse, et 38 photographes. Le match est en outre retransmis sur 3 chaînes de télévision (2 télévisions publiques, en France et en Italie, et une chaîne japonaise, Wowo). L’exiguïté de la tribune de presse du stade, qui ne compte que 40 pupitres, a obligé le LOSC à bricoler : on a libéré pour les journalistes une rangée de strapontins en tribune officielle et 35 places en présidentielles.
Si la présence des journalistes est massive, les contraintes imposées par l’UEFA ont réduit la capacité d’accueil du stade de 21 000 à 14 700 places. Comme il y a la foire aux manèges sur le champ de mars, c’est toujours ça de réglé niveau stationnement. 1056 fauteuils ont été placés en Seconde basse, ce qui prend de la place, et les deux virages sont fermés au public : on y place un maillot géant de chaque équipe.
Étonnamment, la Voix du Nord nous apprend le matin du match qu’en cas de qualification de Lille, le club a envisagé la possibilité d’un envahissement de terrain, et ne semble pas décidé à l’empêcher. 220 stadiers seront chargés de le gérer, c’est 30 de moins que lors des matchs à « haut risque » (contre Paris, Marseille et Lens) et on note la présence de deux compagnies de CRS (120 personnes) autour du stade.
Parme à bloc
Du côté parmesan, de grosses critiques ont suivi le match aller, contre l’équipe de Parme, honteusement battue et presque éliminée par une équipe composée d’inconnus, à tel point qu’on voit mal les Italiens s’en sortir. Le coach Ulivierai serait déjà menacé et la presse italienne rappelle que Ancelotti et Zaccheroni sont libres. Selon Il Corriere della Sera, que l’on peut traduire par Le Courrier Picard de la région de Parme, « Parme est déjà en coupe UEFA, sorti par une équipe de Lille buonissima, technique et plus avancée dans la préparation », alors même que le budget du LOSC « suffirait à nourrir Cannavaro et quelques autres ». Pour davantage valoriser la performance de son équipe et lui évacuer un peu de pression, Halilhodzic souligne que les Italiens « seront certainement plus fort après les gifles qu’ils ont reçues de la part médias ».
Et au-delà, la défaite parmesane serait révélatrice de la perte de vitesse du football italien en Europe. En témoigne la défaite, au même moment dans ce tour préliminaire, de la Lazio de Rome, à Copenhague (1-2). Le journal Il resto del Carlino, que l’on peut traduire par Le resto de Carlino où on mange des pizzas, rappelle que Sébastien Frey est bien décidé à ne pas revivre la mésaventure qu’il a vécue un an auparavant : éliminé par Helsingborg avec l’Inter Milan au même stade de la compétition.
Mais on souligne aussi côté italien que ces contre-performances sont dues en partie à la reprise tardive du championnat italien, fin août, ce qui entraîne un retard dans la préparation des clubs. Or, cette fois, avec 15 jours de plus de préparation dans les jambes, il se pourrait que les rapports de forces s’inversent. De plus, l’expérience des joueurs de l’équipe de Parme pourrait leur permettre de gérer les différentes phases du match, là où les Lillois sont tout à fait novices en la matière : seuls Bassir, Ecker et Murati ont une (petite) expérience européenne, auxquels on peut ajouter la (petite) expérience en sélection de Beck. Assez curieusement si l’on se fie au seul score du match aller, les Italiens sont confiants et les Lillois sont méfiants ; quand on regarde les effectifs et leur expérience, on peut comprendre ce sentiment. L’entraineur de Parme trouve des raisons facilement surmontables à la défaite de l’aller : « le match aller n’est pas si négatif. Si nous avons perdu, ce n’est pas en raison de la supériorité lillloise mais de notre condition physique imparfaite, de 2 buts venus d’ailleurs et d’un arbitrage presque constamment anti-italien. Dix mois sur douze, nous sommes supérieurs aux Français. Depuis le match aller, nous nous sommes améliorés et la musique sera différente ». Les Parmesans, sous les yeux de Bruno Baronchelli et de Marcel Campagnac, ont de nouveau perdu en amical. Certes, contre Barcelone, 2-3, avec 2 buts marqués en toute fin de match.
Les joueurs Italiens arrivent à Lille le mardi 21 vers midi et logent dans le même hôtel que certains adversaires récents de Lens en coupe d’Europe. Ils amènent leur eau minérale et leur cuisinier. Alors que les Lillois, restés à Parme un peu plus de 48 heures, avaient pris le temps de visiter la ville, les Parmesans ne sortiront que pour un entraînement le soir de 19h à 20h à Grimonprez-Jooris (à huis clos), et réveil musculaire le lendemain de 10h30 à 11h30 au Stadium (à huis-clos aussi).
Un premier couac intervient au moment de l’arrivée du bus des journalistes italiens (qui logent au Carlton, sur recommandation du club de Parme) : l’attaché de presse est mécontent que le bus ait attendu 15 minutes devant Grimonprez-Joors. Il engueule Loïc Yviquel, directeur de la com du LOSC, et, par ailleurs, les Parmesans se plaignent qu’il n’y ait pas eu de dirigeant lillois pour les accueillir à l’aéroport. Dans un premier temps, la Voix du Nord relate un « responsable de la sécurité aux abois, un vigile stressé, c’était risible et consternant ». Puis M. Yviquel réplique : « j’aimerais bien qu’on m’explique exactement ce qu’ils ont à nous reprocher. Nous sommes allés les chercher directement à l’aéroport, sur une piste privée. Nous avions 4 hôtesses, dont deux bilingues, qui les ont reçus avec des cadeaux. Pour les encadrants, nous avons mis à disposition deux voitures haut de gamme. C’est vrai qu’ils ont attendu un quart d’heure devant la grille de Grimonprez-Jooris. Mais quand on dit qu’on vient à 18h et qu’on arrive à 17h45, on peut s’attendre à voir portes closes ». On va dire que les coups de pression se font aussi en dehors du terrain.
Vahid (s’em)brouille les pistes
Côté lillois, la mise au vert a débuté le lundi à 11h30. Un dernier entraînement, comme pour les Italiens, est prévu le mardi à 17h30. Avant, un petit tour par le zoo de Lille est prévu en matinée. Alors qu’il faut reprendre Vahid, qui s’amuse à prendre le taureau par les cornes, Fernando D’Amico se montre très intéressé par le bocal contenant des sangsues. Après le match, il est prévu que les joueurs mangent avec leurs épouses « afin de ne pas se disperser alimentairement à 4 jours du derby » selon Stéphane Pauwels : toute précaution, même sexiste, est bonne à prendre avant un Lens-Lille (le dimanche 26).
Lors de la traditionnelle conférence de presse de veille de match, en général, l’entraîneur se présente avec son capitaine. Avant le match aller, Vahid avait déjà innové en se présentant avec, en effet, son capitaine, Pascal Cygan, mais aussi avec Patrick Collot. Et cette fois, Vahid n’est accompagné que de… Christophe Landrin, le seul blessé. L’entraîneur de Parme n’est pas en reste : il fait venir son capitaine Canavarro, mais aussi Alain Boghossian, absent lors de la première confrontation. En partie parce que ce dernier est français et peut donc répondre facilement à tous, mais aussi parce qu’il y a un doute sur sa titularisation : au poste de milieu défensif, c’est lui ou Sabri Lamouchi.
Avec cet excellent jeu « tiens-moi le polo avec un sourire bêta », ils ne savent pas encore que ceci sera le meilleur moment de leur soirée.
Pour Vahid, c’est « le jour le plus important de l’histoire du club ». Il se montre offensif : « je n’avais pas apprécié que les journaux italiens nous traitent avec mépris. Je sais bien que Lille est moins fort que le Brésil de Pelé et de Garrincha et je n’ai jamais prétendu le contraire. Parme a de meilleurs joueurs que nous, un meilleur entraîneur peut-être… En Italie, je n’avais pas aligné une équipe pour rigoler. Et ce sera la même chose ce soir (…) Le LOSC est capable de faire quelque chose d’énorme. Même en Italie, on va savoir où se trouve Lille ! ». Oui mais comment jouer ? « Le grand danger serait de vouloir défendre nos 2 buts d’avance. Nous devons nous persuader que c’est un nouveau match qui commence, que nous sommes à 0-0 et qu’il faut gagner ». Djezon Boutoille, de son côté, se « réjouit de revenir dans une semaine où se jouera une partie de la saison avec l’Europe puis le derby dont on connaît l’impact psychologique ». Sur le terrain, « on va prendre notre temps et casser le rythme ». Mais les Lillois doutent : et si Parme marquait rapidement ? « Je ne sais pas alors comment nous supporterons la pression » rassure Pascal Cygan.
Le Jour J, Vahid parle à ses joueurs un par un, puis développe un long briefing tactique. Selon Grégory Wimbée, qui nous l’avait confié, ce moment n’est pas très bien passé et a crispé les joueurs : « on avait la pression. Le matin du match, on a vu des vidéos : un montage sur ce qui avait été, et un montage sur ce qui n’avait pas été. Sur ce qui a été, ça a duré 3 minutes, sur ce qui n’a pas été, ça a duré 20 minutes. Et sur les 3 minutes qui allaient, il trouvait à redire et finalement ce n’était pas bien ! Donc on se rend compte après cette causerie-là – parce qu’il en a fait plein des causeries avant le retour – qu’on a eu un gros coup de cul. Et comment on va faire maintenant..? C’est la seule fois à Lille, avec tous les joueurs, lors de la collation du midi, où il n’y a pas un mot à table. Mais pas un mot. On est tous blancs ».
Il reste encore 700 places à vendre le matin du match. Grimonprez-Jooris ouvre ses portes à 18h30. Le LOSC est à 90 minutes de la phase finale de la Ligue des Champions : pour y parvenir, il doit faire tout résultat meilleur qu’une défaite par 2 buts d’écart. Et deux buts d’écart à partir de 1-3 qualifient les Italiens au bénéfice des buts marqués à l’extérieur. En cas de prolongation (seulement si les Italiens gagnent 2-0), il y aura 30 minutes de prolongation, sans but en or (qui est alors la règle en vigueur dans les compétitions internationales). En France, le match est diffusé sur France 3, et commenté par Charles Biétry et Christophe Josse.
Voici la bande-annonce qui ne donne pas de frissons :
Il fait très chaud et lourd toute la journée à Lille. Officiellement, 14 358 spectateurs ont pris place en tribunes. Les Secondes « haute » ne sont pas remplies car bon nombre de ses spectateurs ont migré vers les Secondes « basse » (vu qu’il y a de la place à cause des sièges de l’UEFA…). Côté VIP, on note les présences de Martine Aubry, Mouss Diouf, Maxime (le comique), Charly Samoy, Bernard Lecomte. Dagui Bakari a l’heureuse surprise de retrouver Paul Fellice, son premier entraîneur à Romainville.
Le LOSC se présente avec son maillot habituel. En revanche, l’UEFA a jugé le sponsor trop voyant sur le short et le logo du club trop voyant sur les chaussettes, donc on a revu la tenue avec un bleu différent, plus foncé, car Kipsta n’avait plus que ça en magasin.
On part sur le même schéma qu’au match aller, avec 3 défenseurs centraux et 2 latéraux qui comblent les côtés. Christophe Landrin, brillant à l’aller, est blessé au tendon d’achille : il est remplacé par Bruno Cheyrou. Surprise : Boutoille, tout juste revenu, est également titularisé à la place de Bassir, qui se plaint du dos.
À Parme, retour de Boghossian. Milosevic est relégué sur le banc.
Présentation du match en vidéo :
20 bonnes premières minutes
Sur l’engagement, le ballon arrive assez vite en retrait sur Grégory Wimbée. Comme il nous l’avait dit : « tu regardes la 1e mi-temps : même une passe de 10 mètres, je n’arrive pas à la faire. Je n’ai jamais eu davantage peur de toute ma carrière ». Et en effet cette première relance est pour le moins laborieuse : une sorte de pointu assez imprécis, qui met Stéphane Pichot en difficulté mais, fort heureusement, il s’en tire avec un coup-franc. Dans la foulée, le deuxième dégagement de Greg est bon et parvient à Boutoille, qui frappe du gauche sur Sébastien Frey.
En ce tout début de match, on note un bon travail de récupération (notamment de la part de N’Diaye et de Pichot), et Bakari, sur qui on joue long, semble aussi bien parti pour emmerder la défense adverse que lors du match aller. C’est bien le LOSC qui tente de construire, alors que les Parmesans sont assez brouillons. Il ne manque qu’un peu de fluidité dans les 30 derniers mètres, mais on est plutôt rassurés. Dès la 7e minute, un premier duel Nakata/D’Amico près du poteau de corner tourne en faveur de notre Argentin, et le Japonais a déjà l’air de revivre son cauchemar d’il y a 15 jours. Après un premier coup-franc dangereux de Cheyou (10e), chaque enchaînement de plus de 3 passes est salué par des vivas du public, comme à la 12e minute, où Fahmi, N’Diaye, Pichot, Boutoille, Tafforeau et Cheyrou permettent une remontée de balle qui termine en touche mais ça rassure, et on gagne (déjà) du temps. S’il n’y a pas encore lieu de vraiment s’inquiéter, on est presque dans une configuration de fin de match où on mènerait : il s’agit de mettre le ballon le plus loin possible de notre but.
À la 15e minute, Vahid se signale en contrôlant magnifiquement un ballon dégagé en touche par Pichot. Dans la foulée, le contrôle de Dagui est moins bon, puisqu’il s’aide du bras. Sa frappe en pivot part au-dessus, mais il signale encore sa présence. Interrogé sur France 3 depuis le banc, Patrick Collot souligne qu’il s’agit surtout de « bien défendre ». Il faut attendre la 19e pour voir une première incursion dangereuse des Parmesans : un faux rebond trompe Cygan, et Marchioni passe à Di Vaio qui ouvre à droite à Nakata. Son centre est envoyé en corner par Pichot. Joué vite, le corner ne donne rien, hormis un premier carton pour Di Vaio qui découpe Fernando D’Amico.
Bon, ça va, Parme n’a pas trop l’air de savoir quoi faire. Quelques-unes des actions décrites ci-dessus sont à voir ici :
Difficile fin de première période
26e minute : on est dans le camp de Parme, à proximité de la surface de réparation. Boghossian résiste à un tirage de maillot de N’Diaye. Le danger semble loin, mais Almeyda sort et trouve un relais avec Nakata, et fonce tout droit. Pascal Cygan est obligé de l’arrêter à 30 mètres des buts. Sympa, l’arbitre ne lui donne pas d’avertissement.
3 parmesans sont dans le mur, avec Nakata et Sensini près du ballon. C’est frappé par l’Argentin qui surmonte le mur et laisse Wimbée cloué sur place. 0-1.
Silence pendant quelques secondes, puis forte réaction du public. C’est à ce moment-là que le LOSC, pas mis en danger jusqu’alors, perd pied, et va vivre une pénible fin de période. Le but paralyse les joueurs. Même dans le public, on sent l’angoisse avec de longs moments de silence et des sueurs froides dès que les Italiens approchent la surface de réparation.
France 3 affiche pendant 2 secondes un score de 4-3 avec des buts lillois de Ecker, Pichot, Collot et Allibert. Si seulement !
Mais même avec un Boghossian très en vue, Parme ne se crée par d’occasion pour autant. Les Italiens jouent presque « à la lilloise », avec de longs ballons et des déviations de la tête. Pour se rassurer, le duel Nakata/D’Amico offre un divertissement régulier et bienvenu. Ponctuellement, Bakari joue les poisons devant et oblige Parme à dégager n’importe comment. Mais globalement, tout le monde est derrière et pare au plus pressé, avec un Bruno Cheyrou vraiment pas à l’aise dans ce genre de configuration. En fin de première période, ça s’agite : une altercation survient car Boghossian reproche à Bakari de mettre le coude sur Almeyda. Résultat, c’est Beau Gosse Chiant qui prend un carton, l’arbitre lui faisant comprendre que ça fait 4 fois qu’il proteste et que ça commence à bien faire, gros malin. Au tour de Fahmi de prendre ensuite un jaune pour avoir empêché les Parmesans de jouer vite un coup-franc ; tiré une seconde fois par Nakata, il est légèrement dévié par Boghossian alors qu’Almeyda était lancé et semblait mieux placé… ça passe à côté.
La mi-temps est sifflée. Boutoille souligne à juste titre que Lille avait bien démarré mais se retrouve désormais hésitant : « on ne sait pas si on doit attaquer ou défendre. On a les fesses entre deux chaises. C’est très difficile ».
« Il faut pas lâcher ! » : une mi-temps salvatrice
Bien sûr, le sort d’un match se joue sur la pelouse. Mais nul doute que ce soir, il se joue aussi dans le vestiaire. Les Lillois quittent la pelouse manifestement pas très bien dans leur tête, comme en témoigne cette déclaration de Boutoille. Si Wimbée n’a pas grand chose à se reprocher sur le but, son attitude, ainsi englué sur sa ligne, symbolise la retenue des Dogues. Le même Greg nous a dit : « à la mi-temps, il s’est passé des trucs dans le vestiaire. En deuxième mi-temps, on est revenus avec d’autres intentions ». En l’occurrence, la Voix du Nord rapporte que ce sont notamment Abdel Fahmi et Fernando D’Amico qui ont mis les joueurs face à leurs responsabilités. Au retour des vestiaires, Fernando donne un aperçu de ce qui a pu se passer dans le groupe, avec une phrase devenue culte.
Du côté de Parme, Gurenko est remplacé par Junior. Comme il fait toujours aussi chaud, on lui demande souvent « Junior, t’as l’eau ? »
Dans un premier temps, on a le sentiment qu’on est hélas reparti sur les mêmes bases. Pire, que Parme joue même un cran plus haut, comme si avoir un but d’avance à la mi-temps sans trop se découvrir était exactement ce qu’ils cherchaient pour mieux porter le coup de grâce ensuite. Pascal Cygan dévie un ballon chaud de Nakata dans les 6 mètres (46e). Les Italiens jouent vite, et seuls quelques coups-francs permettent de souffler. Puis, peu à peu, on redécouvre quelques signes encourageants, comme ce ballon capté par Wimbée sur un corner (51e). Puis le LOSC montre son nez. À la 53e, Pichot envoie un bon ballon vers Djezon, qui s’excentre. C’est récupéré par Junior, mais N’Diaye et Pichot récupèrent le ballon, qui revient à droite sur Boutoille, qui nous fait une Momo Camara : un centre-tir qui file en lucarne. Mais Frey est attentif et capte la balle. Autour de a 55e, on voit un LOSC coupé en deux : on balance à Boutoille ou Bakari devant. En tout cas on respire depuis 3 minutes, et le public s’emballe. Alors que Milosevic est entré (56e), les Italiens tentent des solutions lointaines, avec Almeyda de 30 mètres, au-dessus (59e)
61e Sur une longue balle d’Ecker, Boutoille s’efface pour Bakari, qui fait un vieux sombrero puis frappe de la tête à 13 mètres du but, mais ça manque de force et ça ne lobe pas Frey.
Les Parmesans sont 4 derrière, puis il n’y a personne sur 25 mètres. Les contacts sont plus agressifs. Fernando prend enfin son carton à la 64e, et offre le même coup-franc qu’en première mi-temps… Après un instant de frayeur, tout le monde souffle : c’est trop haut, et Wimbée rassure en accompagnant tranquillement. Sur la relance, un une-deux Boutoille/Bakari termine par une chute suspecte de Dagui dans la surface. Dans la continuité, Johnny Ecker fait une monstrueuse remontée sur 50 mètres et donne à N’Diaye, à droite. Son centre trouve la tête de Dagui aux 6 mètres : au dessus ! Était-il déconcentré par l’action précédente ? De toute façon, il semble qu’il y avait hors-jeu. Vahid profite de ce moment pour mettre un coup de pression sur l’entraîneur adverse, qui ne cesse de s’agiter sur son banc.
Boghossian sort, Lamouchi, plus offensif, entre. Cette fois, Parme joue le tout pour le tout, et met des coups. Par exemple, Cannavaro prend un jaune pour une faute sur Pichot, qui semble lui dire du regard que les Dogues ne vont pas se laisser faire. C’est chaud et on commence à suffoquer.
71e : Almeyda trouve Nakata à droite qui, pour une fois, a échappé à D’Amico. Di Vaio ne peut pas reprendre car Fahmi est bien placé. Bassir remplace Boutoille. On profite que Bakari est au sol pour stopper le jeu et boire. Il fait lourd et l’orage est toujours attendu. À la 74e, Lamouchi frappe de 25 mètres : c’est dévié en corner.
Fernando D’Amico continue son festival, sur Di Vaio puis Nakata, puis sur Nakata, et Nakata.
Un dernier quart d’heure épique
Il reste un quart d’heure quand le match prend une tournure qui ne changera pas : Lille ne cherche plus à contre-attaquer ou à construire. Il s’agit seulement de ne pas prendre un deuxième but. Les Italiens campent dans le camp lillois. On pourrait se dire que la stratégie est dangereuse mais, dans le même temps, la défense des Dogues est rassurante, alors que les Italiens semblent se précipiter et montrent de l’agacement. Il y a toujours un arrière bien placé pour dégager (Cygan devant Milosevic, 77e ; Ecker devant Lamouchi, 78e). Et Wimbée commence à attirer les ballons : il sort à-propos loin de sa ligne pour capter une balle de Cannavaro (82e). Dans la foulée, Nakata, à gauche, sert Lamouchi. Après un contrôle dans la surface, il se retrouve seul face à Wimbée et parvient à mettre un pointu à 10 mètres du but. Cette fois, pense-t-on, c’est dedans. Mais Wimbée la sort d’un superbe réflexe ! Sur le corner, repris de la tête, Milosevic manque d’un rien sa reprise aux 6 mètres, et Wimbée est encore là. Tout comme sur une reprise de Sensini (84e) puis de Di Vaio (87e). Entre-temps, Benoît Cheyrou a remplacé son frère (85e) et un coup-franc de Nakata coupé par Milosevic au premier poteau a fini à côté (86e). L’équipe est en danger mais tient, et le public, lui-même harangué par D’Amico et Collot, pousse. Tout le monde est debout en tribunes. L’exploit est proche. Malgré quelques sorties de balle mal négociées, les Dogues ne subissent plus d’occasion dans le temps additionnel. Une dernière remontée de Bassir est stoppée par Djetou. Les Italiens n’ont pas le temps de relancer : l’arbitre siffle la fin du match. Lille a perdu ce soir, mais signe le plus grand exploit de son histoire. Le public ne s’y trompe pas et scande spontanément le prénom de son entraîneur.
« On s’est battus jusqu’au dernier moment. On avait peur en première mi-temps… À la mi-temps j’ai dit : ‘les gars, pourquoi vous avez peur ? Il faut continuer à jouer !’ » réagit Vahid, en larmes, sur France 3. Les joueurs italiens restent aussi quelques instants sur la pelouse, incrédules : ils sont bien éliminés par cette équipe dont ils n’avaient jamais entendu parler avant le tirage au sort.
Bruno Cheyrou se précipite dans les vestiaires pour récupérer un maillot de Christophe Pignol, dont on apprendra plus tard qu’il est à cet instant dans la période la plus difficile de son traitement. En associant leur coéquipier malade à cette qualification et au tour d’honneur, les Dogues rappellent une nouvelle fois qu’on ne les soutient pas que pour leurs qualités footballistiques.
Fierté
Il y a des salles des fêtes, et il y a des belles défaites : le LOSC jouera la Ligue des Champions 2001/2002. L’exploit est immense, et il est d’autant plus émouvant qu’il a été acquis dans la souffrance, et surtout au regard des années de galère qui l’ont précédé. Bernard Lecomte est sans doute le mieux placé pour en parler : « je suis vraiment très ému, surtout après avoir vécu ce que nous avons vécu. Il y a une morale dans toute cette histoire. Voyez, ça arrive. Nous avons eu un peu de chance, mais il y a eu surtout du travail ».
Dès 22h55, on constate un premier rassemblement sur la Grand’place. La Voix du Nord souligne qu’ « on loue une bande de gars simples, accessibles, compréhensibles, proches ». Vers 23h10 arrivent celles et ceux qui étaient au stade, et l’ambiance est soudain plus chaude. S’exprime la fierté d’un public longtemps frustré. Le « ceux qui ne sautent pas sont des Lensois ! » rencontre un franc succès : il y aura encore de la coupe d’Europe au stade Bollaert, mais cette fois c’est le LOSC qui y jouera.
Le lendemain, la Voix du Nord, sous la plume de Philippe Caron, écrit :
« Jusqu’où peuvent-ils aller en affichant autant de talent et de cœur sur deux matches ? Quelle leçon de courage et quelle leçon de fraîcheur ils nous ont données (…) Les grands clubs, dit-on, ne meurent jamais (même ceux qui n’ont pas de stade !) C’est bien le cas du LOSC. Aujourd’hui, comme ses prestigieux aînés de l’après-guerre, la génération 2000 des Cygan, Wimbée, Cheyrou ou Ecker est irrésistible parce qu’elle sait donner un sens au mot équipe et surtout parce qu’elle a la victoire en elle. À chaque match, ses joueurs sont comme habités par une force intérieure puissante mise au service d’une organisation de jeu magistralement orchestrée par le magicien Halilhodzic.
Avec une entrée aussi remarquée dans la cour des grands et dans les annales de l’histoire du football, les Lillois se retrouvent par la même occasion projetés au rang d’ambassadeurs d’une ville et d’une région. Ça tombe bien, tant ils incarnent, comme les Lensois, les vertus du Nord-Pas-de-Calais où l’on cultive les valeurs d’humilité, de solidarité et de rigueur à la tâche de préférence au tape-à-l’oeil et au surfait par l’argent ».
Le dernier quart d’heure en vidéo :
L’aventure continue
Vendredi 24 août, à Monaco : le tirage au sort offre Helsinki… pour Parme, en C3. Ahah.
En C1, Lille affrontera Manchester United, La Corogne, et Olympiakos Le Pirée. Vahid n’en revient pas : « Vous imaginez Old Trafford, devant 70 000 personnes… ? Tout est allé tellement vite ».
Pas de déclaration arrogante des adversaires, qui cette fois ont entendu parler de Lille. Le meilleur des compliments vient certainement du président du club de La Corogne, Augusto Lendoiro : « même s’il n’y a pas de grand nom, c’est une équipe humble et efficace, qui a réalisé un grand travail. Lille est un bonbon empoisonné ».
Un bonbon empoisonné, qui sortira 3e de sa poule, lui permettant d’être reversé en coupe de l’UEFA. Les Lillois, sans perdre, seront éliminés par Dortmund en huitièmes (1-1 ; 0-0), au même stade que… Parme, qui se consolera avec une victoire en coupe d’Italie au printemps.
Posté le 18 août 2019 - par dbclosc
Lille/Montpellier 2001 : un final ébouriffant en attendant Parme
Le 18 août 2001, Grimonprez-Jooris accueille la 4e journée du championnat de D1. Menés et réduits à 10 à la 89e minute, les Lillois s’imposent 2-1 après une nouvelle fin de match sidérante, et préparent ainsi au mieux la réception de Parme 4 jours plus tard.
« Les Lillois ont l’avantage du terrain. J’espère qu’ils auront la tête à Parme » annonce le président du MHSC, Louis Nicollin, avant la rencontre. Il a bien raison d’espérer : Parme est dans toutes les têtes, du moins dans les têtes des supporters. Après l’exploit réalisé en Italie, l’Europe a fait connaissance avec Lille, et les Dogues ont obtenu une reconnaissance quasi-unanime : « ce qu’il faut mettre en exergue, c’est le match à Parme, poursuit Loulou. Sur 100 Lillois, il n’y en a pas 5 qui y croyaient. Mais le LOSC a montré que ce n’est pas avec de l’argent qu’on joue au foot. Pour ce que fait le LOSC, bravo ».
Pas d’euphorie
Après ce match historique, les Lillois, bien que (logiquement) en souffrance physiquement, sont allés chercher un bon nul à Bordeaux (0-0), ce qui porte leur total à 5 points en 3 journées (après un 0-0 à Paris en ouverture puis une victoire 3-1 contre Lorient). Le match retour contre Parme se profile et tout le monde s’impatiente de voir les Dogues finir le travail. Mais, avant cela, place au championnat : il s’agit d’écarter Montpellier, qui a également 5 points. 4 jours avant le match aller, le LOSC recevait Lorient, et il ne fallait penser qu’à Lorient. Cette fois, 4 jours avant de recevoir Parme, il ne faut penser qu’à Montpellier, malgré l’évidente excitation liée à la coupe d’Europe. La Voix du Nord rapporte même qu’à l’entraînement, Grégory Wimbée rabroue sèchement un supporter qui lui parle de Parme : « et le match de Montpellier, vous allez le jouer à notre place ? ».
Même si Loko est parti à l’intersaison, les Montpelliérains viendront probablement en train, comme le suggère implicitement Grégory Wimbée :
Les Dogues ont obtenu deux jours de repos, et récupèrent ainsi Fahmi, absent à Bordeaux, mais pas Landrin, blessé au tendon d’achille et qui manquera aussi Parme. Ils ont repris collectivement le mardi soir, avec une grosse séance de 4 heures. Vahid ne se laisse pas bercer par l’euphorie après ce bon début de saison et rappelle tout le monde à ses devoirs : « s’il en est un qui manque à ses devoirs, il s’éliminera lui-même du groupe ». Greg abonde : « le rendez-vous de samedi est notre unique objectif. Depuis 3 ans, nous considérons toujours le prochain match comme le plus important, sans jamais nous projeter plus loin. Nous n’allons pas changer notre manière de fonctionner parce que Parme est annoncé la semaine prochaine. Montpellier est une bonne équipe, bien organisée, solide défensivement, portée par une dynamique de succès. Nous avons tout à craindre de cette équipe (…) Je préfère les remerciements d’aujourd’hui au dénigrement d’hier, c’est « évident. Mais je m’en méfie. Notre force est de savoir qui nous sommes. Nous devons faire très attention à ne pas l’oublier, à continuer notre chemin sans nous retourner, en travaillant, en restant très soudés et très concentrés. En particulier en ce moment, car nous n’avons encore rien gagné, rien obtenu de très concret. Nous ne sommes pas encore qualifiés pour la Ligue des Champions, et il nous reste 31 journées de championnat à disputer, donc 31 raisons de ne pas nous bercer d’illusions ». Pas d’euphorie donc. D’ailleurs, l’oeuf au riz, ce n’est pas très bon.
Retour de Djezon Boutoille
Une bonne averse est tombée dans l’après-midi, et il fait désormais doux sur Lille. 16 425 spectateurs ont pris place à Grimonprez-Jooris. Lors de l’annonce de la composition des équipes par Anne-Sophie Roquette, le public s’enthousiasme à l’évocation de Djezon Boutoille, titularisé, qui reçoit une belle ovation. Djezon fait son retour après une absence de 6 mois : il avait manqué le sprint final de la dernière saison après une blessure contractée contre Nantes en février. « J’étais au top… » commente-t-il. Et le LOSC était leader.
Voici la composition alignée par Halilhodzic : Bakari est préservé en vue du retour contre Parme, et Olufadé connaît sa première titularisation.
Wimbée ; Pichot, Fahmi, Cygan, Ecker ; N’Diaye, D’Amico, Cheyrou ; Boutoille, Olufadé, Beck.
En première période, Lille domine sans concrétiser, même si ce sont les Héraultais qui se créent la première occasion avec une frappe de Paulo Sergio Almeida trop croisée (1e). Comme souvent, Beck est remuant, excelle dans le jeu de remise, mais manque de réussite, comme à la 19e où son tir, un rien à côté, fait lever une partie du stade trompée par une illusion d’optique ; à la 43e, il est à un cheveu de reprendre un corner de Cheyrou ; et juste avant la mi-temps, il se heurte à Vercoutre (45e).
Le Lillois le plus en vue est bien Djezon Boutoille : tel un Keita face à un vulgaire Ramos, il est intenable sur le côté droit et donne le tournis à Assoumani, qui débute en première division. Il est proche d’inscrire un magnifique but à la 40e, mais son retourné est bloqué par Vercoutre : « c’est un ballon récupéré par Fernando D’Amico. Je fais un appel dans le dos de la défense et je me retourne au dernier moment. Là, je contrôle de la poitrine et je fais un ciseau en pivotant ». Mi-temps : le score est de 0-0 et, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’ambiance est particulièrement calme dans le stade.
La seconde période est quelconque du côté du LOSC. Ce sont même plutôt les Montpelliérains qui prennent le jeu à leur compte. Dès la 48e, une grosse frappe de Barbosa est arrêtée par Wimbée. Les adversaires cassent le jeu et multiplient les petites fautes : le LOSC ne trouve pas la solution et est inoffensif. C’est alors qu’Halilhodzic procède à un premier changement : Olufadé, pas très à l’aise, st remplacé par un Murati bien plus percutant, qui permet enfin de réveiller un peu le public. Deuxième changement à la 71e avec Boutoille, qui a réussi son retour, remplacé par Patrick Collot : « ça s’est bien passé. Il me manque juste une heure de jeu, pour retrouver parfaitement mes sensations. En seconde période, j’ai baissé de rythme et je suis sorti. Mais ça va revenir ». 73e, Bakari remplace Beck.
Collot pète les plombs…
78e minute : Maoulida part en contre, talonné par Collot, qui semble hurler sur lui. En bout de course, Maoulida trompe Grégory Wimbée et fête son but au poteau de corner. 1-0 pour les visiteurs ! Mais Collot continue sa poursuite et bouscule le buteur ! L’arbitre, Gilles Veissière, lui adresse alors un carton jaune. Un attroupement se crée et Patrick semble toujours aussi en colère : il assène un coup de tête à Rouvière ! Cette fois, il est expulsé. Que reproche donc Collot, auteur d’« un coup de sang dont on ne le croyait pas capable en vérité », aux Montpelliérains ?
Deux minutes avant le but, Pichot est sorti du terrain pour se faire soigner. Au moment où Maoulida s’est échappé, il était encore sur le bord de la touche, attendant l’autorisation de l’arbitre pour revenir en jeu. Et quelques secondes avant, N’Diaye s’est retrouvé au sol après un contact avec Mansaré et, dans la foulée, Murati est sévèrement taclé et a du mal à se relever. Autrement dit, Montpellier ouvre le score avec un joueur lillois sur la touche, et deux au sol ! Et si, d’ailleurs, Colllot se retrouve dernier défenseur sur l’action, c’est parce qu’il avait provisoirement pris la place de Pichot. Pat’ réclamait déjà depuis quelques secondes que le MHSC mette le ballon en touche ; son ultime demande derrière Maoulida n’a pas suffi. Halilhodzic réagit : « en règle générale, on doit arrêter le jeu sur ce genre d’action. Peut-être que les Montpelliérains ne l’ont pas vu. Sur ce coup-là, on a été un peu naïfs d’attendre un geste des Montpelliérains… ». À l’époque, il ne revient pas à l’arbitre d’arrêter le jeu, et il revient au possesseur de la balle de sortir le ballon, s’il le souhaite : on peut alors en effet regretter le manque de fair-play de Montpellier, ce qui n’excuse pas le geste de Patrick qu’Halilhozdic qualifie d’ « inacceptable ». L’entraîneur va lui-même chercher son joueur sur le bord du terrain.
…Le LOSC se révolte
Voilà donc le LOSC, déjà pâlot, mené et en infériorité numérique. Mais s’il fallait ça pour lancer la révolte ? Face au sentiment d’injustice, le public et joueurs sont désormais chauffés à blanc. Chaque prise des balle des Montpelliérains est copieusement sifflée, et les Dogues sont poussés à aller à l’abordage. Alors que le temps réglementaire est presque terminé, Bruno Cheyrou récupère un ballon amené par Murati, s’arrache dans la surface, se déporte côté gauche et égalise d’une pichenette au-dessus de Vercoutre ! Un nul, dans ce contexte, c’est déjà très bien.
C’est bien mais ce n’est pas assez, d’autant que l’annonce de 6 minutes de temps additionnel provoque une nouvelle clameur dans les tribunes. À la 93e, une longue transversale de Johnny Ecker se dirige vers la surface de réparation. Vercoutre sort et semble pouvoir cueillir ce ballon, mais Bakari s’élève et, au sommet d’une détente vertigineuse, parvient à placer sa tête au-dessus des mains du gardien : il est le premier à toucher le ballon… qui finit doucement dans le but : 2-1 pour Lille, et victoire sur le fil !
« Miracle », « Incroyable », « Époustouflant »
À l’issue d’un match, on se félicite de la victoire, même si le match n’a pas été très abouti. Une nouvelle fois (et ce ne sera pas la dernière), le LOSC renverse une situation dans les dernières minutes, et cette fois à 10 contre 111. Le scénario rappelle bien entendu le derby de septembre 2000 et ajoute une nouvelle ligne au palmarès du « Vahid Time ». Vahid parle même cette fois de « petit miracle » : « on a gagné, mais on n’a pas été très présents… Nous avons manqué 4 ou 5 occasions avant d’encaisser le but. Cela dit, avec Parme, je peux comprendre que les gars aient un peu la tête ailleurs. Heureusement qu’il y a eu un miracle ». La Voix du Nord et la Voix des Sports saluent, pêle-mêle, la « révolte », le « tempérament » de joueurs « incroyables », capables de produire un scénario « exceptionnel », « époustouflant ».
Tout le monde s’accorde sur un point : c’est bien l’ouverture du score (et surtout ses conditions) qui a réveillé des joueurs et un public jusque là assez passifs. Pat’ lui-même le reconnaît : « c’est vrai que ce carton rouge entraîne une poussé d’adrénaline dans l’équipe, on peut voir ça comme ça. Quand j’ai vu que nous n’étions qu’à 8 sur la pelouse, j’ai crié aux joueurs de Montpellier de mettre le ballon en touche. Non seulement ils ne l’ont pas fait mais en plus ils marquent... ». Comme le souligne Dagui Bakari, « aujourd’hui, on est allés jusqu’au bout. La victoire est logique, car on a manqué de réussite en première période. Quand ils ont marqué, soit on baissait les bras, soit on continuait. On a continué, pour rattraper l’injustice de leur but. Nos efforts méritaient une telle issue » ; pour Sylvain N’Diaye, « on s’est fait peur mais ces victoires sont les plus belles. On ne pouvait pas perdre comme ça, en encaissant alors qu’on a deux joueurs à terre. On a eu un sursaut d’orgueil et c’est un petit miracle qui a eu lieu ».
Une expulsion comme acte salvateur pour renverser un match, il fallait bien ce LOSC-là pour l’inventer. Loin d’en vouloir à leur coéquipier, les joueurs de Lille comprennent son geste : « Patrick a eu un grand sentiment d’injustice et il s’est emporté. On peut le comprendre, car le sport réclame du fair-play » note Boutoille. Pour Bruno Cheyrou, c’est bien fait pour Montpellier : « il y a eu beaucoup de maladresse devant le but. Il faut dire aussi que les Montpelliérains ont utilisé tous les moyens pour ne pas perdre : tirages de maillots, petites fautes… L’expulsion a suscité un sentiment d’injustice dans l’équipe et je pense que c’est ce qui nous a fait réagir ».
Bon, il vaudra tout de même mieux ne pas compter sur ça à chaque fois. Le lendemain matin, Patrick Collot a pris la parole dans le vestiaire et a demandé à ses coéquipiers de l’excuser pour son geste.
« Le LOSC va niquer les Italiens »
Ce scénario très vahidesque conduit à ce constat : le LOSC fait encore forte impression, et d’abord chez ses adversaires. Comme chez l’entraîneur de Montpellier, Michel Mézy : « c’est la rentrée de Bakari qui nous a gênés. Nous avons fait des erreurs de jeunesse. Je tire mon chapeau aux Lillois qui ont sur démontrer de grosses valeurs morales après l’expulsion ». Le LOSC fait le plein de confiance : « en ce moment, j’ai l’impression que rien ne peut nous arriver » assure Bruno Cheyrou. Espérons. Mercredi soir, ce sera au tour de Parme de tenter de renverser une situation mal embarquée.
Louis Nicollin, lui, l’assure avec finesse : « Le LOSC va niquer les Italiens grâce au moral qu’il a acquis ce soir ! »
FC Note :
1 En septembre 1999, le LOSC s’était imposé à Niort 3-0, grâce à 3 buts marqués en fin de match, alors qu’il évoluait à 10 depuis l’expulsion de Tourenne en première période.
Posté le 16 août 2019 - par dbclosc
Quand le LOSC inspire Hergé : les Dogues en Syldavie
En 1938, Hergé publie le Sceptre d’Ottokar, qui relate les aventures de Tintin en Syldavie, un pays imaginaire situé vraisemblablement dans les Balkans ou en Europe centrale. Au sein de la communauté des tintinophiles, le débat fait rage pour savoir de quel(s) pays s’est inspiré l’auteur belge pour créer ce pays. Si les hypothèses sont nombreuses, celles qui reviennent le plus souvent trouvent l’origine syldave en Roumanie, au Monténégro ou en Albanie. Après être revenu sur ces trois principales hypothèses, nous montrerons qu’une autre hypothèse vraisemblablement encore plus plausible a été oubliée : la Syldavie serait en réalité une métaphore prémonitoire du LOSC.
Peu avant la Seconde Guerre Mondiale, Hergé inscrit pour la première fois les aventures de Tintin dans un pays imaginaire. A partir de quoi l’auteur belge a-t-il construit la Syldavie, pays qui abrite les aventures de Tintin dans trois albums et dans le film Le lac aux requins ? Les hypothèses des tintinophiles sont nombreuses, certains y voyant la Roumanie, d’autres le Monténégro ou l’Albanie ou, pour certains des plus audacieux d’entre eux … la Belgique. En réalité, c’est bien du LOSC qu’il parle.
La Syldavie : une origine roumaine ?
Selon Dodo Nita, traducteur roumain des aventures du reporter, Hergé aurait créé la Syldavie en s’inspirant de son pays (ça tombe bien). Les arguments ne manquent en effet pas pour étayer pour étayer cette thèse. La principale tient au nom même du pays, comme s’il était composé à partir de Transylvanie et de Moldavie, deux régions faisant partie de la Roumanie (si la Moldavie est un Etat indépendant, la région voisine située en Roumanie s’appelle également ainsi). Autre argument géographique, le massif montagneux de Syldavie est intitulé les Zmyhlpathes dont le nom fait immédiatement penser à celui des Carpates situé au coeur de la Roumanie. En outre, l’orthographe habituellement retenue dans la première partie du Xxème siècle était « Carpathes », laquelle se rapproche encore davantage du massif inventé par le dessinateur. Plus généralement, les noms utilisés par Hergé semblent avoir une inspiration d’Europe centrale (les villes de « Klow », de « Tesznik » et de « Dbrnouk ») plutôt que des Balkans et tendent alors plutôt à étayer la piste roumaine.
D’autres éléments vont dans le sens de la thèse roumaine. Par exemple, le nom donné aux conspirateurs syldaves, la « Garde d’Acier » ressemble étrangement à la « Garde de Fer », nom du parti nationaliste roumain de l’époque. Par ailleurs, les Syldaves emploient l’alphabet cyrillique comme on le faisait dans une partie de la Roumanie de l’entre-deux-guerres et à la différence de ce qui se faisait dans les pays balkaniques. Enfin, si la Roumanie n’est pas un pays slave comme la Syldavie, elle a largement subi l’influence slave et a également subi les invasions ottomanes comme le pays imaginaire d’Hergé.
Toutefois, d’autres éléments amènent à douter d’une inspiration uniquement roumaine de la Syldavie. D’abord, les nombreux minarets syldaves indiquent une certaine présence musulmane alors que l’Islam est quasiment absent de Roumanie. Surtout, si l’on ne peut précisément connaître la superficie de la Syldavie, un certain nombre d’indices permettent de l’évaluer à environ 20.000 km² soit environ dix fois moins que la Roumanie. On apprend aussi dans la bédé que la population syldave est alors de 628.000 habitants contre 18 millions pour la Roumanie de 1930. Ces incohérences nous amènent alors aux hypothèses monténégrine et albanaise.
Une évocation du Monténégro ou de l’Albanie ?
En effet, sur ces derniers points, le Monténégro et l’Albanie – pays balkaniques comme l’est la Syldavie – correspondent davantage au profil. Ainsi, juste avant la Seconde Guerre Mondiale, on estime que les Musulmans représentent 20 % de la population monténégrine et 70 % de celle albanaise. La différence entre ces deux pays est donc importante sur ce point, mais rien ne nous permet de trancher à partir de ce que l’on voit dans les aventures de Tintin : on comprend en effet qu’il existe une part conséquente de Musulmans en Syldavie, mais on n’a en revanche pas d’informations permettant de savoir si cette religion est majoritaire (comme en Albanie) ou minoritaire (comme au Monténégro).
Les indices relatifs à la superficie du pays collent également à peu près pour les deux pays, la superficie syldave (environ 20.000 km²) se situant en effet entre celle du Monténégro (14.000 km²) et celle d’Albanie (28.000 km²). Il en est de même quant aux populations respectives de ces deux pays : en 1938, la population monténégrine (400.000 habitants) est en effet un peu plus réduite que celle syldave, tandis que celle d’Albanie (1 million d’habitants) lui est un peu supérieure. Sur ces aspects, Albanie et Monténégro constituent tous deux d’aussi bon candidats au titre de patrie originelle syldave.
Le symbole du pélican, qui orne les armoiries et le drapeau syldave, ne fait référence aux symboles d’aucun pays au monde. Toutefois, sa représentation rappelle celle d’autres animaux : l’aigle bicéphale qui nous ramène encore à l’Albanie et au Monténégro. On trouve ainsi un air de famille entre le drapeau syldave et celui d’Albanie même si le premier est jaune et le second rouge (ci-dessous).
La ressemblance entre les armoiries royales de Syldavie et celle du Monténégro (ci-dessous) laisse encore moins de doute sur l’inspiration d’Hergé sur ce point.
Les armoiries de la Syldavie (derrière le Roi et la Reine sur le dessin) semblent inspirées de celles du Monténégro (à gauche). A moins que ce ne soit l’inverse.
Tout ne colle cependant pas quant aux thèses relatives à ces deux pays. Ainsi, dans aucun des deux on écrit en cyrillique. Dans Objectif Lune, qui se passe également en Syldavie, un tintinologue a estimé (à partir du dessin de la planche 61 de l’album) que la fusée était vraisemblablement partie de la zone située à l’intersection entre la Slovaquie, l’Ukraine, la Hongrie et la Roumanie. Et, comme on l’a dit avant, les lieux noms évoqués dans la bande-dessinée évoquent davantage l’Europe centrale que les Balkans.
Plutôt une métaphore prémonitoire du LOSC !
Alors, que doit-on en conclure ? Qu’il n’y aurait aucune unité de la Syldavie qui ne serait qu’une mosaïque de l’ensemble des pays d’Europe de l’est ? A DBC, nous pensons au contraire que la Syldavie correspond à une seule et unique inspiration originelle. Une équipe de 6 chercheurs s’est consacrée pendant 7 ans à temps plein à une recherche visant à répondre à cette épineuse question. Les conclusions de cette équipe sont claires : la Syldavie serait une métaphore prémonitoire du LOSC. Si le club n’existait pas encore, il serait apparu en songe à Hergé après une nuit passée dans une fumerie d’opium à l’occasion d’un travail préparatoire pour un autre album.
Les références à l’Albanie, au Monténégro et à la Roumanie ne sont cependant pas fortuites. Quand, au cours de sa nuit de défonce, Hergé a visualisé l’histoire du LOSC, il a vu la plupart des joueurs qui allaient construire le club. Parmi ces nombreuses figures, lui apparurent Edwin Murati, un Albanais, qui était alors l’une des deux recrues-phares en 2000, l’année de la remontée. Dans l’esprit d’Hergé, la référence à l’Albanie symbolise alors vraisemblablement le renouveau du LOSC. Lui sont également apparus les Monténégrins Miladin Becanovic et Marko Basa. Hergé ne retient pas ces cas par hasard. Le premier était buteur prolifique l’année de la descente de 1997 et le second se blessait en effet tous les quinze jours pour revenir chaque fois plus fort : ils symbolisent des bêtes blessées qui, même face à la pire des adversités, ne se rendent jamais. Voilà pour la symbolique monténégrine. La Roumanie fait bien sûr référence à la Marius Baciu. Ce bon vieux Marius arriva en 2002, en même temps que Claude Puel, et symbolise alors une nouvelle reconstruction du club, rappelant que le LOSC, plus qu’aucun autre club, a dû toujours se réinventer pour lutter face à l’adversité. Prendre une figure médiocre était pour Hergé une manière de signifier que le collectif est plus important que les individualités qui le composent. Hergé pense également vraisemblablement aussi à la confrontation entre Lille et Bistrita la même année, en coupe intertoto. Pris indépendamment, chacun de ces trois cas manquent d’unité. Pris ensemble, ils représentent trois caractéristiques qui nous mènent à une seule et même entité : le LOSC.
Ensuite, Objectif Lune et On a marché sur la Lune, (dont l’action se passe en Syldavie) constituent de toute évidence une référence au LOSC de l’époque à Vahid. Que sont ces bédés sinon une métaphore de gars partis de rien qui parviennent à atteindre un objectif qui paraissait au départ utopique ? Hergé fait ainsi partir nos héros d’un pays apparemment tout pourri, symbolisant l’état désastreux des finances du club quand le président Lecomte le reprend en main. La métaphore du voyage sur la Lune est une référence encore plus explicite à ce qui allait se passer ensuite : en dépit des obstacles, Vahid et ses hommes n’allaient-ils pas réussir à décrocher la Lune en montant en D1 puis en jouant la Ligue des Champions en seulement trois ans ? Le personnage de Wolff est une allusion à peine voilée à Thierry Froger : on le sent profondément gentil, et pourtant, il mène les héros à leur perte, à la manière de Thierry Froger avec le LOSC. Dans On a marché sur la Lune, Wolff se sacrifie pour la survie des héros, comme dans l’histoire du LOSC le sacrifice de Froger fût la condition sine qua non à la réussite de Fernando D’Amico et de ses camarades.
Si, physiquement, Wolff (à gauche) semble un mélange entre Gilles Hampartzoumian (à droite) et le président Lecomte, il fait en réalité référence à Thierry Froger
Un drapeau des Flandres ?
On a évoqué le drapeau syldave comme entretenant une parenté avec l’Albanie. Pour autant, comme on l’a dit, il existe toutefois une différence assez problématique entre les deux : le fond du drapeau du pays imaginaire d’Hergé est jaune alors que celui d’Albanie est rouge ! Ne peut-on pas trouver une autre référence d’un drapeau jaune avec un animal central en noir ? C’est justement le cas du … drapeau des Flandres !
La seule différence entre les deux drapeaux tient au fait que le lion des Flandres a été remplacé par un pélican. Cet animal ne vous rappelle-t-il pas quelque chose ? Bien sûr, il évoque le symbole d’une célèbre bière, la Pelforth, produite par la brasserie … du Pélican : en 1955, celle-ci faisait justement la promotion de sa bière à partir d’un personnage portant le maillot du LOSC ! En 1971, la limonade Pel d’Or, produite par Pelforth, était l’une des premières marques à s’afficher sur le maillot du club.
Cette statue du pélican de Pelforth rappelle quand-même bien le pélican syldave
Un Turc qui s’lave
Mais, diront les esprits chagrins, alors que la Syldavie est un pays slave ayant jadis subis l’influence ottomane, le LOSC n’a rien de slave ni d’ottoman. On leur répondra qu’il s’agit vraisemblablement d’un oubli d’une référence à une célèbre photo du LOSC, en l’occurrence celle-ci :
Sur le cliché, on voit un Engin Verel, joueur turc (donc « ottoman »), sortant nu de la douche (ce qui prouve qu’il « s’lave ») et serrant la main à Pierre Mauroy (qui allait donner son nom au stade). Au-delà de la photo, la référence ottomane d’Hergé évoque les nombreux transferts ayant eu lieu entre le LOSC et Fenerbahce (H.Nielsen, Kjaer, Sow, Benzia, etc.), celle slave le fait que, au-delà de Verel, tous les Dogues s’lavent (la récurrence de cette pratique chez les joueurs lillois ayant visiblement frappé le dessinateur belge).
On notera aussi que le fameux sceptre de la première bédé faisant référence à la Syldavie est celui d’un certain Ottokar. Là encore, il s’agit d’une référence flagrante aux supporters lillois. En effet, le fin observateur aura remarqué que, lors des matchs à l’extérieur du LOSC, la plupart des supporters faisant le déplacement y vont en autocar. Coïncidence ? Chacun se fera son avis…
La Syldavie, un complot permanent
Mais la référence la plus claire et indiscutable au LOSC tient au fait que la Syldavie d’Hergé est dépeinte comme un pays touché de manière omniprésente par le complotisme qui le ronge, comme le LOSC est la victime permanente d’un long et pénible complot ourdi par qui vous sachiez depuis la nuit des temps (ce qui ne l’empêche pas de briller en déjouant tant bien que mal ledit complot). Si Wolff, cité plus haut, évoque le complot de l’intérieur, les autres complotistes font référence au plus commun complot « de l’extérieur » trouvant son incarnation la plus concrète dans un joueur comme Jean-Christophe Rouvière.
Mais si l’on veut se faire un avis définitif sur les références d’Hergé quand il pense à la Syldavie, ne faut-il pas demander à l’auteur lui-même ? Celui-ci a ainsi déclaré un jour que l’histoire du sceptre d’Ottokar était celle d’un « Anschluss raté », celui de la Bordurie sur la Syldavie. De toute évidence, il fait référence au projet de Gervais Martel d’annexion du LOSC par le RC Lens, quand le président artésien déclarait qu’il n’y avait pas la place pour deux grands clubs dans la région Nord-Pas-de-Calais. Visionnaire, le dessinateur en avait prévu l’issue et avait prophétisé la victoire finale du LOSC. Ainsi, dans la pensée d’Hergé, la Bordurie est le « voisin » de la Syldavie, tout comme Lens est le « voisin » de Lille. En regardant attentivement, on remarque aussi que le personnage bordure du Maréchal Plekzy-Gladz est un habile mélange entre Daniel Leclercq et Cyril Rool.
Dans la fresque de la bataille de Zilheroum que Tintin découvre dans une brochure, on voit les Ottomans fuir devant les attaques syldaves. Là encore, on découvre une métaphore des Lensois fuyant en Ligue 2 sous les assauts répétés des attaquants lillois lors des derbys du Nord.
D’autres références évoquent explicitement le LOSC, comme le nom de la capitale syldave, Klow qui rappelle bien sûr Patrick Collot. La ville de Niedzdrow est visiblement inspirée de Mostar qui n’est autre que la ville d’origine d’un certain Vahid Halilhodzic. Un dernier élément achèvera de convaincre les plus sceptiques : le nom de la Syldavie. De toute évidence, il s’agit d’un mélange entre Sylvain N’Diaye et Anne-Laure Davy, ce qui donne dont Syldavy (francisé par Hergé en « Syldavie »).
Nous étions en 1938. Hergé voulait nous avertir. La Seconde Guerre Mondiale arrivait. Mais le plus abject n’était pas là : le Complot Contre le LOSC allait suivre.
Posté le 22 mai 2019 - par dbclosc
Lille/Sedan 1999 : l’aube d’une nouvelle ère
Le 22 mai 1999, en dépit de sévères contre-performances au cours des dernières semaines, le LOSC est encore en course pour remonter en D1. La réception du 2e, Sedan, va offrir une performance de haut niveau, dans une ambiance que Grimonprez-Jooris n’avait pas connue depuis bien longtemps. La victoire est au bout (1-0) et, avant la dernière journée, les supporters célèbrent autant l’espoir de montée que la fierté d’avoir retrouvé une équipe au visage si séduisant.
En ce soir de printemps, c’est peu dire qu’avoir encore la possibilité de jouer la montée relève de l’inespéré pour le LOSC : il y a 3 semaines, il s’inclinait à domicile contre le 17e Amiens (0-1) et semblait avoir laissé définitivement s’échapper Sedan et Troyes, 5 points devant, alors que Saint-Etienne est hors d’atteinte depuis un moment. Mais en cette fin saison, les Dogues, aussi décevants quand on les attend que surprenants quand on ne croit plus en eux, se sont donné une nouvelle chance en allant battre Châteauroux, tandis que Troyes perdait. Il reste 2 matches, Troyes est 2 points devant, et Sedan 5 points devant. Arrivent alors les Sangliers à Grimonprez-Jooris. Retour un match qui symbolise la transformation de l’équipe depuis l’arrivée d’Halilhodzic, et qui prélude aux superbes saisons qui suivront.
En dents de scie
Après l’échec de la saison 1997-1998, on croyait cette fois le LOSC taillé pour remonter, avec un recrutement ambitieux, et notamment l’arrivée du buteur Olivier Pickeu. Mais manifestement, les mêmes lacunes et errements ont persisté. Après un mauvais départ (3 défaites, 2 nuls, 1 victoire, 2 buts marqués, 5 encaissés en 6 matches), Thierry Froger est débarqué : il est remplacé par Vahid Halilhodzic. Si l’équipe n’est pas flamboyante, elle a retrouvé des résultats corrects et s’est progressivement replacée à proximité de la 5e place au cœur de l’automne. Quand seuls les 3 premiers montent, c’est encore insuffisant, mais on a tendance à penser que la dynamique est positive et la trajectoire ascendante.
Le championnat des Lillois est marqué par des performances irrégulières, avec d’un côté de jolis coups comme une victoire à Caen début décembre (1-0) ou une victoire contre Troyes, 2e à 1 point du leader, début février (1-0) ; mais, de l’autre côté, Lille concède de bêtes nuls à domicile contre Châteauroux en novembre (2-2), Wasquehal en décembre (1-1, après avoir ouvert le score à la… 84e) et perd ses deux premiers matches à l’extérieur de l’année 1999 avec une manière qui laisse à désirer (au Mans 1-2 puis à Nîmes 0-3). Mais il n’empêche : le LOSC est toujours en course et après une belle victoire à Gueugnon en mars (1-0), il pointe pour la première fois à la 4e place, à 3 points du podium. Malheureusement, un déplacement à Saint-Etienne se présente : pas de miracle, le LOSC s’incline malgré une belle résistance (2-3) et se retrouve à 6 points du podium ; puis le LOSC gagne à domicile contre Nice (2-0) et se redonne donc de l’espoir, mais perd de nouveau à Laval (0-1). Au soir de la 32e journée, les Dogues sont toujours à 6 points du podium (mais potentiellement 9 car Sedan compte un match en moins), avec une différence de buts nettement plus faible que celle des 3 premiers.
Après ce match à Laval, Frédérik Viseux, qui faisait enfin ses débuts avec le LOSC après sa longue blessure, semble être le seul à y croire encore : « le championnat n’est pas fini, je peux vous le dire. L’an dernier, j’étais à Sochaux, et à 6 journées de la fin, on avait 7 points de retard sur Lille. Et qui est monté ? ». Sochaux, si vous aviez oublié.
Amiens, la défaite de trop
Pour la réception de Valence le 14 avril, l’accueil des DVE est particulièrement hostile : « chèvres », « bouffons » lit-on sur des banderoles, par opposition aux « héros » de l’après-guerre. Lille bat Valence (2-1) puis va s’imposer chez le 8e, Ajaccio (2-0), et se retrouve à 5 points des 2e (Sedan) et 3e (Troyes). Le LOSC reçoit Amiens, 17e, pour la 35e journée. Cette fois, une banderole côté Honneurs énonce simplement l’enjeu du match : « Victoire = Espoir ».
Malheureusement, comme le titre la Voix du Nord le lendemain, c’était la soirée « de tous les gâchis » : entre les occasions manquées, l’envahissement de terrain et la défaite (0-1), Lille a perdu gros. Vahid Halilhodzic remet même sa démission au président, qui la refuse. Plus grand monde n’y croit, de Bernard Lecomte (« C’est un mélange de très grande colère et de très grande tristesse. On domine et on prend un but grotesque. C’est un cauchemar. C’était la marche à ne pas rater. Nous sommes coutumiers de ce genre de faits depuis 2 saisons. Je n’y crois plus. À moins d’un miracle ») au capitaine Djezon Boutoille (« Nous avons certainement manqué l’accession »). Carl Tourenne stigmatise l’ambiance au club : « Une part du public ne mérite pas la D1. Ici, le respect d’autrui n’existe pas ». Et dire que Troyes et Sedan ont aussi perdu… !
Remobilisation générale
Pourtant, une fois l’émotion de la défaite atténuée, joueurs et dirigeants affichent de nouveau un visage conquérant. Comme si, finalement, la défaite contre Amiens ne faisait que confirmer qu’à l’issue d’une saison aussi irrégulière, il n’était pas anormal de ne pas monter, surtout quand on se rappelle que le LOSC était 17e début septembre.
Retour aux fondamentaux et au long terme : construire des bases solides à Lille pour retrouver la D1. Cette année, le LOSC est parti de trop loin. S’il a remis sa démission samedi, Vahid est désormais projeté vers l’avenir : « J’ai discuté avec le président. Samedi, j’ai pris la défaite comme un échec personnel, sur le coup d’une occasion extraordinaire que nous venions de rater. Je suis très sévère avec moi-même. J’ai pris tout cela pour moi. Mais il n’y a aucune crise, ni de différend. Le président m’a rassuré sur l’avenir du club. Il me reste une année de contrat et je souhaite rester pour construire ». Bernard Lecomte est sur la même longueur d’onde : « Vahid a eu une réaction d’orgueil qui l’honore. Il a toute notre confiance. Il sera l’entraîneur la saison prochaine. L’esprit de nos discussions porte beaucoup plus sur une prolongation et sur l’avenir que sur autre chose ».
Le LOSC se déplace désormais à Châteauroux, pas très loin derrière. Faut-il encore y croire ? La Voix du Nord rappelle que la situation est bien compromise : « perdre chez soi un match relativement facile en apparence, au moment où l’opposition lâche prise, n’est pas pardonnable. Un dérapage de cette envergure constitue même une erreur majeure dont les conséquences, à trois encablures de la fin du championnat, ne peuvent être a priori que douloureuses ».
Et pourtant, les Dogues ne vont pas lâcher. Grégory Wimbée : « ce serait bien de pouvoir entretenir l’espoir jusqu’au bout. L’idéal serait de pouvoir affronter Sedan en ayant un objectif. J’ai suivi l’émission D2 Max sur Canal +, au cours de laquelle Fugen, le joueur de Troyes, se posait beaucoup de questions concernant l’aptitude de son équipe à aller jusqu’au bout de ses ambitions. Nos chances sont infimes. Mais on ne peut pas finir le championnat comme ça ! ». L’entraîneur de Châteauroux, Joël Bats, se méfie des Lillois : « Je connais trop bien Vahid, avec qui j’ai joué au PSG. Il va remonter ses joueurs. On va souffrir ! ». Et en effet, Lille gagne, à la dernière minute : « décidément, ces Lillois sont des adeptes du yin et du yang : à la grande déprime de samedi a succédé une énorme bouffée d’espoir » souligne la Voix. Et si Sedan a gagné, laissant Lille à 5 points, Troyes a encore perdu (à Wasquehal), et voilà que Lille n’est plus qu’à 2 points de la 3e place !
« Les Lillois ont prouvé qu’ils avaient cette dignité morale qui permet aux formations les plus meurtries de se relever » pour le quotidien régional. Au-delà du score, Halilhodzic est satisfait du contenu : « ce qui me fait plaisir, c’est que l’on a montré un bon fonds de jeu, on a été combatifs, solidaires. J’espère au moins que ce succès servira à quelque chose… ». Le lendemain, 15 mai, c’est l’anniversaire de Vahid. Après l’entraînement, il invite jouer et dirigeants à le fêter. Au journaliste qui lui demande son âge, il répond : « le soir de la défaite contre Amiens, j’avais 88 ans. Le soir de la victoire à Châteauroux, j’en avais 27 ».
Des Sangliers à bon port
En attendant la finale contre Sedan, il y a 15 jours à tuer. Pour combler ce trou, les Lillois disputent un match amical contre Tourcoing FC (CFA2) et s’imposent 3-1 (Peyrelade, Boutoille et Camara contre Descarpentries).
Et si on ne joue pas en championnat le week-end du 15 mai, c’est parce que Sedan a lui aussi sa finale à disputer, une vraie, contre Nantes en coupe de France. En 1999, il faut dire que les Sedanais sont intenables : c’est la meilleure équipe des matches retours, avec 38 points pris sur les 18 derniers matches, et seulement 2 défaites. Personne ne s’attendait à voir les Ardennais si haut dans le classement, puisqu’ils viennent directement de National, dont ils ont été les champions 1998 sous la direction de l’ancien joueur puis coach lillois Bruno Metsu. Désormais, l’entraîneur est Patrick Remy. Il dirige un groupe composé de joueurs dits « revanchards » qui, dans leur parcours footballistique, ont connu des accidents (blessures, pas de contrat après un centre de formation, relégations sportives…). Résultat : un ensemble a priori hétéroclite mais qui fait fureur, et Sedan est en passe de réussir une deuxième accession consécutive. Comme le résume Vahid Halilhodzic, « vous pouvez prendre des joueurs de divers horizons, mais si vous parvenez à leur faire partager l’aventure et qu’en plus ces gars-là ont une revanche à prendre sur leur propre parcours de footballeur professionnel, voilà qui forme une équipe irrésistible ». Devant, Pierre Deblock, Pius N’Diefi, Cédric Mionnet et olivier Quint forment un quatuor particulièrement redouté tandis que derrière, Sachy dans les buts ou Satorra en défense centrale, permettent à Sedan d’être aussi la meilleure défense du championnat de D2.
Du côté du vieux stade Emile-Albeau, cette génération rappelle les anciennes gloires du club telles que Maxime Fulgenzi, Maryan Synakowski, Marc Rastoll, Yves Herbet, Serge Delamore ou bien entendu Louis Dugauguez, instituteur à Carvin, devenu entraîneur qui gagna 2 coupes en 1956 et 1961, quand le club se nommait Union Athlétique Sedan-Torcy. À l’âge d’or du club, entre 1954 et 1969, l’UAST a disputé 5 fois les demi-finales de coupe de France, 3 fois la finale, et en a remporté 2. 34 ans après leur dernière finale, les Sedanais ont donc l’occasion de remporter un 3e trophée, après avoir sorti Le Mans au tour précédent à l’issue d’une demi-finale épique (1-1 après 90 minutes 4-3 après prolongation (allez voir les 5 dernières minutes ! Il y a 3-1 à la 115e, et Le Mans trouve la barre à la 120e). Sedan est sur 2 tableaux mais la priorité reste au championnat. Patrick Remy souligne : « si j’avais le choix entre jouer une finale de coupe de France et avoir un point de plus au classement, je choisirais ce point ». Tant mieux pour lui car Sedan perd sur un pénalty très litigieux (0-1). Ne lui reste plus que le championnat, et 1 point à venir prendre à Lille.
« Tu es un sanglier, tu es un sanglier ! »
La chasse au sanglier
Il ne reste que quelques jours avant ce match décisif. Lille, bien sûr, doit gagner. Et encore, une contre-performance de Troyes n’obligerait même pas les Dogues à prendre 3 points, mais ils seraient tout de même bienvenus, histoire de garder contact Sedan, qu’il est encore possible de dépasser !
Contrairement à la saison précédente, où le LOSC avait passé presque 36 journées sur le podium avant de s’effondrer, Lille n’a jamais été mieux classé que 4e en 1998/1999. Si on part du principe que l’an passé, les joueurs n’ont pas résisté à la pression de voir revenir des adversaires sur leurs talons, peut-on envisager qu’être à l’affût d’un faux-pas des autres est un avantage ? C’est ce que semble dire Djezon Boutoille : « après tout, c’est nous qui mettons la pression sur les autres. L’an dernier, c’est Sochaux qui était en embuscade et qui nous avait mis la pression…On a pu se rendre compte que contre de grosses écuries, on a fait de très bons matches. Le mental fera la différence. On a un très bon groupe. Depuis que je suis au LOSC, je n’ai jamais senti autant de solidarité entre nous. ». Certes, mais même au pied du podium, Lille a fait preuve de son irrégularité depuis quelques semaines, gagnant là où on ne l’attend pas et se déchirant quand la victoire semblait facilement à portée.
Comme le résume bien Pierre Diéval dans la Voix du Nord : « cette situation, inconfortable en apparence, n’est, au fond, que le fidèle reflet d’une saison erratique, sans réelle consistance, mais génératrice quand même d’espoirs. Le chaud et le froid… ».
Le jeudi, les joueurs du LOSC s’entraînent à huis-clos (sous les yeux de 3 journalistes), dans le stade Grimonprez-Jooris, comme pour bien leur faire comprendre la dimension exceptionnelle de ce match. Halilhodzic parle à chacun de ses joueurs, les yeux dans les yeux : « je veux que chaque joueur se sente capitaine de l’équipe. Et tout ce que je peux promettre, c’est une motivation exceptionnelle. Moralement, physiquement et tactiquement, nous serons prêts. À nous de ne pas tomber dans le piège d’un excès de motivation comme ce fut le cas lors des 2 ou 3 matches que nous avons manqués à la maison (…) Lorsqu’on est attaqué de toutes parts, on doit montrer sa force de caractère. Je suis fier de constater que mes joueurs ont eu un comportement d’adultes. Ensemble, nous avons souffert. Ensemble, nous avons eu du plaisir. Ensemble, nous avons fait des bêtises. Ensemble, nous battrons peut-être Sedan et… ». C’est marrant : il n’a pas fini sa phrase et le journaliste l’a retranscrite telle quelle. C’est un peu comme si je…
Laurent Peyrelade a mis en garde ses adversaires : « j’ai vu la plupart des joueurs ardennais lors de la soirée des Oscars de Canal +, et je les ai prévenus que ce sera chaud ». Le public va répondre présent : les 15 500 places (c’est à ce moment la capacité maximale du stade) ont déjà été vendues. Vendredi soir, le groupe part à l’hôtel.
Chaude ambiance en tribunes
Samedi 22 mai, c’est le jour J. Le LOSC invite les spectateurs à venir tôt au stade en raison de l’important dispositif de sécurité mis en place. L’ambiance est chaude, également grâce aux supporters sedanais, nombreux : 30 bus ont fait le court déplacement. Première manifestation du soutien que porte le public : une banderole « Merci Vahid, reste avec nous » est déployée depuis le Virage Est. Lui qui voulait démissionner il y a 3 semaines sait désormais à quoi s’en tenir concernant les sentiments que les supporters lui portent. Pour se distancier des « envahisseurs » d’Amiens, d’autres se qualifiant de « vrais supporters » demandent la D1. Le stade est entièrement rouge et blanc grâce à la distribution de maillots du LOSC low-cost du genre « sac à patates ».
Sur le terrain, le seul bémol vient de l’absence de Djezon Boutoille, victime d’une élongation. Mais Halilhodzic l’inscrit tout de même sur la feuille de match, histoire de brouiller les pistes. Par ailleurs, Vahid a laissé de côté Dindeleux, Hitoto et Koot. Frédérik Viseux connaît sa seconde titularisation à domicile.
Voici la compo lilloise :
Wimbée ; Viseux, Leclercq, Cygan, Camara ; Tourenne, Landrin, Cheyrou ; Collot, Peyrelade, Pickeu.
Tandis que Pasal Cygan prend conscience que ses cheveux ont disparu, Momo Camara tente de se piéger tout seul à « Coucou, qui c’est ? »
Grand spectacle sur le terrain
On comprend bien vite que les déclarations de la semaine dans la presse n’ont pas été des paroles en l’air : les joueurs lillois jouent vite et jouent bien ! Poussés par leur public, les Dogues attaquent fort, avec une grosse frappe de Collot que Sachy repousse des poings (5e) ; puis Peyrelade s’engouffre à droite et centre en retrait, obligeant la défense sedanaise à dégager en catastrophe (16e). À la 25e, Pickeu remise bien un corner de la tête mais ne trouve personne. Les Sedanais sont bousculés comme ils l’ont rarement été cette saison, et ont toutes les peines à sortir de leur camp. Seul Di Rocco met Wimbée à contribution à la 51e. Lille joue vite et bien, mais toujours 0-0… jusqu’à la 60e. Bruno Cheyrou, omniprésent et régulièrement titulaire depuis quelques semaines, trouve Camara à sa gauche qui, dans la surface, envoie un centre-tir puissant que Pickeu ne peut reprendre. C’est dégagé sur la ligne des 6 mètres en plein sur la tête de Bruno Cheyrou, qui propulse le ballon au fond des filets ! Déjà buteur à l’aller sur une pelouse gelée (1-1), Bruno décrit son but : « je récupère un ballon en milieu de terrain. Après un une-deux avec Collot, je fixe Oliveira et glisse le ballon à Camara qui centre. Elzeard essaie de le sortir, mais je me trouve sur la trajectoire et, de la tête, je trompe Sachy ». Au moment où Cheyrou marque, Troyes est mené sur sa pelouse. C’est la première fois de la saison que le LOSC est virtuellement en D1.
Dans la foulée, Peyrelade est proche de faire le break avec une frappe contrée, au-dessus (65e). Sur le corner, Leclercq échoue sur Sachy (66e). Devant un public survolté, Sedan est étouffé. Peyrelade signe la dernière occasion franche lilloise, mais son tir est repoussé par Quint (76e). La fin de match est haletante, même si Lille n’est pas is en danger. Au bord de la crise cardiaque, Djezon Boutoille est rentré aux vestiaires, tandis que Patrick Collot joue les animateurs pour le public. Djezon peut revenir : le LOSC s’impose 1-0, et sa performance est saluée par la Voix du Nord : « ce n’était pas un LOSC de pacotille ! » ; « un match époustouflant » ; « ces Lillois-là ont un tel cœur ! » ; « les Lillois peuvent se retirer la tête haute ». Côté ardennais, pas de regret : « Lille a mérité sa victoire » commente Patrick Remy. Dans le même temps, Troyes a fait match nul contre Niort, et a égalisé dans les arrêts de jeu.
Communion
Au-delà du score et de l’espoir qu’il fait renaître, on note une communion entre le public et ses joueurs, que seuls de rares événements comme la remontée en 1978 ou la victoire contre Bordeaux en 1985 avaient permis. Tous, à l’instar de la VDN soulignent un « public totalement retrouvé » :
Bruno Cheyrou, un peu maladroit : « ce stade était impressionnant. Une sorte de petit Bollaert. Nous avions besoin d’un tel douzième homme. Il nous aura permis de garder le résultat » ;
Fabien Leclercq : « on a gagné sur tous les plans. On a pu voir un public et une équipe, tous unis. Il y a bien longtemps que je n’avais pas vu cela ici » ;
Patrick Collot : « un tel soutien sur le terrain, on le sent. Ça apporte quelque chose. Ça fait tout de même plaisir de ne plus pouvoir nous entendre parler entre nous » ;
Bernard Lecomte : « ce soir, le LOSC a offert une image positive, presque idéale. Je regrette pourtant que le public ne soit pas venu plus nombreux précédemment. Nous serions peut-être en D1 depuis longtemps ! »
Vahid Halilhodzic : « ce soir, il y avait tout : l’ambiance, le public, la combativité, le panache et la qualité de jeu. Nous avons évolué au-delà des standards de la Division 2, ce qui est de bon augure. Et puis vous avez vu cette communion entre le public et son équipe ? À la fin du match, les supporters tiraient sur ma veste, sur ma cravate. Ils voulaient que j’aille avec eux sur la pelouse. Tous me disaient « il y a tellement longtemps, Vahid, qu’on n’a pas pris autant de plaisir ! » ça fait chaud au cœur d’entendre de telles choses » ;
On en oublierait presque que le LOSC n’a toujours pas son destin en main : lors de la dernière journée, à Guingamp, il devra faire mieux que Troyes, en déplacement à Cannes. Sur les 7 derniers matches, Troyes, en perte de vitesse, n’a marqué que 5 points, là où Lille en prenait 15.
Mais encore une fois, en sachant d’où l’on vient, est-ce là l’essentiel ? Le LOSC a marqué des points en termes d’image ce soir. Et ça, le président Lecomte, qui est en pleine négociation pour l’avenir économique du club, ne manque pas de le souligner et d’en faire un atout pour faire monter les enchères auprès des repreneurs qui hésiteraient encore : « cette victoire contre Sedan va m’aider dans mes recherches d’investisseurs. Après une telle soirée, il n’est pas exagéré de dire que le ‘LOSC-Métropole’ existe vraiment ! Jusqu’ici, on me disait souvent, lorsque j’évoquais l’hypothèse d’un nouveau stade : ‘Allez en D1 et on verra !’ Avec un tel déclic, les points de vue vont évoluer, c’est sûr ! ». Pierre Dréossi renchérit : « Si l’on monte en D1, tout changera. On intéressera beaucoup plus de monde ».
Et peut-être qu’après tout, même si l’espoir demeure, ne pas monter cette année n’est pas une catastrophe. Le public sait depuis longtemps qu’avec Lecomte, le LOSC est bien géré. Il sait désormais qu’avec Halilhodzic, il aura une belle équipe, même pour un an supplémentaire en D2. Avec un peu de patience, le LOSC retrouvera l’élite. Ce soir, c’est comme si la saison 1999/2000 avait déjà commencé.
Posté le 14 avril 2019 - par dbclosc
A quel moment du match est-ce le meilleur signe d’ouvrir le score ? L’exemple de l’ère Galtier.
« Rien ne sert de courir, il vaut mieux partir à point » disait Jean II La Fontaine. Comme l’avaient fait avant eux les Barcelonais, nos collègues de Manchester United ont récemment rappelé aux Parisiens que parfois, c’est la maxime inverse qui est vraie. Il n’empêche, dans l’absolu, on ne peut pas donner entièrement tort à La Fontaine et on pourrait facilement mettre tout le monde d’accord en affirmant qu’il vaut mieux partir à point que ne pas partir à point ainsi qu’il vaut mieux courir que ne pas courir (en tout cas au football). Tout ceci pour en venir à la question centrale qui nous occupe ici : de quelles manières ont évolué les résultats de notre cher LOSC de l’ère Galtier selon le moment où il a ouvert le score ?
Il y a quelques temps, dans un débat télévisé de la qualité habituelle des débats télévisés, nous avons entendu l’un des analystes affirmer que « ça n’est pas forcément un avantage d’ouvrir le score ». On peut tout à fait se dispenser d’écouter son argumentation en lui rappelant que, si, en fait, par définition, ouvrir le score c’est un avantage. D’un but pour être précis. Il est cependant également exact qu’ouvrir le score n’est en rien une garantie. C’est sans doute d’ailleurs pour cela que l’on continue généralement à jouer après l’ouverture du score.
Ce qui constitue en revanche moins une évidence, c’est à quel moment il vaut mieux ouvrir le score ou, pour être tout à fait précis, à quel moment est-ce le meilleur signe d’une prochaine victoire ? On pourrait croire a priori qu’il vaut mieux ouvrir le score le plus tard possible pour la simple raison que cela laisse moins de temps à l’adversaire pour égaliser. Il y à en effet une relation assez directe entre le temps joué et les chances que l’adversaire inscrive un but. Toutefois, le corollaire de cette affirmation c’est qu’il y aussi une relation directe entre le temps joué et les chances que notre équipe inscrive un but à l’adversaire. Dès lors, on peut formuler une seconde hypothèse en considérant que marquer de manière précoce, c’est à dire après peu de temps, constitue un indice de supériorité par rapport à un adversaire : en effet, plus on est dominant par rapport à un adversaire, plus on à de chances de marquer, et donc plus on a de chances de marquer après peu de temps joué. En ce sens, ouvrir le score rapidement peut-être alors annonciateur de bons résultats.
Pour avoir des réponses à ces questions, on a donc décortiqué l’ensemble des résultats du LOSC en L1 depuis l’arrivée de Christophe Galtier à la tête de l’équipe première.
Avec Galtier, le LOSC l’emporte 2 fois sur 3 quand il ouvre le score
Depuis qu’il est entraîneur du LOSC (janvier 2018), le LOSC a ouvert le score à 28 reprises en L1 pour au final l’emporter à 19 reprises pour 5 matches nuls et 4 défaites, soit une victoire plus de 2 fois sur 3. De manière peu étonnante, les Lillois ont bien plus souvent ouvert le score cette saison (19 fois sut 31 rencontres, 61 %) 2018/2019 que lors de la phase retour de la toute pourrie saison 2017/2018 (9 fois sur 19, 47 %).
Allégorie de l’entraîneur lillois lors d’un match sur trois au cours duquel le LOSC a ouvert le score
La différence entre les deux saisons est cependant encore bien plus frappante lorsque l’on compare la proportion des matchs au cours desquels les Dogues l’ont finalement emporté après cette ouverture du score : si cette saison, les lillois ont presque toujours remporté leurs rencontres après avoir ouvert le score (15 fois sur 19, 79 %), cela n’a été le cas pour la seconde partie de saison dernière que dans moins d’un cas sur deux (4 fois sur 9, 44%).
Il y a en tout cas une constante entre les deux saisons : quand Lille ouvre le score, sa moyenne de points/match est peu ou prou 3 fois supérieure à celle pour les matches où il n’ouvre pas le score. Le résultat d’un « avantage » à ouvrir le score n’est bien sûr pas du tout étonnant. La statistique constatée est cependant des plus encourageantes tant elle montre à quel point le fait d’ouvrir le score est fréquemment décisif.
L’ouverture du score, loin d’être une garantie quand on encaisse des buts …
En fait, si Lille l’emporte 2 fois sur 3 sous l’ère Galtier quand il ouvre le score, cela ne veut pas dire qu’il a « tenu » 2 fois sur 3 : sur ces 28 rencontres, Lille encaisse au moins un but à 19 reprises et a même encaissé 2 buts à pas moins de 9 reprises soit près d’1 fois sur 3 !
En fait, faire le constat que Lille remporte 10 de ces 19 rencontres au cours desquels il ouvre le score pour ensuite encaisser au moins un but montre qu’une ouverture du score constitue en soi une garantie extrêmement limitée.
Encaisser un but (ou plusieurs) peut cependant correspondre à des physionomies bien différentes. Ainsi, lors des 19 rencontres où Lille ouvre le score et encaisse au moins un but, il inscrit au final au moins deux buts à 12 reprises et, surtout, trois buts à six reprises. Parfois, encaisser un but signifie que l’on a « craqué » dans un match serré mais peut aussi correspondre à des matchs débridés qu’on finit peut-être quand-même par gagner.
Marquer dans les dix dernières minutes ou dans la dernière demi-heure
L’une des questions que l’on pose ici est : a-t-on véritablement moins de chances de l’emporter si l’on ouvre le score tôt dans le match ? La réponse est claire : oui et non. En fait, on constate que les meilleurs résultats du LOSC sont obtenus, d’une part, quand l’équipe ouvre le score tardivement, dans la dernière demi-heure (4 victoires en 4 matchs) et, d’autre part, quand elle ouvre le score très tôt (7 sur 7).
Quand Lille ouvre le score dans les 10 premières minutes, ça fait …
Sur ce graphique, on peut constater que les Dogues de Galtier ont remporté la totalité des rencontres au cours desquelles ils ont ouvert le score dans les 10 premières minutes du match ainsi que ceux pour lesquels ils ont ouvert la marque dans la dernière demi-heure. Entre la 11ème minute et la 60ème minute, les ouvertures du score n’ont abouti à une victoire que dans moins d’1 cas sur 2, les Lillois s’inclinant même dans près d’un quart de ces rencontres où ils ouvrent pourtant le score.
L’explication du fort taux de succès des Dogues quand ils ouvrent le score tardivement est la plus aisée à trouver : plus on marque tard, moins les adversaires disposent de temps pour inscrire un but. Notez au passage que cela est également vrai pour nous mais puisque l’on mène au score, on s’en tamponne quand-même un peu le coquillard d’en marquer un de plus ou non tant qu’on s’en prend pas.
Allégorie du supporter lillois après une victoire 1-0 quand le journaliste lui demande s’il ne regrette pas que son équipe n’a pas inscrit un second but pour « se mettre à l’abri du retour des Dijonnais »
Les archétypes de ce type de victoire se trouve lors des victoires lilloises contre Dijon (Lautoa ouvrant le score contre son camp à la 72ème) et à Saint-Etienne (But de Pépé à la 87ème).
Une ouverture du score tardive peut cependant également aboutir à d’autres scores qu’un 1-0 qui fleure bon les années 1990 à Grimonprez. Ca a été le cas le 30 septembre 2018 quand, après l’ouverture du score de Pépé sur pénalty (65ème), Lille profite des largesses laissées par une défense olympienne prenant davantage de risques pour une victoire finale par 3 buts à 0. Seul cas atypique, la victoire lilloise contre Strasbourg (2-1), le 28 janvier 2018. Alors qu’El Ghazi semble avoir fait le plus dur en ouvrant le score à moins d’un quart d’heure du temps additionnel (76è), Saadi met les deux équipes à égalité dans la foulée (78ème) avant qu’Egard Ié ne sauve les trois points dans le temps additionnel (2-1). Mais c’était une autre période de l’ « ère Galtier » …
Seconde allégorie du supporter lillois après une victoire 1-0 quand le journaliste lui demande s’il ne regrette pas que son équipe n’a pas inscrit un second but pour « se mettre à l’abri du retour des Dijonnais »
Ouvrir le score de manière très précoce est, contre l’intuition première, également très bon signe : 7 victoires en 7 ouvertures du score dans les 10 premières minutes ! La raison est ici différente : bien que les adversaires aient beaucoup de temps pour revenir au score, ceux d’entre eux qui encaissent des buts si tôt nous sont en général bien inférieurs, ne serait-ce que sur cette rencontre. Non seulement le LOSC de Galtier a gagné à chaque fois qu’il a ouvert le score de manière aussi précoce mais il a presque toujours marqué au moins un autre but (6 fois sur 7) et encore très souvent au moins deux autres buts (5 fois sur 7). Au total sur ces 7 rencontres, les Lillois marquent un total de 19 buts dont quatre contre Nice (4-0) et trois contre Guingamp (3-0), Caen (3-1), Nîmes (3-2) et, la saison dernière, Toulouse (3-2). Marquer très tôt est donc le signe avant-coureur d’un match sur lequel on à l’emprise et demeure en réalité aussi bon signe que de marquer tardivement.
Entre les deux plages (de temps pour ceux qui n’auraient pas suivi avec assiduité) la destinée de la rencontre est bien plus incertaine. Ouvrir le score à ce moment reste bon signe (puisque le LOSC de Galtier l’emporte encore deux fois plus souvent qu’il ne perd) mais apparaît nettement moins déterminant : on a ainsi par exemple encore en travers de la gorge la défaite contre Toulouse cette saison (1-2, malgré une ouverture du score à la 17ème par Leao) ainsi que celle, encore plus tragique celle-ci, contre Rennes la saison dernière (1-2, avec deux buts encaissés dans les 10 dernières minutes après une ouverture du score par Alonso peu avant la mi-temps). Cela finit quand-même souvent bien et parfois même relativement tranquillement comme ce fût le cas à Amiens en début de saison : ce soir-là, Pépé se payait la défense amiénoise en trois temps (45è+2, 56è, 76è) et deux pénos (ses deux premiers buts) pour porter la marque à 3-0. Kurzawa réduira le score (79è) tout comme Ghoddos. Trop tardivement (90è+3) pour nous faire trop termbler.
Posté le 15 mars 2019 - par dbclosc
1960, 1989, 1997, 2000. Quatre glorieuses de la formation losciste
On en a longuement parlé dans cet article : en 1977, le LOSC est gentiment invité par la mairie à se « régionaliser ». Conséquence concrète : en février 1978 est inauguré le centre de formation du club qui, comme son nom l’indique, a pour vocation de former de jeunes joueurs à la pratique professionnelle du football. La saison 1977/1978 voit l’apparition régulière en équipe première d’Alain Tirloit, Jean-Paul Delemer, Pierre Dréossi et Stéphane Plancque, eux qui jusqu’alors évoluaient avec la réserve dirigée par Charly Samoy et qui intègrent de fait le nouveau centre de formation. La première « rentrée des classes » du centre, à l’aube de la saison 1978/1979 voit les arrivées des Mottet, Froger, Henry, J-M Vandamme… Tous ces joueurs ont, à l’époque, entre 16 et 19 ans, et seraient aujourd’hui plutôt considérés comme « post-formés » au LOSC. Le centre de formation concerne donc de jeunes adultes, qui ont déjà un parcours de formation ailleurs. C’est progressivement que le centre va ouvrir des sections pour des catégories plus jeunes et proposer la possibilité d’un parcours et d’une formation sur un temps bien plus long. Depuis lors, Bernard Lama, Franck Ribéry, Fabien Leclercq, Eden Hazard, Sébastien Pennacchio, José Saez, Mathieu Maton, Martin Terrier ou Geoffrey Dernis, arrivés à des âges variables, restés sur des durées plus ou moins longues, et avec des destinées footballistiques diverses, ont pour point commun d’avoir fréquenté le centre de formation du LOSC. Si ce sont les joueurs qui contribuent le plus à visibiliser la valeur d’un club en matière de formation, dans les faits rares sont ceux qui embrassent une carrière professionnelle : le professionnalisme comme débouché est bel et bien l’exception. Ainsi, même quand le LOSC est arrivé au sommet dans les catégories de jeunes, peu de ses joueurs ont percé en équipe première.
Mais si le LOSC est grand, le LOSC est beau, c’est aussi parce que ses jeunes ont brillé : on s’arrête ici sur 4 grandes performances du centre de formation lillois. On retrouvera le palmarès complet du centre et quelques informations sur le site du club.
Avant le centre de formation : la coupe Gambardella 1960
Bien avant l’avènement du centre de formation, la jeunesse du LOSC s’est déjà distinguée de deux manières. Le 26 mai 1955, quelques jours avant que l’équipe première n’emporte sa cinquième coupe de France, les juniors du LOSC parviennent en finale de la première coupe Gambardella. Connue sous le nom « coupe des juniors » lors de ses 3 éditions précédentes (1937, 1938, 1939), elle est relancée en 1954 et rebaptisée du nom du président de la fédération française de football entre 1949 et 1953, Emmanuel Gambardella. La Voix du Nord de l’époque relate que « malgré un avantage territorial », les jeunes Dogues s’inclinent 0-3 contre Cannes, sous une grand chaleur en première mi-temps, et un violent orage en seconde. Les buteurs : Lamberti (9e), Bellanti (12e) et Eigenmann (21e), profitant d’une mauvaise interception du Lillois Doisy. Retenez bien ces noms, car vous n’en entendrez plus jamais parler.
Cinq ans plus tard, en 1960, tandis que son équipe première est descendue deux fois en D2 (en 1956 puis en 1959) et termine à une piètre 11e place, le LOSC se console grâce à son équipe junior, qui remporte la coupe Gambardella en battant Quevilly 1-0. Si le parcours des jeunes Lillois est assez aisé jusqu’en quarts de finale, il se complique avec la réception de Strasbourg le 3 avril 1960. L’équipe alignée (photo-ci-dessous) a fort à faire face aux Alsaciens qui comptent dans leurs rangs des joueurs comme Gilbert Gress et Robert Wurtz, futur arbitre. Le LOSC l’emporte 3-1.
Debout : Dacquet, Lemay, Citerne, Lapage, Vaillant, Huart
Assis : Desreumaux, Merlier, Preenel, Femery, Flandrin
Parmi eux, Dacquet a joué 120 matches de championnat en équipe première ensuite ; Vaillant a joué au moins un match et on un doute pour Etienne Desreumaux et Flandrin.
En demi-finale, Lille s’incline à Montpellier 0-1. Vous allez dire : tiens, c’est étonnant de remporter une coupe la saison où on est éliminé en demi-finale. En fait, les dirigeants lillois ont posé une réserve après cette défaite, et ils obtiennent gain de cause : les Montpelliérains ont aligné 4 joueurs transférés de l’intersaison précédente, alors que le règlement n’en tolère que 2. Le match est rejoué – on aurait pu faire gagner le LOSC sur tapis vert hein – le 15 mai à Paris juste après la finale Monaco/Saint-Etienne. Cette fois, les Lillois, dans une ambiance dégueulasse, s’imposent 3-0 grâce Desreumaux, Flandrin et Merlier. Après le troisième but, les Montpelliérains ne reprennent même pas le match et filent aux vestiaires !
Le redoutable Etienne Desreumaux
C’est donc à Evian que le LOSC remporte son premier titre « junior ». L’unique buteur du match est Preenel (40e). Pour illustrer le fait que les équipes de jeunes étaient bien moins encadrées que ce qu’on connaît aujourd’hui, les vainqueurs de la Gambardella 1960 n’avaient pas d’entraîneur attitré pour la saison. Le jour de la finale, c’est Jules Vandooren, ancienne gloire de l’Olympique Lillois et désormais l’entraîneur de l’équipe première, qui prend place sur le banc pour coacher les petits !
1989 : champion de France Cadets
Ancien gardien de but de Lille (1970-1975) avec qui il a été champion de D2 en 1974, Jean-Noël Dusé a débuté sa carrière professionnelle à Grenoble, puis est allé du côté de Quimper, Tours, Rennes (avec qui il remporte un nouveau titre de D2 en 1983), puis Limoges. Après avoir stoppé les ballons, il stoppe sa carrière de gardien en 1986 et revient à Lille. En 1987, il prend la succession de Jean Cieselski et prend en main les destinées des jeunes stagiaires et aspirants du club. En outre, il s’occupe des cadets nationaux, avec Pierre Michel et Jean-Luc Saulnier.
À l’issue de la saison 1988/1989, il emmène les cadets du LOSC au titre de champion de France. On avait notamment parlé de cette génération avec Joël Dolignon. Son bilan est exceptionnel : deux ans d’invincibilité ! Et malgré les absences de Farid Soudani (22 buts) et Amadou Lô, tous deux blessés, les Dogues signent un ultime succès en finale du championnat contre le Paris FC à Pontivy (1-0) après avoir sorti Le Havre en huitièmes (7-1), Metz en quarts (4-1), et le PSG en demies (2-0). À l’aube de la saison 1989/1990, six de ces joueurs sont d’ores et déjà intégrés à l’équipe de D3 : outre Oumar Dieng, déjà habitué à jouer à ce niveau, arrivent Guikoune, Soares, Leclercq, le gardien Menendez, et Soudani.
Parmi les plus connus, on reconnaît sur cette photo ceux qui ont joué en pro : Fabien Leclercq, Cédric Carrez, Joël Dolignon, Frédéric Dindeleux
1997 : Champion de France 15 ans Nationaux
La catégorie des 15 ans est la première catégorie où se forge un palmarès probant et le niveau auquel les joueurs se constituent une carte de visite nationale. En 1996, le LOSC avait terminé deuxième de sa poule derrière Amiens puis avait échoué en quarts de finale du championnat. De nouveau, il termine 2e avec 15 victoires, 3 nuls, 4 défaites, 70 buts marqués et 23 encaissés, mais va cette fois aller au bout.
Et pourtant, en septembre 1996, le jeune groupe lillois semble miné par divers problèmes et l’ambiance laisse à désirer. Mais, sous la houlette de Rachid Chihab, un joueur va se révéler : Kader Zelmati. Leader technique de l’équipe, il débute aux Asturies, avant de jouer à Lens jusqu’en pupilles 2e année. Mécontent du poste où on le faisait jouer, il retourne dans un vrai club de foot en rejoignant Douai. Au cours de la saison 95/96, son équipe affronte le LOSC, sous les yeux de Rachid Chihab, fort séduit. Jean-Michel Vandamme fait le reste.
Lors du tournoi de Pentecôte de Saint-André, ce LOSC-là fait forte impression en s’imposant, devant des clubs du calibre de Benfica ou de l’Atlético Madrid. En championnat national, il sort Châteauroux en 16e (4-1), le Red Star en 8e (1-0), Auxerre en quarts (3-0), Saint-Etienne en demi (2-1), et s’apprête à affronter Rennes en finale, à Chantilly.
Sous les yeux du président Lecomte et de 200 supporters, les jeunes Lillois s’imposent 3-1 grâce à Bob Cousin (20e, 89e) et Maton (84e) tandis que les Rennais avaient égalisé par Boulou (80e). Le LOSC est champion de France des 15 ans! Pour Bernard Lecomte, « ce titre est révélateur car c’est celui des centres de formation ». Autant dire que le LOSC qui vient de descendre en D2, nourrit de sérieux espoirs dans cette génération, composée par exemple de Julien Decroix, arrière droit venu de Bergues en 1996, champion de France avec la sélection minime du Nord ; Florian Hamache, défenseur central au gros pied droit ; Kévin Hermann, milieu à l’abattage impressionnant ; ou Matthieu Maton, son meilleur buteur, à l’aise avec les deux pieds. Et pourtant, sur le 11 titulaire de cette année, un seul parviendra à s’imposer durablement dans le monde professionnel : le défenseur central Matthieu Delpierre, précédemment à Nantes. On a parlé plus longuement de quelques-uns de ces joueurs et de leur destinée dans cet article.
2000 : Finaliste de la Coupe Gambardella
Le LOSC a connu le stade de France bien avant la Ligue des champions en 2005 ! En 2000, 40 ans après, il se retrouve de nouveau en finale de coupe Gambardella, face aux Auxerrois entraînés par Alain Fiard, en lever de rideau de la finale de coupe de France Calais/Nantes. Le parcours des Lillois a là aussi été un temps chaotique. Pour Kamil Hamadi, « le déclic pour nous s’est produit après la défaite en championnat contre Le Havre. On avait perdu 5-3 et c’est vrai que nous avions été impressionnés ». À la tête des jeunes lillois, Jean-Noël Dusé : « dans cette équipe, l’envie est venue match après math. À la sortie, cette finale, on la mérite amplement ».
Voici la composition qu’il aligne : Coque ; Bourgeois, Vandewiele, Advice, Zenguignian (Pennacchio 80e) ; Saez (cap.), Debackère, Pierru ; Moussilou, Essaka (Hamadi 83e), Djamba.
Non entrés : Lalys, Khacer, Balijon.
Les Lillois sont fébriles lors des 10 premières minutes ; il faut dire qu’Auxerre est un habitué de ces rendez-vous. Toutefois, Moussilou et Essaka se créent les deux premières occasions du match. Et là, complot météorologique, comme en 1949 (et comme en 1955, si vous avez bien suivi) : un violent orage s’abat sur Saint Denis. Pour Jean-Noël Dusé, « la violente averse en fin de première période nous a un peu déstabilisés. Le terrain est devenu lourd, et a plutôt privilégié le jeu plus physique des Auxerrois ». Résultat, juste avant la pause, les joueurs lillois bafouillent une relance : Girard récupère et centre pour Leroy, qui bat Coque (42e). En seconde période, dans un match assez fermé, ni Moussilou (59e), ni Debackère (60e), ni Zenguignian, sur coup-franc (79e) ne parviennent à égaliser. Le LOSC s’incline mais lance un tour d’honneur, si bien qu’il faut retarder la cérémonie de remise des médailles ! Le LOSC prend encore rendez-vous pour l’avenir, sous les yeux de Bernard Lecomte, qui vient de quitter ses fonctions. Pour Sébastien Pennacchio, entré en fin de match : « on pensait vraiment gagner, alors on est forcément abattu. Mais bon, ce soir on a vraiment eu des frissons (…) Bernard Lecomte était là. Cela nous a fait plaisir. On lui avait promis de ramener la coupe à la Générale de Chauffe. On a manqué à notre parole, mais cette finale restera pour les jeunes une immense fierté et un souvenir irremplaçable ».
Guy Stéphan, adjoint du sélectionneur national, est également présent : « c’est vraiment une performance d’arriver en finale, il faut maintenant voir combien de joueurs de cette équipe parviendront à faire une carrière professionnelle. Si 3 ou 4 y parviennent, alors le club pourra dire qu’il a bien fait son travail ».
Le fidèle Neuneu
Les jeunes joueurs passent, et certains formateurs restent. Jean-Noël Dusé est à la tête des équipes qui arrivent au sommet en 1989 et en 2000. Revenu au club en 1994 après un intermède de 2 ans comme entraîneur des gardiens à Saint-Etienne, il laisse un excellent souvenir. Ceux qui l’ont connu sont unanimes : Jean-Noël Dusé, affectueusement surnommé « Neuneu », outre ses qualités d’entraîneur, est un personnage attachant et sympathique. Comme nous le confiait Joël Dolignon : « Monsieur Dusé était excellent. Avec sa femme, c’étaient un peu nos deuxièmes parents. On les appréciait beaucoup ». Même sans être apprenti-footballeur, par exemple en étant supporter du LOSC âgé d’une douzaine d’années, on l’appréciait, et pas parce que le paternel nous disait : « Non mais quand même, Jean-Noël Dusé, Neuneu ! Grand gardien de but… ». Nous, ça ne nous intéressait pas trop, ça. Pas plus que le fait qu’il soit désormais à la tête du centre de formation. Pour nous, il était surtout ce monsieur très gentil qui nous faisait la causette pendant qu’on attendait que les joueurs professionnels sortent du vestiaire pour faire leur entraînement ! Et une de nos mesures de la qualité du bonhomme, c’est qu’on le voyait régulièrement nourrir les canards qui traînaient autour du stade, ainsi que le prouve ce document exclusif DBC. Faut être un gentil monsieur pour nourrir les canards !
À son retour au LOSC en 1994, il avait pu avoir la satisfaction de voir dans le groupe pro des joueurs qu’il avait dirigés quelques années auparavant : Dieng (juste avant qu’il ne parte pour Paris), Carrez, Dindeleux, Dolignon, Leclercq… En 1989, il disait déjà « si 3 ou 4 de mes cadets parvenaient à intégrer l’équipe pro, ce serait bien ». Après 6 ans dans le staff du LOSC, il rejoint les Verts en 1992 : « mon séjour à Saint Etienne s’est plutôt bien passé, mais je n’ai jamais retrouvé là-bas ce que j’avais laissé ici. Aussi, lorsque les dirigeants lillois m’ont contacté, j’ai sauté sur l’occasion. J’ai vécu trop de choses ici pour oublier ». En plus d’avoir la responsabilité du centre (« j’espère apprendre plusieurs choses aux jeunes ; s’occuper d’une trentaine de gamins, ce n’est pas rien, il faut les aider, les intéresser »), il entraîne également les gardiens du groupe professionnel, avant l’arrivée de Jean-Pierre Mottet à ce poste. Il retrouve une place auprès du groupe professionnel en 2001, jusqu’en 2007.
L’un de ses derniers coups d’éclat ? Un superbe arrêt lors de Lille/Manchester en 2007 : c’est lui qui intercepte la frappe que Mathieu Bodmer envoie en touche pour poser une réserve après le but de Ryan Giggs.
Les photos de 1960 sont issues de l’ouvrage de Paul Hurseau et Jacques Verhaeghe, Olympique Lillois, Sporting Club Fivois, Lille OSC, collection mémoire du Football, Alan Sutton, 1997
Posté le 8 mars 2019 - par dbclosc
1955, un premier barrage et une cinquième coupe
Club français au plus grand palmarès de l’après-guerre, le LOSC est en perte de vitesse en 1954/1955 : il est en effet contraint de passer par un barrage pour sauver sa place en première division, à cause notamment d’une fin de championnat bâclée. La saison est toutefois sauvée avec le gain d’une cinquième coupe de France.
Cette saison avait bien mal commencé avec le départ, dans des conditions conflictuelles, du défenseur néerlandais Corry Van Den Hart, qui réclamait une prime de 10 000 francs suite à une nouvelle réglementation sur les internationaux, et que le président Henno refusait de lui octroyer. Le LOSC lui avait pourtant trouvé un remplaçant fin juillet 1954, mais en guise d’arrière central, le club s’est offert l’histoire la plus rocambolesque de son histoire en recrutant un légionnaire déserteur se faisant passer pour le Hongrois Zacharias. Avec la blessure en début de saison du gardien César Ruminski, on se dit que cette saison peut s’annoncer difficile… mais sur le terrain, il n’en paraît rien : lors de l’ouverture du championnat, le LOSC écrase le RC Paris 6-0.
Le LOSC 1954/1955
Debout : Van Cappelen, Clauws, Van Gool, Bieganski, Lemaitre, Somerlinck
Assis : Strappe, Douis, Bourbotte, Vincent, Lefèvre
Moyen en championnat, superbe en coupe
Mais c’est un feu de paille. Alors que Lille, s’appuyant sur une défense intraitable la saison précédente, avait remporté le titre, les absences de Ruminski et Van Der Hart sont pesantes : très vite, on comprend que le LOSC ne pourra pas garder son titre. Il va même probablement connaître le plus mauvais classement de son histoire, ou plutôt le moins bon : au « pire », le LOSC s’est classé 5e lors du dernier « championnat de guerre » en 1945, puis 4e lors du championnat régulier en 1947 et 1953.
Donc pour le moment, rien de catastrophique : nous sommes fin février 1955. La fin de saison s’annonce même peinarde : même si le LOSC vit une saison en deçà des standings auxquels il nous a habitués depuis sa création, la situation sportive après 28 journées (sur 34) est assez claire : en championnat, le LOSC est 7e ! Certes, 13 équipes, de la la 5e à la 17e place se tiennent en 5 points, mais Lille regarde vers le haut. Pourquoi même ne pas tenter d’accrocher le podium, 5 points devant ? (Pour rappel, la victoire est à 2 points ; le 16e dispute un barrage contre le 3e de D2 ; les 17e et 18e sont relégués en D2)
Et surtout, le LOSC est toujours qualifié en coupe de France, dont il a déjà atteint 6 fois la finale depuis la Libération. Après avoir sorti Nantes (3-2), puis Grenoble (3-0), le LOSC a sorti le leader Reims en huitièmes fin mars (1-0), et Toulouse, le deuxième, en quarts mi-avril (1-0). C’est désormais le 3e, Strasbourg, que le LOSC va affronter en demi.
Haie d’honneur des Dogues pour leur gardien Jean Van Gool, qui se marie en avril 1955
Le sprint final
Concentré sur sa coupe, le LOSC traîne en championnat, en ne prenant qu’un point en 3 matches pendant qu’en coupe il éliminait les deux premiers du championnat. Après 31 journées – il reste donc 3 journées – la descente directe en D2 est relativement loin (Troyes, 17e, est à 4 points), mais le barrage, bien que 4 places derrière, n’est plus qu’à 1 point… Faut-il s’inquiéter ? Ou alors des joueurs de la trempe de Bieganski, Strappe, Somerlinck ou Vincent savent doser leurs efforts en priorisant la coupe tout en sachant mettre le coup de collier nécessaire pour obtenir les 2 ou 3 points qu’il manque et assurer le maintien ?
Le 24 avril, pour la 32e journée, Lille reçoit Bordeaux, un autre demi-finaliste de la coupe de France. Si la confiance est de mise côté lillois après la victoire en quart contre Toulouse, la Voix du Nord rappelle opportunément que dès lors qu’il s’agit de championnat, les Lillois perdent de leur superbe. Et c’est précisément ce qui va arriver : le LOSC, bien que devant à 2 reprises, concède le nul (2-2), la faute à un manque d’efficacité des attaquants, notamment Bourbotte et Douis qui « ratèrent des buts faciles et ne surent pas profiter des erreurs d’une défense bordelaise qui parut lourde et mal inspirée ». Ainsi, à la 17e minute, le gardien Bernard relâche une frappe de Bourbotte et « Douis, seul devant le but, reprit la balle pour l’expédier au-dessus de la transversale, alors que le point paraissait immanquable ». Ainsi donc, si Bourbotte ouvre le score (31e), Kargu égalise (41e) ; Vincent redonne l’avantage aux locaux (51e) avant que Grimonpont n’égalise (71e). On apprend après le match que si le gardien des Girondins fut si maladroit, c’est parce qu’il a été handicapé par une sortie à la 5e minute, qui lui a occasionné… une fracture du métacarpe.
Voici le classement : le LOSC prend malgré tout un point sur Metz… et la D2 se retrouve à 2 points. Somme toute, ce point n’est pas une mauvaise affaire.
Après Marseille, serrés comme des sardines au classement
33e journée, direction le Sud pour nos Lillois. Au stade Vélodrome, le LOSC va affronter un OM qui a à cœur de proposer une belle dernière devant son public. Et ça démarre mal : dès la 2e minute, Rusticelli bat Ruminski, puis Luzy fait 2-0 à la 13e. Anderson (44e) puis Marcel (55e) portent la marque à 4-0. Vincent réduit l’écart à la 59e (4-1) mais, débordés en dépit d’un « heading » de Douis sur la barre à la 65e, les Lillois encaissent un 5e but par Rusticelli (75e). 1-5, ça fait mal : « les Lillois n’ont aucune excuse à faire valoir. Ils ont été battus normalement par une équipe marseillaise beaucoup plus rapide ». Et ça fait d’autant plus mal que, pendant ce temps, Nancy a pris un point, et que Metz en a pris 2. C’est donc uniquement grâce à leur goal-average favorable par rapport à Nancy, Metz et Monaco que les Lillois ne sont pas barragistes. Et autre problème de taille : Troyes a également gagné, et revient donc à 2 points de ce groupe de 4. Autrement dit, Troyes n’est pas condamné avant la dernière journée, et va donc disputer son 34e match de la saison pour se sauver… à Lille. On reviendra plus bas sur les enjeux et les scénarios possibles de la dernière journée. En attendant, la Voix du Nord n’est pas tendre avec les Lillois : « nous n’avons jamais eu de fréquentes occasions, cette année, de nous réjouir de la tenue de l’équipe du LOSC (…) Ce que l’amateur ne peut comprendre, c’est que les joueurs du LOSC parviennent à se distinguer en coupe et soient si ternes dans le championnat, depuis la fin de janvier. La débâcle de Marseille est d’autant plus insupportable qu’un seul point aurait suffi aux Lillois pour se tirer d’affaire ».
En route pour la finale
Afin d’évacuer cette cinglante défaite, les Lillois vont pouvoir se projeter dans leur demi-finale de coupe. Pas de chance : Ruminski, gêné depuis le début de saison par un genou, a rechuté. C’est Van Gool qui gardera le but contre Strasbourg, à Colombes. En guise d’amuse-bouche, un amical contre Maubeuge est organisé : Lille gagne au petit trot, en deux périodes de 35 minutes, 3-1 « devant quelques centaines d’amateurs préférant à cette occasion le casse-croûte au plus copieux beefsteack », allez comprendre l’utilité de cette précision dans un article. Les buteurs : Douis, Bourbotte et Lefèvre. Le match s’est terminé avant le clair de lune. Poisse : Strappe s’est blessé : Lenglet devrait donc être aligné comme avant-centre.
La presse régionale s’interroge : face à un adversaire d’une telle qualité, quelle équipe du LOSC allons-nous voir ? « On ne sait plus par quel bout la prendre. Elle est fantasque au possible, instable dans ses résultats ». Même si la coupe semble sublimer les Lillois qui « grâce aux succès qu’ils ont accumulés cette saison, leur laisse un sentiment d’invulnérabilité qui les stimule », c’est surtout, paradoxalement, le beau jeu des Strasbourgeois qui serait un atout pour ce LOSC qui a du mal contre les équipes « au jeu à l’emporte-pièce, mais incisif » comme Nantes, Marseille ou Nancy. Au contraire, « la recherche du beau football, du jeu à ras de terre » de Strasbourg promet un match entre formations aux qualités égales. Bien renseignée, la Voix du Nord balance tout, et après ça se targue d’avoir été créé dans la Résistance : « les Lillois ont prévu une parade : Bieganski ne suivra pas comme l’ombre Stojaspal, avant-centre en retrait. Clauws, dans ces moments, se chargera de l’Autrichien, et Bieganski sera prêt à surveiller Carlier, inter libéré par Clauws ».
9 mai, 15h : c’est parti ! Mauvais présage ? Les Lillois perdent le toss et jouent la première période face au vent. L’avantage, c’est probablement qu’ils joueront la seconde période avec le vent dans le dos. Le LOSC démarre fort, mais ni Douis (3e), ni Bourbotte (4e), ni Vincent (6e) ne trouvent l’ouverture. Les 10 minutes suivantes sont pour Strasbourg, avec 4 corners, dont l’un est dégagé par Pazur, sur la ligne de but, qui supplée Van Gool, battu. Les débats sont équilibrés, ce que reflète le score à la pause : 0-0.
Van Gool s’empare du ballon sous les yeux de, de gauche à droite : Bourbotte, Pazur, Bieganski, Stojaspal et Somerlinck
À la reprise, Lille pousse de nouveau : Lefèvre (53e), Douis (54e), Vincent (55e), puis Lenglet (57e) manquent de peu d’ouvrir le score. Finalement, la libération arrive 5 minutes plus tard : sur un centre de Douis, Lenglet profite d’une hésitation de Borkowski pour ouvrir le score (62e) ! De la 60e à la 70e, le LOSC subit : Van Gool est sauvé par sa barre (65e) avant de réaliser deux superbes arrêts (67e). Et alors qu’on croit l’égalisation proche, Douis envoie un « bolide », un « tir fracassant » de 25 mètres qui fait 2-0 ! Dès lors, les Dogues déroulent et, à Strasbourg, « la pagaille se mit à régner » : à la 75e, Bourbotte fait 3-0 ; Clauws parachève le succès lillois à la 90e (4-0). Lille est en finale, et affrontera Bordeaux.
La Voix salue la « puissance, l’énergie, le sang-froid » des joueurs lillois, Bieganski en tête, ainsi que Lenglet, dont on craignait qu’il ne soit trop tendre pour un match de cet enjeu : « ne crions pas miracle : Lenglet n’est pas Bihel ou Baratte, beaucoup s’en faut. Mais il apporte dans l’attaque une note agressive que l’on ne connaissait plus. Il sprinte pour toutes les balles, même si elles paraissent perdues. Et c’est pour cela qu’il plaît et que parfois, il réussit d’admirables choses. On admire en lui le goût de la lutte, de la hargne. Il donne l’apparence d’aimer son club, de se battre pour lui ». Lenglet a gagné avec cette performance un contrat pro ! Il aurait dû soit retourner dans un club amateur, en l’occurrence Hallencourt, d’où il est originaire, soit signer pro, selon une réglementation nouvelle concernant les stagiaires après une saison dans un club professionnel. Or, la tendance était jusqu’alors au retour de Lenglet à Hallencourt.
La tête à la finale
Après 15 jours d’interruption pour cause de coupe de France et de matches internationaux (au cours desquels 4 lillois ont été sélectionnés en équipe nationale : Bieganski, Louis et Vincent en A, Lefèvre en B), la Division Nationale est de retour. C’est la dernière journée. En bas de tableau, on sait déjà que le CORT est condamné. Pour la descente automatique, Troyes est le mieux placé pour l’accompagner, car il a 2 points de retard sur un groupe de 4 clubs (le LOSC, Metz, Nancy et Monaco) parmi lesquels on trouve probablement le barragiste. On a fait les calculs pour vous : pour se sauver, Troyes doit gagner à Lille. En raison d’une différence de goal-average trop importante, il est improbable que Troyes passe devant le LOSC (il faudrait une victoire de Troyes par 13 buts d’écart). En revanche, en gagnant, les Troyens passeraient à coup sûr devant les Messins, si du moins ces derniers perdent. Donc, pour la dernière journée, Lille s’en sortira quoi qu’il arrive s’il gagne ; en cas de nul, il suffit qu’une des 3 équipes (Monaco, Nancy, Metz) ne gagne pas pour se sauver ; en cas de défaite, il faut que l’une des 3 mêmes équipes perde. Tout autre scénario envoie le LOSC en barrage.
Mais la Voix du Nord le souligne bien : ce qui préoccupe les Lillois, c’est bien la préparation de la finale de la coupe de France : « bien que l’on ne dissimule pas l’intérêt et l’importance de cette rencontre, elle ne retient pas l’attention des Lillois. On considère que Lille battra Troyes. Ce qui compte, c’est la finale. Et plus encore, les billets pour la finale ». Cela fait déjà 8 jours que les supporters du LOSC cherchent à se procurer des places, et le secrétariat du club est « positivement assiégé par des gens très respectables qui sont prêts à de gros sacrifices pour obtenir une toute petite place de tribune ». Le LOSC a obtenu de la fédération 4 500 places (2 000 assises, 2 500 debout). La priorité va aux 1600 abonnés qui, parfois, réclament une place supplémentaire qu’il est difficile de refuser car, selon L. Henno, « chaque saison, ils nous font une avance de 8 millions ». Le président du LOSC s’émeut auprès du président de la fédération que chaque club finaliste ne dispose que de 4 500 places, alors que le stade de Colombes en compte 65 000, et demande une rallonge : « jovial et conciliant comme le sont toujours les présidents, M. Pochonnet a répondu : « mon gros, tu sais bien que je ne peux rien te refuser ! ». Mais Monsieur Henno attend toujours ». Et voilà que le préfet, ses chefs de cabinet, les sous-préfets et chefs de division veulent aussi assister au match, si bien que M. Henno « se fait autant d’amis que d’ennemis en pareille circonstance ». Idem pour Gaston Davidson, président de la section des supporters qui « se trouve des tas d’amis inconnus ».
Pour ce dernier match de championnat de la saison – a priori – le LOSC doit de nouveau faire sans Ruminski et Strappe. De plus, Lemaître, blessé à une cuisse, est remplacé par Van Cappelen. Confiance mais prudence : « les Bonnetiers présenteront leur équipe au grand complet et des attaquants comme Ben Tifour, Winckler, Flamion, Bessonart ne sont pas à dédaigner. Ils donneront du travail à la défense lilloise qui devra se montrer d’autant plus prudente qu’elle sera privée des services de son arrière gauche titulaire Lemaître ».
Ça démarre très bien : après 25 minutes de jeu, Vincent ouvre le score, trompant la vigilance de Flamion. Oui, Flamion, l’attaquant de Troyes, qui a échangé sa place avec Landi, l’habituel gardien, blessé d’entrée de match. À la pause, le LOSC est devant, et l’issue de la saison paraît toute tracée pour les deux adversaires du jour. Et pourtant : « les Loscistes, au lieu de demeurer calmes, d’organiser leur défense comme ils savent si bien le faire en coupe, s’affolèrent, commirent de lourdes fautes de marquage. Figés, parfois incapables de réaction rapide devant des adversaires dont la qualité essentielle était la mobilité, ils furent ballotés de toutes parts ». En début de seconde période, Delcampe égalise, mais « ce n’était pas encore tragique pour le LOSC ». Landi reprend sa place dans le but troyen. Le match se transforme en n’importe quoi, « une pagaille » : « l’enjeu de ce match se limitait à quelques combats singuliers ». Et Troyes porte le danger : « Bessonnart et Ben Tifour semaient la panique dans la défense locale, et chaque fois que Ben Tifour prenait la balle, des sueurs froides coulaient dans le dos des supporters locaux ». Inévitablement, l’international français marquait le 2e but de son équipe à la 68e. Les Dogues attaquent alors de manière désorganisée, sans se créer d’occasion : « Lille était dans un jour horrible et l’on n’arrive pas à comprendre comment en 15 jours une équipe peut se transformer de la sorte ». Le LOSC s’incline 1-2 ; Nancy ayant gagné et Metz et Monaco ayant pris un point, le LOSC est 16e, son pire classement de la saison, au plus mauvais moment : il faudra jouer un barrage pour garder sa place en D1. Ce sera contre Rennes. La coupe de France a-t-elle encore de l’importance dans ces circonstances ?
Ce diable de Ben Tifour poursuivi par Bieganski et ses grands compas
Le 24 mai, dans un éditorial, la Voix du Nord regrette que se soit trouvée réduite « la puissance acquise par la fusion des éléments de l’Olympique Lillois et du SC Fivois (…) Si la ville de Lille, après celles de Roubaix et de Tourcoing, perd tout contact avec l’élite du football français, pour une période dont il sera impossible de déterminer la durée, il faudra bien exposer au grand jour les erreurs commises dans maints domaines, depuis deux ans à peu près (…) Quelqu’un disait à la sortie du stade Henri-Jooris, dimanche, que l’équipe actuelle du LOSC serait nettement battue par les équipes de l’OL et de Fives d’avant-guerre. Elles lui étaient supérieures par la valeur technique de l’ensemble, et plus encore par l’énergie déployée en toutes circonstances. Tout cela qui doit être vrai met le niveau actuel du football lillois à un degré assez bas et explique le désintéressement des foules sportives. Comme quoi nous n’avions pas besoin d’un stade de 40 000 places… ». Oui, ça date de 1955.
Bon ben on se retrouve comme des cons là. On pensait avoir l’esprit libéré pour préparer dans les meilleurs conditions la quête d’une cinquième coupe de France, et voilà que cette finale devient presque superflue.
Les Lillois s’entraînent à Henri-Jooris en attendant leur départ le jeudi soir pour Brunoy, en Seine-et-Oise, où ils résideront à l’hôtel du Cheval blanc. Jean Chantry, de la VDN, y a vu Vincent, Strappe et Douis envoyer des « shoots terrifiants » : « vraiment, on se demande pourquoi ce qui est si bien fait à l’entraînement donne un résultat pitoyable quand il s’agit d’un match officiel ». Une fois arrivé en région parisienne, Strappe a à cœur de montrer qu’il est rétabli pour la finale : « je ne voudrais pas me présenter devant M. Coty sans être en parfaite condition. Ce serait lâche de prendre la place d’un copain et de laisser l’équipe à 10 après un quart d’heure de jeu ». Le vendredi après-midi, détente pour nos Dogues, de passage au vélodrome miniature de Brunoy, où « Lefèvre, Donis, Bieganski s’amusèrent comme des gosses sur des vélos de toutes dimensions » sous l’oeil inquiet de Cheuva, Klès et Dassonville, craignant une bête blessure. Au programme du samedi : footing le matin « cours tactique et conférence » l’après-midi, au cours de laquelle « il sera fait appel aux sentiments : le renom du club, la petite fibre locale y seront particulièrement soulignés, afin de mieux faire comprendre aux footballeurs lillois l’importance de la lutte qu’ils auront à livrer ».
3 trains et « une centaine d’autocars » font le déplacement à Colombes. Événement : la finale est télévisée. Ce n’est pas une première et le parc des téléviseurs est encore assez faible à l’époque, mais c’est notable tant les relations entre la fédération de football et la télévision sont conflictuelles. Toujours la même question : à quel visage du LOSC allons-nous avoir droit ? Celui, pataud, du championnat ou celui, virevolant, de la coupe ? La réponse arrive assez vite : dès la 6e minute, Vincent marque un premier but de la tête sur un centre de Lefèvre initialement repoussé par le gardien : « d’entrée, on eut la certitude que Lille allait gagner. Les loscistes semblaient voler sur le terrain. Ils étaient partout où la moindre once de danger pouvait se manifester. En 3 passes, la balle était devant le but bordelais et, toujours, un shoot partait dans de bonnes conditions ». « Déjà inspirée, soudée et bien en train, l’équipe devint irrésistible » : mis à part quelques minutes autour du quart d’heure où le LOSC subit, rien ne semble plus pouvoir atteindre négativement le LOSC. « Soudain, piqué par on ne sait quelle mouche, Douis se déchaîna. On le vit à droite, à gauche, toujours élégant, souverain » : il centre sur la tête de Lefèvre qui heurte la barre ; un instant après, il inscrit le 2e but lillois après s’être ouvert le but d’une feinte sur le gardien (27e). 3 minutes après, à une quinzaine de mètres du but bordelais, Douis arme à nouveau et surprend encore Astresses : 3-0 ! Face à des Bordelais « débordés, accablés », Bourbotte inscrit un 4e but, en deux temps, bien servi par Douis (34e) : « c’était la ruine totale de ce match ». À la 37e, Lefèvre ajoute même un cinquième but, refusé par l’arbitre pour des raisons que la VDN n’a pas comprises. Pour un ouvrage relatif au football au stade Henri-Jooris que nous avons consulté, si l’arbitre n’a pas accordé ce but, c’est pour « ne pas condamner trop tôt les malheureux bordelais ». Résultat, les malheureux bordelais reviennent à 1-4 juste avant la pause. À l’heure de jeu, ils reviennnent même à 2-4. Mais, à la 75e, Bourbotte conclut la fête en reprenant de volée un corner de Lefèvre. Lille remporte encore la coupe de France, et c’est probablement la plus éclatante de ses finales.
Lefèvre est ravi : « une tête sur la barre, un but refusé, deux autres ratés. Quelle poisse pour cette finale ! ». Mais le LOSC remporte donc sa cinquième coupe de France ! C’est la fête ! Non, ce n’est pas vraiment la fête. André Cheuva a interdit le champagne : « ça vous apprendra ! Vous n’aviez qu’à mieux jouer en championnat ! ». N’attendaient les Dogues qu’« une vulgaire tisane et des bouteilles d’eau minérale ». On apprend finalement qu’un dirigeant bordelais, M. Balarès, est entré dans le vestiaire lillois avec un quadruple magnum de vin blanc : « on ne saura jamais par quelle opération du Saint-Esprit il disparut. Un quart d’heure après, le divin flacon traînait dans un coin, vidé ».
Place au barrage
André Cheuva, après avoir enterré son père le 1er juin, emmène son équipe à Jonchéry-sur-Vesle, dans la Marne, le premier barrage se déroulant à Reims. Il espère bien reconduire la même équipe contre Rennes que celle qui a triomphé en coupe. Il manque Roland Clauws, qui se marie mais reviendra vite à l’essentiel et sera disponible ce week-end.
On connaissait la clause de mariage, voici le mariage de Clauws
Il paraît que les Rennais en veulent aux Lillois, qui auraient « faussé les barrages » en perdant contre Troyes : « contre le LOSC, disent les Rennais, nous n’avons aucune chance. C’est Troyes, Metz ou Monaco que nous aurions dû rencontrer. Lille n’est pas une équipe mûre pour la seconde division ». L’entraîneur, Artigas, est bien plus nuancé : « il apparaît que le LOSC n’est pas le même en championnat qu’en coupe de France. Allons ! Si nous ne devons pas être considérés comme favoris, nous ne devons pas être sacrifiés à l’avance ». L’entraîneur rennais est aussi joueur : à 38 ans, il a décidé de se titulariser en milieu de terrain. Il dit qu’il a bien préparé la confrontation contre le LOSC, notamment en regardant les actualités cinématographiques (une espèce d’ancêtre du JT, qui passait avant le film de la semaine dans les cinémas), où la finale Lille/Bordeaux était amplement développée. Espérons pour lui que les images étaient de meilleure qualité que celles du résumé posté plus haut.
Côté supporters lillois, une micheline fait le trajet jusque Reims : départ de Lille à 8h301 pour un coup d’envoi à 15h ce 5 juin.
Le match est fermé. Les Rennais sont venus pour défendre, et seulement pour défendre. La VDN évoque le « béton breton » : un marquage strict, et la quasi-impossibilité pour les Lillois de se mouvoir. « Les Rennais étaient sur notre dos avant que nous ne soyions en possession du ballon. Nous n’avions même pas le temps de faire une déviation » déplore Lefèvre. De l’autre côté du terrain, l’attaque rennaise n’en est même pas une : « il n’y avait pas d’ailier gauche, et à droite, Aubautret, bon joueur, n’avait rien d’un ailier et multipliait les rentrées vers le centre. Donc, pas d’avants de pointe ». Lille est coincé, et Rennes n’envoie que de vagues centres qu’intercepte sans problème Van Gool. À la mi-temps, c’est 0-0. à la reprise, même scénario : « les Lillois, qui avaient aussi peur que les Rennais, n’osaient pas se découvrir ». À la 54e, les Dogues trouvent enfin l’ouverture : Strappe remonte le ballon côté droit, efface 2 adversaires et centre en retrait ; Douis gêne habilement le gardien et Bourbotte, opportuniste, ouvre la marque ! « Nous vous jurons qu’à ce moment, et à ce moment seulement, les poitrines nordistes se décontractèrent. André Cheuva, sur son banc, sortit un mouchoir et s’épongea ». Le match se termine dans l’ennui. Rennes tente de sortir, mais cette fois les Lillois attendent, et le match s’achève sur une première manche gagnée 1-0.
Pour le barrage retour, les Lillois se mettent au vert à Maisons-Laffitte. Ils sont décidés à ne pas reproduire le scénario du barrage aller, en marquant d’entrée, et en obligeant ainsi Rennes à sortir. Coup d’envoi donné à 16h au Parc des Princes : Rennes, manifestement, a décidé d’attaquer. Il faut dire que les Bretons n’ont pas vraiment le choix. Ils attaquent alors de manière désordonnée : le LOSC plie, dès la 5e minute. Alors que Van Gool est à terre, Baillot frappe, mais de manière précipitée et envoie le ballon à côté. « Dieu seul sait ce qui fut advenu d’une équipe lilloise remontée au score » : Lille tient encore 10 minutes et sort à son tour. Sur sa première attaque bien construite, Vincent centre sur la tête de Bourbotte qui ouvre le score (16e). Le match était déjà plié. Rennes continuait d’attaquer de manière toujours plus inoffensive, et Lille jouait désormais rapidement en contre-attaque. Ce schéma fait alors ressortir l’écart technique entre les deux équipes : les Lillois étaient rapides et précis, les Rennais étaient lents et « monocordes », leurs attaquants se faisant surtout remarquer pour « l’indigence de leurs tirs ». Et à la 36e, logiquement, un dégagement de Van Gool, relayé par Pazur, parvient à Bourbotte qui réalise un doublé : 2-0 à la mi-temps ! Dès la reprise, Bernard Lefèvre fait 3-0 après avoir dribblé Le Boadec et Pinat (48e). Les Bretons, dans la foulée, réduisent l’écart par Artigas, reprenant un tir sur le poteau de Baillot (3-1, 50e). Puis « à chaque action éclatait la supériorité des Lillois » : Lefèvre inscrit un 4e but (63e), puis au but d’une action collective Somerlynck-Strappe-Douis, Vincent place le ballon entre les jambes de Pinat (5-1, 67e)
Bourbotte y va de son triplé à la 71e (6-1). « Le jeu du LOSC était infiniment plus riche, plus complet. Mais on ne le vit que lorsque furent disparus tous les sujets de crainte, car tant qu’il fut en danger, le LOSC joua mal ». Tout à sa joie, un groupe de supporters écrit à la Voix du Nord pour remercier ses journalistes, en particulier MM. Charlet et Chantry, de leurs judicieuses critiques sur leur club durant la saison, et notamment depuis la défaite en janvier à domicile contre Nancy (2-5). En voici un extrait :
« L’euphorie de la victoire ne doit pas faire oublier que le LOSC a une renommée nationale que ses dirigeants n’ont pas le droit de diminuer (…) La saison est finie, oublions les regrets, les déceptions, mais dès maintenant, préparons la saison prochaine. Nous faisons appel à votre sens judicieux, votre connaissance des joueurs, pour que ne se renouvellent pas les erreurs, les situations comiques et cruelles pour nous. L’étonnante renommée du LOSC et de Lille impose, à notre avis, la création d’un comité de gestion qui comprendrait quelques personnalités qualifiées, des représentants des supporters, et surtout des critiques sportifs de la presse de Lille ; ce comité veillerait à émettre des suggestions, des critiques, dont les dirigeants devraient tenir compte pour un rendement maximum.
Nous vous faisons confiance car nous savons votre dévouement au LOSC et à tous les sports où le renom de la ville de Lille est en jeu.
Merci. Vive le LOSC, vive Lille, vive La Voix du Nord »
À l’issue de performances décevantes en championnat, le LOSC se maintient donc en première division. La saison a été marquée par une part de malchance (les blessures de Ruminski et de Strappe), mais aussi par des tâtonnements qui ont lourdement pesé (le remplacement de Van Der Hart, l’incapacité à percevoir le danger de la relégation à partir de janvier). Pour Louis Henno, « ces émotions vont rendre à chacun le goût de la lutte, de l’entreprise. Nous allons nous remuer davantage. Ceci a été une bonne leçon pour nous tous » : ces intentions ne seront malheureusement pas suivies d’effets, puisque dès la saison suivante, de nouvelles erreurs conduisent encore à la 16e place et, cette fois, les barrages ne souriront pas aux Dogues. Finalement, cette saison 1954-1955 marque la fin d’une époque. L’équipe a affiché deux visages : l’un, excellent, en coupe, comme les derniers soubresauts d’une glorieuse décennie, l’autre, inquiétant, en championnat, comme les prémisses d’années bien plus difficiles.
La saison s’achève sur un transfert-surprise
FC Notes
1 Cet horaire est déterminé pour permettre aux supporters qui le souhaitent « d’accomplir leurs devoirs électoraux », indique la Voix du Nord. Mais il n’y a pas d’élection le 5 juin 1955. Mystère.