Archive pour la catégorie ‘le LOSC est grand, le LOSC est beau’
Posté le 15 mars 2019 - par dbclosc
1960, 1989, 1997, 2000. Quatre glorieuses de la formation losciste
On en a longuement parlé dans cet article : en 1977, le LOSC est gentiment invité par la mairie à se « régionaliser ». Conséquence concrète : en février 1978 est inauguré le centre de formation du club qui, comme son nom l’indique, a pour vocation de former de jeunes joueurs à la pratique professionnelle du football. La saison 1977/1978 voit l’apparition régulière en équipe première d’Alain Tirloit, Jean-Paul Delemer, Pierre Dréossi et Stéphane Plancque, eux qui jusqu’alors évoluaient avec la réserve dirigée par Charly Samoy et qui intègrent de fait le nouveau centre de formation. La première « rentrée des classes » du centre, à l’aube de la saison 1978/1979 voit les arrivées des Mottet, Froger, Henry, J-M Vandamme… Tous ces joueurs ont, à l’époque, entre 16 et 19 ans, et seraient aujourd’hui plutôt considérés comme « post-formés » au LOSC. Le centre de formation concerne donc de jeunes adultes, qui ont déjà un parcours de formation ailleurs. C’est progressivement que le centre va ouvrir des sections pour des catégories plus jeunes et proposer la possibilité d’un parcours et d’une formation sur un temps bien plus long. Depuis lors, Bernard Lama, Franck Ribéry, Fabien Leclercq, Eden Hazard, Sébastien Pennacchio, José Saez, Mathieu Maton, Martin Terrier ou Geoffrey Dernis, arrivés à des âges variables, restés sur des durées plus ou moins longues, et avec des destinées footballistiques diverses, ont pour point commun d’avoir fréquenté le centre de formation du LOSC. Si ce sont les joueurs qui contribuent le plus à visibiliser la valeur d’un club en matière de formation, dans les faits rares sont ceux qui embrassent une carrière professionnelle : le professionnalisme comme débouché est bel et bien l’exception. Ainsi, même quand le LOSC est arrivé au sommet dans les catégories de jeunes, peu de ses joueurs ont percé en équipe première.
Mais si le LOSC est grand, le LOSC est beau, c’est aussi parce que ses jeunes ont brillé : on s’arrête ici sur 4 grandes performances du centre de formation lillois. On retrouvera le palmarès complet du centre et quelques informations sur le site du club.
Avant le centre de formation : la coupe Gambardella 1960
Bien avant l’avènement du centre de formation, la jeunesse du LOSC s’est déjà distinguée de deux manières. Le 26 mai 1955, quelques jours avant que l’équipe première n’emporte sa cinquième coupe de France, les juniors du LOSC parviennent en finale de la première coupe Gambardella. Connue sous le nom « coupe des juniors » lors de ses 3 éditions précédentes (1937, 1938, 1939), elle est relancée en 1954 et rebaptisée du nom du président de la fédération française de football entre 1949 et 1953, Emmanuel Gambardella. La Voix du Nord de l’époque relate que « malgré un avantage territorial », les jeunes Dogues s’inclinent 0-3 contre Cannes, sous une grand chaleur en première mi-temps, et un violent orage en seconde. Les buteurs : Lamberti (9e), Bellanti (12e) et Eigenmann (21e), profitant d’une mauvaise interception du Lillois Doisy. Retenez bien ces noms, car vous n’en entendrez plus jamais parler.
Cinq ans plus tard, en 1960, tandis que son équipe première est descendue deux fois en D2 (en 1956 puis en 1959) et termine à une piètre 11e place, le LOSC se console grâce à son équipe junior, qui remporte la coupe Gambardella en battant Quevilly 1-0. Si le parcours des jeunes Lillois est assez aisé jusqu’en quarts de finale, il se complique avec la réception de Strasbourg le 3 avril 1960. L’équipe alignée (photo-ci-dessous) a fort à faire face aux Alsaciens qui comptent dans leurs rangs des joueurs comme Gilbert Gress et Robert Wurtz, futur arbitre. Le LOSC l’emporte 3-1.
Debout : Dacquet, Lemay, Citerne, Lapage, Vaillant, Huart
Assis : Desreumaux, Merlier, Preenel, Femery, Flandrin
Parmi eux, Dacquet a joué 120 matches de championnat en équipe première ensuite ; Vaillant a joué au moins un match et on un doute pour Etienne Desreumaux et Flandrin.
En demi-finale, Lille s’incline à Montpellier 0-1. Vous allez dire : tiens, c’est étonnant de remporter une coupe la saison où on est éliminé en demi-finale. En fait, les dirigeants lillois ont posé une réserve après cette défaite, et ils obtiennent gain de cause : les Montpelliérains ont aligné 4 joueurs transférés de l’intersaison précédente, alors que le règlement n’en tolère que 2. Le match est rejoué – on aurait pu faire gagner le LOSC sur tapis vert hein – le 15 mai à Paris juste après la finale Monaco/Saint-Etienne. Cette fois, les Lillois, dans une ambiance dégueulasse, s’imposent 3-0 grâce Desreumaux, Flandrin et Merlier. Après le troisième but, les Montpelliérains ne reprennent même pas le match et filent aux vestiaires !
Le redoutable Etienne Desreumaux
C’est donc à Evian que le LOSC remporte son premier titre « junior ». L’unique buteur du match est Preenel (40e). Pour illustrer le fait que les équipes de jeunes étaient bien moins encadrées que ce qu’on connaît aujourd’hui, les vainqueurs de la Gambardella 1960 n’avaient pas d’entraîneur attitré pour la saison. Le jour de la finale, c’est Jules Vandooren, ancienne gloire de l’Olympique Lillois et désormais l’entraîneur de l’équipe première, qui prend place sur le banc pour coacher les petits !
1989 : champion de France Cadets
Ancien gardien de but de Lille (1970-1975) avec qui il a été champion de D2 en 1974, Jean-Noël Dusé a débuté sa carrière professionnelle à Grenoble, puis est allé du côté de Quimper, Tours, Rennes (avec qui il remporte un nouveau titre de D2 en 1983), puis Limoges. Après avoir stoppé les ballons, il stoppe sa carrière de gardien en 1986 et revient à Lille. En 1987, il prend la succession de Jean Cieselski et prend en main les destinées des jeunes stagiaires et aspirants du club. En outre, il s’occupe des cadets nationaux, avec Pierre Michel et Jean-Luc Saulnier.
À l’issue de la saison 1988/1989, il emmène les cadets du LOSC au titre de champion de France. On avait notamment parlé de cette génération avec Joël Dolignon. Son bilan est exceptionnel : deux ans d’invincibilité ! Et malgré les absences de Farid Soudani (22 buts) et Amadou Lô, tous deux blessés, les Dogues signent un ultime succès en finale du championnat contre le Paris FC à Pontivy (1-0) après avoir sorti Le Havre en huitièmes (7-1), Metz en quarts (4-1), et le PSG en demies (2-0). À l’aube de la saison 1989/1990, six de ces joueurs sont d’ores et déjà intégrés à l’équipe de D3 : outre Oumar Dieng, déjà habitué à jouer à ce niveau, arrivent Guikoune, Soares, Leclercq, le gardien Menendez, et Soudani.
Parmi les plus connus, on reconnaît sur cette photo ceux qui ont joué en pro : Fabien Leclercq, Cédric Carrez, Joël Dolignon, Frédéric Dindeleux
1997 : Champion de France 15 ans Nationaux
La catégorie des 15 ans est la première catégorie où se forge un palmarès probant et le niveau auquel les joueurs se constituent une carte de visite nationale. En 1996, le LOSC avait terminé deuxième de sa poule derrière Amiens puis avait échoué en quarts de finale du championnat. De nouveau, il termine 2e avec 15 victoires, 3 nuls, 4 défaites, 70 buts marqués et 23 encaissés, mais va cette fois aller au bout.
Et pourtant, en septembre 1996, le jeune groupe lillois semble miné par divers problèmes et l’ambiance laisse à désirer. Mais, sous la houlette de Rachid Chihab, un joueur va se révéler : Kader Zelmati. Leader technique de l’équipe, il débute aux Asturies, avant de jouer à Lens jusqu’en pupilles 2e année. Mécontent du poste où on le faisait jouer, il retourne dans un vrai club de foot en rejoignant Douai. Au cours de la saison 95/96, son équipe affronte le LOSC, sous les yeux de Rachid Chihab, fort séduit. Jean-Michel Vandamme fait le reste.
Lors du tournoi de Pentecôte de Saint-André, ce LOSC-là fait forte impression en s’imposant, devant des clubs du calibre de Benfica ou de l’Atlético Madrid. En championnat national, il sort Châteauroux en 16e (4-1), le Red Star en 8e (1-0), Auxerre en quarts (3-0), Saint-Etienne en demi (2-1), et s’apprête à affronter Rennes en finale, à Chantilly.
Sous les yeux du président Lecomte et de 200 supporters, les jeunes Lillois s’imposent 3-1 grâce à Bob Cousin (20e, 89e) et Maton (84e) tandis que les Rennais avaient égalisé par Boulou (80e). Le LOSC est champion de France des 15 ans! Pour Bernard Lecomte, « ce titre est révélateur car c’est celui des centres de formation ». Autant dire que le LOSC qui vient de descendre en D2, nourrit de sérieux espoirs dans cette génération, composée par exemple de Julien Decroix, arrière droit venu de Bergues en 1996, champion de France avec la sélection minime du Nord ; Florian Hamache, défenseur central au gros pied droit ; Kévin Hermann, milieu à l’abattage impressionnant ; ou Matthieu Maton, son meilleur buteur, à l’aise avec les deux pieds. Et pourtant, sur le 11 titulaire de cette année, un seul parviendra à s’imposer durablement dans le monde professionnel : le défenseur central Matthieu Delpierre, précédemment à Nantes. On a parlé plus longuement de quelques-uns de ces joueurs et de leur destinée dans cet article.
2000 : Finaliste de la Coupe Gambardella
Le LOSC a connu le stade de France bien avant la Ligue des champions en 2005 ! En 2000, 40 ans après, il se retrouve de nouveau en finale de coupe Gambardella, face aux Auxerrois entraînés par Alain Fiard, en lever de rideau de la finale de coupe de France Calais/Nantes. Le parcours des Lillois a là aussi été un temps chaotique. Pour Kamil Hamadi, « le déclic pour nous s’est produit après la défaite en championnat contre Le Havre. On avait perdu 5-3 et c’est vrai que nous avions été impressionnés ». À la tête des jeunes lillois, Jean-Noël Dusé : « dans cette équipe, l’envie est venue match après math. À la sortie, cette finale, on la mérite amplement ».
Voici la composition qu’il aligne : Coque ; Bourgeois, Vandewiele, Advice, Zenguignian (Pennacchio 80e) ; Saez (cap.), Debackère, Pierru ; Moussilou, Essaka (Hamadi 83e), Djamba.
Non entrés : Lalys, Khacer, Balijon.
Les Lillois sont fébriles lors des 10 premières minutes ; il faut dire qu’Auxerre est un habitué de ces rendez-vous. Toutefois, Moussilou et Essaka se créent les deux premières occasions du match. Et là, complot météorologique, comme en 1949 (et comme en 1955, si vous avez bien suivi) : un violent orage s’abat sur Saint Denis. Pour Jean-Noël Dusé, « la violente averse en fin de première période nous a un peu déstabilisés. Le terrain est devenu lourd, et a plutôt privilégié le jeu plus physique des Auxerrois ». Résultat, juste avant la pause, les joueurs lillois bafouillent une relance : Girard récupère et centre pour Leroy, qui bat Coque (42e). En seconde période, dans un match assez fermé, ni Moussilou (59e), ni Debackère (60e), ni Zenguignian, sur coup-franc (79e) ne parviennent à égaliser. Le LOSC s’incline mais lance un tour d’honneur, si bien qu’il faut retarder la cérémonie de remise des médailles ! Le LOSC prend encore rendez-vous pour l’avenir, sous les yeux de Bernard Lecomte, qui vient de quitter ses fonctions. Pour Sébastien Pennacchio, entré en fin de match : « on pensait vraiment gagner, alors on est forcément abattu. Mais bon, ce soir on a vraiment eu des frissons (…) Bernard Lecomte était là. Cela nous a fait plaisir. On lui avait promis de ramener la coupe à la Générale de Chauffe. On a manqué à notre parole, mais cette finale restera pour les jeunes une immense fierté et un souvenir irremplaçable ».
Guy Stéphan, adjoint du sélectionneur national, est également présent : « c’est vraiment une performance d’arriver en finale, il faut maintenant voir combien de joueurs de cette équipe parviendront à faire une carrière professionnelle. Si 3 ou 4 y parviennent, alors le club pourra dire qu’il a bien fait son travail ».
Le fidèle Neuneu
Les jeunes joueurs passent, et certains formateurs restent. Jean-Noël Dusé est à la tête des équipes qui arrivent au sommet en 1989 et en 2000. Revenu au club en 1994 après un intermède de 2 ans comme entraîneur des gardiens à Saint-Etienne, il laisse un excellent souvenir. Ceux qui l’ont connu sont unanimes : Jean-Noël Dusé, affectueusement surnommé « Neuneu », outre ses qualités d’entraîneur, est un personnage attachant et sympathique. Comme nous le confiait Joël Dolignon : « Monsieur Dusé était excellent. Avec sa femme, c’étaient un peu nos deuxièmes parents. On les appréciait beaucoup ». Même sans être apprenti-footballeur, par exemple en étant supporter du LOSC âgé d’une douzaine d’années, on l’appréciait, et pas parce que le paternel nous disait : « Non mais quand même, Jean-Noël Dusé, Neuneu ! Grand gardien de but… ». Nous, ça ne nous intéressait pas trop, ça. Pas plus que le fait qu’il soit désormais à la tête du centre de formation. Pour nous, il était surtout ce monsieur très gentil qui nous faisait la causette pendant qu’on attendait que les joueurs professionnels sortent du vestiaire pour faire leur entraînement ! Et une de nos mesures de la qualité du bonhomme, c’est qu’on le voyait régulièrement nourrir les canards qui traînaient autour du stade, ainsi que le prouve ce document exclusif DBC. Faut être un gentil monsieur pour nourrir les canards !
À son retour au LOSC en 1994, il avait pu avoir la satisfaction de voir dans le groupe pro des joueurs qu’il avait dirigés quelques années auparavant : Dieng (juste avant qu’il ne parte pour Paris), Carrez, Dindeleux, Dolignon, Leclercq… En 1989, il disait déjà « si 3 ou 4 de mes cadets parvenaient à intégrer l’équipe pro, ce serait bien ». Après 6 ans dans le staff du LOSC, il rejoint les Verts en 1992 : « mon séjour à Saint Etienne s’est plutôt bien passé, mais je n’ai jamais retrouvé là-bas ce que j’avais laissé ici. Aussi, lorsque les dirigeants lillois m’ont contacté, j’ai sauté sur l’occasion. J’ai vécu trop de choses ici pour oublier ». En plus d’avoir la responsabilité du centre (« j’espère apprendre plusieurs choses aux jeunes ; s’occuper d’une trentaine de gamins, ce n’est pas rien, il faut les aider, les intéresser »), il entraîne également les gardiens du groupe professionnel, avant l’arrivée de Jean-Pierre Mottet à ce poste. Il retrouve une place auprès du groupe professionnel en 2001, jusqu’en 2007.
L’un de ses derniers coups d’éclat ? Un superbe arrêt lors de Lille/Manchester en 2007 : c’est lui qui intercepte la frappe que Mathieu Bodmer envoie en touche pour poser une réserve après le but de Ryan Giggs.
Les photos de 1960 sont issues de l’ouvrage de Paul Hurseau et Jacques Verhaeghe, Olympique Lillois, Sporting Club Fivois, Lille OSC, collection mémoire du Football, Alan Sutton, 1997
Posté le 8 mars 2019 - par dbclosc
1955, un premier barrage et une cinquième coupe
Club français au plus grand palmarès de l’après-guerre, le LOSC est en perte de vitesse en 1954/1955 : il est en effet contraint de passer par un barrage pour sauver sa place en première division, à cause notamment d’une fin de championnat bâclée. La saison est toutefois sauvée avec le gain d’une cinquième coupe de France.
Cette saison avait bien mal commencé avec le départ, dans des conditions conflictuelles, du défenseur néerlandais Corry Van Den Hart, qui réclamait une prime de 10 000 francs suite à une nouvelle réglementation sur les internationaux, et que le président Henno refusait de lui octroyer. Le LOSC lui avait pourtant trouvé un remplaçant fin juillet 1954, mais en guise d’arrière central, le club s’est offert l’histoire la plus rocambolesque de son histoire en recrutant un légionnaire déserteur se faisant passer pour le Hongrois Zacharias. Avec la blessure en début de saison du gardien César Ruminski, on se dit que cette saison peut s’annoncer difficile… mais sur le terrain, il n’en paraît rien : lors de l’ouverture du championnat, le LOSC écrase le RC Paris 6-0.
Le LOSC 1954/1955
Debout : Van Cappelen, Clauws, Van Gool, Bieganski, Lemaitre, Somerlinck
Assis : Strappe, Douis, Bourbotte, Vincent, Lefèvre
Moyen en championnat, superbe en coupe
Mais c’est un feu de paille. Alors que Lille, s’appuyant sur une défense intraitable la saison précédente, avait remporté le titre, les absences de Ruminski et Van Der Hart sont pesantes : très vite, on comprend que le LOSC ne pourra pas garder son titre. Il va même probablement connaître le plus mauvais classement de son histoire, ou plutôt le moins bon : au « pire », le LOSC s’est classé 5e lors du dernier « championnat de guerre » en 1945, puis 4e lors du championnat régulier en 1947 et 1953.
Donc pour le moment, rien de catastrophique : nous sommes fin février 1955. La fin de saison s’annonce même peinarde : même si le LOSC vit une saison en deçà des standings auxquels il nous a habitués depuis sa création, la situation sportive après 28 journées (sur 34) est assez claire : en championnat, le LOSC est 7e ! Certes, 13 équipes, de la la 5e à la 17e place se tiennent en 5 points, mais Lille regarde vers le haut. Pourquoi même ne pas tenter d’accrocher le podium, 5 points devant ? (Pour rappel, la victoire est à 2 points ; le 16e dispute un barrage contre le 3e de D2 ; les 17e et 18e sont relégués en D2)
Et surtout, le LOSC est toujours qualifié en coupe de France, dont il a déjà atteint 6 fois la finale depuis la Libération. Après avoir sorti Nantes (3-2), puis Grenoble (3-0), le LOSC a sorti le leader Reims en huitièmes fin mars (1-0), et Toulouse, le deuxième, en quarts mi-avril (1-0). C’est désormais le 3e, Strasbourg, que le LOSC va affronter en demi.
Haie d’honneur des Dogues pour leur gardien Jean Van Gool, qui se marie en avril 1955
Le sprint final
Concentré sur sa coupe, le LOSC traîne en championnat, en ne prenant qu’un point en 3 matches pendant qu’en coupe il éliminait les deux premiers du championnat. Après 31 journées – il reste donc 3 journées – la descente directe en D2 est relativement loin (Troyes, 17e, est à 4 points), mais le barrage, bien que 4 places derrière, n’est plus qu’à 1 point… Faut-il s’inquiéter ? Ou alors des joueurs de la trempe de Bieganski, Strappe, Somerlinck ou Vincent savent doser leurs efforts en priorisant la coupe tout en sachant mettre le coup de collier nécessaire pour obtenir les 2 ou 3 points qu’il manque et assurer le maintien ?
Le 24 avril, pour la 32e journée, Lille reçoit Bordeaux, un autre demi-finaliste de la coupe de France. Si la confiance est de mise côté lillois après la victoire en quart contre Toulouse, la Voix du Nord rappelle opportunément que dès lors qu’il s’agit de championnat, les Lillois perdent de leur superbe. Et c’est précisément ce qui va arriver : le LOSC, bien que devant à 2 reprises, concède le nul (2-2), la faute à un manque d’efficacité des attaquants, notamment Bourbotte et Douis qui « ratèrent des buts faciles et ne surent pas profiter des erreurs d’une défense bordelaise qui parut lourde et mal inspirée ». Ainsi, à la 17e minute, le gardien Bernard relâche une frappe de Bourbotte et « Douis, seul devant le but, reprit la balle pour l’expédier au-dessus de la transversale, alors que le point paraissait immanquable ». Ainsi donc, si Bourbotte ouvre le score (31e), Kargu égalise (41e) ; Vincent redonne l’avantage aux locaux (51e) avant que Grimonpont n’égalise (71e). On apprend après le match que si le gardien des Girondins fut si maladroit, c’est parce qu’il a été handicapé par une sortie à la 5e minute, qui lui a occasionné… une fracture du métacarpe.
Voici le classement : le LOSC prend malgré tout un point sur Metz… et la D2 se retrouve à 2 points. Somme toute, ce point n’est pas une mauvaise affaire.
Après Marseille, serrés comme des sardines au classement
33e journée, direction le Sud pour nos Lillois. Au stade Vélodrome, le LOSC va affronter un OM qui a à cœur de proposer une belle dernière devant son public. Et ça démarre mal : dès la 2e minute, Rusticelli bat Ruminski, puis Luzy fait 2-0 à la 13e. Anderson (44e) puis Marcel (55e) portent la marque à 4-0. Vincent réduit l’écart à la 59e (4-1) mais, débordés en dépit d’un « heading » de Douis sur la barre à la 65e, les Lillois encaissent un 5e but par Rusticelli (75e). 1-5, ça fait mal : « les Lillois n’ont aucune excuse à faire valoir. Ils ont été battus normalement par une équipe marseillaise beaucoup plus rapide ». Et ça fait d’autant plus mal que, pendant ce temps, Nancy a pris un point, et que Metz en a pris 2. C’est donc uniquement grâce à leur goal-average favorable par rapport à Nancy, Metz et Monaco que les Lillois ne sont pas barragistes. Et autre problème de taille : Troyes a également gagné, et revient donc à 2 points de ce groupe de 4. Autrement dit, Troyes n’est pas condamné avant la dernière journée, et va donc disputer son 34e match de la saison pour se sauver… à Lille. On reviendra plus bas sur les enjeux et les scénarios possibles de la dernière journée. En attendant, la Voix du Nord n’est pas tendre avec les Lillois : « nous n’avons jamais eu de fréquentes occasions, cette année, de nous réjouir de la tenue de l’équipe du LOSC (…) Ce que l’amateur ne peut comprendre, c’est que les joueurs du LOSC parviennent à se distinguer en coupe et soient si ternes dans le championnat, depuis la fin de janvier. La débâcle de Marseille est d’autant plus insupportable qu’un seul point aurait suffi aux Lillois pour se tirer d’affaire ».
En route pour la finale
Afin d’évacuer cette cinglante défaite, les Lillois vont pouvoir se projeter dans leur demi-finale de coupe. Pas de chance : Ruminski, gêné depuis le début de saison par un genou, a rechuté. C’est Van Gool qui gardera le but contre Strasbourg, à Colombes. En guise d’amuse-bouche, un amical contre Maubeuge est organisé : Lille gagne au petit trot, en deux périodes de 35 minutes, 3-1 « devant quelques centaines d’amateurs préférant à cette occasion le casse-croûte au plus copieux beefsteack », allez comprendre l’utilité de cette précision dans un article. Les buteurs : Douis, Bourbotte et Lefèvre. Le match s’est terminé avant le clair de lune. Poisse : Strappe s’est blessé : Lenglet devrait donc être aligné comme avant-centre.
La presse régionale s’interroge : face à un adversaire d’une telle qualité, quelle équipe du LOSC allons-nous voir ? « On ne sait plus par quel bout la prendre. Elle est fantasque au possible, instable dans ses résultats ». Même si la coupe semble sublimer les Lillois qui « grâce aux succès qu’ils ont accumulés cette saison, leur laisse un sentiment d’invulnérabilité qui les stimule », c’est surtout, paradoxalement, le beau jeu des Strasbourgeois qui serait un atout pour ce LOSC qui a du mal contre les équipes « au jeu à l’emporte-pièce, mais incisif » comme Nantes, Marseille ou Nancy. Au contraire, « la recherche du beau football, du jeu à ras de terre » de Strasbourg promet un match entre formations aux qualités égales. Bien renseignée, la Voix du Nord balance tout, et après ça se targue d’avoir été créé dans la Résistance : « les Lillois ont prévu une parade : Bieganski ne suivra pas comme l’ombre Stojaspal, avant-centre en retrait. Clauws, dans ces moments, se chargera de l’Autrichien, et Bieganski sera prêt à surveiller Carlier, inter libéré par Clauws ».
9 mai, 15h : c’est parti ! Mauvais présage ? Les Lillois perdent le toss et jouent la première période face au vent. L’avantage, c’est probablement qu’ils joueront la seconde période avec le vent dans le dos. Le LOSC démarre fort, mais ni Douis (3e), ni Bourbotte (4e), ni Vincent (6e) ne trouvent l’ouverture. Les 10 minutes suivantes sont pour Strasbourg, avec 4 corners, dont l’un est dégagé par Pazur, sur la ligne de but, qui supplée Van Gool, battu. Les débats sont équilibrés, ce que reflète le score à la pause : 0-0.
Van Gool s’empare du ballon sous les yeux de, de gauche à droite : Bourbotte, Pazur, Bieganski, Stojaspal et Somerlinck
À la reprise, Lille pousse de nouveau : Lefèvre (53e), Douis (54e), Vincent (55e), puis Lenglet (57e) manquent de peu d’ouvrir le score. Finalement, la libération arrive 5 minutes plus tard : sur un centre de Douis, Lenglet profite d’une hésitation de Borkowski pour ouvrir le score (62e) ! De la 60e à la 70e, le LOSC subit : Van Gool est sauvé par sa barre (65e) avant de réaliser deux superbes arrêts (67e). Et alors qu’on croit l’égalisation proche, Douis envoie un « bolide », un « tir fracassant » de 25 mètres qui fait 2-0 ! Dès lors, les Dogues déroulent et, à Strasbourg, « la pagaille se mit à régner » : à la 75e, Bourbotte fait 3-0 ; Clauws parachève le succès lillois à la 90e (4-0). Lille est en finale, et affrontera Bordeaux.
La Voix salue la « puissance, l’énergie, le sang-froid » des joueurs lillois, Bieganski en tête, ainsi que Lenglet, dont on craignait qu’il ne soit trop tendre pour un match de cet enjeu : « ne crions pas miracle : Lenglet n’est pas Bihel ou Baratte, beaucoup s’en faut. Mais il apporte dans l’attaque une note agressive que l’on ne connaissait plus. Il sprinte pour toutes les balles, même si elles paraissent perdues. Et c’est pour cela qu’il plaît et que parfois, il réussit d’admirables choses. On admire en lui le goût de la lutte, de la hargne. Il donne l’apparence d’aimer son club, de se battre pour lui ». Lenglet a gagné avec cette performance un contrat pro ! Il aurait dû soit retourner dans un club amateur, en l’occurrence Hallencourt, d’où il est originaire, soit signer pro, selon une réglementation nouvelle concernant les stagiaires après une saison dans un club professionnel. Or, la tendance était jusqu’alors au retour de Lenglet à Hallencourt.
La tête à la finale
Après 15 jours d’interruption pour cause de coupe de France et de matches internationaux (au cours desquels 4 lillois ont été sélectionnés en équipe nationale : Bieganski, Louis et Vincent en A, Lefèvre en B), la Division Nationale est de retour. C’est la dernière journée. En bas de tableau, on sait déjà que le CORT est condamné. Pour la descente automatique, Troyes est le mieux placé pour l’accompagner, car il a 2 points de retard sur un groupe de 4 clubs (le LOSC, Metz, Nancy et Monaco) parmi lesquels on trouve probablement le barragiste. On a fait les calculs pour vous : pour se sauver, Troyes doit gagner à Lille. En raison d’une différence de goal-average trop importante, il est improbable que Troyes passe devant le LOSC (il faudrait une victoire de Troyes par 13 buts d’écart). En revanche, en gagnant, les Troyens passeraient à coup sûr devant les Messins, si du moins ces derniers perdent. Donc, pour la dernière journée, Lille s’en sortira quoi qu’il arrive s’il gagne ; en cas de nul, il suffit qu’une des 3 équipes (Monaco, Nancy, Metz) ne gagne pas pour se sauver ; en cas de défaite, il faut que l’une des 3 mêmes équipes perde. Tout autre scénario envoie le LOSC en barrage.
Mais la Voix du Nord le souligne bien : ce qui préoccupe les Lillois, c’est bien la préparation de la finale de la coupe de France : « bien que l’on ne dissimule pas l’intérêt et l’importance de cette rencontre, elle ne retient pas l’attention des Lillois. On considère que Lille battra Troyes. Ce qui compte, c’est la finale. Et plus encore, les billets pour la finale ». Cela fait déjà 8 jours que les supporters du LOSC cherchent à se procurer des places, et le secrétariat du club est « positivement assiégé par des gens très respectables qui sont prêts à de gros sacrifices pour obtenir une toute petite place de tribune ». Le LOSC a obtenu de la fédération 4 500 places (2 000 assises, 2 500 debout). La priorité va aux 1600 abonnés qui, parfois, réclament une place supplémentaire qu’il est difficile de refuser car, selon L. Henno, « chaque saison, ils nous font une avance de 8 millions ». Le président du LOSC s’émeut auprès du président de la fédération que chaque club finaliste ne dispose que de 4 500 places, alors que le stade de Colombes en compte 65 000, et demande une rallonge : « jovial et conciliant comme le sont toujours les présidents, M. Pochonnet a répondu : « mon gros, tu sais bien que je ne peux rien te refuser ! ». Mais Monsieur Henno attend toujours ». Et voilà que le préfet, ses chefs de cabinet, les sous-préfets et chefs de division veulent aussi assister au match, si bien que M. Henno « se fait autant d’amis que d’ennemis en pareille circonstance ». Idem pour Gaston Davidson, président de la section des supporters qui « se trouve des tas d’amis inconnus ».
Pour ce dernier match de championnat de la saison – a priori – le LOSC doit de nouveau faire sans Ruminski et Strappe. De plus, Lemaître, blessé à une cuisse, est remplacé par Van Cappelen. Confiance mais prudence : « les Bonnetiers présenteront leur équipe au grand complet et des attaquants comme Ben Tifour, Winckler, Flamion, Bessonart ne sont pas à dédaigner. Ils donneront du travail à la défense lilloise qui devra se montrer d’autant plus prudente qu’elle sera privée des services de son arrière gauche titulaire Lemaître ».
Ça démarre très bien : après 25 minutes de jeu, Vincent ouvre le score, trompant la vigilance de Flamion. Oui, Flamion, l’attaquant de Troyes, qui a échangé sa place avec Landi, l’habituel gardien, blessé d’entrée de match. À la pause, le LOSC est devant, et l’issue de la saison paraît toute tracée pour les deux adversaires du jour. Et pourtant : « les Loscistes, au lieu de demeurer calmes, d’organiser leur défense comme ils savent si bien le faire en coupe, s’affolèrent, commirent de lourdes fautes de marquage. Figés, parfois incapables de réaction rapide devant des adversaires dont la qualité essentielle était la mobilité, ils furent ballotés de toutes parts ». En début de seconde période, Delcampe égalise, mais « ce n’était pas encore tragique pour le LOSC ». Landi reprend sa place dans le but troyen. Le match se transforme en n’importe quoi, « une pagaille » : « l’enjeu de ce match se limitait à quelques combats singuliers ». Et Troyes porte le danger : « Bessonnart et Ben Tifour semaient la panique dans la défense locale, et chaque fois que Ben Tifour prenait la balle, des sueurs froides coulaient dans le dos des supporters locaux ». Inévitablement, l’international français marquait le 2e but de son équipe à la 68e. Les Dogues attaquent alors de manière désorganisée, sans se créer d’occasion : « Lille était dans un jour horrible et l’on n’arrive pas à comprendre comment en 15 jours une équipe peut se transformer de la sorte ». Le LOSC s’incline 1-2 ; Nancy ayant gagné et Metz et Monaco ayant pris un point, le LOSC est 16e, son pire classement de la saison, au plus mauvais moment : il faudra jouer un barrage pour garder sa place en D1. Ce sera contre Rennes. La coupe de France a-t-elle encore de l’importance dans ces circonstances ?
Ce diable de Ben Tifour poursuivi par Bieganski et ses grands compas
Le 24 mai, dans un éditorial, la Voix du Nord regrette que se soit trouvée réduite « la puissance acquise par la fusion des éléments de l’Olympique Lillois et du SC Fivois (…) Si la ville de Lille, après celles de Roubaix et de Tourcoing, perd tout contact avec l’élite du football français, pour une période dont il sera impossible de déterminer la durée, il faudra bien exposer au grand jour les erreurs commises dans maints domaines, depuis deux ans à peu près (…) Quelqu’un disait à la sortie du stade Henri-Jooris, dimanche, que l’équipe actuelle du LOSC serait nettement battue par les équipes de l’OL et de Fives d’avant-guerre. Elles lui étaient supérieures par la valeur technique de l’ensemble, et plus encore par l’énergie déployée en toutes circonstances. Tout cela qui doit être vrai met le niveau actuel du football lillois à un degré assez bas et explique le désintéressement des foules sportives. Comme quoi nous n’avions pas besoin d’un stade de 40 000 places… ». Oui, ça date de 1955.
Bon ben on se retrouve comme des cons là. On pensait avoir l’esprit libéré pour préparer dans les meilleurs conditions la quête d’une cinquième coupe de France, et voilà que cette finale devient presque superflue.
Les Lillois s’entraînent à Henri-Jooris en attendant leur départ le jeudi soir pour Brunoy, en Seine-et-Oise, où ils résideront à l’hôtel du Cheval blanc. Jean Chantry, de la VDN, y a vu Vincent, Strappe et Douis envoyer des « shoots terrifiants » : « vraiment, on se demande pourquoi ce qui est si bien fait à l’entraînement donne un résultat pitoyable quand il s’agit d’un match officiel ». Une fois arrivé en région parisienne, Strappe a à cœur de montrer qu’il est rétabli pour la finale : « je ne voudrais pas me présenter devant M. Coty sans être en parfaite condition. Ce serait lâche de prendre la place d’un copain et de laisser l’équipe à 10 après un quart d’heure de jeu ». Le vendredi après-midi, détente pour nos Dogues, de passage au vélodrome miniature de Brunoy, où « Lefèvre, Donis, Bieganski s’amusèrent comme des gosses sur des vélos de toutes dimensions » sous l’oeil inquiet de Cheuva, Klès et Dassonville, craignant une bête blessure. Au programme du samedi : footing le matin « cours tactique et conférence » l’après-midi, au cours de laquelle « il sera fait appel aux sentiments : le renom du club, la petite fibre locale y seront particulièrement soulignés, afin de mieux faire comprendre aux footballeurs lillois l’importance de la lutte qu’ils auront à livrer ».
3 trains et « une centaine d’autocars » font le déplacement à Colombes. Événement : la finale est télévisée. Ce n’est pas une première et le parc des téléviseurs est encore assez faible à l’époque, mais c’est notable tant les relations entre la fédération de football et la télévision sont conflictuelles. Toujours la même question : à quel visage du LOSC allons-nous avoir droit ? Celui, pataud, du championnat ou celui, virevolant, de la coupe ? La réponse arrive assez vite : dès la 6e minute, Vincent marque un premier but de la tête sur un centre de Lefèvre initialement repoussé par le gardien : « d’entrée, on eut la certitude que Lille allait gagner. Les loscistes semblaient voler sur le terrain. Ils étaient partout où la moindre once de danger pouvait se manifester. En 3 passes, la balle était devant le but bordelais et, toujours, un shoot partait dans de bonnes conditions ». « Déjà inspirée, soudée et bien en train, l’équipe devint irrésistible » : mis à part quelques minutes autour du quart d’heure où le LOSC subit, rien ne semble plus pouvoir atteindre négativement le LOSC. « Soudain, piqué par on ne sait quelle mouche, Douis se déchaîna. On le vit à droite, à gauche, toujours élégant, souverain » : il centre sur la tête de Lefèvre qui heurte la barre ; un instant après, il inscrit le 2e but lillois après s’être ouvert le but d’une feinte sur le gardien (27e). 3 minutes après, à une quinzaine de mètres du but bordelais, Douis arme à nouveau et surprend encore Astresses : 3-0 ! Face à des Bordelais « débordés, accablés », Bourbotte inscrit un 4e but, en deux temps, bien servi par Douis (34e) : « c’était la ruine totale de ce match ». À la 37e, Lefèvre ajoute même un cinquième but, refusé par l’arbitre pour des raisons que la VDN n’a pas comprises. Pour un ouvrage relatif au football au stade Henri-Jooris que nous avons consulté, si l’arbitre n’a pas accordé ce but, c’est pour « ne pas condamner trop tôt les malheureux bordelais ». Résultat, les malheureux bordelais reviennent à 1-4 juste avant la pause. À l’heure de jeu, ils reviennnent même à 2-4. Mais, à la 75e, Bourbotte conclut la fête en reprenant de volée un corner de Lefèvre. Lille remporte encore la coupe de France, et c’est probablement la plus éclatante de ses finales.
Lefèvre est ravi : « une tête sur la barre, un but refusé, deux autres ratés. Quelle poisse pour cette finale ! ». Mais le LOSC remporte donc sa cinquième coupe de France ! C’est la fête ! Non, ce n’est pas vraiment la fête. André Cheuva a interdit le champagne : « ça vous apprendra ! Vous n’aviez qu’à mieux jouer en championnat ! ». N’attendaient les Dogues qu’« une vulgaire tisane et des bouteilles d’eau minérale ». On apprend finalement qu’un dirigeant bordelais, M. Balarès, est entré dans le vestiaire lillois avec un quadruple magnum de vin blanc : « on ne saura jamais par quelle opération du Saint-Esprit il disparut. Un quart d’heure après, le divin flacon traînait dans un coin, vidé ».
Place au barrage
André Cheuva, après avoir enterré son père le 1er juin, emmène son équipe à Jonchéry-sur-Vesle, dans la Marne, le premier barrage se déroulant à Reims. Il espère bien reconduire la même équipe contre Rennes que celle qui a triomphé en coupe. Il manque Roland Clauws, qui se marie mais reviendra vite à l’essentiel et sera disponible ce week-end.
On connaissait la clause de mariage, voici le mariage de Clauws
Il paraît que les Rennais en veulent aux Lillois, qui auraient « faussé les barrages » en perdant contre Troyes : « contre le LOSC, disent les Rennais, nous n’avons aucune chance. C’est Troyes, Metz ou Monaco que nous aurions dû rencontrer. Lille n’est pas une équipe mûre pour la seconde division ». L’entraîneur, Artigas, est bien plus nuancé : « il apparaît que le LOSC n’est pas le même en championnat qu’en coupe de France. Allons ! Si nous ne devons pas être considérés comme favoris, nous ne devons pas être sacrifiés à l’avance ». L’entraîneur rennais est aussi joueur : à 38 ans, il a décidé de se titulariser en milieu de terrain. Il dit qu’il a bien préparé la confrontation contre le LOSC, notamment en regardant les actualités cinématographiques (une espèce d’ancêtre du JT, qui passait avant le film de la semaine dans les cinémas), où la finale Lille/Bordeaux était amplement développée. Espérons pour lui que les images étaient de meilleure qualité que celles du résumé posté plus haut.
Côté supporters lillois, une micheline fait le trajet jusque Reims : départ de Lille à 8h301 pour un coup d’envoi à 15h ce 5 juin.
Le match est fermé. Les Rennais sont venus pour défendre, et seulement pour défendre. La VDN évoque le « béton breton » : un marquage strict, et la quasi-impossibilité pour les Lillois de se mouvoir. « Les Rennais étaient sur notre dos avant que nous ne soyions en possession du ballon. Nous n’avions même pas le temps de faire une déviation » déplore Lefèvre. De l’autre côté du terrain, l’attaque rennaise n’en est même pas une : « il n’y avait pas d’ailier gauche, et à droite, Aubautret, bon joueur, n’avait rien d’un ailier et multipliait les rentrées vers le centre. Donc, pas d’avants de pointe ». Lille est coincé, et Rennes n’envoie que de vagues centres qu’intercepte sans problème Van Gool. À la mi-temps, c’est 0-0. à la reprise, même scénario : « les Lillois, qui avaient aussi peur que les Rennais, n’osaient pas se découvrir ». À la 54e, les Dogues trouvent enfin l’ouverture : Strappe remonte le ballon côté droit, efface 2 adversaires et centre en retrait ; Douis gêne habilement le gardien et Bourbotte, opportuniste, ouvre la marque ! « Nous vous jurons qu’à ce moment, et à ce moment seulement, les poitrines nordistes se décontractèrent. André Cheuva, sur son banc, sortit un mouchoir et s’épongea ». Le match se termine dans l’ennui. Rennes tente de sortir, mais cette fois les Lillois attendent, et le match s’achève sur une première manche gagnée 1-0.
Pour le barrage retour, les Lillois se mettent au vert à Maisons-Laffitte. Ils sont décidés à ne pas reproduire le scénario du barrage aller, en marquant d’entrée, et en obligeant ainsi Rennes à sortir. Coup d’envoi donné à 16h au Parc des Princes : Rennes, manifestement, a décidé d’attaquer. Il faut dire que les Bretons n’ont pas vraiment le choix. Ils attaquent alors de manière désordonnée : le LOSC plie, dès la 5e minute. Alors que Van Gool est à terre, Baillot frappe, mais de manière précipitée et envoie le ballon à côté. « Dieu seul sait ce qui fut advenu d’une équipe lilloise remontée au score » : Lille tient encore 10 minutes et sort à son tour. Sur sa première attaque bien construite, Vincent centre sur la tête de Bourbotte qui ouvre le score (16e). Le match était déjà plié. Rennes continuait d’attaquer de manière toujours plus inoffensive, et Lille jouait désormais rapidement en contre-attaque. Ce schéma fait alors ressortir l’écart technique entre les deux équipes : les Lillois étaient rapides et précis, les Rennais étaient lents et « monocordes », leurs attaquants se faisant surtout remarquer pour « l’indigence de leurs tirs ». Et à la 36e, logiquement, un dégagement de Van Gool, relayé par Pazur, parvient à Bourbotte qui réalise un doublé : 2-0 à la mi-temps ! Dès la reprise, Bernard Lefèvre fait 3-0 après avoir dribblé Le Boadec et Pinat (48e). Les Bretons, dans la foulée, réduisent l’écart par Artigas, reprenant un tir sur le poteau de Baillot (3-1, 50e). Puis « à chaque action éclatait la supériorité des Lillois » : Lefèvre inscrit un 4e but (63e), puis au but d’une action collective Somerlynck-Strappe-Douis, Vincent place le ballon entre les jambes de Pinat (5-1, 67e)
Bourbotte y va de son triplé à la 71e (6-1). « Le jeu du LOSC était infiniment plus riche, plus complet. Mais on ne le vit que lorsque furent disparus tous les sujets de crainte, car tant qu’il fut en danger, le LOSC joua mal ». Tout à sa joie, un groupe de supporters écrit à la Voix du Nord pour remercier ses journalistes, en particulier MM. Charlet et Chantry, de leurs judicieuses critiques sur leur club durant la saison, et notamment depuis la défaite en janvier à domicile contre Nancy (2-5). En voici un extrait :
« L’euphorie de la victoire ne doit pas faire oublier que le LOSC a une renommée nationale que ses dirigeants n’ont pas le droit de diminuer (…) La saison est finie, oublions les regrets, les déceptions, mais dès maintenant, préparons la saison prochaine. Nous faisons appel à votre sens judicieux, votre connaissance des joueurs, pour que ne se renouvellent pas les erreurs, les situations comiques et cruelles pour nous. L’étonnante renommée du LOSC et de Lille impose, à notre avis, la création d’un comité de gestion qui comprendrait quelques personnalités qualifiées, des représentants des supporters, et surtout des critiques sportifs de la presse de Lille ; ce comité veillerait à émettre des suggestions, des critiques, dont les dirigeants devraient tenir compte pour un rendement maximum.
Nous vous faisons confiance car nous savons votre dévouement au LOSC et à tous les sports où le renom de la ville de Lille est en jeu.
Merci. Vive le LOSC, vive Lille, vive La Voix du Nord »
À l’issue de performances décevantes en championnat, le LOSC se maintient donc en première division. La saison a été marquée par une part de malchance (les blessures de Ruminski et de Strappe), mais aussi par des tâtonnements qui ont lourdement pesé (le remplacement de Van Der Hart, l’incapacité à percevoir le danger de la relégation à partir de janvier). Pour Louis Henno, « ces émotions vont rendre à chacun le goût de la lutte, de l’entreprise. Nous allons nous remuer davantage. Ceci a été une bonne leçon pour nous tous » : ces intentions ne seront malheureusement pas suivies d’effets, puisque dès la saison suivante, de nouvelles erreurs conduisent encore à la 16e place et, cette fois, les barrages ne souriront pas aux Dogues. Finalement, cette saison 1954-1955 marque la fin d’une époque. L’équipe a affiché deux visages : l’un, excellent, en coupe, comme les derniers soubresauts d’une glorieuse décennie, l’autre, inquiétant, en championnat, comme les prémisses d’années bien plus difficiles.
La saison s’achève sur un transfert-surprise
FC Notes
1 Cet horaire est déterminé pour permettre aux supporters qui le souhaitent « d’accomplir leurs devoirs électoraux », indique la Voix du Nord. Mais il n’y a pas d’élection le 5 juin 1955. Mystère.
Posté le 26 février 2019 - par dbclosc
Buteurs et buteuses dès leur première en championnat (1964-2022)
C’est bien connu : le plus difficile, pour une première fois, c’est de la mettre au fond.
Quel est le point commun entre Jocelyn Angloma, Miladin Becanovic et Jonathan Bamba ? Ils ont au moins un « A » dans leur nom, en effet, ainsi qu’un « B » (sauf pour Angloma). Mais aussi, au même titre que Pleimelding ou Lobé, ils ont profité de leur premier match en championnat pour marquer sous leurs nouvelles couleurs. Il ne s’agit pas nécessairement du premier but de leur carrière, mais bien de leur premier but pour les Dogues. Si on devait être vraiment tatillon, on pourrait aller chercher les premiers buts « tout court » : par exemple, Olivier Pickeu et Amara Simba ont inscrit un but pour leur premier match avec le LOSC, en match amical. Mais on manque de données pour avoir une approche à peu près complète. On sait aussi que Kennet Andersson et Miladin Becanovic ont réussi cette perf’, mais eux y sont aussi arrivés dès leur premier match de championnat : ils apparaissent donc dans cet article.
Tout ça n’est bien sûr qu’un prétexte pour évoquer quelques-unes de nos glorieuses idoles, par ordre chronologique. Depuis 1964, voici donc la liste, a priori exhaustive, des buteurs pour leur premier match de championnat avec les Dogues. Avec deux bonus. Si on en a oublié, indiquez-le nous !
Francis Magny, Lille/Monaco, 6 septembre 1964
Le LOSC, entraîné par Jules Bigot, vient de remonter en première division après un titre de champion de D2. De retour dans l’élite, le club recrute notamment un attaquant au Racing de Paris, relégué : il s’agit de Francis Magny. S’il ne joue pas le premier match de la saison à Toulon, où le LOSC s’incline (1-3), il fait très fort pour son premier match la semaine suivante, le 6 septembre 1964 : il inscrit un triplé et le LOSC s’impose 3-0 face à Monaco ! Il inscrira 9 buts supplémentaires cette saison-là, plus un en coupe, avant de partir à Nantes où il sera champion de France avec José Arribas.
André Perrin, Lille/Lyon, 24 août 1967
Alain De Martigny, Lille/Sochaux, 22 août 1970
Pascal Fournier, Monaco/Lille, 19 juin 1976
Gilbert Dussier, Lille-Guingamp, 12 août 1977
Lors de l’été 1977, le LOSC hésite à recruter Günther Nasdalla, un attaquant autrichien du Cercle de Bruges ; il jette finalement son dévolu (car le LOSC avait un dévolu à l’époque) sur Gilbert Dussier, formé comme électricien mais qui s’épanouit finalement comme footballeur. En général, c’est plutôt l’inverse si on en juge le taux de professionnalisation de 1 %. Il évolue d’abord au niveau amateur au Luxembourg au CS Sanem, puis à partir de 1969 chez les rivaux du Red Boys Differdingen, où il devient international luxembourgeois. Il participe notamment à une historique victoire du Luxembourg contre la Turquie en octobre 1972 dans un match de qualification pour la coupe du monde 1974. Il est ensuite repéré par un club de D2 allemande, le SV Röchling Völklingen, où il signe pour la saison 1974-1975. Il y inscrit… 72 buts toutes compétitions confondues ! Il faut dire qu’ily a eu un tournoi aux Etats-Unis, probablement contre des équipes très faibles. Gilbert est alors repéré par les dirigeants nancéiens Claude Cuny et Serge Etienne et signe à l’ASNL en 1975. Sa première saison est perturbée par des blessures, mais sa deuxième, aux côtés de Michel Platini, le voit marquer 15 buts en D1. En concurrence avec Pokou, il demande à être prêté en 1977 et atterrit donc à Lille, coaché par José Arribas. Sa première partie de saison est excellente : dès la première journée, il inscrit le deuxième but lillois contre Guingamp. Souvent blessé, il inscrit tout de même 9 buts en 18 matches et contribue largement au titre de champion de la saison 1977-1978, même s’il a laissé un souvenir moins marquant que les spectaculaires Pleimelding ou Olarevic. À l’issue de son prêt, il signe en Belgique, au THOR Waterschei -club qui a fusionné avec le FC Winterslag pour donner depuis 1988 le KRC Genk – où il fait beaucoup moins parler de lui, et pour cause : Gilbert Dussier est décédé d’une leucémie le 4 janvier 1979.
Gilbert Dussier, avec un « D » comme Dussier, alors à Nancy
Pierre Pleimelding, Lille-Tours, 14 octobre 1977
Si le LOSC a recruté Gilbert Dussier, c’est parce qu’un autre de ses attaquants, recruté quelques jours auparavant, s’est blessé durant l’avant-saison. Suite à un choc avec Alain Tirloit, Pierre Pleimelding se fait une entorse du genou avec arrachement du ligament interne : il sera absent 3 mois. Barré par Delio Onnis à Monaco, il espère se relancer après un brillant début de carrière où, pour le compte de Troyes, il termine meilleur buteur de D2 en 1972. En principauté, il n’inscrit « que » 10 buts en 3 saisons. Le LOSC profite alors du transfert de Bernard Gardon à Monaco pour mettre dans la balance ce grand attaquant facilement reconnaissable à sa chevelure blonde. Il fait ses débuts à Grimonprez-Jooris lors d’un match au sommet contre Tours et inscrit le but du 4-0 à la 75e. Dès cette première saison, il inscrit 15 buts en championnat (et 4 en coupe) et devient un des chouchous du public lillois qui le surnomme affectueusement « Ploum », le même surnom que le public nancéien donnait à son père 25 ans auparavant. Lors de ses 3 saisons suivantes avec les Dogues, il inscrit respectivement, toutes compétitions confondues, 26, 20 et 14 buts, ce qui lui permet notamment d’obtenir une sélection en équipe de France A, contre l’Espagne en 1978. Son père, René Pleimelding, avait étonnamment connu le même destin, avec une unique sélection en Yougoslavie en 1953.
Bel hommage du Furet du Nord à Ploum et son unique cape en bleu (Février 2019)
Principal contributeur (avec Philippe Bergeroo et Zarko Olarevic) d’une mémorable victoire 3-0 contre Saint-Etienne en 1979, il a ensuite pris la direction de la Suisse, avant de se reconvertir entraîneur. « Ploum » est décédé en 2013 à l’âge de 60 ans.
Merry Krimau, Lille/Strasbourg, 24 juillet 1980
Abdelkrim Merry, dit « Merry Krimau ». Déjà, c’est bizarre car on est davantage habitués à lire « Merry Kristmas ». Ensuite, il fait partie des joueurs qui laissent des souvenirs ambivalents. Révélé à Bastia, où il participe à l’épopée européenne de 1978 (il inscrit notamment un doublé sur la pelouse du Torino), il marque les esprits par son talent précoce… mais aussi par son instabilité, aussi bien au niveau de ses performances sportives que pour son sens de la bougeotte, puisque cet international marocain depuis 1977 a connu 9 clubs professionnels dans les années 1980. Après cette révélation européenne, Krimau ne signe aucun but sur l’année civile 1979… avant de finir en trombe : 7 buts de février à mai 1980. Lassés de leur joueur, les dirigeants bastiais le cèdent à Lille où, dès son premier match, il inscrit le troisième but lillois contre Strasbourg, pour une nette victoire 3-0 (avec Pleimelding et Dos Santos pour autres buteurs). Souvent milieu de terrain derrière le prolifique trio Olarevic-Pleimelding-Cabral, Krimau inscrit 12 buts en championnat et 2 en coupe. Considéré comme trop instable, il rejoint Toulouse en D2, avant de poursuivre son tour de France en D1 : Metz (avec une saison à 23 buts), Strasbourg, Tours, Le Havre, Saint-Etienne, Matra Racing.
Aux dernières nouvelles, après quelques ennuis judiciaires dans les années 2000, il a ouvert une académie de football au Maroc.
Engin Verel, Brest/Lille, 24 juillet 1981
Le premier Turc du LOSC est Engin Verel : il arrive dans le Nord lors de l’été 1981, en provenance d’Anderlecht. Après un début de carrière prometteur et de nombreuses sélections en équipe nationale, Verel s’est un peu perdu, en Allemagne puis en Belgique, où il a très peu joué. Un parcours qui ressemble à ce qu’il va montrer à Lille : pour son premier match en D1, il ouvre le score à Brest, où le LOSC ramène un nul (1-1). Ce début de saison est remarquable : il inscrit 7 buts pour ses 8 premiers matches… avant que ses performances de déclinent jusqu’à devenir franchement décevantes la saison suivante. On retiendra aussi de son passage à Lille une célèbre photo où il serre la main de Pierre Mauroy, nu (pas Pierre Mauroy hein). Un aperçu de sa carrière est à lire ici.
Dusan Savic, Nancy-Lille, 20 juillet 1983
Au cours de l’été 1983, le LOSC recrute un Yougoslave dont la valeur semble assez proche de celle du buteur Vahid Halilhodzic, qui brille à Nantes. Après une première expérience à l’étrange de quelques mois peu concluante, à Gijon, Dusan Savic signe donc au LOSC et réussit des débuts intéressants puisqu’il marque quelques buts dans le tournoi estival de la CUDL. Ces promesses sont confirmées quelques jours après : il inscrit le premier but lillois de la saison en championnat, à Nancy, où le LOSC s’impose 2-1. La suite de sa carrière à Lille sera plutôt correcte, bien qu’irrégulière : on en a parlé ici.
Bernard Bureau, Nancy/Lille, 20 juillet 1983
Formé en région parisienne, Bernard Bureau rejoint logiquement le PSG pour sa première expérience professionnelle en 1978. Mais c’est surtout à Brest qu’il se révèle, avec deux saisons du tonnerre, 23 buts toutes compétitions confondues, et une première sélection en équipe olympique en prime. A l’époque, son profil de plus en plus rare d’ailier en fait un candidat sérieux à l’équipe de France. Lors de l’été 1983, il est échangé avec Joël Depraetere/Henry et arrive à Lille. La saison s’ouvre à Nancy, dont le but est gardé par Jean-Michel Moutier. Après l’ouverture du score de Savic, Bureau double la mise en début de seconde période. Un but lorrain en fin de match n’empêche pas la victoire losciste 2-1. Cette saison-là, Bureau est encore sélectionné deux fois en équipe de France olympique, et inscrit 8 buts au total sur la saison. La saison 1984-1985 est moins réussie (3 buts), mais en 1985/1986, Nanard réalise son meilleur total avec 13 buts, dont 7 en 4 matches consécutifs fin janvier-début février 1986 (2 à Lens pour une victoire 4-1, 2 contre le PSG qui chute pour la première fois de la saison, 1 contre Metz, puis 2 à Monaco). C’était au cœur d’une période de feu avec son compère Gérard Soler (voir plus bas).
Le deuxième but de Bureau contre le PSG, 22 janvier 1986
Gérard Soler, Lille/Toulon, 11 janvier 1986
Lors de cette saison 1985-1986, évoqué au-dessus avec Bernard Bureau, la première partie est très décevante, à cause notamment d’un duo d’attaque Bureau/Vilfort assez peu efficace. Le LOSC n’a remporté que 3 matches et est barragiste à la trêve. Au cours de celle-ci, Lille recrute Gérard Soler, ancien international français de 32 ans, mondialiste en 1982, plutôt sur la pente descendante mais plutôt une bonne pioche a priori. Pour ses débuts contre Toulon à Grimonprez, le LOSC s’impose 1-0 grâce à un but de son nouveau joueur, servi par Stéphane Plancque. Le début de 40 jours de feu avec son compère Bureau (voir plus haut). Gérard Soler inscrit 5 buts durant la deuxième partie de saison et contribue ainsi au maintien plutôt tranquille du LOSC.
Ne pas confondre avec Gérard Soler : Gérard Lunaire
Jocelyn Angloma, Lille/Nantes, 18 juillet 1987
Le mercato losciste printemps/été 1987 est marqué par la volonté de rompre avec une fin d’exercice précédente mal terminée, avec des joueurs qui ont semblé résigné notamment lors du dernier match contre Nantes perdu 0-1. Le manque d’investissement du groupe 86/87 motive le recrutement de joueurs réputés pour leur sérieux et leur professionnalisme : parmi eux, entre autres, Christophe Galtier et Jocelyn Angloma, venu de Rennes. Titularisé milieu droit, Angloma aura fort à faire face à une belle équipe de Nantes, notamment emmenée par le Belge Frankie Vercauteren et l’Ecossais Johnston, tout juste arrivés. De façon assez surprenante, le LOSC s’impose largement par 3-0, le nouveau milieu lillois étant l’auteur du deuxième but à la 71e, suite à un relais de Vandenbergh et une talonnade de Desmet. Jocelyn Angloma présente même la particularité d’avoir marqué lors de ses deux premiers matches, puisqu’il égalise à Nice la semaine suivante, avant que le LOSC ne perde (1-2). Il inscrit cette saison-là un troisième but dans le derby contre Lens en décembre 1987 (1-1). Lors de sa dernière saison à Lille, il marque 7 buts, avant de poursuivre une brillante carrière, notamment à Marseille, au Torino et à Valence. Petit clin d’oeil : il a inscrit son seul but en équipe de France conte l’Arménie, au Stadium Nord de Villeneuve d’Ascq.
Frédéric Lafond, Metz/Lille, 28 octobre 1989
Frédéric Lafond signe à Lille en 1989. Jusqu’alors, sa carrière professionnelle n’est passée que par sa ville natale, Reims, en D2, où il a inscrit quelques buts depuis ses débuts en 1980. En octobre 1989, les absences de Mobati, Sauvaget et Vandenbergh incitent Jacques Santini à lancer Frédéric Lafond, pour sa première en D1 à 27 ans. Et, dès la 4e minute, le LOSC ouvre le score par… Frédéric Lafond, avant de se faire rejoindre (1-1). Cette réussite précoce conduit à une deuxième titularisation une semaine plus tard contre Sochaux où, cette fois, il ne marque pas malgré une large victoire (5-0). Il connait par la suite 3 titularisations et 2 entrées en jeu au cours de cette saison 1989/1990, avant de jouer en réserve en 1990/1991, et de ne plus jamais jouer en D1.
Henrik Nielsen, Metz/Lille, 21 juillet 1990
Si on se fie aux apparences, Henrik Nielsen a eu une première carrière au sein du groupe ABBA ou des Modern Talking, au choix. Il n’est pourtant pas le plus connu de la Danish Connection passée par le LOSC. Mais s’il était resté sur les performances de ses premières semaines loscistes, il y a fort à parier que sa réputation ici serait bien plus fameuse que celles de Simon Kjaer ou de Jakob Friis-Hansen : en effet, après 8 journées, Henrik avait déjà marqué 6 fois, et il était même en tête du classement des buteurs ! Dès la première journée à Metz, après un premier but de Périlleux, il permettait ainsi au LOSC de mener 2-0, avant que les Grenats ne reviennent en fin de match. Début septembre, un doublé contre Saint-Etienne permettait à Lille d’arracher une victoire tardive. Et puis… plus grand chose, l’attaquant étant souvent blessé. Seul un dernier doublé en fin de saison contre Toulon (4-1) permettait d’atteindre un honnête total de 8 buts. Sa deuxième saison à Lille est à ranger aux oubliettes : seulement 8 apparitions, et un but, tout de même pour son dernier match, contre Auxerre en novembre 1991.
Kennet Andersson, Lille/Martigues, 24 juillet 1993
On a longuement parlé de Kennet Andersson dans cet article. Mis à l’essai début juillet 1993 pour un amical contre Beauvais, le grand blond inscrit un doublé et fait déjà forte impression. International Suédois en disgrâce après une expérience mitigée en Belgique, il espère se relancer à Lille en vue de la coupe du monde aux Etats-Unis. Tout juste qualifié la veille, Andersson est titularisé pour l’ouverture de la saison contre Martigues. Tholot ouvre rapidement le score (8e). En seconde période, Lille égalise d’entrée grâce à une tête de son géant, qui reprend un centre d’Assadourian et devance Durand (47e). Sur la saison, il inscrit 11 buts, avec notamment 2 précieux doublés pour le maintien en fin de saison à Montpellier (3-1) et à Angers (2-1). Seulement prêté, il quitte le LOSC qui n’a pas les moyens de l’acheter. Il suit son coach Pierre Mankowski à Caen, et réussit une superbe coupe du monde avec la Suède, en terminant 3e et en inscrivant 5 buts.
Miladin Becanovic, Lille/Le Havre, 22 septembre 1995
Comme Kennet Andersson, Miladin Becanovic a marqué lors de son premier match amical avec le LOSC. Entré à la mi-temps, il inscrit un doublé contre l’UNFP et le LOSC s’impose 4-1 en juillet 1995. Le Monténégrin est toutefois trop cher, et la concurrence est rude. Il n’empêche : en septembre, probablement entouré de personnes trop gourmandes (lui-même avait d’ailleurs un peu d’embonpoint), Becanovic n’a trouvé aucun point de chute. Et puisque le LOSC s’englue en fond de classement avec 1 seul point en 9 journées, il est temps de faire venir un joker. Frank Pingel, gros bide également, parti, et Becanovic ayant fait diminuer les enchères, le Monténégrin signe enfin à Lille. Trois jours après, Lille reçoit Le Havre et – miracle ! – mène 1-0 depuis un but de Sibierski à la 6e minute. Miladin entre à la 77e à la place de Djezon Boutoille. Mais le Monténégrin ne touche que peu de ballon : les havrais poussent et campent dans le camp lillois. À la 90e minute, une remontée de Simba aboutit à un centre que Becanovic contrôle dans la surface puis, résistant à la défense havraise, il place une lourde frappe hors de portée de Revault : 2-0 !
Débuts fracassants qui masquent, nous l’écrivions plus haut, une méforme certaine. Au cours de cette saison, il n’inscrira que 2 autres buts, en coupe de la ligue, trainant le reste du temps sa lourde silhouette inefficace. Il compte donc 25 matchs de D1 de suite sans marquer : qui dit mieux ? « Mieux ».
En 1996/1997, amaigri, il inscrit 13 buts et, dans l’euphorie générale, le LOSC met en vente un T. Shirt « Tremblez gardiens, Becanovic va encore frapper ».
Samuel Lobé, Saint-Etienne/Lille, 2 août 1997
Lille vient de descendre en D2 et se déplace à Geoffroy-Guichard avec une nouvelle attaque, composée de Laurent Peyrelade et de Samuel Lobé. Ce dernier a déjà pas mal bourlingué, et présente l’avantage d’être un buteur confirmé de D2. Les dirigeants Lillois vont le chercher à Créteil, en National 1, où il vient d’inscrire 22 buts. Il avait inscrit 20 buts avec Laval, en D2, en 1995/1996. Il ne brille pas par sa vitesse, mais inscrit un très honorable total de 19 buts, insuffisant toutefois pour remonter. Il remporte même cette saison-là le titre UNFP de meilleur joueur de D2, à l’époque où les matches étaient moins télévisés et qu’on filait ce titre au meilleur buteur. Il en aurait certainement marqués davantage s’il n’avait pas le sommet du crâne en forme de triangle.
Samuel Lobé est probablement le serial buteur le plus précoce du LOSC, puisqu’outre un doublé pour commencer chez les Verts (un pénalty et une tête plongeante, voir ci-dessous), il inscrit la semaine suivante un triplé contre Martigues : 5 buts en deux matches, difficile de faire mieux.
La saison suivante, l’arrivée d’Olivier Pickeu le relègue sur le banc. Le changement d’entraîneur en septembre lui donne brièvement davantage de temps de jeu, qu’il met à profit en inscrivant un but contre Saint-Etienne, mais Samuel Lobé quitte le LOSC lors du mercato hivernal et rejoint Troyes… où, lors de la dernière journée, il marque le premier but de son équipe, qui s’impose 2-0 et et file en D1 au nez et à la barbe des Lillois, à la différence de buts.
Aujourd’hui encore, Samuel Lobé est le 3e buteur de l’histoire de la Division 2.
Stephan Van Der Heyden, Lille/Red Star, 10 janvier 1998
Lille est 3e de D2 mais il manque bien des choses. Lors du mercato estival, le LOSC s’est fait prêter par Bordeaux un milieu offensif gauche, une sorte de Dernis, petit blond rapide : Cédric Anselin. Ses performances sont correctes mais il semble encore trop tendre. Thierry Froger va alors se tourner vers un autre joueur, au même poste, expérience en plus : le Belge Stephan Van Der Heyden, 28 ans. Passé par Beveren et le FC Bruges, désormais barré à Roda, aux Pays-Bas, il compte 4 sélections avec les Diables Rouges, la dernière remontant à 1995. Sans jouer, il était avec l’équipe de Belgique aux Etats-Unis en 1994.
Il est titularisé pour le match de reprise contre le Red Star. Patrick Collot marque le premier (8e), Samuel Michel égalise (34e), mais Samuel Lobé, dans la minute suivante, permet à Lille de rejoindre les vestiaires avec un avantage d’un but. En début de seconde mi-temps, Van Der Heyden, calmement, remonte son côté gauche et, à l’approche de la ligne de but, repique dans l’axe, passe enre deux défenseurs et envoie un petit pointu du gauche qui file sous le gardien audonien : superbe but et 3-1 pour Lille, qui alourdit la note une demi-heure plus tard par Franck Renou. Aligné régulièrement ensuite, il met en avant la qualité de ses passes et de ses centres du pied gauche. On se rappelle notamment une passe décisive pour la tête de Frédéric Dindeleux lors d’un match au sommet à Nancy (1-1), et une passe décisive pour l’ultime but de la saison contre les Verts, par Bob Senoussi sur un corner. En fin de prêt, Stephan a retrouvé sa place à Roda, avant de terminer sa carrière de joueur en Belgique puis de se reconvertir entraîneur et superviseur, notamment au FC Bruges.
Milenko Acimovic, Metz/Lille, 31 janvier 2004
La saison 2003/2004 avait bien débuté, avec 3 victoires, et un LOSC leader. Puis il faudra attendre début décembre pour signer une 4e victoire en championnat. À la trêve, le LOSC n’a que 22 points et se place 14e. Le mercato hivernal est alors l’occasion de renforcer l’effectif, avec l’arrivée de 4 joueurs aux fortunes diverses : Youssef Sofiane, Stathis Tavlaridis, Ali Lukunku, et Milenko Acimovic. L’arrivée de Tavlaridis stabilise la défense lilloise dès la reprise au Parc en janvier, même si la défaite est encore au rendez-vous (0-1, voir plus bas). Lors du match suivant contre Toulouse, la titularisation de Youssef Sofiane et l’entrée en jeu précoce d’Ali Lukunku, qui nous gratifie d’un formidable retourné en tribune, confirment que le salut offensif ne viendra pas de ces deux-là. Lille a toujours 22 points après 21 journées, et n’a que 3 points d’avance sur la zone de relégation.
Et puis Acimovic. Le Slovène, en déshérence à Tottenham, où il n’est pas parvenu à s’imposer en 18 mois, est enfin aligné pour un déplacement à Metz. À la 40e minute, il frappe un corner de la droite, et surprend tout le monde en le frappant directement au premier poteau, à ras de terre. La gardien messin, Ludovic Butelle, est battu, et le LOSC s’impose 1-0. Conjuguée à l’arrivée de Tavlaridis et à l’éclosion de Moussilou, l’arrivée de Milenko correspond à une sacrée embellie dans le jeu du LOSC, qui préfigure la superbe saison 2004/2005. Par la suite, Acimovic fait profiter le public lillois de sa remarquable vision du jeu et sa technique au-dessus de la moyenne. Il nous a gratifiés d’autres buts splendides (Caen en août 2004) ou mémorables (Manchester en novembre 2005). Seul regret : il quitte discrètement le LOSC lors de l’été 2006, alors qu’il est blessé depuis plusieurs mois.
Kevin Mirallas, Lille/PSG, 7 mai 2005
Même si une défaite à Monaco a vu l’équipe de la principauté revenir à un point, Lille est toujours 2e et est bien parti pour accrocher directement une place en Ligue des Champions. Paris, 7e, joue encore une place pour la coupe UEFA. Le score est de 0-0 quand Puel fait sortir son meilleur buteur, Moussilou, et lance un jeune Belge, Kevin Mirallas, qui fait ses premiers pas en L1. Il compose le trio d’attaque avec Nicolas Fauvergue, entré à la 83e, et Mathieu Debuchy, entré à la 66e. Sur une action initiée par Makoun et relayée par Fauvergue, Stéphane Dumont trouve dans l’axe Mirallas ; le ballon est freiné juste ce qu’il faut par Pierre-Fanfan, et Mirallas, sur son premier ballon, frappe à mi-hauteur, dans l’axe, trompant Létizi, ce qui lui vaut d’être superbement plaqué par Nicolas Fauvergue sur la célébration.
Kevin Mirallas reste à ce jour le plus jeune buteur du LOSC, à 17 ans, 7 mois et 2 jours, devant Eden Hazard (17 ans, 8 mois, et 13 jours) et Divock Origi (17 ans, 9 mois et 14 jours). Vive la Belgique !
Moussa Sow, Rennes/Lille, 7 août 2010)
Lille recrute en juin 2010 le Sénégalais Moussa Sow qui vient de passer une année compliquée à Rennes, où il n’avait inscrit que 3 buts. Ecarté par l’entraîneur « breton » Antonetti, puisqu’il n’avait pas daigné prolonger son contrat à Rennes, le LOSC récupère ainsi un joueur libre. On peut dire que c’est une bonne pioche, puisqu’il termine meilleur buteur de l’exercice 2010/2011 avec 25 buts. Cela faisait 62 ans qu’un joueur lillois n’avait pas terminé meilleur buteur du championnat : c’était Jean Baratte en 1948-1949, avec 26 buts.
Arrivé sans la certitude d’être titulaire, Sow enchaîne rapidement les buts et, donc, dès la première journée, à Rennes : à la suite d’un corner, le centre d’Hazard est dévié sur la transversale par la défense rennaise et Sow, opportuniste, conclut de la tête au second poteau, ce qui permet au LOSC de revenir avec un point (1-1) et de lancer une saison ponctuée par le doublé coupe/championnat.
Nolan Roux, Lille/Saint-Etienne, 28 janvier 2012
Annoncé depuis plusieurs mois, Nolan Roux arrive enfin au LOSC au moment où le transfert de Moussa Sow en Turquie, pour 13M€, est officialisé. Et ce alors même que le LOSC dispose dans son effectif du redoutable Ireneusz Jelen. Formé à Lens, Roux a notamment inscrit 15 buts avec Brest en L2 en 2009-2010, puis 6 en L1 la saison suivante, et 4 lors de la première moitié de saison 2011-2012, où il semble ruminer d’être resté en Bretagne. Reconnu pour sa combativité et sa capacité à jouer en profondeur, il inscrit, comme Samuel Lobé 15 ans plus tôt, un doublé contre Saint-Etienne pour ses débuts avec le LOSC, aux 86e et 87e minutes, et le LOSC s’impose 3-0.
Djibril Sidibé, Nice/Lille, 25 août 2012
International chez les moins de 20 ans, Djibril Sidibé débarque à Lille en provenance de Troyes. Il doit notamment sa première titularisation à Nice au fait que le LOSC joue, 4 jours plus tard, son match retour de tour préliminaire de Ligue des Chmpions contre Copenhague : Rudi Garcia a ainsi fait souffler certains de ses cadres (par exemple, Marvin Martin est remplaçant : figurez-vous qu’il fut un temps où l’on plaçait beaucoup d’espoirs en lui). Payet ouvre le score, et Sidibé n’est pas irréprochable sur l’égalisation niçoise juste avant la pause. Bauthéac donne l’avantage aux Aiglons mais rapidement, Sidibé égalise après s’être enfoncé dans la surface et avoir réalisé un petit pont sur Pejčinović. Djibril montrait ainsi tout son potentiel : s’il enchaîne les prestations quelconques durant près de 2 ans, il se révèle ensuite indispensable, à droite ou à gauche, en montrant notamment une grande activité offensive, et en se révélant comme le spécialiste incontesté de la passe en bout de course qui le fait s’effondrer.
Divock Origi, Lille/Troyes, 2 février 2013
Initialement formé à Genk, puis à Lille, le Belge Divock Origi fait ses débuts en L1 contre Troyes quelques jours après avoir été convoqué pour la première fois par Rudi Garcia dans le groupe pro pour un match de coupe de France à Plabennec. Dans une période de dèche offensive avant que le trio Kalou/Payet/Rodelin ne se montre très efficace sur la fin de saison, il remplace Ronny Rodelin à la 68e. 6 minutes plus tard, il est à la réception, de la tête, d’un centre de Dimitri Payet, et il trompe Thuram. Après une saison à 5 buts en 2013/2014, profitant de la blessure de Benteke, il est de la délégation belge à la coupe du monde au Brésil. Son but contre la Russie en match de poule est une aubaine pour les finances du club : il est transféré pour 13 M€ à Liverpool, qui le prête au LOSC une saison supplémentaire.
Ouleymata Sarr, Lille/Bordeaux, 3 septembre 2017
L’équipe première de la section féminine, fraîchement créée, accède à la D1 à l’issue de la saison 2016/2017 (après un petit imbroglio avec le club de La Roche). Formée au PSG, Sarr y découvre la première division et la coupe d’Europe. Mais, barrée par la concurrence en dépit de son potentiel et de ses sélections en équipes de jeunes, elle rejoint le promu losciste lors de l’été 2017. Elle fait déjà forte impression par sa taille et ses grandes enjambées lors des matches d’avant-saison, et confirme dès la première journée de championnat, en inscrivant le premier but lillois de la saison… mais aussi le deuxième, puis le troisième ! Lille s’impose de façon presque surprenante et facile, 3-0. Trois jours après, Ouleye est appelée par Corinne Diacre en équipe de France A pour des matches face au Chili et à l’Espagne, contre qui elle inscrit même un but. Buteuse à 9 reprises pour le LOSC en 2017-2018 au cours d’une saison irrégulière, elle inscrit également l’ultime but du LOSC d’une lourde frappe dans la lucarne opposée en toute fin de match, à Bordeaux, assurant ainsi le maintien en D1.
Lebo Mothiba, Nantes/Lille, 11 février 2018
Prêté à Valenciennes depuis un an et demi, Lebo Mothiba est rappelé en catastrophe après les incohérences du mercato 2017. Bien qu’appartenant au LOSC, il a coûté 1 M€ au club, une loufoquerie à ajouter au palmarès de cette brillante saison. Et s’il a été ainsi rappelé, c’est parce que sur le terrain, ça va plutôt mal. Avec Ponce, inefficace, comme seul avant-centre de métier, le LOSC se traîne en fond de classement et ses supporters vivent des déceptions à la mesure des espoirs qu’avaient suscités l’avant-saison. On rappelle donc notre avant-centre à l’ancienne – on dit ça uniquement parce qu’il a son maillot dans le short. L’Argentin Sala ouvre le score en première mi-temps après un grand classique : la perte de balle stupide dans l’axe après qu’Amadou se soit driblé lui-même. 3 passes plus tard et un tir bien placé, c’est au fond. À la reprise, Mothiba reprend dans les 6 mètres un corner de Mendès d’une tête piquée et égalise.
Mais Lille fait sa spéciale 2017/2018 : encaisser un but dans les 4 minutes qui suivent : l’inévitable Sala, seul aux 6 mètres, marque encore, de la tête (2-1). Fort heureusement, Pépé fait sa spéciale *intérieur-pied-gauche-en-finesse-poteau-opposé-en-profitant-du-défenseur-qui-masque-son-gardien*, et on revient avec un heureux 2-2, Sala ayant échoué une dernière fois sur Maignan. On doit une fière bretelle à Lebo, qui inscrit 6 buts sur cette phase retour, dont un doublé lors du « match du maintien » contre Dijon. Il a été transféré à Strasbourg en août 2018.
Jonathan Bamba, Lille/Rennes, 11 août 2018
Après une saison difficile où il s’est sauvé de justesse, le LOSC ambitionne de retrouver une certaine tranquillité sur le terrain. Au niveau transferts, c’est encore largement incertain, puisque sont alignés pour ce premier match 2 joueurs appelés à partir (Benzia et Mothiba), tandis que Jonathan Bamba, international Espoirs, est la seule recrue offensive titularisée. On joue la 67e minute et Bamba, triste, n’a toujours pas marqué. C’est chose faite à la 68e : servi par Pépé, il feinte une frappe côté ouvert avant de refermer son pied et de tirer juste devant lui, prenant Koubek à contrepied. Lille s’impose 3-1 et semble poser les bases d’une saison meilleure que la précédente.
Victor Osimhen, Lille/Nantes, 11 août 2019
Après une intersaison désormais routinière au LOSC, marquée par le départ des plus grandes valeurs marchandes et l’arrivée de « jeunes à fort potentiel », ce premier match de la saison suscite quelques inquiétudes et pas mal d’excitation. Face au FC Nantes provisoirement dirigé par Patrick Collot, et contraint par diverses blessures et suspensions, le LOSC aligne d’emblée 5 recrues, dont Victor Osimhen, auteur de 20 buts en Jupiler Pro League la saison précédente. Il est présenté comme le remplaçant de Léao et profite ici de la suspension de Loïc Rémy. Et il fait rapidement la preuve de quelques unes de ses qualités : sur un long ballon de Fonte, il prend de vitesse la (lourde) défense centrale de Nantes, contrôle parfaitement de la poitrine et conclut à ras de terre. Puis, en fin de match, alors que Lille est plus laborieux mais profite de l’élan suscité par l’entrée de Yacizi, il profite d’un loupé de Pallois pour s’emmener le ballon dans la surface et conclure en force, dans un angle fermé.
Il faudra voir ce que ça donne quand il y a aura un gardien en face, mais deux buts pour débuter sur des occasions qu’il s’est créées quasiment lui-même, c’est très prometteur.
Salomé Elisor, Lille/Thonon-Evian, 8 septembre 2019
Premier match officiel des Lilloises depuis la finale de coupe de France du 8 mai. Pour cette reprise en deuxième division, l’effectif a été largement remanié et rajeuni. Parmi les nouvelles venues : Salomé Elisor, qui nous vient de Grenoble mais est précédemment passée par Marseille et a été formée à Lyon. Alignée devant, à gauche pour ce match, elle ouvre le score à la 35e minute, quelques secondes après avoir permuté avec Julie Dufour. Sur le but, elle reprend du plat du pied droit un centre en retrait de, justement, Julie Dufour. Elle avait déjà marqué au cours des matches de préparation et confirme donc d’entrée cette bonne impression, avec un but déjà décisif puisque le LOSC gagne 2-1 pour ce match de rentrée.
Akim Zedadka, Lille/Auxerre, 7 août 2022
Pour la reprise du championnat 2022/2023, le LOSC aligne quatre de ses recrues, parmi lesquelles le latéral droit Akim Zedadka, venu de Clermont pour remplacer Celik, parti en Italie. Peu sollicité défensivement jusque là tant les Dogues dominent (3-0 à la pause), le nouveau défenseur du LOSC s’illustre offensivement : à la 64e, un centre de Bamba le trouve au second poteau, où il réalise une reprise qui termine dans le filet opposé de Costil. Le LOSC s’impose 4-1.
Ismaily, Nantes/Lille, 12 août 2022
Une semaine après Zedadka, un autre défenseur réussit sa première avec le LOSC : le brésilien Ismaily. Mené à la pause à Nantes, le LOSC a vu ses deux arrières latéraux écoper d’un avertissement. Cela donne un argument supplémentaire à Paulo Fonseca pour les remplacer dès la mi-temps : Diakité remplace donc Zedadka, et Ismaily remplace Tiago Djalo. Alors que Lafont multiplie les exploits dans le but nantais et que l’on pense le LOSC voué à perdre, Ismaily s’infiltre à gauche et, après un relais avec Cabella puis avec David, parvient à tromper le gardien nantais d’une frappe croisée à ras de terre. Voilà de quoi bien commencer avec Lille et même, pour lui, de faire de bons débuts en 2022 : en effet, précédemment au Chakhtior Donetsk, Ismaily n’avait pas encore joué une minute en compétition officielle au cours de l’année civile, en raison de la guerre en Ukraine. Après le match, José Fonte révèle : « Je suis content pour lui, disait son capitaine José Fonte, car il m’a dit qu’au bout de 10minutes il avait déjà envie de sortir. Ce but lui a donné une bouffée d’oxygène ».
Bonus 1 : Arnaud Souquet, Slavia Prague/Lille, 1er octobre 2009
Là, il ne s’agit pas de championnat mais de coupe d’Europe. Professionnel depuis l’été 2009, Arnaud Souquet est convoqué pour la première fois par Rudi Garcia pour un déplacement à Prague en Europa League. Surprise : il est même titularisé pour compenser l’absence de Florent Balmont. Les Lillois sont rapidement menés (6e) mais accélèrent après la pause, en égalisant (47e), puis en inscrivant un deuxième but par Frau sur un service de Souquet, de la tête (71e). Gervinho fait 1-3 (86e) puis Souquet, sur un centre de Vandam, place une imparable tête plongeante, inscrivant son premier (et dernier) but avec le LOSC. Gervinho porte finalement le score à 1-5. Il ne jouera que deux autres matches avec le LOSC, l’un en championnat et l’autre en coupe de France (l’inoubliable voyage à Colmar)
http://www.dailymotion.com/video/x4q31wt
Bonus 2 : Grégory Wimbée, Lille/Guingamp, 8 août 1998 et Stathis Tavlaridis, PSG/Lille, 10 janvier 2004
N’oublions pas qu’un terrain de football comprend en général 2 cages de but, et qu’il est possible de ne pas marquer du bon côté. C’est la mésaventure qui est arrivée à notre gardien Grégory Wimbée pour son premier match, à Grimonprez-Jooris, contre Guingamp : cherchant à intercepter un centre a priori anodin, il voit le ballon ricocher sur sa poitrine et terminer dans ses propres filets. Quelques années plus tard, le grand Greg est toujours dans le but losciste, et parraine les débuts de Tavlaridis en défense centrale, qui dévie de la tête une passe de Reinaldo. Greg, qui avait anticipé au second poteau, ne peut revenir à temps, et Lille s’incline 0-1.
Quand on connaît les performances ultérieures des deux joueurs avec les Dogues, on se dit que ça arrive décidément aux meilleurs.
Posté le 4 janvier 2019 - par dbclosc
1977-1978 : le LOSC se forme
Au printemps 1977, le LOSC s’apprête à descendre d’un étage et à retrouver la D2 après une saison pathétique, marquée en outre par des déboires financiers. La mairie impose alors un changement d’orientation au club, qui devra s’appuyer sur la jeunesse de la région, au sein du tout nouveau centre de formation. Dans le sillage de José Arribas, le club ouvre une ère nouvelle.
8 juin 1977, fin du calvaire : le LOSC est relégué en deuxième division après une piteuse saison qu’il termine 19e, avec 10 points de retard sur le premier non relégable, Valenciennes (la victoire est alors à 2 points). Cette saison-là, Lille n’a pris qu’un point à l’extérieur (à Bastia) ! Cause et/ou conséquence de ses problèmes sportifs, le club est également en grande difficulté financière, puisqu’il présente un déficit de 6,5 MF. À titre d’illustration, sachez que pour la 36e journée à Nancy le 1er juin 1977, le LOSC a même été dans l’incapacité de louer un bus… Les joueurs se sont alors rendus en Lorraine en voitures particulières ! Un mois auparavant, la mairie avait déjà tapé du poing sur la table.
Le changement, c’est maintenant
La municipalité impute en effet la responsabilité de la saison manquée à certaines dérives propres au football moderne : côté sportif, on aurait des joueurs surpayés, des mercenaires, au comportement de starlettes : Pierre Mauroy tonne ainsi : « ce qui se passe est vraiment inadmissible, c’est vraiment devenu une des branches du show business » ; côté administratif et gestionnaire, le mode de gouvernance du club ne serait plus adapté : il s’agit alors de passer à une société d’économie mixte, et de davantage structurer le club. Pour marquer une rupture avec la saison écoulée, Pierre Mauroy et son nouvel adjoint aux sports, Albert Matrau, provoquent la démission du président Paul-Mary Delannoy le 5 mai 1977, et l’arrivée de Jacques Dewailly, directeur de la Générale de Chauffe, à la tête du club. Dans les faits, le LOSC est désormais dirigé par le tandem Roger Deschdot/Jacques Amyot. Et pour préparer la transition financière et passer à une société mixte pour club professionnel, le club présente également Yves Bonhomme, Patrick Dussot (avocat) et Roger Verloo (comptable).
Roger Deschodt et Jacques Amyot, un tandem pour se remettre en selle et arrêter de pédaler dans la semoule
L’équipe municipale réagit en fait aux mois précédents, puisque des élections municipales ont eu lieu en mars. Le principal challenger de Pierre Mauroy est le leader de la droite lilloise : il s’appelle Norbert Ségard et se promène souvent avec une boussole. Pourquoi ? Parce que Norbert s’égare. Bien. Il indique en tout cas une direction dans laquelle vont s’engouffrer tous les protagonistes de l’élection : le LOSC. Au cœur de sa triste saison, Ségard attaque l’équipe municipale sortante (déjà dirigée depuis 1973 par Mauroy). Au début de l’année 1977, il fait placarder en ville et le long des voies rapides alentours des affiches où on voit un chien dans des tribunes de Grimonprez-Jooris désespérément vides. C’était le bon temps où LOSC et politique étaient intimement liés, ce que nous avons tenté de réhabiliter en 2017. Le message de Ségard est clair : contribuables lillois, votre argent finance une équipe médiocre qui n’attire personne.
Un peu d’animation
Le LOSC se dote aussi d’une « commission d’animation » (équivalent aujourd’hui d’un département de com’), signe aussi d’une certaine professionnalisation du club, composée de Jean Paul Delporte, Jean Luc Dupuis, Jean-François Michallat, Jacques Verhaeghe, et présidée par Patrick Robert : son rôle est de s’occuper de la sono, du bulletin officiel du club, ou encore des relations avec les supporters.
La commission d’animation en septembre 1978 : J-F Michallat, A. Wostyn, J. Verhaeghe, P. Robert (à moins que ce ne soit Michel Delpech), J-L Dupuis, J. Houte, J-P Delporte
Le 4 juin, l’une des première mesures du comité d’animation est d’organiser un diner spectacle au palais Rameau, avec notamment en vedette le groupe anglais The Rubettes, à qui on doit notamment l’inoubliable Sugar Baby Love. 2500 personnes sont attendues. On aura ce soir-là 328 tickets payants. Bref, y a du boulot pour faire revenir le public et fédérer autour du LOSC.
Révélé initialement avec son tube « Aline » lors de l’été 1965 sous le pseudonyme « Christophe », Jean-Claude Chemier est écarté du concert au Palais Rameau par le comité d’animation qui lui préfère les fameux Rubettes. Il se reconvertit alors gardien de but et connait enfin la dolce vita.
La municipalité veut « régionaliser » le LOSC
Surtout, le LOSC veut désormais miser sur des jeunes issus de la région. Selon Mauroy, « il faut bâtir une équipe qui serait l’émanation de la région et non la réunion temporaire de mercenaires venus d’ailleurs (…) Je ne suis pas contre les vedettes, mais une région comme le Nord-Pas-de-Calais est capable de fournir de bons joueurs. Je suis contre les équipes composées presque exclusivement d’étrangers à la région qui restent une année ou deux avant de s’en retourner à partir de considérations qui n’ont rien à voir avec le football ». À sa demande, les sept joueurs les mieux payés du club sont remerciés ou laissés libres (parmi eux, Christian Coste, Hervé Gauthier, Michel Mézy, et Bernard Gardon, dont on dit – et lui-même s’est gargarisé de cette anecdote – que le transfert à Monaco aurait permis d’assurer les paies dans le club en juin 1977).
En juillet 1977, la mairie vient encore plus franchement à la rescousse du club : Pierre Mauroy fait voter en conseil municipal le soutien à la création de l’ADPL (Association pour le Développement et la Promotion du LOSC), présidée par Jacques Dewailly. À la clé : une subvention de 1 700 000 F, dont 1 380 000 F pour financer du 1er juillet 1977 au 30 juin 1978 les frais de fonctionnement d’un ersatz de centre de formation, qu’on retrouve dans la presse de l’époque sous l’appellation « centre d’accueil des jeunes footballeurs ». En outre, un autre crédit de 3 700 000 francs est voté pour l’aménagement du stade. Car si Grimonprez-Jooris a été inauguré il y a 2 ans, les aménagements sous les tribunes ne sont pas encore achevés. Or, il est question d’y accueillir les jeunes du futur centre de formation. L’objectif est clair pour le maire de Lille : former, c’est s’éviter de recruter des joueurs à un prix déraisonnable, et c’est réduire la masse salariale qui selon ses calculs représente neuf dixièmes des dépenses, et qui de 1972 à 1976 a doublé. « Il faut redonner une tournure régionaliste : le football lillois doit retrouver ses racines et lorsque le LOSC sera revenu en première division, il devra s’y comporter fort honorablement » résume Gros Quinquin.
Place aux jeunes : l’évidence Arribas
La nouvelle philosophie étant posée, reste à la mettre en œuvre. Côté terrain, le fidèle Charly Samoy, qui a signé sa première licence de gardien au LOSC en 1963, avait quitté son poste de directeur sportif et pris la tête de l’équipe en novembre 1976 après le renvoi de Georges Peyroche. Sans l’avoir vraiment choisi, il a pris place sur le banc « les dirigeants étaient prêts à donner l’équipe à un ensemble de joueur avec pour meneurs Michel Mezy et Stanislas Karasi, ou à m’en confier les destinées car ils refusaient d’engager un autre entraîneur. Placé au pied du mur, dans des circonstances où joueurs et dirigeants me sollicitaient, j’ai accepté. Les résultats des deux premiers mois avaient laissé entrevoir une réhabilitation. Nous possédions les moyens de nous en sortir, d’autant que l’esprit des joueurs me laissait croire, fin décembre, que nous pouvions tenter le coup. Rien n’a suivi. Ces mêmes joueurs qui m’avaient demandé de rester ne jouèrent pas le jeu jusqu’au bout et ont laissé tomber le LOSC. C’est une énorme déception. Je n’avais à qui parler que certains joueurs qui avaient gardé confiance : Chemier, Grumelon, Gianquinto, Denneulin, Simon ou Gardon. J’avais envie de tout abandonner. Avec le recul du temps, je ne regrette pas de ne pas avoir quitté le bateau dans ce naufrage. J’ai pu récupérer quelques gars et former un nouveau noyau ».
Noyau sur lequel va s’appuyer le nouvel entraîneur du LOSC : le club recrute un technicien en disgrâce, qui a fait les beaux jours de Nantes avec qui il a été champion 3 fois, avant de connaître une expérience mitigée à Marseille, d’où il a été limogé dès sa première saison en février 1977 : José Arribas. Les conditions qui lui sont proposées à Lille ne sont pas attractives : on lui dit qu’il n’y a pas d’argent, qu’il faut reconstruire autour des jeunes, avec quelques vieux briscards qui voudront bien rester, et on pourra peut-être se permettre 2-3 recrues pas chères. Banco dit Arribas, qui dit qu’il a connu les mêmes conditions lors de son arrivée à Nantes.
Arribas et Samoy vont parfaitement s’entendre sur ce nouvel intérêt porté sur les jeunes. Samoy : « nous ne nous connaissions pas. Dans la minute qui suivit notre rencontre, nous eûmes l’impression que nous nous fréquentions déjà depuis 10 ans. C’est le même langage. José a apporté énormément au LOSC, en sagesse et en expérience. Il n’était pas seulement l’entraîneur de l’équipe professionnelle ; il était l’entraîneur de tout le club, du poussin au professionnel ». Parmi ses nombreuses casquettes à partir de l’été 1977 (directeur administratif, recruteur) Samoy est désormais l’entraîneur des Cadets, qui évoluent en DH, en 4e division, et pour la première fois au niveau national : autrement dit, c’est la réserve, renforcée dès l’été 1977 par quelques jeunes : Pierre Dréossi arrive de Wasquehal, Patrick Rabathaly et Jean-Pierre Orts de Boulogne-Billancourt, un dénommé Valeur dont nous n’avons pas trouvé le prénom, de Calais, et les frères Stéphane et Pascal Plancque, de Lambersart. Et Samoy se retrouve donc en plus à la tête de cette première structure pour les jeunes : « c’est beaucoup trop. La vie familiale en prend un coup ! Mais le LOSC n’avait pas les moyens d’engager un entraîneur pour le centre. Et puis les jeunes, la formation, ça me plait… ».
Un nouveau visage séduisant
La reprise est fixée au 11 juillet 1977. Comme écrit plus haut, 7 joueurs, et pas des moindres, sont partis. Signe du nouvel élan voulu par la direction, Jean-Claude Chemier, Serge Besnard et Didier Simon sont explicitement conservés pour leurs « qualités morales ». Côté recrutement, le club est très limité mais va attirer 3 joueurs, tous des bonnes pioches : Pierre Pleimelding, grâce à un sympathique arrangement avec l’AS Monaco qui le met dans la balance pour favoriser le transfert de Gardon ; Zarko Olarevic, un yougoslave inconnu, échangé à l’Antwerp avec Karasi ; et Gilbert Dussier, un attaquant luxembougeois prêté par Nancy. Pour le reste, il y a les jeunes. Pour le premier match de la saison contre Guingamp, qui joue là le premier match de son histoire en D21, l’éditorial du bulletin du LOSC, rédigé par Patrick Robert himself, appelle au soutien à cette jeune et nouvelle équipe : « vous avez été déçus par une saison médiocre, par une équipe souvent amorphe car bien trop secouée par une succession de crises internes. Vous allez découvrir une nouvelle équipe. Nous sommes convaincus qu’elle se battra pour ses couleurs, avec un esprit de club chevillé au corps, et dirigée par l’un des techniciens les plus éminents que notre football ait produit. C’est pourquoi elle mérite d’ores et déjà votre soutien ; car il serait injuste qu’elle subisse le préjudice populaire d’une saison à oublier bien vite ».
Le LOSC démarre sur les chapeaux de Nolan roues : 4 victoires d’emblée contre Guingamp (2-0), Lucé (5-0), Caen (2-0) puis Boulogne (3-0) le placent à une surprenante première place. « Surprenante » car on n’attendait pas le club à pareille fête hein, car il n’est pas « surprenant » de se retrouver à la tête du championnat après 4 victoires en 4 matches. Surtout, cette équipe a l’air franchement combative, et les recrues crèvent l’écran, bien que les retransmissions télévisées soient moins fréquentes à l’époque (Pleimelding attendra toutefois quelques semaines avant de se montrer, car il se blesse durant l’avant-saison). Régulièrement, plus de 10 000 personnes viennent à Grimonprez-Jooris pour voir la bande à José. Quelques défaites à l’automne font rentrer Lille dans le rang, mais Arribas reste confiant et réaffirme ses principes : « je préfère rater un match par ci par là, pourvu que l’équipe respecte un certain régime, un fond de jeu ». Une tuile survient rapidement : Patrick Deschodt se blesse sérieusement. Mais les performances demeurent régulières en dépit des blessures et des suspensions : Arribas intègre notamment très vite Alain Tirloit et Jean-Paul Delemer dans le groupe pro, alors qu’ils étaient censés évoluer avec le groupe de Samoy. La saison avance et, désormais, ce sont Pierre Dréossi et Stéphane Plancque qui intègrent régulièrement l’équipe première. Ce dernier inscrit même un doublé pour sa première apparition en janvier 1978 : bon, contre une équipe de DH (Hautmont) en 7e tour de la coupe de France, ses équipiers ont mis 6 autres buts, mais il les a marqués. En championnat, 5 équipes se sont détachées : le Red Star, Tours, Dunkerque, le Paris FC et le LOSC, qui se tiennent en 3 points. Seul le premier du groupe monte, le 2e devant jouer un barrage contre le deuxième de l’autre groupe. Après 3 victoires en janvier, le LOSC se déplace au Red Star le 11 février 1978 pour un match au sommet. Les Audoniens se sont déjà imposés à l’aller (3-2) ; ils remettent ça : 1-0. Flûte.
Les principaux artisans de la formation lilloise : au premier plan, José Arribas et Michel Vandamme. Au fond, Charly Samoy.
Inauguration du centre de formation
Quelques jours plus tard, la principale nouveauté du grand chantier entamé par le LOSC voit le jour. Jusqu’alors, le « centre d’accueil » consistait, si l’on en croit le journaliste Jean-Pierre Mortagne, en « un immeuble vétuste, dénué de tout confort, avec en tout et pour tout 5 chambres. Les stagiaires étaient quelquefois obligés de loger dans la salle de bains ». C’est peut-être la faute à l’arbitre ça Jean-Pierre ? En lieu et place de ça, voici désormais, sous les tribunes de Grimonprez, un centre « magnifique » selon Patrick Robert. Voulu, financé et entretenu par la mairie, le centre, disposant de 15 chambres, d’une cuisine, d’un foyer-restaurant et d’une salle de cours, est inauguré le dimanche 26 février 1978 par Pierre Mauroy, en présence de quelques personnalités.
Le maire y réitère sa volonté de « transformer le football de recrutement en un football d’apprentissage », une formulation bien compliquée à comprendre aujourd’hui. On suppose qu’il faut comprendre par là que le football ne peut pas seulement reposer sur la détection des talents régionaux qu’on enrôle prêts-à-jouer, mais que sa professionnalisation passe par l’idée de faire d’en faire un métier « comme un autre », qui nécessite une acculturation, l’apprentissage de méthodes, d’une discipline comportementale et alimentaire, bref, d’une formation au même titre qu’un travail « classique ». Albert Matrau, l’adjoint aux sports, déclare : « si, disposant de telles conditions de travail, les jeunes ne parviennent pas à prendre goût au football, ce sera à désespérer ! » ; Jules Bigot, ancienne gloire du club et désormais représentant la fédération française de football, se réjouit : « il faut donner au public l’envie de revenir au stade et pour cela il faut travailler très sérieusement. Sous cet angle, cet hôtel 3 étoiles que vous offrez aux jeunes doit servir de base à un travail durable ».
Le LOSC retrouve la D1
Revenons au terrain : en fait, la défaite au Red Star est la dernière de la saison. À partir de là, les Dogues vont se montrer quasiment irrésistibles, avec 9 victoires et 3 nuls. Cette fin de saison en boulet de canon est aussi marquée par un huitième de finale de coupe de France contre Monaco, qui file vers le titre de D1. À Grimonprez-Jooris, pour le match aller, 19 000 spectateurs sont présents. Lille fait bonne figure mais Courbis ouvre le score pour Monaco. Lille revient rapidement grâce à Didier Simon et accroche un nul valeureux (1-1). Quatre jours plus tard, les Dogues ne s’inclinent que 2-3 en Principauté. Ils sont éliminés. Dans un vestiaire abattu malgré cette grande performance, Arribas s’adresse à ses joueurs : « si vous voulez revenir dans ce vestiaire la saison prochaine autrement qu’avec la coupe, vous savez ce qu’il vous reste à faire. Car Monaco ne descendra pas ! ». Message bien reçu : dans la foulée, Lille s’impose à Tours, chez un concurrent direct (2-0). Ils en profitent pour saboter le pont Wilson, qui s’effondre deux semaines plus tard, manière de mettre en pratique l’expression « couper les ponts » (avec la D2). Limoges (4-2), Noeux-les-Mines (3-0), Rennes (4-0) s’inclinent, seul Poissy prend un point contre Lille (0-0). Le 6 mai 1978, le LOSC se rend au Paris FC : en gros, si le LOSC ne perd pas, ça sentira très bon ! Le nul (1-1) est une excellente opération : il reste deux matches et Lille peut assurer la montée en battant Quimper Cornouaille dès le 20 mai !
Et ça démarre plutôt bien : Didier Simon marque dès la 7e minute. Le LOSC conserve longtemps son avance, et il ne fait aucun doute que les festivités d’après-match, bien prévues mais qu’on n’ose pas encore annoncer, auront lieu. Mais à l’heure de jeu, catastrophe : Quimper inscrit deux buts coup sur coup. Les Lillois se ruent sur le but du gardien « breton », un certain… Jean-Noël Dusé, qui fera quelques années plus tard le bonheur de la formation lilloise. Didier Simon (76e) égalise, avant que Jean-Paul Delemer n’inscrive le but de la victoire à la 85e, hors-jeu de 10 mètres selon les témoins de l’époque. Le match n’est pas terminé que la sono invite le stade à une kermesse juste après le match ! Lille assure donc la première place de son groupe, et remporte même le titre en battant le leader de l’autre groupe, Angers, dans le « match des champions » (5-3 ; 1-2). Une marque de champagne décerne au LOSC le titre d’équipe « la plus pétillante » de la saison.
José Arribas porté en triomphe sur les épaules d’Alain Tirloit au milieu des supporters
À fond la formation
La remontée immédiate dans l’élite est une aubaine. Pour la mairie, c’est la preuve de la justesse de sa stratégie : le LOSC a épongé une partie de son déficit. La ville et le club passent à une collaboration encore plus étroite. La première offre 800 000 F au LOSC, de quoi recruter Roberto Cabral et René Marsiglia, déjà international junior. Le centre de formation se dote d’un entraîneur à temps plein en juillet, en collaboration avec Arribas : Jean Parisseaux, qui fut champion de France en 1947 avec le Club Olympique Roubaix-Tourcoing. Originaire de Dunkerque, il a même entraîné l’USLD devenant à 33 ans le plus jeune entraîneur de D2 (en 1966). Il entraîna ensuite Hazebrouck (où il joua aussi), faisant passer le club de la DH à la D2 entre 1969 et 1973.
Le centre du LOSC n’a bien sûr rien à voir avec ce que proposait le CORT, du point de vue de l’équipement bien entendu, mais simplement dans l’idée même de former des jeunes : « à cette époque, on ne favorisait guère l’épanouissement des jeunes, même dans le grand CORT, celui qui fut champion de France ». à l’été 1978, intègrent le centre : Jean-Pierre Mottet et Dominique Bisbal (Vichy), Pascal Gousset (Angoulême), Olivier Hotton (Roubaix), Thierry Froger (Le Mans), Carol Renuit (Sainghin en Weppes).
Les footballeurs en formation peuvent s’initier aux métiers du secrétariat, de la comptabilité ou de la gestion grâce à l’apport de l’Institut Lillois d’Education Permanente. Au bout de deux ans d’étude, les jeunes du centre sortent avec un certificat d’aptitude professionnelle de footballeur (!)
Un emploi du temps pour jeunes loscistes, rentrée 1978
En 1978, 15 des 18 membres du centre de formation sont originaires du Nord. Plus précisément, ces jeunes se divisent alors en stagiaires (Brisbal, Dréossi, Fournier, Hotton, Marsiglia, Millevoye, Mottet, Barathaly, Vandamme), aspirants (Botysow, Capon, Depraeter, Gousset, Gressani, Orts, S. Plancque) et amateurs (P. Deschodt, Gauvain). Comme on l’a déjà évoqué dans cet article, il ne s’agit pas encore de formation à un âge précoce : les jeunes sont généralement recrutés à 15 ou 16 ans. L’idée est de construire une identité de jeu qui serait propre au club, comme l’indique J. Parisseaux : « j’attache énormément d’importance à la technique. Je suis partisan d’une équipe qui joue méthodiquement. Le travail tactique sur le terrain et les manœuvres répétées sont de première importance ». Idéalement, le centre de formation doit donner dans un délai de 4 à 5 ans des hommes de bases au LOSC. Parmi les pensionnaires de 1978, au moins 4 ont déjà fait leurs preuves au haut niveau : Pierre Dréossi, Alain Grumelon, René Marsiglia et Jean-Pierre Delemer.
La réserve du LOSC en 1978/1979
Debout : Capon, Gauvin, Rabathaly, P. Deschodt, Renuit, Mottet, J. Parisseaux, M. Vandamme
Assis : Bisbal, J-M Vandamme, Hotton, Gressani, Depraeter
Il n’empêche : le club est en D1 mais reste fragile. Arribas annonce : « nous essaierons de faire de notre mieux. La saison dernière, nous sommes montés alors que nous ne nous y attendions pas. Cette fois, nous pouvons fort bien redescendre, ce serait d’ailleurs plus logique que catastrophique. Si, en revanche, nous nous maintenons, il s’agira d’un exploit. Mais ne nous faisons pas d’illusions : la saison sera très dure ». Le 19 juillet 1978, la saison reprend contre Nancy à Grimonprez. Au coup d’envoi, le LOSC présente une équipe dont 4 des titulaires sont passés par le centre de formation : Pierre Dréossi (18 ans), Alain Tirloit (20 ans), Patrick Zagar (23 ans), Alain Grumelon (21 ans). Et les deux remplaçants, non entrés en jeu, en sont issus : Thierry Deneullin (24 ans) et Jean-Paul Delemer (20 ans). Devant l’ASNL de Platini et Rouyer, 6e du dernier championnat et vainqueur de la coupe de France, Lille fait le spectacle : Pleimelding marque rapidement (4e), avant que les Lorrains ne mènent 3-1 à la 40e. Finalement, Lille s’impose 4-3 en fin de match !
Pierre Pleimelding vient de tromper Jean-Michel Moutier, le portier de Nancy, et inscrit le premier but de la saison 1978/1979.
Au cours de cette saison 1978/1979, Pierre Dréossi fait déjà figure d’inamovible. À l’âge de 16 ans, Joël Depraeter est lancé à Nantes, au cours d’un match où le LOSC accroche le FCN (0-0), suscitant la colère du public nantais qui scande le nom d’Arribas et siffle son entraîneur… l’ancien lillois Jean Vincent. Si le nom de Depraeter ne vous dit rien, c’est parce que ce jeune venu d’Armentières va bientôt prendre le nom de son père : Joël Henry.
L’effectif du centre de formation au complet en 1978. Pour les plus connus, on note, assis, les Vandamme père et fils aux extrémités, Joël Henry au milieu. Debout, Jean Parisseaux à gauche, Jean-Pierre Mottet à droite.
En 1978-1979, le LOSC est spectaculaire : il signe des victoires sur des scores-fleuves, contre Nancy donc (4-3), Laval (5-3), Monaco, le Paris FC, Sochaux (4-2), Nice, Rennes (4-0), et un petit 4-4 à Metz. L’équipe termine à une étonnante 6e place, une performance inédite depuis 1958, qui sera égalée en 1991 et seulement battue en 2001. De plus, les Dogues ne sont éliminés qu’en quart de finale de coupe de France, contre Auxerre, pourtant en D2 mais futur finaliste (0-0 ; 1-2). Lille n’était pas allé si loin depuis 1960. Avec une moyenne de 14 350 spectateurs à domicile, le LOSC signe ses meilleures affluences depuis 1952, et devra là aussi attendre la saison 2000-2001 pour faire mieux. Avec 21 buts marqués, Pleimelding est le 4e buteur du championnat, Cabral se plaçant 9e avec 16 réalisations, et Olarevic 10e avec 15. En fait, Lille ne marque qu’un but de moins que le champion, Strasbourg (67 contre 68), mais en encaisse un peu plus, pas grand chose (62 contre 28).
Discussion tactique entre Arribas et Dréossi, portant sur le fait qu’il faut savoir assurer ses arrières en toutes circonstances. Avec le kiné Michel Frémaux.
Dans l’immédiat, la saison lilloise est récompensée par la sélection de Pierre Pleimelding en équipe de France espoirs au cours de l’été 1978 (il connaîtra sa seule sélection en A quelques semaines plus tard) ; et pour ce qui s’agit de la formation, le LOSC salue les sélections, au même moment, de Stéphane Plancque en équipe de France Junior 1, et de Joël Henry en équipe de France Junior 2. Le signe d’une philosophie des années Arribas qui, par la suite, verront l’éclosion en équipe première d’Eric Péan, Pascal Guion, Thierry Froger, Michel Titeca, Eric Prissette, Rudi Garcia, ou encore Luc Courson.
FC Notes :
1 Généreux, le LOSC offre près de 20 ans plus tard à l’En Avant sa première victoire à l’extérieur en D1 : 3-0 le 9 août 1995.
Sources :
Presse écrite des années évoquées.
Les photos de la chambre, de la salle de cours et de l’emploi du temps sont issues d’un ouvrage de Jean-Pierre Mortagne, LOSC, gloire du Nord, Solar, 1978.
On a par ailleurs trouvé nombre de détails et anecdotes dans un ouvrage de Patrick Robert, Vingt ans de passion, vingt ans de LOSC, éditions La Voix du Nord, 1991
Les jeux de mots, c’est nous.
Posté le 15 décembre 2018 - par dbclosc
Nîmes 1999 : D’Amico entre dans l’arène
Si on sait que quand un crocodile en rencontre un autre, il l’accoste, on sait moins que quand un crocodile rencontre en dogue, il part carrément à l’abordage. Les deux confrontations en championnat entre le LOSC et le Nîmes Olympique lors de la saison 1999/2000 viennent le rappeler : elles ont en effet débouché sur des matches terminés dans une grande confusion. Au programme : déclarations fracassantes, expulsions, buts de dernière minute et bagarre générale.
7 août 1999 : première de la saison à Grimonprez-Jooris, le LOSC reçoit Nîmes. La dernière confrontation entre les deux clubs avait tourné à la correction pour les Dogues au stade des Costières (0-3), ce qui avait largement contribué à manquer une nouvelle fois l’accession en D1 au printemps. Mais cette fois, ça sent bon à Lille : la préparation a été convaincante et l’élan créé par l’arrivée d’Halilhodzic semble emmener le club vers l’élite. Déjà, lors de la première journée, les Dogues se sont imposés à Laval (1-0) et ont pris la tête du championnat, qu’ils ne quitteront jamais au cours d’une saison exceptionnelle. Les Nîmois, quant à eux, aspirent à vivre une saison tranquille dans l’anonymat de la D2, trois ans après avoir braqué sur eux les projecteurs en réalisant l’exploit de parvenir en finale de la coupe de France et en jouant la coupe d’Europe avec, sur le terrain, Johnny Ecker et, dans le staff, Jean-Pierre Mottet.
Premier round
Pour la première en championnat de D’Amico avec le LOSC, les locaux butent sur une défense regroupée. Pourtant, en première période, Lille avait (presque?) marqué : une frappe de Bakari a été repoussée par un arrière nîmois, mais à quel niveau ? Pour Carl Tourenne, pas de doute : « je peux vous assurer que le but de la première période est valable. Dagui peut le confirmer : la balle était rentrée de 20 bons centimètres ». La Voix des Sports considère également que le ballon est entré.
L’arbitre doute-t-il ? On joue la 84e minute, et les crocos jouent la montre : le gardien nîmois, Marc Delaroche, vient cueillir un ballon des deux mains à l’entrée de sa surface de réparation. Au contact avec Dagui Bakari, il s’écroule. Le pied du gardien a-t-il été touché ? Des tribunes, cela n’a rien d’évident. Et pour l’arbitre non plus : M. Veissière accorde un coup-franc aux Lillois : « je lui avais déjà reproché à deux reprises de vouloir gagner du temps. Là, je le vois s’emparer du ballon et tomber. Alors que j’étais convaincu qu’il ne s’était rien passé. J’ai sifflé pour comportement anti-sportif et perte de temps. C’est possible que Marc Delaroche se soit blessé, mais j’ai jugé sur l’instant. J’étais agacé par toutes ces pertes de temps ». Après 4 minutes de confusion, le coup-franc indirect, dans la surface de réparation, est décalé par Carl Tourenne vers Bruno Cheyrou : le ballon est dévié et finit au fond ! Un but que l’on peut voir furtivement sur cette vidéo après 7 secondes. Lille gagne 1-0, et le match finit en pugilat. Il faut que les dirigeants nîmois retiennent leur gardien pour qu’il ne s’en prenne pas à l’arbitre. Mais à divers endroits du terrain, des échauffourées entre Lillois et Nîmois se déclenchent. Après le match, Delaroche est furieux : « M. Veissière a commis une erreur, il a pénalisé tout le monde. Je n’ai pas l’habitude d’être un tricheur ». La presse régionale déplore par ailleurs les nombreuses insultes des joueurs et dirigeants nîmois. Quant à l’entraîneur nîmois, Serge Delmas, ses menaces sont à peine voilées : « La fin du match ? Et alors, on n’aime pas l’injustice, on n’allait quand même pas dire merci. Je n’ai pas l’impression d’avoir été volé, j’en ai la certitude. Mais la route est longue et on se retrouvera à Nîmes ».
Le LOSC conteste l’arbitrage
Le championnat avance, et le LOSC est solidement installé à sa tête, même si les dernières semaines ont été ponctuées des premières (et quasiment seules) contre-performances de la saison : deux défaites consécutives en championnat, face à Sochaux (0-1), puis à Créteil (0-1). Sur ces deux matches, le camp lillois, s’il a reconnu une baisse de régime, a aussi stigmatisé l’arbitrage, prétendument défavorable. Ainsi, contre les Doubistes, un pénalty a probablement été oublié sur Boutoille, tandis qu’à Créteil, les Lillois sont persuadés qu’une tête de Fahmi a franchi la ligne sans que l’arbitre le voit, ce qui avait notamment provoqué l’expulsion de Ted Agasson. C’est l’occasion de rappeler qu’en tout début de saison, lors des 4e et 5e journées, les Lillois ont longuement protesté, d’abord après l’ouverture du score d’Ajaccio à la 66e minute : à l’origine, une touche corse qui voit le ballon riper des mains d’un Ajaccien, qui a par ailleurs un pied levé, ce qui avait suscité un moment d’hésitation de la défense lilloise dont avait profité Granon pour marquer. Lille avait finalement gagné 4-2. 3 jours plus tard, à Châteauroux, l’arbitre accorde un pénalty pour une faute supposée de Hammadou sur Savidan, et les Castelroussins marquent, avant de prendre l’avantage suite à une touche que l’arbitre accorde aux locaux alors que les Lillois l’attendaient. Lille avait finalement gagné 3-2. Enfin, lors de la récente réception de Guingamp, le LOSC a également été au centre de débats sur l’arbitrage avec le show D’Amico et ce match terminé à 9 contre 10. Le LOSC, à commencer par son entraîneur, est donc régulièrement au centre de polémiques relatives à l’arbitrage : gardons ça en tête pour le match retour à Nîmes. Plus récemment, pour revenir au coup de mou des Dogues, ceux-ci viennent d’être éliminés de la coupe de la Ligue par un club de National, le Red Star d’Alain Durand, passeur décisif à la dernière seconde, à Grimonprez (2-2, 1-4 tab).
Deuxième round
Quand arrive la match retour aux stade des Costières, 5 jours après l’élimination contre le Red Star, les circonstances de la fin du match aller reviennent immanquablement : outre le fait qu’ils sont premiers et que chaque adversaire veut son scalp, les Lillois vont-ils vivre l’enfer à Nîmes ? Pour Johnny Ecker, arrivée à 12 ans dans le Gard, pas de problème, ça ira. Il en profite pour illustrer la bonne relation qu’il entretenait avec son ex-entraîneur : « Delmas s’est beaucoup répandu après le match aller. Il a notamment dit que les Lillois avaient fait du cinéma pour obtenir ce coup-franc qu’a marqué Bruno Cheyrou. Du coup, il a lâché des phrases du style « les Nîmois vont vous faire l’enfer au retour ». Qu’il n’oublie pas cependant que lui est Toulousain. Pourquoi parle-t-il au nom des Nîmois ? Ce sera un match difficile parce qu’il y aura face à nous une équipe ardente. Mais pas l’enfer ! ».
Nous sommes le 21 novembre 1999 : on se les caille chez les crocos, mais ça va être chaud. Et le moins que l’on puisse dire, c’est en effet que Nîmes surclasse le LOSC, notamment privé de Wimbée, suspendu, et de Bakari, blessé. Pour la première fois de la saison, les Lillois sont submergés. Notamment, ils ne parviennent pas à contenir un jeune attaquant marocain, Karim Benkouar. Si bien qu’à la 56e minute, les Dogues n’ont rien montré, et sans qu’il n’y ait à redire, ils sont menés 0-3 !
Mais le match bascule à la 64e minute. Jusque-là, les Nîmois dominent toujours, se créent d’intéressantes situations, et marquent même un 4e but à la 63e, refusé car le ballon était précédemment sorti sur un corner. Quasiment dans la continuité, et alors qu’on constate que le match est très heurté (le commentateur prophétise même que ça ne se finira pas à 11 contre 11) sur une balle en profondeur de Cygan, Jean-Louis Valois se retrouve en position favorable à l’angle droit de la surface de réparation. Le gardien nîmois, au cœur du pugilat du match aller, sort de sa surface et touche le ballon de la main. Toutefois, Jean-Louis Valois récupère le ballon et parvient à frapper… à côté. Mais l’arbitre a sifflé : Delaroche est expulsé, et Nîmes va finir à 10 ! C’est évidemment problématique en soi, et ça l’est d’autant plus quand la réglementation, à l’époque, n’autorise que 14 noms sur la feuille de match en D2 : on y trouve alors rarement un gardien remplaçant. C’est donc le milieu de terrain Gérald Martin qui enfile la tunique de Delaroche. Sa première intervention, sur le coup-franc consécutif à la faute, est impeccable : il repousse la frappe de Valois. Mais les Nîmois ont beaucoup donné : ils ne vont quasiment plus passer le milieu de terrain. À la 76e minute, suite à coup-franc tiré par Boutoille, le ballon traîne dans la surface, et Fahmi récupère au second poteau : sa frappe, freinée par Martin, entre : 3-1.
Une folle remontée
Les Nîmois paniquent : ils sentent que le match leur échappe. Benkouar, déjà averti, manque de se faire expulser ; Brouard, lui aussi averti, est proche de sortir. À la 84e, suite à un énième cafouillage, Fernando D’Amico réduit l’écart, avec la complicité de Martin, auteur d’une faute de main. Les Rouges se précipitent sur le ballon pour gagner du temps. « Je crains le pire pour les Nîmois » annonce Didier Notheaux, consultant pour Eurosport. Sur l’engagement, Benkouar arrive légèrement en retard sur Fahmi : il est expulsé et les Crocos vont devoir terminer à 9 ! Désormais, chaque possession de balle lilloise fait passer des frissons aux locaux. Les plans récurrents sur Delmas le montrent intenable, assis, debout, couché, ne sachant plus quoi faire. 89e minute : corner de Valois. Les Nîmois ne sont pas assez pour marquer tout le monde. D’Amico est laissé seul. L’Argentin reprend de la tête. Son coup de boule, dévié par Zugna, trompe Martin, qui s’apprêtait à cueillir le ballon : 3-3 ! Les Lillois poussent pour inscrire un 4e but, mais ni un coup-franc de Fahmi, ni une ultime frappe de Valois, ne donneront la victoire au LOSC. Le match s’achève sur un partage des points. Place désormais au partage des poings.
L’entraîneur des Crocos, Serge Delmas, est le premier à se lancer à l’assaut : il se précipite vers l’arbitre, M. Poulat. Une fois arrivé devant le trio arbitral, son courage lui dicte de reculer. Dans un baroud d’honneur, il retire son bonnet avec véhémence en guise de protestation. Mais à quelques mètres de là, c’est quasiment tout l’effectif nîmois qui s’en prend à Fernando D’Amico qui, à première vue, semble chambrer ses adversaires en levant les bras au ciel. Devant une tribune surexcitée, il faut les interventions des anciens nîmois Ecker, Allibert et Mottet, pour tenter de ramener un semblant de calme. Vahid prend son joueur par les épaules pour le ramener aux vestiaires, moment que choisit Régis Brouard, qui avait déjà l’air très intelligent, pour présenter ses crampons à Fernando. Il faut encore 3 minutes pour que les Lillois gagnent le tunnel des vestiaires, dans lequel s’échangent encore quelques coups. Alors que l’on devrait se réjouir de ramener un point dans de telles circonstances, plus personne ne parle du match. La Voix du Nord s’offusque : « voir un stade se déchaîner à ce point et des joueurs – ceux de l’équipe gardoise en l’occurrence – se noyer dans une violence, verbale et physique, aveugle a de quoi choquer » ; « les Nîmois ont disjoncté » ; « un combat de rue devant une tribune aveuglée par la colère ». La deuxième mi-temps et l’après-match sont à revivre ici :
Après le match, bien sûr, les versions diffèrent. Serge Delmas est furieux et accuse Halilhodzic d’avoir fait pression sur leur corps arbitral par ses récentes déclarations. Au journaliste de la Voix des Sports, il déclare : « ah, vous êtes du Nord ! Eh bien notez bien ce que je vais vous dire : j’ai lu et entendu les plaintes de M. Halilhodzic concernant l’arbitrage ces derniers temps. Plaintes peut-être justifiées. Mais, aujourd’hui, qu’il ne vienne surtout pas me dire que l’arbitre l’a desservi. Ou alors il est daltonien ! Tout bien pesé, il a bien fait de pleurer. M. Poulat a fait ce qu’il fallait pour corriger l’erreur ». Les Lillois, eux, restent longtemps cloîtrés dans le vestiaire. Quand Vahid se décide à sortir, il déclare : « c’est scandaleux. Je ne peux rien dire de plus. Et ce n’est pas la première fois qu’on connaît ça. Souvenez-vous de notre match à Toulouse, où on nous avait agressés. Je suis écoeuré par ce phénomène anti-lillois. Si le président ne fait pas quelque chose, je suis prêt à me retirer ». Passons sur la dramatisation très vahidesque, mais le coach fait ici référence à un match joué début septembre à Toulouse, entre deux des favoris pour la montée. Le match avait aussi été très engagé, et les Toulousains, agressifs, ne s’étaient calmés qu’après l’expulsion de William Prunier à la demi-heure, après un coup de coude dans la figure d’Abdel Fahmi. Lille avait gagné 2-0. Notons par ailleurs que Vahid compte en référer à la Ligue, mais que comme la Ligue a tort, ça risque de favoriser les crocodiles.
Il est évident que le scénario du match a frustré les Nîmois. Quant à Fernando D’Amico, il ne nie pas non plus avoir provoqué pendant le match. Avec nous, il était revenu sur ce match : « Jeunechamp était toujours derrière moi, très méchant. Il ne savait pas rivaliser à la régulière, et il s’enflammait rapidement. Donc il m’insulte, les insultes classiques… Moi je réponds, je l’insulte, mais ce sont normalement des choses qui s’arrêtent quand le match se termine. Quand c’est fini, c’est fini. On a gagné ou on a perdu, et c’est tout, on en reste là. Tu m’insultes, je t’insulte, et on en reste au match, il n’y avait rien de personnel là-dedans. Lui, Cyril Jeunechamp, avait quelque chose de personnel contre moi (…) Le match se termine, des Nîmois viennent vers moi, jaloux, et m’insultent. En Argentine, quand on fait ce geste (il lève les mains), ça veut dire : « j’ai rien fait ». Donc je lève les mains. Et eux ont cru que je les chambrais. Tu crois que moi, je vais chambrer à Nîmes, où les gens étaient tout fous dans le stade ? Après être revenus de 0-3 à 3-3 ? Je suis fou mais pas con ! ». Patrick Collot abonde en ce sens : « au coup de sifflet final, on a tous vu que c’était chaud. On s’est donc regroupé autour de Fernando qui venait de marquer. Et pourtant Fernando n’a pas voulu mettre le feu aux poudres. Comme il voyait qu’on voulait le protéger d’un éventuel accès de fièvre adverse, instinctivement, il s’est dégagé en nous disant : « non, non les gars, ne vous en faîtes pas, ça va aller ». Tout est parti de là ». Régis Brouard, lui, affirme : « D’Amico nous a craché dessus ». Quiconque connaît Fernando sait qu’il postillonne un peu !
Une fois la furie passée, Serge Delmas s’est montré plus mesuré : « il faut nous comprendre. On avait fait de ce match une priorité dans la mesure où nous avons besoin de points et de crédibilité. On mène 3-0 avec au passage trois buts qui ne doivent rien à personne, et ils reviennent grâce à deux expulsions. Notre orgueil est blessé. Il faut nous comprendre, monsieur… ».
Épilogue
6 mois plus tard, le LOSC prépare son retour en D1 en recevant Beauvais pour un match amical. Dans les tribunes, un observateur du club de Montpellier, fraîchement recruté : il s’appelle Serge Delmas. Penaud, il se fait tout petit : beaucoup de spectateurs l’ont en effet reconnu, et lui demandent pendant tout le match de dire que D’Amico est un excellent joueur, entre deux « D’Amicoooo, lalala... ».
Posté le 2 novembre 2018 - par dbclosc
La parole est à la défense
En 1954, pour la troisième saison consécutive, le champion de France est également la meilleure défense. Cette année-là, le LOSC chipe le titre en n’encaissant que 22 buts en 34 journées. Une performance remarquable mais qui suscite une polémique alimentée par le journal Le Monde : en cas d’égalité de points entre plusieurs équipes, vaut-il mieux recourir au goal average ou à la différence de buts pour les hiérarchiser ? Retour sur les termes du débat.
« Une équipe de tête soucieuse de conserver son goal average doit se préoccuper beaucoup plus de ne pas encaisser de buts que d’en marquer. Est-ce normal ? Pourquoi le but réussi par cette équipe n’a-t-il pas la même valeur que celui qu’elle vient de concéder ? Dans ce cas, c’est un encouragement au jeu destructif, au « béton » », lit-on dans Le Monde en novembre 1955.
Le quotidien s’oppose ainsi fermement à la notion de goal average (la division du nombre de buts marqués par le nombre de buts encaissés. Par exemple, si une équipe, à tout hasard, a marqué 20 buts et en a encaissés 8, son goal average est de 20/8 = 2,5) et propose la mise en place de la « différence de buts générale », aujourd’hui majoritairement utilisée pour départager deux équipes à égalité de points1, et qui correspond à la soustraction entre le nombre de buts marqués et le nombre de buts encaissés (en reprenant l’exemple précédent, la différence de buts est de 20 – 8 = + 12). L’argument du Monde est le suivant : l’application du goal average, plutôt que de la différence de buts, favoriserait un jeu défensif, où il est avant tout primordial de ne pas encaisser de buts plutôt que d’en marquer. Pour autant, lors de la période d’application du goal average dans le championnat de France (1945-1962), le champion était plus souvent la meilleure attaque (8 fois) que la meilleure défense (7 fois). Alors pourquoi demander la suppression du goal average ?
Un système injuste ?
Le Monde met en effet en avant « l’injustice » du goal average : son évolution ne dépend pas que du résultat du dernier match joué, mais aussi de toutes les confrontations précédentes. En effet, une équipe au quotient inférieur à 1 (c’est-à-dire ayant un nombre de buts encaissés supérieur au nombre de buts marqués) peut le voir augmenter en cas de match nul autre que 0-0 au match suivant (Par exemple : une équipe a marqué 8 buts et en a encaissés 20. Son goal average est alors de 8/21 = 0,4. Si elle fait 1-1, son goal average devient 9/21 = 0,42). Et inversement, une équipe au quotient supérieur à 1 verra celui-ci baisser (Lille, qui est actuellement à 20/8 = 2,5, le verrait baisser à 21/9 = 2,33 en cas de match nul 1-1, ou à 22/10 = 2,2 en cas de nul 2-2. Vous suivez ?). Est-ce méritoire ? Doit-on considérer qu’un match nul pour une équipe au quotient inférieur à 1 (a priori plus souvent en difficulté qu’à son aise) est une forme de performance devant être récompensée ? Ou doit-on estimer qu’une équipe habituée à « faire mieux » qu’un match nul doit être ainsi sanctionnée ?
Le problème se pose également en cas de victoire : comment une équipe doit-elle se comporter pour maintenir ou augmenter son goal average ? Elle doit, à chaque match, gagner la rencontre de manière à ce que le goal average de la rencontre soit au moins égal au goal average général. Ainsi, avant d’affronter le LOSC ce 2 novembre, le Paris Saint-Germain a un quotient de 6,5 (39 buts marqués, 6 encaissés). Pour maintenir ce quotient, le PSG devrait donc marquer 6,5 fois plus de buts que Lille, sous peine de voir son quotient diminuer. Amusons-nous ensemble :
Si Lille marque… |
Le PSG doit marquer… |
1 but |
6,5 buts |
2 buts |
13 buts |
3 buts |
19,5 buts |
4 buts |
26 buts |
Si ce système était encore appliqué, le PSG ne serait-il pas été victime de son propre goal average ?
La division par zéro
Le goal average pousse-t-il alors à l’adoption d’une tactique offensive ? Il est à noter que sur la période 1945-1962 où, rappelons-le, le goal average était en vigueur, la barre des 100 buts marqués par une même équipe a été dépassée à trois reprises (102 buts pour le LOSC en 1949, 118 buts pour le RC Paris et 109 pour Reims en 1960)2. Sur les 13 premières saisons de l’après-guerre (toutes à 18 clubs), 11 ont un total de buts supérieur à 10003. À titre indicatif, dans le même format de compétition entre 1997 et 2002, le nombre de buts a fluctué entre 722 et 787 (il s’agit des 5 pires résultats de l’après-guerre). Le constat du Monde est-il erroné ?
Pas totalement. Lors de cette prise de position, aucune saison de la période 1950-1955 n’arrive au niveau de la période 1946-1950 en termes de buts inscrits. Les 962 et 949 buts des saisons 1952/53 et 1953/54 contrastent avec les 1126 et 1138 buts quelques années plus tôt. Limiter le nombre de buts encaissés semble alors prendre le dessus sur un esprit plus offensif : les champions 1951/52, 1952/53 et 1953/54 sont également ceux qui ont encaissé les moins de buts. De plus, si nous avons vu une manière de maintenir ou améliorer le goal average, il en existe une autre : ne pas encaisser de but. En effet, la plus petite victoire obtenue sans encaisser de but (1-0) permet d’avoir un goal average supérieur à n’importe quel résultat obtenu avec au minimum un but encaissé : le quotient 1 : 0 n’existe pas, la division par zéro. Mais en admettant que le nombre de buts encaissés tend vers zéro, on peut considérer ce quotient comme infiniment grand, et donc forcément supérieur au quotient d’un match se terminant sur le score de 3-1 (3), 8-2 (4), 27-3 (9), etc… Or il est difficile de considérer une victoire 1-0 plus méritoire que n’importe quelle branlée.
Légitime défense
C’est peut-être ce qui a poussé les équipes au début des années 50 à adopter une approche différente. Pour autant, la performance du LOSC en 1953/54 n’est pas à minimiser. Si son succès s’est bâti sur les mêmes bases que ses deux prédécesseurs, il est allé beaucoup plus loin dans l’efficacité défensive. Ainsi, Nice et Reims avaient encaissé 42 et 36 buts. Lille ne cède que 22 fois en 34 journées et se permet d’être champion avec la 10e attaque du championnat. Si ce record a depuis été battu (Le record de la meilleure défense tiendra 38 ans, jusqu’à ce que Marseille en 1992 – 21 buts en 38 journées – puis Paris en 2016 – 19 buts, 38 journées – ne fassent mieux), il convient de signaler que la répartition des buts était beaucoup plus homogène dans les années 50. Ainsi, le contexte dans lequel Lille met en place ce bloc défensif épatant semble beaucoup plus compliqué qu’en 1992 avec Marseille ou qu’en 2016 avec Paris. Le graphique ci-dessous indique le ratio entre la meilleure attaque et la pire attaque de chaque saison :
Lors de la saison 1953/1954, après des débuts moyens (2 victoires lors des 6 premières journées), le LOSC accède au podium lors de la 10e journée, suite à une victoire à Monaco. Le trio de tête, également composé de Reims et Bordeaux, ne se quitte plus jusqu’au terme de la saison. Menacés par Saint-Etienne, qui forme le temps de la 18e journée un quatuor à égalité de points, les trois équipes se détachent. Leader de la 14e à la 19e journée, le LOSC retrouve la tête lors de la 31e journée grâce à une victoire face au leader bordelais.
Le LOSC 1953/1954
Debout : Guillaume Bieganski, Antoine Pazur, César Ruminski, Robert Lemaître, Cor Van der Hart, Marceau Somerlinck
Assis : Jean Vincent, André Strappe, Gérard Bourbotte, Yvon Douis, Bernard Lefèvre
Toutefois, la défaite à Toulouse de la 32e journée semble éteindre les espoirs de titre. Relégué à la 3e place, le LOSC doit se déplacer à Reims, nouveau leader, pour l’avant-dernière journée. Pour ce match, les Lillois vont ajouter à leur efficacité défensive un récital offensif. Emmené par Strappe, auteur d’un doublé, le LOSC retrouve la tête brillamment (0-3).
La semaine suivante, alors que Reims et Bordeaux s’affrontent et peuvent encore espérer le titre, le LOSC ne flanche pas et assure face à Nancy (3-0) pour être sacré devant son public. Si Strappe trouve de nouveau le chemin des filets, ce titre est évidemment à mettre au crédit des intraitables (néanmoins parfois insultés) éléments défensifs que sont le gardien de but Ruminski, les arrières Bieganski, Lemaître, Van Cappelen et Lefèvre, et le demi centre Van der Hart. Les deux premiers joueront d’ailleurs la Coupe du Monde quelques semaines plus tard en compagnie du duo Strappe-Vincent.
L’hommage à Jean Vincent, placé.
FC Notes :
1 Certains championnats choisissent d’autres critères : l’Espagne valorise les confrontations directes, la Belgique le nombre de victoires.
2 Depuis, Paris en 2015 (102 buts) et 2018 (108 buts), et Monaco en 2017 (107 buts) l’ont également fait.
3 Le record date de la saison 1946-1947 : 1334 buts
Posté le 31 octobre 2018 - par dbclosc
Le Lannéedernièromètre
Vous le savez, l’équipe de DBC n’est pas en manque d’idées innovantes. Nous lançons donc le « lannédernièromètre », instrument de mesure des résultats du LOSC en comparaison des résultats de la saison dernière contre les mêmes adversaires ou contre leurs « équivalents » (1).
Comparons d’abord, le « lannéedernièromètre » au niveau des points obtenus :
Comme on le voit, la courbe de la saison actuelle (en bleu) indique un léger avantage par rapport à la saison précédente : 25 points après 11 journées pour 7 points obtenus contre les mêmes adversaires la saison dernière, soit 18 points d’avance.
Voici maintenant le « lannéedernièromètre » des buts marqués puis celui des buts encaissés.
Au niveau des buts marqués, le lannéedernièromètre indique une avance de 8 buts par rapport à l’année dernière. Au niveau des buts encaissés, notre indicateur donne des résultats encore plus encourageants avec 11 buts d’avance.
Enfin, on vous présente le « lannéedernièromètre » des buts marqués par Nico Pépé.
Déjà 5 buts d’avance pour Nico par rapport à sa saison précédente. A ce rythme, il finira la saison à 30 buts.
On mettra régulièrement à jour le « lannéedernièromètre » (peut-être pas chaque semaine, hein) et il est bien possible qu’on le complète par d’autres indicateurs.
- Par exemple, les relégués de la saison précédente sont comparés aux promus de cette année.
Posté le 19 octobre 2018 - par dbclosc
Quand Soler et Bureau semaient la terreur. Retour sur 40 jours de feu (1986).
La statistique est impressionnante : entre le 11 août et le 6 octobre 2018, soit en 57 jours, le duo Pépé-Bamba a inscrit 13 buts (étalés sur 9 rencontres). Il y un peu plus de 30 ans, un autre duo d’attaque lillois s’était montré encore plus prolifique : Bernard Bureau et Gérard Soler avaient ainsi inscrit à eux deux 14 buts en seulement 8 matchs et 40 jours.
Je ne sais pas si vous vous êtes fait la remarque, mais « Bamba-Pépé », ça fait un peu nom de code en mode « Bamba Pépé à Tango Charlie ! Je répète Bamba Pépé à Tango Charlie ! ». Dans le même genre, le duo Bureau-Soler a du style. Et un style assez moderne quand on y pense à une époque où le développement des énergies renouvelables rencontre un succès croissant. Même s’il est vrai qu’on ne voit pas spontanément l’intérêt d’un bureau solaire.
Une autre histoire de « la Terreur »
Les plus jeunes d’entre nous ne le savent pas et les plus vieux l’ont peut-être oublié – sans vouloir remuer le couteau dans la plaie – mais le LOSC avait, au début de l’année 1986, le duo d’attaque le plus efficace de l’hexagone. Pendant une durée assez courte, certes, mais quand-même. L’Histoire est sélective. Ordinairement, « la Terreur » est associée à Robespierre. De toute évidence, ceci traduit une méconnaissance de certains des évènements les plus tragiques de l’Histoire française. Nous sommes début 1986, et de nombreuses défenses françaises seront bientôt endeuillées par l’action d’un duo de dangereux terroristes lillois sobrement intitulés Gérard Soler et Bernard Bureau.
C’est le 11 janvier 1986 qu’a eu lieu le premier de leurs méfaits. Ce soir-là, le LOSC reçoit le SC Toulon. Le passé récent n’incite pas à un optimisme démesuré côté lillois, les Dogues n’ayant remporté que 3 matchs sur les 14 derniers disputés, pour 8 défaites. Il faut dire que l’attaque n’incite en particulier pas à un optimisme béat : alors qu’on espérait beaucoup de l’association Bureau-Vilfort, le duo n’a inscrit qu’un maigre petit but entre le 14 septembre et le 14 décembre 1985. Pendant la trêve hivernale, le LOSC a cependant peut-être réalisé un bon coup : il vient de faire signer Gérard Soler, international français. Certes, à près de 32 ans, il semble sur la pente descendante mais sur le marché auquel le LOSC peut prétendre, il faut le dire, c’est la crème de la crème, Soler. Ce jour-là, le LOSC s’impose, 1 à 0, justement sur un but de Soler servi par Stéphane Plancque.
Une semaine plus tard, le duo Bureau-Soler réalise son premier gros coup : au stade Bollaert, les Dogues créent la surprise chez le quatrième du classement, atomisant leur voisin lensois (4-1), Bureau et Soler inscrivant chacun un doublé, Soler ajoutant une passe décisive pour son compère d’attaque. Quatre jours plus tard, en match en retard contre le PSG, leader incontesté encore invaincu jusqu’ici, le LOSC remporte sa troisième victoire de suite (2-0) grâce à un doublé de Bureau.
Bernard Bureau lors du match en retard contre le leader parisien (2-0)
Le 26 janvier, les Lillois affrontent Melun en coupe de France. Très clairement, les héros sont fatigués : dans la grisaille, Soler sort du lot, permettant aux siens d’arracher les prolongations au cours desquelles il marque finalement le but de la victoire. En 15 jours et 4 matches, le duo Bureau-Soler a déjà inscrit 9 buts !
Le duo continue ensuite à un rythme d’enfer : Bureau donne la victoire aux siens contre Metz (1-0, le 1er février) puis inscrit un doublé insuffisant une semaine plus tard à Monaco (2-3). Le match aller de 16ème de coupe de France, contre Brest, est le premier de l’année 1986 au cours duquel aucun des deux attaquants lillois ne marque ne serait-ce qu’un but et, parallèlement, c’est le premier où un autre dogue marque, en l’occurrence Philippe Périlleux (1-1). Le 19 février, Lille se fait piteusement éliminer lors du match retour en Bretagne (4-2). Menés 3-0 rapidement après la pause, un homme a cependant entretenu la flamme côté lillois : Soler, qui, en cinq minutes (64è, 69è) avait ramené les siens à un but des Armoricains. Décidément, il crève l’écran, Soler.
T’aurais pas dû Gérard Soler ♪♫
Faire une passe à Nangis ♪♫
T’aurais dû passer par derrière ♪♫
à Klonaridis ♪♫
Cette élimination marquera cependant une rupture, pour la dynamique générale du club lillois, mais aussi en particulier pour le duo. Les deux attaquants ne marqueront aucun but lors des sept matchs qui suivent. La série fût au finale brillante sur un mois et demi : 14 buts en 40 jours, 7 pour chacun des deux. Et comme il ne manque pas d’énergie, Soler, il finira la saison en beauté en inscrivant un but pour chacune des deux dernières journées. C’est qu’il sait envoyer des missiles, Soler.
Bernard des Bois
Vous connaissez sans doute Robin des Bois, qui volait aux riches pour donner aux pauvres (1). Si vous nous suivez avec assiduité, vous savez aussi peut-être que le LOSC s’est amusé à jouer aux Robins des Bois en 1988/1989. Bernard Bureau, c’était déjà un peu ça avant l’heure en cette saison 1985/1986. Bernard des Bois en somme.
En 1985/1986, la D1 compte quatre ogres : Nantes, Bordeaux, Monaco et Paris. Il y a aussi les outsiders, Metz, Lens, Toulouse et Auxerre. De ces huit adversaires, seuls les deux derniers cités s’en sortiront s’en encaisser de but de Bureau sur la saison. En revanche, il inscrit 3 buts aux Monégasques comme aux Lensois, 2 aux Parisiens, et 1 aux Nantais, comme aux Bordelais et aux Messins. Bernard a alors activement travaillé à voler des points aux « riches » par ses 11 buts contre ces huit adversaires. En revanche, ces points, Bernard les laissait volontiers aux « pauvres » : il n’inscrit que 2 buts contre les onze adversaires présumés les plus faibles.
Ce côté Robin des Bois, Bernard l’exprime d’ailleurs avec particulièrement de force quand Gérard Soler le rejoint sur le front de l’attaque lilloise, puisque chacun des 7 buts qu’il inscrit alors le sont contre l’un de ces gros morceaux du championnat. De là à voir dans Soler l’homologue de Frère Tuck, il n’y a qu’un pas.
A vendre, Bureau, presque neuf (presque parce qu’il peut aussi jouer ailier)
En fin de saison, Bernard Bureau quitte le LOSC pour l’ambitieux Matra Racing de Lagardère. Pour sa part, il fût question que Gérard reste. Il s’en ira finalement au Stade Rennais. Depuis, les matchs du LOSC, il les regarde derrière son écran, Soler.
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Sans doute connaissez-vous aussi « Manu des Banques », qui vole aux pauvres pour le donner aux riches.
Posté le 4 octobre 2018 - par dbclosc
Para bailar con Bamba (pour danser avec Bamba)
Après la belle performance de Jonathan Bamba contre l’OM ce dimanche (3-0, rappelons-le), Los Lobos nous ont adressé cette chanson hommage à Jonathan. On n’avait rien compris, mais on a fait traduire la chanson par un authentique Espagnol (traduction qu’on vous joint après la version originale). Pour mieux profiter de l’hommage, mettez la zique en marche.
Para bailar con bamba
Para bailar con bamba se necesita una poca de Garcia
Una poca de Rudi Garcia pa de Passi y Arribas y Arribas
Ah y José Arribas por ti Pépé, por ti Pépé, por ti Pépé,
Yo no soy Junior Tallo
Yo no soy Junior Tallo, soy capitán,
Soy capitán, soy capitán
Bamba Bamba
Para bailar con bamba
Para bailar con bamba se necesita una poca de Garcia
Una poca de Rudi Garcia pa des Passi y Arribas y Arribas
Ah y José Arribas por ti seré, por ti seré, por ti seré
C’est quoi qu’on doit bailar déjà ?
Pour danser avec Bamba,
Pour danser avec Bamba, il y a besoin d’un p’tit peu de Garcia,
Un p’tit peu de Rudi Garcia, pas de Passi et Arribas et Arribas,
Ah et José Arribas por ti Pépé, por ti Pépé, por ti Pépé
Je ne suis pas Junior Tallo,
Je ne suis pas Junior Tallo,
j’suis capitaine, j’suis capitaine, j’suis capitaine,
Bamba, Bamba,
Pour danser avec Bamba, il y a besoin d’un ptit peu de Garcia,
Un p’tit peu de Rudi Garcia, pas de Passi et Arribas et Arribas,
Posté le 25 août 2018 - par dbclosc
D’Arribas à aujourd’hui, retour sur quarante ans de formation au LOSC
En matière de formation, l’arrivée de Gérard Lopez à la tête du LOSC a davantage accéléré une tendance déjà observée depuis quelques années, laquelle s’inscrit elle-même dans un mouvement plus général. S’il n’est pas nouveau que les clubs espèrent pouvoir revendre leurs joueurs au meilleur prix, il est en revanche beaucoup plus récent – en tout cas en France – qu’il s’agisse d’une stratégie rationalisée s’inscrivant dans une logique de marché.
Quand il arrive au LOSC en 1977, José Arribas est avec d’autres l’un des acteurs d’une stratégie visant à faire de la formation un maillon fort de la stratégie du club, faisant de Lille l’un des clubs pionniers dans le développement des centres de formation. Schématiquement, l’idée et d’attirer de jeunes talents de 15 ou 16 ans afin de les former pour en faire l’ossature de l’équipe de demain. Il y a là une perspective de long terme s’articulant à l’idée que le club doit se construire une identité de jeu propre, un « moule » dans lequel doivent se couler ces jeunes qui sont amenés à devenir les prochains garants de l’identité du club une fois qu’ils seront arrivés à maturité.
Arriba José Arribas !
Si le LOSC n’a pas encore une forte proportion de joueurs formés au club au début de l’ère Arribas (1977-1982), c’est tout simplement parce que les jeunes qui doivent fonder l’ossature de demain viennent tout juste d’arriver et appartiennent pour l’essentiel aux générations nées en 1963 et 1964. En attendant, il faut donc recruter des joueurs qui, à défaut de nécessairement représenter l’avenir, peuvent être les passeurs de témoin de ces valeurs. A cet égard, la très forte stabilité de l’effectif de José Arribas est emblématique de cette philosophie.
La stabilité de l’effectif d’Arribas était à l’exact opposé de ce que l’on observe aujourd’hui. Non seulement il ne chamboulait pas son effectif d’une année à l’autre, se contentant de quelques retouches sur des aspects stratégiques, mais, plus généralement, il ne changeait pas son onze de la saison, ni même de stratégie au cours d’un match. Arribas était en effet en son temps l’entraîneur qui utilisait le moins les remplacements en cours de match à une époque où l’on faisait peu de changements en cours de match. Imaginez aussi que, en 1979/1980, le LOSC de José Arribas a cinq joueurs qui débutent l’ensemble des 38 journées de championnat et 8 qui en débutent au moins 35.
Mais alors, direz-vous, comment les jeunes peuvent avoir leur chance si l’entraîneur garde le même onze du début à la fin du championnat ? C’est précisément parce qu’il avait une telle confiance dans sa stratégie qu’il n’hésitait pas à faire de l’un de ces jeunes un membre à part entière de son onze en début de saison. Dès son arrivée, Arribas fait ainsi de Pierre Dréossi, aucun match en pro jusqu’alors, l’un de ses titulaires. A 23 ans, quand il quitte Lille pour Sochaux, Dréossi a joué six saisons pleines, ponctuées de 212 matchs de championnat et 30 de coupe. En 1981, c’est au tour d’Eric Péan, 17 ans, de devenir l’un des piliers d’Arribas. Il restera encore six ans, disputant 204 matchs de D1, 28 en coupe de France et 10 autres en coupe de la Ligue. Soit 242 au total, comme Dréossi.
Le LOSC 1978/1979
Cette politique de formation n’est, bien sûr, pas le produit de l’action d’un seul homme. Elle doit beaucoup, par exemple, à Jean Parisseaux qui encadrera les jeunes de la D3 jusqu’en 1986. Elle doit aussi à d’autres, comme Jean-Michel Vandamme, ancien jeune espoir qui, ne parvenant pas à percer en équipe première, décidera d’abord d’offrir son expérience de joueur à ses jeunes coéquipiers de la réserve. Elle doit aussi beaucoup à Arnaud Dos Santos, ancien joueur d’Arribas devenu entraîneur de l’équipe première en 1982, qui lance l’essentiel de la génération des jeunes Dogues nés en 1963 et 1964 : c’est en effet avec lui que débutent en D1 Pascal Guion, Thierry Froger, Michel Titeca, Eric Prissette, Rudi Garcia et Luc Courson. Et encore ne parlons-nous que des jeunes formés au club, Jean-Pierre Mottet, Dominique Thomas (formés à l’INF Vichy), Othello Carré (à Beaurevoir), Stéphane Morillon (à Laval) et Alain Vandeputte (au PSG et à Caen) étant également lancés dans le grand bain par Dos Santos.
De cette génération, Georges Heylens ne lance que Bernard Lama (barré dans les cages par Mottet), Jean-Pierre Meudic (au aurait sans doute débute la saison précédente s’il n’avait pas ét prêté à Libourne). L’arrivée du technicien belge en 1984, si elle est concomitante de la saison qui constitue sans doute le plus beau succès sportif de la génération des 63-64 loscistes, n’est donc associée à aucun regain d’intérêt pour la formation. Cette réussite demeurant d’abord le produit d’un travail engagé sept ans plus tôt.
Le classement final du LOSC cette saison-là ne fût certes pas terrible (15ème, son pire classement à une exception près depuis la remontée de 1978) mais il traduit alors d’abord le fait que l’équipe a alors concentré l’essentiel de son énérgie sur la coupe France dont elle atteint les demi-finales. Ils écrivent surtout leur légende lors d’une double confrontation contre Bordeaux, champion de France en titre : battus 3-1 à l’aller, rapidement menés 1-0 au retour, les Dogues réalisent l’exploit impensable de renverser la vapeur l’emportant 5 buts à 1 après prolongation. Parmi les héros qui disputent la rencontre, cinq ont été formés au club auxquels ont doit ajouter Mottet (venu de l’INF Vichy) et les jeunes Périlleux et Thomas (21 ans) et Thierry Froger entré au match aller.
Pascal Guion au cours du mémorable Lille/Bordeaux (5-1)
Si Georges Heylens a abondamment puisé dans le vivier des jeunes lancés par ses prédécesseurs, il n’a en revanche pas installé de jeunes dans son onze à l’exception donc de Lama, en 1986, et de David Guion, en 1988. Les jeunes de la génération suivant celle des 63-64 ont en conséquence pâti de cette stratégie. Alama Soumah, Fabrice Leclerc, Perdo De Figueiredo, Dany L’Hoste et Bruno Rohart ne constituant que certains exemples d’une génération talentueuse qui n’a jamais percé au plus haut niveau. Sur le graphique suivant, on voit que la part des joueurs formés au club a d’abord connu une brusque augmentation à partir de la saison 1981/1982 (avec Arribas) pour se maintenir aux alentours des 35 % jusqu’en 1986/1987. Avec Heylens, une toute aussi brusque baisse de la part des joueurs formés au club s’observe à partir de 1987/1988, la proportion descendant en dessous des 20 % jusqu’en 1992/1993.
A partir de 1993/1994, la part des jeunes formés au club dans l’ensemble du temps de jeu remonte, d’abord au-dessus des 25 %, puis des 30 % à partir de 1995/1996. Il est cependant délicat d’attribuer une grande importance aux seuls entraîneurs dans ces fluctuations.
D’abord, avec Heylens, cette évolution doit plus généralement à un changement de stratégie, s’inscrivant dans une tendance nationale, poussant le club à chercher à recruter des « vedettes ». En outre, 1987 qui correspond à un tournant en matière de temps de jeu des jeunes formés au club correspond au départ des frères Plancque, non retenus notamment en raison de polémiques qui les ont touchés la saison précédente. C’est aussi l’année du départ d’Eric Péan qui est « promu » à Bordeaux. Certes, on trouve des éléments traduisant une moindre conviction dans le développement d’une stratégie de formation, notamment à travers le cas du recrutement de Cyriaque Didaux en 1985. A l’époque, le LOSC recrute l’ailier rouennais en l’échangeant avec Michel Titeca et Pascal Guion. Là où le bât blesse, c’est que le staff lillois fait le choix d’attirer un joueur de 24 ans qui présente un profil analogue à celui de Pascal Guion, seulement âgé de 20 ans. Le choix est étonnant d’autant que Didaux ne semble pas apporter une plus-value incontestable par rapport à celui qu’il remplace ce qui divisera en interne.
Ensuite, avec Santini, le faible temps de jeu accordé aux jeunes s’explique moins par une défiance par rapport à la politique de formation que par le fait que la formation de l’époque ne dispose pas encore du vivier suffisant : les jeunes de la génération 63-64 comme ceux des générations suivantes sont partis, et Santini promeut le peu de jeunes dont il dispose : dès son arrivée en 1989, il fait d’Eric Decroix un titulaire et il lance les jeunes Oumar Dieng, Fabien Leclercq et Farid Soudani (nés en 1972 !).
28 octobre 1989 : Oumar Dieng débute e D1. A ses côtés, Eric Decroix
Le regain d’intérêt pour les jeunes du centre de formation à partir de 1993 s’explique alors à la fois par l’émergence d’un vivier de jeunes joueurs talentueux et par un contexte de restriction budgétaire qui favorise que ces jeunes aient leur chance : ce sera notamment le cas de Djezon Boutoille, Cédric Carrez, Frédéric Dindeleux, Fabien Leclercq et Antoine Sibierski.
Le centre de formation lillois continuera d’alimenter abondamment l’équipe première lilloise dans les années suivantes et jusqu’à la fin des années 2000. Si Vahid Halilhodzic et Claude Puel n’ont pas strictement mis en place la même stratégie, on trouve des propriétés communes à leurs approches, lesquelles s’inscrivent en partie dans la lignée de leurs prédécesseurs : pour l’un comme pour l’autre, il s’agissait de construire une équipe sur le long terme, en s’appuyant sur une ossature destinée à rester sur la durée. Dans ce schéma, les jeunes joueurs formés au club ont leur importance et les meilleurs d’entre eux sont voués à intégrer progressivement l’équipe première. Comme on le voit sur ce second graphique, ils conserveront une très forte importance dans les effectifs respectifs du coach bosniaque et de l’ancien monégasque.
De 1997 jusqu’au départ de Claude Puel, en 2008, la part des jeunes du centre de formation dans le temps de jeu total de l’équipe oscille aux alentours des 30 %. Sur cette période, il atteint son niveau le plus bas en 2002/2003 (23 %) c’est-à-dire au cours de l’année de « reconstruction » suivant le départ de Vahid Halilhodzic.
La part des jeunes issus du centre de formation connaît ensuite une baisse drastique, pour descendre en-dessous des 10 % au cours des trois dernières saisons. Pour autant, comme nous allons le développer, cette baisse s’explique par une tendance générale de l’évolution du rôle qui est dévolu aux jeunes dans la stratégie des clubs, et les difficultés que nous avons eu à classer certains joueurs comme ayant ou non été formés au club.
Qu’est-ce qu’un joueur formé au club ?
Au cours de notre opération de classement des joueurs comme ayant été formés au club ou non, nous n’avons pas rencontré de difficultés majeures sur la période 1978-2005. Le schéma était presque toujours le même : le joueur rejoignait le centre au cours de son adolescence, y était formé, puis il rejoignait l’équipe première.
Dans les années récentes, il est devenu de plus en plus difficile de classer ces joueurs, le concept de « formation » perdant considérablement en importance. Il en est ainsi d’un joueur comme Adil Rami qui rejoint le LOSC à plus de 21 ans. Si l’on peut trouver une part de formation dans son parcours losciste, c’est la « détection » qui caractérise le plus sa trajectoire. La formation impliquait jadis de dépenser un peu d’énergie dans la détection, c’était bien le travail de formation qui prédominait et qui trouvait son schéma archétypique dans la philosophie d’Arribas, valorisant particulièrement l’idée d’identité de jeu locale (1). Le cas de Rami illustre au contraire un cas de figure où la détection du « talent » du joueur est primordiale plutôt que sa formation.
On trouve d’autres exemples frappants de cette tendance à travers le recrutement croissant de jeunes joueurs africains à partir de la fin des années 2000 et dont on trouve des exemples dans les cas d’Idrissa Gueye ou, plus près de nous, d’Yves Bissouma. Pour ceux-ci, on ne sait pas dans quelle mesure on doit les considérer comme ayant été formés au club ou comme étant des recrues. Précisons que nous n’avons pas toujours opté pour le même classement pour ces joueurs.
Idrissa Gueye arrive au LOSC en 2007 en provenance de l’Institut Diambars au Sénégal où il effectue la première partie de sa formation. Le jeune milieu de terrain doit ensuite patienter deux ans et demi avant de faire ses débuts avec l’équipe première, le 23 janvier 2010, à l’occasion d’une triste élimination en coupe de France contre Colmar. Au regard du temps passé entre son arrivée au club et ses débuts, nous avons jugé logique de le considérer comme un joueur « formé au club ».
Le cas d’Yves Bissouma est sensiblement différent. Formé à l’Académie Jean-Marc Guillou, Yves Bissouma signe en première division malienne en 2014, à l’AS Réal Bamako. En mars 2016, le LOSC l’attire tout comme Kouamé. Nous ne l’avons pas considéré comme « formé au club », d’abord parce qu’il jouait déjà en première division malienne, mais aussi en raison du fait qu’il a très vite rejoint l’équipe première, traduisant le fait qu’il a en réalité été peu « formé » chez les Dogues : il fait en effet la préparation avec les pros lors de l’été 2016 et débute en équipe première dès le 20 septembre 2016 lors d’un match perdu contre Toulouse (1-2).
Mais, direz-vous, on a encore un vrai centre de formation. Et les jeunes qui, comme jadis, y arrivent à leur adolescence, quelles sont leurs trajectoires ? Le cas de Martin Terrier illustre bien une nouvelle tendance. Débutant en équipe première en novembre 2016, le jeune attaquant est prêté à Strasbourg alors qu’il ne compte encore que 248 minutes de jeu en L1 et 286 autres en coupes. En parallèle, Martin cartonne avec l’équipe de France Espoirs ce qui fait considérablement monter sa cote. L’une des évolutions récentes du football tient à l’importance croissante du « marché des transferts » dans lequel l’âge des joueurs constitue une donnée essentielle de la valeur. Dans ce contexte, et malgré sa faible expérience du haut niveau, Terrier est transféré à Lyon pour 11 millions d’euros plus 4 (2) de bonus.
Il est en effet frappant de constater à quel point la plupart des jeunes joueurs formés au club par le LOSC au cours des dernières années ont quitté le club de manière précoce. Bien sûr, tous les cas ne sont pas strictement similaires, mais examinons les cas de ces joueurs récemment formés au club et arrivés en équipe première : Divock Origi quitte Lille pour Liverpool à 20 ans ; Adama Traoré pour Monaco au même âge ; Lucas Digne pour le PSG et Benjamin Pavard pour Stuttgart, également à 20 ans. On nous rétorquera, en partie à raison, que ces départs s’expliquent par le contexte : pour Pavard, celui de son désaccord avec le coach et, pour les autres, par l’impérieuse nécessité de trouver des fonds pour boucler le budget. Si cela est exact, on pourrait renverser le raisonnement : et si, plutôt que d’interpréter les difficultés financières comme expliquant la nécessité de vendre, on analysait ces difficultés financières comme une éventualité fortement probable, dans un système qui s’appuie largement sur la spéculation autour des transferts ? En ce sens, la stratégie de Gérard Lopez au LOSC traduit plutôt une vision exacerbée de la tendance à l’oeuvre à l’heure actuelle plutôt qu’elle ne constitue une stratégie à part.
Si la jeunesse de l’effectif du LOSC d’aujourd’hui et celle du LOSC de 1984 avaient en commun de leur autoriser à nourrir de légitimes espoirs pour la suite c’est pourtant pour des raisons très différentes. En 1984, il fallait conserver ces jeunes pour qu’ils progressent. Aujourd’hui, il faut les vendre au moment permettant la plus forte plus-value. Dans les années 1980, c’est surtout le niveau en lui-même du joueur qui fait sa valeur marchande, là où la marge de progression constitue désormais un critère de plus en plus déterminant. Il y a 30 ans, les clubs qui consentaient à payer des indemnités de transfert pour le recrutement d’un joueur ne le faisaient pas dans l’intention de le revendre en réalisant une plus-value mais presque uniquement pour renforcer leur effectif. Bien sûr, quand un joueur de valeur avait des velléités de départ, celui-ci se négociait, mais l’indemnité de transfert ne se pensait alors pas comme s’inscrivant comme une source rationalisée de ressources pour le club.
En 1984, puisque la valeur marchande des joueurs ne reposait pas véritablement sur la marge de progression comme c’est le cas aujourd’hui, il n’y avait pas vraiment d’intérêt à vendre ces joueurs. Avec le marché des transferts actuel, l’effectif du LOSC de l’époque aurait eu une importante valeur marchande étant donné qu’il s’agissait du club dont la moyenne d’âge était la plus basse et que nombre de ces jeunes étaient titulaires ce qui contribue à leur valeur. L’échange des deux jeunes espoirs Titeca et Guion (20 ans tous les deux) contre Didaux (24 ans) apparaîtrait aujourd’hui comme une escroquerie pour les Lillois. S’il a pu diviser en interne, cet échange n’est pas alors paru comme absurde.
Aujourd’hui, le LOSC dispose d’un effectif très jeune de joueurs compétitifs. Avec les seuls joueurs de 21 ans ou moins, on pourrait constituer un onze qui aurait toute sa place dans l’élite française : Koffi – Ballo-Touré, Dabila, Gabriel, Celik – Soumaré, Maia, Vérité – Ikoné, Faraj, Leão. Mais dans ce onze, on ne compte que deux joueurs formés au club, Benjamin Vérité et Imad Faraj : ce sont sans doute ceux qui auront moins l’occasion de jouer cette saison si l’on fait exception du cas spécifique du gardien, Hervé Koffi.
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Notons au passage que cette philosophie a vraisemblablement ses limites dans le fait qu’en formant un joueur à un style de jeu bien particulier, on destine plus ou moins les joueurs en question à faire l’essentiel de leur carrière dans leur club formateur. On trouve dans les parcours des anciens nantais du milieu des années 1990 les limites de cette logique : rayonnants avec le FC Nantes, Ouédec, Pédros et, dans une moindre mesure, Loko, ont ensuite connu plus de difficultés une fois qu’ils avaient quitté le cocon nantais.
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4 millions, hein, pas 4 euros.