Archive pour la catégorie ‘le LOSC est grand, le LOSC est beau’
Posté le 25 janvier 2018 - par dbclosc
2007-2018 : Lille et Strasbourg, trajectoires opposées
Plus de dix ans après leur dernière confrontation, Lille et Strasbourg vont de nouveau s’affronter dans le Nord. Entre temps, le LOSC a décroché deux trophées : la Ligue 1 et la Coupe de France. Quant à la vitrine alsacienne, elle en a accueilli deux fois plus : ceux de champion de CFA 2, de CFA, de National et de Ligue 2.
27 octobre 2007. L’arbitre de Lille-Strasbourg siffle la fin de la rencontre. Les visiteurs ont enrhumé la défense comme un soir d’automne au Stadium enrhumait le public. Ils repartent avec la victoire, tandis que les locaux concèdent leur plus large défaite de la saison. 0-3. Il ne s’agit que de la troisième défaite de la saison après 12 journées, mais cette équipe, profondément modifiée au mercato estival, n’a que deux victoires : à Metz (qui terminera dernier à 18 points du premier non relégable) et contre Valenciennes. Le LOSC se cherche et Puel aligne même un improbable duo Tahirovic-Kluivert. L’expérience ne sera jamais renouvelée. Quant au promu, il est désormais 6ème, à 9 points du premier relégable et avec la meilleure défense. Jean-Marc Furlan, qui a remplacé Jean-Pierre Papin quatre mois auparavant, fait un excellent travail. Voici les buts :
Pourtant, ces positions ne révèlent en rien le classement final. En effet, le LOSC se redresse et termine 7ème. Strasbourg est relégué après une affreuse série de 11 défaites consécutives lors des 11 derniers matchs. Humiliation ultime, le LOSC s’était imposé à la Meinau grâce à un but de Mavuba sur une passe de Youla. Le genre d’événements dont on ne se relève pas. Furlan est conservé, que même on sait pas pourquoi, et que même il remontera pas. Une expérience réussie, en somme (1).
35 points en 27 journées. Et là, c’est le drame.
Ces trajectoires opposées entre les deux clubs durent depuis quelques années : lorsque le LOSC, promu, termine 3ème de D1 en 2000-2001, le RCS est relégué après neuf saisons consécutives de présence. Son retour dès 2002 durera quatre saisons avant une nouvelle relégation en 2006, alors que le LOSC termine une deuxième saison d’affilée sur le podium. En 2010, les deux clubs deviennent séparés de deux divisions : les Rouge et Blanc impressionnent offensivement et manquent de peu le podium. Les Ciel et Blanc sont relégués en National, malgré un Nicolas Fauvergue séduisant (13 buts en 26 matchs). En mai 2011, les Nordistes fêtent le doublé. Les Alsaciens pleurent une cruelle 4ème place (77 points en 40 journées). À l’agonie financière, le RCS dépose le bilan et repart en CFA 2.
Dariusliffe
Il faut dire que la gestion du club, déjà critiquable depuis de nombreuses années, était désormais dans les mains de Jafar Hilali. Arrivé au club en tant que co-actionnaire principal en décembre 2009, son ingérence le pousse à contacter Rolland Courbis pour composer l’équipe lors de la dernière journée décisive pour le maintien, alors que Philippe Janin est toujours en poste : l’équipe est (un peu plus) déstabilisée, perd 2-1 à Châteauroux et se retrouve en troisième division. Bravo le veau.
La suite n’en est que plus mythique : Hilali intervient régulièrement sur l’excellent forum de Racingstub (à qui on a accordé une interview plus tôt cette semaine) sous le pseudo de dariusliffe pour défendre son bilan et son représentant, Alain Fontenla. En novembre 2010, après s’être séparé de son troisième président (Julien Fournier, Luc Dayan, Jean-Claude Plessis), il décide de prendre cette responsabilité. Quelques mois plus tard, pour le dernier match à domicile de la saison et alors que Strasbourg peut encore espérer retrouver la Ligue 2, Hilali repousse les limites de la mégalomanie : craignant les réactions du public, il souhaite que Strasbourg-Bayonne (l’Oukidja-ico) soit joué à l’Oukidja-huis-clos et arriver sur la pelouse en hélicoptère. L’Alsace affirme même qu’il a « l’intention de faire déployer dans l’enceinte une banderole sans ambiguïté, en guise de provocation ultime : ‘Voilà, c’est fini’ ». Belle ambiance. Sous la pression de la municipalité et de la FFF, il y renonce et le match est finalement ouvert au public, sans Hilali. L’annonce est faite par Hilali lui-même, sous une photo d’un hélicoptère de l’armée au-dessus du Stade de France.
(© Racingstub)
La semaine suivante, il annonce qu’il versera 200 000 € aux joueurs rouennais pour les motiver à battre Guingamp, à la lutte avec Strasbourg pour la montée. Encore une fois, la FFF intervient (2).
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Hilali vend finalement le club pour un euro symbolique à un fantasque supporter, bien que ce dernier n’ait jamais pu prendre les commandes du club en raison du dépôt de bilan.
Le renouveau
Reparti de cinquième division, le RCS obtient facilement la montée en CFA. En revanche, un réel projet tarde à se mettre en place. Celui de Frédéric Sitterlé n’a pas résisté aux zones d’ombre quant à son financement, ni aux pressions municipales et fédérales. Finalement, c’est l’arrivée de Marc Keller en juin 2012 (accompagné de divers actionnaires) qui permet de retrouver une vision à long-terme et de rassurer la DNCG.
L’objectif est alors de retrouver le monde professionnel rapidement. La montée en National est acquise en 2013, au terme d’une saison où les Strasbourgeois n’auront été leaders que lors de la deuxième mi-temps du dernier match. La saison 2013-2014 est plus chaotique : relégué sportivement, le club est finalement repêché suite aux relégations administratives de Luzenac et Carquefou.
Depuis ce « miracle », le club se porte bien mieux. Après avoir échoué à un point du podium en 2014-2015, le club décroche deux titres de champion consécutifs pour retrouver la Ligue 1. Et alors qu’on pouvait craindre que ce retour soit trop précipité (de nombreux joueurs de l’effectif étaient déjà présents en National), le RCS (devenu RCSA) arrive au Stade Pierre-Mauroy en étant présent dans la première partie de tableau. Si le 18ème (actuellement le LOSC) ne pointe qu’à cinq longueurs, la qualité de la reconstruction pousse à être confiant quant au maintien des Alsaciens en Ligue 1.
C’est aussi un peu grâce au LOSC, mais évidemment personne n’en parle
Vous le savez, nulle belle histoire d’un autre club ne se fait sans un complot contre le LOSC. Nous avons pris le pari, il y a plus de deux ans, de dénoncer ces abjectes manipulations venues de qui vous savez. Une fois n’est pas costume, nous allons vous démontrer l’omerta médiatique concernant l’influence du LOSC dans le retour au premier plan.
En effet, faire monter un club de la cinquième à la première division est évidemment plus facile avec un club aux installations de qualité et bénéficiant d’un soutien régional inconditionnel qu’avec un club lambda de National 2. Cette légitimité facilite la recréation d’un réseau de partenaires et de recrutement, permettant au RC Strasbourg d’aller plus vite que les autres clubs de sa division. Ainsi, lorsqu’Alexandre Oukidja rejoint l’Alsace, c’est évidemment pour ses qualités sportives, mais aussi pour profiter du capital social qu’il a pu construire au LOSC (soit en CFA, soit à Mouscron), avec des joueurs trop limités pour l’équipe première nordiste mais qui peuvent convenir à l’équipe alsacienne. Ainsi, plusieurs pistes de recrutement (plus ou moins concrètes) de ces dernières années mènent à d’anciens Lillois ou Mouscronnois : Gianni Bruno (L’Alsace, mai 2016), Alexandre Coeff (L’Equipe, juin 2016), Nolan Roux (France Football, juin 2017) et Ludovic Butelle (RMC, juin 2017). D’autres ont effectivement signé un contrat (Ladislas Douniama en septembre 2015, Jean-Eudes Aholou en janvier 2017) ou ont été prêtés (Baptiste Guillaume en 2016-2017, Martin Terrier en 2017-2018). N’oublions pas que le Lillois Ruben Droehnlé, qui compte quelques apparitions sur le banc en Ligue 1, est le fils de Pascal Droehnlé, actuel recruteur des jeunes et ancien entraîneur de l’équipe réserve strasbourgeoise.
Dimanche, nous apprécierions ainsi que le RC Strasbourg Alsace se souviennent de tout le savoir-faire apporté par le LOSC ces dernières années et, en reconnaissance de cette aide, participe activement à la victoire de l’équipe locale. Ce coup de pouce serait d’autant plus précieux que l’adversaire réussit souvent bien ses matchs dans le Nord, comme le montre le graphique ci-dessous.
Et si on veut, on met des couleurs encore plus moches.
FC Notes :
(1) En fait c’est dans le Bas-Rhin.
(2) https://www.eurosport.fr/football/national/2010-2011/strasbourg-fache-la-fff_sto2810116/story.shtml
Posté le 18 décembre 2017 - par dbclosc
Une belle dernière : Soyaux Noël !
Les Lilloises ont assuré l’essentiel pour la dernière de l’année 2017, en s’imposant 2-0 contre Soyaux-Charente grâce à leurs deux buteuses.
Voilà un mois et demi que l’on n’avait pas eu de match à domicile de l’équipe première, la faute au report du match contre le Paris FC1. Il s’est donc passé pas mal de choses depuis Rodez : une trêve internationale fin novembre au cours de laquelle Ouleye Sarr a été de nouveau appelée chez les A (elle a même joué deux fois une vingtaine de minutes, en Allemagne puis face à la Suède), tandis que Marine Dafeur, Elisa Launay et Héloïse Mansuy ont participé à un stage à Clairefontaine avec l’équipe B ; en championnat, le LOSC s’est incliné à Guingamp (0-1), sur un but que l’on qualifiera de bête. Et puis, la semaine dernière, nouvelle défaite, plus prévisible, à Montpellier (1-4), la faute à une première mi-temps complètement ratée. Bref, en mettant de côté les 3 premières du championnat (Lyon, PSG et Montpellier), 9 équipes se battent dans un autre championnat, avec une hiérarchie très incertaine. Comme ça s’est souvent dessiné cette saison, les joueuses ne donnent pas le sentiment d’être dominées, manquent quelques occasions, et en face ça a tendance à rentrer au moindre petit relâchement. Il paraît qu’on appelle ça « l’apprentissage de la première division » : les filles sont là, ne déméritent pas, mais ça rigole bien moins que l’année dernière, ce qui est bien normal puisqu’elles se trouvent à l’échelon supérieur ; Jana Coryn et Maud Coutereels se sont exprimées avec justesse dans ce sens récemment. En attendant, après 4 défaites consécutives, les Lilloises se retrouvent en bas de classement : 11èmes sur 12, avec un match en moins certes, mais il faut bien admettre que cela fait quelques matches que l’on ne parvient pas à battre des adversaires dont la supériorité ne saute pas aux yeux.
Arrivée pour nous à Camphin-en-Pévèle à 14h. À la sortie du dernier rond-point avant l’entrée dans Luchin, deux personnes s’interposent sur la route, tandis que Classic 21 passe « Les Mots Bleus », de Christophe. Anticipant un interrogatoire, j’ouvre ma fenêtre : j’espère qu’on ne me demandera pas de justifier la présence de ces 5 clémentines dans mes poches.
_Bonjour ! On vient pour le match des filles !
_Match contre… ?
_Ben les Charentaises là euh… Soyaux !
_Ok vous pouvez y aller ! Bon match !
_Merci.
Nous retenons de cet échange deux enseignements. Premièrement, les employés du LOSC ne savent manifestement pas quel est le match du jour : il est évident que c’est nous-mêmes qui leur avons apporté l’information. Deuxièmement, on s’en fout de contre qui on joue : on vient avant tout pour voir les Lilloises. Donc même si on n’avait pas retrouvé le nom de Soyaux, nous estimons que nous aurions été dans notre droit en entrant quand même. Non mais !
Pour ce premier match retour (Soyaux-Charentes s’est imposé 2-1 à l’aller), le LOSC est privé de sa gardienne habituellement titulaire, Elisa Launay, de Jennifer Bouchenna et de Héloïse Mansuy qui part ce lundi en République dominicaine si on a bien compris : bonnes vacances et bon rétablissement ! Du coup, avec deux arrières droites indisponibles, c’est la polyvalente Jessica Lernon qui prend le couloir, Floriane Azem garde le but pour la deuxième fois consécutive, tandis qu’Ouleye Sarr prend place sur le banc, ce qui permet à Jana Coryn de retrouver une position axiale. Pour le reste, pas de surprise.
On est toujours dans l’à peu-près quand on tente de déterminer le positionnement des joueuses puisque notre schéma est bien entendu figé, mais si on avait de meilleures compétences en informatique, on essaierait de vous montrer que ce 4-2-3-1 se transforme vite en 4-3-3 ou en 4-4-2 selon les moments du match, la situation de jeu ou la possession de balle. Pasquereau, Demeyere et Bauduin ont par exemple pas mal de latitude en fonction des circonstances : ce qui est certain, c’est qu’en cas de 6 mètres (pour Lille ou pour l’adversaire), Julie Pasquereau est préposée à la réception, et ça marche plutôt pas mal. Sinon, il nous a semblé que, par rapport à d’habitude, les arrières latérales ont moins pris leur couloir et se sont montrées moins offensives : peut-être une volonté de moins « jouer » et de davantage verrouiller, et sans doute quelques leçons retenues des matches passés.
0e : petite déception, l’effet Lopez n’est pas encore complètement arrivé pour les matches des filles. Alors qu’on a droit depuis 10 mois à des pom-pom girls au grand stade pour les mecs, on aurait pu espérer que, dans un parallélisme des formes, on ait droit à des pom-pom boys ici. Ça nous aurait permis de modérer notre opinion sur ce genre de spectacle. Du coup, on se permet : déjà en soi, mais d’autant plus au moment où les questions relatives à l’image des femmes dans la société et aux violences faites aux femmes ont un écho médiatique et des relais politiques, on est assez affligés de voir des culs féminins se trémousser avant un spectacle sportif, devant un public composé à grande majorité de mecs. À côté des efforts réels du club pour promouvoir sa section féminine, voilà sans doute un symptôme de représentations persistantes quant au corps des femmes et l’inégalité de traitement entre les sexes.
2e : Première demi-occasion de la partie. Faute sur Saïdi, coup-franc joué côté droit par Saint-Sans : reprise de Coutereels à côté, c’était sans danger.
5e : voilà déjà le deuxième 6 mètres adverse qui termine sur la tête de Julie Pasquereau.
7e : ma 3e clémentine est moins bonne que les précédentes. J’ai eu du mal à l’éplucher, ça aurait dû m’alerter.
9e : Silke Demeyere est par terre. Elle se plaint d’avoir reçu un coup de coude dans l’œil gauche. Au vu de son cocard après le match, on peut vous le confirmer : elle a pris un coup de coude dans l’œil gauche.
18e : il ne se passe pas grand chose, mais les joueuses sont combatives et bien organisées. Lernon fait une belle intervention sur son côté en chargeant régulièrement l’adversaire : 6 mètres.
20e : FAUTE SUR SILKE DEMEYERE ! Encore une arbitre qui n’applique pas MON règlement : « faute sur Silke = carton rouge ».
21e : Jana Coryn fait un superbe effort pour revenir et enrayer une attaque adverse. Bravo bravo !
22e : sur un 6mètres d’Azem prolongé de la tête par Dafeur, Saïdi ouvre vers Bultel en bonne position, mais elle ne parvient pas à frapper. C’est pour le moment la situation la plus dangereuse du match, sur un jeu bien direct.
25e : centre bien vicieux de Rachel Saïdi côté droit, la gardienne s’en empare.
32e : « faute » sur Saïdi. On pense qu’il n’y avait pas grand chose, mais c’est amusant car le public se met à crier contre l’arbitre. En fait, 30 secondes avant, Julie Pasquereau a pris un jaune un peu sévère, et ça fait 5 minutes que Soyaux est dans le camp lillois : on a besoin de se rassurer.
33e : les charentaises ont tranquillement le ballon en milieu de terrain. Une passe en retrait mal assurée plus tard, Jana Coryn est lancée et se présente face à la gardienne : petit piqué et charente une première fois, 1-0 pour le LOSC ! Avec ce 5e but de la saison, Coryn rejoint Sarr au classement des meilleurs buteuses lilloises. Au classement des buteuses en fait, puisqu’elles ne sont que deux.
Sur cette action, la défense charentaise a joué comme un pied
36e : Long coup-franc de Saint-Sans, sur la tête de Julie Pasquereau qui marque, mais elle est hors-jeu.
38e : arrêt d’Azem. Quelques secondes plus tard, elle réalise une belle sortie sur un corner.
40e : Rachel Saïdi s’amuse à coller son visage sur celui d’une adversaire qui cherche à réaliser une touche.
45e : après 5 minutes ou les bleues étaient assez offensives, Saïdi ouvre à l’aveugle vers Coryn, qui est reprise par la défense. Bultel récupère et frappe du gauche au-dessus. Juste avant la mi-temps, un coup-franc tiré rentrant de la droite par Bultel est à un cheveu d’être repris par Maud Coutereels. Six mètres.
Mi-temps. Le panneau d’affichage s’éteint et ne se rallumera pas.
De toute façon, ce panneau était défaillant : « LOC 1 VISIT 0 »…
Il manque le « S » de LOSC
15h31 : reprise.
48e : super tacle de Demeyere !
50e : Demeyere râle !
55e : ouverture de Saïdi de la droite. Coryn et Bultel sont au centre. La frappe de Bultel est contrée au point de pénalty.
58e : belle montée de Bauduin, mais elle manque de solutions. Elle y va finalement seule et frappe mollement sur la gardienne. Mais il commence à y avoir des espaces.
60e : coup-franc pour Soyaux à 22 mètres. À mi-hauteur, dans le mur ! Nul !
63e : Sarr entre à la place de Bultel.
64e : moment charnière dans le match pour Jérémie Descamps : on tente le 2-0 ou on gare le bus ?
68e : belle combinaison entre Saïdi, Coryn et Sarr. En bonne position, Ouleye manque sa frappe du gauche et ça passe à côté.
69e : sortie de Bauduin, entrée de Dufour. Rachel Saïdi passe dans l’axe.
74e : joli carton de Coutereels, qui au cours d’une montée offensive défonce une adversaire, qui sort blessée.
79e : retour de Caroline La Villa à domicile, elle remplace Rachel Saïdi.
80e : La Villa trouve Dufour côté gauche, qui centre vers Sarr. Elle semble toucher le ballon puis être bien fauchée dans la surface, mais l’arbitre ne dit rien. Ouleye sort se faire soigner. Dans la foulée, Dufour obtient un coup-franc à 22 mètres : Dafeur, qui sait décidément tout faire, le tire en force du gauche, la gardienne claque au-dessus.
85e : arrêt d’Azem. On va trembler jusqu’au bout.
87e : Demeyere lance Sarr, absolument seule dans le camp adverse. Mais elle cafouille dans sa conduite de balle et est reprise par la défense. Les Lilloises récupèrent et ça s’achève par un vieux tir d’Ouleye, à côté… Aïe !
88e : putain, corner pour l’adversaire.
89e : ça va.
91e : comme en première période, une adversaire assure mal sa passe en retrait. Sarr se retrouve seule face à la gardienne et, cette fois, ne manque pas son face-à-face. À l’entrée de la surface, elle enroule et charente à nouveau dans le but, 2-0 ! Sarr redevient ainsi la meilleure buteuse du club.
Sur cette action, la défense charentaise a joué comme un pied. Ah merde je l’ai déjà faite.
Les Lilloises s’imposent enfin ! Sans être moins bonnes ou particulièrement meilleures que lors de leurs dernières sorties, elles ont cette fois été plus efficaces, n’ont pas subi les temps plus faibles, et ont surtout profité immédiatement de deux erreurs défensives adverses. Surtout, comme on avait souligné notre mauvaise impression au-delà du score lors du dernier match, mettons cette fois en avant le fait que les joueuses n’ont rien lâché. Elles ont été très solides derrière (mention spéciale à Charlotte Saint-Sans), ont offert quelques belles combinaisons devant et, dans les moments plus laborieux, elles ont su s’accrocher et tenir le score. On a même plutôt le sentiment qu’il y a eu moins d’occasions que lors des matches précédents… L’expérience qui s’engrange ? Lille se donne de l’air en se plaçant 7e, tout en ayant un match en moins à jouer (comme la moitié des équipes en fait puisque 2 matches ont été reportés hier). Soyaux heureux de cette victoire, et à l’année prochaine !
1 Initialement remis au 20 décembre, le match aura finalement lieu le 14 février 2018 : ça tombe bien, j’étais pas dispo le 20.
Posté le 9 décembre 2017 - par dbclosc
Le saviez-tu ?
On vous propose dans cet article quelques chiffres, anecdotes et autres particularités concernant le LOSC qui ne méritent probablement pas un article à part entière mais qu’on peut retrouver au fil de nos écrits comme des références incontournables, surprenantes, insolites, futiles, ou des records… Tout y passe !
On mettra régulièrement cette page à jour. N’hésitez pas à nous transmettre ce qui mérite d’y être !
Le joueur le plus capé de l’histoire du LOSC est Marceau Somerlinck : 433 matches dont 320 en D1 de 1945 à 1956. Derrière lui, on trouve Rio Mavuba (370/299), André Strappe (365/275), Florent Balmont (323/253), Franck Béria (317/25) et Mathieu Debuchy (309/233).
Avec 9 buts marqués, Matt Moussilou est le meilleur buteur de l’histoire du LOSC en coupe d’Europe. Et il a fait ça sur une seule saison (2004/2005) !
Avec 488 matches, le recordman du nombre de matches joués en D2 française s’appelle Jean-Noël Dusé. Sur ces 488 matches, il en a joué 67 avec le LOSC. Il a également joué 76 matches en D1 avec Lille.
Fernando D’Amico est le premier buteur de l’histoire du Mans en D1. De la tête.
Jean Baratte est le meilleur buteur de l’histoire du LOSC, avec 228 buts marqués : 167 en D1, 3 en D2, 48 en coupe, et 10 lors du championnat 1944-1945 un peu particulier. On en a parlé ici. On trouve derrière lui André Strappe (135 buts, dont 99 en D1), Gérard Bourbotte (96/38), Jean Lechantre (81/66), Bolek Tempowski (81/65) et Bernard Lefèvre (81/51).
Le LOSC est la seule équipe de l’histoire de la D1/L1 à avoir encaissé au moins 4 buts à domicile à deux reprises sans descendre en L2 à la fin de la saison. C’était en 2011-2012 (4-4 contre Nice et 4-5 contre Bordeaux)
Le LOSC est la première équipe française (et la seule pour l’instant) à avoir gagné à Parme, à Florence et à Milan. Et à Sevojno.
Lille a déjà reçu un match de coupe du monde : c’était le 12 juin 1938 au stade Victor-Boucquey, l’ancien nom du stade Henri-Jooris. Ce jour là, en quarts de finale, la Hongrie bat la Suisse 2-0.
Un an seulement s’est écoulé entre la composition d’équipe la plus âgée et la composition d’équipe la plus jeune du XXIe siècle (Lille-Qabala août 2016, 29 ans et 11 mois/ Lille-Caen août 2017, 22 ans et 2 mois)
Junior Tallo a inscrit davantage de buts contre le LOSC que pour le LOSC : il a marqué un doublé contre Lille avec Ajaccio en mars 2014. Contre l’AC Amiens, en coupe, sur pénalty, il a inscrit son seul but losciste.
Les quatre buts les plus rapides de l’histoire du PSG en première division ont été inscrits face à Lille : Maxwell au Parc des Princes (Maxwell, 26e seconde, le 25/04/2015), Zlatan Ibrahimovic (27e seconde, le 02/09/2012), Nordine Kourichi, contre son camp (45e seconde, 22/10/1983) et Safet Susic (48e seconde, le 20/10/1990).
En D1, la meilleure série d’invincibilité du LOSC est de 17 matches, lors de la saison 2011-2012. Mais le record date de la saison 1973-1974 : en D2, les Lillois restent invaincus lors des 25 dernières journées.
C’est à Lille, le 11 septembre 2002, que le PSG a connu sa pire soirée avec les arbitres. Ce soir-là, Mauricio Pochettino, José Aloisio et Frédéric Déhu ont été expulsés : c’est un record dans l’histoire du club.
La plus large victoire du LOSC en championnat à domicile date du 8 décembre 1957 : Lille bat l’AS Béziers 10-1. À l’extérieur, le record date du 26 septembre 1948 : le LOSC s’impose 6-0.
Dans sa carrière, Sonny Anderson a tiré 4 pénaltys contre le LOSC. Il les a tous ratés.
Le LOSC partage avec le PSG la plus lourde défaite d’un club français en C1 : 1-6. Pour Lille c’était à Munich. Pour le PSG, à Barcelone.
Vincent Enyeama détient la deuxième plus longue invincibilité d’un gardien en D1/L1 (1062 minutes)
Le LOSC détient la meilleure affluence d’un match de D1 : Lille-Lyon le 7 mars 2009 (78 056 spectateurs)
L’Olympique Lillois, un des ancêtres du LOSC, détient le plus grand nombre de victoires consécutives à partir du premier match de la saison : 8 victoires pour commencer la saison 1936-1937.
Le LOSC fait partie des 5 clubs ayant passé la barre des 100 buts marqués sur une saison, c’était en 1948-1949 : 102 buts. On trouve aussi dans ce cas : Reims en 1959/1960 (109 buts), le RC Paris en 1959/1960 (118 buts), le PSG en 2015-2016 (102 buts) et Monaco en 2016-2017 (107 buts).
Parmi les 5 clubs qui ont passé la barre des 100 buts marqués en une saison, le LOSC est le seul qui l’a fait dans une D1 à 18 clubs, donc avec seulement 34 matches. Le club a, lors de cette saison 1948-1949, le record de la différence de buts dans un championnat à 18 (+62).
Le coup du chapeau le plus rapide du championnat français a été inscrit par un Lillois : Matt Moussilou, de la 13e à la 18e minute, le 2 avril 2005 contre Istres.
Parmi les 50 meilleurs buteurs de l’histoire de la D1, 6 ont marqué pour le LOSC : Jean Baratte (167 buts), André Guy (159 dont 42 à Lille), Yvon Douis (140 dont 50 à Lille), Gérard Soler (129 dont 5 à Lille), Jean Vincent (119 dont 51 à Lille), et André Simonyi (119 dont 37 à Lille, mais l’Olympique Lillois).
À 4 reprises, un Lillois a fini meilleur buteur du championnat de France : René Bihel en 1945-1946 (28 buts), Jean Baratte en 1947-1948 (31 buts) puis en 1948-1949 (26 buts), et Moussa Sow en 2010-2011 (25 buts).
En mars 2010, en l’espace de 3 jours, le LOSC a reçu Grenoble, puis Liverpool. On a même une photo du Stadium Nord qui immortalise ça.
Depuis que la Ligue nationale de football tient un classement des passeurs (2007-2008), le titre de meilleur passeur du championnat est revenu deux fois à un Lillois : Michel Bastos en 2008-2009 et Eden Hazard en 2011-2012.
Sur les 30 entraîneurs qui ont le plus entraîné en D1/L1, 8 sont passés par Lille. Par ordre décroissant de matches entraînés en D1 : José Arribas, Jean Fernandez, Claude Puel, Frédéric Antonetti, Jacques Santini, Jules Bigot, André Cheuva, Henryk Kasperczak.
Quand il est arrivé au LOSC, on nous a dit que le surnom d’Edgar Borges était « Pampa ». En réalité, le surnom qu’il portait en Uruguay était « Pompa » : vraisemblablement, il y a eu une erreur commise lors de son arrivée, qui fût ensuite reprise en boucle.
En 1999/2000, avec 25 victoires, 8 nuls, seulement 5 défaites, et un total de 83 points, le LOSC bat le record de la moyenne de points marqués en D2, avec 2,184 points par match. En nombre de points, c’est Marseille qui est devant (84 en 1995, mais en 42 matches, soit une moyenne de 2 points par match).
Posté le 6 décembre 2017 - par dbclosc
Vincent Enyeama, l’état de grâce
Le 8 décembre 2013, à la 27e minute du match Bordeaux-Lille, le LOSC encaisse un but. Le premier depuis… 1062 minutes, soit l’équivalent de quasiment 12 matches pleins. Dans les cages, le grand artisan de cette exceptionnelle performance : Vincent Enyeama.
« Le Nigeria est tout pour moi. Je le place au-dessus de tout… après Dieu » ; « La religion, c’est ma vie, tout simplement. Je suis catholique. Ma famille m’a élevé dans cette foi ». Dès qu’il en a l’occasion, Vincent Enyeama le dit et le répète : il est très croyant. On imagine alors que les devoirs religieux auxquels il s’astreint ont pour but l’obtention du salut, une notion spirituelle complexe qui désigne le fait d’être sauvé de l’état de péché. Et pour atteindre le salut, d’aucuns prétendent avoir été ou espèrent être touchés par la grâce. Nous espérons nous-même ne pas pécher en allant chercher nos définitions dans un dictionnaire profane, mais voici ce que le Larousse dit de la grâce : « don ou secours surnaturel que Dieu accorde aux hommes pour leur salut ». Quel que soit son rapport à la religion, on ne peut qu’être frappé par la période qu’a vécue Vincent Enyeama à l’automne 2013 : un épisode proche de l’état de grâce qui, s’il ne dit peut-être pas grand chose de l’existence d’un dieu pour les catholiques, semble au moins attester de l’existence de dieux du football, qui avaient décidé de faire du gardien nigérian leur élu pour le salut losciste, en le transformant en un rempart infranchissable.
Un gardien-buteur
Vincent Enyeama arrive à Lille en 2011, dans un relatif anonymat. Après avoir joué dans 3 clubs nigérians depuis ses débuts professionnels en 1999 (Ibom Stars, Enyimba et Iwuanyanwu), ses premières aventures extra-nationales se font en Israël, à Bnei Yehoudah FC (2005-2007), puis à l’Hapoël Tel-Aviv (2007-2011). Il y entretient sa réputation d’excellent gardien, mais aussi… de buteur, puisqu’Enyeama avait déjà inscrit 12 buts en championnat nigérian. Avec l’Hapoël, il en inscrit 8 autres. Tous sur pénalty. Dont 3 en coupe d’Europe : il en convertit un lors de la victoire au FK Teplice en phase qualificative pour l’Europa League en 2009 ; un contre le FC Salzburg en barrages de Ligue des Champions en août 2010, et un dernier contre Lyon en septembre 2010. Autrement dit, Vincent Enyeama fait partie des gardiens-buteurs, une tradition dont l’adaptation en France n’est pas sans rapport avec le LOSC puisque Ruminski, Lama, Nadon et Wimbée, dans des circonstances variées, ont aussi connu la joie du buteur. Avec 20 buts inscrits en compétition professionnelle, Vincent Enyeama est à ce jour le 16e meilleur « gardien-buteur », derrière quelques vedettes du genre tels que le Brésilien Rogero Ceni (131 buts entre 1992 et 2015), le Paraguayen José-Luis Chilavert (62 buts entre 1982 et 2004), le Colombien René Higuita (41 buts entre 1985 et 2010), le Mexicain Jorge Campos (34 buts entre 1988 et 2004), ou l’Allemand Hans-Jörg Butt (31 buts entre 1994 et 2012)
Avant de dégoûter les attaquants de L1, Enyeama s’amuse à dégoûter un gardien de L1 : Hugo Lloris.
Une première saison lilloise sur le banc. Mais avec le sourire.
Vincent Enyeama passe la saison 2011-2012 dans le rôle de doublure de Mickaël Landreau, un rôle auquel il s’attendait. Il n’a pu se montrer que lors d’un match de Ligue des Champions contre l’Inter Milan (0-1), car Landreau était blessé, et de deux apparitions en coupe de la Ligue (contre Sedan, où il concède d’ailleurs un pénalty, puis à Lyon). Pour son premier ballon touché en match officiel, Enyeama arrête facilement un coup-franc lointain de Sneijder, qui a tenté de le surprendre alors qu’on s’attendait à un centre. Comment réagit le Nigérian ? Il a un grand sourire. Content de ne pas s’être fait avoir, ou juste content de toucher le ballon, Vincent Enyeama est content de jouer au foot et il le montre (à partir de 3’45 dans la vidéo ci-dessous) :
http://www.dailymotion.com/video/xlsnh4
Demandeur de davantage de temps de jeu, il est prêté la saison suivante au Maccabi Tel-Aviv, où il effectue une saison pleine. C’est le retour en Israël : normal, pour celui que ses coéquipiers lillois surnommeront « Jésus ».
Enfin titulaire
En 2013-2014, l’arrivée de René Girard redistribue les cartes au niveau de la hiérarchie des gardiens. Lors de la saison précédente, Mickaël Landreau, précipitamment parti en décembre, a été remplacé par Steve Elana, sa doublure, qui a alterné le bon et le moins bon. Après un suspense de quelques jours, René Girard indique que le gardien titulaire pour la saison 2013-2014 sera Vincent Enyeama. C’est la fin du chemin de croix lillois.
Le 15 septembre 2013, le LOSC reçoit Nice pour la 5e journée du championnat. Jusqu’alors, au niveau des résultats, le début de saison est correct (Lille est 8e, 2 victoires, 1 nul, 1 défaite), et Enyema a déjà 3 clean-sheet à son actif. À la 45e minute du match, le Niçois Dario Cvitanich porte la marque à 0-2. C’est le moment d’enclencher le chronomètre : s’ouvre une longue période durant laquelle Vincent Enyeama ne va plus encaisser de but. Et pourtant, on ne peut pas dire que les attaquants adverses aient pris des gants pour l’épargner (normal, c’est le gardien qui prend des gants) : il va en effet effectuer de spectaculaires parades.
Dans un premier temps, on souligne surtout la solidité défensive de ce LOSC là, capable de faire déjouer n’importe quel adversaire. Jusque là, Enyeama s’est surtout fait remarquer par un double arrêt lors de la première journée contre Lorient : il repousse d’abord dans l’axe une frappe de Jouffre, avant de s’interposer devant Aboubakar. Mais après Nice, les clean-sheet à Sochaux (2-0), contre Évian (3-0), à Lyon (0-0) et contre Ajaccio (3-0) permettent surtout de louer la charnière Basa/Kjaer ou la suractivité d’Idrissa Gueye. C’est à partir du déplacement à Montpellier qu’Enyeama commence à focaliser l’attention : non seulement parce qu’il détourne en fin de match un pénalty de Cabella, mais aussi parce qu’il prend la peine de consoler le malheureux tireur, en pleurs, à la fin du match. Lille s’est encore imposé, est 3e au classement, et on se rend compte que, l’air de rien, son gardien n’a pas encaissé de but depuis 495 minutes.
Y a un mec qui a une écharpe « René Girard », pour contrer ses systèmes frileux
Après une nouvelle victoire à Nantes (1-0), le LOSC reçoit Monaco, 2e et invaincu. Lille s’impose encore (2-0), chipe la place de dauphin du PSG à son adversaire du soir et, surtout, Enyeama brille ce soir-là avec une série d’arrêts spectaculaires, notamment devant James Rodriguez, Falcao et Rivière. Avec, en toute fin de match, sa spéciale « double-arrêt » : Falcao frappe de la droite, Vincent se couche bien mais repousse dans l’axe, Rivière suit mais, même à terre, il repousse de nouveau. À croire qu’il a fait exprès de donner une deuxième chance aux attaquants pour mieux briller. Nous voilà à 675 minutes d’invincibilité.
Sur la route du record
Désormais, tous les regards se tournent vers Enyeama, dont on découvre les qualités : ses rapides sorties dans les pieds des attaquants, son sens de l’anticipation, et sa capacité à sortir d’étonnants réflexes. Souvent avec le sourire, et toujours en montrant les dents : sa propension à donner l’impression d’hurler quand son corps touche le ballon ajoute à la force qu’il dégage.
Le match à Guingamp (0-0), mi-novembre, lui permet d’entrer dans le Top 10 des séries d’invincibilité en championnat de France de D1/L1. On en est à 765 minutes. Puis 855 quand Toulouse repart bredouille du grand stade (1-0), en dépit de 3 face-à-face avec le Nigérian : mais ni Ben Yedder, ni Sylla, ni, surtout, Regattin dans le temps additionnel, ne trouvent le chemin des filets. Sur cette dernière action, on se demande encore comment Vincent est parvenu à arrêter un ballon si difficile d’une seule main, pendant qu’un coéquipier de Regattin levait déjà les bras, croyant au but (à 2’55 dans la vidéo ci-dessous) :
Le LOSC gagne ensuite à Valenciennes (1-0), nous voilà à 945 minutes pour Enyeama. Contre Marseille, le 3 décembre, il franchit deux caps supplémentaires : d’abord, à la 7e minute du match, il devient le deuxième gardien le plus imperméable de l’histoire de la Ligue 1, en devançant la performance de Salvatore Sirigu qui, de novembre 2012 à février 2013, avait tenu 949 minutes sans encaisser de but. Puis, à la 55e minute, il atteint la barre des 1000 minutes. Jusqu’alors, un seul gardien avait réussi cette performance : Gaëtan Huard, gardien de Bordeaux, qui de décembre 1993 à avril 1994, avait tenu 1176 minutes. À l’issue du match contre l’OM, gagné (1-0), le gardien du LOSC atteint les 1035 minutes. 1035 minutes au cours desquelles 33 tirs cadrés par les adversaires du LOSC ont trouvé les mains d’Enyeama. Mais contre Marseille, Enyeama semble invincible : Gignac à 3 reprises ou Thauvin se cassent les dents sur le rempart nigérian avec, en point d’orgue, un nouveau double arrêt particulièrement prodigieux :
Le Lendemain, L’équipe consacre à sa Une à Spider Enyeaman et évoque ses « parades hallucinantes » :
« Quand vous avez un homme derrière vous avec huit bras, ça rassure », s’amuse Simon Kjaer. Pas sûr que ce soit bien réglementaire, mais fermons les yeux. Vincent Enyeama, de son côté, prend ses performances et l’éventualité de battre Gaëtan Huard avec détachement : « Je dois dire la vérité : je ne fais pas le décompte. Je ne regarde pas les records, je m’en fiche. Si je le bats, c’est bien, sinon tant pis ». Le LOSC se déplace désormais à Bordeaux, au stade Chaban-Delmas, kom1symbol de résistance pour approcher encore le record. Il faut encore tenir durant ce match, puis 51 minutes contre Bastia pour le battre.
1062 minutes après…
Ce 8 décembre 2013, le match est fermé entre Bordeaux et Lille. À la 27e, minute, N’Guemo, à 25 mètres dans l’axe, frappe. Le ballon est dévié au passage par Kjaer. Enyeama, au départ sur la trajectoire, est pris à contre-pied et, avec l’aide du poteau, le ballon entre doucement dans le but.
Gaëtan Huard, terrorisé depuis quelques semaines, profite de son poste de consultant sur Be in sports pour constater que son record ne tombera pas : il retrouve le sourire et salue les supporters bordelais, bonjour la déontologie, bonjour la neutralité, bonjour le Lensois (« Je ne cache pas que je suis soulagé car j’étais inquiet pour ce record »). Vincent Enyeama ne battra pas le record de Gaëtan Huard, mais peu importe : fidèle à lui-même, il encaisse ce but avec le sourire. Ce stade bordelais est donc celui des fins de série : ironie du sort, celle de Gaëtan Huard était aussi tombée sur une frappe déviée, du montpelliérain Asanovic. Si jamais Enyeama avait dépassé Huard, il aurait pu attaquer plus haut, plus fort : les 1311 minutes d’invincibilité d’Edwin Van der Sar en 2008-2009 ou, record européen, les 1390 minutes de Dany Verlinden, gardien du Club de Bruges en 1990.
Un saison de récompenses
Cet automne 2013 a permis à Vincent Enyeama de remporter successivement deux trophées UNFP de meilleur joueur du mois, octobre puis novembre. À l’issue de la saison, après avoir encaissé seulement 26 buts et réalisé 21 clean-sheet, il remporte le Prix Marc-Vivien Foé du meilleur joueur africain évoluant dans le championnat de France de Ligue 1, succédant à Pierre-Emerick Aubameyang. C’est la troisième fois qu’un joueur du LOSC obtient ce prix après le doublé de Gervinho en 2010 puis en 2011. Enyeama est également l’un des 4 gardiens nommés aux trophées UNFP, trophée finalement enlevé par Salvatore Sirigu. En juin, il part au Brésil avec sa sélection pour disputer la coupe du monde. À cette occasion, son image Panini connaît un petit détournement en forme d’hommage à sa saison au LOSC :
En 2013-2014, le stade Pierre Mauroy a accueilli 19 matches de championnat du LOSC, 19 matches que Vincent Enyeama a joués en intégralité. Il n’y a a encaissé que 10 buts. Et comme Lille ne marquait pas beaucoup non plus, on n’a pas vu beaucoup de buts en cette saison 2013/2014. Résultat, en raison de ses performances – et du système de jeu de René Girard – les spectateurs lillois n’ont vu « que » 35 buts au stade, en L1. On a calculé ce chiffre amusant : si certains d’entre eux sont aussi allés en juin voir France-Jamaïque (8-0), ils ont donc vu en une soirée près de 20% des buts marqués cette saison-là dans ce stade.
Pour finir, voici un petit florilège des arrêts de cette saison 2013-2014. Des performances qui lui permettent, d’ores et déjà, d’être pour l’éternité en odeur de sainteté dans le cœur des supporters.
Posté le 2 décembre 2017 - par dbclosc
Thiago Mendes facts
« Thiago Mendes, il sait tout faire » que je dis à mon fils de six ans. « Tout ? Il sait même faire gardien de but ? » qu’il me demande. « Non, pas gardien quand-même » que j’réponds. « Ah ben, il pourrait aussi alors » qu’il conclut. Pas faux. On pourra jaser tout le temps qu’on veut, en tout cas ça paraît aujourd’hui compliqué de contester que l’arrivée du Brésilien est une franche réussite.
A DBC, on n’a pas l’habitude de mettre quelqu’un en avant en particulier, considérant que les succès comme les échecs d’une équipe sont toujours le produit d’une pluralité de facteurs et donc, si l’on veut parler en ces termes, de responsabilités diverses et variées. Une fois n’est pas costume (jamais compris cette expression …) on va mettre en avant Thiago Mendes pour montrer que avec ou sans lui ça n’est pas la même limonade (par contre, j’adore cette dernière expression, même si je l’ai pas comprise non plus).
Mais, fidèles à nous mêmes, ici, point d’avis vagues. Des faits, seulement des faits, toujours des faits.
Avec Thiago Mendès, le LOSC marque 11,37 fois plus fréquemment
Depuis le début de saison, le LOSC a disputé 720 minutes de jeu avec Thiago Mendès, soit huit matches entiers répartis sur neuf rencontres. Il a aussi passé 630 minutes sans lui.
Avec lui sur le terrain, le LOSC marque 13 buts, soit une moyenne très satisfaisante d’un but toutes les 55,4. Sans lui, le LOSC n’a inscrit qu’un but, soit un but toutes les 630 minutes (le calcul est plus facile : on divise 630 par un). Le seul but sans lui ? Contre Angers. Et encore, vu le but, on se dit que cela doit plus à un coup de génie de Nico De Préville qu’à la construction du jeu.
Avec Thiago Mendès, le LOSC encaisse 2,14 fois moins de buts
Il apparaît ainsi évident que la contribution offensive du Brésilien est essentielle cette saison, avec trois buts assez impressionnants il faut bien le dire, mais plus généralement par sa contribution au jeu. Son rôle est bien évidemment aussi défensif.
Avec lui, le LOSC encaisse huit buts en 720 minutes, soit une moyenne honorable d’un but toutes les 90 minutes. Sans lui, la moyenne est nettement moins honorable, puisque Lille encaisse 15 buts, soit un toutes les 42 minutes : 2,14 fois plus fréquemment.
Avec Thiago Mendès, le LOSC est à un rythme de 1,78 pts/match, un rythme de 5ème
Sur les 9 matches auxquels Thiago Mendes participe, Lille l’emporte 4 fois, fait 1 nul et perd 4 fois pour 2 nuls et 4 défaites sans lui. En moyenne, Lille ne prend que 0,33 pt/match sur les rencontres qu’ils ne disputent pas et 1,44 pt/match sur celles où il a joué. Avec la même moyenne de points sur toute la saison, le LOSC aurait engrangé 21,67 points et serait septième.
Et encore, cette présentation attribue à Thiago Mendes la défaite de Strasbourg (alors qu’il sort sur blessure à 0-0) et un nul contre Troyes (alors que Lille mène 2 à 1 quand il sort). Autrement dit, en se centrant sur les moments où il est sur le terrain, son bilan est encore plus élogieux : 5 victoires, 1 nul et 3 défaites, pour une moyenne de 1,78 pt/match qui, sur quinze journées donneraient 26,67 points et placerait Lille à la cinquième place au classement.
Les autres « Thiago Mendes facts » un peu moins vrais
Comme Thiago Mendes est un gentil, après avoir humilié ses adversaires, il les laisse l’humilier aussi. Mais comme ses adversaires n’arrivent toujours pas à le passer, alors Thiago Mendes se dribble lui-même une fois, deux fois, trois fois, puis une quatrième fois. Du coup, ça lui donne une bonne leçon et ça rappelle à Thiago Mendes qu’il n’est pas invincible.
Lors du premier match contre Nantes, Thiago Mendes avait décidé de mal jouer pour que la Ligue 1 conserve un peu de suspense. Mais il a fait un excellent match, preuve que Thiago Mendes aussi ne réussit pas tout ce qu’il tente.
Fort de cette expérience, Thiago Mendes a décidé de se blesser contre Strasbourg jugeant que c’était la seule solution pour que le PSG conserve une chance. Constatant ensuite que le PSG prenait de l’avance et que son entraîneur était fortement critiqué, Thiago Mendes a soigné sa quintuple fracture ouverte du tibia pour revenir à la compétition.
Cette saison, Thiago Mendes a déjà marqué quinze buts mais, à douze reprises, il l’a fait par accident. Du coup, à chaque fois, Thiago Mendes a été récupérer le ballon dans les filets à une vitesse supérieure à la perception rétinienne humaine et l’a remis là où il était avant. Du coup, personne n’a vu qu’il avait marqué ces buts et Thiago Mendes était rassuré pour le suspense du championnat de France.
Comme Thiago Mendes avait anticipé que sa volonté de garder le suspense dans le championnat de France serait attribué à son entraîneur Marcelo Bielsa, Thiago Mendes lui avait auparavant trouvé des postes de coach au Newell’s Old Boys, au Vélez Sarsfield, en sélection d’Argentine et du Chili, à l’Atletic Bilbao et à l’OM. Du coup, comme ça, Marcelo Bielsa a quand-même un beau palmarès et ça compense largement son passage lillois.
Contre Lyon, Thiago Mendes s’en voulait un peu d’avoir marqué. Du coup, il a déplacé Mike Maignan qui allait récupérer le ballon et placé Mariano Diaz sur la trajectoire du ballon pour qu’il marque. Après, quand Lille menait 2-1, il a placé Ponce en position de hors-jeu pour que son but soit refusé dans l’intention qu’un futur tir lyonnais percute la barre en fin de match ce qui, reconnaissons-le, donne un piment supplémentaire à la rencontre.
Contre Lyon, Thiago Mendes était content que Lyon obtienne un pénalty, toujours pour le suspense. Mais, dans un moment de distraction, il n’a pas pu s’empêcher de détourner du regard le tir de Fekir dans les gants de Maignan.
Un jour que Pierre Ménès disait des conneries, Thiago Mendes a réussi à le faire admettre qu’il avait tort.
« J’ui ai juste dit que comme on n’avait qu’une lettre d’écart dans notre nom, on était proches »
Posté le 23 novembre 2017 - par dbclosc
Le PSG et Grimonprez-Jooris, des reports difficiles
Outre le fait que le PSG ne s’est imposé que 2 fois dans son histoire au stade Grimonprez-Jooris à tel point que le LOSC était considéré comme sa bête noire, l’équipe parisienne dut aussi faire face aux aléas extérieurs quand le score lui était plutôt favorable. Résultat, deux interruptions de match à 1-1, deux matches à rejouer, et finalement deux victoires 2-0 pour Lille.
Lille, bête noire du PSG
On connaît la malédiction qui toucha longtemps le PSG quand il se déplaçait à Lille. Si les Parisiens se sont imposés à Lille dès la première confrontation entre les deux équipes dans l’élite en 1972 (au stade Henri-Jooris), le nouveau stade Grimonprez-Jooris devint rapidement leur enfer du Nord. Il a en effet fallu attendre 1993, une saison de titre national, pour que le PSG s’impose à nouveau à Lille et, pour la première fois, à Grimonprez-Jooris. Le PSG ne s’est imposé qu’une seule autre fois à Grimonprez, en 1997, chez un LOSC déjà quasi-condamné à la D2. Cette donnée est une constante assez étonnante quand on connaît les performances des deux clubs dans les années 1980 et 1990 : on en avait déjà parlé dans cet article. Le LOSC était ainsi considéré comme la « bête noire » de l’équipe de la capitale, réputation qui doit aussi à quelques performances mémorables des Lillois au Parc des Princes, avec 4 victoires dans les années 1980, dont un incroyable 5-4 le 22 octobre 1983, sans oublier la miraculeuse victoire d’avril 1996. Et si on voulait vraiment accabler les Parisiens, soulignons que les années 2000 n’ont rien changé à la donne : à partir de la remontée en D1 en 2000, Paris n’a pas davantage gagné à Lille : les 4 matches à Grimonprez entre 2000 et 2004 se sont soldées par autant de défaites pour les parigots (0-2, 0-1, 1-2 puis 0-1), puis le LOSC a gardé son invincibilité durant ses 8 saisons d’exil au Stadium Nord, avec 4 nuls et 4 victoires. C’est pour contrer cette tradition que les dirigeants qatariens recrutent Zlatan Ibrahimovic en 2012, ouvrant alors une ère où Lille ne gagne plus chez lui contre Paris (depuis 2012, 3 défaites et 2 nuls pour le LOSC au stade Pierre Mauroy, et une élimination en demi-finale de coupe de la Ligue en 2015). Voilà pour quelques détails rappelant que le LOSC est grand, le LOSC est beau.
Les Dieux du foot sont avec nous
Revenons sur la période de Grimonprez-Jooris. Moins connue, une autre malédiction a pesé sur les Parisiens qui s’y rendaient : non seulement ils y perdaient très souvent, mais quand ils parvenaient péniblement à arracher le nul, le match était interrompu, puis rejoué pour donner la victoire aux Lillois. Comme quoi les forces du complot savent aussi relâcher leur étreinte sur nous et s’abattre sur un autre club. On appelle aussi ça la justice, dont on peut se demander si elle n’est pas parfois d’origine divine : il est évident qu’une force supérieure a considéré à deux reprises qu’un nul entre le LOSC et Paris relevait de l’anomalie, et a alors mis en œuvre ce qui était en son pouvoir pour rétablir la normalité des choses. C’était lors des saisons 1985/1986, puis 2000/2001.
1985-1986 : le coup de la panne de courant
Nous sommes le 20 novembre 1985. On débute les matches retour, le PSG est en tête et se rend chez des Lillois en difficulté, en bas de tableau. À l’aller, les Parisiens se sont facilement imposés 3-0, score acquis à la mi-temps. À Lille, devant 11 438 spectateurs, Dominique Rocheteau ouvre le score pour les Parisiens juste avant la mi-temps. Mais les Lillois résistent bien et égalisent même grâce à Stéphane Plancque à la 71e minute. On semble alors se diriger vers un résultat nul qui constitue une belle performance pour les Lillois quand, à la 86e, l’éclairage de Grimonprez-Jooris lâche : panne de courant ! L’arbitre, M. Benali, renvoie les deux équipes aux vestiaires et applique le règlement en la matière : si, dans les 45 minutes, la lumière n’est pas revenue, le match ne reprendra pas le jour-même et il reviendra à la ligue de football de statuer. Bien souvent, ce type de situation est défavorable à l’équipe locale, qui se doit d’assurer le bon déroulement du match, par exemple en assurant un éclairage quand il fait nuit. Autrement dit, il y a fort à parier que le LOSC va perdre ce match sur tapis vert (ce qui serait un scandale car comme il n’y a pas de lumière, comment savoir si le tapis est vert ?). Après 45 minutes, la lumière ne revient pas, et l’arbitre interrompt donc définitivement ce match. Seulement voilà : l’organisation du LOSC n’y est pas pour grand chose dans cette coupure de courant : en fait, c’est toute la ville de Lille qui est plongée dans le noir. Autrement dit, la responsabilité du LOSC n’est pas engagée, et c’est ce que conclut la ligue, qui ne donne pas match perdu à Lille, mais décide de faire rejouer intégralement le match, c’est-à-dire dès la 1ère minute, alors qu’il n’en restait que 4 à jouer ! Sur le coup, cette décision ne satisfait personne : ni les Lillois, bien entendu, pour qui le score était fort honorable, mais ni les Parisiens, qui se contentaient aussi de ce résultat. Luis Fernandez, alors joueur, déclare ainsi : « Quand je pense que pour si peu de temps le match doit être à rejouer… C’est dommage car le nul arrange tout le monde. »
Bernard Bureau échappe à Thierry Bacconnier
Le match est donc rejoué le 22 janvier 1986. Il n’y a pas de quoi être plus confiant que 2 mois plus tôt. Lille se traîne toujours en fin de classement : 17e avec 23 points, juste devant le barragiste. Paris est toujours premier. Surtout, cela fait 6 mois que Paris est toujours invaincu ! 26 matches, 18 victoires, 44 points (la victoire vaut 2 points si tu comptes bien.) Le PSG bat cette saison là le record d’invincibilité de Saint-Étienne, qui était alors de 21 matches sans défaite1. Et pourtant. Dans le froid, le vent, sur une pelouse dégueulasse, les Dogues sortent les crocs face à des Parisiens privés de Fernandez, malade. Les Lillois tiennent le 0-0 à la pause, et c’est déjà bien. En début de deuxième période, le Parisien Jeannol se blesse et est remplacé par Morin. La domination lilloise s’accroît à mesure que file le temps. Alors qu’il reste un quart d’heure à jouer, Morin concède une bête faute. Pascal Plancque brosse le coup-franc de la droite vers les 6-mètres, où arrive Bureau qui catapulte acrobatiquement le ballon de la tête au fond des filets !
Six minutes plus tard, le même Bureau reçoit un ballon dans le rond central, élimine un arrière en se retournant et file au but. Plus rapide que les défenseurs, il bat de nouveau Joël Bats : 2-0 ! On dit souvent que le travail de bureau n’est pas terrible, et ben là on a du bon boulot de Bureau, qui se rappelle au bon souvenir de son ancien club. Paris chute à Lille et perd donc son invincibilité.
Du coup, le bilan eighties des LOSC/ PSG est assez mignon à regarder : 9 matches, 9 victoires pour Lille, 15 buts marqués, 3 encaissés.
2000-2001 : Paris prend l’eau
En 2000, le PSG est une équipe à la recherche de sa gloire des années 1990, et qui a frappé fort sur le marché des transferts durant l’été, en recrutant de jeunes français prometteurs tels que Luccin, Dalmat, Distin, et surtout en faisant revenir Nicolas Anelka pour 220 MF, lui qui avait été vendu par le même club pour 5 MF 3 années auparavant - notez que nous ne sommes pas comptables, mais il nous semble que financièrement, l’opération est assez médiocre. Les Parisiens, entraînés par Philippe Bergeroo, un ancien Lillois, sont à peu près dans les clous : 4emes, un point derrière… le LOSC. LOSC qui, après 3 saisons en D2, est de retour en D1. Le début de saison est surprenant : sur sa lancée de la dynamique construite en D2, Lille s’est tranquillement installé dans le haut du classement (et y restera toute la saison, voir ce qu’on a écrit sur cette année-là), en s’appuyant notamment sur une défense de fer, la meilleure du championnat : seulement 11 buts encaissés après 16 journées. L’équipe ne s’y trompe pas en consacrant sa Une au « mur » lillois.
Sur une pelouse gorgée d’eau, le jeu a du mal à se mettre en place. Anelka, qui revient de blessure, est la première victime de la lourdeur du terrain : il se claque dès la 9e minute, sous les vivas du public. Pascal Cygan, qui a anticipé le claquage, arrête sa course avant qu’Anelka ne s’en rende compte lui-même (voir résumé ci-dessous). Lille domine légèrement. Et il pleut, de plus en plus. La mi-temps est sifflée sur le score de 0-0, et le match est pauvre en occasions. Dès la reprise, cependant qu’il pleut désormais comme Levacher qui pisse2, Dalmat tacle Bruno Cheyrou dans la surface, avec une telle adresse que l’on peut imputer cette faute aux conditions climatiques : pénalty pour Lille ! Mikkel Beck transforme, battant dans la foulée le record de longueur de la glissade sur le ventre, record immédiatement pulvérisé par Mile Sterjovski.
Lille mène 1-0. Sur l’engagement, les Parisiens perdent le ballon et Sterjovski, profitant d’un air-dégagement de Grégory Paisley, se retrouve en position favorable devant Létizi, qui détourne en corner. 3 minutes après, Paris réagit : long ballon dans le camp lillois : Pichot essaie d’intervenir mais, manquant d’appui sur le terrain détrempé, il glisse et élimine son propre gardien. Laurent Robert suit opportunément et place dans le but vide : 1-1.
On joue encore une dizaine de minutes, jusqu’à ce que l’arbitre constate que le jeu devient impraticable. Déjà, les deux buts résultent d’erreurs directement liées à la pluie et, depuis l’égalisation, il ne se passe plus grand chose sur le terrain. Il devient même difficile de faire une passe, sans compter que tout tacle peut vite partir en sucette. Le match est donc interrompu, puis définitivement reporté.
Nous voilà le 13 décembre 2000. Lille est toujours dans les premières places, et a même l’occasion de revenir à 1 point du leader bordelais en cas de victoire. Le PSG, de son côté, s’est enfoncé dans sa traditionnelle crise automnale : malgré des résultats corrects, Bergeroo est viré, la présidence souhaitant placer Fernandez sur le banc. Pas franchement une réussite jusque là : même si le championnat est serré, le club a glissé à la 9e place. Et sur le terrain, l’effet Fernandez se fait sentir d’emblée : profitant d’une déviation Beckesque, Sterjovski ouvre le score en allumant Létizi de près dès la 13e minute. Avec un Murati surmotivé contre son ancien club, le LOSC domine tranquillement un PSG bien inoffensif, et la récompense survient en deuxième période : l’Australien y va de son doublé en reprenant de la tête un centre de Christophe Pignol. 2-0 !
Hormis sur un corner repris de la tête par Anelka, que Wimbée détourne d’une superbe manchette, le PSG n’a pas existé, ce qui incite le public lillois à scander le nom de Bergeroo en fin de match, on avait dit un mot de ce chambrage ici.
Les buts sur Fréquence Nord pour nos amis malvoyants :
Les Dieux du foot étaient donc bien avec le LOSC pour ces deux matches (4 matches en fait) : une première fois en coupant l’électricité, une deuxième fois en faisant tomber la pluie. Et on sait que ces deux actions sont de la compétence des Dieux, on voit notamment ça dans le dessin animé Les 12 travaux d’Astérix, dans lequel les Dieux, en colère en voyant ce qui se passe ici-bas, déclenchent un violent orage. À la différence près que, pour nos Lillois, c’était pour adouber ceux qui résistent encore et toujours à l’envahisseur.
FC Notes :
1 Même si, du coup, cette défaite est officiellement enregistrée comme étant survenue à la 20e journée. De toute façon, le record a été battu depuis, par Nantes en 1995 (première défaite à la 32e journée).
2 Pardon à notre internationale B.
Posté le 24 septembre 2017 - par dbclosc
Lille-Lens 2000, comme dans un rêve
Le match que tous les supporters Lillois et Lensois ont cherché en premier quand le calendrier de la saison 2000-2001 est sorti va enfin se jouer : nous sommes le dimanche 24 septembre 2000, et le Nord Pas-de-Calais se fiche pas mal du référendum sur le quinquennat à propos duquel les électeurs français sont appelés à se prononcer ce même jour : c’est le retour du derby Lille/Lens, après 4 ans d’absence. Mais le chiffre 5 restera quand même dans les mémoires ce soir : pas pour les années que les Français ont décidé de donner à la durée du mandat présidentiel, mais pour le nombre de minutes qu’il a fallu aux Lillois pour renverser en fin de match une partie qui paraissait bien mal embarquée : ce Lille/Lens, c’est probablement le plus fameux épisode du « Vahid time », où l’équipe de Lille, à force de pousser en imposant un intense pressing à son adversaire et d’y croire jusqu’au bout, va faire la différence notamment grâce à ses remplaçants.
Une première depuis 1996
Mais avant d’en venir aux faits, rappelons le contexte de cette douce soirée. La dernière fois que Grimonprez-Jooris a accueilli un derby en D1, c’était le 6 novembre 1996 : ce soir-là, le LOSC s’imposait 2-1 grâce à un doublé de Patrick Collot, se plaçait 4e du championnat, et Lens était juste derrière. 5 mois plus tard, l’ambiance était bien différente : le 26 avril 1997, après une deuxième partie de saison catastrophique, Lens et Lille se retrouvent à Bollaert pour tenter de se maintenir en D1. Alors qu’il faut bien plus qu’une victoire au LOSC pour se sauver, Gervais Martel prophétise dans la presse l’hégémonie de son club sur la région ; le public de Bollaert accueille ses voisins avec des cercueils en carton : une ambiance hostile qui conclut tristement une décennie 1990 plutôt marquée par un spectacle assez pauvre lors des derbies, de nombreux nuls et peu de buts ; en revanche, pas mal d’animation dans la Deûle et dans les tribunes, à une époque où balancer des fusées sur l’adversaire et à l’horizontale n’était pas spécialement réprimé. Pour cette dernière avant la descente, Lens s’impose 1-0 grâce à un but de Philippe Brunel, cet ennemi de l’intérieur. Lens est quasiment sauvé ; Lille est quasiment condamné. Durant 3 saisons, les seuls derbies professionnels que verra le Nord Pas-de-Calais seront des confrontations entre Lille et Wasquehal.
En 2000, le climat semble bien différent : à Lens, Bollaert a été rénové, et l’Europe est devenue une habitude : le titre est même passé par là en 1998 et les Sang & Or ont même goûté à la Ligue des Champions ; à Lille, les dettes sont un lointain souvenir, le club s’est structuré, la capacité du stade a été augmentée, et depuis presque 2 ans, le public soutient son équipe, transformée depuis l’arrivée de Vahid Halilhodzic. L’ambiance est bonne et la presse salue unanimement les retrouvailles entre deux adversaires qui, au fond, s’aiment bien.
La Voix des sports fait monter la sauce dès le lundi 18 septembre en proposant un supplément de 8 pages « Derby passion », qui revient sur quelques épisodes marquant de l’histoire des Lille-Lens (celui où une tribune s’est effondrée par exemple, en 1946), des témoignages d‘anciens passés par les deux clubs, les souvenirs des journalistes de la rédaction. Toute la semaine, la presse régionale s’attarde longuement sur le match et l’ambiance qui l’entoure : même si Valenciennes a souvent été de la partie, les vraies derbies d’après-guerre sont ceux qui opposent Lens à Lille, et on comprend clairement que cette confrontation a manqué. Il est temps !
A peine arrivés au stade, on sent l’ambiance particulière du derby : les spectateurs arrivent tôt, et les supporters encouragent leur équipe durant l’entraînement des joueurs. Ce match arrivant de plus plutôt en début de saison, on est encore à Lille dans la douce euphorie d’avoir simplement retrouvé la D1. Pour le reste, on sait qu’on ne part pas favoris : Lens a clairement quelques années d’avance et n’aspire qu’à joueur l’Europe tous les ans, tandis que Lille, même largement champion de D2, semble avoir un effectif bien plus modeste : le maintien sera largement satisfaisant. Le début de saison confirme d’ailleurs cette tendance : dès la première journée, Lens a frappé fort en s’imposant à Nantes en infériorité numérique (2-0) et a maintenu un bon rythme, en se pointant à Lille à la 2e place, seulement devancé par Bastia à la différence de buts. Du côté de Lille, après un départ canon (le LOSC était en tête après 3 journées), l’équipe a un peu marqué le pas, notamment en perdant deux fois consécutivement début septembre. Mais Lille sort d’un match à Saint-Etienne, où son gardien, initialement numéro 2, a particulièrement brillé. Ce match, couplé à celui contre Lens ce soir, constitue indéniablement un tournant pour Grégory Wimbée et, bien au-delà, pour toute l’équipe.
Dans sa présentation, Canal + insiste également sur la particularité de ce match, à revivre dans cette vidéo :
Lens maîtrise la première mi-temps
Djezon Boutoille annonce en bord de terrain la volonté du LOSC de s’installer dans le camp lillois et de faire en sorte que les Sang & Or ne s’installent pas « chez nous ». Pour ce faire, Vahid Halilhodzic reconduit l’équipe qui est allée chercher le nul à Geoffroy-Guichard une semaine avant, à une exception près : Sylvain N’Diaye, forfait à Sainté, retrouve sa place au milieu au détriment de Ted Agasson. Voici donc la compo lilloise :
Wimbée
Pichot, Cygan, Ecker, Pignol ;
D’Amico, N’Diaye, Landrin, Br. Cheyrou ;
Boutoille, Beck
Côté lensois, signalons la présence d’Antoine Sibierski, qui était déjà revenu à Grimonprez sous d’autres couleurs (c’était avec Auxerre, en novembre 1996), mais qui joue son premier derby avec le maillot lensois. Son nom a d’ailleurs été le plus sifflé lors de l’annonce de la composition des joueurs
Les bonnes intentions affichées par cap’tain Djezon peinent à trouver de quoi s’épanouir en première période. Les Lensois ont la possession, ils parviennent à construire jusque dans la surface adverse, tandis que le LOSC peine à approcher le but de Warmuz. Avec Radek Bejbl en position de libéro, la défense lensoise semble bien difficile à passer.
Logiquement, suite à un corner mal repoussé, Lens ouvre le score : sur un centre de Moreira venant de la gauche, Philippe Brunel reprend du droit dans le petit filet opposé et trompe Grégory Wimbée. Aïe. à la demi-heure de jeu, Antoine Sibierski, parti de son camp, se présente seul face à Wimbée. Les secondes qui séparent la dernière passe du tir de Sibierski semblent interminables : fort heureusement, le Lensois tergiverse et se heurte surtout à une superbe sortie de Grégory Wimbée, qui sauve la baraque. Si le score avait été de 0-2 à ce moment là, on peut penser que la suite aurait été bien compliquée. Juste avant la mi-temps, l’inoubliable Grozdic centre de nouveau de la gauche vers Brunel qui, cette fois, reprend de son bon pied au point de pénalty : il enroule, Greg ne bouge pas et le ballon finit miraculeusement au ras de la lucarne. Le LOSC, de son côté, ne s’est pas créé d’occasion hormis quelques coups de tête de Beck, mais bien trop lointains. 0-1 à la mi-temps, Lille peut s’estimer heureux, et Lens ne sait pas encore que sa chance est passée.
Changements gagnants
La deuxième période commence sur les mêmes bases : Lens reste parfaitement organisé, est dangereux en contre, et Lille peine à trouver des espaces devant. Mais à mesure que le match avance, le bloc lillois remonte et les Lensois reculent ; mais ces derniers restent dangereux en contre : à la 70e minute, Greg Wimbée sort fort à propos devant Daniel Moreira. Lille prend des risques, à commencer par son entraîneur, qui va opérer 3 changements décisifs : d’abord, Ted Agasson, dont on ne souligne sans doute pas assez la fluidité qu’il a apporté au jeu lillois durant ce match, entre à la place de Christophe Landrin à la 70e minute. Cette fois, et depuis une bonne dizaine de minutes, le LOSC a largement la possession de balle et les Lensois se recroquevillent. Mais il reste encore peu de danger : seules des frappes lointaines font office de demi-occasions pour Lille : pas de quoi déranger Gugusse. Dans les tribunes, on entend surtout les Lensois, tandis que les supporters Lillois, tendus, ont du mal à encourager les leurs.
77e minute : Bruno Cheyrou laisse sa place à Dagui Bakari, déjà buteur face à Metz, dans les mêmes conditions, un mois auparavant. Cette fois, non seulement le ballon circule mieux au milieu, mais en plus, avec désormais Boutoille, Beck et Bakari devant, les Lensois commencent à ne plus chercher à contre-attaquer : ils ne font que défendre leur but dans les 30 derniers mètres, toujours regroupés autour d’une charnière Bejbl/Pierre-Fanfan efficace. Les arrières latéraux, Pichot et Pignol, prennent de plus en plus leur couloir ; quand Pascal Cygan initie une relance, il n’hésite pas à monter aux avant-postes : Lens croit qu’il suffira de défendre mais est en train de céder.
Bruno « Madame Irma » Cheyrou
Laurent Paganelli profite d’un arrêt de jeu pour interviewer Bruno Cheyrou sur le banc : « ce que vous n’avez pas pu faire en 82 minutes, vous pensez que votre équipe peut le faire dans les 8 minutes qui restent ? ». Question un peu bête à laquelle on voit mal Bruno répondre « non », mais il fait bien mieux : « J’espère ! à la limite, pour marquer un but, il ne suffit que d’une seconde, donc… J’espère qu’en 8 minutes on va réussir à en marquer un, et si on arrive à marquer assez rapidement, on pourra même, pourquoi pas, en marquer un deuxième ». Le propos est optimiste et pourrait même paraître irréaliste : après tout, si Lille pousse, il n’y a toujours pas eu de véritable occasion. Mais à force de faire reculer les Lensois, la délivrance va arriver.
La déferlante
A peine Laurent Paganelli a-t-il rendu la parole à Gégoire Margotton que Ted Agasson envoie une balle en cloche à la fois surprenante et parfaitement pensée au point de pénalty où, bien évidemment, Mikkel Beck, excellent dans cet exercice, prend le dessus sur Pierre-Fanfan et dévie aux 6 mètres vers Dagui Bakari, qui trompe Warmuz d’une demi-volée en se jetant. Dans le stade, c’est l’explosion : toute la frustration et la paralysie de voir ses favoris menés lors d’un derby à domicile s’envole. Lille ne perdra pas ce derby et cela équivaut déjà à une victoire.
Dans la foulée de l’égalisation, le Danois est remplacé par Laurent Peyrelade : dans la continuité des gestions de fin de matches vues en D2, Halilhodzic privilégie des remplacements offensifs pour faire céder l’adversaire. Alors que Lolo s’apprête à recevoir son premier ballon, celui-ci est intercepté de la main par Franck Queudrue : deuxième jaune pour le Lensois, qui est donc expulsé. Une expulsion qui passe presque inaperçue, tant c’est désormais la fête à Grimonprez-Jooris. La télévision propose des images inimaginables 5 minutes auparavant : les DVE dans les fumigènes, le banc lensois et ses têtes d’enterrement qui ont désormais hâte que le chrono tourne, et un banc lillois prêt à bondir une deuxième fois.
Sur le coup-franc consécutif à la faute de Queudrue, Agasson trouve Boutoille qui, seul au second poteau, manque une énorme occasion de plier l’affaire : sa tête piquée passe au-dessus. Le public pousse, et les joueurs répondent présent : les relances de l’arrière sont rapides, Cygan se précipite pour jouer les touches : le LOSC ne se contentera pas du nul.
Après une nouvelle belle combinaison entre D’Amico, N’Diaye et Agasson, Peyrelade obtient un corner : on joue la dernière minute du temps réglementaire et 5 minutes supplémentaires sont annoncées. Peyrelade manque de reprendre le centre d’Agasson, mais le ballon n’est pas perdu : au second poteau, Pignol récupère et glisse en retrait à Sylvain N’Diaye. Le Sénégalais centre du gauche vers Bakari, qui fait mine de s’emmener le ballon vers le but : en fait, il laisse passer le ballon et Bejbl et Pierre-Fanfan sont éliminés grâce à cette feinte et, dans une moindre mesure, Rool, qui ne suit pas. Le but est alors grand ouvert pour Peyrelade, qui fusille Warmuz de près : 2-1 pour Lille, et une belle gamelle avec le ballon qui ressort ! Cette fois, on n’a plus de mots pour décrire l’ambiance : on vous renvoie à la vidéo ci-dessous.
Les arrêts de jeu se déroulent dans une euphorie presque dangereuse tant on croit désormais que le match est gagné. Bakari est à une pointure de mettre le 3e, mais les Lensois, apathiques depuis une demi-heure, ressortent et mettent Lille en danger. De quoi avoir des regrets après avoir manifestement choisi de subir, pour le résultat qu’on connaît. Deux coups-francs jumeaux (et horribles) de Debève et Blanchard passent à côté. Et surtout, à la dernière minute, Debève trouve Sakho aux 6 mètres, qui reprend acrobatiquement sur le poteau ! On doit bien avouer que de là où on était, on n’a pas trop compris ce qu’il s’était passé, mais on savait que le ballon n’était pas rentré. Lille remporte ce derby fort en émotions.
Lille a du cœur
C’est cliché de le dire, mais le LOSC, fidèle à ses valeurs depuis quelques saisons, y a cru jusqu’au bout. Alors que jusqu’à l’heure de jeu, tout plaidait en faveur des Lensois – maîtrise, sérénité, technique -, et que Lille était brouillon et décousu dans les 30 derniers mètres, l’adversaire a encore cédé sous les incessants coups de boutoir des Dogues, aidés par un coaching opportun et une envie de ne rien lâcher. Pour Vahid, « c’est vraiment exceptionnel, et c’est un grand soir pour le LOSC. Nous avions rêvé de cette victoire et nous l’avons conquise avec cœur et volonté. Nous sommes allés la chercher au bout de nous-mêmes. Quand j’ai vu mon collègue lensois effectuer ses remplacements, j’ai pris des risques. Nous avons tellement bousculé les Lensois que j’étais sûr qu’ils allaient craquer. Je ne réussirai peut-être pas à tous les coups, mais cette fois ça a marché. Quand vous avez du cœur et des jambes, le ballon finit par rouler pour vous. Je dédie cette victoire à tous les supporters. Notre objectif reste le maintien. Il n’empêche que battre une équipe de la qualité de Lens, c’est fort ». Pour Lens, c’est le temps des regrets, notamment sur la parade décisive de Wimbée (« je lui ai fais ralentir sa course. La seule solution qu’il a, c’est de me dribbler, mis je l’amène là où je veux », déclare Greg). Pour Brunel, « nous n’avons quasiment pas d’occasions en deuxième mi-temps. Nous avons probablement voulu trop sécuriser le jeu devant le but de Guillaume Warmuz., et Lille a gagné presque tous les duels aériens… ».
D’autres réactions d’après-match (voir vidéo) illustrent le fait que cette victoire vaut bien plus que 3 points : Lille a gagné le derby et, surtout, tient la route en D1. Après le nul à Saint-Etienne dimanche dernier, Lille retrouve la victoire et ne quittera pas le haut de tableau, jusqu’en mai, jusqu’à la Ligue des Champions.
Posté le 5 septembre 2017 - par dbclosc
Et Sarr commence !
Premier match de l’histoire des filles du LOSC en D1, et premier match payant de l’histoire des filles du LOSC. Fait chier, mais ce n’est pas anormal non plus. Nous avons posé la question sur twitter au LOSC, mais on ne nous a pas répondu : est-il envisagé de proposer des abonnements pour la saison ? 11 matches à 8€, cela nous reviendrait à 88€ la saison si on compte bien1. Allez, genre un abonnement à… 70€ ? Nous on prend hein ! On pourrait même penser à un système de place offertes, par exemple pour récompenser ceux qui animent des sites de foot qu’ils espèrent documentés et rigolos. Bien.
Cela fait tout de même quelques matches qu’on a droit à du beau temps le dimanche après-midi : ce Launayico est parfaitement organisé. Les habitués sont là. Camille Dolignon est en béquilles : on en conclut qu’elle ne jouera probablement pas. Voici l’équipe alignée au départ :
Debout, de gauche à droite : Maud Coutereels (arrière centrale), Julie Pasquereau (milieu défensive), Ouleymata Sarr (avant-centre), Héloïse Mansuy (arrière droite) ; Rachel Saidi (milieu offensive), Charlotte Saint Sans Levacher (arrière centrale)
Assises, de gauche à droite : Marine Dafeur (arrière gauche), Jessica Lernon (milieu plutôt défensive), Elisa Launay (gardienne), Jana Coryn (attaquante), Aurore Paprzycki (milieu plutôt offensive)
Au niveau du positionnement, ça donne à peu près ça :
L’air de rien, l’équipe a bien changé, puisque 6 recrues sont alignées. Si l’on en croit les déclarations du coach et ce que le club a relayé, la mayonnaise a bien pris, et il est vrai que les nouvelles ont montré de belles choses durant les matches amicaux. Cependant, cette bonne nouvelle en cache une terrible. Il semble que le mauvais présage pressenti durant les matches amicaux se transforme en épouvantable réalité : Silke Demeyere est remplaçante. Je pars pleurer 5 minutes et je reprends mon compte-rendu, fort du soutien du président Macron.
Ce que je veeeeeuuuux
C’est qu’on titularise Silkeeeeeee
Le LOSC, toujours en avance sur son temps, débute le match à 14h56, après le traditionnel cri de guerre de nos favorites (que nous ne parvenons pas à décrypter d’ailleurs). Les Bordelaises en ont aussi un d’ailleurs : c’est pas beau de copier, surtout la veille de la rentrée scolaire !
14h59 : premier coup-franc tiré par Levacher : dans les gants de la gardienne bordelaise, qui aussi la gardienne de l’équipe nationale de Nouvelle-Zélande, et qui communique en anglais.
15H00 : frappe bordelaise, au-dessus. Et comme ça part bien au-dessus, on n’a plus de ballon. On a l’impression qu’on y a droit à chaque match.
Dans la foulée, Launay tire le 6 mètres, que Levacher intercepte avant que le ballon ne soit sorti de la surface. Dans ces cas là, le 6 mètres est à refaire. Ça arrive rarement, et on s’étonne que ce ne soit pas une stratégie utilisée plus fréquemment en fin de match pour gagner du temps. Notons que la décision de l’arbitre serait la même si c’était une adversaire qui touchait le ballon.
15h04 : récupération haute des Lilloises grâce au pressing de Lernon et de Sarr (et à un contrôle foireux derrière). À 20 mètres, Sarr envoie une belle frappe tendue du droit dans le petit filet opposé : premier but lillois en D1, et déjà 4e but pour Ouley, après ses 3 buts en amical !
15h06 : talonnade de Saïdi côté gauche pour Dafeur et ses montées percutantes. Centre et tête piquée de Sarr aux 6 mètres, la gardienne dévie approximativement en corner.
15h07 : arrivée massive de Bordelais dans le public.
15h08 : coup-franc pour les Bordelaises à 30 mètres. Petit décalage sur la droite, balle en cloche vers l’avant, hors-jeu. Une combinaison bien foireuse, à ne pas montrer dans les écoles de football.
15h13 : frappe molle de Lernon à 20 mètres, pas de problème pour Erin Nayler, c’est la gardienne.
15h16 : but lillois de Sarr logiquement refusé pour hors-jeu.
15h17 : coup-franc pour les Lilloises à une quarantaine de mètres. Maud Coutereels envoie dans le paquet où Sarr, plus haut que toutes, met sa tête au point de pénalty, et le ballon finit tranquillement dans le but pendant que la gardienne se dit qu’elle aurait mieux fait de boxer la balle que Julie Pasquereau : 2-0 !
15h19 : Elisa Launay nous fait une Maignan, avec un petit dribble sur une bordelaise.
15h20 : main involontaire dans la surface bordelaise. L’arbitre ne siffle pas.
15h21 : nous twittons la bonne nouvelle, avec une magnifique photo.
15H22 : coïncidence, les comptes twitter et facebook des « amis du LOSC » postent exactement la même photo que la nôtre ! Chacun ses méthodes.
15h25 : une défenseuse bordelaise fait un sale extérieur du pied dans sa surface ; Coryn et Sarr récupèrent la balle, mais l’arbitre a sifflé rapidement quelque chose qu’on n’a pas compris, l’assistant n’ayant pas signalé de hors-jeu. Peut-être a-t-elle estimé que l’action était trop laide et qu’elle ne méritait pas d’aller plus loin.
15h29 : superbe frappe de Jessica Lernon de 20 mètres qui frôle la lucarne !
15h32 : récupération de Levacher au milieu de terrain, Lernon relaie et ouvre pour Coryn, en face à face avec Nayler : malheureusement, elle lui tire dessus.
15h33 : Centre de Dafeur, tête de Coryn, sur la gardienne.
15h34 : tiens, on se rend compte que le maillot de Charlotte Levacher est floqué « Saint Sans ». Ça signifie qu’on doit l’appeler comme ça ou c’est un manque de place ? Comme elle a le numéro 5, c’est amusant car ça fait « Saint Sans 5 ». Nous proposons d’indiquer directement « 505 », ou d’illustrer l’arrière du maillot par une 505 Peugeot.
« Hé bien… 505 turbo Diesel… On se r’fuse rien Jean-Claude ! »
15h36 : centre-tir de la droite pour Bordeaux. Pas loin du piquet, mais Launay était dessus (sur le ballon, pas sur le piquet).
15h37 : encore un hors-jeu chez les Bordelaises. Elles râlent. Bel alignement des Lilloises.
15h40 : but refusé à Sarr.
15h42 : mi-temps.
La pause est l’occasion de décortiquer notre ticket. On y lit notamment que les banderoles sont interdites, du moins si elles comportent « messages injurieux, politiques, racistes, idéologiques, philosophiques, publicitaires ». Nous avons imaginé ce que donneraient des messages philosophiques autour du terrain : franchement, ça dérangerait qui ?
16H01 : reprise.
16h07 : le début de deuxième mi-temps est aussi passionnant qu’un tweet de Sébastien Corchia. On se fait un peu chier mais y a des bons sentiments.
16h09 : coup-franc pour les Bordelaises sur le côté droit de la surface. Elles ont joué alors que Rachel Saïdi était à terre, les vilaines ! Launay capte en deux temps, et reçoit un bon coup sur le poignet gauche en prime.
16h12 : Dafeur veut jouer vite un coup-franc. À côté, Coutereels lui dit « calme ! ». Dafeur attend. Elle donne à Coutereels, qui bourrine devant. Bon.
16h16 : carton jaune pour Marine Dafeur.
16h18 : carton jaune pour une bordelaise. « L’arbitre est méchante » scandent les supporters bordelais.
16h20 : « Julie, t’es trop occupée par le ballon ! Joue la joueuse ! ». Ça venait du banc lillois.
16h21 : entrée de Silke Demeyere à la place de Paprzycki, sous les applaudissements nourris d’un spectateur qui lance « SIL-KE ! SIL-KE ! » ; ça ne prend pas mais belle tentative, saluée comme il se doit par ses amis.
16h26 : corner bordelais renvoyé de la tête par Demeyere. Frappe à 20 mètres contré par Saïdi.
16h27 : nouveau tampon sur Launay, à croire qu’elles lui en veulent d’être partie. Carton jaune.
Sortie de Saïdi et entrée de Bouchenna.
16h33 : encore une belle récupération de « Saint-Sans », sortie de sa défense : elle transmet à Lernon côté droit qui centre de l’angle gauche de la surface pour Sarr qui tend le pied aux 6 mètres : et de 3 ! Coup du chapeau pour Ouley Sarr !
16h36 : à 20 mètres, Coutereels enroule un coup-franc, sorti en corner par la gardienne grâce à une belle détente sur son côté gauche.
Sur le corner, Demeyere envoie directement dans le petit filet. Oh ça va, ça arrive.
16h39 : sortie de la triple buteuse, fort applaudie, et entrée de Charlotte « Chacha » Sailly.
16h46 : carton jaune pour Lernon.
16h48 : sortie propre et autoritaire dans des pieds bordelais d’Elisa Launay après une percée individuelle.
16h49 : fin du match. Les supporters Bordelais chantent qu’ils seront « toujours là », ce qui est un peu idiot car leurs joueuses repartent dans la foulée et ne rejoueront plus ici de la saison.
En résumé, c’était une belle première. Un match parfaitement maîtrisé et dont les temps plus faibles n’ont pas mis les Lilloises en difficulté, comme ça avait été le cas lors du dernier match amical dimanche dernier. Quand les Lilloises ont baissé le pied, notamment en début de 2e mi-temps et en toute fin de match, ça a davantage semblé résulter d’une gestion pensée du match, dont elles ont imposé le rythme. Mention spéciale pour Ouley Sarr, trois buts pour un premier match dans son nouveau club, on n’avait pas vu ça depuis euh… Pauleta, septembre 2000. En attendant des oppositions plus solides, on reste donc sur la lancée de la saison dernière : quand Sarr commence, ça recommence. Et vice-versa.
Un résumé de la rencontre proposé par le compte officiel de la D1 féminine :
FC Notes :
1 Pour parvenir à ce chiffre, nous avons fait l’opération suivante : 8 fois 11 (multiplication).
Prochains matches :
10 septembre : ASJ Soyaux Charente/LOSC
24 septembre : Paris Saint-Germain/LOSC
1er octobre : LOSC/ASPTT Albi
Les photos (hormis celle de la 505) ont été piquées sur la page facebook « event sports », qui en propose de bien belles. Elles sont réalisées par Frédéric Dewulf.
Posté le 17 août 2017 - par dbclosc
Djezon Boutoille, le LOSC incarné
Formé au LOSC à partir de 1990, Djezon Boutoille a marqué l’histoire du LOSC de ses débuts en pro en décembre 1993 jusqu’à son départ, près de 10 ans plus tard. Son attachement viscéral au Nord – quitte à passer à côté d’une carrière plus prestigieuse ? – l’a conduit à presque tout connaître avec le LOSC, des maintiens-galère à la Ligue des champions, en passant par la descente en D2, les montées ratées, les gros coups de pompe, et la renaissance avec l’arrivée de Vahid Halilhodzic, qui le promeut capitaine pour les valeurs qu’il représente.
Nos enseignants nous disent souvent que lorsqu’on commence un texte, il faut aller du général au particulier : en d’autres termes, partir d’un fait ou d’une anecdote basique qui vient illustrer le fil rouge que l’on va tenter de développer. D’accord, c’est parti. Quelque part en juillet 1999, on venait d’assister avec ma frangine à l’entraînement des joueurs du LOSC à côté du stade Grimonprez-Jooris. Une fois les joueurs rentrés au vestiaire, on se pose devant le pont du petit Paradis, sur un banc, et on fait le bilan (calmement) des autographes qu’on a eus.
Au bout de quelques minutes, une silhouette familière venant du stade traverse le pont et se dirige dans notre direction, à pied. C’est Djezon Boutoille ; ça tombe bien : on l’a loupé dans le flot des joueurs et on a des trucs à lui faire signer. Bon nous, on est toujours un peu intimidés face à un joueur de LOSC pensant que, hors cadre professionnel, on l’embête un peu, mais lui le semble encore plus quand il arrive à notre hauteur. Il est tout gentil Djezon. Il attend qu’on retrouve nos carnets, nos photos, on discute 2 minutes.
_Ah ben t’es à pied ? (question du tonnerre)
_Ouais j’habite rue Sainte-Catherine maintenant, alors bon…
_Oui c’est pas loin ! (réplique de ouf)
_De toute façon j’ai pas le permis moi.
Ah oui, c’est vrai, quand Djezon arrive en voiture à l’entraînement, c’est en tant que passager de Fred Machado. Bon, que retire-t-on de cet échange ? Que Djezon est un mec de proximité et pas très mobile (hormis sur le terrain). Allez, on peut même révéler ce que Fred Machado nous avait confié : « Djezon, il ne quittera jamais le LOSC… Il est trop attaché au Nord, à Calais, et à sa mère ! ». Et ben tant mieux pour nous, parce qu’on l’a beaucoup aimé ce petit bonhomme : disponible, fidèle, et surtout un bon footballeur. Manchester, c’est Ryan Giggs (connard) ; Rome, c’est Francesco Totti ; et Lille, évidemment, c’est Djezon Boutoille : une espèce de vestige tantôt idéalisée, tantôt presque folklorique (de nos jours, une page facebook farfelue lui rend quotidiennement hommage) d’une autre époque, que même ceux qui ne l’ont pas vu jouer connaissent de réputation. Un « Djezon Boutoille », c’est presque un type de joueur, une marque, faisant intervenir des valeurs et des caractéristiques dont les usages sont réversibles.
« Djezon » ?!?
Boutoille, prénom : Jason… Djason… Djeson… Djezon. D.J.E.Z.O.N. Un prénom à l’orthographe complètement improbable, qui suscite encore bien des sourires, sinon des moqueries. Quand on lui demande les raisons pour lesquelles sont parents l’ont appelé ainsi, il répond : « cela vient de ma mère qui aimait particulièrement une série à la télévision. Et puis j’ai aussi une grand-mère d’origine américaine1 ». D’accord, mais si tous les gens qui ont la télévision ou qui ont un ancêtre américain appelaient leur enfant Djezon, ça se saurait ; dès lors, l’explication ne suffit pas. Maman Boutoille était donc une fan fidèle d’une série télévisée dont un héros portait le prénom Jason. Souvent, on évoque Beverly Hills, où le rôle de Brandon Walsh est interprété par l’acteur américain Jason Priestley. Sauf que cette série n’a été diffusé aux Etats-Unis qu’à partir de 1990, et en France à partir de 1993. Or, Djezon Boutoille est né le 9 novembre 1975. On va donc avancer l’hypothèse suivante : la série en question est Jason King, également connue sous le nom Le Mystérieux Jason King, diffusée à partir de 1971 aux Etats-Unis2. Mais l’explication ne suffit toujours pas : de Jason à Djezon, la traduction phonétique du prénom est cocasse. Que la déclaration orthographique à l’état-civil résulte d’une méconnaissance de l’écriture du prénom Jason ou d’un acte délibéré, on peut dire que ce prénom porte les marques des origines sociales de la famille Boutoille. Un prénom tellement surprenant que la Voix du Nord s’y perdra longtemps, comme nous allons l’illustrer.
Du Beau-Marais à Grimonprez-Jooris
Et ces origines, il faut aller les chercher du côté du quartier du Beau-Marais, à Calais. Un quartier étiqueté « ZUP », caractérisé par de grands ensembles de tours HLM, encore considéré par l’INSEE comme le quartier le plus pauvre du Pas-de-Calais en 2015. C’est à deux pas de là, dans le quartier des Cailloux, qu’il tape dans ses premiers ballons : « on était une bande de gamins à jouer au foot, au pied des immeubles. C’est comme ça que j’ai été remarqué par l’Amicale Balzac de Calais. J’ai fait 5 ans au CRUFC et à l’époque, j’avais été sollicité par Lille, mais aussi par Lens, Valenciennes et Dunkerque. Les dirigeants lillois furent les plus convaincants » . En l’occurrence, c’est à Bernard Gardon, directeur sportif, que l’on doit la venue à Lille de ce petit et vif attaquant, dont les qualités sautent aux yeux : rapidité, capacité à dribbler l’adversaire et à s’engouffrer dans de petits espaces.
Djezon Boutoille intègre le centre de formation lillois en 1990 : il a 14 ans et est alors catégorisé en Cadets. Rapidement, ses qualités l’amènent à être appelé en sélection : dès les Cadets 2 (équivalent d’une catégorie entre les U15 et U17 d’aujourd’hui), les portes de l’équipe de France s’ouvrent à lui. En cadets puis en Juniors (U18/U19), il y est entraîné notamment par par Jean François Jodar. Au total, une trentaine de matches en bleu pour une dizaine de buts. Il débute avec la réserve en octobre 1992, contre le PSG, sa seule apparition cette année là. À l’entame de la saison 1993/1994, il en est partie intégrante, en nationale 2. Il est désormais stagiaire 3e année. Si tout va bien, il signera professionnel au début de la saison suivante. En octobre, il inscrit son premier but en senior avec Lille, contre Strasbourg ; 4 buts plus tard, logiquement, Djezon frappe à la porte du groupe professionnel, 2 mois seulement après avoir acquis un statut de titulaire avec la réserve : on a parlé de cette période ici.
Il est désormais en équipe de France des moins de 20 ans : la victoire contre le Danemark en novembre 1993 (2-0) coïncide avec ses premiers pas à l’entraînement avec le groupe pro du LOSC. Il est pour la première fois convoqué par Pierre Mankowski pour le match contre Lyon, le 20 novembre 1993, quelques jours après avoir fêté ses 18 ans. Lille s’impose 2-1, mais Djezon n’entre pas en jeu. Rebelote la semaine suivante à Auxerre : il regarde depuis le banc la déroute lilloise (0-5) : ce n’était probablement pas le meilleur scénario pour lancer un petit jeune. Début décembre, il sort du groupe le temps de deux matches, contre Paris (0-2) puis à Lens (1-1). Il reste un match avant la trêve: l’AS Cannes de Luis Fernandez se présente à Grimonprez-Jooris, et Djezon retrouve le groupe professionnel.
À la 37e minute, Clément Garcia se claque. Le score est toujours de 0-0. Surprise, c’est Djezon Boutoille qui entre, et qui fait donc ses débuts en première division. Surprise car c’est un autre jeune du centre de formation, Antoine Sibierski, qui a pris l’habitude, depuis quelques mois, d’être le bénéficiaire du premier changement offensif de l’équipe lilloise. Cette fois, Sibierski reste sur le banc. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la première de Djezon est réussie : à la 75e minute, pendant qu’entretemps Sibierski est aussi entré, Thierry Bonalair le sollicite pour un une-deux : sa remise est parfaite, et le capitaine lillois ouvre le score d’une frappe à ras de terre à l’entrée de la surface de réparation. Dans la foulée, il est contré au dernier par le portier cannois, Michel Dussuyer. Le LOSC s’impose 1-0. Le lendemain, la Voix du Nord salue la performance dans sa rubrique « on a aimé », décliné en 5 catégories ; à « beaucoup », on peut lire : « la première apparition de Djason Boutoille en équipe première. Il fut souvent dans les bons coups, manquant même de peu d’inscrire son premier but en Division 1 »3.
La formation, l’une des rares satisfactions du LOSC
En ces temps assez moroses à Grimonprez-Jooris, où le spectacle est rare et les entraîneurs nombreux, une seule éclaircie : la formation. Même si Djezon est resté 15 ans à Calais, le LOSC parvient à sortir des joueurs qui, peu à peu, apparaissent en D1 : Oumar Dieng, Fabien Leclercq, Antoine Sibierski, Frédéric Dindeleux, Cédric Carrez (ces trois derniers constituent la « génération 1974 »). Djezon est le plus jeune de tous, mais il est précoce : il commence en D1 deux mois après Fred Dindeleux, avant Cédric Carrez, et bien avant Frédéric Machado, avec qui il n’a que 2 jours d’écart. En matière de jeunes, le LOSC fait de nécessité vertu : en raison des problèmes financiers que le président Lecomte résorbera progressivement, le club vit durant plusieurs saisons avec une masse salariale encadrée et un recrutement limité. Solution possible : puiser dans la réserve et lancer les petits.
Cédric Carrez, Frédéric Dindeleux, Fabien Leclercq, et Antoine Sibierski : rares fiertés d’un club qui survit
De fréquentes apparitions, mais un manque de réussite
Au cours de cette saison 1993/1994, Djezon prend part à 8 autres rencontres, et Mankowski n’hésite pas à faire appel à lui quand le LOSC est mené – le lecteur attentif aura relevé qu’à cette époque, de toute façon, le LOSC menait rarement. Il connaît sa première titularisation en D1 lors de la 31e journée : un Lille/Strasbourg, le 26 mars 1994. Il sort à 5 minutes de la fin, alors que le score final est acquis (1-1). Une semaine après, l’entraîneur lui renouvelle sa confiance, et Lille gagne à Montpellier (3-1). Autre date importante : le 26 avril 1994. Ce jour-là, Djezon Boutoille joue son premier match entier en D1, contre Metz (0-4). Pour sa première saison, Djezon apparaît donc 9 fois, dont 5 fois en tant que titulaire ; des apparitions prometteuses, même si on le sent encore fragile. Cet apprentissage du haut niveau se poursuit durant la saison 1994-1995 avec Jean Fernandez : il apparaît 10 fois avant la trêve, mais seulement 2 fois en tant que titulaire. Et on le voit plus à partir de janvier : il ne réapparaît que pour un match, lors de la 35e journée, à Saint-Étienne : il entre en jeu à la 57e alors que Lille est mené 0-2 ; à l’arrivée, le score est de 3-3 : considérons qu’il y est pour quelque chose. Mais tout de même : après 20 apparitions en D1, Djezon n’a toujours pas marqué… Certes, on est à Lille, et Lille marque peu. Mais c’est embêtant pour un attaquant, car il a des occasions, mais ne les transforme pas. Autant sa combativité, sa rapidité, et sa manière de dribbler sont louées, autant son manque d’efficacité commence à occasionner une petite réputation de vendangeur. À tel point que Fernandez envisage de le prêter la saison suivante.
1995-1996 : la révélation
Les circonstances du début de saison vont favoriser l’éclosion de Boutoille : on en avait parlé, ce nouvel exercice commence de manière bien merdique : un mercato approximatif et 2 points au bout de 9 journées. Le départ de Fernandez, les insuffisances de Pingel, et les entrées en jeu dynamiques de Djezon incitent Jean-Michel Cavalli, pour son premier match à la tête du LOSC, à le titulariser contre Nantes, le champion en titre, lors de la 6e journée. Le matin du match, même la Voix du Nord espérait cette titularisation, avec un article insistant sur ses prestations bien meilleures que celles du Danois. À l’arrivée, devant les caméras de Canal +, un satisfaisant 0-0, et la promesse d’un temps de jeu meilleur pour les jeunes avec Jean-Michel Cavalli : Denquin est entré en jeu, puis Boutoille a été remplacé par Machado. « C’est vrai que j’attendais ce moment depuis un certain temps. Je m’étais fixé 3 ou 4 matches pour gagner ma place dans le onze de départ. Bon, l’échéance a été retardée. Mais ce soir, je suis vraiment satisfait (…) C’est super de voir que le coach n’a pas hésité à aligner plusieurs jeunes en même temps. C’était à nous de prouver qu’il n’avait pas tort. Je crois qu’on s’en est plutôt bien sorti ». Cette fois, la carrière de Boutoille au haut niveau est lancée : il est régulièrement titularisé à domicile. Mais il ne marque toujours pas. Début septembre, dans le derby, alors que Lille mène pour la 1e fois de la saison (il aura fallu attendre 8 journées !), il manque une balle de 2-0, seul face à Gugusse Warmuz, en tirant à côté. Deux semaines plus tard, même s’il est le principal contributeur de la première victoire de la saison contre Le Havre (2-0), il manque encore d’adresse devant le but, et se heurte à un grand Revault. A chaque occasion manquée, Djezon arrache un bout de pelouse.
Le déclic à Auxerre
Le LOSC n’est plus lanterne rouge, grâce à un net regain de qualité de jeu à partir de septembre. Après un nul pas cher payé contre le leader messin (0-0) alors que « Lille méritait la victoire » (dixit Joël Muller), Lille se rend à Auxerre, où il ne s’est pas imposé depuis 13 ans. Auxerre vient de perdre à Paris : ça risque d’être d’autant plus compliqué. Dès la 2e minute, Tasfaout (l’ami de Fernando) reprend victorieusement un corner de Martins : 1-0, ça commence bien. Mais Lille joue bien et se montre dangereux. À la 51e minute, Boutoille remplace Simba. 20 minutes après, le LOSC a renversé la vapeur grâce à… un doublé de Boutoille. Ses deux premiers buts en D1, identiques : remontée de balle, petit crochet du droit, frappe du coup de pied à ras de terre aux 18 mètres, sur la droite et dans le petit filet de Cool. À la surprise générale, Lille revient d’Auxerre, futur champion, avec 3 points.
Le lendemain du match, dans la Voix du Nord du 28 octobre 1995, on alterne entre « Djazon » et « Djezon » : net progrès. « Marquer comme ça mes deux premiers buts en D1… On m’a dit que je ne tentais pas assez, eh bien ce soir j’ai tenté. Et la réussite a été totale. Pour une fois, la chance est avec Lille, on ne va plus la laisser passer. Je suis d’autant plus content d’avoir marqué mes deux premiers buts en D1 que cette victoire est importante pour le club. Tous nos adversaires directs, en effet, ont pris des points. Martigues a gagné, Gueugnon et Cannes ont fait match nul… Nous devons nous concentrer sur notre prochaine rencontre contre Martigues qui sera un match à 6 points ». Commentaire du journaliste : « Belle réaction d’un gamin pourtant soudainement mis sous les feux des projecteurs ! » .
28 octobre 1995 : « Djazon »
« C’est d’autant plus important pour moi que j’avais la réputation de ne pas conclure. En effet, face au but ou au gardien, j’ai souvent peiné dans le dernier geste. Là, Monsieur Cavalli, même s’il estime que je suis encore un peu jeune et qu’il ne faut pas me « brûler » tout de suite comme titulaire, m’a fait rentrer très vite pour apporter de la tonicité à l’attaque. Mes dribbles pouvaient déstabiliser les défenseurs. Je ne me suis pas posé de questions. Le premier but m’a mis en confiance. J’y ai repensé dans les instants qui suivirent. Juste le temps de redescendre de mon nuage, et lorsque je me suis retrouvé seul aux 18 mètres, dans des circonstances encore plus favorables, je n’ai pas hésité ».
29 octobre 1995 : ça y est !
La VDN relate également un extrait du bulletin de l’AJA, rédigé par Serge Mésonès devenu journaliste, intitulé Bien peser le renouveau lillois : « Les Dogues, qui ont la réputation de développer des caractéristiques très britanniques semblent avoir oublié leur entame catastrophique. Qui pourrait ignorer que Collot, Simba, Sibierski, Friis-Hansen, Becanovic et compagnie peuvent constituer un mélange détonant ? » écrit Mésonès. Pleine de facétie, la VDN ajoute : « il ne croyait pas si bien dire. Fallait juste rajouter Boutoille ». Nul doute que, désormais buteur, Djezon est presque incontournable, d’autant que Simba et Becanovic marquent peu. Pardon, ne marquent pas. Le voilà désormais régulièrement titulaire, avec Sibierski pour modèle : « pour nous tous, Antoine est un peu l’exemple à suivre. J’aimerais marcher sur ses traces » ; sa pointure de pied étant plus petite, ça devrait le faire. Au cours de cette saison, il participe à 35 matches, dont 18 comme titulaire, pour un total de 5 buts : une égalisation à Lyon à la dernière seconde (1-1), un but contre Sainté (1-1), puis contre Gueugnon (2-0). Le maintien est acquis de haute lutte, et Boutoille peut légitimement prétendre à une place de titulaire pour la saison suivante.
La descente, mais fidèle au club
Djezon Boutoille est désormais régulièrement appelé en équipe de France Espoirs, entraînée par Raymond Domenech. Il y côtoie, pêle-mêle, Mickaël Landreau, Valérien Ismaël, Ludovic Giuly, Patrick Vieira, Thierry Henry, Robert Pirès ou Sylvain Wiltord. « Je le crois capable d’exploser cette saison » déclare Jean-Michel Cavalli dans L’équipe à l’aube de la nouvelle saison. Apparait, pour quelques années, une banderole « Fan-club Djezon Boutoille » en Secondes. On en a parlé, cette saison 1996/1997 se découpe en 1/3 inespéré puis en 2/3 désespérants. Jusqu’à la fin de l’automne, l’attaque tourne très bien, avec Bécanovic, Banjac, Garcion, Collot, Renou et Boutoille. Sur ses 9 premiers matches joués, Djezon inscrit déjà 4 buts, dont deux permettant des victoires 1-0 (contre Caen et à Cannes). Ce seront malheureusement les seuls de sa saison. Parfois gêné par des blessures, comme ses équipiers, il s’efface dans la seconde partie de saison, même si ses qualités de déstabilisateur de défense perdurent. Logiquement sollicité pour rester en D1, il décline toutes les offres, presque comme s’il était incongru qu’on le sollicite pour jouer ailleurs qu’à Lille.
But de Djezon Boutoille contre Caen, 2 octobre 1996. Juste après, il se fait une belle entorse et manque quelques matches.
En D2, Djezon Boutoille est l’un des rares à être resté 3 ans, sans que sa côte ne soit atteinte ou que son statut ne soit remis en cause par un entraîneur. Dans le même cas, on trouve Patrick Collot, Laurent Peyrelade et Carl Tourenne, puisque même Pascal Cygan n’a pas eu les faveurs de Thierry Froger. Il inscrit successivement 10, 4 et 12 buts durant ces 3 années, avec un minimum de 30 matches joués par saison. Et Djezon est l’unique buteur de la finale du challenge Emile-Olivier durant deux années consécutives, contre Lens et 1997, et Boulogne-sur-mer en 1998. On en a parlé dans cet article et dans celui-là. Mais en D2, il y eut des hauts et des bas.
Beauvais, toucher le fond pour rebondir
Sur la première saison en D2, en 1997/1998, Djezon confirme tout le bien que l’on pense de lui, du moins sur le terrain : 10 buts, des performances bonnes et régulières, la confiance du coach. Il marque de la tête lors du dernier match de la saison contre Sainté (2-1), insuffisant pour remonter. En 1998-1999, on le saura a posteriori, ça ne va pas fort pour Djezon en début de saison. Il n’est titularisé que 2 fois sur les 5 premiers matches de la saison, l’ambiance au sein du club et du groupe lui donnent des envies d’ailleurs. Il envisage de retourner à Calais. Le début de saison est catastrophique : Lille ne compte que 5 points en 5 matches, un rythme bien trop lent pour atteindre l’objectif de montée. Surtout, le jeu est déplorable. Lille marque peu, et Djezon erre sur le terrain. Lors de la 6e journée, le LOSC se déplace à Beauvais, dernier avec 2 points. Thierry Froger joue sa tête, et on peut dire qu’elle tombe sur un coup de main de Boutoille : sur un corner beauvaisien, le ballon va entrer dans la cage de Wimbée. D’un geste désespéré, Djezon repousse le ballon de la main sur la ligne de but. Il est expulsé. Bruno Roux, père de Nolan, transforme le pénalty et Lille ne reviendra pas. Thierry Froger est viré, le LOSC est au plus bas, Djezon est au plus bas. Quand Vahid Halilhodzic débarque à Lille, il met sérieusement en garde son joueur quant à son régime alimentaire. On vous fait part de la rumeur persistante de l’époque : Djezon adore se faire régulièrement des pâtes au Nutella. Une spécialité calaisienne méconnue, sans doute. L’entraîneur explique dans Libé : « il avait pris de mauvaises habitudes. Quand je suis arrivé au club, il avait cinq ou six kilos de trop. Vous imaginez, sur un petit gabarit (1,70 m) comme ça ? À l’époque, Djezon était dans une situation sportive désastreuse. Un miroir de tout le vestiaire, d’ailleurs. Les gars n’avaient plus d’ambition, ni même de conscience professionnelle ». Dans France football du 2 mars 2001, Vahid déclare : « Chaque joueur a une histoire, la sienne est exemplaire. Il revient de loin, de très loin même ! À mon arrivée, j’ai senti que j’avais en face de moi un talent gâché, un peu comme Cygan. J’avais tout de suite remarqué qu’il présentait un petit estomac au-dessus de la ceinture pas trop compatible avec le haut niveau (…) C’est un gars très sensible qui a compris les efforts à fournir pour revenir. Mais il lui arrive de se fâcher assez fréquemment. Une fois, il est même rentré chez lui sans prévenir. Le lendemain, je l’ai prévenu : « Si tu recommences, c’est fini pour toi ici ! » Heureusement il est toujours avec nous ». Il se reprend, même s’il réalise une saison un peu en dessous en termes d’efficacité. Mais un beau but contre Laval :
Et un retour à Calais, en coupe de France, où Djezon se rappelle au bon souvenir de sa ville natale :
« J’entendais : ‘tu vas pas nous faire ça ???’ Bon ben je l’ai fait ». Rien à foutre le Djez’.
Capitaine de la remontée
Et Djezon a à ce point remonté la pente qu’il est nommé capitaine au début de la saison 1999/2000. On est désormais loin du joueur un peu frêle et timide : désormais, il est un leader qui l’ouvre. La vidéo ci-dessous, en début de saison, illustre bien ce qu’il est devenu. Sa nomination comme capitaine n’a d’ailleurs pas été sans poser de questions. Patrick Collot indique : « il était aimé, mais n’avait pas forcément la carrure. C’était pour ses qualités humaines : simplicité, altruisme, fidélité. Des vertus rares dans le monde du football ».

Capitaine d’une formidable équipe, Djezon Boutoille réalise probablement sa meilleure saison : outre le fait qu’il termine meilleur buteur du club (12 buts), ses nouvelles responsabilités le mettent en avant et il s’en sort très bien, notamment devant les médias, et toujours prompt à mettre en avant des valeurs collectives. A l’issue de la saison, il prolonge son contrat de 4 ans. Un beau but contre Lorient ? D’accord :
Même si Vahid pointe un sérieux problème chez Djezon dans la vidéo ci-dessous (« il ne paye jamais le champagne »), sa saison est remarquable, avec en point d’orgue le match qui officialise la montée contre Valence, où il inscrit un doublé et, probablement, son plus beau but sous le maillot lillois, d’un extérieur du pied droit dans le petit filet opposé (en concurrence avec un but qu’il a inscrit à Niort, grand pont puis lob sur le gardien pour une victoire 3-0). Voici le résumé du match, avec les commentaires de Vahid, Djezon et Laurent Peyrelade ; et aussi un résumé de la saison.
Regardez comme il est timide mignon choupi quand il parle et quand Lolo l’embête
Le but contre Guingamp sur Fréquence Nord ? D’accord !
Retour en D1
Plus de 3 ans après son dernier match en D1 (c’était à Lyon, le 3 mai 1997), Djezon Boutoille est titulaire et capitaine pour la réception de Monaco le 29 juillet 2000. Manifestement très en jambes, il apporte régulièrement le danger sur les buts du champion de France, et offre une passe décisive à Bruno Cheyrou.
Sur la confiance qui lui est renouvelée en tant que capitaine, Djezon déclare modestement : « après tout ce que le club m’a apporté, je suis en train de lui rendre un petit peu ». On ne peut pas dire qu’il soit un leader technique, mais son style de jeu et sa pugnacité collent parfaitement à ce LOSC façonné par Halilhodzic : une combativité et un état d’esprit irréprochables. Pas de doute, Djezon Boutoille est le LOSC : « j’ai conscience d’incarner ce club. Et aujourd’hui, j’en suis fier ». Dans un documentaire que France 3 avait consacré à Vahid, Djezon déclarait : « quand Vahid est arrivé, il a dit une phrase qui m’a marqué et qu’il répète souvent : ‘on a le droit d’être mauvais, mais on n’a pas le droit de ne pas se bouger’ ». Et pour illustrer ce propos, on se rappelle son pressing sur le gardien de Sainté à Geoffroy-Guichard : une action a priori anodine, mais qui a mis en difficulté le gardien ukrainien qui dégage en plein sur la tête de Beck, qui marque ; mieux, le derby à Lens en février 2001 : alors que le ballon semble perdu sur une ouverture approximative de Sylvain N’Diaye, Djezon se bat, récupère la balle dans les pieds de Pierre-Fanfan, et trouve Rool aux 6 mètres qui reprend victorieusement. Une agressivité *D’Amico style* mise en exergue par Olivier Rouyer :
Après le match, il faut se rendre à l’évidence : le LOSC est parti pour jouer l’Europe. Mais loin de s’emballer, Djezon a un mot pour les supporters : « sur le long terme, je ne sais pas si on peut rivaliser avec des équipes comme Lyon. On va se réunir pour faire le point, savourer ces bons moments. Ce soir, je suis vraiment heureux, notamment pour tous ces gens qui nous ont suivis ici et qui vont se lever heureux demain matin pour aller travailler ». Malheureusement, handicapé par une blessure, Djezon ne sera pas du sprint final : il joue son dernier match de la saison 3 jours après contre Nantes. Un problème récurrent qui le suivra jusqu’à la fin de sa carrière.
Encore quelques belles apparitions, mais des blessures récurrentes
La dernière saison du LOSC avec Vahid Halilhodzic a sa tête (2001-2002) est plus laborieuse pour Djezon mais, quand il joue, il conserve le brassard. Il joue 3-4 matches, puis en manque 5… Il participe tout de même à la qualification contre Parme, en étant titulaire au match retour à la place de Bassir, puis prend part à 3 matches de poule en Ligue des champions : il manque même de tromper Fabien Barthez à deux reprises à Old Trafford. Reprenant un centre-tir de Bakari sur la transversale, il force Barthez à s’interposer ; puis, dans les arrêts de jeu, il ne lui manque qu’un pointure pour reprendre un centre de Johnny Ecker et égaliser. Il est titulaire au retour à Bollaert. En Europa League, il ne joue qu’à Florence et à Dortmund, entrant en jeu à chaque fois. Et en championnat, il ne prend part qu’à 15 matches : le temps tout de même d’offrir une passe décisive en fin de match à Dagui Bakari, à Lens (1-1), 4 jours après le retour contre Parme ; Djezon inscrit son dernier but en D1 en janvier 2002 contre Bordeaux, d’une tête lobée en dehors de la surface de réparation, probablement le but lillois de la tête le plus lointain de l’histoire (encore plus loin que la tête de Lolo Peyrelade), à une vingtaine de mètres. Pour célébrer son but, Djezon exhibe le maillot de Christophe Pignol, convalescent.

La version audio, pour nos ami malvoyants
Effacement progressif avec Claude Puel
Quand Claude Puel s’installe sur le banc lillois, il semble faire confiance à Djezon, titulaire en début de saison. C’est même lui qui inscrit le premier but lillois de la saison, en coupe Intertoto, à Bistrita. Son dernier but avec le LOSC. Par la suite, toujours diminué par des blessures, Djezon ne joue que des bouts de matches : seulement 16 apparitions en 2002/2003, dont 11 comme titulaire. Difficile dans ces conditions de garder le brassard, qui revient le plus souvent à Grégory Wimbée. La saison suivante n’est guère meilleure : souvent blessé, il joue 9 matches, dont seulement 4 comme titulaire. Puel ne s’oppose pas au départ d’un de ceux qui a symbolisé les années Vahid, un bien lourd héritage à assumer. Deux ans auparavant, Djezon s’interrogeait : « Partir? Il faut réfléchir énormément. Je sais que j’aurais du mal à m’exprimer dans un environnement qui ne me convient pas, je ne me vois pas évoluer dans un club ou les gens ne se disent pas bonjour le matin et où l’on parle dix langues différentes dans les vestiaires ». Il est désormais temps d’envisager sérieusement un départ : seulement 336 minutes jouées en une demi-saison, c’est bien trop peu. La confiance avec Puel n’est plus là, les blessures réduisent Djezon à un rôle de figuration, et sans doute n’a-t-il plus son niveau d’antan. Son contrat est résilié lors de la trêve hivernale, et Djezon s’engage libre à Amiens, en Ligue 2, sous les ordres de Denis Troch, qui n’achète jamais, comme son nom l’indique.
Djezon participe à une fin de saison correcte des amiénois, jouant régulièrement et marquant 2 fois. La saison suivante est de nouveau en dents de scie : tandis que Lille retrouve les sommets, Djezon disparaît de la circulation en janvier 2005, trop gêné par des blessures qui se répercutent sur ses performances. Djezon joue son dernier match professionnel à Grenoble : il a alors pour coéquipiers Mickaël Debève et Cyrille Magnier : affreux ; mais aussi un ancien de Lille, avec qui il a même joué en D1 : Jean-Marie Stéphanopoli.
Retour à Calais
Au printemps 2005, un an et demi après son arrivée à Amiens, Djezon, sur la pente descendante retourne à Calais (et ce alors qu’il faut plutôt remonter du coup). C’est la fin d’une carrière professionnelle bien remplie. Conformément à ce qu’il a toujours annoncé, il est retourné à Calais, proche de sa famille et de ses origines : « pour moi les choses ont toujours été claires : ma priorité était un retour au CRUFC, mon club de toujours » : lui au moins met en actes ses paroles, pendant que les Marseillais attendent toujours un retour de Didier Drogba. Djezon joue encore 82 matches de championnat avec Calais, et inscrit 19 buts en 4 ans. Avec son concours, le CRUFC retrouve le championnat de 3e division en 2007. Sa dernière saison, en 2008-2009, est compliquée : il termine l’année comme entraîneur-joueur après le départ de Sylvain Jore mais ne peut empêcher la relégation sportive, doublée d’une relégation administrative : le club se retrouve en CFA2, mais Djezon garde les rênes de l’équipe première. Il termine même deux fois successivement 1er de son groupe de CFA2 (en 2010 et 2011), mais la montée est administrativement refusée. Le club remonte finalement en 2014. Après des saisons contrastées et des moments difficiles où Djezon a failli jeter l’éponge (notamment après l’historique défaite 1-8 face à Sannois en octobre 2016), le club est redescendu en 2017, et repartira finalement en Régional 4. Avec, toujours, Djezon à sa tête, un peu plus barbu, un peu plus enveloppé : « ma vie est inscrite à Calais. Même si le Barça m’invitait à signer chez lui, je resterai ici ».
« J’adore cette photo »
En 2014, on l’a vu s’investir politiquement sur la liste municipale Ensemble pour réussir Calais. Il déclamait à cette occasion un discours pas tellement lointain de ce qu’il a défendu en tant que footballeur, comme s’il se plaisait plutôt dans l’adversité et la mobilisation de valeurs collectives sur son territoire : « j’ai vraiment une passion pour Calais et j’ai retrouvé dans le discours du député socialiste les valeurs que je veux défendre. Je suis confronté au quotidien aux difficultés que rencontrent les Calaisiens et je veux m’investir pour eux. Je suis un garçon du Beau-Marais, auquel je reste profondément attaché. Mes parents, frères et sœurs y vivent. Au quotidien, je vois leurs difficultés, leurs fins de mois difficiles. Mon frère ne trouve pas d’emploi et Dieu sait qu’il cherche. Ils ont plein de voisins qui sont dans la même situation et je veux les aider dans le domaine du possible ».
Boutoille, t’as régné
Avec Patrick Collot et Pascal Cygan4, Djezon Boutoille est le seul à avoir connu deux fois la D1 avec le LOSC, avant 1997 puis à partir de 2000, confondant son parcours, ses hauts et ses bas, avec celui du club. Du quartier de Beau-Marais à la Ligue des Champions, il a illustré la réussite d’un parcours sportif encore classique dans les années 1990 : un petit gars de la région que le LOSC a pris sous son aile, et qui a fait la quasi-totalité de sa carrière professionnelle à Lille, une trajectoire qui devrait se raréfier, et qui rappelle à quel point Djezon et sa bande font déjà partie d’une autre ère. L’ère de ceux qui ont posé la première pierre de l’édifice que l’on regarde évoluer tous les week-ends. L’ère des joueurs de clubs valeureux, parfois besogneux, mais dont on se souvient avec une infinie reconnaissance.
Bonus track : les stats de Djezon Boutoille en championnat avec le LOSC :
Et on peut ajouter à ces chiffres les buts suivants :
2 buts en coupe de France (contre Lyon en 1997, à Boulogne en 98, voir la vidéo au-dessus)
2 buts en coupe de la ligue (à Toulon en 1996, contre Caen en 1997)
1 but en Intertoto (Bistrita en 2002)
FC Notes :
1 Sauf indication contraire, les propos de joueurs sont issus d’articles de la Voix du Nord ou de la Voix des Sports.
2 C’est une série qui ne contient que 26 épisodes… Assez pour donner le nom du héros à son fils ? Si vous en savez plus, dîtes-nous, on rectifiera !
3 Au passage, à « pas du tout » : « l’effectif cannois, qu’on pensait plus valeureux. L’euphorie du début de saison semble s’être estompée ». Bim.
4 Et Christophe Landrin, mais qui n’a joué que 2 matches en 1996-1997.
Posté le 5 août 2017 - par dbclosc
Lillois, bourgeois et consommateurs, Lensois, prolétaires et passionnés. Retour sur les mythes des supportérismes différenciés en Nord-Pas-de-Calais.
Encore aujourd’hui, on entend encore parler du RC Lens comme possédant le « meilleur public de France ». A l’appui de cette thèse, le constat que, même en L2, le club du bassin minier accueillait encore 28 896 spectateurs par match, soit presque autant qu’à Lille (29 487) qui s’est pourtant récemment habitué à lutter chaque saison pour une qualification européenne. Un tel écart entre les « raisons objectives » d’aller au stade et le constat d’une similitude des affluences amène alors presque invariablement à la même interprétation : c’est parce que le public lensois est d’une particulière fidélité à ses couleurs, à l’opposé de Lille, la bourgeoise « consommatrice » de football.
Précisons-le d’emblée, pour considérer qu’il faudrait davantage d’abnégation pour aller voir jouer un Racing luttant pour la montée en L1 que pour aller voir jouer le LOSC la saison dernière, il faut sans doute n’avoir rien vu du spectacle proposé alors par les Dogues. En outre, l’incertitude étant un puissant aiguillon à aller au stade, le championnat de L2 de l’an dernier, particulièrement serré, était beaucoup plus incitatif pour les supporters lensois que pour ceux de Lille pour lesquels l’incertitude s’est pour l’essentiel limitée à la détermination de classement final, relégation comme ambitions européennes apparaissant rapidement irréalistes.
Ceci étant dit, le mythe du « meilleur public de France » pour Lens ne repose pas sur le vide absolu et, en contraste, Lille, qui dispose pourtant d’un bassin de population supérieur a pu paraître bien peu passionnée pour le football au regard des affluences constatées depuis la remontée de 1979.
Graphique 1 : nombre moyen de spectateurs par match à Lille et à Lens (1978-2017)
Sur ce graphique, on observe bien une différence flagrante d’affluences entre Lille et Lens, culminant jusqu’à un rapport de 1 à 4 au cours de la saison 1998/1999. Le discours associant Lens à la passion de ses supporters prend d’ailleurs une importance particulièrement forte à la fin des années 1990, quand ses affluences atteignent ses niveaux les plus élevés quand, à Lille, celles-ci ont globalement stagné en dessous des 10 .000 spectateurs par match depuis le début des années 1980.
De même, la bascule entre Lens et Lille au niveau des affluences apparaît arriver bien tardivement puisqu’il faut attendre 2013 pour que les affluences lilloises dépassent celles de Lens : même l’année du doublé, en 2011, les affluences lilloises sont très loin de celles du voisin lensois qui terminait pourtant le championnat à la 19ème place. Nous y reviendrons ensuite longuement, les causes qui expliquent cela sont pourtant loin de se limiter à une passion supérieure de la part des Artésiens par rapport aux Lillois.
Deuxième trait caractéristique du public lensois qui est véhiculé dans les discours publics, ce supportérisme s’ancre dans une tradition ouvrière, c’est-à-dire qu’il se distingue à la fois par son ancrage populaire et par le fait qu’il s’inscrit dans un héritage de long terme.
A Lens, un supportérisme ouvrier encadré et encouragé par la bourgeoisie locale
Afin de se prononcer sur cet héritage spécifique, il est alors opportun de comparer les affluences de Lens et de Lille en remontant plus longtemps en arrière, c’est-à-dire en remontant jusqu’en 1947/1948, saison la plus ancienne sur laquelle nous avons pu obtenir des données.
Graphique 2 : nombre moyen de spectateurs par match à Lille et à Lens (1947-1978)
Ces données sont intéressantes en ce qu’elles nous montrent que la supériorité lensoise en matière d’affluences n’est pas « ancestrale » puisque les clubs des deux villes connaissent en réalité des affluences extrêmement proches jusqu’aux années 1970, Lens prenant l’ascendant à partir de 1974. On pourrait être tentés d’objecter que c’est la supériorité des résultats lillois au sortir de la guerre qui lui permet de concurrencer son voisin lensois en matière d’affluences, mais l’explication ne tiendrait au mieux que jusqu’en 1956, année de la première descente lilloise. On constate en effet que, après cette date et jusqu’aux années 1970, les affluences des deux clubs sont extrêmement proches alors même que c’est le RC Lens qui prend alors l’ascendant en termes de performances sportives, ceci étant particulièrement vrai jusqu’en 1964. Si les résultats constituent un avantage, on devrait alors plutôt conclure que ce sont alors les Lillois qui se montraient alors les plus passionnés.
En réalité, en croisant différents facteurs d’explication, on arrive assez bien à recontextualiser les différentes évolutions constatées dans les affluences de Lille et de Lens. A ce titre, il faut souligner que si le RC Lens bénéficie de la réputation d’être un club « ouvrier », ce qui est vrai à certains égards, il a été à l’origine crée à l’initiative de riches industriels des houilles du Pas-de-Calais qui s’en sont servis dans l’optique d’ « encadrer » les populations ouvrières. Historiquement, cet encadrement du club par cette haute-bourgeoisie industrielle perdure longtemps et explique la manière dont se structure le supportérisme lensois. Ainsi, suivant une logique paternaliste, les industriels voient d’un bon œil le développement du football et ils l’encouragent largement. Par exemple, après la seconde guerre mondiale, ils financent notamment le transport des ouvriers vers le stade, ce qui favorise nécessairement de fortes affluences.
A l’inverse, les dirigeants lillois n’ont alors pas de véritable stratégie d’association avec les sections de supporters, si bien que leur venue au stade est davantage tributaire d’eux-mêmes qu’à Lens. De plus, il faut également souligner que si aujourd’hui résidents roubaisiens et tourquennois ont toutes les chances de s’identifier au LOSC s’ils sont amateurs de football, cela n’était pas le cas à l’époque : le CO Roubaix-Tourcoing est en effet alors un réel concurrent au LOSC, limitant de fait le réservoir potentiel de ses supporters : jusqu’en 1955, ce sont environ 8 000 spectateurs en moyenne qui assistent aux match du CO Roubaix-Tourcoing, soit autant qui ne peuvent assister à ceux du LOSC quand ces deux équipes jouent au même moment. Dans ce contexte, le fait que Lille ait alors un public supérieur en nombre à celui du RC Lens reflète certes l’excellence de ses résultats d’alors mais traduit également son fort ancrage populaire.
Le LOSC champion de France 1953/1954
Si par la suite les courbes des affluences des publics lensois et lillois suivent des évolutions très voisines, ça n’est pourtant pas pour les mêmes raisons. Ainsi, quand arrivent les années 1960, l’industrie charbonnière entre en crise ce qui amène les industriels à moins investir dans le football, ce qui explique alors le déclin des affluences à Lens au cours des années 1960 en dépit de la stabilité des performances de l’équipe. A Lille, le supportérisme ayant été moins structuré par les élites dirigeantes, il en est également moins dépendant. Si Henri-Jooris voit également ses travées se dépeupler dans des proportions analogues à ce qu’on observe chez le voisin, la raison est différente : ici, c’est le déclin sportif qui est essentiellement en cause : Henri-Jooris accueille ainsi environ 12 000 spectateurs par match pendant sa période de gloire, puis environ 8 000 dans les années 1960, quand le club oscille entre D2 et lutte pour le maintien en D1.
L’éphémère et concomitant abandon du statut professionnel à Lens et à Lille en 1969 engendre un fort désinvestissement des supporters. Les deux ogres historiques du foot régional disputent alors leurs rencontres devant 1 200 spectateurs par match. A Lille, le public n’attendait pourtant vraisemblablement que le retour du professionnalisme pour revenir au stade : ils sont ainsi plus de 7 000 par match à venir encourager le LOSC en D2 la saison suivante, puis 10 000 pour leur retour en D1 en 1971/1972, et encore plus de 8 000 les deux saisons suivantes, à nouveau dans l’antichambre de l’élite.
Un volontarisme politique plus fort à Lens
A Lens, l’histoire est différente. Également de retour en D2 en 1970/1971, comme le voisin lillois, le public ne revient que modérément au stade, puisqu’ils sont 2 850 en moyenne cette saison-là, puis 3 200 la saison suivante. Pour autant, l’abandon des travées de Bollaert ne sera que de courte durée. Sous l’impulsion de l’action volontariste d’André Delelis, le maire de Lens, le club trouve de nouveaux moyens dont ne peuvent se prévaloir les Lillois. Le club remonte lors en D1 et les supporters sont incités à revenir au stade, à la fois en raison de la politique municipale, mais aussi en raison de résultats probants. Septièmes de D1 en 1974/1975, le Racing parvient surtout en finale de coupe de France, ce qui lui ouvre la voie à sa première qualification européenne. Deuxièmes de D1 en 1976/1977, les Lensois s’affirment comme le grand club régional, l’année même de la relégation du LOSC en D2. C’est à cette époque que se développe un public au stade Bollaert, pas tant en raison d’un « héritage » qu’en raison d’une ambition municipale conjointe à un renouveau sportif. L’agrandissement du stade dans le cadre de l’Euro 1984 contribue également à augmenter les affluences moyennes, creusant artificiellement l’écart entre les deux clubs.
Depuis qu’elle supporte Lens, Sophie Davant a pris un coup de vieux. Elle s’appelle dorénavant Sophie Daprès
Le LOSC est pour sa part soutenu beaucoup plus modérément par sa municipalité. En parallèle, les résultats sont décevants et les affluences leur sont alors assez directement corrélées. A cette époque, le Racing prend alors pour la première fois l’ascendant en termes de fréquentation du stade. Dans les années 1980, cette domination demeure toutefois toute relative est étroitement liée aux résultats. Ils sont en effet en moyenne plus de 19 000 spectateurs par match à Lens en 1982/1983 quand le club artésien finit 4ème soit plus de 10 000 de plus qu’à Lille qui termine dans le ventre mou pour la quatrième année consécutive. Les supporters lensois ne sont pourtant déjà plus que 7 000 par match six ans plus tard, l’année de la relégation, quand Lille, 8ème, atteint une moyenne de 8 500.
Au début des années 1990, Lens semble avoir pris un léger ascendant sur Lille en matière de soutien populaire. Parmi les raisons qui l’expliquent, c’est, au-delà du soutien municipal, l’existence d’une incertitude qui, liée à l’identification, constitue l’un des principaux moteurs du déplacement au stade. Or, Lille fût particulièrement mal placé en la matière depuis sa remontée de 1978 puisque les Dogues terminaient presque invariablement dans le ventre mou du classement. A l’inverse, Lens, habitué des montagnes russes a alors fait très fort en matière d’incertitude : sur la même période, les Lensois connaissent ainsi qualification européenne, relégation (avec le record du plus faible nombre de points) et remontée dans l’élite.
D’ailleurs, le parcours du Racing en 1990/1991 semble illustrer jusqu’à la perfection les conditions d’un engouement populaire, cumulant déceptions, rebondissements jusqu’à l’espoir d’une issue incroyable. Lors de cette saison, tout commence mal pour nos chers voisins puisqu’au terme de la 10ème journée, ils ne comptent que 7 points, avec 2 victoires, 3 nuls et 5 défaites dans l’antichambre de l’élite, soit un bilan particulièrement piteux pour une équipe qui disputait l’Europe jusqu’à il y a peu. Loin des espoirs que devraient logiquement nourrir un club de cette ampleur, le Racing est alors virtuellement en D3.
Contrairement aux apparences, il y a encore du monde à Lens en L2
Et c’est là que se passe l’incroyable. Jusqu’à une défaite à Guingamp (1-0) lors de la 29ème journée, le RC Lens remonte inexorablement au classement grâce à une série de 18 matches sans défaite, ponctuée de 9 victoires. Malgré cette défaite, le RC Lens reste au contact des barragistes. Cinq solides prestations plus tard, Lens se retrouve barragiste. Dans le contexte des barrages, les affluences sont toujours fortes tant l’enjeu est explicite et l’issue incertaine : à Bollaert, ils seront 40.000 pour voir le Racing battre le voisin valenciennois (1-0) ; 45.000 pour défendre leurs favoris contre Strasbourg (3-1). Ils ne sont « que » 31.000 pour une dernière victoire contre Toulouse (1-0). Mais Lens s’était incliné 4-0 au match aller. Note humoristique au passage, l’un des bourreaux toulousains au match aller n’est autre que Mika Debève, futur historique lensois. Bonne surprise de l’entrée en lice de la DNCG : malgré ce dernier échec, Lens monte malgré tout en D1 du fait des relégations administratives de Bordeaux, Brest et Nice …
Quand tout converge pour légitimer la thèse de la supériorité du public lensois
Bref, le RC Lens remonte en D1 en 1991. C’est au cours de la décennie 1990 que le Racing prend un net ascendant sur son concurrent régional – nous – et s’affirme comme le premier club régional, légitimant la future saillie de Gervais prophétisant notre disparition. A Lens, la progression tranquille vers les sommets, les amenant d’abord en coupe d’Europe (en 1995) puis vers le titre (en 1998) quand le LOSC déclinait, se maintenant péniblement chaque année jusqu’à la descente de 1997.
A ce facteur des résultats, s’ajoute un fort investissement de la marie lensoise que l’on n’a pas à Lille. Se joue sur cette question un avantage lensois : si à Lille le football n’est que l’une des nombreuses attractions culturelles de la ville – voire une attraction culturellement dévalorisée au regard des ambitions de la Mairie – à Lens, le football apparaît comme l’étendard de la ville. Sans vouloir dépeindre Lens comme une ville où il n’y a rien d’autre que le foot, force est de constater que le Racing a tout pour apparaître comme sa plus belle attraction et, ce faisant, comme l’outil idéal pour faire parler de la ville. Sur ce point, le football a beaucoup plus de raisons d’être érigé en priorité municipale qu’à Lille. Fait qui justifie en retour une forte action municipale et, le succès aidant, la venue d’investisseurs contribuant à la communication du club et à la venue de supporters, lesquels ne viennent d’ailleurs alors pas toujours du bassin minier mais aussi souvent des alentours et ce au moins jusque de Lille.
D’autres facteurs variés viennent encore compliquer les velléités de supportérisme à Lille. Ceux qui ont fréquenté Grimonprez-Jooris pourraient par exemple longuement parler des parkings des alentours où l’on n’allait qu’au risque de s’y embourber les soirs pluvieux. Bref, tous ces « avantages » qui vous incitent davantage à écouter le match de votre poste radio plutôt qu’à le suivre au stade …
Bref, un ensemble de facteurs vont faire que, vers la fin des années 1990, ce sont jusqu’à quatre fois plus de supporters qui se déplacent au stade à Lens qu’à Lille, record historique qui ne sera plus ensuite battu.
Avec la fantastique épopée losciste de la bande à Vahid puis celle de la première qualification européenne les supporters lillois retrouveront des raisons d’aller au stade. Cette motivation renaissante sera pourtant contrariée, d’abord par la petitesse de Grimonprez-Jooris, puis encore davantage par le déménagement dans le fort peu sexy Stadium Nord. Fort logiquement, l’arrivée dans le nouveau Stade, plus grand, plus beau et tout nouveau entraîne une explosion du nombre de spectateurs présents.
Parallèlement, le contexte lensois favorise le déclin de sa moyenne de spectateurs. D’abord, les résultats déclinent au cours des années 2000 avant que la situation sportive ne devienne franchement chaotique. Le creux de la saison 2014/2015 ne constitue pas non plus un mystère : cette saison-là, le Racing ne joue pas à Bollaert mais se fait héberger chez son « voisin » amiénois au Stade de la Licorne, dont la capacité est bien moindre.
Entre nous, on ne comptait pas vous l’acheter de toute façon
Bref, fait que l’on n’a plus observé depuis le milieu des années 1950, cela fait maintenant cinq saisons de suite que le public est plus nombreux à Lille qu’à Lens. Là encore, comme quand on claironnait que Lens était « le meilleur public de France » en comparaison de Lille, où le public était censé être moins passionné, il y a des raisons objectives à cet état de fait. Le vent a tourné et, qui sait, peut-être qu’un jour des commentateurs audacieux et en recherche de formules fortes défendront, comme ils l’avaient fait jadis avec Lens, que le LOSC a « le meilleur public de France ». Si on l’entend, on s’en réjouira, mais on se dira aussi que, décidemment, certains aiment bien se construire des légendes.