Archive pour la catégorie ‘Tournois oubliés’
Posté le 18 janvier 2023 - par dbclosc
Nantes/Anderlecht, premier match de football au Stadium Nord
En janvier 1977, les amateurs de football voient pour la première fois se jouer un match de football dans un stade tout neuf : le Stadium Nord de Villeneuve d’Ascq. Il met aux prises deux grandes équipes : Anderlecht, champion d’Europe, et Nantes, alors en tête du championnat français. Quelques à-côtés cocasses du match symbolisent déjà le rapport contrarié du Stadium avec le football.
C’est le 18 janvier 1977 que le Stadium-Nord rencontre le ballon rond pour la première fois. Inauguré après 3 ans de travaux le 27 juin 1976, le stade qu’on appelait initialement Complexe olympique Lille-Est est d’une capacité de 30 000 places. Sa construction était programmée depuis 1964 dans la ville de Lille-Est, devenue en 1970 commune de Villeneuve d’Ascq, et le schéma d’urbanisme prévoyait un stade polyvalent destiné à accueillir des compétitions d’athlétisme de haut niveau et… les matchs du LOSC. Mais le LOSC, club professionnel le plus proche, n’a pas les honneurs d’étrenner les nouvelles installations. Les Dogues ne découvriront le Stadium qu’en 1979, contre Beveren, pour la troisième édition du tournoi de la communauté urbaine de Lille (CUDL).
Il faut dire qu’en 1974, le maire de Lille, Pierre Mauroy, annonce pour sa ville un nouveau stade de 25 000 places, construit à une vitesse record et inauguré en octobre 1975. Certes, il y a urgence : le stade Henri-Jooris, en bois, est vétuste, et le canal de la Deûle doit être agrandi, comme c’est prévu depuis les années 1950. Il n’empêche que l’annonce du maire de Lille est une surprise, puisqu’un stade a priori très moderne est en passe de sortir de terre à quelques kilomètres de là.
Comment expliquer cette épidémie d’érections chez nos élus ?
Un peu d’histoire politique
La CUDL est présidée depuis 1971 par Arthur Notebart, maire de Lomme. Mais ce n’est qu’un lot de consolation, reçu des mains du président précédent, le maire de Lille Augustin Laurent, car Arthur Notebart avait l’intention de lui succéder au beffroi de Lille, avant qu’il ne lui préfère Pierre Mauroy.
Arthur Notebart et Pierre Mauroy sont les deux poids lourds de la puissante fédération socialiste du Nord, qu’il ont même codirigée de 1968 à 1971. Mais tout oppose les deux hommes à partir de 1971 : anti-communiste, Notebart a été mis en minorité après s’être opposé à Mitterrand et à sa stratégie d’« union de la gauche » lors du congrès d’Épinay. Le président de la CUDL s’emploie désormais à empêcher la montée en puissance locale de celui qui vient d’être nommé numéro 2 du PS. Il a pour cela deux leviers : son poste de président de la communauté urbaine, et la présidence du conseil d’administration de l’établissement public qui a en charge l’aménagement de Lille-Est.
Pierre Mauroy, quant à lui, s’efforce d’affirmer la place centrale de la ville de Lille dans la métropole, face à Roubaix-Tourcoing et à Villeneuve d’Ascq, où s’établissent la plupart des universités et des entreprises innovantes. L’échec de la fusion de Lille et de Villeneuve d’Ascq en 1972 est vécu comme un affront, que Pierre Mauroy impute en partie à Arthur Notebart. Cet échec conduit les socialistes lillois à vouloir maintenir sur leur territoire tous les équipements qui symbolisent la centralité de la Ville dans la métropole.
Ce n’est donc pas uniquement guidé par des considérations sportives que Pierre Mauroy s’oppose au départ du LOSC pour Villeneuve d’Ascq, mais bien pour tenter de consolider son assise municipal et tenter de conquérir le leadership métropolitain. Le LOSC, destiné à être résident du Stadium, est finalement tributaire de ces rivalités politiques, et le Stadium en est la principale victime.
Le Stadium Nord n’aura donc pas de club de football résident, du moins à ses débuts. La première compétition sportive qui s’y déroule est le tournoi européen cadet de hockey-sur-gazon le 30 avril 1976. Puis, au cours des semaines suivantes, le Stadium est l’hôte de compétitions régionales, inter-régionales et nationales d’athlétisme, qui seront la discipline-phare de l’équipement.
Quant au football, il faut attendre quelques mois. Le 4 janvier 1977, la presse régionale annonce un « match de prestige », un « match de gala » au Stadium-Nord, destiné à promouvoir le nouvel équipement métropolitain et, qui sait, montrer au yeux du public qu’il pourrait alors très bien accueillir le LOSC, si jamais les majorités politiques venaient à se modifier. Ce match opposera l’équipe française de Nantes à l’équipe belge d’Anderlecht. Dans un premier temps, les organisateurs du avaient songé à organiser un Bayern Munich/Saint-Etienne, mais cette idée leur a été déconseillée en raison des tarifs exigés par les Allemands (la Voix du Nord évoque « 30 millions de centimes »), et ensuite parce que l’équipe bavaroise « ne donne aucun spectacle… Elle se calfeutre en défense… et elle laisse venir l’adversaire. Ce n’est pas ce que l’on attend d’un match de prestige. Surtout à ce prix ! », écrit Jean Chantry. Quant aux Stéphannois, ils s’expriment par le biais de leur président, Roger Rocher : « nous refusons les matches amicaux ; nos finances n’en ont pas besoin – heureusement – et nos joueurs évitent le plus possible les déplacements ». Eh bien ce sera Nantes/Anderlecht !
Anderlecht, Anderlecht champion
La Voix du Nord présente Anderlecht comme « une des plus brillantes équipes du moment ». il faut dire que les Belges ont remporté la C2 en 1976 en battant West Ham 4-2, la supercoupe d’Europe dans la foulée, puis se sont de nouveau hissés en finale en 1977. Le quotidien régional prévoit une opposition de style entre une équipe nantaise qui symbolise jeunesse et dynamisme », et une d’Anderlecht qui représente « expérience et réalisme ».
La Voix du Nord, qui annonce le match autant qu’elle en assure la promotion, promet que le néerlandais d’Anderlecht, Robert Rensembrick est « un programme à lui tout seul », « au moins aussi fort que le Cruyff des meilleurs années ». Rien que ça ! Les Bruxellois se présentent aussi avec Van der Elst, pas encore 20 ans, meilleur buteur de l’équipe (et deux fois buteur contre West Ham en finale de coupe d’Europe, Rensenbrick marquant les deux autres). Jean Thissen, blessé depuis un mois, est annoncé de retour dans la défense des « Mauves ». L’entraîneur des Belges, Raymond Goethals, considère que son équipe doit s’imposer car « Nantes n’a pas encore fait ses preuves au niveau européen ».
Les Canaris prennent leur envol
Nantes, de son côté, est perçu comme la « meilleure équipe française, la plus riche sur le plan offensif ». Les Canaris sont entraînés depuis quelques mois par l’ancien dogue Jean Vincent, qui a pris la succssion de José Arribas, désormais à Marseille, et futur entraîneur du LOSC. Après des débuts laborieux, le travail de Jean Vincent est salué : il est « virevoltant, primesautier, insaisissable », notamment grâce à sa capacité à faire confiance, en tant que titulaires, aux jeunes joueurs qu’Arribas avait lancés : Pécout, Baronchelli et Amisse, tous trois aux Jeux Olympiques de Montréal quelques mois plus tôt. Conséquence : le polonais Robert Gadocha, blessé en début de saison, a bien du mal à retrouver sa place et, vexé, négocie un transfert aux Etats-Unis. Jean Vincent est donc parvenu à poser son empreinte sur cete équipe, et prend ce match contre Anderlecht très au sérieux : « nous jouerons à fond car, d’abord, nous devons nous forger un palmarès international. Ensuite, chaque dimanche, nous allons devoir livrer un match de coupe. C’est normal : Saint-Etienne s’en plaint, mais durant toute ma carrière à Lille, puis à Reims, chaque semaine nous étions attendus poings en avant. Tout cela, nos jeunes doivent l’apprendre. Et ils doivent jouer chaque match à fond. Imaginez la tête que ferait notre public si nous rentrions mercredi matin avec quatre ou cinq buts belges dans nos valises… »
Rendez-vous manqué
Bonne nouvelle : on annonce une « pelouse agréable et sèche », non pas que la météo soit spécialement favorable, mais la pelouse et la terre seront séchées grâce à un système de tuyaux de chauffage installés lors de la construction du stade : quelle modernité ! Aucun doute : les spectateurs vont découvrir, fascinés, ce « merveilleux stade » et, parmi eux, le kop d’Anderlecht, « si drôle » car, paraît-il, il chante « des airs français ».
8 à 10 000 spectateurs sont attendus au Stadium en ce mercredi 4 janvier.
Oui mais… Il n’y aura personne. À 17h30, les responsables de l’organisation se rendent à l’évidence : il est impossible de jouer. La cause ? Le brouillard « si dense que des tribunes on apercevait à peine la premières lignes de touche. Et les puissants projecteurs n’y pouvaient rien changer »
Les Nantais, qui étaient arrivés en début d’après-midi via Bruxelles, leur avion n’ayant pu se poser à Lesquin, en sont quittes pour un retour en Belgique et un retour à Nantes le soir même.
Quant aux Anderlechtois, ils ne sont jamais arrivés à Villeneuve d’Ascq : ils ont été prévenus du report de match alors qu’ils étaient bloqués sur l’autoroute depuis une heure à 50 kilomètres de Bruxelles.
Le match est reporté au 18 janvier et la première fois entre le football et le Stadium est un rendez-vous manqué.
Humour à gogo
Entre le 4 et le 18 janvier, les deux équipes ont gagné en championnat : pour la reprise après la trêve, Nantes a battu Bastia 3-1 (Bargas, Michel, Sahnoun) alors que le score était de 0-1 à la… 84e. Si bien que les Nantais sont désormais leaders de D1, ce qui fait dire à la Voix que les organisateurs « ont eu du nez », et que le temps de domination de Saint-Etienne est bel et bien passé.
Et il y a apparemment une bonne ambiance chez les Nantais : descendus à l’hôtel Novotel, les joueurs font un canular à leur entraîneur, en le faisant appeler à la réception. Bien évidemment, quand Jean Vincent s’y pointe, il n’y a personne. Or, cette bonne blague survient à peu près au moment où a lieu le tirage au sort de la coupe de France. Et puisqu’il a été trompé, Jean Vincent réunit ses joueurs et leur annonce qu’ils devront affronter Fontainebleau, alors qu’il vient d’être informé que ce sera Nantes/Toulouse. Un quart d’heure plus tard, une radio évoque Nantes/Toulouse… Eclat de rire général.
Du côté d’Anderlecht, les « banlieusards bruxellois » (sic) ont battu le Beveren de Jean-Marie Pfaff 2-0, grâce à un doublé de Rensenbrinck, ce qui autorise la Voix du Nord à écrire : « il laissa le gardien Pfaff… tout paf ! ».
Des Sang & Or sur le terrain
Dans les buts, Munaro a remplacé Ruiter depuis la trêve car ce dernier a fait des déclarations « désobligeantes » à l’endroit de son entraîneur, Raymond Goethals ; « mais les spectateurs ne perdront pas au change : Munaron est un jeune géant très athlétique. Les assidus des tournois de Croix et Roubaix se souviennent d’ailleurs de lui ».
Voici les compositions annoncées :
Finalement, Ruiter est titulaire. Le Nord lui réussit puisque c’est à Henri-Jooris qu’il avait été testé par Anderlecht quelques années avant, ce qui lui avait permis de décrocher un contrat au RSCA.
Après la victoire, en lever de rideau, de la communauté urbaine contre la police (2-1), le public est estimé à 12 000 spectateurs, soit bien plus que ce qui avait été prévu, ce qui permettra de compenser partiellement la perte de « 3 millions de centimes » liée au report du match. Mais quelques sifflets descendent des tribunes car les joueurs de Nantes et d’Anderlecht tardent à entrer sur le terrain alors que la température est de 0° : « par ce froid, un quart d’heure d’attente, c’est long… ». La raison de ce retard est très surprenante : en arrivant au stade, l’intendance nantaise se rend compte qu’elle s’est trompée de maillots… Les maillots sont ceux d’il y a 3 ans. Ce ne serait pas forcément un problème si le sponsor n’avait pas changé entretemps : les Nantais sont désormais soutenus par Europe 1.
Que faire alors ? Trouver des maillots sur lesquels figure le logo de la station. Et qui a ça ? Le Racing Club de Lens ! L’affaire est vite arrangée, le Racing prête un jeu de maillots, et voilà comment le stade métropolitain de Lille accueille pour sa première footballistique des Nantais habillés en Sang & Or !
Les deux équipes se séparent sur un nul, 1-1. Selon la presse, Nantes a largement dominé, et a réussi son match « au-delà de ses espérances ». Sahnoun s’est particulièrement distingué : il est le « pourvoyeur de l’équipe et eut des actions techniques remarquables ». Vincent considère que « nous méritions de gagner et nous aurions très pu le faire si Tintin avait marqué le second qu’il avait au bout du pied ». Tintin contre Bruxelles, voilà qui est très étonnant. Même Goethals salue la qualité des Nantais : « quelle vivacité, quelle jeunesse dans cette équipe. Défensivement, elle est moins forte que Saint-Etienne mais, offensivement, Nantes m’a paru nettement supérieur à l’équipe championne de France. Voilà Jean Vincent paré pour quelques années avec une équipe de cette qualité »
Anderlecht s’est montré plutôt décevant et n’a jamais cherché à emballer le match. Quant au petit génie Rensembrick, « il se contenta de jouer son petit Hitchcock, se gardant le plaisir d’apparaître quelques instants dans un coin du match. Du talent ? Bien sûr, mais au compte-gouttes ! »
Du côté de l’organisation, on montre sa satisfaction et son envie d’organiser d’autres matches de football. La possibilité de la venue d’une autre grosse équipe européenne contre une sélection nordiste est envisagée.
Mais plutôt en été puisque « les spectateurs ne manquaient pas de courage car, par un froid de canard aussi intense qu’hier, il fallait vraiment aimer le football pour se déplacer en plein vent, à cette heure-là ».
Dans un monde qui change, voilà une belle constante depuis 1977.
Les extraits de presse sont tirés de La Voix du Nord et de La Voix des Sports, janvier 1977.
Posté le 28 mars 2022 - par dbclosc
Janvier 1914 : France/Belgique à Lille
Dimanche 25 janvier 1914, l’équipe de France se déplace hors de Paris pour la première fois de son histoire. C’est au stade de l’avenue de Dunkerque, où joue habituellement l’Olympique Lillois, que l’équipe nationale affronte la Belgique.
Au terme d’un match spectaculaire largement dominé par des Belges supérieurs… la France s’impose 4-3.
C’est « une belle victoire de la Province sur la capitale » : jusqu’au début du mois de janvier 1914, la presse nordiste a redouté que l’organisation du match France/Belgique échappe la région. En cause, la considération, à tort ou à raison, que Paris est privilégiée et s’arroge le monopole des grands événements. La Vie Sportive du Nord et du Pas de Calais est même allée jusqu’à démontrer que le terrain 60*105 du stade de l’avenue de Dunkerque était parfaitement aux normes de la plupart des terrains français et belges sur lesquels jouent les plus grandes équipes, pour appuyer la légitimité de la candidature de Lille. Mais c’est désormais officiel : pour la première fois de son histoire, l’équipe de France jouera en province. Le journal attribue cette réussite lilloise à la puissante influence d’Henri Jooris, président de l’Olympique Lillois et vice-président de l’USFSA (et rappelle aussi que c’est dans ses propres colonnes que cette idée a été suggérée en premier). On peut également considérer que les résultats de l’OL, qui vont crescendo depuis, en gros, 4 ans, ont contribué à asseoir la réputation du dirigeant lillois et facilitent ce qui s’apparente à une reconnaissance nationale.
La tâche qui attend l’équipe de France est colossale : il faut affronter la brillante équipe de Belgique, pour la 11e fois. Lors des premières confrontations, les Français ne sont imposés qu’une fois et se sont inclinés 7 fois, avec de fameuses roustes, comme celle de 1910 (4-0), au cours de laquelle l’attaquant lillois Alphonse Six, alors joueur du Cercle de Bruges, a inscrit un triplé. Voici le palmarès :
1904 France/Belgique 3-3
1905 Belgique/France 7-0
1906 Belgique/France 6-0
1907 France/Belgique 2-1
1908 Belgique/France 2-1
1909 Belgique/France 5-2
1910 Belgique/France (CFI) 4-0
1911 Belgique/France (CFI) 7-1
1912 France (CFI)/Belgique 1-1
1913 Belgique/France (CFI) 3-1
Dans la Vie Sportive, Henri Jooris prend la plume pour saluer cette reconnaissance ainsi que pour souhaiter le meilleur accueil aux voisins, si proches des Nordistes : « les Belges ne sont pas pour nous, Nordistes, des étrangers : trop de liens nous unissent à eux, liens d’affection certes, mais aussi et souvent liens de sang (…) Lille compte cinquante à soixante mille Belges ». Cette proximité rend d’autant plus dommageable, selon lui, l’impossibilité pour le comité régional lillois, rattaché à l’USFSA, d’organiser des rencontres contre des équipes étrangères1 : « c’est dire combien nous avons maudit ces stupides querelles fédératives qui nous privèrent des belles et loyales rencontres entre Belges et Français »
La Vie Sportive, 24 janvier 1914
Henri Jooris conteste les modalités de la sélection de l‘équipe de France, regrettant qu’on choisisse des « joueurs inférieurs » au motif de « la camaraderie »1. Quoi qu’il en soit, Jooris aurait préféré voir davantage de Nordistes, rappelant notamment combien la France a brillé en Suisse l’année précédente (4-1), avec 8 Nordistes sélectionnés, et 4 buts venus du Nord (un but de Montagne et un doublé d’Eloy, de l’OL, et un but du roubaisien Dubly). Mais il faut dépasser ces contrariétés : « nous devons être solidaires, nous autres qui aimons notre petite patrie, le Nord, et vouloir la gloire de notre grande patrie, la France ».
Bien sûr, Jooris n’est pas le seul à déplorer l’absence de certains nordistes. Les articles de la Vie Sportive pointent régulièrement les absences des Lillois Eloy et Gravelines (sélectionnés, mais annoncés remplaçants) comme une anomalie. En revanche, la présence à la pointe de l’attaque d’Etienne Jourde est vue comme inopportune, car il ne connaîtrait pas suffisamment bien ses 4 compères d’attaque (et pas du tout parce qu’il joue à Vitry) : « dans un match d’une telle envergure, le moment est plutôt mal choisi. Ce joueur avait pourtant, vis-à-vis d’Eloy, la grosse infériorité de ne pas jouer auprès de Chandelier depuis quelques 5 ans et de n’être pas connu des sélectionneurs, alors qu’Eloy a souventes fois donné sa mesure, et la dernière fois au match Ligue/Lions des Flandres. Avec lui, on ne tablait pas sur l’inconnu, sur l’espoir, mais sur la certitude. N’insistons pas davantage et souhaitons ardemment que Jourde fasse des prodiges et même des miracles !! ».
L’hebdomadaire publie même le courrier d’un lecteur réclamant lui aussi une attaque Gravelines/Dubly/Chandelier, lui permettant de se gargariser d’une « communauté d’idées » avec son lectorat. Dans cette même logique de lutte symbolique dans la quête de démonstration d’une supériorité nordiste, la Vie Sportive invite dans ses colonnes un journaliste présenté comme « parisien » (Paul Barnoll) : il a l’immense avantage de prendre en référence le match Lions de Flandres/Ligue de Paris pour appuyer son argumentation qui consiste à s’étonner que seuls 5 Nordistes aient été sélectionnés, « le doute ne pouvant plus subsister quant à la supériorité actuelle des nordistes sur les joueurs de la capitale ». Barnoll expose ainsi que les 12 membres du comité de sélection du CFI, basés à Paris, ne voient pas tous les joueurs (ils n’ont pas de budget pour ça), et en sont souvent réduit à des conjectures et des impressions pour convoquer les joueurs : « ils sont forcés de s’en rapporter à l’opinion de leurs collègues, et c’est un peu hasard et sur des déductions, plus ou moins fondées qu’ils font, par leur vote, pencher la balance en faveur d’un tel ou d’un tel ».
Ainsi, selon Barnoll, certain que pas un des 12 membres n’a assisté à un match en dehors de Paris, le comité du Nord est lésé, et il en est de même pour le comité de Bretagne ou de Normandie. Il suggère alors de modifier les modalités de sélection avec les propositions suivantes : réduire le nombre de sélectionneurs à « 4 ou 5 sportsmen indépendants pouvant se déplacer tous les dimanches. Mettre à leur disposition un budget nécessaire. Et le jour où il s’agira de constituer notre Onze national, ils pourront discuter en connaissance de cause et en toute sincérité, sans se soucier si leurs délibérations seront en conformité d’idée avec des intérêts particuliers n’ayant rien à voir avec les questions sportives »
La Vie Sportive conclut ainsi ce plaidoyer pour une équipe nationale nordiste : « est-ce à dire que, composée selon nos désirs de Nordistes, l’équipe de France eût dû triompher ? Pas le moins du monde. Elle aurait eu seulement un peu plus de chances et un match nul, en tout cas, eut été plus probable ».
La Vie Sportive, 24 janvier 1914
Pour prouver que Lille est digne d’accueillir un grand match international, on promet un chaleureux accueil aux deux équipes, et à leurs supporters. Des trains spéciaux arriveront de Paris et de Bruxelles. Mais c’est de toute la Belgique que les supporters des Diables Rouges, comme on les appelle depuis peu, sont invités à venir à Lille ! Le journal belge Vélo sports lance ainsi une campagne « Tous à Lille le 25 janvier ! » avec des départs collectifs de plusieurs villes belges. Ainsi, la ville de Roulers envoie une délégation de 30 supporters. Le syndicat d’initiative « les amis de Lille » se met à disposition des Belges et des Parisiens pour des visites guidées de la ville avant le match, et propose un punch après le match pour les journalistes étrangers, au grand hôtel rue Faidherbe. En outre, « les amis des sports sont invités à arborer un drapeau belge à côté de notre drapeau national ». Le jour du match, le maire de Lille, Edouard Delesalle, se fera présenter les deux équipes et remettra à leur capitaine une médaille gravée aux armes de la ville. Près de 5 000 personnes sont attendues au stade de l’avenue de Dunkerque, dont M. Trépont, préfet du Nord, M. le baron de Laveleye, président de l’USFSA et vice président de la FIFA, M. Dessain, vice président de la fédération belge. Le général Franchet d’Esperey, commandant le 1er corps d’armée, se fera représenter. Le stade ouvre ses portes à 13h15 : on peut notamment y accéder par les tramways I et M, qui partent de la gare. Il paraît qu’on doit à André Billy l’idée de placer une station devant le stade. Le prix des places varie de 1 à 5 francs ; le match étant organisé par le CFI, il est précisé que les arbitres du comité du Nord de l’USFSA et que les membres honoraires et actifs de l’OL sont invités… à payer leur place. Les premiers arrivés pourront profiter plus longtemps de la musique du 43e régiment d’infanterie, qui jouera également à la pause.
La délégation belge à Lille
Agence Rol/ Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie/ Consultable sur Gallica
S’il y a eu, dès 1900, une sélection belge, l’équipe nationale de Belgique n’existe officiellement que depuis 1904. Son premier match était d’ailleurs contre la France, pour qui c’était également une première. Avant cette date, les « équipes de Belgique » n’étaient pas composés que de nationaux, mais aussi de plusieurs expatriés anglais, ce qui n’est d’ailleurs pas une spécificité belge. Depuis ses débuts, l’équipe nationale de Belgique est unanimement désignée, comme celle d’Angleterre, comme l’une des meilleurs équipes de football-association. Cette saison, elle a déjà battu la Suisse et l’Allemagne. Voici l’équipe alignée à Lille :
Gardien : Leroy, de l’Union Saint-Gilloise (capitaine)
Défenseurs : Hubin (Racing de Bruxelles), Verbeeck (USG)
Demis : Nisot (Leopold Club Bruxelles), Decoster (RCB), Thys (USG)
Avants : Brébart (Daring Bruxelles), Wertz (Antwerp), Musch (USG), Van Cant (RC Malines) Hebden (USG), « Belge parce qu’il a négligé d’accomplir les formalités nécessaires pour rester anglais »
Le Lillois Alphonse Six, le brillant buteur belge de l’OL et des Lions de Flandres, est absent, et n’est d’ailleurs pas sélectionné depuis deux ans en raison de ses mésaventures avec l’Union Saint-Gilloise et de déboires avec sa fédération dont on a parlé ici.
Les Français, maillot blanc à rayures bleus, chaussettes rouges (il faut le deviner)
Agence Rol/ Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie/ Consultable sur Gallica
Pour l’équipe de France,
Gardien : Chayriguès (Red Star)
Défenseurs : Gamblin (Red Star), Hanot (US Tourcoing)
Demis : Barreau (Levallois), Ducret (capitaine, Olympique Lillois), Devic (Red Star)
Attaquants : Lesur (US Tourcoing), Bard (Racing Club de France), Jourde (Vitry), Chandelier (Olympique Lillois), Dubly (RC Roubaix)
Une vague de froid touche la France et en particulier le Nord (une séance exceptionnelle du conseil municipal est organisée le dimanche matin sur cette question) : ce 25 janvier, la température est de -2,4° à 12h ; le maximum de la journée est atteint à 14h20 : + 4,4°. Mais le Grand Echo du Nord, très précis, indique qu’il fait +11° au soleil.
Certaines sources annoncent 6 000 spectateurs, ce qui constituerait un record pour un match joué en France ; mais, officiellement, il y a 4 813 spectateurs payants, générant une recette de 8 000 francs. Le Grand Echo évoque 5 000 spectateurs, dont certains sur les toits du stade.
L’arbitre anglais, M. Mortimer, donne le coup d’envoi à 14h37. 8 minute après, les Belges mènent déjà 2-0, grâce à un doublé de Van Cant : « allions-nous vers l’écrasement ? » se demande La Vie au grand air du 31 janvier. Non car, rapidement, une faute de Hubin offre un pénalty aux Français, que transforme le tourquennois Hanot (1-2, 17e). 24e minute : Lesur trouve Jourde qui, bien qu’un peu chahuté par le public, égalise (2-2) ; le même Jourde inscrit un autre but sur une frappe molle (3-2, 37e) ; dans la minute, Thys égalise (3-3, 38e), et la pause est sifflé sur cette spectaculaire égalité. La presse souligne pourtant une équipe belge « plus ordonnée, plus méthodique » (La vie au grand air), qui se heurte à un gardien français, Chayriguès, qui fait encore forte impression au public « lillois » après sa prestation avec la sélection de Paris contre les Lions de Flandres en début de mois. En seconde période, le roubaisien Dubly marque un nouveau but français (4-3, 53e). Sur l’action, le gardien belge, qui s’est troué, se casse un doigt. Verbecke le remplace.
Les comptes-rendus du match laissent penser que les Français ont marqué des buts chanceux sur leurs seules incursions, tandis que les Belges se cassent les dents sur un Chayriguès « étourdissant de sang-froid et d’adresse » (La vie au grand air).
La Vie au grand air, 31 janvier 1914
En subissant, les Français s’imposent 4-3. Le même magazine constate des Belges supérieurs dans les 3 lignes, hormis le gardien, Leroy « qui fut mauvais » : « les buts marqués par les nôtres relevèrent plus de la maladresse de nos adversaires que de notre propre initiative. Il est certain que si Chayriguès avait permuté avec Leroy dans les buts, nous aurions été copieusement battus. Alors que notre gardien de buts fit des prouesses, celui de Belgique, surpris par deux fois par les bonds désordonnés d’une balle légère, rebondissant exagérément sur un terrain gelé et inégal, perdit la tête et laissait échapper le ballon ». La presse régionale est du même avis : « les Français sont vainqueurs, oui, mais les Belges jouent mieux ! Nous avons eu une sacrée veine (…) Nous avons par deux fois la veine inouïe qu’une aspérité du terrain – peut-être la même – fasse dévier la balle roulant mollement vers le but (…) Nous avons triomphé sur des adversaires meilleurs que nous, plus énergiques plus adroits, plus scientifiques, bref connaissant et comprenant le jeu mieux que nous. Nous sommes les premiers surpris d’avoir battu les Belges (…) cette pénible victoire nous a fait comprendre que nous avions beaucoup de progrès à faire » (La Vie Sportive). La publication de l’Union Belge écrit quant à elle : « Dame Fortune n’a pas été pour nous, et elle a laissé à nos amis du Sud une victoire dont ils seront fiers à bon droit ». Chayriguès, un des premiers gardiens à se mouvoir dans l’entièreté de sa surface de réparation, a reçu une ovation. On souligne que la France devrait se doter d’un chat en guise de fétiche, en hommage à la souplesse et à l’agilité de son gardien de but.
Le Grand Echo du Nord, 27 janvier 1914
Dans la presse nationale, on regrette que Jourde et Devic (Red Star) aient été peu appréciés du public. L’écho des sports accuse directement la Vie Sportive d’avoir chauffé le public en écrivant que les Nordistes auraient dû être sélectionnés en plus grand nombre, avec notamment les titularisations de Gravelines et Eloy. Le rédacteur en chef de la Vie Sportive, Gaston Moithy, répond en disant que c’est là leur prêter beaucoup d’influence, et que les critiques de son journal n’étaient pas dirigées contre les joueurs mais contre les sélectionneurs.
La Vie au grand air, 14 mars 1914
À l’arrivée, tout le monde salue la belle organisation du match, comme La vie au grand air : « cette tentative de décentralisation a obtenu le plus grand succès. L’organisation était parfaite, la recette plus que satisfaisante, et la réception faite aux joueurs et aux officiels par la municipalité de Lille et par les amis de la capitale du Nord revêtit le caractère des grandes solennités. Bref, un succès complet pour nos nationaux et pour le football association qui, petit à petit, conquiert non seulement le public, mais aussi les pouvoirs publics ». Une réussite qui, pourtant, ne connaîtra pas de suite : si, avec l’OL, leader du championnat régional en ce début d’année 1914, Lille est désormais connu pour son football, et le sera davantage encore quand l’Olympique Lillois remportera le « Trophée de France » en avril, la guerre brise l’élan pris par le football nordiste, qui mettra près de 15 ans après la guerre pour combler son retard, avec la victoire de l’OL lors du premier championnat de France professionnel.
Lille n’a plus jamais accueilli l’équipe de France. Il faut attendre 1996 pour que le département du Nord voit de nouveau les Bleus (France/Arménie au Stadium de Villeneuve d’Ascq), puis 2014 (France/Jamaïque au grand stade de Villeneuve d’Ascq), 2016 (France/Suisse au grand stade de Villeneuve d’Ascq) et 2022 (France/Afrique du Sud).
Mais Lille a accueilli la Belgique ou, plutôt, le Luxembourg : en 1989, les Luxembourgeois, en rade de stade, se replient sur Lille pour jouer un match de qualification pour le Mondial 1990… contre la Belgique. On en a parlé ici.
Quant au stade de l’avenue Dunkerque, entretemps baptisé stade Victor-Boucquey, il a accueilli en 1938 le match Suisse/Hongrie dans le cadre de la coupe du monde.
Notes :
1 En 1914, le football français n’est pas unifié et est réparti entre plusieurs fédérations, parmi lesquelles l’USFSA, à laquelle est rattaché l’Olympique Lillois. En 1908, l’USFSA est représentée à la FIFA par André Billy, président de l’OL. On passe sur les détails mais Billy merde : il est mis en minorité et l’USFSA est exclue de l’UEFA. C’est alors une autre fédération française, le CFI de Charles Simon, qui va représenter la France à l’UEFA. Et seule cette fédération peut organiser des rencontres internationales. Si bien que l’OL ne peut même pas jouer contre des clubs belges.
2 C’est amusant car c’est précisément ce qui lui est reproché au niveau régional en tant que membre du comité de sélection des Lions de Flandres ! Les Calaisiens se sentent en effet méprisés et, dans les faits, seuls des joueurs de l’OL, de l’Union Sportive de Tourcoing et du Racing Club de Roubaix sont sélectionnés, ce qui fait dire aux « petits clubs » que l’intérêt général est bafoué au nom des affinités personnelles.
Posté le 31 décembre 2021 - par dbclosc
Le tournoi international de Liévin 1994
Entre Noël 1994 et le Nouvel An 1995, le LOSC meuble la courte interruption des compétitions en participant au tournoi en salle de Liévin. À cause d’un calendrier de plus en plus chargé pour les clubs professionnels, cette édition 1994 est à ce jour la dernière. Entre manque de motivation, public clairsemé et insultes, on termine en beauté.
Au cours de l’hiver 1986/1987, le LOSC était parti au Cameroun ; en hiver 1988/1989, le LOSC optait pour la Guyane ; pour l’hiver 1994/1995, ce sera Liévin. Ah, « la trêve n’est plus ce qu’elle était1 » ; « elle ne mérite même plus son nom » constate la Voix du Nord. Si le LOSC a des problèmes financiers, il faut plutôt voir dans le rapprochement des destinations hivernales l’illustration d’un calendrier de plus en plus chargé pour les clubs professionnels, où il existe de moins en moins de longues périodes sans jouer à combler. Après avoir repris l’entraînement le 26 décembre, et avant de jouer en coupe de la Ligue le 3 janvier (au Havre), puis en championnat le 7 (à Nantes), le LOSC va donc, le 30 décembre 1994, participer à « une grande nuit de football » : le « tournoi international de Liévin », sixième du nom, rebaptisé cette année « Tournoi du Nouvel An », probablement en raison de sa proximité avec le 1er janvier.
Précisément, ce tournoi, né en 1989, n’avait pas pu se tenir l’année précédente : au resserrement du calendrier de la D1 était venue s’ajouter la nouvelle formule de la Coupe de la Ligue, qui n’est plus un tournoi d’été (on a parlé des éditions 1986 et 1992). Alors retour au local, au stade couvert régional de Liévin, à l’initiative de l’USA Liévin, du LUC, et plus particulièrement de Robert Denel. Traditionnellement, le tournoi invite une (initialement, Lens) ou plusieurs équipes de la région, et des équipes étrangères. Pour ce millésime 1994, les participants sont :
Le Racing Club de Lens, 7e de D1, entraîné par Patrice Bergues ;
Le Lille Olympique Sporting Club, 14e de D1, entraîné par Jean Fernandez ;
Le Koninklijke Atletiek Associatie Gent (La Gantoise), 14e de D1 belge, entraîné par Lei Clijsters, papa de Kim ;
Le Royal Football Club Seraing, 5e de D1 belge, entraîné par une vieille connaissance, Georges Heylens (déjà présent au tournoi en 1991 en tant qu’entraîneur de Charleroi).
Dans des confrontations de deux fois 15 minutes, sur « moquette », le programme est ainsi fixé :
19h : Lens/La Gantoise
19h45 : Lille/Seraing
21h : match pour la 3e place
21h45 : finale
Pour être tout à fait précis, la journée du 30 décembre avec les professionnels est plutôt le point d’orgue du tournoi, qui s’étire en réalité du lundi 26 au vendredi 30 : en effet, en début de semaine, 1440 enfants représentants 96 équipes en poussins, pupilles et minimes s’affrontent, et 6 d’entre elles (au cours de 3 finales, une par catégorie) auront l’honneur de jouer devant les professionnels. La finale poussins est ainsi fixée à 17h30, la finale pupilles à 18h, et la finale minimes à 20h30, juste avant les matches de classement des pros.
À l’arbitrage, dès le lundi : Robert Wurtz et Guy Goethals, fils de Raymond, élu arbitre belge de l’année 1994, et qui officiait durant l’euro 92.
À l’animation, deux journalistes : Roger Rudynski (par ailleurs speaker au stade Bollaert) et Hervé Weugue, correspondant régional de RTL. Ambiance assurée !
En championnat, Lens et Lille se sont affrontés en juillet lors de la 1e journée (1-1)
Les organisateurs ont à cœur d’offrir un public régional un beau spectacle car, premièrement, il y a eu une interruption du tournoi l’an dernier ; deuxièmement, on rappelle que l’édition 1993 avait été un « demi-échec » en raison de l’absence du LOSC et de l’incapacité du RCL à se qualifier pour les demi-finales (dans une formule à 6) ; troisièmement, la réputation des Nordistes au tournoi est écornée après « un passage où les Lillois furent ridicules » en 1991 et en raison de la « pitoyable exhbition » de Valenciennes en 1993 ; enfin, des bagarres entre supporters lillois et lensois ont émaillé l’édition 1992.
Bref, on aimerait bien une soirée « musclée et spectaculaire » où « les filets chanteront » et, surtout, que des Nordistes gagnent, ce qui n’est arrivé qu’une seule fois, avec Lens en 1991.
Selon nos sources, lors de l’édition 1991, Lille termine 5e, après avoir battu Sofia lors de la « petite petite finale »
Seulement, « Lens et Lille ne font pas du tournoi de Liévin leur objectif prioritaire » croit utile de préciser la Voix du Nord. Jean Fernandez indique même qu’il aurait préféré un bon vieux match amical, mais assure toutefois qu’il ne vient pas faire de la figuration. Il a même adapté ses séances d’entraînement en vue du tournoi : ainsi, le 28 décembre, le LOSC s’est entraîné sur le synthétique du stade Guy-Lefort à Lambersart (peut-être aussi parce que les terrains de la Citadelle étaient inondés, apprend-on par ailleurs). L’entraîneur lillois déclare : « le problème, c’est que le jeu en salle est totalement différent. Il n’y a pas de possibilité pour travailler sur le plan tactique. Mais bon, ce sera notre seule préparation avant la reprise, il faut donc jouer sérieusement ».
Eric Assadourian, lui, paraît encore moins convaincu par l’utilité du tournoi et voit plutôt cela comme « entrant dans le cadre d’une préparation physique » : « personnellement, ça ne convient pas trop. La surface est un peu trop rude, les appuis sont différents, il y a beaucoup plus de chocs au niveau des chevilles, des ligaments. Généralement, j’ai des problèmes musculaires par la suite quand je dispute de genre de manifestation ». Mais, n’en doutons pas, « quand on fait une compétition, c’est pour la gagner. Tout simplement parce qu’on est des joueurs professionnels et surtout des passionnés ».
Du côté du LOSC, on comprend donc qu’on se rend à Liévin faute de mieux. C’est dans ce joyeux état d’esprit que survient une drôle d’affaire : le 29 décembre, une personne s’est introduite dans le vestiaire à Grimonprez pendant l’entraînement et a embarqué les portefeuilles de certains joueurs parmi lesquels Thierry Bonalair et Arnaud Duncker. Précision utile pour l’enquête : « le hic, c’est que les portes étaient toutes fermées et qu’il n’y avait aucune trace d’effraction ». De quoi faire régner la confiance au sein du club ! Y a-t-il un complot contre le LOSC ?
Un extrait du règlement du tournoi, Voix des Sports, 26 décembre 1994
Du côté lensois, le tournoi semble ennuyer tout autant et on craint également les risques de blessure (c’est d’ailleurs à la demande du coach de Lens que les périodes ont été réduites de 20 à 15 minutes), mais on se montre plus positif, avec un Patrice Bergues insistant sur « le respect dû au public », et un Jean-Guy Wallemme assez heureux, se remémorant la victoire de 1991, alors que Lens était en D2 avec Arnaud Dos Santos : « cela avait marqué notre réveil et on avait fait une super deuxième partie de saison ».
Au niveau des effectifs, Bergues préfère se passer de Laigle, Magnier, Sikora et Héréson, qui ont récemment eu des pépins physiques qu’il s’agit de ne pas réveiller ; à Lille, manquent Lévenard, insuffisamment remis d’une déchirure, et Assadourian, qui a obtenu ce qu’il voulait en étant laissé au repos. Place au jeu !
« Cette compétition était plutôt placée sous le signe de la bonne humeur. Du moins, sur le terrain » : il est 17h30 et la finale Poussins entre les petits de Lille, entraînés par Fabrice Lecomte et Firmin Baillon, et ceux de Valenciennes, débute. Les gradins se remplissent progressivement en attendant le premier match des professionnels. Sur le terrain, les Poussins font 2-2, et il faut recourir aux tirs aux buts. C’est alors que les supporters de Lens « qui jouent quasiment à domicile et qui ont investi la totalité d’un virage » huent copieusement les petits tireurs lillois : « dans les gradins, des petits malins ne trouvèrent rien de mieux à faire que d’insulter les poussins lillois, qui disputaient leur finale face à Valenciennes. La haine a atteint un tel niveau dans certains esprits que s’en prendre à des enfants n’est même pas un problème. La bêtise humaine n’aurait-elle pas de limite ? (…) L’éducation de ces supporters injurieux reste à faire et il faut bien admettre que les Lensois nous ont habitués à plus d’humour et de respect. Injurier les DVE, promettre la super D2 au LOSC fait peut-être partie de leur « culture ». Mais siffler les gamins lillois pendant leurs tirs aux buts contre Valenciennes, en finale, c’est lâche et lamentable. Le meilleur public de France nous doit une revanche ». En réplique, les Lillois « parqués dans deux petites tribunes derrière l’autre but » insultent les Lensois. Les Lillois s’inclinent sous les vivas du virage lensois.
Alors quand arrivent les professionnels lensois à 19h pour affronter la Gantoise, une grande partie des sandwiches de la buvette, lancés depuis les deux tribunes lilloises, se retrouve sur le terrain. Lens s’impose 6-4 et se qualifie pour la finale.
Ce coup de pied dans le cul de Mickaël Debève en juillet a-t-il mis le feu aux poudres ?
Place maintenant aux Lillois qui, pour affronter Seraing, alignent le 6 suivant, sous les huées des Lensois :
Nadon, Bonalair, Friis-Hansen, Sibierski, Pérez, Farina.
Bonalair marque rapidement mais les Lillois sont pris par le jeu « à une touche de balle » des joueurs de Seraing, parmi lesquels on trouve Lukaku père et Isaias, un Brésilien qui fera le bonheur de Metz durant quelques mois. À la pause, les Belges mènent déjà 3-1, et assurent une confortable victoire en seconde période : 6-3. La Voix du Nord résume : « sur la moquette liévinoise, d’où l’expression football de salon, les Lillois ont semblé vouloir jouer comme dans un fauteuil : manque de vivacité, maladresse habituelle devant le but, le LOSC n’a jamais été en mesure de s’imposer ». Jean Fernandez est fataliste : « ils étaient tout simplement meilleurs que nous. On a eu une balle de 2-0. Mais à partir du moment où Seraing a mené 3-1, c’était fini ».
Le bilan de ces deux premiers matches est moyen. La Voix du Nord souligne une intensité « faible » sur le terrain ; « heureusement que Robert Wurtz était là pour faire le spectacle ». En tribunes, l’ambiance est « désagréable, pour ne pas dire malsaine ». Robert Denel semble déçu car il estime qu’il y a entre 4500 et 5000 spectateurs, alors qu’il en espérait 1000 à 1500 de plus : « il est certain que la date, entre les deux grandes fêtes de fin d’année, n’est pas la plus adaptée mais nous n’avons guère le choix. Le calendrier du football français est de plus en plus démentiel et nous sommes bien obligés de nous y plier. De plus, la région n’est pas riche et les supporters hésitent avant de mettre la main au portefeuille. Pourtant, nous avions baissé les prix. Dans ces conditions, il faudrait la venue d’une grande équipe pour remplir le stade couvert régional. Nantes m’avait donné son accord avant de se rétracter. À cause de ce calendrier plus que chargé…»
Pour la suite, le LOSC va donc affronter La Gantoise, et Lens affrontera Seraing en finale. Les Dogues vont-ils hériter de la cuillère de bois ? Bien sûr que oui car « les lacunes affichées en championnat, notamment dans la finition, reprirent le dessus » (rappelons que Lille, spécialiste du 1-0 cette saison-là, a la plus mauvaise attaque du championnat).
Voici le 6 aligné par Fernandez :
Nadon, Dindeleux, Leclercq, Duncker, Perez, Garcia.
La presse souligne que Lille se crée « facilement trois fois plus d’occasions », mais trouve le moyen de perdre de nouveau 3-6. Philosophe, Jean Fernandez souligne que « dans ce genre d’épreuves, si vous ne marquez pas, c’est même pas la peine d’espérer ». Ce qui n’est pas le cas en championnat, comme chacun sait !
12 buts encaissés, des joueurs pas très motivés « à part Hansen, Bonalair et Dindeleux », et pas à l’aise, « lacunes techniques et manque de volonté, de combativité », « mais bon, on sait depuis longtemps que le OSC ne se distingue pas franchement par ses qualités techniques », c’est une belle soirée de merde. Quatrième sur quatre, « le LOSC était vraiment à sa place » note cruellement la Voix du Nord. Georges Heylens, jamais avare d’une vacherie contre un club qui l’a viré peu élégamment fait dans la perfidie : « pour réussir quelque chose, en football comme ailleurs, il faut avoir faim ».
Lens remporte la finale face à Seraing. Les supporters lillois, qui n’étaient restés que pour insulter les Sang & Or, sont évacués à la mi-temps dans un calme relatif.
C’était le tournoi amical de Liévin (1989-1994).
Le palmarès de l’édition 1994 :
Demi-finales
Lens/La Gantoise 6-4
Buts lensois de Boli (2), Meyrieu, Dallet, Tiéhi et Brunel
Buts gantois de Viscaal (3) et Kanana
Lille/Seraing 3-6
Buts lillois de Bonalair, Farina et Sibierski
Buts sérésiens de Lawarée (2), Teppers (2), Denil et Schaessens
Match pour la 3e place
Lille/La Gantoise 3-6
Buts lillois de Carrez, Dindeleux et Garcia
Buts gantois de Kanana (2), Viscaal, Vangronsveld, Vuksanovic et Martens
Finales
Lens/Seraing 3-2
Buts lensois de Boli, Brunel et Meyrieu
Buts sérésiens de Debusschere et Lawarée
Poussins : Valenciennes/Lille 2-2 (5-4)
Pupilles : Lens/Auchel 1-0
Minimes : Douai/Avion 1-1 (3-1)
Note :
1 Les citations entre guillemets sont issues de la presse régionale (La Voix du Nord et La Voix des Sports), semaine du 26 décembre 1994 au 1er janvier 1995.
Posté le 3 décembre 2021 - par dbclosc
Coupe Drago 1960 : le LOSC éliminé au nombre de corners
Coupe Drago 1960 : déjouant les pronostics, le LOSC, alors en D2, égalise à trois reprises sur le terrain de son rival lensois, pensionnaire de l’élite. La prolongation s’achève sur le score de 3-3. C’en est trop pour les forces du complot, qui abattent une de leurs cartes les plus mesquines : le gagnant est désigné au nombre de corners obtenus. Lille est éliminé.
S’il y a bien un trophée que possède le Racing Club de Lens et pas le LOSC, c’est la coupe Drago. Cela tombe bien : c’est celui que personne n’envie. Sorte de compétition de rattrapage, la coupe Drago, entre 1953 et 1965, mettait aux prises les équipes professionnelles éliminées avant les quarts de finale de coupe de France. Il est dès lors très peu étonnant que Lens ait remporté à 3 reprises ce trophée de la lose (1959, 1960, 1965), tout en atteignant la finale une autre fois (1957). Le LOSC, de son côté, est parvenu en finale à deux reprises : d’abord en 1954, saison de titre, avec une défaite contre Reims (3-6) ; puis en 1956, saison de descente à laquelle la coupe Drago, boulet de fin de saison, n’est probablement pas complètement étrangère (défaite contre Nîmes 1-3).
Lens favori
L’une des éditions qui a vu le RCL triompher mérite que l’on s’y arrête de plus près : c’est millésime 1960, disputé de février à juin. Il s’agit de la seule édition où le LOSC et le RCL se sont affrontés dans cette compétition. Lens entre en lice dès le deuxième tour de la coupe Drago, fin février, après avoir été éliminé en 16e de finale de coupe de France par Forbach (D2, 1-4). Lille, de son côté, arrive un peu plus tard, après son élimination des quarts de finale de coupe de France par Saint-Etienne (1-3). Ainsi, pendant que Lille avançait en coupe de France (victoire en 16e contre Toulon, puis en 8e contre Gardanne), Lens se consolait déjà dans l’autre coupe, avec un tour supplémentaire (victoires contre Rouen, Valenciennes et le Stade Français).
Lensois et Lillois se retrouvent ainsi le 24 avril pour les quarts de finale de la coupe Drago.
Lens fait donc partie des quatre survivants des tours précédents de la compétition ; et Lille y débarque, avec trois autres, au titre de récent éliminé de la coupe de France. Comme à chaque tour précédent, le tirage au sort permet à Lens de recevoir : comme par hasard !
Lens, entraîné par Jules Bigot, est alors en D1, dans le premiers tiers du classement, sans pouvoir espérer atteindre les toutes premières places. La coupe Charles-Drago constitue ainsi le principal objectif de fin de saison pour les Sang & Or, d’autant plus qu’ils en sont les tenants.
Le LOSC, de son côté, après être remonté en 1957, est de nouveau en D2 depuis 1959. Au cours d’un championnat sans saveur, le club est dans le ventre mou. Au lendemain de l’élimination à Saint-Etienne, la Voix du Nord note que « la coupe de France a effacé en partie la mauvaise saison du LOSC. N’empêche que, tout bien pesé, les jours gris ont été plus nombreux que les jours roses » (6 avril). Il semble qu’on attende tranquillement la saison prochaine pour repartir sur de meilleures bases et construire un effectif de meilleure qualité, en s’appuyant sur les jeunes, finalistes de la coupe Gambardella 1960. Cela pourrait se faire aussi grâce à la valeur marchande de François Heutte, désormais international, toujours sous contrat avec le LOSC, et prêté cette saison au RC Paris.
Quant à la coupe Drago, vue de Lille, elle ne suscite guère d’espoirs : vaincre Lens, sur son terrain, semble constituer un obstacle insurmontable.
Félicitations à Enzo Zamparini, qui s’est marié mardi 19 avril. La Voix du Nord précise que « après la cérémonie religieuse, les joueurs du LOSC rendirent les « honneurs sportifs » à leur sympathique coéquipier et à sa charmante épouse ».
C’est au moment où l’on croit les Lillois en roue libre qu’ils écrasent Montpellier, candidat à la D1 (et qui finira champion de D2), 5-1. Dans la Voix du Nord, le journaliste Jean Chantry salue les performances de Walczak, de Gardien et de Jacky Montagne, longtemps blessé, qui, durant la saison « auraient pu apporter quelques points supplémentaires. Des regrets : il ne reste que cela… » (19 avril). Il n’empêche : une telle démonstration (« un jeu de massacre » pour la VDN) peut-elle faire naître quelques espoirs pour le derby… ?
« À première vue, les Lillois ne seront pas favoris » précise la Voix du Nord, lucide. D’autant que les Lensois, qui ont sorti le Stade Français quatre jours avant sont « en très nette amélioration », notamment grâce au retour en forme de Wisniewski, tandis que Stievenard, repositionné en « avant itinérant » est désormais « plus dynamique et organisateur ». Lens reste toutefois privé de sa « machine à shooter » : Ahmed Oudjani, qui a connu deux claquages en deux mois. En face, « certes, la défense de Lille est correcte (…) Mais il y a davantage de style, de richesse à Lens. C’est surtout l’allure générale de l’équipe qui est plus rapide ».
Lille a bonne mine
Le dimanche 24 avril à 20h30, les deux équipes se présentent au stade Bollaert devant 7 164 spectateurs, ce qui dans la moyenne de la saison des Lensois (7 123), mais bien loin des meilleures affluences1 (16 000 contre le Racing de Paris, 15 000 contre Reims). Voici les compositions annoncées :
Au dernier moment, Walczak doit céder sa place. Dès lors, Novotarski joue ailier gauche, et Clauws prend la place de demi-droit. Et du côté lensois, Lafranceschina se claque lors de l’échauffement ; il est remplacé par Carlier.
Le match est rapidement marqué par deux blessures : d’abord, celle du Lensois Stievenard, dès les premières minutes. Comme les remplacements ne sont pas autorisés, il reste sur le terrain mais « il ne fut plus que d’une utilité toute relative pour son équipe » (La Voix des Sports, 25 avril). Mais cet avantage pour le LOSC est vite compensé par la blessure au tibia, à la 25e minute, de Jaclin qui, lui, sort, avant de revenir juste après la pause au poste d’ailier gauche. Les Dogues ont ainsi joué durant 20 minutes à 11 contre 10 lensois + un éclopé, puis durant 20 minutes à 10 contre 10 lensois + un éclopé, puis la suite du match à 10 + 1 contre 10 + 1.
« On pouvait penser que les Sang et Or ne feraient qu’une bouchée des petits Lillois. Mais ceux-ci, piqués par on ne sait quelle mouche, fournirent un match excellent, jouèrent aussi vite que leurs adversaires, et leur donnèrent beaucoup de soucis » (La Voix du Nord, 26 avril). Si le jeu des Lensois paraît globalement « plus cohérent » et « plus étudié » (La Voix des Sports, 25 avril), les Dogues sont bien organisés en défense et jouent la contre-attaque avec « une mobilité dont on ne les soupçonnait pas capables ». Si les Lensois ont une bonne maîtrise du jeu grâce aux initiatives de Kominek, ils se heurtent à une défense lilloise solide de laquelle émerge Debelleix.
Juste avant pause, les locaux marquent par Carlier (42e). Et peu après la reprise, les Lillois qui « attaquent crânement » égalisent par Fatoux (52e). « Le match se poursuivit alors avec des initiatives diverses mais toujours très passionnantes à suivre » : sur l’une d’elles, Lens reprend l’avantage grâce à Kominek, profitant d’une ouverture de Wisniewski (2-1, 63e). Mais le LOSC ne se décourage pas, Fatoux semblant souvent proche d’égaliser. C’est ce qu’il parvient à faire, dans la confusion, à la 71e, après un centre de Montagne relâché par Pagès. Le public lensois conteste l’égalisation « car le juge de touche n’avait pas, semble-t-il, signalé la sortie du ballon » (La Voix des Sports, 25 avril). Le lendemain, c’est plus clair : la Voix du Nord révèle que Fatoux, qui l’a d’ailleurs lui-même reconnu, s’est aidé de la main.
Après 90 minutes, le score est de 2-2 : il faut recourir à une prolongation.
Un règlement en forme de mauvais coup (de coin)
C’est ici qu’un détour par le règlement s’impose. Au cours de ses douze années d’existence, la Coupe Drago a connu des formules diverses, qu’il s’agisse des conditions pour y accéder (ainsi, cette édition en 1960 est la première pour laquelle des clubs éliminés en quarts de finale de coupe de France – c’est d’ailleurs pour cette raison que le LOSC est là) et, pour ce qui nous intéresse ici, des modalités de départage des équipes en cas d’égalité après prolongation.
De nos jours, nous sommes habitués à ce que deux équipes doivent se départager après une séance de tirs au buts, une pratique qui ne s’est développée qu’au cours des années 1970. Mais à l’époque, à l’instar de ce qui se joue en coupe de France, on est plutôt adepte du match à rejouer. Mais ce n’est même pas la règle choisie dans cette compétition, hormis pour les éditions 1956, 1957 et 1958.
Lors de sa création, le règlement de la coupe Drago prévoit qu’en cas d’égalité entre deux équipes, c’est l’équipe qui joue à l’extérieur qui se qualifie.
En 1955, cette règle persiste avec une modification : si les deux équipes ne jouent pas dans la même division, c’est celle qui est hiérarchiquement inférieure qui est qualifiée.
En 1956, on l’a évoqué, le match est désormais rejoué.
Puis, à partir de 1959 et jusqu’à l’arrêt de cette compétition, on oublie le domicile/extérieur et la hiérarchie entre clubs : c’est le nombre de corners obtenus qui permet de déterminer le vainqueur. Et si le nombre de corners obtenus est le même, on tire au sort.
À ce petit jeu, Béziers et Roubaix-Tourcoing sont pionniers : lors de l’édition de 1959, Béziers (D2) et Nice (D1) font match nul 2-2, et tous les deux ont obtenus 5 corners… Béziers passe au tirage au sort. Le même jour, le CORT (D2) et Alès ne parviennent pas à se départager au nombre de buts (0-0), mais les locaux ont écrasé leurs visiteurs 6-0 au nombre de corners.
René Fatoux au stade Henri-Jooris lors du match LOSC/Montpellier
Revenons à notre Lens/Lille de 1960. Pas de chance pour le LOSC, des formules précédemment utilisées et qui lui auraient été favorables ici en cas d’égalité (victoire de l’équipe visiteuse, ou victoire du « petit ») ne seront pas appliquées : depuis l’année précédente, la règle des corners prévaut. Si le LOSC doit passer, il faudra donc qu’il marque au moins un but de plus que Lens ou que, en cas d’égalité, il ait obtenu davantage de corners sur l’ensemble du match.
Selon la Voix du Nord, la prolongation est « passionnante ». Si les Lensois restent « meilleurs techniciens », ils se heurtent toujours à une belle défense des Lillois. À la 115e, Debelleix bouscule fautivement Polonia. Le coup-franc, bien placé, est transformé par Harabaz (3-2). on pense alors que le score est définitivement acquis mais, à la dernière minute, une ultime percée de Fatoux permet à l’attaquant lillois de signer un triplé (3-3, 120e).
Il faut donc regarder le nombre de corners : 13 pour Lens, 5 pour Lille. Lens est qualifié pour les demi-finales.
Au-delà de ce match somme toute négligeable dans l’histoire des deux clubs, le règlement de la coupe Drago pointe une bonne question : y a t-il une modalité plus légitime qu’une autre pour départager deux équipes en cas d’égalité ? Si les tirs aux buts se sont généralisés, ils restent parfois désignés comme étant une « loterie » (ce avec quoi nous ne sommes pas d’accord, considérant qu’il s’agit de la réalisation d’une technique qui se travaille, que l’on soit gardien ou tireur, et sur laquelle on peut donc influer) et peuvent finalement offrir la victoire à une équipe qui n’aurait pas particulièrement brillé par ses initiatives offensives.
Les réflexions sur les évolutions des règles ont parfois mis en avant la possibilité d’autres critères de départage (pourcentage de possession, nombre de tirs) mais sur lesquels on semble pouvoir facilement agir sans que cela ne reflète là aussi de plus grandes ambitions offensives ou une grande maîtrise. Et si le nombre de corners reflétait le mérite supérieur d’une équipe ? Selon la Voix des Sports, après ce RCL/LOSC, la victoire des Lensois au nombre de corners « traduit bien la physionomie de la partie et leur évidente supériorité technique et même territoriale ». On comprend par là que la victoire de Lens serait méritée. À l’inverse, ne peut-on pas considérer que la performance des Dogues, évoluant dans une division inférieure, et dont les articles de la presse régionale saluent les qualités de défense et de contre-attaque, soit tout autant méritoire ? Elle illustre en tout cas un jeu moins offensif, allant à contre-courant des évolutions souhaitées du football : plus spectaculaire, la spectacularité étant bien souvent mesurée à l’aune des buts marqués et des situations offensives générées2. Quid alors des « pragmatiques », de ceux qui choisissent de subir, ou de jouer la contre-attaque et qui, par philosophie ou par contrainte sur les caractéristiques de leur effectif, n’en sont pas moins des artisans du football, ou des artisans moins légitimes ? Et après tout, cette règle n’est-elle pas injuste ? Si on peut imaginer qu’un « petit » parvienne à faire match nul avec une équipe de division supérieure, les probabilités de maintenir cette égalité sur quelques statistiques sont a priori moindres et donc, forcément, la règle légitime le rapport de forces au bénéfice du plus fort, avec la force invisible de la loi, et sous les applaudissements de tout le monde.
Le choix de cette règle, finalement, ne résout rien, sans apporter de problème superflu : il valorise un aspect plus qu’un autre3. En valoriser un autre ne serait ni plus, ni moins légitime. On peut imaginer que la réintroduction de cette règle inciterait à une « extension » du jeu, dans le sens où des équipes chercheraient peut-être à davantage passer par les côtés, en vue d’obtenir des corners, à défaut de buts. Les qualités de vitesse, de dribbles et de qualité de centre seraient alors largement valorisées. Corollairement, on aurait une perte relative de la valeur du travail des meneurs axiaux.
Bref, comme en politique avec ce que permet ou favorise une Constitution, il importe de souligner que les règles du jeu influent sur le jeu lui-même, et qu’elles sont toujours modifiables, selon ce que l’on souhaite valoriser à un moment. Et l’appréciation de ses conséquences est toujours variable et contingente, et ne fera jamais l’unanimité.
Notes :
1 C’est d’ailleurs le manque d’intérêt du public qui justifiera l’arrêt de la coupe Drago quelques années plus tard. En 1960, la finale de la coupe Drago attire 4 000 personnes, contre 38 200 pour la finale de la coupe de France.
2 Le jeu dit « défensif » est ainsi souvent stigmatisé, et la plupart des changements dans les lois du jeu ou au niveau réglementaire visent à favoriser l’offensive ou la vitesse du jeu. Ainsi, en France, en 1968, un point de « bonus offensif » est accordé aux équipes qui inscrivent au moins 3 buts dans un match.
3 Interrogé sur le site Lucarne Opposée, à propos de questions proches de celles soulevées par cet article sur le football en Tunisie, Christophe Kuchly, co-auteur d’ouvrages tels que L’Odyssée du 10 et Comment regarder un match de foot ? (Éditions Solar), indique : « Il n’y a aucune solution vraiment pertinente [entre corners, frappes ou possession comme critère de départage] parce que la plupart de ces statistiques sont le reflet d’un parti pris dans le jeu plutôt que d’une domination dans le jeu. Dans l’absolu, on peut considérer que prendre le nombre de corners est un peu plus logique parce qu’aucune équipe ne va aborder un match avec l’idée d’en obtenir beaucoup, là où certaines vont vouloir avoir le ballon pour construire ou insister sur les tirs lointains s’ils ont de bons artilleurs. Et, au moins, on ne peut pas augmenter artificiellement leur total, là où on pourrait tirer de cinquante mètres ou faire une passe à dix avec le gardien. Mais ça ne reflète pas vraiment la domination d’une équipe dans le sens où les équipes qui vont déborder et centrer pourront en obtenir facilement si leurs tentatives sont contrées, alors que celles qui attaquent par l’axe auront généralement besoin d’une intervention du gardien ».
Posté le 2 décembre 2020 - par dbclosc
1932, le Sparta à Lille : les Tchèques aboient
En novembre 1932, l’Olympique Lillois, en tête du premier championnat de France professionnel de l’histoire, s’offre une parenthèse amicale en recevant au stade Victor-Boucquey le champion de Tchécoslovaquie : le Sparta Prague, qui offre une exhibition digne de ce qui est considéré à l’époque comme le meilleur football d’Europe.
Nous sommes le 20 novembre 1932 : alors que la France découvre avec émoi le nationalisme breton, qui revendique en ce dimanche l’attentat contre le train du chef du gouvernement, Edouard Herriot, l’Olympique Lillois (OL) joue aussi les séparatistes en se détachant en tête de sa poule du championnat grâce à une nouvelle victoire, cette fois à Hyères (1-0, but du Britannique William Barret). C’est la huitième victoire consécutive pour les Dogues qui, après une défaite inaugurale contre Marseille à domicile (1-2), n’ont fait que gagner. Avec 16 points en 9 matches, l’OL termine donc les matches aller avec une avance confortable sur ses poursuivants. Le championnat fait désormais une pause de 3 semaines et on voit bien que les Lillois, à l’approche de l’hiver, ne risquent pas de se retrouver comme certains Tchèques : sans provisions.
Cette saison 1932/1933 marque la première édition d’un championnat de football professionnel en France. L’idée, qui était en débat depuis plusieurs années, se concrétise lors d’un vote du conseil national de la Fédération Française de Football le 17 janvier 1931. À la surprise générale, le Sporting Club de Fives (SCF) s’y engage, débauchant même quelques vedettes de l’OL… ce qui incite dès lors les dirigeants de l’OL, dans la précipitation au cours de l’été 1932, à s’y engager aussi ! Ce premier championnat est divisé en deux poules, dont les vainqueurs doivent s’affronter en fin de saison pour désigner le champion : l’OL se retrouve dans la poule A et le SCF dans la poule B.
Un OL flandrio-anglo-hongrois
Bien évidemment, la satisfaction est de mise du côté lillois. Le président Gabriel Caullet, qui a succédé depuis quelques mois à Henri Jooris (qui reste président d’honneur et garde probablement une grande influence) se félicite dans Le Grand Echo du Nord de la France de l’adaptation de l’OL aux exigences du championnat professionnel : « c’est là évidemment le résultat d’un travail patient, d’une observation continuelle, d’une bonne volonté collective qui enchante le comité de l’OL. Nous avons cultivé la camaraderie et c’est ce qui nous a permis d’obtenir, de nous joueurs, ce « fondu », cette sympathie réciproque, cette réconfortante atmosphère d’intimité qui n’est pas autre chose qu’une autre forme de l’esprit de club le plus pur » (26 novembre). Pour le président, la force de l’OL est d« avoir gardé l’ossature de l’ancienne équipe et avoir eu beaucoup de chance en complétant cette ossature ». En l’occurrence, on le disait plus haut, une partie de l’ossature (Berry, Cheuva, et le gardien Vandeputte) est parti chez le voisin fivois. Pour la remplacer « nous avons fait un cocktail : un peu du jeu anglais d’attaque en pointe par les trois hommes du centre, une once de jeu hongrois pour éclairer les phases confuses et gagner un peu de terrain, le tout imprégné de la manière rude et forte chère aux Flandriens, dont les qualités de cran et de vitesse ne demandent qu’à être utilisées ». Pour ce qui est des Britanniques, Caullet parle des milieux Jock McGowan et William Barrett (ce dernier est à Lille depuis 1930), et l’attaquant Bert Lutterloch. Les Hongrois évoqués sont les dénommés Zoltan Varga et Zoltan Opata. Dans les buts, l’OL est allé chercher un gardien à Bully-les-Mines : Robert Défossé, qui ne tardera pas à être sélectionné en Bleu. Avec, en plus, Urbain Decottignies et Georges Winckelmans devant, l’OL, sous la houlette de son entraîneur Belge Robert De Veen, présente un beau visage. Mais « le championnat n’est pas terminé. Nous ne sommes pas au bout de nos peines et de nos soucis. La forme est capricieuse » tempère le président.
Le Grand Echo, 26 novembre 1932
L’OL garde ainsi ses influences historiques (du côté des Britanniques et de la Belgique) tout en allant puiser en Europe centrale, dans un football en pleine émergence et qui s’est d’ailleurs en partie construit contre le jeu direct et réputé rétif à l’intellectualisme tel qu’on le trouvait outre-Manche. L’ouvrage La Pyramide inversée revient en détail sur la manière dont, dans l’entre-deux-guerre, à Vienne, Budapest ou Prague, un public « artistique et bohème » s’est pris de passion pour les discussions autour de football, élevé au même rang que le théâtre, la littérature ou la politique.
Trêve internationale
8 victoires, 1 défaite, le « plus grand nombre de points dans les deux poules », un goal-average « incomparable », une défense « hors pair » (7 buts encaissés) : le Grand Echo ne trouve que des qualités à l’OL. Elles risquent de ne pas être de trop pour affronter le Sparta Prague.
La plupart des clubs de l’élite mettent en effet à profit la trêve pour organiser des matches internationaux. Pendant que, au stade Virnot récemment réaménagé, le SCF recevra Nuremberg, l’Olympique Lillois, au stade Victor-Boucquey (baptisé ainsi depuis 1930) va se frotter au champion de Tchécoslovaquie 1932, qui est enfin parvenu à détrôner son rival, le Slavia Prague, champion depuis 1929. Le Sparta, encore en tête de son championnat 1932/1933, est actuellement en tournée : le 23 novembre, quelques jours avant de jouer à Lille, il s’est incliné au stade du Heysel contre l’équipe nationale de Belgique (1-4) devant 15 000 personnes. L’Auto (24 novembre) relève qu’à Bruxelles, « les Tchèques furent pris souvent de vitesse, mais ils ripostèrent vaillamment par de petites passes à terre très précises ». Ce Belgique/Sparta est l’un des premiers matches de l’histoire joués en nocturne : les Tchèques se sont d’ailleurs plaints de ne pas s’être adaptés à la lumière artificielle. Il n’y aura pas ce souci pour le match prévu à Lille le 27 novembre, en plein après-midi (14h15).
« Il n’est bruit, dans la ville, que de la sensationnelle venue du Sparta, la fameuse équipe tchèque » souligne le Grand Echo, qui évoque la « valeur remarquable » du Sparta « ce grand club tchèque à la réputation mondiale », qui « compte des succès sur les meilleures équipes du continent » et « qui peut être classé dans les 4 ou 5 meilleures équipes du continent ». Est dès lors attendu un « spectacle de toute beauté », au cours duquel les Dogues vont avoir fort à faire : « en termes familiers, on peut se demander, sans exagérer, si les Dogues se feront vraiment « avaler » et à quelle « sauce » ils seront accommodés (…) Que fera l’Olympique Lillois contre une si redoutable formation ? Nous sommes persuadés qu’il fera mieux que se défendre (…) devant une formation où brille Raymond Braine d’un éclat particulier ».
Raymond Braine, un Diable Rouge-marron
Raymond Braine, c’est l’avant-centre du Sparta. Il est probablement le joueur belge le plus doué de son époque mais n’a pourtant pas revêtu la vareuse des Diables Rouges depuis 1929. Il est en effet suspendu par sa fédération pour « fait de professionnalisme ». Dans un football belge encore totalement amateur (et officiellement, ce sera le cas jusqu’en 1974, hormis quelques exceptions « semi-professionnelles » après la seconde guerre mondiale), la Belgique, comme la France à la même époque, traque l’« amateurisme marron », à savoir ces footballeurs officiellement amateurs mais qui, d’une manière ou d’une autre, tirent tout de même un revenu de leur activité sportive. En France, les années 1920 ont vu nombre de « scandales » éclater pour cette raison, et notamment à Lille en 1924, quand on se rend compte qu’Henri Jooris rémunère certains de ses joueurs. Disons que le président de l’OL a plutôt eu le malheur de s’être fait prendre. Le cas de Raymond Braine est assez particulier et illustre l’inflexibilité de la fédé belge : son tort est d’avoir ouvert un café à Anvers et d’avoir un chiffre d’affaire potentiellement élevé en raison de sa célébrité acquise grâce au football… « Un subterfuge » pour la fédération qui y voit une utilisation lucrative du football amateur : suspendu, Raymond Braine quitte alors la Belgique et signe en Tchécoslovaquie en 1929. Il manquera les coupes du monde 1930 et 1934 avant d’être de nouveau sélectionné à partir de 1935. C’est donc dans de curieuses circonstances symptomatiques des problématiques footballistiques de l’époque qu’il affronte sa propre sélection nationale, avant de se rendre à Lille.
Les Tchèques nous matent
Devant une « très nombreuse assistance » (l’Auto) estimée à « 5 à 6 000 personnes » (La Croix du Nord) et sur un terrain « gras et glissant », voici les équipes alignées :
OL : Robert Desfossé ; Jean Théry, Jules Vandooren ; Georges Beaucourt, John MacGowan, Georges Meuris ; Georges Winckelmans, Zoltan Varga, Zoltan Opata, Bert Lutterlock, Urbain Decottignies.
William Barrett et Fernand Amand complètent le groupe.
Sparta : Ledina ; Josef Ctyroky, Jaroslav Burgr (cap) ; Josef Kostalek, Jan Knobloch-Madelon, Erich Srbek ; Frantisek Pelcner, Josef Silny, Raymond Braine, Oldrich Nejedly, Karel Sokolar.
Après un début du match « un peu lent et comme craintif de la part des Lillois, le jeu s’équilibra et atteignit immédiatement une classe élevée » selon l’Auto (28 novembre). Dès la 19e minute, les visiteurs ouvrent la marque par Nejedly. Mais les Lillois reviennent rapidement grâce à Decottignies « à la suite d’une mêlée devant le but tchèque » (1-1, 25e). « La rencontre est équilibrée, les phases de jeu splendides soulèvent continuellement les applaudissements d’un public enchanté » ; à la pause, les équipes se quittent sur le score de 1-1. À la reprise, l’OL prend l’avantage par son Hongrois Varga : « les Dogues descendent et forcent Ledina à s’employer. Une fois, deux fois, le gardien tchèque renvoie, mais Varga reprenant la balle en dernier la loge dans les filets » (2-1, 50e). Alors « le match redouble d’intensité si possible et les attaques se succèdent à une cadence accélérée ». Les Tchèques arrachent l’égalisation sur un corner repris par Nejedly, qui signe un doublé (2-2, 64e). Le match tourne alors en faveur du Sparta : « pendant la dernière demi-heure de jeu, les demis lillois faiblissent un peu et comme le Sparta redouble d’ardeur, les visiteurs prennent un léger ascendant » qui se traduit par un nouveau but de Nejedly (2-3, 80e). Enfin, six minutes plus tard, « une succession de passes entre les attaquants tchèques fournit la balle à Pelcner qui marque un quatrième but » (2-4, 86e)
Match l’intran, 29 novembre 1932. Une petite erreur de légende sur le score.
Pour l’Auto, ce fut une « partie magnifique » et « la défaite de l’OL a été subie dans des conditions qui lui font honneur car l’exhibition de Sparta fut digne de la réputation de ce grand club ». La Croix du Nord abonde dans ce sens en rappelant que « les Tchèques sont certainement nos maîtres en football et la passe est faite à l’homme démarqué sans qu’elle soit annoncée comme chez nous par certains demis servant leurs avants » (28 novembre). Le journal a toutefois un reproche à faire au Sparta : « nous regrettons, néanmoins, certains truquages qui ne sont pas à leur honneur. En effet, le demi droit et l’arrière droit surtout, écartaient l’adversaire attaquant avec les coudes ou même avec le bras écarté du corps, sous l’oeil de l’arbitre impassible. À part cette légère critique, nous avons assisté, à certains moments, à de superbes phases de jeu de la part des deux équipes ». Du côté du Sparta, « l’équipe forme un tout parfait : la défense s’avéra excellente, principalement le gardien, qui réceptionna des bottés dans toutes les positions, dans le haut des buts aussi bien que dans ses plongeons. Les demis servirent à merveille une attaque vive et précise, surtout lorsqu’ils pratiquaient par leurs ailiers qui furent, par leurs centres, les organisateurs de la victoire ». Et, du côté des Dogues lillois, « la défense se montra très sûre ; Défossé fut battu chaque fois de très près et par des reprises de demi-volée ; Vandooren fut le briseur d’attaques habituel, bien secondé par Théry qui se place bien ; Mac Govan, en défense, fut le roi du terrain, mais moins précis dans ses passes aux avants ; Beaucourt fut aussi bon en défense qu’en attaque et marqua bien l’ailier droit, excellent dribbleur ; Meuris, courageux comme d’habitude ; Decottignies, Lutterlock formèrent une excellente aile droite ; Winckelmans, à l’extrême gauche, centra souventes fois trop tard ; Varga et Opata ne furent pas dans la course, sans doute en raison du terrain lourd qui les handicapa sérieusement ».
Les Tchèques aboient, les Dogues passent
Dans la soirée, après le match, une réception est organisée dans les salons de l’hôtel Bellevue : « une simple mais très cordiale manifestation destinée à fêter les splendides résultats acquis par l’OL au cours des matches aller du championnat professionnel » (Le Grand Echo, 29 novembre). Dans une ambiance conviviale, le comité du club, les joueurs et leur famille, et Henri Jooris président d’honneur, célèbrent le virage réussi vers le monde du football professionnel : « au moment des toasts, M. Caullet félicita les vaillants équipiers et leur entraîneur des résultats remarquables (…) Il souligna le redressement aussi profond que spontané qui permet aux Dogues lillois de sortir de difficultés sportives sans précédent. Il fit appel au remarquable esprit de camaraderie qui anime tous les joueurs du club et demanda au Dogues de « serrer les crocs » pour se préparer au dur choc des rencontres futures ». Et en effet, l’OL se rendra très prochainement à Marseille et s’inclinera dans des conditions rocambolesques, dont on a parlé ici. Ce faux pas n’empêche pas les Dogues de ravir le premier titre de champion professionnel au printemps 1933. Le Sparta laisse quant à lui son éternel rival du Slavia lui repasser devant jusqu’en 1936.
L’Olympique Lillois 1932/1933, premier champion de France de football professionnel
Debout : Défossé, M. Hochart (membre du comité), Meuris, Vandooren, Beaucourt, McGowan, Théry
Accroupis : Decottignies, Lutterloch, Barrett, Varga, Winckelmans
Posté le 24 novembre 2020 - par dbclosc
1919 : Milan, une si longue attente
En septembre 1919, après plus de 5 ans sans match officiel, l’Olympique Lillois, champion de France 1914, est en pleine préparation de la saison 1919/1920. Encore tout auréolé de son aura acquise avant-guerre, l’OL organise une série de rencontres amicales contre de prestigieux adversaires. Parmi eux, le Milan FC.
Après sa création en 1902, L’Olympique Lillois (OL) monte progressivement en puissance à partir de 1906 sous l’impulsion de son président André Billy, raflant quelques titres régionaux et obtenant des succès de prestige lors de rencontres amicales contre des clubs Belges et parisiens. L’année 1914 apparaît comme l’aboutissement du travail des années précédentes : c’est le triomphe du football lillois d’avant-guerre. L’Olympique Lillois (désormais dirigé par Henri Jooris), après avoir remporté le championnat du Nord, puis le championnat de France USFSA (fédération à laquelle le championnat du Nord est rattaché), remporte le Trophée de France, qui met aux prises les vainqueurs des 4 fédérations. Ce 26 avril 1914, Lille est au sommet, et rien ne semblait devoir résister à la domination lilloise sur le football français : « il est à craindre que le trophée national ne revienne de sitôt à Paris », écrit l’Auto au lendemain du triomphe de l’OL, une crainte « parisienne » qui sonne comme la promesse d’un avenir radieux pour le football nordiste. Et au-delà des succès de l’OL, l’équipe du Nord, à travers ses « Lions de Flandres », a largement triomphé de la sélection parisienne en janvier 1914 ; durant ce même mois, l’équipe de France s’est pour la première fois déplacée hors de Paris : au stade de l’avenue de Dunkerque, la France a battu la Belgique 4-3. Le football nordiste, représenté par Henri Jooris, est au faîte de sa gloire nationale.
26 avril 1914 : l’équipe lilloise vainqueur du Trophée de France
Mais la guerre met un coup d’arrêt à cette domination durable annoncée. Dès le mois d’août 1914, les jeunes hommes, parmi lesquels bon nombre de footballeurs, sont mobilisés, et les compétitions sont arrêtées. Sur les différents champs de bataille, de nombreux footballeurs trouvent la mort, parmi lesquels les Lillois Alphonse Six, redoutable avant-centre Belge, le gardien Elie Carpentier, ou le milieu Jacques Mollet ; d’autres, comme le défenseur Jean Degouve, ont été amputés et sont donc désormais inaptes au football.
Durant la période de conflit, dans le Nord (constamment occupé), on note seulement l’organisation du « challenge Deffrennes » en 1917, avec notamment le RC Roubaix, et ce même RC Roubaix parvient à organiser un tournoi à Pâques 1917. Du côté maritime, à Boulogne, le « challenge de l’Entente cordiale » permet de voir triompher durant 4 ans des équipes composées de militaires britanniques. Alors que d’autres régions françaises sont parvenues à faire revenir le football dès 1916, ce n’est qu’après la Libération du Nord en octobre 1918 que l’Olympique Lillois retrouve les terrains. L’OL n’a ainsi pas pu participer (de même que les clubs d’Alsace-lorraine) à la nouvelle « coupe Charles Simon » dite « coupe de France », dont la première édition en 1917/1918 a vu la victoire de Pantin. En raison de la libération tardive de la région, les nordistes n’y sont pas davantage présents en 1918/1919, et le championnat du Nord n’a pas non plus repris. Les principales équipes nordistes (OL, Roubaix, Tourcoing) organisent quelques rencontres amicales contre les garnisons militaires britanniques encore présentes.
Mais cette fois, la reprise est proche ! Le football français est en cours d’unification, avec la création de la Fédération Française de Football Association en avril 1919, et la nouvelle Ligue du Nord s’est réunie pour la première fois en juillet. Le 9 août, un éditorial de la Vie Sportive du Nord et du Pas-de-Calais se réjouit du retour imminent des compétitions : « comme les dimanches nous semblent vides et ennuyeux sans notre régal hebdomadaire : la bonne partie de football disputée avec un acharnement courtois par des équipes de presque égale force! Que d’heures émouvantes vécues autour des divers terrains de la région ! Quand les revivrons-nous ? Bientôt, mes amis ! Bientôt, mes amies ! (…) L’impatience de retourner aux matchs de football est d’autant plus vive que la saison prochaine s’annonce particulièrement brillante. Tous nos grands clubs de Lille, Roubaix, Tourcoing, Boulogne, Calais et Dunkerque se préparent avec fièvre. Des équipes plus formidables les unes que les autres sont constituées. Des Parisiens, des Belges, et des Anglais viennent les renforcer ». Bien entendu, l’ombre des disparus plane : « Hélas ! Il y a des trous à boucher : nous ne reverrons plus les Dujardin, Carpentier, Deffrennes. Matisse, Denis, Six, Mollet, Morin, Chassaing, François Dussart, et tant d’autres dont les noms m’échappent, morts au terrain d’honneur. Les glorieux mutilés (sic) tels que Moigneu et Degouve devront rester sur la touche ».
Le football nordiste d’après-guerre tente donc de se reconstruire, et fait même du lourd tribut qu’il a payé un argument pour souligner son rôle social, ce à quoi Henri Jooris, notamment, s’emploiera, en cherchant à obtenir des réparation pour les veuves des sportifs, et en arguant de la contribution du football nordiste à la victoire de 1918. Sur le terrain, les inconnues restent nombreuses : l’OL parviendra-t-il à maintenir son rang ? Comment remplacer les joueurs disparus ? Le football nordiste a-t-il pris un retard difficilement rattrapable sur les autres régions qui ont repris le football plus précocement ? Comment se comporteront les Lions de Flandres ?
L’OL remet son titre en jeu
« À tout seigneur, tout honneur », la Vie Sportive débute sa « revue des clubs » le 16 août par la présentation de l’OL, « champion de France en titre » : en effet, les quelques compétitions organisées durant le conflit, y compris la nouvelle coupe de France, censée remplacer le « Trophée de France », sont des compétitions dites « de guerre » : elles ne sauraient donc ravir à l’OL son titre acquis avant-guerre dans des circonstances « régulières ». Même si les formats ont changé, l’OL remet donc officiellement son titre en jeu en cette saison 1919/1920. Quelques nouveautés en cette rentrée : d’abord, l’OL a absorbé le Club Lillois ; dès lors, selon l’hebdomadaire sportif régional, « l’Olympique Lillois prenait déjà les allures d’un grand club avant la guerre. Sa fusion avec le club lillois lui permet maintenant d’avoir quelques prétentions (…) D’abord, il prétend rester champion de France » ; ensuite, le terrain de l’avenue de Dunkerque est officieusement rebaptisé « terrain d’honneur », tandis que le terrain du Club Lillois, à la Laiterie (aujourd’hui stade Guy-Lefort à Lambersart), accueillera les équipes de jeunes de l’OL ; enfin, au niveau de l’effectif, Chandelier, Jonvel, Graveline, Montagne, H. Vignoli, Douchet et Lebrun sont toujours là. Loir, qui était déjà au club, est intégré à l’équipe première, tandis que des jeunes tels que Courquin, Betrencourt, Marcel Vignoli, Delneste, Duponchelle sont appelés à avoir un rôle grandissant dans l’équipe première. Eloy, lui, s’estime trop âgé et arrête le foot : il s’installe en tant que médecin à Anor. Le club a par ailleurs recruté le Britannique Buzza (dont l’amateurisme marron fera tomber Henri Jooris dans les années 1920), Duvilier, Favart. Même si « jamais l’issue de la lutte n’a paru moins certaine », sur le papier, cet OL a fière allure : « vous concevrez que l’OL peut défendre son titre dans la coupe de France et en tout cas représenter honorablement le Nord dans toutes les compétitions ».
En l’occurrence, ces compétitions sont les suivantes : le championnat du Nord, bien entendu ; la coupe de France ; et quelques rencontres amicales interligues et internationales. Les matches amicaux d’avant-saison vont bien refléter cette diversité d’oppositions.
D’ici la reprise du championnat, le 12 octobre 1919 contre Roubaix, 6 rencontres sont prévues car « ce serait mal connaître les dirigeants de l’Olympique Lillois que de croire qu’ils vont s’endormir sur leurs lauriers. Ils travaillent en silence à l‘élaboration d’un magnifique calendrier » (La Vie Sportive, 5 septembre) : le 7 septembre contre la base anglaise de Calais, une équipe de militaires écossais ; le 14 septembre contre le Daring de Bruxelles, champion de Belgique ; le 18 septembre contre le Milan FC ; le 21 septembre à Paris contre le Cercle Athlétique ; le 28 septembre contre la base anglaise de Dunkerque, une équipe de militaires anglais ; et enfin le 5 octobre contre le Club Athlétique de la Société Générale de Paris, vainqueur de la coupe de France 1919. Ce dernier match sera finalement remplacé par un match au Havre, champion de guerre 1918, le championnat parisien reprenant finalement le même jour que la date initialement fixée pour le match contre Lille.
Milan, le Tourcoing de Lombardie
Après deux défaites initiales (victoires de la base anglaise de Calais 3-1 et du Daring 2-0), l’OL reçoit une troisième équipe : le Milan FC. Le club italien vient de changer de nom : il s’appelait jusqu’alors le Milan Football and Cricket Club, puis se transformera en Milan Associazione Sportiva (1936) avant de prendre son nom actuel Associazione Calcio Milano en 1939. La Vie sportive se réjouit de la venue des Italiens : « pour la première fois, nous verrons dans le Nord une grande équipe d’Italie ». À cette époque, comme en France, le championnat d’Italie est amateur et n’est pas unifié. Lors du dernier championnat, interrompu en 1915, le Milan, champion de Lombardie centrale et d’Emilie, était en train de disputer la finale du tournoi principal, équivalent italien du Trophée de France, avec Le Torino, l’Inter Milan et le Genoa. En outre, le Milan a participé à la Coppa Federale en 1915, qui concernait les villes italiennes « non directement touchées par la guerre », tournoi que Milan a remporté. Avec ces données et le palmarès italien des années 1910, on peut raisonnablement estimer que le Milan FC, s’il n’a pas le prestige de l’Inter, du Genoa ou de Pro Vercelli, est en déclin (après des titres en 1901, 1906 et 1907) mais constitue encore en effet une des meilleures équipes italiennes. C’est en quelque sorte l’US Tourcoing d’Italie. Mais les mêmes questions que pour l’OL se posent : quel est désormais le niveau du Milan après ces années d’inactivité ? Les Italiens reviennent d’une tournée en Belgique où ils ne se sont inclinés que d’un but contre l’Union Saint-Gilloise, ce qui semble là aussi situer une bonne équipe.
Le match OL/FC Milan, comme tous les matches de préparation de Lille à domicile, est joué au profit « du monument à édifier aux athlètes lilllois morts pour la France ». Symbole de l’union des pays vainqueurs de la guerre – et raison toute pratique au moment où les effectifs ne sont pas constitués -, les Milanais alignent dans leur équipe Louis Van Hege, qui vient de resigner à l’Union Saint-Gilloise après 9 ans au Milan1. Contre les Ecossais, les Lillois comptaient dans leur rang le capitaine Bell, avant-centre de Woolwich Arsenal. Pour ce match contre Milan, l’OL aura le concours du Roubaisien Raymond Dubly présenté comme « notre petit prodige nordiste » (La Vie Sportive, 29 août)
Les Italiens ont été accueillis en mairie où la bienvenue a été lancée à « nos amis latins ». Signe de la domination du football belge et britannique à l’époque, le match contre le Milan ne suscite pas autant d’enthousiasme et de couverture dans la presse régionale que les confrontations contre le Daring ou les militaires. On trouve cependant un bref compte-rendu du match dans le quotidien national L’Auto. Voici la composition de l’OL :
Lebrun ; Duvillier, Leclercq ; Montagne, Duponchelle, Douchet ; Dubly, Chandelier, H Vignoli, Delnest, Petit.
Contre une « équipe italienne de première force », « les joueurs [lillois] se montrèrent surtout vifs et très adroits sur la balle » (La Vie Sportive, 19 septembre). À la pause, l’OL mène 2-0, grâce à des buts de Maurice Douchet, reprenant un corner de Dubly, puis de ce même Dubly : « comme toujours notre phénomène fut très brillant ». En seconde période, les Lillois reculent progressivement : « dans les dernières 20 minutes, la défense lilloise, très à l’ouvrage, faiblit » (L’Auto, 20 septembre) et finit par encaisser un but de la tête sur corner. À l’issue d’une « superbe partie » (L’Auto), l’OL bat Milan 2-1. Le Grand Echo du Nord de la France souligne que « en dépit du score, les Milanais ont assurément été à la hauteur de l’équipe que nous leur opposions (…) on peut seulement leur reprocher un manque de « finish » devant les buts. Sans cela, ils eussent marqué à plusieurs reprises surtout à la fin ». La Vie Sportive concède qu ‘« un match nul aurait plus fidèlement rendu la physionomie de la partie ». Le Grand Echo fait enfin part d’une action qui nous paraît bien mystérieuse sans explication supplémentaire, mais ça a l’air très gentil : « soulignons en outre un beau geste de la part [des Italiens] : ils n’ont pas voulu profiter d’un pénalty dans la première mi-temps ».
L’équipe de l’Olympique Lillois le 1er février 1920 à Paris pour son 8e de finale de coupe de France contre l’Olympique de Paris (2-1)
Alors, où en est l’OL ?
Cette première victoire en match de préparation, la première depuis tant d’années dans un contexte « normal » semble convaincante : le Grand Echo souligne que « le onze lillois fut homogène » ; la Vie Sportive note que « l’Olympique Lillois se met progressivement en forme et a opposé une belle résistance », et l’Auto prédit que Lille « s’annonce redoutable cette saison ». Cette victoire prend d’autant plus de valeur après que les Italiens, 3 jours plus tard, battent l’Association Sportive Française à Paris (1-0). La suite des matches amicaux de l’OL laisse une impression incertaine : si le nul obtenu contre le CA Paris (1-1) fait « excellente impression » pour le Grand Echo, si Lille bat facilement les Britanniques de Dunkerque (4-0) puis obtient le nul face au Havre (1-1), se plaçant ainsi dans les meilleures conditions avant le début du championnat, l’équipe ne semble pas avoir l’éclat qu’elle s’était construit avant-guerre : « les champions de France ont à présent une défense capable de sauvegarder le trophée. On ne saurait en dire autant de la ligne d’attaque » (La Vie Sportive)
Et en effet, même si l’OL cartonne pour la reprise du championnat contre Roubaix (victoire 6-2 ; « un score très flatteur qu’ils doivent à la faiblesse du goalkeeper roubaisien Messien, lequel aurait dû parer 3 des buts rentrés contre son équipe », Le Grand Echo, 14 septembre), le club termine deuxième et ne parvient donc pas à conserver son titre nordiste, en dépit de deux victoires contre le champion du Nord (US Tourcoing). Sur le plan national, la période marque également le déclin du football nordiste en général : la coupe de France, qui permet désormais d’évaluer les rapports de force nationaux, sourit peu aux Nordistes : Roubaix et Boulogne sont éliminés en 16e, et l’OL, dernier survivant, en quart.
Dans le Nord, en football aussi, l’heure est à la reconstruction.
L’équipe de l’Olympique Lillois le 7 mars 1920 à Paris pour son quart de finale de coupe de France contre Cannes (1-2)
Note :
1 Ce retour en Belgique est un soulagement pour Louis Van Hege. En effet, ses compatriotes cesseront désormais de lui faire la blague :
_ « Alors, t’habites à Milan ?
_Oui !
_Eh bien, bon anniversaire ! »
Posté le 31 octobre 2020 - par dbclosc
Lille, 1935 : la Ligue du Nord affronte le FC Clyde of Glasgow
Le 31 mars 1935, au stade Victor-Boucquey de Lille, la sélection de la « Ligue du Nord », principalement composée de Lillois et de Roubaisiens, affronte amicalement le club écossais de Clyde of Glasgow. Cette sélection nordiste était considérée comme la vitrine footballistique de la région.
Nous avons évoqué dans un précédent article l’importance et le prestige de ces rencontres internationales qui, loin de relever du seul divertissement ou même du folklore, ont une importance considérable : d’une part par la sélection des joueurs nordistes, car les sélections régionales constituent à l’époque un tremplin officieux vers la sélection nationale ; d’autre part ces matches sont considérés comme étant d’un meilleur niveau que ceux du championnat national, même professionnel (à partir de 1932), et permettent en outre de présenter au public un football considéré comme très marqué par des spécificités nationales. Signe de leur réussite, ces oppositions bénéficient d’une importante couverture médiatique et font venir au stade un public nombreux.
Depuis les années 1900, le Nord de la France a connu diverses sélections pour le représenter, la plus connue étant la redoutable équipe des « Lions de Flandres » dont les victoires avant-guerre contre la sélection parisienne marquaient la domination du football nordiste en France (avec, bien entendu, les succès de l’Olympique Lillois). Mais la guerre a coupé cet élan sportif et, sur le plan institutionnel, le football s’est « nationalisé », en s’organisant sous l’égide de la seule FFF.
15 février 1920 : la toute nouvelle équipe du Nord affronte Paris. Debout, 3e en partant de la droite, José Fonte est déjà déterminé
Via la Ligue du Nord, créée, en 1919, cette sélection vise à regrouper les meilleurs joueurs du Nord et du Pas-de-Calais (voire de Picardie puisqu’on y trouve des Amiénois), là où les Lions de Flandres n’ont longtemps sélectionné que des joueurs de Lille, Roubaix et Tourcoing (ce qui correspondait au rapport des forces sportives de l’époque). La « Ligue des Flandres », en outre, semble favoriser des garçons du cru, Français nés dans le Nord, là où on a vu que « l’Entente » de 1934, sélectionnait pour moitié des Français et pour moitié des étrangers, le critère de sélection étant qu’ils jouent effectivement dans le Nord. Cela faisait regretter à une partie de la presse qu’on ne puisse pas réellement évaluer le niveau du football « nordiste » (en supposant que de telles considérations ne soient que d’ordre sportif…). La sélection du Nord n’est toutefois pas dépourvue complètement de joueurs étrangers ; mais on y trouve bien moins d’Anglais ! On y trouve en revanche quelques joueurs de l’Est (qui souvent, seront ensuite naturalisés), comme si cette sélection devait aussi refléter les mouvements migratoires du Nord, là où les Anglais n’étaient que de passage.
À intervalles réguliers, cette « équipe du Nord » affronte donc d’autres sélections françaises du même type ; cependant, les affrontements interrégionaux (qui étaient aussi des affrontement interligues) ont perdu de leur conflictualité. En revanche, les rencontres internationales n’ont rien perdu de leur saveur et de leur intérêt. Ainsi, dans le Nord, les plus grands succès concernent des matches opposant l’équipe du Nord à des équipes étrangères, voire à des sélections nationales.
L’équipe du Nord, le 20 février 1927 au stade Buffalo à Montrouge. Debout, à côté du gardien, un type qui ressemble à Arnaud Duncker, mais ça doit pas être lui
Faisons un saut temporel et retrouvons-nous à la fin des années 1920. Pour la première fois, l’équipe de la Ligue du Nord joue au stade Victor-Boucquey (ex-stade de l’avenue de Dunkerque et futur stade Henri-Jooris). En novembre 1929, le Nord a battu l’équipe du Kent 6-1 au stade Jean-Dubrulle de Roubaix. Un mois plus tard, elle tient en échec les Diables Rouges (3-3). La presse nordiste, bien que toujours emballée par ces rencontres, regrette que le football nordiste n’ait plus son lustre d’avant-guerre : « nous ne pouvons oublier que le football nordiste occupait, en 1914, le premier rang du football régional et nous caressons toujours l’espoir de reconquérir une suprématie que seule la guerre nous enleva” (Le Grand écho, 9 décembre 1929). Allons ! L’OL remporte le premier championnat professionnel, tandis que Fives y fait excellente figure ! Mais si les performances des clubs nordistes en première division (jusque 6 en 1937/1938 !) offrent un fil rouge bienvenu, l’emballement autour de la sélection régionale est incomparable.
Intéressons-nous donc particulièrement à un match joué le 31 mars 1935 à Victor-Boucquey, à Lille. Les Nordistes affrontent un club écossais, de Glasgow : le FC Clyde, venu sans Bonnie. Après les venues du Celtic en 1921 et 1934, il s’agit de la troisième venue d’un club de Glasgow dans le Nord. La presse tant nationale que régionale souligne que le FC Clyde n’a pas le prestige du Celtic, des Rangers ou de Motherwell ; il n’empêche : Clyde, en championnat, vient de battre le leader St Johnstone, le Celtic, les Rangers, et Motherwell ! Et il a tenu en échec Aberdeen, finaliste de la coupe d’Ecosse. Surtout, en tant qu’ambassadeurs du football écossais, les joueurs du FC Clyde représentent ce qui se fait de mieux en football. L’Auto souligne ainsi que « le football écossais est généralement considéré comme le plus complet et le plus beau, surtout en ce qui concerne le jeu offensif » (28 mars 1935) ; pour le Grand Echo, « les pros de Grande Bretagne, quand ils le veulent, sont des footballeurs de tout premier plan (…) Ce qui fait la caractéristique du jeu écossais en regard du football d’Angleterre, du pays de Galles et de l’Irlande : une plus grande habileté sur la balle et un dribbling plus poussé ; de la technique,de la fantaisie, du brio » (31 mars). En outre, les Ecossais sont pionniers puisque « le fameux système en W fut innové par Motherwell et non pas, comme on l’a déclaré, par Arsenal » (L’Auto, 28 mars).
Pour ce match, la Ligue du Nord a pris l’initiative de placarder dans Lille des affiches qui assurent que cette confrontation est « le clou de la saison ». En novembre, l’AIK Stockholm était également venu affronter le Nord à Lille (le Nord s’est imposé 1-0), mais c’était une équipe d’amateurs. De plus, la date est ici plus favorable et on peut espérer un « temps printanier » avant que le public ne se démobilise : il paraît qu’après le 15 avril, « les champs de football sont un peu désertés par les spectateurs » (Le Grand Echo, 28 mars). Ah bon.
Au-delà de cette confrontation, bon nombre de matches en France permettent à des sélections nationales ou à des clubs de se frotter à des adversaires étrangers. En effet, la FFFA1 a laissé aux ligues la journée de ce dimanche. Lesdites ligues se sont alors empressées de mettre sur pied ces « grands matches internationaux de football » comme l’indique L’Auto : outre Nord/FC Clyde, on aura Paris/Vienne, Marseille/Allemagne du Sud, Belgique B/Normandie, Differdange/Lens ou Red Star/Motherwell, avec pas moins de 10 internationaux écossais. Dans le Nord, les matches des divisions amateurs et de promotion d’honneur ont été remis « afin de permettre aux centaines d’équipes amateurs de la Ligue du Nord de venir prendre une excellente leçon de football au terrain de l’Olympique Lillois » (Le Grand Echo, 28 mars). À 3 jours du match, les places, de 6 à 25 francs, s’arrachent et le « record de location par correspondance est battu ». La compagnie des chemins de fer du Nord annonce des trajets à prix réduit, et la mise à disposition d’autocars car on attend des spectateurs venant « des mines et de Valenciennes ». Alors qu’au même moment, Les Cigares du pharaon viennent de paraître, et qu’on aurait pu croire que la présence d’Ecossais à Lille inspire à Hergé le scénario de l’Île Noire, c’est finalement le sceptre d’autocars qui se présente.
Autre illustration de l’ampleur du match : on y trouvera quelques-unes des grosses légumes du coin, comme « le plus haut fonctionnaire de l’éducation physique en France, le directeur de cabinet de M. le ministre Queuille », M. Pierre Leroi, le sénateur Delesalle, ancien sous-secrétaire d’Etat et président d’honneur de la ligue du Nord.
Les Ecossais arrivent d’abord par la mer, à Calais, où ils sont accueillis entre autres par Henri Jooris (fils). Ils arrivent à Lille samedi 30 mars à 16h19 où les attend une délégation de la Ligue du Nord : « les Ecossais, que l’on croyait voir surgir en tenue sportive et casquette à carreaux et qui arboraient de vénérables pardessus très longs et des chapeaux ronds, laissèrent à leur manager le soin de rompre la glace. Ils s’acheminèrent, très dignes, vers l’autocar qui les guettait à la sortie, pour les amener à l’hôtel où, selon l’usage, ils se mirent en devoir de secouer la poussière du voyage avant de prendre un repos réparateur, en écrivant des cartes postales » (Le Grand Echo, 31 mars).
Une première large sélection nordiste a été annoncée dans Paris Soir daté du 22 mars, de laquelle seront finalement retirés après une dernière réunion le 27 dans le local de la Ligue tous les joueurs Fivois, qui ont une demi-finale de coupe de France à jouer la semaine suivante : on craint une blessure, et les dirigeants du SCF privilégient un match amical au Mans. Dès lors, Joseph Gonzalès, Karl Dalheimer, Ernest Liberati et Robert Saint-Pé, initialement sélectionnés, et André Cheuva, pressenti, ne sont pas de la partie ; Marcel Desrousseaux (Excelsior Roubaix) disparaît également de cette première sélection. Seul le gardien remplaçant (Dalheimer) est remplacé, par François Encontre, le gardien du Racing Club de Roubaix. Voici donc la composition des équipes :
Si ce n’est pas bien lisible, voici quelques précisions côté nordiste : dans les buts, Robert Defossé ; derrière : Jules Vandooren et Georges Beaucourt. Ces trois hommes forment habituellement la défense de l’Olympique Lillois. Au milieu, une ligne Paul Delassus (OL), Georges Verriest (Racing Club Roubaix), Noël Liétaer (Excelsior Roubaix) ; devant, « le prestigieux [Edmond] Novicki à qui Lens doit beaucoup de ses succès de la présente saison », Henri Hiltl « la coqueluche des roubaisiens » (Excelsior), André Simonyi « le manieur de balles prestigieux » (OL), Ignace Kowalczyk dit « Ignace » (Valenciennes) et Georges Winckelmans (OL), qui était blessé depuis quelques semaines mais « qui a fait savoir spontanément qu’il serait complètement remis pour le match » !
Remplaçants : Ernest Payne (Excelsior Roubaix), François Encontre (Racing Club Roubaix), Célestin Delmer (Excelsior Roubaix), Beeringer (OL), Marcel Ourdouillié (Association Sportive de Raismes)
Le coup d’envoi est fixé à 15h et, dès 14h, le Grand Echo rapporte que le stade se remplit. Il faut dire que, pour patienter, un concert est donné par « la brillante harmonie Excelsior, sous la direction de M. Pruvost ».
Le quotidien régional précise que ce n’est « pas la même cohue » que lorsque l’Allemagne de l’Ouest (en février 1934) ou Sunderland (en avril 1934) sont venues à Victor-Boucquey, mais on compte tout de même près de 8 000 personnes, tandis que L’Auto table même sur 10 000. Peut-être que la concurrence avec le concours carnavalesque de l’Union des commerçants pour la mi-carême en centre-ville a joué. Les joueurs sont présentés à M. Delessalle, Leroi, et Jooris (père cette fois, président de la Ligue). En tribune, tous les membres du conseil de La ligue sont présents, ainsi que les dirigeants de nombreux clubs de la région : Caullet (OL), Henno (SCF), Marquilly (RCL), Boulton (RCR) Flenniau et Van de Vegaete (UST). Officiellement, l’Ecosse n’a pas d’hymne national2 : on joue donc l’hymne anglais, puis La Marseillaise. Après un échange de fleurs et de fanion, l’arbitre roubaisien Jules Baert donne le coup d’envoi.
Dès la 2e minute, les Ecossais marquent grâce à une reprise de volée de Johnstone, « un but dû plutôt à la mésentente des éléments nordistes qu’à une descente irrésistible, et encore faut-il dire que Vandooren venait de recevoir un coup de pied à la figure l’empêchant de se lancer à la poursuite de l’attaquant possesseur de la balle » (L’Auto, 1er avril). Durant la première période, les visiteurs dominent : « les Ecossais pratiquèrent un jeu sobre et direct, dépouillé de toute fioriture », tandis que « les Français sont lents ». Toutefois, du côté nordiste, « les exploits d’un Hiltl et d’un Simonyi soulevaient maints applaudissements ». En seconde période, les Nordistes dominent cette fois largement (« la seconde mi-temps est celle des Nordistes dont l’équipe, bien soudée, donne à fond ») et égalisent à la 65e grâce à Ignace « malgré un plongeon desespéré de Stevenson » (Le Grand Echo, 1er avril), après un relais entre Novicki et Simonyi : « le but fut follement acclamé » (L’Auto). Le Nord pousse mais plus rien ne sera marqué, et ce match s’achève sur un « match nul flatteur pour les visiteurs », qui auraient dû repartir défaits si l’équipe du Nord n’avait pas mis du temps à trouver ses marques.
Tout le monde s’accorde pour souligner la qualité du spectacle proposé, notamment parce qu’il était équilibré. Ainsi, le Grand Echo insiste sur un adversaire « d’une classe assez voisine » à celle des Nordistes : « devant des artistes comme Sunderland ou le Celtic, le spectateur ressent rapidement une impression de malaise qui est provoquée par l’écrasante supériorité d’un adversaire qui nous ménage et qui se ménage, ce qui est correct pour les relations entre les deux équipes, mais qui est humiliant pour les débutants professionnels que sont les Français ». L’Auto embraye : « si la pureté du football pratiqué fut moins grande , la lutte fut plus égale, plus vite, et l’équilibre des forces en présence donna à la rencontre un piment qui fait défaut quand l’écart de classe est par trop considérable ». Ouest-Eclair voit en Hiltl « l’âme de l’équipe du Nord » : Henri Hiltl, né Heinrich, Autrichien naturalisé Français, a même compté une sélection en équipe d’Autriche avant de jouer pour la France. La performance de Simonyi, le Hongrois, est également saluée.
Bref, « le public se retira enchanté et les dirigeants de la ligue du Nord, disons-le, furent bien inspirés en invitant cette belle formation » (L’Auto). Et comme un étalon de la valeur du football français, les victoires des ligues françaises sur la plupart de leurs adversaires étrangers semble refléter un football national en excellente santé, qui sait organiser de grands événements : un argument de poids, notamment pour la ville de Lille, au moment où la France envisage de déposer sa candidature pour accueillir la coupe du monde 1938.
FC Notes :
1 C’est dans les années 1970 qu’au cours de compétitions internationales en rugby et en football Flower of Scotland s’est imposé, mais sans être l’hymne officiel.
2 « A » pour « Association ».
Posté le 29 octobre 2020 - par dbclosc
Les deux premiers déplacements du Celtic Glasgow dans le Nord (1921, 1934)
Si le LOSC affronte pour la première fois en compétition officielle le Celtic Glasgow en octobre 2020, le club écossais s’est déjà rendu dans le Nord à 2 reprises, pour y affronter des sélections régionales, en 1921 à Roubaix puis en 1934 à Fives.
Pourquoi donc une équipe si prestigieuse que le Celtic Glasgow va-t-elle se retrouver à deux reprises, dans les années 1920 et 1930, dans le Nord de la France pour y affronter des sélections régionales ? Il convient d’abord de revenir sur la valeur de ces confrontations à l’époque, dans un football bien différent de celui que l’on connaît de nos jours.
A la recherche de matches de prestige
Après le premier conflit mondial, dans un football national pas encore unifié en raison de la concurrence entre fédérations, et pas encore professionnel, ce qui conduit notamment à des scores de forte ampleur entre confrontations interligues ou même au sein d’une même ligue, les clubs français les plus en vue tentent d’accroître leur popularité et leur prestige par le biais de matches et de tournois internationaux. Si l’on prend le cas de l’Olympique lillois, ancêtre du LOSC, le club a été pionnier, dès l’avant-guerre, dans l’organisation de matches contre des adversaires Belges et Anglais, réputés plus forts. Il faut dire le championnat régional, hormis les confrontations contre Tourcoing ou Roubaix, n’offre guère la possibilité de rencontres de haut niveau ; dès lors, à l’heure où la lente institutionnalisation du football français n’apporte pas aux compétitions régionales un grand prestige, les matches contre des équipes étrangères constituent de beaux trophées, d’un point de vue symbolique. En outre, la création de sélections régionales participe aussi à rendre le football plus palpitant, ainsi que l’illustre la classique confrontation Paris/Nord à partir de 1904. Henri Jooris, successeur d’André Billy à l’Olympique Lillois, confirme et amplifie cette dynamique en institutionnalisant l’équipe des Lions de Flandres, sélection des meilleurs joueurs nordistes. Avant que ne survienne la guerre, l’OL et les Lions de Flandres symbolisent la domination du football nordiste en France.
Le Celtic, « la plus belle équipe du monde » à Roubaix
L’équipe des Lions de Flandres retrouve les terrains en février 1918. Amputée de quelques joueurs, morts à la guerre (pensons notamment aux Lillois Six et Carpentier), elle reprend son activité de promotion du football nordiste et dépend désormais de la Ligue du Nord et du Pas-de-Calais, créée en 1919 en lieu et place du comité régional, signe de l’unification du football national. En 1921, les Lions de Flandres vont, pour la première fois, rencontrer le Celtic Glasgow, qui fut le premier club écossais à faire des tournées en Europe, dès 1904. Champion national en 1914, 1915, 1916, 1917 et 1919, le Celtic connaît aussi de nombreuses pertes liées à la guerre. Ce 22 mai 1921, vont donc s’affronter à Roubaix, au parc Jean-Dubrulle, deux équipes relativement reléguées par le conflit mondial. Il n’empêche : le match reste un grand événement, ne serait que parce qu’il s’agit de la première visite d’une équipe professionnelle de football dans le Nord (en Écosse, la professionnalisation du football a débuté dès les années 1890). Les Écossais ont ensuite prévu quelques rencontres en région parisienne. Le Grand écho du Nord souligne ainsi que cette opposition entre professionnels écossais et amateurs nordistes est une « rencontre qui fera époque dans les Annales du Sport Nordiste : jamais nous n’avions vu de professionnels et c’est l’équipe la plus réputée qui sera dans le Nord dimanche prochain » (22 mai 1921). À l’appui de cette promesse, le quotidien régional interroge le journaliste Achille Duchenne, présenté comme un « spécialiste parisien bien connu » : « je sais que c’est la plus belle équipe du monde. De mémoire, je me rappelle de certains joueurs exceptionnellement réputés tels : Gilchrist, Cassidy, M’Lean, M’Farlane, Gallagher, qui sont des merveilles. Le mot Celtic, outre-Manche, dit tout ce qu’il y a de plus parfait en football ». Pour information, les places sont réservables chez M. Jonville, 34-36 rue de Paris, qui ne s’appelait pas encore « rue Pierre Mauroy ».
Devant 10 000 spectateurs et un « temps superbe », les dirigeants du Celtic ont d’abord pris l’initiative de déposer « une gerbe de fleurs naturelles » au pied du monument aux morts du Racing Club de Roubaix. Voici les compositions des deux équipes :
La presse nordiste semble assez confiante avant le match. En cause, le « tournoi de l’Olympique de Paris », qui a eu lieu quelques jours avant, auquel ont participé des clubs anglais : il est souligné que si les clubs parisiens ont perdu la plupart de leurs matches, ils s’en seraient mieux tirés avec davantage de « désir de vaincre ». Autrement dit, l’écart entre footballs français et anglo-saxon serait faible, et ce serait surtout une question d’envie. Hélas : « nous devons déchanter. Le Celtic a fait montre d’une virtuosisité telle que, tout en paraissant se livrer à une simple exhibition, il n’en a pas moins percé par 5 fois la belle défense des nôtres et ce, avec une aisance qui nous stupéfia (…) Si le Celtic l’avait voulu, il eût pu doubler le score obtenu » (24 mai 1921). Le Celtic tarde à s’organiser, ce qui semble confirmer d’abord les espoirs nordistes : « le début nous donne quelque espoir » ; « le nord peut faire illusion ». Mais la machine écossaise se met en marche : le Celtic marque à la 24e par Gallagher, d’une frappe à 20 mètres ; dans la foulée, l’ailier gauche Pratt marque un but « à la Dubly », le joueur roubaisien d’en face, qui a marqué le but vainqueur des Français contre l’Angleterre 15 jours avant. Cela ne nous renseigne pas sur ce qu’est un but « à la Dubly », mais bon, ça fait une info. Juste avant la pause, les Nordistes pointent le nez mais le gardien, Shaw, « pare de justesse : la balle lui échappe des mains et passe le long de la ligne de but, mais sans la franchir (…) C’est la seule fois où nous avons frisé le but ». À la pause, les Nordistes sont menés 0-2.
Le suspense, s’il y en avait un, disparaît dès la 49e minute : Gallagher, à 18 mètres, fait 0-3. Le Celtic déroule et McInally marque les deux derniers buts de Glasgow ; sur le 5e, « il feinte, passe Parsys et pénètre tout doucement dans les filets en compagnie de la sphère de cuir ».
C’est implacable : « les Lions sont domptés ». L’Echo du Nord souligne notamment les performances de Gallagher et de McStay, mais salue aussi la « tenue somme toute très satisfaisante des Nordistes eu égard à la virtuosité des professionnels qui leur faisaient face ». Finalement, « à chacun son métier » conclut le quotidien, impressionné par l’avance d’un football écossais qu’il attribue à son professionnalisme.
« L’Entente Nordiste » en attendant la « Ligue du Nord »
Dans l’entre-deux-guerres, de nombreuses évolutions marquent le déclin de l’équipe des Lions des Flandres, qui disparaît progressivement dans les années 1920. Les confrontations nationales se développent dans un championnat enfin unifié ; elles s’équilibrent, gagnent en intérêt et se professionnalisent à partir de 1932 ; les affrontements interrégionaux, désormais effectifs dans un « vrai » championnat national, n’ont plus le prestige d’antan. Mais la Ligue du Nord fait perdurer l’existence d’une sélection nordiste, qui prend ses contours définitifs au milieu des années 1930 sous le nom de… « Ligue du Nord », qui rassemble les meilleurs footballeurs nordistes (comprendre : meilleurs nordistes – Français – qui jouent dans des clubs nordistes). Entre la fin des « Lions de Flandres » et l’avènement de la « Ligue du Nord » apparaît une sélection baptisée « entente nordiste » ou « entente professionnelle », sélection de footballeurs jouant dans le Nord, mais pas basée sur la nationalité.
En 1934, alors que l’équipe de la Ligue du Nord commence à multiplier les matches, apparaît donc une « entente nordiste » qui, le 27 mai, s’apprête à affronter le Celtic Glasgow, de retour dans le Nord de la France après son passage en 1921.
L’OL absent
Pour ce premier match, « l’Entente nordiste » est composée de joueurs du RC Roubaix, de l’Excelsior Roubaix, et du SC Fives. Mais pas de l’OL qui, ayant placé un match amical à Valenciennes dans le même temps, n’a pas souhaité envoyer de représentants. Cela illustre le prestige moindre de cette équipe par rapport aux « Lions de Flandres », pour qui il eût été inconcevable de refuser une sélection.
Voici la sélection :
Encontre (Racing Club de Roubaix), Cernicky (Sporting Club de Fives), Boatman (RCR), Cottenier (RCR), Eastman (SCF),Kalmar (Excelsior Athlétic Club), Liberati (SCF), Cheuva (SCF), Vancaneghem (EAC), Hiltl (EAC), Buge (EAC), Gianelloni (EAC), Payne (EAC), Tison (RCR), Sartorius (RCR).
Dès lors, ce sont les représentants des clubs nordistes en question qui accueillent la délégation écossaise en gare de Calais le 25 mai : on trouve par exemple M. Chas Boulton, président de l’Entente nordiste du Groupement spécial ; M. Henno, président du SCF, MM. Lemaire et Geillon, vice-présidents du SCF ; M. Dubar, vice président des Amis du Sporting ; ou M. Isbecque du RCR. Ils accueillent notamment M. Flemming, président de la Fédération écossaise de football ; M. Graham, secrétaire de la fédération ; le colonel Shadnessay, ex-président du Celtic ; M. White, président du Celtic ; et donc l’équipe du Celtic : la presse nordiste souligne que le Celtic compte 6 internationaux, parmi lesquels John Divers, le « joueur le plus en vue actuellement, considéré comme la grande révélation de la saison ». Tout ce petit monde arrive à 18h39 en gare de Saint-André lez-Lille, avant que des voitures particulières et des autocars ne les emmènent au grand café Bellevue où « M. Flemming remercia de l’accueil chaleureux qui était réservé et souligna que ses joueurs étaient heureux de venir à Lille faire une exhibition de propagande ».
La revanche des « Nordistes »
Le match a lieu sur le terrain du SCF, au stade Virnot. En lever de rideau a lieu une rencontre « de sous-minimes » entre d’un côté des jeunes (14 ans) de l’Iris et de Fives, et de l’autre de l’Excelsior et du Racing. Notons que parmi les jeunes du SCF, on trouve un certain Walter De Cecco. Entre les deux matches, « la grande société « les Ecossais de l’Escaut » de Tournai, se produira et fera entendre les meilleurs morceaux de son répertoire ».
Voici les équipes alignées :
ça démarre très fort puisque dès la 10e minute,Van Caeneghem, blessé, est contraint de sortir, ce qui entraîne une incompréhension : le Nord est à 10 et, pendant près de 20 minutes, le public proteste constatant qu’aucun changement n’est effectué. Oui mais voilà : « la fédération écossaise n’autorise pas le remplacement d’un homme blessé. C’est ce que tente d’annoncer un crieur public dont la voix est couverte par les clameurs d’une foule qui n’est pas précisément fascinée par le spectacle qui lui est offert ». Malgré leur infériorité numérique, les Nordistes ouvrent la marque par Hiltl qui, « d’un shoot splendide » à 15 mètres après une combinaison Liberati/Cheuva, bat Shevelin. Suite à ce but, Tison entre du côté nordiste, le manager du Celtic ayant donné son accord pour un remplacement. La mi-temps est sifflée sur ce score de 1-0. Durant l’entracte, nos amis tournaisiens, en kilt, sont rejoints par la « grande fanfare de Fives » dans une chaude ambiance : « les minutes de repos nous semblèrent ridiculement courtes » souligne Le Grand Echo.
Dès la reprise, un corner de Cheuva est repris par Kalmar (2-0, 51e) : « la supériorité du football anglais est menacée. En y réfléchissant bien, cependant, le football britannique n’est pas si mal représenté dans la sélection des pros du Nord… ». Alors que l’on croit la sélection du Nord se diriger vers un facile succès, le Celtic revient (McDonald, 71e), puis égalise (Donel, 73e). Les Écossais poussent mais Encontre sauve son camp « avec un sang-froid que les plus téméraires hésiteraient à qualifier de chance ». Finalement, Liberati (79e, 89e) assure le succès à « l’Entente professionnelle ».
Une belle fête
Ce match permet à l’Echo du Nord de s’attarder sur quelques considérations tactiques du football écossais : « le Celtic emploie à la perfection la méthode en « W » qui a de chauds partisans et aussi d’innombrables adversaires. Il semble que les Ecossais poussent très loin, trop loin même, le retrait des Inters, ce qui a pour conséquence d’isoler le centre-avant, dont le pouvoir d’attaque se trouve fortement diminué (les inters, à notre avis, ne comprennent bien leur rôle que s’ils soutiennent constamment le centre-avant, d’assez près, au point de pouvoir permuter rapidement, avec lui, quand les circonstances s’y prêtent (…) Au Celtic, le retrait accentué des Inters confine les demis à un rôle assez passif ». Du côté du Nord, on souligne notamment la belle prestation du gardien Encontre, qui a débuté le match par « 5 ou 6 arrêts du meilleur aloi. Par la suite, il se comporta toujours très bien et ce sont ses deux arrières – Pagne surtout – qui doivent être tenus pour responsables des deux buts qui furent marqués contre lui ».
Après le match, comme il se doit, tout le monde est allé boire un coup, et apparemment ça n’a pas été triste. Le Grand Echo indique que, au café Bellevue, « les francs et joyeux gaillards des Highlands ont fêté le sport-roi (…) le premier toast, lancé par M. Flemming, président de la fédération écosssaise, fut porté à la santé du président Lebrun ; tout aussitôt l’on but au roi d’Angleterrre. Et alternativement, dès le dessert, on célébra dans les deux camps l’amitié franco-anglaise, tant en français qu’en anglais (…) M. Levy, adjoint au maire, représentant la ville, fit, entre le rumsteack et le poulet, un éloge sensible des visiteurs qui leur fut traduit et provoqua de joyeuses réactions chez les Johnie, Jimmie and all others de l’assistance (…) M. J-K Dible, consul d’Angleterre, conta avec humour de délicieuses histoires écossaises (…) puis ce furent les chansons, les vieilles mélodies écossaises, et les refrains modernes furent repris en choeur par de vigoureux jeunes gens qui pratiquent le fair-play aussi bien à table que sur les terrains de jeu ».
Le football du Nord aux Nordistes
La victoire du Nord permet au quotidien régional de souligner les progrès du football nordiste, même si un doute subsiste sur ce que désigne « football nordiste » : faut-il considérer comme tel le football pratiqué dans le Nord, ou le football pratiqué par les Nordistes ? Et pourquoi ceux-ci ne seraient-ils pas les mêmes que ceux-là ? En intégrant des étrangers évoluant à Roubaix et à Fives, c’est comme si cette « Entente » ne permettait pas d’évaluer pleinement la valeur d’un football qu’on souhaiterait pratiqué par des Nordistes : « l’écart entre les meilleurs professionnels du Continent et les nôtres a sensiblement diminué. Il est même comblé lorsque nous incorporons dans une sélection dite régionale cinquante pour cent d’étrangers de très grande classe ». Le quotidien est encore plus clair quand il conclut : « terminons par des regrets : il n’y avait que 5 joueurs français dans l’équipe de l’Entente ». C’est précisément l’équipe de la Ligue du Nord qui, renouant avec la tradition des « Lions de Flandres » (exception faite du Belge Alphonse Six avant-guerre), s’emploiera à limiter les sélections d’étrangers, tout en s’ouvrant à d’autres clubs que ceux de la métropole lilloise (arrivent ainsi des Lensois, Valenciennois, et Raismois). Et, dès 1935, cette sélection affronte à Lille une autre équipe de Glasgow. Nous y reviendrons très prochainement.
Posté le 3 octobre 2020 - par dbclosc
Au Stadium, Bosman à l’arrêt
En mai 1998, est annoncé au Stadium-Nord de Villeneuve d’Ascq un match de gala au profit du footballeur belge Jean-Marc Bosman, opposant deux équipes de « stars internationales », l’une « entraînée » par Thierry Froger, entraîneur du LOSC, l’autre par Michel Docquiert, entraîneur de l’ESW. L’événement se transforme en un fiasco épouvantable qui souligne le manque de popularité et l’isolement de celui par qui le football a été transformé.
« Soirée de gala », « rencontre de prestige » : la Voix du Nord s’emballe pour ce qui s’annonce en effet grandiose. Voici venir le « Bosman Benefit Match », qui devrait amener au Stadium Nord « quelques stars du ballon rond fraîchement retraitées ou en fin de carrière » comme « Cantona, Higuita, Scifo, Donadoni et bien d’autres stars du football ». Le match est organisé par un tout neuf syndicat de footballeurs, l’Association internationale des footballeurs professionnels (AIFP), créé à l’initiative notamment de Diego Maradona, et de Didier Roustan si l’on en croit Didier Roustan. Le journaliste souligne ainsi que « Maradona avait cette idée en tête depuis 1986 et le Mondial mexicain. Avec l’altitude et la chaleur, les conditions n’étaient pas idéales, mais les matches se sont quand même joués aux heures où le soleil tapait le plus, pour que les retransmissions aient lieu en prime time. Maradona a alors jugé qu’il fallait faire évoluer les choses, que les joueurs devaient avoir leur mot à dire et ne pas être manipulés comme des objets ». Une rencontre décisive entre les deux hommes aurait eu lieu en janvier 1995 puis, en septembre de la même année, naissait l’AIFP. Ses membres fondateurs sont : Diego Maradona, Thomas Brolin, Raï, Laurent Blanc, Ciro Ferrara, Gianluca Vialli, Gianfranco Zola, George Weah, Neno, Michael Rummenigge, Eric Cantona, Mohammed Chaouch, Abedi Pelé et Michel Preud’homme. S’y joignent rapidement Ruud Gullit ou encore Hristo Stoïchkov.
Le syndicat prend rapidement les airs d’une internationale quasi-révolutionnaire : lors de son lancement officiel le 18 septembre 1995, Diego Maradona annonce vouloir « changer les choses, participer à tout ce qui se prépare dans le monde du football sans que les joueurs ne soient jamais consultés (…) Ce syndicat mondial est un rêve que je voulais partager avec d’autres joueurs, pour que nous soyons solidaires de tous les footballeurs qui ont besoin de nous ». Le programme tient en quelques principes-clés : « défense des principes fondamentaux du sport, du football et sauvegarde des droits moraux et sociaux des footballeurs ; réalisation du principe que le footballeur est l’élément central du monde du football ; aide aux footballeurs des pays du tiers monde ». Concrètement, aucun dossier ne semble à l’étude et on se demande quelle consistance se trouve derrière ces déclarations d’intention mais, à ce stade, on peut saluer une forme de prise de conscience collective et un début de réflexion sur un répertoire d’action qui consisterait par exemple à « retarder le début d’un match pour faire pression ». Il semble que l’AIFP soit mue par la volonté d’apporter un contrepoids à la FIFA, sans toutefois prétendre la renverser. En somme, l’association prend une posture de poil à gratter « anti-système ». Le jeu de questions/réponses avec les journalistes révèle une ligne directrice encore floue : Maradona regrette que des joueurs « doivent mendier après avoir consacré leur vie au foot » ; George Weah déplore qu’« on a parfois moins de vingt-quatre heures entre un match en Europe et un autre en Afrique » ; Abedi Pelé aimerait que les footballeurs soient représentés pour, par exemple faire en sorte que « Cantona ne prenne pas autant » après sa suspension de 8 mois pour avoir agressé un spectateur ; enfin, Michel Preud’homme, interpellé sur la situation de Jean-Marc Bosman, déclare à propos de son compatriote : « on ne traite pas encore de cas particulier, mais il a tout notre soutien ».
Jean-Marc Bosman, nous y voilà. L’histoire est connue : jeune footballeur brillant (il fut même capitaine des Espoirs en Belgique), Bosman poursuit une carrière plus modeste de footballeur professionnel en Belgique. En 1990, alors que son contrat au FC Liège arrive à son terme et qu’il souhaite rejoindre Dunkerque, son club réclame une indemnité de transfert. Il saisit alors la justice, arguant d’une part que le FC Liège n’est pas légitime à demander cette indemnité, et d’autre part que le quota empêchant les clubs européens d’avoir plus de 3 joueurs étrangers ressortissants de l’UE est une entrave à la libre circulation des travailleurs. Un long combat judiciaire commence et, pendant ce temps, Bosman ne peut exercer son métier : les règlements permettent au FC Liège de l’empêcher de partir, quand bien même le contrat est expiré. Le 15 décembre 1995, la Cour de Justice des Communautés Européennes lui donne raison en instituant la libre circulation des joueurs professionnels dans l’espace européen. Très concrètement, les clubs les plus riches peuvent désormais s’appuyer sur cette manne pour s’attacher les services des meilleurs joueurs du monde, et sans être limités par leur nationalité. Une décision qui change la face du football mais dont Bosman, à 31 ans et après ces 5 années, ne profitera jamais.
C’est là que l’AIFP et le combat de Bosman se rencontrent. Une lecture rapide de l’arrêt et de ses enseignements semble aller dans le sens de l’intérêt des footballeurs, désormais libérés de contraintes réglementaires, et libres de jouer où ils le souhaitent, notamment à l’étranger. Au vu de la feuille de route qu’elle a énoncée, l’AIFP semble se saisir du combat et apporte son soutien à Bosman. Cela sort l’association de son sommeil car on ne compte en tout et pour tout pour le moment que l’organisation de deux matches amicaux dont les buts restent flous, hormis embêter la FIFA : un premier à Barcelone le 27 avril 1997, « en dépit des pressions exercées par les instances du football » souligne Roustan ; puis un second « contre le racisme » le 12 octobre 1997 à Madrid, devant 80 000 spectateurs, un match retransmis dans 40 pays. Voici donc le 3e match amical organisé par l’AIFP : ce « Bosman Benefit Match » est une sorte de remerciement des organisateurs qui ont vu leurs salaires exploser suite à « l’arrêt Bosman », tandis que Jean-Marc Bosman connaît ses premières galères financières.
Un beau plateau est annoncé et « les stars seront bien là ! » promet la Voix du Nord. On annonce d’un côté l’équipe des « anciens » composée de : Higuita (COL), Preud’homme (BEL), Montova (ARG), Bruce (GB), Barco (PER), Basulado (ARG), Glassmann (FRA), Cyprien (FRA), Grün (BEL), Kombouaré (FRA), Aldana (ESP), Donadoni (ITA), Hagi (ROU), Del Solar (PER), Scifo (BEL), Pelé (GHA), Brolin (SUE), Cantona (FRA), Butragueno (ESP), Cascarino (IRL), Bosman (BEL), Usuriaga (COL) et Jakobsen (NOR).
De l’autre, l’équipe des « jeunes » composée de : Gillet (BEL), Frey (FRA), Remacle (BEL), Ferdinand (GB), Tudor (CRO), Muller (SUI), Beto (POR), Gerad (ESP), Stoica (ROU), Ducrocq (FRA), Coubadja-Toué (TOG), Belozoglu (TUR), Nanato (BRE), Olivera (URU), Preciado (COL), Pantelic (YOU), Ch. Kanu (NIG)
Pour ajouter une dimension régionale à l’événement, les coachs du jour, qui auront bien sûr un rôle tout symbolique, seront, pour les « jeunes », Michel Doquiert, qui vient de parvenir à maintenir l’Entente Sportive de Wasquehal en deuxième division et, pour les « anciens », Thierry Froger, qui a réussi la même performance avec le LOSC.
Problème : une bonne partie des stars annoncées et le public ne viennent pas.
« On attendait une énorme fête, on a eu droit à un flop retentissant » regrette la Voix du Nord. Alors certes, les joueurs présents au Stadium-Nord n’étaient pas des joueurs de district, mais « entre l’affiche annoncée et les joueurs réellement présents, il y avait un monde ». La principale attraction de ce match, Eric Cantona, était finalement retenue au Mexique pour le tournage d’une publicité ; manquaient également à l’appel Higuita, Careca, Butragueno ou Abedi Pelé : « une liste de forfaits plus que nuisible à la crédibilité de ce gala », « les esprits chagrins affirmeront qu’ils ont été trompés sur la marchandise, les plus optimistes se seront consolés en se disant qu’il y avait quand même quelques beaux noms sur la pelouse ». Parmi eux, le Roumain Hagi, les Belges Scifo, Grün et Preud’homme, ou l’Argentin Basulado, finaliste de la coupe du monde 1990. Résultat, « on ne nous enlèvera pas de l’idée que la fête a été gâchée » et les spectateurs « qui avaient sans doute flairé l’embrouille » n’était que 3 000. Sur le terrain, les « anciens », grâce au « talent exceptionnel de Georghe Hagi » (et probablement au coaching de Froger) ont battu les jeunes par 3 à 1 (Hagi, Hagi, Usuriaga contre Pantelic).
Dans un entretien donné au Figaro en 2006, Jean-Marc Bosman est revenu avec amertume sur ce match organisé par l’AIFP : « Maradona et quelques autres grandes stars qui devaient jouer un match organisé en ma faveur à Lille n’ont jamais pu trouver l’adresse du stade et, croyez-moi, on a peiné ce jour-là pour trouver 22 joueurs et disputer ce fameux match ». Comment expliquer que si peu de joueurs aient participé à ce match au profit d’un homme auquel ils doivent tant ?
Au début de son combat judiciaire, Jean-Marc Bosman est d’abord privé de football, sans même pouvoir toucher des indemnités de chômage. Il trouve finalement un club à la Réunion en 1992, avant de terminer sa carrière à Visé (D4 belge) en 1996. Ces années restent les « meilleures » dans la mesure où son combat puis sa victoire judiciaires, ainsi qu’un documentaire pour Canal+, qui co-organise d’ailleurs le match au Stadium, lui rapportent, outre quelques soutiens et une attention médiatique, près d’un million d’euro. Il roule en Porsche et achète plusieurs maisons. Il est sollicité et l’avenir lui semble radieux : il s’imagine ambassadeur du football moderne et se dit qu’il est désormais protégé à vie. Mais il se rend vite compte de son isolement et du manque de reconnaissance de ses « collègues », qui ne l’associent pas forcément à l’inflation des transferts et des salaires à laquelle il a contribué. Si l’AIFP l’a nommé président d’honneur, le manque d’activité du syndicat, la concurrence qu’il introduit avec le principal syndicat existant, la FIFpro, ne lui apportent rien et tendent même à le décrédibiliser : « j’ai été nommé président d’honneur d’un syndicat international de joueurs (AIFP) qui n’existe plus, j’ai serré mille mains, posé pour des photos officielles, je pensais que ma vie de galère était derrière moi. Je me disais : finis les soucis, la vie dans le garage de mes parents, les privations, les humiliations » (Le Figaro, 2006). Mais au-delà de la période immédiate de « l’après-arrêt », les portes se ferment, et l’organisation de ce « Bosman Benefit Day », évoqué depuis 1996, traîne en longeur. Tout à la négociation de leurs nouveaux contrats en or, les joueurs oublient leur promesse de solidarité, et cet isolement éclate ce jour de mai 1998 : « les grands noms se sont décommandés. J’ai découvert leur égoïsme ». Il déclare même que beaucoup d’entre eux refusent de se laisser photographier en sa compagnie, « comme si je sentais mauvais » : « une fois les réflecteurs éteints, les invités sont partis, et je me suis retrouvé seul. Encore une fois. On m’a beaucoup promis, et j’ai eu le tort d’y croire. Tout le monde parlait de moi comme d’un héros. Gianluca Vialli par exemple, qui, grâce à l’arrêt, avait pu quitter librement la Juventus pour Chelsea en multipliant son salaire par quatre ou cinq, certainement pas parce qu’il était devenu quatre fois meilleur, avait déclaré : « Je dois tout cela à Bosman… Si je suis riche, maintenant, c’est grâce à lui ». Je n’ai depuis aucune nouvelle de lui ».
Le seul soutien dont il bénéficie est celui des membres de l’équipe nationale des Pays-Bas qui, avant un match d’éliminatoires pour la coupe du monde 1998 contre la Belgique en septembre 1997, lui donnent chacun 2 500€ en signe de reconnaissance : les jumeaux Frank et Ronald De Boer (Ajax), Edwin van der Sar (Ajax), Giovanni van Bronckhorst (Feyenoord) et Arthur Numan (PSV Eindhoven), représentants du « Team Holland », qui gère l’image de marque des internationaux indépendamment de la fédé, se rendent chez Bosman : « sans faire de discours compliqué, ils m’ont offert leurs primes en me disant simplement : « Voilà… Sans toi, nous ne gagnerions pas autant aujourd’hui » ». Pour Frank De Boer, « notre geste n’a rien à voir avec le match contre la Belgique. Nous sommes venus ici pour rencontrer Jean-Marc et rien d’autre. Nous voulions rappeler à quiconque qu’un certain Jean-Marc Bosman a permis à de nombreux footballeurs d’être aujourd’hui libres et mieux rémunérés ». Arthur Numan approuve : « nous avons tous profité de l’action entreprise par Jean-Marc, sauf lui en définitive. Il est normal, avons-nous estimé, de lui témoigner notre reconnaissance ». L’occasion pour les Oranje de mettre la pression sur les Belges avant le match en leur demandant d’avoir la même générosité… ce à quoi la fédération belge s’est opposée au motif que cela « déstabiliserait » les Diables : la fédé évoque même une « machination ». Le sélectionneur national, Georges Leekens, réagit : « ce n’est pas, en ce qui nous concerne, à l’ordre du jour. Je ne veux pas discuter d’une démarche qui ne regarde que les Néerlandais. Si mes joueurs veulent en faire autant, qu’ils le fassent, mais en temps opportun. Cela ne doit pas les déconcentrer avant le match ». Les Diables peuvent donc aider Bosman… à titre individuel. Cette démarche a également permis aux Néerlandais de remettre sur la table l’idée d’un « Bosman Benefit Match ».
Aujourd’hui, après avoir connu de nombreuses galères personnelles, Jean Marc Bosman jette un œil amer sur ce qu’il reste de « l’arrêt Bosman », qui a entraîné un flux d’argent qui a d’abord profité aux championnats les mieux dotés en droits TV, qui ont pu attirer les meilleurs joueurs au détriment des autres pays, affaiblissant par là même les championnats plus modestes. Si les joueurs sont plus « libres », ils restent en partie des marchandises négociées aux plus offrants, tandis que les refus de prolongation de contrat s’accompagnent aujourd’hui de sanctions pour les joueurs telles que l’exclusion du groupe professionnel ou la rétrogradation en équipe B. Dans Ouest-France en 2015, Bosman déplorait que l’arrêt : « [ait] été un peu été détourné de son objet de départ, car il était tourné vers les joueurs et clubs les moins riches. Il était propre. Mais les vingt-cinq plus grands clubs européens se sont regroupés pour gagner encore plus d’argent, au lieu de redistribuer. Donc, on pourrait dire que l’arrêt Bosman a été à moitié tué, à part sur le chapitre de la libre circulation. Il a été détricoté, au point que les gens n’y comprennent plus rien ». Sur un plan plus personnel, les nombreuses interviewes qu’il a données ces dernières années révèlent le sentiment de solitude et de dénuement et parfois d’aigreur qu’il éprouve (« Aujourd’hui, certains joueurs brassent des dizaines de milliers d’euros par semaine et moi, je n’ai rien eu d’autres en retour que quelques mercis. Tout le monde est passé à la caisse, sauf moi. Quelque part, les stars du foot mondial flambent un peu toutes mon pognon » dans Le Soir en 2015 ; « En nonante-cinq, si j’avais réclamé un euro ou un mini-pourcentage pour chaque mouvement de joueur sans demander des dommages et intérêts, maintenant je pourrais racheter la ville de Liège, le Standard, Bruges et Anderlecht, avec le nombre de transferts qu’il y a eus depuis » dans Le Monde en 2015)
Une belle photo de La Voix du Nord dont la légende a dû booster le moral de Jean-Marc Bosman
Cerise sur l’Hitoto : dans Ouest-France en 2015, Jean-Marc Bosman, au détour d’un entretien, disait un mot sur ce match au Stadium qui, en plus de son échec au niveau de l’organisation et ce dont il était le symptôme, lui a coûté de l’argent quelques années plus tard : « mes avocats, Me Misson et Me Dupont, que je ne devrais même pas appeler maître eu égard à la façon dont il s’est comporté, se sont disputés pour l’argent. Moi, je terminais le procès. On attendait les dédommagements de FIFpro qui m’a aidé avec Theo Van Seggelen (Néerlandais) et Philippe Piat. Ils m’avaient versé 300 000 €. Mais Misson, lui, retirait 30 % de la somme d’un côté. Et Dupont, alors stagiaire devenu avocat, m’a entraîné dans un match avec Canal + (organisé par Didier Roustan, à Lille) plutôt qu’avec la FIFpro, qui a tourné au fiasco mais sur la recette duquel j’ai dû payer des impôts dix ans plus tard. Au final, eux se sont disputés pour l’argent, et moi, je me suis retrouvé sans rien, après avoir donné beaucoup de libertés et beaucoup d’amour à beaucoup de personnes ».
Aux dernières nouvelles, Jean-Marc Bosman réside du côté de Liège et vit de diverses aides ou de quelques dons. Tous les 15 décembre, la presse rappelle l’anniversaire de « son » arrêt, qui aura 25 ans fin 2020. L’an dernier, l’INA proposait ce portrait :
Posté le 3 septembre 2020 - par dbclosc
1989, la coupe du monde passe par Grimonprez-Jooris
Le 1er juin 1989, dans le cadre des éliminatoires de la coupe du monde 1990, le Luxembourg « reçoit » la Belgique au stade Grimonprez-Jooris. Une aubaine pour les Belges, qui n’avaient pas forcément besoin de l’avantage de jouer presque à domicile pour écarter leurs modestes adversaires et filer vers l’Italie.
À peine le championnat 1988/1989 s’achève sur un carton du LOSC contre Laval (8-0) pour la dernière de Georges Heylens que les éliminatoires pour la coupe du monde 1990 en Italie reprennent. Dès le lendemain de ce mémorable 8-0, le stade Grimonprez-Jooris accueille un de ces matches qualificatifs. Mais étonnamment, ce n’est pas l’équipe nationale française qui joue à Lille : en effet, les Bleus ne reprendront leurs qualifications qu’en septembre, après avoir été tenus en échec par la Yougoslavie fin avril au Parc des Princes. Si Grimonprez-Jooris est sollicité, c’est pour accueillir Luxembourg/Belgique, pour la 5e journée du groupe 7 des qualifications de la zone européenne. En voilà la raison : le seul stade du Luxembourg homologué par la FIFA est en travaux… La fédération luxembourgeoise devait donc trouver une solution de repli à proximité et avait le choix entre Aix-la-Chapelle, Metz et Lille. C’est Lille qui a été choisie, tandis que le Luxembourg « recevra » à Metz en octobre.
« Rijsel-sur-Deûle »
Le sélectionneur luxembourgeois, Philipp, présente ce match comme « un match à la maison transplanté à l’étranger ». À quelques kilomètres de la frontière belge, il ressemble plutôt, pour le Luxembourg, à un match à l’extérieur ! Mais, ont dû penser les dirigeants luxembourgeois, quitte à prendre une branlée, autant que ce soit dans une ambiance festive. En effet, même si la Voix du Nord titre que « les Flandres [sont] province luxembourgeoise d’un soir », c’est plutôt la Belgique qui joue à domicile, avec une forte présence des belges aux abords du stade avant le match : dans un article intitulé Rijsel-sur-Deûle, ont lit que l’« ambiance [est] particulière autour de Grimonprez-Jooris aux alentours de 20h. Du noir, du jaune, du rouge… La Belgique est à Lille ! Les baraques à frites font de l’or (…) Lille est Rijsel pour un soir. Ce qui du reste fait bondir les Suisses, adversaires de la Belgique dans ce groupe 7 ». Les Suisses ont en effet émis une protestation officielle auprès de la FIFA, estimant que ce match joué à Lille, fût-il joué contre le Luxembourg, était un avantage considérable pour les Belges, à qui on offre un cinquième match à domicile dans ces éliminatoires. Leur appel n’a pas été entendu.
Le LOSC a invité ses abonnés soit, à l’époque, 1 500 personnes, qui d’ailleurs ne sont certainement pas toutes venues. Pour être précis, ne souhaitant pas en faire une affaire financière, le LOSC a acheté ces places à la fédération luxembourgeoise, le stade a été « cédé » à titre gracieux, et la recette du match revient à la fédé luxembourgeoise. L’affluence est estimée à 10 000 personnes avec, on peut le supposer, une majorité de Belges.
Une première pour Grimonprez-Jooris… mais pas pour Lille
Si la pelouse a déjà accueilli des clubs étrangers, lors de matches amicaux du LOSC (comme lors de l’inauguration du stade contre le Feyenoord), c’est la première fois que le stade Grimonprez-Jooris accueille une rencontre entre deux équipes nationales. En revanche, la ville de Lille a déjà accueilli une telle rencontre : c’était le 12 juin 1938, au stade Victor-Boucquey (qui ne s’appelait pas encore Henri-Jooris), pour le match de coupe du monde Suisse/Hongrie.
Avant ce match, la Belgique est invaincue dans ce groupe. Chacun s’accorde à dire qu’elle aura un pied en Italie si elle le gagne, mais les Luxembourgeois ont l’intention de se défendre et leur entraîneur met en garde : « en deuxième mi-temps de notre match au Portugal [perdu 0-1], les Portugais n’en menaient pas large ! ». Paul Philipp ne pourra malheureusement pas encourager ses troupes au plus près, car il est suspendu après avoir été expulsé en Tchécoslovaquie pour une obscure raison, ou alors la Voix du Nord n’a pas toutes les pièces du puzzle : « je suis allé donné des consignes à mes joueurs après une demi-heure de jeu. Je ne comprends pas ce qui a motivé la sanction ». Sur le terrain, les Luxembourgeois ont pris 0-4 à Prague, et abordent ce match contre les Belges « sans complexe, ni angoisse. Rien à perdre, évidemment ». Selon la VDN, s’ils sont « habitués aux défaites cuisantes », leur principal atout est avant-centre : Roby Langers, joueur d’Orléans (alors en D2), « celui-là même qui avait fait peur à Monaco et pulvérisé le PSG en coupe de France1 et devrait jouer l’an prochain en D1 ».
Côté belge, le week-end précédent à Bruxelles, les Diables Rouges se sont imposés en amical face à la Yougoslavie, puis ont effectué un stage à Courtrai avant de rejoindre Lille. Alors que le « bordelais » Enzo Scifo est écarté, et Gerets et De Mol sont de retour en défense par rapport au match précédent. En attaque, Guy Thys, qui va fêter sa 100e sur le banc belge en 13 ans, espère soigner la différence de buts en alignant 3 attaquants : Degryse (FC Bruges), Ceulemans (FC Bruges) et Vanderlinden (Antwerp).
Le Luxembourg grandement et froidement dûché
La Belgique ne tarde pas à marquer : après, déjà, quelques petites occasions pour Ceulemans, Vanderlinden ouvre le score de la tête, reprenant une longue touche qui avait rebondi dans la surface (12e). La Belgique domine mais « elle tardait à enfoncer le clou. Soit parce qu’à l’exception de Demol ou de Vervoort, elle n’usait pas suffisamment des tirs à 15-20 mètres, soit parce que Van Rijswijck manifestait une réelle vigilance. Mais il est vrai que le nom de ce dernier signifiant ‘De Lille’, il devait se sentir tout à fait à l’aise sur la pelouse de Grimonprez ! ». Le gardien luxembourgeois se montre ainsi à l’aise alors que sa défense « sans doute sponsorisée par un fabricant d’élastiques » laisse des boulevards. Il est enfin battu sur une frappe de Vervoort, qui heurte la transversale.
Et dans la foulée, le Luxembourg est proche d’égaliser « en profitant d’un magistral loupé de Demol à hauteur de la ligne médiane. Mais si Langers détala comme un lapin, il perdit son face-à-face avec Preud’homme en poussant trop loin son ballon. Où était donc l’avant-centre qui avait donné tant de fil à retordre à Monaco ? »
L’avantage est court à la pause, mais les Diables se détachent en seconde période. Un centre de Vervoort, dévié par Ceulemans, est conclu par Vanderlinden pour un doublé (0-2, 52e). Le futur anderlechtois coupduchapeaute 10 minutes plus tard en transformant un pénalty obtenu par Degryse (0-3, 62e). Le but de la soirée est signé Vervoort, qui envoie un coup-franc en lucarne (0-4, 64e). Vanderlinden y va de son quadruplé pour conclure la soirée (0-5, 89e).
Un résumé du match (RTBF) :
Avec ce carton, la Belgique peut désormais raisonnablement envisager de participer à la coupe du monde 1990, après avoir manqué l’Euro 1988, et tenter de confirmer son excellente quatrième place en 1986.
Après ce match, Guy Thys souhaite « prendre du recul » et se retire. La sélection est confiée à Walter Meeus. Dès la rentrée en septembre, la Belgique bat le Portugal (3-0), et il ne manque alors que 2 points pour terminer le travail. Un premier point est d’abord laborieusement arraché en Suisse (2-2). Puis arrive le match retour contre le Luxembourg, à domicile. La presse est assez critique à l’égard de Meeuws, qui écarte Enzo Scifo au profit de Marc Degryse, estimant que les deux joueurs ne peuvent pas évoluer ensemble. Dans la semaine précédant le match, un festival de buts est annoncé. Mais rien ne va et, malgré l’association Degryse/Scifo, la Belgique cafouille et le Luxembourg domine ! Les Diables ne marquent que par Bruno Versavel à 84ème minute… mais le Luxembourg égalise 2 minutes plus tard ! C’est le premier but luxembourgeois contre la Belgique depuis 1945. Qualifiés sous les huées, les « Diables Rouges de honte » (RTBF) regagnent le vestiaire sur ce score de 1-1.
Au début de l’année 1990, l’équipe nationale perd en Grèce (0-2) et ne peut faire mieux qu’un nul contre la Suède à Liège (0-0). Les résultats et surtout la manière inquiètent et l’Union Belge, craignant de mal figurer au « Mondiale », rappelle Guy Thys. Ce reportage de la RTBF en avril 1990, dans lequel on trouve quelques images de Grimonprez, revient sur le retour de Guy Thys (posté sur la page Les archives du football belge)
En Italie, les Belges passeront le premier tour sans encombre avant de se faire sortir par les Anglais en 8e à cause d’un but marqué à la 119e minute.
Lille, dernière
Si l’on s’en tient strictement à la ville de Lille, ce Luxembourg/Belgique est à ce jour le dernier match international A joué dans la ville, puisque France/Arménie en 1996, des matches de l’Euro 2016, et quelques amicaux joués à Pierre-Mauroy, se sont joués à Villeneuve d’Ascq.
Note :
1 Lors de la coupe de France 1989, Orléans élimine le PSG en 8e en gagnant 4-0 à l’aller au Parc ; 3-3 au retour), puis passe près d’éliminer Monaco (défaite 1-2 à domicile puis 3-3 à Monaco en ayant mené 0-2 puis 2-3).